L'Abjuration du Cimetière SAINT - OUEN (complet)

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Message  Louis Mer 09 Mai 2012, 11:11 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre X

L'ABJURATION DE LA PUCELLE ET LES DEUX SENTENCES.

CONCLUSION.


(suite)

I.

Les deux sentences .

On ne saurait trop le redire : dans ce drame lugubre du cimetière Saint-Ouen, Jeanne a été victime et elle n'a été que victime.

Ce qu'on se proposait, en lui arrachant un acte qu'elle ne pouvait comprendre, c'était, comme nous le disions dans l'Avant-propos, de la frapper mortellement en son honneur déjeune fille, de chrétienne, de Française. De là cette parodie sinistre, avec la mise en scène la plus habile, de l'acte grave et solennel que le Droit désigne sous le nom d'Abjuration. De là cette autre parodie, encore plus sinistre, d'une sentence d'absolution dont le but n'était pas seulement de mener Jeanne à la plus cruelle des morts par la voie inexorable du relaps, mais tout autant de pouvoir proclamer à deux reprises, devant la France, l'Angleterre et la chrétienté tout entière, de la façon la plus solennelle, la honte, l'indignité, l'infamie de la Libératrice d'Orléans, de la victorieuse de Patay, de l'héroïne de Reims.

La Pucelle n'a pu être frappée qu'une fois d'une condamnation capitale. Par deux fois, elle a été clouée au plus ignominieux des piloris ; par deux fois, du haut de son tribunal, l'Évêque de Beauvais, dans la sentence du Procès de chute et dans la sentence du Procès de rechute, a dénoncé aux princes et aux peuples, aux chefs de l'Église et aux fidèles 1, les horribles crimes d'hérésie, de schisme, de sorcellerie, d'invocation des démons, perpétrés par la jeune fille qui avait commis surtout celui d'aimer jusqu'à la mort, jusqu'au martyre, son souverain légitime et son pays.

Le point de départ, la raison d'être de ces deux sentences infamantes ne sont autres que la déloyale, la fausse, l'inique abjuration du cimetière Saint-Ouen. Inique, fausse, déloyale, cette abjuration, du côté des juges, a été tout cela : le lecteur ne peut avoir oublié de quels procédés inavouables, de quels moyens criminels ils ont usé pour l'obtenir.

En revanche, du côté de la victime, le drame du cimetière Saint-Ouen, avec ses incidents douloureux, en ajoutant un nouveau fleuron à sa couronne d'héroïne et de sainte, la rend elle-même infiniment touchante.


Au point de vue humain, les héros, qui n'ont rien de commun avec les faiblesse(s) de l'humanité, nous déconcertent ; ils ont l'air d'appartenir à une autre race que la nôtre, et l'admiration se refroidit en conséquence. Chez Jeanne d'Arc, sans éclipser l'héroïne, l'abjuration montre bien à découvert la femme, la jeune fille, la vierge, avec leurs appréhensions, leurs terreurs, leurs défaillances ; l'on ne peut douter alors que cette Fille de Dieu ne soit elle aussi de notre chair et de notre sang, une véritable fille des hommes. Plus elle est malheureuse, plus elle nous émeut; plus noblement, plus saintement elle souffre, plus on l'admire. Seulement, les larmes jaillissent ; en jaillissant, elles font de cette admiration un sentiment plus qu'humain, un sentiment pour ainsi dire sacré.


____________________________________________________

1. Voir les lettres adressées par le roi d'Angleterre, après le supplice de la Pucelle, aux princes chrétiens, aux prélats et seigneurs de France, et aux cardinaux (Procès, t. I, pp. 485-493.)

Dans ces lettres, le monarque anglais s'étend complaisamment sur les deux sentences, ainsi que sur « les cas, crimes détestables et erreurs qui les motivèrent » (Op. cit., p. 492. )


A suivre : II. Conclusion.


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Message  Louis Mer 09 Mai 2012, 1:57 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre X

L'ABJURATION DE LA PUCELLE ET LES DEUX SENTENCES.

CONCLUSION.


(suite)

I.

Conclusions.

Au lecteur maintenant de formuler la réponse définitive à donner à cette question, sujet de notre Étude :

L'abjuration de la jeune Lorraine, telle que l'histoire la fait connaître, est-elle de nature à ternir sa mémoire? Apparaît-il, dans les circonstances qui la caractérisent, quelque chose qui charge sa conscience, ou flétrisse son honneur? N'ajoute-t-elle pas plutôt à sa gloire?

Étant donnés les faits établis de façon irréfutable dans les pages qui précèdent, à savoir :

1° Que l'abjuration de la Pucelle a été, de la part de ses juges, un coup prémédité de surprise et de violence;

2° Que, pour qu'on en ignorât à jamais la nature et la portée, les juges ont détruit ou fait détruire la cédule authentique ;

3° Que la cédule insérée au Procès est fausse ;

4° Que de la cédule authentique il ne reste que des fragments ;

5° Que dans ces fragments il n'y a rien de répréhensible, et que la partie perdue de la cédule n'était pas moins insignifiante ;

6° Que Jeanne n'a d'ailleurs à peu près rien compris à cette cédule et au sens caché que les juges y attachaient ;

7° Qu'elle ne savait même pas ce que c'était que d'abjurer, et qu'elle ne l'a jamais su, les juges ayant pris leurs précautions pour que personne ne le lui expliquât ;

8° Que par suite, l'abjuration de la Pucelle n'a été, de fait, qu'un semblant d'abjuration, et nullement une stricte et véritable abjuration canonique en cause de foi ;

9° Que, en ce semblant d'abjuration, les juges ont violé ouvertement les règles les plus sacrées de la justice et les prescriptions les plus formelles du Droit naturel, canonique et divin ;

10° Que, dans la situation qui lui était faite, la Pucelle, absolument délaissée, privée de tout conseil, environnée d'embûches, a néanmoins fait ce qui était en son pouvoir pour éviter toute offense de Dieu ;

11° Que, en outre, sous quelque rapport que l'on considère l'abjuration de Jeanne, en elle-même ou dans ses circonstances, on n'y peut relever avec certitude aucune faute, grave ou légère, contre les commandements de Dieu et ceux de l'Église, ni aucune transgression des devoirs de la loyauté, de la délicatesse et de l'honneur ;

12° Que, tout au contraire, jamais, en aucune autre circonstance de sa vie, Jeanne n'a été plus admirable de patriotisme, de force morale et de foi ;

Pour ces raisons, les historiens et les moralistes, les canonistes et les théologiens, qui sont résolus à ne jamais se départir des règles d'une critique sûre et d'une logique irréprochable, admireront autant qu'ils plaindront la victime du drame de Saint-Ouen ; mais, en tout cas, ils ne verront certainement point en elle une hérétique en passe de devenir relapse, et nous ne pensons pas qu'ils songent à la blâmer, encore moins à la condamner.

A suivre : NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.



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Message  Louis Jeu 10 Mai 2012, 6:32 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

NOTE I.

DU SOURIRE DE JEANNE AU MOMENT DE L'ABJURATION.


(Page 40.)

Le témoin Guillaume Manchon n'est pas le seul à signaler ce sourire de la Pucelle au moment de l'abjuration. Le chevalier de Macy rapporte qu'elle fit « un rond », soit en souriant, soit par moquerie « per derisionem fecit quoddam rotundum », au bas de la cédule que Laurent Calot lui présenta à signer. (Procès, t. III, p. 123.)

Le chanoine Guillaume Dudésert dit que Jeanne riait ou souriait en prononçant les paroles de l'abjuration, sur quoi, « un Docteur anglais furieux, qui le vit, s'en prit à l'Évêque de Beauvais, lui disant qu'il agissait mal en acceptant une pareille abjuration, et que c'était une dérision — Quidam Doctor Anglicus præsens in dicta prædicatione et male contentus de re ceptione abjurationis dictæ Johannas, eo quod ridendo pro nuntiabat aliqua verba dictæ abjurationis, dixit Episcopo Belvacensi quod male faciebat admittendo dictam abjuratio nem, et quod erat una derisio. » (Procès, t. II, p. 338.)

L'Évêque de Noyon, Jean de Mailly, déposait ce qui suit « Après ladite abjuration, plusieurs des assistants disaient que ce n'était qu'une farce, et que l'accusée ne faisait que rire. — Post hujusmodi abjurationem, plures dicebant quod non erat nisi truffa et quod non faciebat (Johanna) nisi deridere » (Procès, t. III, p.55.)

Rire ou sourire, un pareil phénomène physiologique ne doit pas surprendre chez une jeune fille qui venait de subir de si profondes secousses morales, et dont les nerfs étaient tendus à l'excès. La détente suivait la tension, et de cette détente Jeanne n'était probablement pas tout à fait maîtresse. Quoi qu'il en fût physiquement, la torture morale par laquelle elle venait de passer avait pris fin, et l'accusée ne pouvait que s'en réjouir. On lui avait fait entendre de séduisantes promesses et, dans son ingénuité, elle ne doutait pas qu'on ne les tînt fidèlement. Elle avait pris aussi ses précautions du côté de la conscience, elle était rassurée. II n'en fallait pas davantage pour que son visage revêtit l'expression souriante que remarquèrent les témoins. Tout bien examiné, parmi les explications qu'on pourrait donner de ce sourire de la Pucelle, cette dernière nous paraît la plus admissible et la plus naturelle.

A suivre : NOTE II. TH. DE COURCELLES ET LA FAUSSE CEDULE DE L'ABJURATION.


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Message  Louis Jeu 10 Mai 2012, 11:47 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE II.

TH. DE COURCELLES ET LA FAUSSE CÉDULE DE L'ABJURATION.


(Page 58 et suiv.)



Nous avons entendu J. Massieu déclarer péremptoirement que la cédule redite et signée par la Pucelle n'avait rien de commun avec l'abjuration insérée au Procès. Qui a rédigé le texte de cette abjuration fausse, et en a-t-on aperçu quelque trace avant que Jeanne signât? Et, si on en a aperçu des traces, n'y a-t-il pas là une confirmation grave du fait de la substitution opérée par L. Calot ? La déposition du Docteur de Paris, Thomas de Courcelles, quelque entourée de réticences qu'elle soit, va nous fournir quelques lumières.

