Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
A suivre…LA FAMILLE DE Mme D'YOUVILLE. — SA NAISSANCE. — SON BAPTÊME. — LA MORT DE SON PÈRE.
(suite)
La mère de notre héroïne était Marie-Renée de Varennes, fille de René de Varennes, gouverneur de Trois-Rivières, et petite-fille du sieur Boucher de Boucherville, aussi gouverneur de cette ville.
M. de Boucherville était renommé dans toute la colonie, tant pour les importants services qu'il avait rendus que pour les grandes vertus qui illustrèrent sa vie. Son souvenir s'est perpétué dans les générations qui ont suivi et fait encore l'admiration de tous les Canadiens-Français.
Faisant ses derniers adieux à ses enfants, dans un testament resté à jamais mémorable et que depuis on relisait chaque année à genoux dans la famille, il laissait à son fils cette suprême recommandation : « Dites à votre sœur de Varennes (Mme de La Jemmerais) que je lui dis adieu et à tous ses enfants, que j'aime et que j'ai toujours aimés. Je leur donne et à elle ma bénédiction. Je les exhorte tous à vivre dans la crainte de Dieu et a s'entr'aimer les uns les autres comme Dieu et la bienséance le demandent. »
Deux frères de Mme de La Jemmerais furent prêtres : M. Charles de La Jemmerais, curé de Verchères, décédé en 1750, et M. Joseph de La Jemmerais, curé de Saine-Famille, Ile d'Orléans, mort en 1756.
Mme de La Jemmerais était aussi la sœur de M. de la Vérendrye, le célèbre explorateur qui découvrit la rivière Rouge et l'Assiniboine, bâtit le fort Saint-Charles, celui de la Reine et plusieurs autres, et dont les fils poussèrent les explorations jusqu'aux Montagnes Rocheuses. Singulière coïncidence, ou plutôt voies étranges de la Providence : les sœurs Grises, fondées par la nièce de l'explorateur canadien, vinrent sur les bords de cette même rivière Rouge, de concert avec les missionnaires, travailler à l'évangélisation des sauvages. Elles furent les premières femmes qui foulèrent le sol de ces froides et lointaines régions pour se dévouer au salut des infidèles.
Un des frères de Mme d'Youville, qui accompagnait son oncle, M. de la Vérendrye, mourut au fort Maurepas, loin de son pays et des siens.
Outre ces trois fils et Mme d'Youville, M. et Mme de La Jemmerais eurent deux autres filles…
pp. 7-8-9
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
A suivre…LA FAMILLE DE Mme D'YOUVILLE. — SA NAISSANCE. — SON BAPTÊME. — LA MORT DE SON PÈRE.
(suite)
Outre ces trois fils et Mme d'Youville, M. et Mme de La Jemmerais eurent deux autres filles. L'une, Marie-Louise, épousa M. Ignace Gamelin, et la dernière, Marie-Clémence, épousa M. Gamelin-Maugras.
Huit prêtres, outre les frères de Mme de La Jemmerais, furent donnés à l'Eglise du Canada par cette famille si chrétienne. (1)
D'un tel père d'une telle mère, d’aïeux et de parents aussi distingués, notre Vénérable ne pouvait que recevoir de bons exemples et hériter de nobles sentiments….
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(1) Les deux fils de Mme d'Youville : François, curé de Saint-Ours, décédé en 1778, et Charles-Marie-Madeleine Dufrost, curé de Boucherville, mort en 1790, qui fut le premier-biographe de sa mère ; Ignace Gamelin, curé de Saint-Philippe, mort en 1799, fils de M. et de Mme Ignace Gamelin, et leur petit-fils, M. Porlier, curé de la Pointe-aux-Trembles ; Pierre-Mathieu Gamelin-Maugras, prêtre de Saint-Sulpice, décédé en 1771, fils de M. et de Mme Gamelin-Maugras, et Clément-Amable Boucher de Labroquerie, curé de Rigaud, mort en 1826, ainsi que Jean-Francois Sabrevois de Bleury, curé de Lachenaie, mort en 1802, leurs petits-fils Mgr Taché, archevêque de Saint-Boniface, était 1'arnère-petit-fils de M. et de Mme Gamelin-Maugras. Dans une brochure intitulée : « Une famille bretonne au Canada, » M. le comte de Palys, parlant de ce dernier évêque, membre lui aussi de cette famille dont il écrit l'histoire, résume en quelques lignes la vie et les travaux apostoliques de Mgr Taché. « Cet illustre prélat » dit-il, évêque à vingt-six ans, après avoir, en évangélisant les sauvages, fait des voyages de quatre à cinq cents lieues partie à pied, partie à la raquette ou avec des chiens, couchant presque tout le temps dehors, sous ce climat rigoureux, vient de mourir en laissant, disent les journaux du pays, le souvenir d'un héros et d'un saint.. » Mgr Taché a donné à toute la descendance de ce vieux sang breton des Dufrost de La Jemmerais la suprême illustration d'un prince de l'Église.
pp. 9-10
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
LA FAMILLE DE Mme D'YOUVILLE. — SA NAISSANCE. — SON BAPTÊME. — LA MORT DE SON PÈRE.
(suite)
Ses pieux parents la présentèrent au baptême le lendemain de sa naissance : elle y reçut les noms de Marie-Marguerite. Elle eut pour parrain Jacques-René Gauthier de Varennes, et pour marraine Marie-Marguerite Gauthier de Varennes.
Rien ne manquait à cette enfant, à qui le ciel réservait un rôle privilégié. Fille de parents chrétiens et nobles, petite-fille d'un gouverneur et d'un saint, ses premières années s'écoulèrent heureuses et souriantes, au manoir paternel. Mais la souffrance, épuration des justes, sillon que les âmes saintes et bénies doivent féconder de leurs larmes et souvent de leur sang, ne devait pas tarder à apparaître dans la vie de Mme d'Youville, et ce fut presque au sortir de son berceau qu'elle la rencontra.
La mort d'un père bien-aimé vint briser l'existence de la petite Marguerite et mettre fin aux quelques années heureuses vécues au sein d'une famille aussi unie que respectée. M. de La Jemmerais, dont les succès militaires avaient été rapides et brillants, avait été promu, en 1705, du grade de lieutenant à celui de capitaine: moins de trois ans après, alors que ses succès passés lui donnaient les plus grands espoirs pour 1'avenir, il était enlevé a l'affection de sa femme et de ses enfants.
Mme de La Jemmerais restait donc seule, avec la tâche d'élever, sans fortune, six enfants en bas âge, dont Marie-Marguerite était l'aînée.
« On sait que la plupart des gentilshommes français qui allaient se fixer au Canada, » dit M. Faillon, « portaient pour tout bien que leur épée et leur bravoure, et que nonobstant les grandes concessions de terres qu'ils obtenaient aisément, leur état de médiocrité n'était pas rendu meilleur par la possession de ces vastes domaines qui ne leur offraient encore que des espérances pour l'avenir.» (1)
M. de La Jemmerais n'était pas une exception à cette règle: il ne possédait d'autre bien que les appointements de sa solde, qui avaient suffi jusque-là à l'honnête entretien de sa famille, mais qui ne lui avaient pas permis d'assurer l'avenir de ses enfants. Notre héroïne se trouvait donc orpheline à sept ans. Nous verrons comment, avec son intelligence précoce et son jugement déjà préparé à comprendre sa position, elle étonna son entourage et les amis de sa famille par une énergie au-dessus de son âge et les belles qualités que les épreuves développèrent en elle.
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(1) Vie de Madame d'Youville, p. 5
pp. 10-11
A suivre : Chapitre II. DÉPART DE Mlle DUFROST POUR LE PENSIONNAT DES URSULINES. — SON SÉJOUR AU COUVENT. — SA PREMIÈRE COMMUNION.
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
CHAPITRE II
DÉPART DE Mlle DUFROST POUR LE PENSIONNAT DES URSULINES. — SON SÉJOUR AU COUVENT. — SA PREMIÈRE COMMUNION.
