LES DÉVIATIONS DE L'ART.

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Message  Roger Boivin Jeu 15 Sep 2011, 1:46 pm

Que dire donc de cette prétention que l'art est indépendant dans le champ distinct qui est le sien, que l'on ne saurait lui contester une autonomie absolue s'exprimant par cette formule : l'art pour l'art ?

Il y a dans ces paroles, et dans la doctrine qu'elles traduisent, une dangereuse équivoque.

L'art, sans doute, se meut dans une sphère spéciale d'action qui a son objet, ses règles et ses méthodes : le but immédiat où tend son effort, c'est l’œuvre artistique. Mais de même que les sciences humaines, autonomes en soi, ne sont pas, pourtant, libres de toute dépendance vis-à-vis de la théologie ou de la science de Dieu, et de même que la société politique, souveraine dans sa sphère, n'en est pas moins subordonnée à la société religieuse ; ainsi l'art, tout en jouissant de l'autonomie qui lui est propre, relève en dernier ressort de cette loi supérieure - loi naturelle, loi éternelle, - qui gouverne tous les actes humains et toutes les œuvres humaines.

Nous avons montré suffisamment comment se justifie cette subordination nécessaire. Ajoutons, en terminant, le témoignage d'un philosophe laïque dont le nom, pour la France moderne, est une gloire. " L'art, dit M. Jacques Maritain,(1) n'a aucun droit contre Dieu. Il n'y a pas de bien contre Dieu, ni contre le Bien final de la vie humaine. L'art est libre dans son domaine, mais son domaine est subordonné. Il est soumis à une régulation extrinsèque qui lui est imposée au nom d'une fin plus haute et plus nécessaire que la sienne. "


(1). Art et scolastique, IX ((Paris, 1920).

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Message  Roger Boivin Jeu 15 Sep 2011, 2:24 pm

VI


La conclusion de cette étude, c'est que, du haut de toutes les chaires et de toutes les tribunes qui influent salutairement sur l'opinion, il importe de bien former et de bien éclairer, en matière d'art, la conscience chrétienne.

C'est là un sujet très pratique, et qui se rattache tout ensemble à la philosophie, à la théologie, aux intérêts les plus graves de l'ordre social et de la vie nationale.

Le philosophe, par la seule raison naturelle, démontre que la loi imprimée par le Créateur dans nos âmes atteint toutes nos actions ; qu'elle jouit d'une autorité morale à laquelle rien n'échappe ; que ni prose, ni vers, ni toiles, ni dessins, ni bronzes, ne peuvent y contrevenir, sans outrepasser les limites du droit.

De son côté, le théologien bien instruit des enseignements de l'Eglise, et qui fouille de son regard le fond des consciences, se rend compte de l'immensité des ravages causés, dans le domaine des mœurs, par des écrits empoisonnés, par de mauvais romans, de mauvais théâtres, de mauvais spectacles. Sa conviction est vite faite. L'art, quel qu'il soit, ne saurait s'arroger, à l'encontre des préceptes divins et des prescriptions ecclésiastiques, une indépendance fatale à l'honnêteté, et où sombre la beauté, vraiment noble, elle-même.(1) C'est là un principe d'importance primordiale dont il faut que jeunes et vieux se pénètrent, de nos jours surtout où la thèse contraire se propage si rapidement et recrute de si nombreux adeptes.


(1). " Le beau est l'harmonie du vrai et du bien dans une même chose, la splendeur confondue de l'un et de l'autre. " (Lacordaire, Lettres à des jeunes gens, 7e éd., p. 259).
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Message  Roger Boivin Jeu 15 Sep 2011, 2:45 pm

Et pendant que les chefs religieux se voient forcés de dénoncer l'art malhonnête et de mettre les fidèles en garde contre ses méfaits, c'est le devoir des pouvoirs profanes d'appuyer cette attitude, de sauvegarder par un contrôle sérieux et une censure courageuse la moralité publique, et de protéger l'art contre ses propres défaillances.(1)

L'expérience a cent fois prouvé que les œuvres littéraires et artistiques dont le flot, déferlant du dehors, monte parmi nous sans cesse, ont besoin d'être filtrées, et qu'il y a pour nous, dans ce travail de discernement, l'exercice d'une judicature intellectuelle à laquelle nous ne pouvons renoncer sans compromettre notre avenir.

Les élans de l'art vers un idéal que la raison et la religion suggèrent, ajoutent à la civilisation un prix singulier.

Les déviations de l'art, en égarant l'esprit et le goût du public, sèment dans les foyers, et au sein des nations, des germes funestes de corruption individuelle et de décadence sociale.


(1). Saint Thomas, après Platon, veut que " soient extirpés de la cité par les soins du Prince " les objets d'art qui, sans être en eux-mêmes illicites, portent dans le plus grand nombre de cas au péché. (Som. théol. II-II, Q. CLXIX, art. 2 ad 4).


FIN
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