« Interrogatus quis fecit schedulam abjurationis, quæ cotinetur in processu, dicit quod nescit. — Qui a fait la cédule d'abjuration insérée au Procès? Le témoin l'ignore.

« Nec etiam scit quod eidem Johannæ fuerit lecta aut data intelligi. — Il ignore également si la cédule fut lue à l'accusée par avance, et si on la lui expliqua. »

Au moment où l'Evêque de Beauvais interrompit la lecture de la sentence, « que fut-il dit à Jeanne et que répondit-elle? Le témoin ne s'en souvient pas davantage — Non recordatur quid dictum fuerit eidem Johannæ, nec quid ipsa respondit. »

Ce dont il se souvient, par exemple, c'est « que maître Nicolas de Venderès fit une cédule commençant par ces mots: Quo tiens cordis oculus; mais est-ce la cédule insérée au Procès? Il l'ignore. »

Qu'on remarque bien ce qu'ajoute le Docteur de Paris « Il ne sait pas non plus s'il a vu cette cédule dans les mains de maître Nicolas avant l'abjuration de la Pucelle, ou après; mais il croit qu'il l'y vit avant. » (Procès, t. III, pp. 60, 61. )

Ce qui se dégage de cette déposition embrouillée à dessein, le voici :

1° La cédule d'abjuration ne fut ni lue avant le « prêche », ni expliquée à la Pucelle: Erard ne la lui avait exhibée et lue qu'après.

2° Nicolas de Venderès est le rédacteur, ou du moins le transcripteur de la fausse cédule, car c'est par les mots cités plus haut que commence le texte latin de la cédule que contient le Procès: « Quotiens humans mentis oculus... » (Procès, t. I, p. 448.) Cordis oculus, ou humans mentis oculus, c'est absolument la même chose;

3° Enfin, cette cédule se trouvant entre les mains de Venderès avant l'abjuration, tout s'explique. Des mains du Docteur, elle passe entre celles de L. Calot, et Calot l’a fait signer, après la cédule de Massieu, par la Pucelle.

Que le secrétaire du roi d'Angleterre ait présenté à Jeanne le texte latin ou la traduction française de ladite cédule, peu importe; il lui présenta le texte que lui remit ou lui fit remettre Nicolas de Venderès, et la Pucelle qui ne pouvait se rendre compte de la supercherie, le laissa faire.

A suivre : NOTE III. LES TEMOINS ROUENNAIS DE L'ABJURATION
ET LA PARTIE PERDUE DE LA CÉDULE AUTHENTIQUE.

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Message  Louis Jeu 10 Mai 2012, 3:07 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE III.

LES TEMOINS ROUENNAIS DE L'ABJURATION ET
LA PARTIE PERDUE DE LA CÉDULE AUTHENTIQUE.


(Page 80 et suiv.)

Il est bon que le lecteur puisse contrôler le jugement que nous croyons devoir porter sur la partie perdue de la cédule d'abjuration et sur son contenu. L'analyse des dépositions des divers témoins, rapprochée des dépositions déjà citées, rendra cette tâche facile.

Les témoins qui déposèrent sur les conditions dans lesquelles se produisit l'abjuration de Jeanne se rangent en trois catégories. Il y a d'abord celle des assesseurs qui assistèrent au prêche de Saint-Ouen et qui six jours après, opinèrent pour la condamnation de l'accusée

Une deuxième catégorie comprend les autres témoins qui se trouvèrent assez proche de Jeanne pour tout voir et entendre.

Dans la troisième catégorie, rentrent les témoins qui ne purent voir et entendre que d'assez loin.

Examinons le langage tenu par les uns et les autres.


I. Des assesseurs du Procès.


Nous ne nous occuperons que des assesseurs de l'Evêque de Beauvais qui prirent part à la délibération finale du Procès de la Pucelle, à cause de l'intérêt majeur qu'ils avaient à ne pas négliger les circonstances de l'abjuration qui auraient pu justifier leur conduite ou l'excuser.

Dix de ces assesseurs comparurent devant les commissaires enquêteurs de la réhabilitation; tous les dix avaient adhéré à la délibération de l'abbé de Fécamp et opiné que la Pucelle, étant hérétique et relapse, devait être livrée au bras séculier. C'étaient les maîtres et docteurs Pierre Migiet, prieur de Longueville-Giffard, Thomas de Courcelles, le rédacteur et traducteur du Procès, Jean Lefèvre, André Marguerie, Nicolas Caval, Guillaume Dudésert, Jean Tiphaine, Guillaume Delachambre, Frère Isambard de la Pierre et Frère Martin Ladvenu.

On peut joindre aux noms de ces Docteurs ceux de Jean Beaupère et de Jean de Mailly, Évêque de Noyon, qui occupaient sur l'estrade d'honneur deux des premières places. C'est chose notable qu'aucun de ces témoins, interrogé sur l'abjuration de la Pucelle, n'a insinué quoi que ce soit de nature à charger l'accusée. II est probable que plus d'un savait, cependant, ou pour l'avoir vu lui-même, ou pour en avoir été instruit, ce que contenait la cédule authentique. S'ils en ont oublié le contenu au point de ne se souvenir de rien, et de ne trouver rien à en dire dans leurs dépositions, c'est qu'il n'y avait rien qui pût les frapper, c'est que ladite cédule ne contenait aucun article pouvant servir à leur propre justification. Ces articles étaient donc tous insignifiants, et on les avait rédigés ainsi afin qu'ils n'éveillassent pas les défiances de la Pucelle.

Parcourons les dépositions des témoins susnommés :…

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Message  Louis Ven 11 Mai 2012, 6:19 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE III.

LES TEMOINS ROUENNAIS DE L'ABJURATION ET
LA PARTIE PERDUE DE LA CEDULE AUTHENTIQUE.


(suite)



I. Des assesseurs du Procès. (suite)

Parcourons les dépositions des témoins susnommés : Thomas de Courcelles. — Nous avons reproduit plus haut sa déposition Elle ne dit rien du contenu de la cédule de l'abjuration, ni en bien ni en mal.

Jean Beaupère. — Ce Docteur ramène ce contenu à la soumission de l'accusée à l'Église. « Et ainsi fit-elle », dit-il (Procès, t. II, p.21.). Ainsi, d'après maître Beaupère, tout le sérieux de la cédule était concentré en cet article

Guillaume Dudésert. — Ce témoin ne mentionne également que la soumission au jugement de l'Église, et il nous a fourni l'un des éléments à l'aide desquels nous avons reconstitué en partie le vrai texte de la cédule (Procès, t. II, p 338. ) Notez qu'il parle de la soumission au jugement de l'Eglise, non à celui du tribunal de Rouen.

André Marguerie. — Ce témoin ne nous dit qu'une chose : c'est que la question de la soumission à l'Église fut une des principales causes pour lesquelles on exigea de Jeanne une rétractation — Fuit una de causis quare processum est contra eam ad revocationem. (Procès, t. III, pp.183-184.)

Nicolas Caval. — Ce chanoine de Rouen dit qu'il ne sait rien. (Ibid., t. II, pp. 335-337.)

Pierre Migiet. — Ce prieur de Longueville-Giffard ne dit rien de la cédule même. II se borne à rappeler avoir ouï de Jeanne « qu'elle voulait obéir à Dieu et à l'Église ». (Ibid., t. II, p. 302)

Dans une deuxième déposition, il ajoute que l'accusée fit attendre assez longtemps sa rétractation (Ibid., t. III, pp. 130-131)

Le même témoin atteste aussi que la lecture de la cédule n'excéda pas la récitation d'un Pater noster (Ibid., t. III, p. 132) — Quantum ad factum abjuratioms, durabat totidem, vel circiter, sicut Pater noster.

Les dominicains Isambard de la Pierre et Martin Ladvenu ne citent rien de l'abjuration prononcée par la Pucelle Frère Ladvenu remarque cependant que le fait de la soumission de Jeanne à la détermination de l'Église n'était pas contesté par les juges (Ibid. t. II, p. 366; t. III, p.168.)

Jean Tiphaine. — Rien de la cédule (Ibid., t. III, p 46. )

Jean Lefèvre. — Pas davantage (Ibid, t. II, pp. 368-369.)

Guillaume Delachambre. — Nous avons appris de lui des choses importantes; mais sur le contenu de la cédule, il a gardé le silence.

Jean de Mailly, Évêque de Noyon — Ce prélat ne nous apprend rien non plus sur le contenu de la cédule. II rappelle que si Jeanne la signa, ce fut vaincue par les prières des assistants. « Illud quod fecit in hujusmodi abjuratione, fecit precibus adstantium devicta. » (Ibid., t. III, p.55)

Il n'y a donc rien de mieux établi que le silence des douze témoins susnommés sur le contenu de la cédule d'abjuration. Or, ce silence, nous le répétons, est la preuve irréfragable que cette cédule ne contenait rien de nature à les justifier, puisqu'ils n'en ont point fait usage, quelque intérêt puissant qu'ils eussent à le faire. Donc, par cela même, ledit silence prouve que la cédule de l'abjuration ne contenait rien qui pût se retourner contre la Pucelle.

A suivre : II. Des témoins qui se trouvèrent assez proche de Jeanne pour tout voir et entendre.

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Message  Louis Ven 11 Mai 2012, 10:25 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE III.

LES TEMOINS ROUENNAIS DE L'ABJURATION ET
LA PARTIE PERDUE DE LA CEDULE AUTHENTIQUE.


(suite)

II. Des témoins qui se trouvèrent assez proche de Jeanne pour tout voir et entendre.

Nous avons nommé ces témoins dans le texte de notre Dissertation et nous avons rapporté leurs témoignages. C'étaient les notaires-greffiers G. Manchon, G. Colles, dit Bois-Guillaume, et Nicolas Taquel; c'était encore l'huissier Jean Massieu, le chevalier Aimond de Macy et le bourgeois Jean Moreau.