Par sa naissance et sa position, Mme de La Jemmerais pouvait s'attendre à être protégée : elle le fut en effet. Des amis puissants s'adressèrent à la cour en faveur de cette veuve laissée sans ressources, lui exposant la situation pénible de cette famille, si digne de protection, pour laquelle parlaient bien haut les services rendus par son chef disparu.
M. le marquis de Vaudreuil et M. Raudot, intendant, écrivaient au Ministre de la Marine, le 14 novembre 1708 :
« Le sieur de la Gemmerais, capitaine, est mort cet été. Il laisse une femme et six enfants à la mendicité. C'est une pitié, Monseigneur, que de voir cette famille désolée et hors d'état de pouvoir subsister à l'avenir, si vous ne voulez avoir la bonté de l'aider. Comme vous ne donnerez que l'année prochaine à la compagnie de son mari, si vous vouliez avoir la charité de lui en faire toucher les appointements jusqu'à ce temps, cela l'aiderait beaucoup. Nous ne vous le demandons pour elle que par la grande connaissance que nous avons de sa misère. » (1)
L'année suivante, MM. Raudot, père et fils, intervenaient de nouveau et écrivaient au Ministre : « La dame de La Jemmerais est entièrement dénuée de tout et chargée de six enfants. Nous vous supplions de vouloir bien lui accorder la pension du sieur Berthier, qui se trouve vacante par sa mort." (1) A la suite de ces sollicitations si justement appuyées par les autorités de la colonie, Mme de La Jemmerais obtint enfin, en 1714, cinquante écus, chiffre des pensions données alors aux veuves des officiers.
Mais les amis de la famille comprenaient qu'il fallait faire plus encore pour la veuve de M. de La Jemmerais. Ils voulaient procurer à l'aînée de ses enfants le bienfait d'une éducation soignée et chrétienne, et, grâce à eux, Marie-Marguerite fut placée chez les Ursulines de Québec.
Cette enfant de dix ans ne se sépara pas de sa mère, de ses frères et sœurs, sans en éprouver beaucoup de chagrin. A cet âge, le sentiment qui domine n'est-il pas de ne trouver beau et bon que ce que l'on peut goûter et admirer auprès de sa mère et des siens? Avec sa mère, l'enfant possède tout et ne désire rien ; sans elle, qui peut le séduire ou le charmer?
Ce ne fut donc pas sans tristesse, ni sans verser des larmes amères, que cette petite fille si affectueuse quitta tout ce que son cœur avait connu et aimé…
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(1) Archives de la Marine, Vie de Madame d'Youville, par M. Faillon, p. 6.
(1) Archives de la Marine, Vie de Madame d'Youville, par M. Faillon, loc. cit.
pp. 12-13
A suivre…
Dernière édition par Louis le Mer 22 Aoû 2012, 4:45 pm, édité 1 fois
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
DÉPART DE Mlle DUFROST POUR LE PENSIONNAT DES URSULINES. — SON SÉJOUR AU COUVENT. — SA PREMIÈRE COMMUNION.Ce ne fut donc pas sans tristesse, ni sans verser des larmes amères, que cette petite fille si affectueuse quitta tout ce que son cœur avait connu et aimé jusque-là, pour s'exiler à Québec. Elle n'entrait cependant pas en étrangère au couvent où on la plaçait, elle y était attendue; on l'accueillit avec joie, car sa mère y avait été aussi élevée. Le souvenir de sa grand mère, de sa bisaïeule, de ses tantes, de ses grand'tantes était encore vivant dans la communauté, et Mlle de La Jemmerais y trouvait même l'une de ces dernières, la Mère Saint-Pierre. Cette vénérable religieuse, entrée au monastère le 10 juin 1694, à l'âge de vingt ans, y vécut soixante-dix ans dans la pratique parfaite de toutes les vertus.
(suite)
Avec quelle joie ne reçut-elle pas cette enfant, et avec quel soin ne cultiva-t-elle pas son intelligence si bien douée et son cœur déjà si bien préparé! Il suffit de lire la page que les Ursulines consacrent à Mile Dufrost, dans leurs annales, sous le titre : « Une femme forte au Canada, au dix-huitième siècle, » pour se rendre compte de l'impression qu'elle laissa dans le monastère.
« Une élève des plus distinguées de cette époque, » disent ces annales, « et qui exerça une influence bien marquée sur les temps qui ont suivi, est sans contredit Mlle de La Gesmeraie. Elle était nièce, par sa mère, de nos sœurs de Boucherville, de Varennes et de Muy, et petite-nièce de notre mère Boucher de Saint-Pierre. Elle devint une de ces femmes fortes dont le Canada s'honore à si juste titre. Son éducation ne fut pas négligée et dès sa onzième année on l'envoyait à nos classes. Douce, pieuse, pleine de candeur et d'intelligence, Mlle de La Gesmeraie s'acquit la sympathie et l'estime de toutes. Elle ne perdait pas un instant, et si elle voyait quelqu'une de ses compagnes, moins assidue au travail, chercher à s'amuser pendant les classes ou l'étude, elle se disait à elle-même : ces demoiselles sont plus fortunées que moi, leurs années d'études ne sont pas limitées ; pour moi, je n'ai plus de père, et ma pauvre mère attend avec anxiété mon retour à la maison. Et elle redoublait d'activité et d'application dans l'acquit de ses devoirs. C'est ainsi que Dieu préparait sa jeune servante aux grandes œuvres qu'elle devait accomplir plus tard à la gloire de son nom. »
Comme si elle avait eu l'intuition de ce que Mlle Dufrost devait en effet accomplir plus tard…
pp. 14-15
A suivre…
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
DÉPART DE Mlle DUFROST POUR LE PENSIONNAT DES URSULINES. — SON SÉJOUR AU COUVENT. — SA PREMIÈRE COMMUNION.
(suite)
Comme si elle avait eu l'intuition de ce que Mlle Dufrost devait en effet accomplir plus tard, une de ses maîtresses, sœur Marie des Anges, lui faisait lire « Les saintes voies de la Croix », de l'abbé Boudon, préparant déjà son âme à la vie de souffrances qui l'attendait.
Dans ce monastère, encore tout embaumé du parfum des vertus héroïques de sa vénérée fondatrice, sous l'œil vigilant de femmes aussi distinguées que saintes, quel trésor de piété Mlle Dufrost ne devait-elle pas acquérir !
Les fondateurs de la colonie avaient principalement en vue l'évangélisation des sauvages. Aussi avaient-ils toujours choisi avec soin ceux qu'ils amenaient avec eux, même ceux qui ne devaient travailler qu'au développement du pays. Les mœurs des colons étaient donc restées saines et pures à l'époque de la jeunesse de Mme d'Youville.
A peine cinquante ans s'étaient écoulés depuis que le P. Ragueneau écrivait :
« L'union, la concorde, cimentées par la piété, liaient tous les citoyens de la Nouvelle-France. Chaque habitation avait été placée sous la protection d'un saint, et tous les jours, matin et soir, le chef de la famille, entouré de sa femme, de ses enfants, de ses serviteurs agenouillés au pied de l'image du saint patron, récitait à haute voix la prière, suivie de l'examen de conscience et des litanies de la Sainte-Vierge. »
Et M. l'abbé Casgrain, dans sa « Vie de la Vénérable Mère de l'Incarnation », confirme cette description du P. Ragueneau.
« Si la vie était si pure, dit-il, aux derniers échelons de la société canadienne, on peut juger de sa perfection parmi les chefs qui en étaient les guides et les exemples. Pendant que le nouveau gouverneur, M. d Ailleboust, continuait les précieuses traditions léguées par son prédécesseur, que les missionnaires jésuites donnaient leur septième martyr à 1'Eglise, que M. de Maisonneuve, avec une poignée de braves, faisait de son corps un rempart à la colonie, que les Hospitalières se consumaient auprès du lit des malades, les Ursulines recueillaient les débris encore tout tremblants de cette jeune génération indienne, échappés au massacre des Iroquois, et leur apprenaient à tourner leurs cœurs vers Celui qui essuie toutes larmes et qui guérit toutes blessures.
Quelles pures et intimes jouissances durent enivrer l'âme de la Mère Marie de l'Incarnation, quelles actions de grâces durent monter de son cœur vers Dieu lorsque, promenant son regard sur tout ce qui l'entourait, elle voyait enfin l'entier accomplissement de tous ses vœux : ce pays sauvage ouvert à son apostolat, ces chères néophytes, et surtout ce vaste et beau monastère qui surgissait au sein de la forêt!" (1)
Et après avoir catéchisé et instruit les enfants sauvages…
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(1) Page 375.
pp. 15-16-17
A suivre…
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
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En ces temps d’apostasie où nous sommes, une distance infinie nous sépare de la glorieuse époque de la colonie du temps de Mère d’Youville, de Mlle Mance et de Marguerite Bourgeois. Essayons, nous le petit carré de catholiques fidèles à la Foi de nos ancêtres, de nous montrer dignes et redevables de ces Dames qui furent les piliers, qui tinrent le fort de la Nouvelle-France à tous points de vue…
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Les fondateurs de la colonie avaient principalement en vue l'évangélisation des sauvages. Aussi avaient-ils toujours choisi avec soin ceux qu'ils amenaient avec eux, même ceux qui ne devaient travailler qu'au développement du pays . Les mœurs des colons étaient donc restées saines et pures à l'époque de la jeunesse de Mme d'Youville.
A peine cinquante ans s'étaient écoulés depuis que le P. Ragueneau écrivait:
« L'union, la concorde, cimentées par la piété, liaient tous les citoyens de la Nouvelle-France. Chaque habitation avait été placée sous la protection d'un saint, et tous les jours, matin et soir, le chef de la famille, entouré de sa femme, de ses enfants, de ses serviteurs agenouillés au pied de l'image du saint patron, récitait à haute voix la prière, suivie de l'examen de conscience et des litanies de la Sainte-Vierge. »
https://messe.forumactif.org/t4436p15-vie-de-la-venerable-mere-d-youville#86429
En ces temps d’apostasie où nous sommes, une distance infinie nous sépare de la glorieuse époque de la colonie du temps de Mère d’Youville, de Mlle Mance et de Marguerite Bourgeois. Essayons, nous le petit carré de catholiques fidèles à la Foi de nos ancêtres, de nous montrer dignes et redevables de ces Dames qui furent les piliers, qui tinrent le fort de la Nouvelle-France à tous points de vue…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
DÉPART DE Mlle DUFROST POUR LE PENSIONNAT DES URSULINES. — SON SÉJOUR AU COUVENT. — SA PREMIÈRE COMMUNION.
(suite)
Et après avoir catéchisé et instruit les enfants sauvages, les dignes filles de Marie de l'Incarnation instruisaient et préparaient les enfants des colons à la vie dure et laborieuse qui les attendait.
N'est-ce pas chez les Ursulines que Mlle Dufrost puisa cette force et cette solidité de caractère que l'âme acquiert dans le calme d'une vie réglée et remplie d'enseignements sérieux, et au contact de dévouements incomparables?
La jeune élève se prépara à sa première communion avec une extrême ferveur: les anges durent contempler avec bonheur ce petit cœur si pur, si doux, si bon, recevant, dans un premier baiser, le Dieu qui y déposait une étincelle de son immense amour pour l'humanité, étincelle qui devait se développer plus tard au contact de l'épreuve et embraser son âme, pour les membres souffrants du Sauveur, d'une passion qui ne s'éteignit qu'avec sa vie !
pp. 17-18
A suivre : Chapitre III. RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
CHAPITRE III
RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.
Apres deux ans de séjour au monastère des Ursulines, Mlle Dufrost, à l'été de 1713, fit ses adieux à ses maîtresses et à ses compagnes et revint à la maison paternelle.
La campagne était dans toute sa beauté et son épanouissement; un chaud soleil de juillet baignait de ses flots de lumière le village qui devait son nom aux ancêtres de la jeune élève des Ursulines. Quelle joie pour elle de revoir ce paysage charmant et gracieux qui se mire dans les eaux du grand fleuve, comme pour lui emprunter sa fraîcheur et sa majesté, et que de souvenirs dans ces lieux si chers à son cœur! Voici le clocher de la chère église où si souvent elle est venue, dans le banc seigneurial, assister aux offices avec ses parents ! Voilà le caveau funèbre dans lequel dorment déjà du grand sommeil plusieurs des siens.
Bientôt, à travers un massif d'arbres, elle distingue le manoir de sa famille, qui se détache sur la verdure des bois et des champs, avec son toit aigu et sa pierre blanchie par ce ciment de chaux et de sable qui donnait tant de solidité aux constructions des premiers colons. Toute la famille réunie l'attendait sur le seuil de la maison: sa mère, toute fière de cette gracieuse enfant qui allait bientôt lui être si utile; ses frères et sœurs, curieux de revoir cette sœur aînée dont on leur avait tant parlé chaque jour.
Mais elle, bien que toute pénétrée de la joie du retour, n'avait cependant pas distrait sa pensée de la tâche qu'elle se sentait heureuse de venir remplir auprès de sa mère. Gaie et animée, elle parcourt la maison avec ses sœurs, jette un coup d'œil sur le jardin, visite les dépendances et se rend compte bien vite de la part de travail qui l'attend dans le domaine.
Elle l'avait dit à ses maîtresses, elle l'avait redit à ses compagnes, sa pauvre mère attendait avec impatience son retour au foyer domestique ; aussi devint-elle bientôt une aide précieuse pour Mme de La Jemmerais et une seconde mère pour ses frères et sœurs.
Dans la maison de sa mère, au milieu de sa famille, elle devait être aussi infatigable que nous la verrons plus tard à l'Hôpital Général. Aussi son fils, dans une biographie manuscrite nous la peint-il ainsi : …
pp. 19-20
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Louis- Admin
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.
(suite)
Aussi son fils, dans une biographie manuscrite nous la peint-il ainsi :
« A douze ans, lorsqu'elle revint chez sa mère, elle donna des preuves du profit qu'elle avait tiré de la bonne éducation qu'on lui avait donnée. On la vit devenir l'appui et la consolation de sa mère, dont elle possédait la confiance. Dès lors, on la vit s'efforcer, par son travail, de gagner de quoi faire subsister ses frères et sœurs et leur rendre tous les services dont elle était capable. Aussi eurent-ils toujours pour elle un attachement extraordinaire, attachement accompagné de respect et de confiance, persuadés qu'elle avait pour eux une affection vraiment tendre. C'était leur sœur par excellence. Etant tous parvenus à un âge mûr et ayant embrassé divers états, cette sœur bien-aimée était la dépositaire de leurs secrets.
« Dans leurs chagrins, c'était leur consolation: il leur semblait que sa présence seule adoucissait leurs maux; dans leurs perplexités, c'était leur conseil : ils auraient cru commettre une imprudence s'ils eussent entrepris quelque chose de considérable sans la consulter. Point de compagnie qui valût pour eux celle de leur sœur et, même dans leurs plus grands embarras, ils trouvaient toujours le temps de s'entretenir avec elle. La haute idée qu'ils avaient de sa vertu leur donnait une grande confiance dans ses prières. Il est difficile d'exprimer quelle était leur inquiétude s'ils la savaient sérieusement malade et avec quelle sincérité ils prenaient part à toutes les croix de cette bonne sœur. »
Cette influence exercée par Mlle Dufrost dans sa famille, elle l'avait acquise dès le début de sa vie, lorsque son cœur, qui renfermait des trésors de tendresse et de dévouement, avait habitué les siens à compter déjà si complètement sur elle pour les mille sacrifices de chaque jour. « On ne saurait croire,» dit M. Sattin, « combien elle adoucit à sa mère la tâche d'élever sa jeune famille. » (1)
Pour avoir sitôt conquis une si large place au foyer domestique et dans le cœur des siens, il fallait que cette jeune fille fut douée de qualités supérieures...