Dans les dépositions du prêtre Jean Massieu, il y a lieu de relever le conseil important qu'il donna à la Pucelle, lorsque Erard la somma d'abjurer Jeanne le suppliant de la conseiller, Massieu lui dit qu'elle devait avant toutes choses ne s'en rapporter de son abjuration qu'à « l'Église universelle », et demander que les articles de la cédule fussent soumis à ladite Église (Procès, t. II, pp 17 et 331.) Jeanne saisit l'importance du conseil. Elle demanda sur-le-champ que « lesdits articles fussent examinés et jugés par l'Église ». On sait la réponse d'Erard :

« Tu abjureras présentement, ou tu seras brûlée aujourd'hui même. » (Ibid.) Cette réponse ne fit que confirmer l'accusée dans sa ferme résolution de ne se soumettre totalement qu'à l'Église, et conditionnellement seulement à ses juges, comme nous l'avons inféré du langage tenu par Cauchon lui-même (Voir notre Chapitre V, pp.74-76)

Pour G. Manchon, nous avons précédemment rappelé ce passage d'une de ses dépositions, car il déposa jusqu'à quatre fois:

« A ce moment-là (celui qui suivit la suspension de la lecture de la sentence), Jeanne répondit qu'elle était prête à se soumettre à l'Église — His intermediis, ipsa Johanna respondit quod erat parata obedire Ecclesiæ. » (Procès, t III, p. 147.) Alors, ajoute-t-il, « on lui fit prononcer une abjuration en conséquence — Tunc fecerunt sibi dicere hujusmodi abjura tionem. »

Voilà le seul souvenir que l'honnête notaire ait gardé de la matière de l'abjuration Nous avons vu qu'il en fut de même de maître Beaupère et du chanoine G. Dudésert. Il est à croire que, si la Pucelle eût révoqué ses révélations en ce même moment, l'un ou l'autre des six témoins qui étaient tout proche l'eût remarqué et, l'occasion se présentant, l'eût signalé.

De leur silence à tous, nous tirerons la conséquence que nous avons tirée du silence des douze assesseurs, à savoir que la partie perdue de la cédule ne contenait que des choses à première vue insignifiantes.

A suivre : A suivre : III. Des autres témoins de l'abjuration.


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Message  Louis Ven 11 Mai 2012, 5:03 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE III.

LES TEMOINS ROUENNAIS DE L'ABJURATION ET
LA PARTIE PERDUE DE LA CEDULE AUTHENTIQUE.


(suite)

III. Des autres témoins de l'abjuration.

Voici d'abord ceux qui ont ouï et retenu quelque chose Ce sont le prêtre Pierre Bouchier et Pierre Cusquel, bourgeois de Rouen.

Nous avons cité maintes fois la déposition du premier mentionnant la « soumission de Jeanne à l'Église ». Le second entendit l'accusée, lors du sermon de Saint-Ouen, déclarer qu'elle ne voulait rien soutenir qui fût contre la foi catholique. (Procès, t. II, pp. 323, 348. )

Les témoins Jean Marcel, Jean Lenozolles, Jean Monnet, Laurent Guesdon, disent ne rien savoir de ce qu'on exigeait de la Pucelle, nous l'avons déjà noté.

Les autres témoins rouennais ou ne parlent pas du prêche de Saint-Ouen, ou se contentent de dire qu'ils y étaient présents.

Les témoignages de cette troisième catégorie, rapprochés des précédents, suggèrent trois réflexions:

1° Il nous paraît avéré que la soumission à l'Église a été le point doctrinal le plus important de la cédule de l'abjuration;

2° Pour les autres articles que nous avons recueillis, ils n'offraient qu'un intérêt très relatif, puisque, sur plus de vingt témoins, trois en tout les ont remarqués, mais isolément et comme au hasard, chacun de ces témoins évoquant un seul article;

3° Si ces seuls articles ont fait quelque impression sur les assistants, que devait-il en être des autres ! Ou bien ceux-ci se bornaient à développer, en le variant, l'article de la soumission à l'Église; ou bien ils étaient tels qu'on ne pouvait les remarquer.

De là cette conclusion, qu'on ne peut rien inférer de défavorable à la Pucelle, de la partie de la cédule restée inconnue.

A suivre : NOTE IV. ESSAI DE RECONSTITUTION INTÉGRALE DE LA CÉDULE AUTHENTIQUE.

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Message  Louis Sam 12 Mai 2012, 7:00 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE IV.

ESSAI DE RECONSTITUTION INTEGRALE DE LA CEDULE AUTHENTIQUE.



(Page 82 et suiv.)

Peut-être sommes-nous en possession de toutes les parties de la cédule authentique de l'abjuration de la Pucelle. Le lecteur en jugera, lorsqu'il se sera fait une opinion arrêtée sur les textes suivants:

1° Un des témoins rouennais dont il a été déjà question, le bourgeois Jean Moreau, qui déposait avoir été présent à la scène de Saint-Ouen: « Ipse fuit præsens in Sancto Audœno », ajouta « Je vis bien qu'on lisait à Jeanne une cédule, mais qu'y avait-il dans cette cédule? je l'ignore Je me souviens toutefois qu'il était dit qu'elle avait commis le crime de lèse majesté et qu'elle avait séduit le peupleVidit etiam ipse loquens quod eidem Johannæ legeba tur quædam schedula; sed QUID IN EA CONTINEBATUR, nescit; RECORDATUR TAMEN QUOD DICEBATUR quod commiserat crimen læsæ majestatis, et quod seduxerat populum ». (Procès, t. III, pp. 193-194. Déposition dudit Jean Moreau. ) Y a-t-il la un autre fragment de la cédule en question?

On ne peut répondre qu'après avoir montre quel sens l'on doit donner au mot dicebatur, dans la phrase recordatur tamen
quod dicebatur.


Faut-il entendre: dicebatur IN EADEM SCHEDULA; ou bien: dicebatur IN TURBA, A CIRCUMSTANTIBUS ?

L'interprétation dicebatur IN EADEM SCHEDULA a pour elle le fait que le recordatur tamen semble opposé à nescit quid in ea continebatur et le restreindre. Car, s'il s'agit d'un point connu restreignant le sens de nescit, il s'ensuit qu'il faut lire recordatur quod dicebatur in ea, les ellipses ou sous-entendus tels que ceux de in ea étant d'usage courant en cas semblable.

Il est vrai que dicebatur, dans les auteurs latins, est tantôt traduit par on disait, tantôt par on y disait, il y était dit. Dans le cas dont il s'agit, comment discerner celle de ces deux traductions qu'il convient d'adopter? On le discerne ordinairement à l'aide du contexte. Or, dans le contexte de la déposition citée, il est parlé de la cédule, quid in ea continebatur, il n'est jamais parlé de la foule et des assistants, on n'y lit ni in turba, ni ab adstantibus.

L'interprétation dicebatur IN SCHEDULA semblerait donc mieux justifiée que l'interprétation dicebatur IN TURBA. Dans ce cas, la partie reconstituée de la cédule authentique comprendrait de plus ces mots : « Je, Jehanne, confesse avoir commis le crime de lèse-majesté et avoir séduit le peuple. »

Reste à savoir si ce langage de la Pucelle ne charge pas sa mémoire.

Et d'abord, ce passage n'est-il pas un de ceux auxquels Jeanne n'avait rien compris ?

Supposé qu'elle y ait compris quelque chose, il n'en résulte rien contre elle. Quoique sa conscience ne lui reprochât rien, comme elle voulait être bonne chrétienne, Jeanne se rapportait à l'Eglise et à ses juges de ses dits et faits.

Or, ses juges lui affirmaient qu'elle s'était rendue coupable du crime de lèse-majesté et qu'elle avait séduit le peuple.

Jeanne ne s'en doutait pas. Devant l'affirmation réitérée du tribunal, elle suspendit et soumit son jugement. Elle voyait en l'Evêque de Beauvais le représentant de Dieu; par humilité et par esprit de foi, elle s'en rapporta conditionnellement à son appréciation. Qui songerait à l'en blâmer? Ainsi voyons-nous les saints, même dans les circonstances où éclate leur sainteté, soumettre leur jugement à celui de leurs supérieurs et se proclamer de grands coupables.

Dans la conjoncture présente, toutefois, la Pucelle ne se soumet à ses juges que conditionnellement, elle ne le fait absolument qu'à l'Église et au Souverain Pontife, parce que l'Église et le Souverain Pontife seuls peuvent porter sur ses dits et faits un jugement souverain.

2° Un passage déjà cité du Procès officiel va nous fournir la matière probable d'un dernier fragment de la cédule authentique…


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Message  Louis Sam 12 Mai 2012, 11:24 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE IV.

ESSAI DE RECONSTITUTION INTÉGRALE DE LA CÉDULE AUTHENTIQUE. (suite)




2° Un passage déjà cité du Procès officiel va nous fournir la matière probable d'un dernier fragment de la cédule authentique; matière probable seulement, parce que, à part le rapport frappant qui apparaît entre le sens de ce passage et l'objet de l'abjuration de la Pucelle, aucune autre raison n'autorise à dépasser les bornes d'une simple probabilité

En ce passage, l'Evêque de Beauvais, à propos du fait de l'abjuration, s'exprime ainsi:

« Plusieurs fois l'accusée a dit que, puisque les gens d'Église disaient que les apparitions et révélations qu'elle, Jeanne, disait avoir eues, n'étaient ni à soutenir, ni à croire, elle ne voudrait pas les soutenir, mais elle s'en remettait du tout à notre mère la sainte Eglise et à nous ses juges (Procès, t. I, p 446) — Dixit que PLURIES quod postquam viri ecclesiastici dicebant quod apparitiones et revelationes quas dicebat se habuisse, non erant sustiniendæ nec credendae, ipsa NON VELLET eas sustinere, sed EX TOTO SE REFEREBAT SANCTÆ MATRI ECCLESIÆ et nobis judicibus. »

En présence de ce langage de P Cauchon, il n'y a aucune invraisemblance à penser que la partie essentielle en avait été exprimée de façon obscure ou équivoque dans la cédule et rattachée à l'article de la soumission de Jeanne à la détermination, au jugement et aux commandements de l'Église. Avec ces additions, nous aurions le texte suivant :« Je, Jehanne, promets de ne plus porter à l'avenir l'habit d'homme, ni des armes, ni les cheveux courts. Je confesse avoir commis le crime de lèse majesté et avoir séduit le peuple. Je me soumets à la détermination, au jugement, aux commandements de l’Eglise, et pour les apparitions et révélations que j'ai dit avoir eues, je m'en rapporte totalement à notre mère la sainte Eglise. »

Il y a là plus que le Pater noster et la matière d'au moins sept ou huit lignes de grosse écriture.