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(1) M.Sattin, prêtre de Saint-Sulpice, arrivé au Canada en 1794, a laissé une Vie manuscrite de la Vénérable, fondée sur le témoignage des anciennes sœurs et surtout de la Mère Coutlée, qui avait été formée par la fondatrice. C'est à lui, malgré la brièveté de son récit, que nous sommes redevables des principaux traits de la vie de Mme d'Youville, puisque le premier il avait eu l'heureuse pensée de les recueillir.
pp. 20-21-22
A suivre…
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.
(suite)
Pour avoir sitôt conquis une si large place au foyer domestique et dans le cœur des siens, il fallait que cette jeune fille fût douée de qualités supérieures. Aussi la tradition nous apprend qu’elle avait un esprit sérieux et un jugement solide. Toutes ses paroles étaient marquées au coin de la sagesse et elle ne les prodiguait pas. Elle parlait peu et pensait beaucoup, disent ses biographes. A une exquise sensibilité et à une grande douceur qui étaient le fond de son caractère, elle alliait une volonté qui ne connaissait pas d’obstacle. Cependant cette volonté si ferme savait se plier facilement au besoin et, en femme vraiment supérieure, elle prenait volontiers conseil d’autrui, se défiant de ses propres lumières.
A toutes ces qualités morales Mile Dufrost joignait une grande beauté. Une taille au-dessus de la moyenne, que rehaussaient encore un port noble et un grand air de distinction, en eut peut-être trop imposé, si le sourire bon et agréable d'une bouche parfaite n'avait rassuré les personnes qui l'approchaient. Les yeux étaient noirs, vifs et intelligents, la chevelure abondante, le nez régulier, le teint clair et animé. Une démarche modeste et gracieuse complétait le charme de cette jeune fille que le ciel semblait avoir voulu embellir de tous les dons à la fois.
Une personne aussi accomplie ne pouvait rester ignorée, surtout dans les premiers temps de la colonie, où les habitants ne faisaient pour ainsi dire qu'une grande famille. Les incursions des sauvages, les combats incessants, l'incertitude du lendemain et la distance de la mère-patrie rapprochaient les colons et faisaient communes les joies et les tristesses de chacun.
Mlle Dufrost était donc connue; on savait qu'au manoir de Varennes vivait une jeune fille belle entre toutes, sérieuse, sage, dévouée, et les meilleures familles du pays pouvaient ambitionner de voir leurs fils contracter avec elle une alliance qui promettait nécessairement le bonheur.
Plusieurs jeunes gentilshommes recherchèrent, en effet, la main de Mlle Dufrost, et l'un d'eux, doué de nobles qualités et qui possédait un beau nom et une grande fortune, fut agréé par Mme de La Jemmerais.
Le bonheur allait donc réunir ces deux existences qui semblaient faites pour se compléter. Mais la Providence en avait décidé autrement. Dieu avait sur cette jeune fille des vues que celle-ci n'entrevoyait pas encore et qu'une alliance trop heureuse…
pp. 22-23
A suivre…
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.
(suite)
Mais la Providence en avait décidé autrement. Dieu avait sur cette jeune fille des vues que celle-ci n'entrevoyait pas encore et qu'une alliance trop heureuse aurait pu mettre en péril. II fallait à cette âme privilégiée une autre destinée que celle qu'elle avait rêvée: il lui fallait la souffrance, le renoncement et les sacrifices, pour la préparer au rôle qui lui était réservé.
Aussi devait-elle voir tout d’abord s’évanouir toutes ces espérances qu’un cœur de dix-huit ans fonde sur l’avenir, surtout quand il aime et qu’il est aimé ; puis comme préparation suprême au rôle de mère des pauvres, elle devait contracter une union qui ne servirait qu’à lui donner l’auréole de la maternité, sans les joies d’une affection sincère et chrétienne.
La première épreuve frappa Mlle Dufrost sous la forme d'une cruelle déception, et ce fut sa mère bien-aimée qui lui brisa le cœur, en même temps qu'elle brisait son avenir!
Un médecin irlandais, M. Timothée Sullivan, qu'une mauvaise réputation avait malheureusement précédé au pays, si l'on en croit les biographes de Mme d'Youville, épousa Mme de La Jemmerais, et ce second mariage de sa mère fut l'occasion d'une rupture entre Mlle Dufrost et le jeune homme qu'elle avait distingué.
Etait-ce son titre d'étranger qui prévenait contre M. Sullivan, ou était-ce, en effet, son inconduite ? On ne sait et les contemporains de Mme d'Youville semblent ne rien affirmer de positif sur ce point. Cependant on ne peut s'empêcher de trouver excessive la délicatesse de ce jeune homme ou de sa famille, qui consentit à rompre une alliance si convenable pour un motif dont la fiancée n'était aucunement responsable.
Quelle que soit la vérité sur les antécédents de M. Sullivan…
pp. 24- 25
A suivre…
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.
(suite)
Quelle que soit la vérité sur les antécédents de M. Sullivan, nous devons supposer que sa conduite s'était améliorée, puisque l'on trouve plus tard, dans les Archives de la Marine et dans les lettres de M. de Vaudreuil, des appréciations très favorables sur le
beau-père de Mlle Dufrost, qui changea insensiblement, dit M. Faillon, son nom de Sullivan en celui de Sylvain, que les Canadiens prononçaient plus facilement.
« A l'égard du sieur Sylvain, médecin du roi à Montréal » écrivait le ministre à M. de Beauharnois, « je ne sais si vous êtes bien informé de ses talents. Les principaux officiers de Montréal, les ecclésiastiques et les religieuses de l'Hôtel-Dieu en ont rendu des témoignages très avantageux. »
Mme la marquise de Vaudreuil écrivait aussi, en 1727, au ministre de la Marine: « Le sieur Sylvain, gentilhomme irlandais, dont le père était aussi médecin, ayant épousé la veuve de M. de La Jemmerais, capitaine, qui avait six enfants, sans un sol de bien, en a usé pour cette famille en vrai père. II s'est privé de son nécessaire pour élever ces enfants et leur donner toute l'éducation qu'il lui a été possible. II a fait prêtre l'aîné, Charles Dufrost de La Jemmerais, ordonné en 1726. Le second, qui est cadet dans les troupes, mériterait bien une expectative d'enseigne en second, tant par rapport à lui, qui est un bon sujet, qu'en considération des services de feu Monsieur de La Jemmerais, son père » (1)
Quoi qu'il en fut, le mariage de Mlle Dufrost fut rompu à cause du second mariage de sa mère, et l'on doit dire que ce fut la plus grande grâce de sa vie. En effet, combien l'existence de la Vénérable eut été différente si elle avait épousé le jeune homme de ses rêves et de son choix et si, tout en restant bonne épouse et bonne mère, elle se fut attachée à toutes ces choses qui forment le bonheur et au milieu desquelles l'âme se laisse endormir !
L'épreuve que Mlle Dufrost subit, dans cette circonstance, fut…
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(1) Archives de la Marine, Paris, 1727.
pp. 25-26
A suivre…
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RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.
(suite)
L'épreuve que Mlle Dufrost subit, dans cette circonstance, fut le premier anneau de la chaine douloureuse et ininterrompue qui devait l'attacher de plus en plus à son Créateur, en la détachant chaque jour davantage de tout bien terrestre et mondain. Tout rentra dans le calme, après cet orage, au manoir de Varennes. Mlle Marguerite reprit ses occupations accoutumées et le temps, qui guérit toute blessure, fit oublier à la jeune fille son chagrin et ses espérances envolées.
Trois années s'étaient écoulées, depuis la rupture de ce mariage, lorsqu'un jour on apprit que Mile Dufrost était fiancée à M. François d'Youville, gentilhomme de Villemarie.
M. d’Youville était fils de Pierre You, gentilhomme rochelois qui accompagna M. de la Salle dans son expédition de la Louisiane et signa avec celui-ci l'acte de prise de possession du pays des Arkansas, le 14 mai 1682, au nom du roi de France. (1) En vertu des privilèges accordés aux découvreurs par le roi, Pierre You prit le nom de sieur de Ladécouverte, qu'il porta depuis et sous lequel il est désigné dans les actes officiels. II épousa, en premières noces, une sauvagesse, Elisabeth Miami, dont il eut une fille, Marie-Anne, baptisée en 1694 et mariée le 15 aout 1718 à Jean Richard (2), et, en secondes noces, le 19 avril 1697, Madeleine Just, née à Brèves, en Bretagne. Ils eurent plusieurs enfants, qui s'allièrent aux Migeon de Lagauchetière, aux de Joncaire, etc.
Pierre You mourut le 28 avril 1718, laissant à son fils une honnête fortune et une belle propriété située à l'extrémité occidentale de l'île de Montréal (l'île aux Tourtes) ; il l'avait appelée Ladécouverte, et son fils l'habitait quelques années avant son mariage avec Mlle de La Jemmerais. (3)
Les membres de la famille de M. d'Youville continuèrent, comme leur père, à s'appeler Ladécouverte, tandis que François porta le nom de You d'Youville.
Le jeune homme qui allait épouser Mlle Dufrost était, comme nous venons de le voir, d'une famille honorable. Il avait hérité de son père une certaine aisance ; de plus, il avait belle mine, et les biographes de Mme d'Youville s'accordent tous à dire qu'il était l'un des plus beaux hommes de la colonie.
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(1) Vie de Madame d'Youville, par M. Faillon. Archives de la Marine, 1682.
(2) Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay, vol. 7, p. 491.
(3) M. Faillon, Vie de Madame d'Youville, p. 13
pp.27-28
A suivre : CHAPITRE V
MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.
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CHAPITRE V
MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.
Pour épouser M. d'Youville, Mlle Dufrost quittait sa mère et le toit paternel.
Cette fois les adieux furent déchirants, car non seulement Mme de La Jemmerais voyait s'ouvrir pour sa fille l'avenir nouveau et toujours si incertain de la vie conjugale, mais elle avait la douleur de voir s'éloigner cette enfant bien-aimée qui avait été une compagne pour elle et qui l'avait soutenue par ses sages conseils et son aide énergique. Les frères et sœurs de la jeune fiancée comprenaient combien allaient leur manquer les soins qu'elle leur prodiguait tous les jours et les mille délicatesses inventées par son grand cœur pour adoucir leurs peines d'enfants. La pensée de la savoir heureuse, sous la protection d'un homme qui semblait réunir toutes les qualités d'un bon mari et celles d'un parfait chrétien, pouvait seule les consoler d'une si douloureuse séparation.
Ce fut le 12 août 1722 que M. d'Youville conduisit sa fiancée à l'autel dans l'église paroissiale de Notre-Dame de Ville-Marie.
S'il est beau de voir s'agenouiller aux pieds du Dieu Créateur deux jeunes époux qui viennent le prendre à témoin de leurs serments d'amour et de fidélité, l'expérience de la vie permet cependant de compter tant de déceptions et de tristesses que l'on peut toujours se demander, au passage de ces deux êtres qui viennent de se lier pour jamais, si cette joie qui s'exhale du riant défilé d'une noce aura plus qu'un court lendemain. Hélas ! ne savons-nous pas que trop souvent le bonheur passe aussi rapidement que les fleurs qui parent la mariée et qu'avant même de se flétrir la couronne d'oranger, changée en épines, meurtrira le front de la jeune femme?
Nous verrons que celle dont nous relatons la vie put compter ses jours heureux. En effet, Mme d'Youville fut de celles chez qui ni la beauté, ni la jeunesse, ni la tendresse, ni la vertu ne furent assez puissantes pour enchaîner tin cœur inconstant.
Mme d'Youville, après son mariage, n'eut pas la joie de s'installer chez elle…
pp. 40- 41
A suivre…
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(suite)
Mme d'Youville, après son mariage, n'eut pas la joie de s'installer chez elle, dans cet intérieur que la jeune femme se plaît à embellir et à orner et dont elle sait le plus souvent faire un séjour agréable, où le mari aime à se retrouver entouré de soins et d'affection. Que de ménages n'auraient pas eu une existence aussi ensoleillée si, au début, l'homme n'avait pas été enchaîné par ces mille riens qui sont autant de liens dont la femme sait l'enlacer et qui, avec la tendresse d'un amour vrai et dévoué, aident souvent à assouplir les natures les plus difficiles!
Si Mme d'Youville avait eu la jouissance si légitime d'avoir son foyer domestique, ce petit royaume qui sied si bien à la femme, n'est-il pas permis de supposer qu'elle aurait pu retenir l'affection de son mari ? L'influence de sa belle-mère écartée, la jeune femme aurait peut-être pu, avec sa grande douceur, réussir à changer cette nature rebelle. Soumis à la seule influence de cette femme charmante et bonne, la rude nature de M. d'Youville aurait pu se façonner à cette vie d'affection, de confiance et d'entente qui s'impose si facilement au commencement et qui peut ensuite durer toujours.
Malheureusement Mme d'Youville fut forcée d'aller habiter chez sa belle-mère et, comme il arrive souvent, Dieu le permettant ainsi pour la sanctification des siens, il se trouva que la belle-mère et la bru étaient d'une humeur et d'un caractère tout différents.
Loin de vouloir faire quelques concessions à la femme de son fils, la mère de M. d'Youville exigea que sa belle-fille s'enfermât chez elle, comme si elles avaient été toutes deux du même âge, et la pauvre jeune femme se trouva condamnée à une vie triste et monotone.
Sans être ni frivole ni mondaine, Mme d'Youville aurait aimé à se parer et à fréquenter la société. « Le « monde eut pour elle des attraits,» dit. M. Sattin ; « elle ne fut point ennemie des plaisirs et de la société. »
Les premiers colons avaient peu de distractions …
pp. 41-42-43
A suivre…
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(suite)
Les premiers colons avaient peu de distractions ; comme nous l'avons déjà dit, ils vivaient comme les membres d'une grande famille; les réunions étaient donc intimes et fréquentes, et ils pouvaient ainsi passer plus agréablement les longs hivers et briser la monotonie de leur existence. Ces distractions, pourtant bien légitimes, furent refusées à Mme d'Youville; elle fut obligée, pour vivre en paix, de sacrifier tous ses goûts et de s'enfermer, à vingt ans, avec une vieille belle-mère acariâtre et impérieuse.
Ce que fut cette existence, dans les conditions que nous venons de décrire, on le comprend sans peine. Les souffrances et les contrariétés rencontrées à chaque instant dans ce contact continuel de deux natures peu sympathiques, les renoncements répétés que cette vie si peu en harmonie avec ses goûts exigeait d'elle, auraient été une raison de plus pour Mme d'Youville de s'attacher plus fortement à son mari, si elle avait trouvé chez celui-ci un cœur digne de la comprendre. Mère heureuse, épouse aimée, elle eût alors facilement oublié les tracasseries de sa belle-mère; mais Dieu, qui la voulait sienne et qui avait daigné la choisir pour fonder l'une des plus belles œuvres du pays, la préparait peu à peu à sa mission en lui envoyant ces épreuves, qui dissipaient ses illusions et assuraient son détachement de tout ce qui aurait pu la détourner de sa vocation providentielle. Mme d'Youville, en vivant sous le toit et la tutelle de la mère de son mari, avait appris a sacrifier sa volonté propre et ses gouts les plus légitimes. C'est ainsi que, sans le savoir, la belle-mère entrait dans les desseins de Dieu.