A suivre : NOTE V.

DES PRÉTENDUS ÉCLAIRCISSEMENTS DONNÉS A
LA PUCELLE SUR LE CONTENU DE LA CÉDULE D'ABJURATION.


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Message  Louis Sam 12 Mai 2012, 4:04 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE V.

DES PRETENDUS ECLAIRCISSEMENTS DONNES A
LA PUCELLE SUR LE CONTENU DE LA CEDULE D'ABJURATION.


(Page 94 et suiv.)

On peut voir une fois de plus combien est étrange et inexplicable l'affirmation que nous avons relevée chez J. Quicherat, chapitre VI, de prétendus éclaircissements qui auraient été donnés à la Pucelle sur les points principaux de l'abjuration. Pas un fait minuscule, pas une ombre de témoignage que l'on puisse alléguer à l'appui de cette affirmation. J. Quicherat ajoutant que ces éclaircissements auraient été donnés sur la place Saint-Ouen, il serait fort empêché de dire à quel moment et par qui ils l'auraient été.

Les seuls personnages qui eussent pu les donner sont Erard et Massieu. Or, il a été prouvé qu'Erard défendit à Massieu d'adresser la parole à la Pucelle, et qu'il se borna personnellement à la menacer, la tromper, la terrifier (Procès, t. II, p 331. ) Prouver cela, c'est prouver que les prétendus éclaircissements n'ont pu trouver place avant l'abjuration.

Les placera-t-on alors après l'abjuration? Mais les incidents qui se produisirent, le tumulte qui éclata ne le permettent pas davantage. L'attention générale était absorbée par les cris menaçants et les voies de fait auxquelles se portèrent les Anglais; elle l'était par l'altercation de l'Évêque de Beauvais avec un chapelain du roi d'Angleterre, altercation qui ne se termina que par l'intervention personnelle du Cardinal de Winchester Dès que ladite altercation eût cessé, P. Cauchon reprit la lecture de la sentence qu'il poursuivit, cette fois, sans interruption jusqu'à la fin.

Il reste donc établi, par des témoignages décisifs et par des faits indéniables, qu'aucune explication n'a été fournie à la Pucelle sur la nature et la teneur de l'abjuration, soit avant, soit pendant, soit après la scène de Saint-Ouen, et que, sur la place Saint-Ouen en particulier, aucune explication ne lui a été donnée et n'a pu lui être donnée.

A suivre : NOTE VI.
QUE LA CEDULE D'ABJURATION NE FUT PAS EXPLIQUEE A LA PUCELLE.

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Message  Louis Dim 13 Mai 2012, 6:22 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE VI.

QUE LA CÉDULE D'ABJURATION NE FUT PAS EXPLIQUÉE A LA PUCELLE.


(Page 111 et suiv.)

Les détails produits par J. Massieu sur l'abjuration de Jeanne nous ont appris que G. Erard s'inquiéta peu que l'accusée comprît ou ne comprît pas la cédule dont on lui donna lecture; ou plutôt, ledit Erard s'inquiéta fort d'empêcher que Massieu mît Jeanne à même de la comprendre.

Henri Martin dit que « l'appariteur Massieu expliqua à Jeanne ce que c'était qu'abjurer » (Jeanne d'Arc, p 260, in-12, Paris, 1857.) C'est une erreur. Massieu expliqua à l'accusée le danger qu'elle courait, mais il ne lui expliqua pas ce que c'était que d'abjurer. Ce danger consistait en ce que, « si elle allait à l'encontre d'aucun desdits articles (lus par Erard), elle serait arse (brûlée) » (Procès, t. II, p 17. ) Massieu conseilla, de plus, à Jeanne de s'en rapporter, de son abjuration, « à l'Église universelle » ; mais il n'eut pas le temps de lui apprendre autre chose.

De son côté, G Manchon a dit « Je n'ai pas souvenance que la cédule d'abjuration ait été exposée à la Pucelle; elle ne lui a été lue qu'au moment même où elle prononça ladite abjuration — Nec est memor quod Johannæ fuerit exposita schedula abjurationis, nec lecta, nisi instante quo fecit abjurationem. » (Procès, t. III, p 147.)

Cette déposition vient à l'appui de ce que nous avons dit de la violation par les juges de la règle qui les obligeait à mettre l'accusée en état de comprendre ce à quoi elle s'obligeait, en prononçant la formule d'abjuration.

S'ils ne reculèrent pas devant cette violation, c'est qu'il leur fallait à tout prix une abjuration ou un semblant d'abjuration, afin de jouer la comédie de la miséricorde et de préparer la tragédie du relaps.

Dans le cours du chapitre VII 1, nous n'avons pas mentionné expressément la violation, par les juges de la Pucelle, de la règle qui voulait que le formulaire de l'abjuration spécifiât les hérésies que l'abjurante avait professées, ou qu'elle était soupçonnée d'avoir soutenues. II est certain que ces hérésies ne figurèrent que par leur absence sur la cédule authentique ce que nous avons dit au chapitre V 2 du contenu de celle-ci l'établit surabondamment.


__________________________________________________________

Notes de Louis :

1. https://messe.forumactif.org/t4160p60-l-abjuration-du-cimetiere-saint-ouen#80824

2. https://messe.forumactif.org/t4160p45-l-abjuration-du-cimetiere-saint-ouen#80293


A suivre : NOTE VII. DES MOTIFS QUI DÉTERMINERENT JEANNE A ABJURER.



Dernière édition par Louis le Mar 15 Mai 2012, 12:03 pm, édité 1 fois (Raison : balisage)

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Message  Louis Dim 13 Mai 2012, 2:28 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE VII.

DES MOTIFS QUI DETERMINERENT JEANNE A ABJURER.


(Page 123 et suiv.)

Quel fut le motif déterminant de l'abjuration consentie par la Pucelle? Les témoins rouennais sont loin d'être d'accord. D'après Guillaume Colles, ce serait la crainte du supplice; d'après l'Évêque de Noyon, ce furent les prières des assistants. (Procès, t. III, pp 55, 164.) D'après le Docteur Delachambre, ce serait la promesse qu'avait faite Erard à Jeanne de la rendre à la liberté. (Ibid, p 52.)

Nous n'élevons aucun doute sur la sincérité de maître Delachambre. Nous émettrons seulement une observation sur l'influence décisive qu'il attribue à la promesse dont il parle. Vraisemblablement, l'abjuration suivit de près ladite promesse, qui aurait été le dernier moyen tenté par le prédicateur pour triompher des résistances de la Pucelle, et qui aurait eu pour but également de réparer la maladresse qu'Erard avait commise en cherchant à la terroriser. Mais cette promesse fut-elle le motif déterminant de l'abjuration de l'accusée? Quoi qu'avance maître Delachambre, nous sommes persuadé du contraire. C'était son opinion à lui, voilà tout.

La vérité est qu'aucun des motifs indiqués ne fut décisif à lui seul. Tous concoururent pour une part à préparer la résolution de la jeune Lorraine. Mais elle ne se décida, elle ne prononça le oui définitif qu'après avoir arrêté en son âme et proclamé au dehors que ce qu'elle faisait « elle ne le faisait que pourvu que cela plût à Dieu ». C'est là le poids qui fit pencher le plateau de la balance.

A suivre : NOTE VIII. INTELLIGENCE ET LIBERTÉ MORALE DE LA PUCELLE DANS LA DÉCLARATION : « POURVU QUE CELA PLÛT A DIEU »

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Message  Louis Dim 13 Mai 2012, 4:18 pm

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DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE VIII.

INTELLIGENCE ET LIBERTÉ MORALE DE LA PUCELLE
DANS LA DECLARATION :
« POURVU QUE CELA PLÛT A DIEU »


(Page 137 )

Ce membre de phrase, si court, dissipe bien des difficultés, éclaire bien des points obscurs, sans compter la lumière qu'il projette sur la moralité de l'acte personnel de Jeanne. Il nous permet de comprendre le cri qui, chez elle, échappe à la nature terrifiée « Plutôt signer que d'être brûlée ! » lorsque Erard lui dit qu'il lui faut choisir entre l'abjuration et le bûcher. II explique également le propos rapporté par le chevalier Aimond de Macy: « Pour se soustraire au péril, elle dit qu'elle ferait volontiers tout ce que ses juges voudraient » (Procès, t. III, p. 121.) N'apercevant rien de répréhensible dans la cédule qu'Erard venait de lui lire, quant à la partie qu'elle en pouvait comprendre, n'ayant à prendre ses précautions que pour la partie qu'elle ne comprenait pas, Jeanne les prend aussi complètement que possible en arrêtant en son âme la résolution ferme de n'accepter ce qu'on lui demande que « pourvu que cela plût à Dieu ». En sorte que si, en ce même moment, on lui eût assuré qu'elle allait offenser Dieu, même légèrement, elle se fût refusée à abjurer et eût dit en son cœur « Tout, même mourir, même être brûlée vive, plutôt que de commettre une offense de Dieu ! »

Cette même déclaration de la Pucelle résout aussi la question de savoir jusqu'à quel point la pression exercée sur elle par Erard, Loiseleur et Midi, les menaces, les violences dont elle fut l'objet, la terreur qu'on lui inspira purent obscurcir son intelligence, entraver, paralyser sa liberté. Quoi qu'il en soit de l'ignorance dans laquelle Jeanne demeura au sujet de la nature de l'abjuration en général et d'une partie du contenu de la cédule proposée, elle paraît s'être rendu compte suffisamment du péril moral que cette ignorance lui faisait courir et avoir compris par quel moyen elle pourrait y échapper De là la réserve stipulée « proviso quod placeret Deo ». Dans ces conditions, l'on doit convenir pareillement que la liberté de sa détermination fut en rapport avec la vision de son intelligence. D'où cette conséquence que, si les moyens mis en œuvre par ses ennemis pour annihiler sa résistance morale furent de nature à vicier canoniquement et en droit la portée de son abjuration, dans le domaine de la conscience pourtant et devant Dieu, Jeanne conserva assez d'intelligence et de liberté morale pour que sa détermination devînt méritoire et constituât un acte de haute vertu.

A suivre : NOTE IX. UNE DES SUPPRESSIONS PRATIQUÉES DANS LE TEXTE DU PROCES.



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Message  Louis Lun 14 Mai 2012, 7:02 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE IX.

UNE DES SUPPRESSIONS PRATIQUÉES DANS LE TEXTE DU PROCES.


(Page 137)

A la fin du chapitre VI, page 98, nous prenions le traducteur du Procès en flagrant délit d'interpolation, Thomas de Courcelles ne s'étant pas gêné pour ajouter deux lignes à la minute française. Dans le texte latin du dernier interrogatoire, nous prenons le Docteur de Pans en flagrant délit d'une de ces suppressions perfides, à l'aide desquelles il comptait égarer l'opinion de la postérité sur l'innocence de la Pucelle et empêcher que l'iniquité de ses juges ne fût démasquée. La suppression que nous avons en vue (t. I, p. 458) paraît insignifiante parce qu'elle ne porte que sur quelques mots, quatre en tout, elle est néanmoins des plus criminelles et des plus graves en ses conséquences, parce que ces quatre mots sont eux-mêmes d'une importance capitale.

A la page indiquée, la minute française cite cette déclaration de la Pucelle à ses juges :

« Item, dist (Jeanne) qu'elle dist en l'eure (EN L'HEURE), » c'est à savoir au moment même de l'abjuration, « qu'elle n'entendait pas révoquer quelque chose, si ce n'estoit pourveu qu'il pleust à notre Sire (à Notre Seigneur). »

Courcelles, dans la traduction latine, supprime ces mots « QU'ELLE DIT EN L'HEURE », et met seulement « Item, dixit quod ipsa non intendebat aliquid revocare, nisi proviso quod hoc placeret Deo. »

Les termes dont Jeanne s'est servie établissent la parfaite droiture de son intention et l'horreur que lui inspire, « en l'heure », c'est-à-dire au moment même de l'abjuration, la simple pensée de l'offense de Dieu.

En supprimant ces termes, Courcelles supprime cette preuve, remet tout en question et, par le vague qu'il répand sur le langage de la Pucelle, ouvre le champ aux hypothèses les plus défavorables pour la malheureuse jeune fille.

C'est un faux par suppression, vu la terrible sentence de relaps qu'il a pour but de justifier, c'est un acte inqualifiable.

A suivre : NOTE X.
LES AVOCATS DE LA REHABILITATION ET L'ABJURATION DE LA PUCELLE.


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Message  Louis Lun 14 Mai 2012, 3:09 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE X.

LES AVOCATS DE LA REHABILITATION ET L'ABJURATION DE LA PUCELLE.

Le lecteur pourrait être étonné que nous n'ayons à peu près rien dit du langage tenu par les avocats de la réhabilitation sur l'abjuration de la Pucelle. Notre silence tient à ce que le point de vue auquel ils s'étaient placés et celui auquel nous avons dû nous placer nous-mêmes sont très différents. Nous nous sommes proposé d'avoir le dernier mot, si faire se pouvait, de l'abjuration de Saint-Ouen considérée historiquement et moralement. L'objet principal des avocats de la famille d'Arc était de prouver qu'il n'y avait pas eu et qu'il n'y avait pu y avoir chez la Pucelle de cas de relaps, ni, par suite, de jugement et de sentence valide de relaps; et c'est au point de vue des rapports existant entre le relaps et l'abjuration que les dits avocats ont envisagé le drame de Saint-Ouen. Dans ce but, ils s'attachent principalement à prouver que l'abjuration extorquée a été invalide canoniquement; et comme les faits invoqués pour ouvrir la cause de rechute n'étaient autres que de prétendues violations des engagements pris par la Pucelle en son abjuration, la nullité de l'abjuration entraînait la nullité des prétendues violations mises en avant par les juges.

Au fond, l'on retrouve dans les Mémoires des avocats de la famille de Jeanne les arguments que nous avons nous-même exposés; mais ils y sont moins largement traités, et, en certains endroits, ils le sont avec une réserve et des ménagements commandés par les circonstances. Cette réserve et ces ménagements ne sont plus aujourd'hui de saison : c'est le droit, et même le devoir de l'historien, d'appeler les choses par leur nom. II peut se réclamer du vers de Boileau et, comme lui, dire :

J'appelle un chat un chat et Rolet un fripon.

Le point que les avocats de la famille d'Arc se sont appliqués à faire ressortir dans l'abjuration de Saint-Ouen, c'est que la Pucelle ne comprit rien au formulaire difficile, embrouillé, qu'on lui lut — « Perlecta quadam schedula, difficilium ter minorum, et quam veraciter non intellexit ipsa Johanna. » (Procès, t. II, p 223 Vingt-quatrième des 101 articles. )

Voici comment s'exprime à ce sujet le procureur des demandeurs, maître Guillaume Prévosteau, dans le mémoire présenté le 18 décembre 1455 aux délégués du Saint-Siège.

« Ladite Jeanne ne comprit pas la prétendue abjuration qui lui fut lue. C'est inopinément qu'on la lui exhibe, brusquement, en plein tumulte populaire, dans un spectacle public, et lorsque l'accusée est en proie à une violente frayeur. Or, il est clair qu'on n'abjure pas ce qu'on ne comprend pas. Que Jeanne n'ait rien compris de ce qu'elle abjurait, nous en trouvons la preuve dans la délibération des assesseurs convoqués à l'occasion du prétendu relaps, lesquels, presque tous, à la suite de l'abbé de Fécamp, furent d'avis qu'on lui demandât si elle avait compris la prétendue abjuration. » (Procès, t. II, pp. 186-187.)

C'est sur ce même point qu'insiste le promoteur Simon Chapitault, en sa requête du 20 décembre 1455.

« Jeanne, dit-il, voulait qu'on soumît tous ses dits et faits au Souverain Pontife, à qui elle s'en rapportait. Mais par pression, séduction et coaction, on lui fit prononcer une certaine abjuration : la crainte du bûcher, la présence du bourreau, et les menaces proférées l'induisirent à prononcer un texte d'abjuration qu'elle ne comprenait pas — Et eam aliqua abjurare fecerunt, ab aliquibus inducta, seducta et coacta; timor enim ignis, et præsentia tortoris, minæque sibi illatæ in duxerunt abjurare quæ non intelligebat. » (Ibid, p. 204. )

L'un des cent un articles présentés au tribunal par les avocats, le quatre-vingt-huitième, reproduit à peu près dans les mêmes termes le passage de maître Prévosteau que nous avons rapporté plus haut (Ibid, pp 254-255.)

Remarquons, à ce propos…

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Message  Louis Lun 14 Mai 2012, 6:30 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE X.

LES AVOCATS DE LA REHABILITATION ET L'ABJURATION DE LA PUCELLE.
(suite)

Remarquons, à ce propos, que les avocats de la réhabilitation s'autorisent des faits de violence, de fraude, de dol, de terreur, qui provoquèrent l'abjuration pour démontrer ce point capital à savoir que Jeanne ne comprit rien de ce qu'on lui faisait abjurer.

Quoique les avocats de la famille d'Arc aient insisté de préférence sur ce point, toutefois la diversité signalée entre la cédule d'Erard et la cédule du Procès ne leur échappa point, et ils en conclurent ce que nous en avons conclu nous-mêmes, à savoir la fausseté de la cédule dont se réclamait l'Évêque de Beauvais. Mais ils prennent pour cela des ménagements; ils ont l'air d'admettre, en certains passages de leurs plaidoyers, l'authenticité de la longue cédule, par exemple, dans le vingt-quatrième article que nous rappelions tout à l'heure, t. II, p. 223. et dans le mémoire de maître Prévosteau, pp. 169-170 Qu'on n'en soit pas surpris : une accusation aussi grave que celle de faux contre un Évêque et un Inquisiteur, avant qu'il y ait eu cause jugée, accusation qui atteignait par contre-coup maints personnages encore vivants, en grande réputation et en grand crédit, tels que les Docteurs de Paris, Courcelles et Beaupère, tels encore que l'ancien trésorier du chapitre, Raoul Roussel, archevêque de Rouen au début du Procès de réhabilitation; une accusation de cette gravité, disons-nous, ne devait être formulée qu'avec la plus grande prudence; il fallait l'insinuer, la présenter de façon indirecte, plutôt que la lancer ouvertement. Voilà pourquoi le promoteur, le procureur et les avocats de la famille de Jeanne, discutant la valeur de la pièce insérée au Procès, soutiennent d'abord que l'on n'en peut rien inférer contre l'accusée, alors même qu'elle l'eût prononcée et signée, parce qu'elle n'y avait rien compris. Mais cette réponse donnée et ce point acquis, ils n'en abordent, pas moins la question du faux, quoique à mots couverts, et ils diront, art. 99, p. 255, t. II :