Apres quelques années de cette vie commune et crucifiante, Mme d'Youville mère mourut. Cette mort allait-elle faire réfléchir ce mari indifférent et volage, et la jeune femme allait-elle pouvoir enfin gouter un peu de ce bonheur dont elle était si digne et qu’elle avait jusqu'ici attendu en vain ? Loin de là.
La mère de M. d'Youville avait laissé à son fils en mourant un fort bel héritage; celui-ci profita de cet accroissement de fortune pour se livrer avec plus de liberté à la vie dissipée qu'il menait depuis son mariage. Bien plus, à cette indifférence s'ajoutèrent bientôt le délaissement et l'abandon. Prévenante et affectueuse pour son mari, Mme d'Youville ne reçut en retour que froideur et même dureté. Son cœur délicat et sensible fut brisé de douleur en voyant son amour si vrai et si profond méconnu et repoussé. Ce fut alors qu'elle tourna son âme vers Dieu et qu elle commença à placer en lui toutes ses espérances…
Pp 43-44
A suivre…
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(suite)
Ce fut alors qu'elle tourna son âme vers Dieu et qu elle commença à placer en lui toutes ses espérances.
« Les élus de Dieu » a dit un orateur contemporain, « sont le froment qu'il sème dans les sillons tourmentés de la vie publique ou privée, et qui germent souvent sous la pluie des tempêtes pour donner, à l'heure fixée, la moisson qui enrichit les âmes et l'éternité. » (1)
M. d'Youville avec ses habitudes de plaisir, dépensa bientôt son héritage et le bien que sa femme lui avait apporté; celle-ci se vit obligée de gagner, par son travail, la vie de ses enfants. Elle n'adressa pas de reproches à son mari sur sa conduite et ses extravagances; au contraire, pour le ramener dans le sentier du devoir, elle redoubla de prévenances à son égard, supportant avec la plus grande douceur les peines dont elle était abreuvée.
Cédons ici la plume à son fils, M. Dufrost, que l'on ne pourra certes soupçonner d'exagération, puisqu'il s'agit de son père : "En peu de temps," dit-il, "son mari consuma en divertissements toute sa succession et mit par là son épouse dans le cas de n'avoir pas souvent le nécessaire, quoique, par un travail continuel, elle s'efforçât de pourvoir à son entretien et à sa nourriture. Pour surcroit d’affliction, elle avait un mari fort indifférent et qui n'était pas plus sensible aux différentes infirmités de son épouse que pour une personne qu'il n'avait jamais connue. Cependant jamais on ne l'entendit faire le moindre reproche à son mari, quoiqu'il les méritât grandement, ni même diminuer ses complaisances pour lui."
Ces rudes épreuves élevèrent l'âme de la jeune femme et lui firent comprendre qu'elle ne pouvait plus espérer de bonheur qu'au service de Dieu et dans les œuvres de la charité chrétienne. Après cinq années de cette vie tourmentée, pressée par une grâce intérieure, elle embrassa un genre de vie plus parfait et elle prit la résolution de se donner tout entière à Dieu.
Jeune fille, Mme d'Youville avait aimé le monde…
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(1) Père Ollivier, éloge funèbre du Père Lécuyer.
pp. 44-45-46.
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MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.
(suite)
Jeune fille, Mme d'Youville avait aimé le monde. "Le monde eut pour elle des attraits," nous dit son fils; "elle aima la bonne compagnie et les douceurs de la vie." Une épreuve bien cruelle vint jeter dans son âme une première désillusion.
Jeune femme, elle rêva de nouveau le bonheur dans une union contractée sous les plus heureux auspices; les exigences du caractère de sa belle-mère vinrent assombrir sa vie et la forcer de réfléchir sur la fragilité des espérances humaines. Et quand la mort, faisant disparaître ce dernier obstacle, lui permit de croire à des jours plus sereins, son mari, cette fois, fut l'instrument dont Dieu se servit pour ruiner à jamais ses espérances d'épouse, en la frappant au plus intime de son cœur. Dieu poursuit ainsi souvent les siens en les préparant à devenir grands à ses yeux et dans l'Eglise.
Mais pour s'engager dans une voie nouvelle, il lui fallait un appui, un directeur éclairé; elle jeta les yeux autour d'elle et, guidée par une lumière surnaturelle, c'est à M. de Lescoat, curé de Ville-Marie, digne et saint prêtre breton, qu'elle confia la conduite de son âme.
Celui-ci se chargea d'autant plus volontiers de diriger Mme d'Youville qu'il avait entrevu d'avance les desseins de Dieu sur sa pénitente et qu'il lui avait annoncé sa future mission, comme nous le verrons plus tard.
Elle était depuis trois ans sous la direction de M. de Lescoat, s'exerçant à la vie parfaite, lorsque M. d'Youville mourut d'une fluxion de poitrine, après quelques jours de maladie, le 4 juillet 1730. Elle restait veuve à vingt-neuf ans, avec deux enfants en bas âge et enceinte d'un troisième, qui mourut peu de temps après sa naissance.
En huit années de mariage, Mme d'Youville avait eu six enfants, dont trois étaient morts avant son mari. (1)
La mort de M. d'Youville mettait un terme à ses chagrins domestiques, et cependant sa grande sensibilité lui fit pleurer ce mari si peu digne d'être regretté. "Elle le pleura fort sincèrement et pendant longtemps," dit M. Dufrost.
Non seulement Mme d'Youville restait sans fortune, mais M. d'Youville la laissait chargée de dettes, avec deux enfants à élever et à faire instruire.
C'est à la mort de son mari que commencent à se manifester les desseins de Dieu sur Mme d'Youville. Nature vigoureusement trempée, qui jusqu'ici s'est formée en silence à la pratique parfaite des devoirs de son état et à la patience dans les contrariétés rencontrées chaque jour dans sa vie domestique, son âme, déjà préparée par l'épreuve, va se transformer de plus en plus, sous l'action de la grâce, et acquérir cette souplesse qui en fera l'instrument de la Providence.
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(1) François-Timothée, né le 21 mai 1723, décédé le 17 août 1723; François, né le 26 septembre 1724, ordonné prêtre le 23 septembre 1747, mort le 10 avril 1778 ; Marie-Marguerite-Ursule, née le 3 septembre 1725, décédée le 25 août 1726; Louise, née le 16 décembre 1726, décédée fort jeune ; Charles-Madeleine, né le 18 juillet 1729, ordonné prêtre le 26 avril 1752, décédé le 6 mars 1790 ; Ignace, né le 26 février 1731, décédé le 17 juillet 1731.
pp. 46- 47-48
A suivre : Chapitre VI. Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.
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Chapitre VI. Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.
Avant même la mort de son mari, Mme d'Youville avait déjà été obligée de gagner sa vie et celle de ses enfants, car M. d'Youville, au lieu d'employer son revenu au soutien de sa famille, l'avait, comme nous l'avons vu, dépensé dans une vie d'oisiveté et de plaisirs. Avec son grand sens du devoir, la courageuse mère avait voulu remplacer le père de famille si peu soucieux du bien-être des siens; dans ce but, elle avait établi un petit commerce qui lui fournissait les ressources nécessaires à la vie quotidienne et même le moyen de faire quelques aumônes.
Elle aimait à s'occuper activement des pauvres, pour qui elle éprouvait déjà une tendresse profonde. Elle les visitait; elle leur portait des consolations, en même temps que des secours; sa charité la conduisait même jusqu'auprès des prisonniers, et on la vit tendre la main de porte en porte pour faire enterrer les criminels.
Sachant qu'une vie ordonnée double le temps et les œuvres, Mme d'Youville se levait chaque matin de très bonne heure pour entendre la sainte messe, et, même pendant les froids de l'hiver, elle retournait encore à l'église dans la journée pour faire une visite à Notre-Seigneur, présent dans l'Eucharistie. Elle s'approchait bien souvent du sacrement de pénitence et recevait la sainte communion avec une grande ferveur. Malgré les tempêtes et les tombées de neige qui duraient parfois plusieurs jours, cette vaillante chrétienne trouvait le courage de se frayer un chemin à travers cette neige, dans laquelle elle s'enfonçait souvent jusqu'à la ceinture, et sa ferveur lui faisait trouver agréables ces courses matinales et pénibles qui lui procuraient la messe. Ah ! c'est qu'elle avait compris ce que c'est qu'une messe, pendant laquelle se prononcent « les paroles qui ont fait l'Eucharistie, qui la perpétuent et nous la donnent chaque jour. Si nous les connaissions bien, nous les aimerions, nous les dirions souvent, nous irions chaque jour les entendre, et leur écho vibrerait tout le long du jour à l'oreille de notre cœur." (1)
Les confréries du Saint-Sacrement et de la Bonne-Mort étaient déjà établies à Ville-Marie. Leur but était d'honorer Jésus-Christ dans l'Eucharistie et de prier pour les mourants et pour les âmes du purgatoire. Aujourd'hui encore, comme alors, les membres de ces confréries s'engagent à faire chaque semaine une demi-heure d'adoration. Mme d'Youville s'enrôla dans ces confréries et elle en a conservé les dévotions dans sa communauté. Ainsi, chaque jour, une religieuse fait une demi-heure d'adoration devant le tabernacle, au nom de ses compagnes, et chacune, le jour de sa profession, est inscrite sur le registre de la confrérie de la Bonne-Mort.
La confrérie de la Sainte-Famille, cette autre belle dévotion qui remonte également aux premières années de la colonie, fut aussi l'objet de la prédilection de Mme d'Youville. Dès l'année 1727, on trouve son nom inscrit dans les archives de cette association, dont elle occupa les premières charges jusqu'à la fondation de son Institut.
Mais si la chrétienne agrandissait ainsi le cercle de ses œuvres, ce n'était pourtant pas au détriment de ses devoirs de mère…
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(1) Père Tesnière.
(Note de Louis: Ne pas oublier que nous sommes au XVIIIe siècle, et que ce livre de Mme. Jetté a été écrit il y a plus de 110 ans.)
pp.49-50-51
A suivre…
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(suite)
Mais si la chrétienne agrandissait ainsi le cercle de ses œuvres, ce n'était pourtant pas au détriment de ses devoirs de mère. Elle surveillait avec la plus vive sollicitude l'éducation de ses enfants; elle se considérait comme la dépositaire de ces deux âmes que le ciel lui avait confiées, et le résultat obtenu par la surveillance et la culture de cette vertueuse femme fut digne de ses soins et de son dévouement. Elle en fut bien doucement récompensée par la joie et l'honneur de les voir tous deux élevés au sacerdoce. L'un, plus connu sous le nom de Dufrost, fut curé à Lévis, puis à Boucherville, en 1774, et nommé grand- vicaire l'année suivante. L'autre fils de Mme d'Youville fut curé de Saint-Ours.
Dans ses transports d'amour maternel, la Vénérable ne pouvait-elle pas, en voyant ses enfants voués à la sublime mission du sacerdoce, s'écrier, avec saint Augustin: "Un prêtre! Un saint et digne prêtre! Quel honneur! 0 vénérable dignité des prêtres! Dans leurs mains, le fils de Dieu, comme dans le sein de Marie, est incarné. 0 mystère céleste! Par vous le Père, le Fils et l'Esprit opèrent si merveilleusement que, dans un seul et même moment, le même Dieu qui préside au ciel est dans vos mains en sacrifice."
Non seulement Mme d'Youville pourvut à l'éducation complète de ses fils, mais elle trouva aussi moyen, par son industrie et son travail, de payer toutes les dettes laissées par son mari.
Pour sauver l'honneur de son nom et le transmettre à ses fils digne et respecté, elle eut le courage de doubler son travail, de prolonger ses veilles, de se priver davantage, et, malgré toutes les charges qu'elle s'imposait, elle continuait ses bonnes œuvres, se sentant soutenue dans son travail et ses épreuves par cette foi inébranlable dans la Providence qui fut un des principaux caractères de sa piété. Laissons ici parler M. Sattin, dont l'appréciation est aussi complète que satisfaisante:
« Sa dévotion était solide, mais sans affectation et sans petitesse; ses concessions étaient courtes; ceux qui l'ont connue savent que, sous prétexte de spiritualité, elle n'importuna jamais ses directeurs; les œuvres de charité auxquelles elle se livrait depuis son veuvage avaient pour elle un attrait tout particulier; elle se faisait un honneur de visiter les malades et les pauvres, se retranchant une partie de son nécessaire pour les soulager.
Elle visitait les pauvres de l'Hôpital Général, dont elle raccommodait les vieux haillons, faisant ainsi, sans le prévoir, l'apprentissage d'une œuvre à laquelle elle devait dévouer sa vie.»
Le rôle de M. de Lescoat dans la direction de Mme d'Youville devait…
pp. 51-52-53
A suivre…
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Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.
(suite)
Le rôle de M. de Lescoat dans la direction de Mme d'Youville devait se borner à lui faire sanctifier ses épreuves, à les lui faire accepter comme une épuration et un moyen de se détacher du bonheur terrestre, qu'elle avait semblé chercher jusque-là.
L'âme de la Vénérable, sous cette sage direction, avait pris son essor vers les suprêmes hauteurs où Dieu habite; ses méditations et ses conversations avec son Créateur l'avaient initiée à l'amour des âmes. Elle avait commencé son apostolat; elle édifiait Ville-Marie. Une autre main devait compléter la perfection intérieure de cette âme d'élite et devait être l'instrument plus direct de la grande œuvre que Dieu voulait établir à Montréal.
La mort enleva, à quarante-quatre ans, M. de Lescoat à la vénération de toute la population, au milieu d'une carrière courte, mais saintement remplie. Il mourut en 1733. Il avait dirigé Mme d'Youville pendant six ans.
M. Normant du Faradon devint curé de Ville-Marie à la mort de M. de Lescoat. Arrivé au Canada en 1723 pour aider M. de Belmont, supérieur du Séminaire, il lui succéda à sa mort et remplit les fonctions de curé. (1)
Ce fut à ce digne prêtre que Mme d'Youville confia la direction de son âme quand M. de Lescoat mourut. Comme nos lecteurs le verront plus tard, M. Normant devait avoir une grande part dans la fondation des Sœurs de la Charité.
Il comprit bientôt quel trésor Dieu avait voulu confier à sa sollicitude dans la personne de cette pieuse veuve éprise de charité et de perfection. « Il ne tarda pas,» dit M. Dufrost, « à reconnaître en elle les qualités et les vertus propres à une fondatrice. »
Ville-Marie n'avait alors d'asile de charité que celui des Frères Hospitaliers…
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(1) M. Louis Normant du Faradon naquit au mois de mai 1681, à Châteaubriant, ville du diocèse de Nantes. Il fit ses études à Angers et fut admis dans la compagnie de Saint-Sulpice, à Paris, le 2 novembre 1706. Il y exerça successivement plusieurs emplois importants ; il était chargé de l'économat du Séminaire de Paris lorsque, sur sa demande réitérée, il fut envoyé au Canada, en 1722. (M. Faillon, Vie de Madame d'Youville, p. 21.)
pp. 53-54
A suivre…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
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(suite)
Ville-Marie n'avait alors d'asile de charité que celui des Frères Hospitaliers, qui ne pouvaient accueillir que des hommes. Aussi beaucoup de pauvres et d'infirmes restaient abandonnés. Depuis son veuvage, Mme d'Youville songeait sérieusement à s'occuper d'eux; elle priait en silence et attendait, tout en faisant part à M. Normant de ses désirs et de ses aspirations. Celui-ci accueillit ses projets avec joie. Sur son conseil, elle reçut quelques vieillards et quelques infirmes dans la maison qu'elle habitait. Bientôt elle s'aperçut qu'il lui fallait de l'aide et que seule elle ne pourrait pas suffire à soigner la nouvelle famille qu'elle avait adoptée. Mais où trouver cette aide? A qui s'adresser?