« Il sera prouvé d'ailleurs très clairement que la cédule insérée au Procès n'est pas celle qu'alors on présenta et qu'on lut à Jeanne, quand les juges la firent abjurer à leur façon; la cédule qui lui fut présentée était une petite cedule contenant peu de choses et tout a fait dissemblable — Item, et probabi tur apertissime quod schedula in illo processu inscripta, non est schedula illa tunc eidem Johannæ exhibita et lecta, dum eam fecerunt judices suo modo abjurare; inno erat quædam parva schedula, pauca continens et longe dissi milis. »

Le procureur Prévosteau s'exprime dans les mêmes termes en son mémoire du 18 décembre 1455 « Neque schedula pro cessui prætenso dictæ Johannæ inscripta, prolixa et magna, illa est quæ publice eidem Johannæ lecta et exhibita est, dictæ prætensæ abjurationis hora. » (Procès, t. II, p. 187. )

Lorsque le procureur et les avocats de la famille d'Arc présentèrent leurs mémoires et plaidoyers, l'appariteur du Procès, le prêtre Jean Massieu, n'avait pas encore rendu devant les délégués du Saint-Siège le témoignage écrasant sur la fausseté intrinsèque et extrinsèque du formulaire invoqué par l'Evêque de Beauvais, témoignage que nous avons cité plusieurs fois en notre Étude. Massieu ne rendit ce témoignage que le 12 mai 1456, dans la dernière Enquête qui eut lieu à Rouen. On s'en aperçoit dans la pièce juridique déposée par le promoteur Chapitault entre les mains des commissaires de la rehabilitation, à la date du 2 juillet suivant. En cette piece qui fait valoir les motifs de droit favorables à la Pucelle, maître Chapitault parle du formulaire inséré au Procès en des termes autrement catégoriques, autrement nets que ne l'avaient fait les avocats et le Procureur.

« Il importe, dit-il, de peser ce que vaut cette abjuration mise en avant par ces juges iniques. Le formulaire inséré au Procès a été fabriqué a nouveau, le procès achevé; il est extrêmement long, rédigé beaucoup trop artificieusement, et tel que Jeanne, fille innocente et ignorante, n'eût pu le concevoir. II y a plus : c'est un autre formulaire qui lui fut présenté, formulaire dissemblable et contenu dans une courte cédule — Item, et ipsa prætensa per judices iniquos abjuratio ponderanda est; quo niam et illa quæ processui inserta est, fabricata est de novo post completum processum, et prolixa est valde, artificio confecta valido, quam nec concipere ipsa potuisset innocens filia et ignara : imo altera sibi præsentata est, dissimisilis et brevi schedula comprehensa. » (Procès, t III, p. 278.)

Le promoteur ajoute que, quoique l'accusée ait prononcé le texte de la courte cédule, comme elle ne l'a fait que sous le coup de la pression, des menaces, de la terreur inspirée par la perspective du bûcher et autres moyens condamnables mis en œuvre par les juges, son abjuration est de plein droit nulle et sans valeur aucune. (Ibid.)

Les juges de la réhabilitation tinrent compte du témoignage de Jean Massieu et des représentations du promoteur Chapitault. Ils ne se bornèrent pas à déclarer, dans leur sentence solennelle, que la Pucelle ne put « ni prévoir ni comprendre » l'abjuration qu'on lui arracha, ils se prononcèrent sur la confiance que méritait la cédule d'abjuration même et ils la qualifièrent nettement de « fausse » et de « subreptice »

Voilà donc les représentants du Saint-Siège proclamant la même vérité que celle à laquelle nous a conduit la discussion des textes des deux Procès. Plus rapprochés que nous des événements et des faits qu'ils avaient à apprécier, leur jugement confère aux conclusions fondées sur les documents historiques une autorité qui ne laisse rien à désirer.

A suivre : NOTE XI. PATRIOTISME ET SAINTETÉ.

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Message  Louis Mar 15 Mai 2012, 6:43 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE XI.

PATRIOTISME ET SAINTETÉ.


(Page 131 )

VALLET DE VIRIVILLE — Cet historien de Charles VII, qui a donné au public une traduction du Procès de condamnation de Jeanne d'Arc, partage l'opinion de J. Quicherat sur l'abjuration de Saint-Ouen Dans une note de sa traduction, il est d'avis que Jeanne, en cet acte, non seulement a commis une faiblesse, mais qu'elle a « abjuré son patriotisme » Voici ses paroles:

« L'abjuration de Jeanne d'Arc et celle de Galilée surprennent et affligent beaucoup leurs admirateurs. Pour nous, nous ne connaissons rien de plus émouvant que de voir Jeanne, au cimetière de Saint-Ouen, en présence de Cauchon et du bourreau, abjurer son patriotisme. » (Procès de condamnation traduit, p 232, Note 1. Paris, in-8°, 1867, F. Didot. )

Le chapitre IX de cette Etude permettra au lecteur d'apprécier à sa valeur ce mot du traducteur du Procès.

Analecta Bollandiana — Dans une note relative à la monographie de Petit de Julleville sur LA VÉNÉRABLE JEANNE D'ARC, les rédacteurs des Analecta émettent cette réflexion : « C'est aller peut-être un peu vite que de placer la vie de Jeanne d'Arc dans la collection « Les Saints » (Op cit., t. XIX, année 1900, p. 464, in-8°. Bruxelles).

Cette réflexion a de quoi surprendre six ans après que Jeanne a été déclarée Vénérable, c'est-à-dire sainte; elle surprend surtout sous la plume de critiques qui sont à la fois canonistes et théologiens. Si la Pucelle, au jugement de l'Eglise, a pratiqué les vertus qui constituent la sainteté, si elle a été vraiment une sainte et si, d'ailleurs, sa vie est admirable à tous égards, pourquoi ne figurerait-elle pas dans une collection qui a pour titre LES SAINTS? Est-ce qu'on voudrait exclure aussi de cette collection les grands chrétiens qui n'ont obtenu que les honneurs de la béatification?

Mais, remarquent les rédacteurs des Analecta, le savant P Denifle, dominicain, a « relevé délicatement dans la vie de la Pucelle quelques défaillances ». Il y a chez Jeanne « un côté naturel » qu'on ne peut guère nier. ( Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris , t. XXIV, Le Procès de Jeanne d'Arc et l'Université de Paris, par le P. H. DENIFLE et G. CHATELAIN, pp. 10 et 11.)

Et depuis quand des défaillances, des fautes, même des fautes graves, à fortiori « un ou plusieurs côtés naturels » sont-ils incompatibles avec la sainteté? Est-ce que, pour un grand nombre de saints, ces défaillances, ces fautes n'ont pas été l'occasion de retours admirables et d'actes non moins admirables des plus hautes vertus?

Ajoutons, pour rester sur notre terrain, que les défaillances signalées par le savant dominicain ne se rapportent pas à l'abjuration de Saint-Ouen : elles ne concernent que la question, plus singulière qu'autre chose, des explications de Jeanne en ses interrogatoires sur la couronne qui devait lui servir de signe et sur l'Ange qui la remit au roi. De quelque façon qu'on entende ces explications, il n'en résulte absolument rien de défavorable à la sainteté de la Pucelle (Voir le t. III de notre Histoire complète, ch. XXXIV, pp. 180-186.)

A suivre : NOTE XII. LES HISTORIENS DE LA PUCELLE ET SON ABJURATION.


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Message  Louis Mar 15 Mai 2012, 12:19 pm

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DE

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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE XII.

LES HISTORIENS DE LA PUCELLE ET SON ABJURATION.

Nous dirons quelques mots du sens dans lequel les historiens rationalistes ou catholiques ont traité la question de l'abjuration de Jeanne d'Arc.

I. Historiens rationalistes. — Michelet et Henri Martin.

Nous avons eu l'occasion, dans la Note précédente, de dire ce que pensait Vallet de Viriville de l'abjuration de Saint-Ouen. Avec J.Quicherat, Michelet, Henri Martin et lui sont les représentants les plus en vue de l'opinion qui fait de Jeanne une abjurante, une parjure et une relapse, mais, pas plus que l'Éditeur des deux Procès, ces historiens ne produisent de preuve à l'appui. Rappelons quelques-uns des passages dans lesquels Henri Martin et Michelet livrent leur pensée.

Cette pensée est que le formulaire du Procès ne saurait être soupçonné : Jeanne n'a pu en prononcer et en signer d'autre. C'est conformément à la vérité des faits et aux règles en vigueur qu'elle a été déclarée relapse, c'est très légalement qu'elle a été condamnée au bûcher S'il y a un coupable en ce Procès, c'est le Droit de l'époque, le Droit inquisitorial, pour ne pas dire l'Eglise. A ce point de vue, P Cauchon a été victime, il a eu la main, la conscience forcées; car il ne pouvait, de par les lois en vigueur, procéder et juger différemment.

Cette façon d'envisager la condamnation de la Pucelle est peut-être ornée de fleurs chez les écrivains susnommés, mais, au fond, telle est exactement leur manière de voir.

Pour Michelet, le drame de Saint-Ouen terminé, Jeanne « ne pouvait manquer de rétracter sa rétractation » (Histoire de France, t. V, p. 156, in-8°, Paris, 1841. )

Ce qui ne l'empêcha pas, d'après le même historien, de rétracter, le jour même du supplice, « la rétractation de sa rétractation», c'est-à-dire de renier ses révélations comme elle les avait reniées, à s'en rapporter à Michelet, sur la place Saint-Ouen . Cependant Michelet n'ose avancer que, au matin du supplice, Jeanne ait dit « le mot » formulant le reniement de ses Voix; mais on n'y perd rien, car il affirme aussitôt: « J'affirme qu'elle l'a pensé. » (Ibid, p.172)

Henri Martin, dont le sentiment sur l'abjuration de la Pucelle revient à celui de Michelet, a découvert, nous ne savons où, que Jean Massieu, l'appariteur, sur la demande que lui en fit l'accusée, « lui expliqua ce que c'était qu'abjurer » (Jeanne d'Arc, p. 260, in-12, Paris, 1857.)

Nous avons dit qu'il ne le lui expliqua pas, que Erard ne le lui permit pas, et en cela les textes établissent que nous ne nous sommes pas écarté de la vérité.

Après avoir rapporté le fait de l'abjuration, Henri Martin s'apitoie sur la victime « Elle aussi donc, s'écrie-t-il, devait avoir son jour de défaillance et de reniement (allusion sans doute au reniement de saint Pierre) ! mais il fut promptement et glorieusement expié » (Ibid., p. 261. )

A suivre : II. Historiens catholiques de la Pucelle des dix septième et dix huitième siècles.

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Message  Louis Mar 15 Mai 2012, 2:36 pm

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE XII.

LES HISTORIENS DE LA PUCELLE ET SON ABJURATION. (suite)

II.

Historiens catholiques de la Pucelle des dix septième et dix huitième siècles.

EDMOND RICHER, docteur de Sorbonne (1560-1630) — Rendons cette justice au premier historien en date de la Pucelle (1630), Edmond Richer, le fameux gallican, syndic de la Faculté de Paris, qu'il a traité plus sûrement, plus largement qu'aucun autre historien le sujet de l'abjuration de la Pucelle (Voir, à la Bibliothèque nationale, son Histoire manuscrite de Jeanne, livre second, fºs 194-204 mss Fonds français, 10448 ).

Richer prononce sans hésiter la fausseté du formulaire inséré au Procès. Au quatrième point de son Advertissement sur le drame de Saint-Ouen, il s'exprime ainsi :

« Nous apprenons des susdites dépositions (celles des témoins de la réhabilitation) que l'Évesque de Beauvais a fait registrer en ce prétendu procez un autre formulaire d'abjuration que celui qui fut lu et proposé à la Pucelle pour le prononcer et signer sur le théâtre qui est une notable faulseté sur laquelle mesme cet Evesque a pris occasion de condamner cette fille en tant que relapse. » (Manuscrit cité, fº 202, r° )

DE L'AVERDY (1723-1793) (Notices des Procès de condamnation et de révision de Jeanne d'Arc, dans le tome III du Recueil de l'Académie des Inscriptions, qui a pour titre Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du roi. Paris, de l'imprimerie royale, M DCC XC.)

Si jamais un comité d'érudits français entreprenait de publier les manuscrits et ouvrages intéressant la mémoire de Jeanne d'Arc, à l'impression de l'Histoire manuscrite d'Edmond Richer ils devraient joindre la réimpression des Notices rappelées ci-dessus, sauf à introduire en ces publications quelques notes tirées des travaux d'érudition parus en ce dix-neuvième siècle

En ce qui a trait à l'abjuration de la Pucelle, les pages que L'Averdy a écrites sur ce sujet sont des plus intéressantes et des plus judicieuses (Voir les Notices susdites, pp. 110-118 et pp. 422-433) Au bas de la page 115, le sagace érudit met cette note:

« On verra dans le Procès de révision que cette cédule d'abjuration est fausse et que ma conjecture était fondée. »

Il venait en effet de dire, à propos de la cédule insérée au Procès, qu'il n'était pas possible que Jeanne « ait pu accepter et signer une pareille déclaration. » (Ibid.)

La Notice sur le Procès de révision, pp 428-433, relate très exactement les faits qui établissent la fausseté de ladite cédule.

Comme sûreté de vue, comme absence de préjugé, comme sagacité de critique et solidité de jugement. L'Averdy, dans ses recherches sur la Pucelle, l'emporte de beaucoup sur J. Quicherat.

A suivre : III. Historiens catholiques du dix neuvième siècle.


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Message  Louis Mer 16 Mai 2012, 6:16 am

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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

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NOTE XII.

LES HISTORIENS DE LA PUCELLE ET SON ABJURATION.
(suite)


III.

Historiens catholiques du dix neuvième siècle.

M. WALLON. — Nous n'avons pas la prétention de passer en revue toutes les histoires de Jeanne qui ont vu le jour dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Nous ne parlerons que des principales.

M Wallon traite la question de l'abjuration en cinq pages (Jeanne d'Arc, t II, pp. 249-253, in-18, Paris, 1876); il la traite d'une façon clairvoyante et judicieuse, mais sans mettre assez en relief l'importance et la difficulté de la question. Pour lui, la Pucelle, en abjurant, « a succombé » « L'heure, dit-il, était redoutable; et qui s'étonnera qu'une pauvre fille succombe? Epuisée par la lutte, elle cède, elle dit: Je me soumets à l'Église. Ce long débat, et plus encore la lutte intérieure qu'elle avait dû subir, avaient brisé tout ressort en elle. » (Op. cit., pp. 249, 250.)

M Wallon reconnaît que la formule « qui figure au Procès a contre elle des difficultés assez graves, sans accepter le faux avec la connivence des greffiers », il paraît, croire à une substitution dont L. Calot fut l'instrument.

Sur l'Information posthume, ses conclusions sont les mêmes que les nôtres. (Ibid, pp. 275-283.)

M. MARIUS SEPET. — Question traitée sommairement « Jeanne sentait tourner sa tête, faiblir son cœur Bref, elle eut peur. » (Jeanne d'Arc, p. 244, in-8°, Tours, 1892)

« Laurent Calot lui saisit la main : elle se laissa faire. II lui fit tracer une croix, et l'abjuration fut consommée » (Ibid., p. 246)

Il se produisit chez Jeanne un état de véritable « prostration ». (Ibid.)

GUIDO GOERRES. — Cet historien allemand est un de ceux qui ont le mieux saisi la vraie physionomie de l'abjuration. En sa Vie de Jeanne d'Arc, traduite par Léon Boré (in-8°, Paris, 1886, pp. 363-369.), il admet le fait des deux cédules et la substitution de la cédule fausse à la cédule authentique.

Pour lui aussi, l'abjuration fut chez Jeanne une faiblesse « Enfin, dit-il, elle céda. » (Ibid., pp. 365-366)

« Mais, au lieu de la courte déclaration que l'appariteur lui avait lue, on lui fit signer, ou du moins on accola aux actes du Procès comme signée par elle, une autre pièce.

« Et ce sont de pareilles lâchetés, des aveux à la fois si bas et si absurdes, qu'on eut l'infamie de faire signer à son insu par la Pucelle, ou de substituer dans les procès-verbaux à la cédule qu'elle avait signée par déférence pour les gens d'Église. » (Ibid., pp. 366-369.)

ABEL DESJARDINS (Vie de Jeanne d'Arc, grand in-8°, Paris, 1895, pp. 239-240) reconnaît la fausseté du formulaire du Procès « Dans cette infâme procédure, que coûtait une infamie de plus? » (Ibid., p 240)

Il en est de même de FREDERIC GODEFROY…

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Message  Louis Mer 16 Mai 2012, 10:16 am

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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

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NOTE XII.

LES HISTORIENS DE LA PUCELLE ET SON ABJURATION.
(suite)


III.

Historiens catholiques du dix neuvième siècle. (suite)

Il en est de même de FREDERIC GODEFROY (La mission de Jeanne d'Arc, grand in-8°, sans date, Paris, Delhomme et Briguet, pp. 245-246) et de PETIT DE JULLEVILLE (La Vénérable e Jeanne d'Arc, in-18, Paris, 1900). On désirerait chez ce dernier une affirmation du faux plus catégorique, une explication de l'abjuration qui ne se bornât pas à la peur (Ibid., pp. 151-152), et qui ne représentât pas l'acte de la Pucelle à Saint-Ouen comme un triomphe remporté par les juges sur « sa longue fermeté ». (Ibid., p. 152. )

Nous avons cherché vainement dans la remarquable Histoire de Charles VII par M. DE BEAUCOURT, dans le chapitre qu'il a consacré à « Charles VII et Jeanne d'Arc » (t. II, pp. 202-258), l'exposé historique et l'appréciation du drame de Saint-Ouen.

Les Allemands qui ont écrit des Histoires de l’Eglise ou des Papes ne se sont pas occupés de la Pucelle. Prenez, par exemple, les historiens les plus récents le docteur Funk ( Histoire de l’Eglise , 2 vol in-12, Paris, Armand Colin, sans date; t. II, pp. 27-35), Hergenroether (Histoire de l'Eglise, 8 vol in-8°, Paris, 1896; t. IV, pp. 577-647). Cherchez en leurs ouvrages les pontificats de Martin V, d'Eugène IV et de Calixte III, qui virent Jeanne d'Arc successivement triomphante, captive, martyre et réhabilitée: la grande Française n'est pas même nommée.

L'auteur d'une récente Histoire des Papes du Moyen-âge (6 vol in-8°, Paris, 1888-1898, Plon, Nourrit et Cie), le docteur allemand Louis Pastor, dans les pages consacrées à Martin V et à Calixte III (tt. I et II), ne dit pas un seul mot de la Pucelle. Il ne la nomme que dans le récit du pontificat de Nicolas V, à propos du cardinal d'Estouteville. Ce prélat « s'honora, dit-il, en introduisant le procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc ». (Op. cit., p. 96). Une note au bas de la page renvoie à l'histoire de Goerres dont il a été question plus haut. Sachons gré à ce dernier, c'est-à-dire à Guido Goerres de s'être occupé de Jeanne et de nous avoir donné d'elle, quoique allemand, une des biographies les plus exactes, les plus intéressantes, les moins nuageuses que nous possédions.

Ce qui ressort de cette revue rapide, c'est que les récents historiens se sont arrêtés à la surface du drame de l'abjuration et qu'ils n'ont pas cherché dans les paroles de Jeanne, principalement dans l'interrogatoire du 28 mai et dans les déclarations et protestations qu'elle y formula, les traces visibles du drame non moins mouvementé, tout à fait décisif, qui se passait dans l'âme de la Fille de Dieu. Voilà pourquoi ils n'ont vu que des signes d'abattement, que des marques de faiblesse là où les textes font apercevoir un témoignage, inattendu sans doute, mais non moins certain, non moins manifeste, de patriotisme, de prudence, de force morale et de foi.

A suivre : NOTE XIII. DE LA SOUMISSION DE LA PUCELLE A l'ÉGLISE, EN SA PRÉTENDUE ABJURATION.