Tout près de chez Mme d'Youville vivait une jeune fille avec qui la pieuse veuve s'était liée d'amitié et que la Providence devait lui donner comme coopératrice de sa fondation.
Louise Thaumur La Source était la fille d'un médecin de Ville-Marie et l'amie intime de Mme d'Youville. Entre ces deux âmes une douce affection s'était établie et la fondatrice, qui n'avait rien de caché pour son amie, lui fit part de ses désirs et de ses espérances. Ce projet de Mme d'Youville trouva dans le cœur de Mlle La Source un écho sympathique; mais comme elle comprenait toute l'importance d'une pareille entreprise, elle hésita beaucoup avant de s'engager vis-à-vis de Mme d'Youville. Elle pria, consulta et fit même une neuvaine avec elle sur la tombe de M. de Lescoat, qu'elle vénérait comme un saint. Après toutes ces hésitations et ces prières, Mlle La Source donna enfin son consentement. Elles s'associèrent ensuite deux autres jeunes filles de familles honorables et d'une vertu irréprochable, Mlles Catherine Cusson et Catherine Demers, et elles passèrent le reste de l'année 1737 à étudier leur projet, à s'affermir dans leur résolution de quitter le monde pour se donner complètement au service des malheureux.
Mme d'Youville n'avait aucune ressource; à peine quelques débris, échappés au désastre amené par les folles dépenses de son mari, avaient-ils été sauvés par sa prévoyance et son économie. Comment allait-elle donc pouvoir fonder une œuvre aussi difficile ?...
pp. 54-55-56
A suivre…
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
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(suite)
Mme d'Youville n'avait aucune ressource; à peine quelques débris, échappés au désastre amené par les folles dépenses de son mari, avaient-ils été sauvés par sa prévoyance et son économie. Comment allait-elle donc pouvoir fonder une œuvre aussi difficile ? Comptant dès lors sur la paternelle providence de Dieu, qui avait mis dans son âme un sentiment extraordinaire d'abandon complet à sa volonté, elle ne se laissa pas effrayer. Malgré les obstacles multiples qu'elle entrevoyait, malgré sa pauvreté, malgré ses devoirs de mère, elle demeura ferme dans sa détermination de dévouer sa vie aux pauvres.
Les historiens de Mme d'Youville l'ont plusieurs fois comparée avec raison à sainte Jeanne de Chantal. Comme son illustre devancière, elle a puisé dans son âme, illuminée par la grâce, la force de sacrifier à Dieu le sentiment le plus fort et le plus légitime qu'un cœur humain puisse éprouver, l'amour maternel ! Et si, comme sainte Chantal, Mme d'Youville trouva l'héroïque courage de se séparer de ses deux fils, comme elle aussi elle avait un cœur doué d'une tendresse qui donnait encore plus de prix à son immolation.
Inébranlable dans sa résolution, la nouvelle fondatrice loua, en 1738, une maison où elle entra, avec ses trois associées, la veille de la Toussaint, après avoir été approuvée par M. Normant qui, en qualité de grand-vicaire, remplaçait l'évêque de Québec. Elles avaient cinq pauvres en entrant dans cette maison : elles en eurent bientôt cinq autres.
Sur le seuil de cette humble demeure, qui devait être le berceau de son Institut, Mme d'Youville se prosterna devant une statue de la Sainte-Vierge, en qui elle avait toujours eu la plus grande confiance, suppliant cette bonne mère de la prendre, elle et ses compagnes, sous sa protection, et lui promettant de consacrer désormais sa vie entière au service des pauvres et des délaissés. Avec quelle bonté celle que l'on nomme la "santé des infirmes " et la "consolation des affligés" ne reçut-elle pas la consécration religieuse des premières filles de la Charité de Ville-Marie!
La Sainte-Vierge a voulu donner à Mme d'Youville et à ses compagnes un témoignage visible de sa prédilection en préservant du feu cette petite statue devant laquelle la fondatrice avait fait ses premières promesses: elle fut retrouvée dans les ruines de l'Hôpital Général après l'incendie qui le détruisit, en 1765. Le piédestal sur lequel la statue reposait fut détruit par le feu; mais la statue elle-même resta intacte. On la conserve avec respect dans la communauté, et c'est à ses pieds que les Sœurs Grises vont demander aide et lumière lorsqu’elles doivent élire une nouvelle supérieure.
Le bien ne se fait pas, même dans le silence et l'humilité, sans exciter des jalousies et des mécontentements….
pp. 56-57-58
A suivre…
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Re: Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)
Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.
(suite)
Le bien ne se fait pas, même dans le silence et l'humilité, sans exciter des jalousies et des mécontentements. Qui ne sait que toute bonne œuvre débute ainsi? M. Normant, avec son expérience, pouvait-il l'ignorer? Il avait déjà entendu des observations malveillantes sur la réunion de Mme d'Youville et de ses compagnes. Dans l'après-midi de leur entrée dans leur nouvelle maison, il vint leur adresser quelques mots d'encouragement et en prit occasion pour leur laisser entrevoir ces persécutions et ces souffrances qui ne leur manqueraient pas. Sa prédiction ne tarda pas à se réaliser. A peine ces pieuses femmes étaient-elles réunies qu'une violente opposition s'éleva contre leur œuvre, menaçant de la détruire si elle n'avait été soutenue par la main toute-puissante de Celui qui a dit : "Ayez confiance, j'ai vaincu le monde."
Les parents de Mme d'Youville, qui n'avaient pas approuvé son projet de quitter le monde, s'unirent aux mécontents et ne lui épargnèrent ni les reproches ni les humiliations.
Le lendemain de son entrée dans sa nouvelle demeure, le jour de la Toussaint, comme Mme d'Youville et ses compagnes se rendaient à la messe paroissiale, des personnes grossières et méchantes les poursuivirent dans la rue, les accablèrent d'injures et leur lancèrent même des pierres. Bientôt on ne se contenta plus de les attaquer ouvertement et en pleine rue, on voulut les détruire par l'arme plus perfide et plus sûre de la calomnie. On les accusa de vendre de l'eau-de-vie aux sauvages. Sotte invention, qui cependant fut bien vite accueillie et répandue. La haine allait-elle au moins s'arrêter là? Non. On ajouta que, non contentes de vendre de l'eau-de-vie, elles s'enivraient elles-mêmes; on leur donna par mépris le nom de "Sœurs Grises", nom que la sainte fondatrice a voulu éterniser, dit M. Faillon (1), en choisissant pour ses filles une robe dont la couleur leur rappellera à jamais cette insulte.
La calomnie devait revêtir une forme encore plus odieuse et plus perfide. On les attaqua dans ce qu'une femme a de plus cher : l'honneur. Les bruits répandus sur leur compte étaient si odieux que le gouverneur, M. de Beauharnois, plusieurs prêtres et plusieurs religieux, ne pouvant croire que toutes ces insinuations fussent inventées, finirent par y ajouter foi. Un religieux, aussi crédule, alla même jusqu'à leur refuser la communion en pleine église, comme à des créatures souillées. Quelles ne durent pas être leurs souffrances et leurs angoisses en se voyant l'objet de pareils soupçons de la part de ceux qu'elles vénéraient? Cependant elles donnèrent à tous le spectacle d'une rare vertu, en supportant avec la plus grande douceur cette douloureuse épreuve. Les compagnes de Mme d'Youville trouvèrent dans son exemple le courage de soutenir la lutte. Dieu les préparait par les mépris et les humiliations à ne compter que sur lui; avec cet appui, Mme d'Youville se sentait assez forte pour braver toutes les tempêtes et assurer le succès d'une œuvre qui devait rendre à Dieu tant de gloire. Cette petite communauté…
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(1) Page 35.
pp. 58-59-60.
A suivre…
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