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Message  Louis Mer 16 Mai 2012, 3:31 pm

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DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE XIII.

DE LA SOUMISSION DE LA PUCELLE A l'ÉGLISE, EN SA PRÉTENDUE ABJURATION.

Le lecteur a pu remarquer, chez la Pucelle, deux attitudes différentes relativement à la question de la soumission à l'Église, dans la scène du cimetière Saint-Ouen.

Avant le prononcé de la sentence, l'accusée, sommée par le tribunal de se soumettre à l'Église, s'y refuse ouvertement.

Pendant que l'Évêque-juge poursuit sa lecture, l'accusée tout à coup déclare s'y soumettre.

Nous ne nous demandons pas d'où vient ce changement d'attitude, nous le savons et l'avons expliqué amplement. Mais nous nous demandons quel est le vrai sens de ces deux actes de Jeanne refus et soumission En d'autres termes, l'Église à laquelle la jeune Lorraine a refusé d'abord de se soumettre, est-elle la même que celle à laquelle à la fin elle se soumet ?

A la question ainsi précisée les textes répondent:

Non, l'Église à laquelle Jeanne s'est soumise à la fin n'est pas du tout l'Église à laquelle, avant le prononcé de la sentence, elle refusait absolument de se soumettre. Celle-ci était l'Église telle que l'entendait Pierre Cauchon, c'est-à-dire une Église de sa façon, une fausse Église. Celle-là était au contraire l'Église simpliciter, c'est-à-dire la véritable Église, non celle de P. Cauchon, mais celle du Pape, des Évêques et de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

L'Église entendue en ce dernier sens, la véritable Église, n'était pas du tout une Église qui suffît à l'Évêque de Beauvais. En son Église à lui, le principal rôle revenait non au Pape, non au Vicaire de Jésus-Christ, mais aux prélats, aux clercs, même inférieurs, non seulement aux clercs inférieurs, mais aux simples laïques « de ce connaissants, — viri talia cognoscentes ». (Procès, t. I, p. 445. )

Dans le cours du Procès, P. Cauchon a défini l'Église, telle qu'il la conçoit, de la manière suivante:

« L'Église militante c'est, dit-il, l'Église qui comprend le Pape, vicaire de Dieu sur la terre, les cardinaux, les prélats ecclésiastiques, le clergé et tous bons chrétiens et catholiques; laquelle Église, bien assemblée, ne peut errer et est gouvernée du Saint-Esprit. — Est Ecclesia miltans, in qua est Papa, vicarius Dei in terris, cardinales, prælati Ecclesiæ, CLERUS ET OMNES BONI CHRISTIANI ATQUE CATHOLICI; quæ quidem Ecclesia, BENE CONGREGATA, non potest errare et regitur a Spiritu sancto. » (Procès, t. I, p.175 )

En cette définition, il y a lieu de considérer l'esprit et la lettre. A ne considérer que la lettre, elle est notoirement inexacte. Mettre le clergé inférieur et les simples fidèles sur le même pied que le Pape et les Évêques, et exiger qu'ils soient dûment convoqués pour que l'Église rende des arrêts infaillibles, c'est sortir ouvertement du terrain de l'orthodoxie prise dans le sens le plus large.

A considérer l'esprit de cette définition, il y a quelque chose de plus renversant encore c'est que, dans les jugements à porter, le rôle principal appartient, non au Souverain Pontife, mais aux prélats, aux clercs, et même aux simples fidèles, pourvu qu'ils soient « de ce connaissants, — viri talia cognos centes ».

Ecoutons les juges…

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Message  Louis Jeu 17 Mai 2012, 6:16 am

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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE XIII.

DE LA SOUMISSION DE LA PUCELLE A l'ÉGLISE, EN SA PRÉTENDUE ABJURATION.
(suite)

Ecoutons les juges de Jeanne appliquer cette doctrine dans la scène qui suivit le « prêche de Saint-Ouen ».

« Jeanne, dit maître Erard, voici messeigneurs les juges qui vous ont sommée et requise plusieurs fois que voulussiez soumettre tous vos dits et faits à notre mère la sainte Église, car en vos dits et faits, à leur avis, il y a plusieurs choses lesquelles, comme il semble aux clercs, n'étaient pas bonnes à soutenir. » (Procès, t. I, p 444 )

Jeanne répond qu'elle a demandé que « tous ses dits et faits fussent transmis à Rome, devers notre saint Père le Pape, à qui, après Dieu, elle se rapporte. »

Le tribunal, ne tenant aucun compte de cette réponse de l'accusée et de sa soumission au Pape, passe outre et lui demande « Voulez-vous révoquer ceux de vos dits et faits qui sont réprouvés par les clercs? — quæ sunt reprobata per CLERICOS ? »

Ainsi, le jugement des simples clercs suffit pas n'est besoin de recourir au chef de l'Eglise.

Jeanne répond « Je m'en rapporte à Dieu et à notre seigneur le Pape. »

Que va répliquer le tribunal? Simplement cette énormité : « Cela ne suffit pas. — Fuit sibi dictum QUOD HOC NON SUFFICIEBAT. »

Le jugement du Pape ne suffit pas !... L'appel au Pape est de nulle valeur ! Joignant la moquerie à ce mépris du droit, le tribunal ajoute :

« On ne peut aller chercher notre seigneur Pape si loin ! »

Comme si ces Maîtres et Docteurs de Paris ne recouraient pas chaque jour à Rome pour obtenir de nouveaux bénéfices ! (Voir le Père H. Denifle, Le Procès de Jeanne d'Arc et l'Université de Paris, p.13, dans le tome XXIV des Mémoires de l'Histoire de la ville de Paris et de l'Ile de France.)

Le tribunal poursuit et découvre toute sa pensée :

« Les Ordinaires sont juges aussi, chacun en son diocèse. C'est pourquoi, il était nécessaire que l'accusée s'en rapportât à notre sainte mère l'Eglise, et qu'elle tînt ce que les clercs et les gens en ce connaissants disaient et avaient déterminéde ses dits et faits » — « Et de ce fut admonestée par Nous (Evêque) jusques à trois monitions. »

« Fuit sibi dictum... etiam quod Ordinarii erant judices, quilibet in sua diœcesi, et IDEO ERAT NECESSE quod ipsa se referret sanctæ matri Ecclesiæ, et QUOD TENERET ILLUD QUOD CLERICI ET VIRI TALIA COGNOSCENTES, dicebant et determinave rant de suis dictis et factis. Et de hoc fuit monita per nos usque ad trinam monitionem. » (Procès, t. I, pp. 445-446 )

A cette triple monition, ou plutôt « sommation », Jeanne répondit…

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L'Abjuration du Cimetière  SAINT - OUEN (complet) - Page 5 Empty Re: L'Abjuration du Cimetière SAINT - OUEN (complet)

Message  Louis Jeu 17 Mai 2012, 10:00 am

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

(suite)

NOTE XIII.

DE LA SOUMISSION DE LA PUCELLE A l'ÉGLISE, EN SA PRÉTENDUE ABJURATION.
(suite)


A cette triple monition, ou plutôt « sommation », Jeanne répondit par une triple répétition de ses déclarations précédentes; à savoir, par une soumission sans réserve au Vicaire de Jésus-Christ, et par le refus de se soumettre à cette Eglise composée d'Ordinaires qui faisaient litière de l'autorité suprême du Pape, affichaient la prétention de se passer de lui, de juger sans appel les causes portées à leur tribunal, et qui attribuaient la même autorité à de simples clercs et à de simples fidèles « en ce connaissants ».

Voilà l'Eglise à laquelle Jeanne refusait de se soumettre, tandis qu'elle se soumettait pleinement à l'Eglise du Souverain Pontife, vicaire de Jésus-Christ, au Pape de Rome, successeur de saint Pierre.

En somme, l'Eglise dont la Pucelle déclina l'autorité, c'est la fausse et schismatique Eglise qui, à Bâle, appliquant la doctrine de l'Evêque de Beauvais, citera par décret Eugène IV à sa barre, une première fois en sa XIIe session, une seconde, en sa XXVIe, qui, dans la XXVIIIe, le déclarera contumace, parce qu'il n'aura pas comparu, qui, enfin, en sa XXXIVe, le déposera (juin 1439) par décision de trente-neuf Prélats et de trois cents ecclésiastiques de second ordre, — juges en la foi, parce qu'ils sont « clercs en ce connaissants ». (Fleury, Histoire ecclésiastique, livres cent sixième et cent septième, passim.)

La Pucelle avait-elle tort de ne pas se soumettre à cette Eglise-là?

Mais, alors, à quelle Eglise s'est-elle soumise, en sa prétendue abjuration? Elle s'est soumise à l'Eglise dont le Pape est le chef suprême, au Pape à qui elle avait le droit de faire appel. Les témoins de la réhabilitation nous ont appris que la prétendue abjuration de Jeanne fut avant tout un acte de « soumission à l'Eglise ». Le chanoine Guillaume Dudésert en mentionne même les termes, et ces termes désignent purement et simplement l'Eglise. Le texte officiel du Procès n'a pas osé dire le contraire, page 446 : « Dixit (Johanna) quod volebat tenere totum illud quod ECCLESIA ordinaret. »

Enfin, chose d'un grand poids, de vingt-trois témoins qui déposèrent aux Enquêtes de la réhabilitation, à Rouen, sur l'attitude de la Pucelle en cette question de la soumission à l'Eglise, vingt-deux affirmèrent que cette attitude avait été irréprochable. Frère Isambard de la Pierre, entre autres, dit que lorsqu'on lui eut expliqué ce que c'était que l'Eglise (et Frère Isambard fut, avec maître Pierre Maurice et Jean de la Fontaine, un de ceux qui le lui expliquèrent), Jeanne fit toujours acte de soumission envers l'Eglise et envers le Pape, et ne demanda qu'à être menée devant lui. (Procès, t. II, pp. 304, 351)

Il n’y a donc pas eu de contradiction…



Dernière édition par Louis le Jeu 17 Mai 2012, 4:23 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe d'un mot)

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