Vie de Saint François d'Assise par Celano.

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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 1:57 am

CHAPITRE 24

COMMENT IL RENDIT LA VUE A UNE FEMME AVEUGLE ET LA SOUPLESSE A UNE AUTRE QUI ÉTAIT TOUTE CONTRACTÉE.

67.- Toujours dans la même ville, une femme aveugle désirait intensément revoir la lumière ; le saint n'eut pas plus tôt tracé sur ses yeux le signe de la croix, qu'elle recouvra la vue.

Il y avait à Gubbio une femme dont les mains étaient si noueuses qu'elle ne pouvait plus travailler ; dès qu'elle apprit l'arrivée de saint François, elle courut jusqu'à lui et, avec un visage qui témoignait de son intense détresse, lui mit sous les yeux ses pauvres mains et le supplia de vouloir bien les toucher. Emu de compassion, il les toucha et les guérit. Elle rentra aussitôt chez elle, débordant de joie, et de ses propres mains, confectionna un fromageon qu'elle offrit au saint . Mais lui, après en avoir pris un peu pour lui faire plaisir , lui laissa le reste en disant : « Mangez-le donc en famille ! »
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 1:58 am

CHAPITRE 25

COMMENT IL DÉLIVRA UN FRÈRE DU MAL CADUC, C'EST-A-DIRE DU DÉMON , ET GUÉRIT UNE POSSÉDÉE A SAN GEMINI.


68.- Un frère avait un mal dont les accès, horribles à voir, le prenaient souvent, un mal que je ne sais de quel nom qualifier, car certains y ont flairé une influence diabolique. Souvent en effet il tombait de tout son long et se roulait par terre, les yeux révulsés, l'écume aux lèvres ; tantôt raide puis cambré, tantôt recroquevillé, tordu, puis tétanisé et pétrifié. Quelquefois il se lançait en l'air horizontalement à hauteur d'homme, le corps raidi, pour retomber aussitôt violemment. Le Père eut pitié du malheureux atteint d'une maladie si triste ; il vint à lui et, après avoir prié, le signa et le bénit. Sur-le-champ, le frère fut guéri et depuis ne fut jamais plus tourmenté, si peu que ce fût, par cette maladie.

69.- Passant par le diocèse de Narni, le bienheureux Père François parvint à une bourgade appelée San Gemini . Il y prêcha l'Evangile du royaume de Dieu, puis reçut l'hospitalité avec trois de ses frères chez un homme pieux, très pratiquant et de fort bonne réputation dans le pays, mais dont la femme, malheureusement - et tous les habitants de l'endroit le savaient - était possédée du démon. Il pria pour elle le bienheureux François, certain que les mérites du saint ne pourraient manquer de la délivrer. Mais François avait plus à cœur d'être méprisé pour sa simplicité que de se voir comblé de la faveur du monde pour avoir fait preuve de sainteté ; il ne voulut rien entendre. Il se dit pourtant que Dieu était en cause et, assailli de toutes parts, il finit par céder à leurs instances. Il appela ses trois compagnons, les disposa chacun dans un angle de la pièce et leur dit : « Mes frères, prions le Seigneur pour cette femme afin qu'il la délivre de l'emprise du diable pour la plus grande gloire de son nom. Nous voici postés chacun dans un coin de la salle pour que l'esprit malin ne puisse nous échapper et se jouer de nous en venant s'y réfugier ! »

Il se mit à prier, puis, investi de la puissance de l'Esprit, s'approcha de la femme qui se tordait pitoyablement en poussant des cris affreux ; il dit ensuite : « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et en vertu de l'obéissance, je t'ordonne, démon, de sortir de cette femme et de n'avoir jamais plus l'audace de la tourmenter ! » Il n'avait pas encore fini que déjà l'esprit s'enfuyait, rageur et vociférant, avec une telle rapidité que, devant une guérison si subite et une obéissance si prompte, le Père crut qu'on s'était moqué de lui ; il se hâta de quitter la ville, tout honteux ; la Providence lui évitait ainsi de s'abandonner à la vaine gloire.

A son passage suivant dans la même ville, le bienheureux François était accompagné de Frère Elie. Apprenant son arrivée, cette femme bondit aussitôt, courut jusqu'à la place et le suivit en lui demandant à grands cris de bien vouloir lui adresser quelques mots ; lui s'y refusait car il avait reconnu celle dont il avait chassé le démon par la puissance de Dieu. Elle de baiser alors la trace de ses pas, remerciant Dieu et son serviteur François de l'avoir arrachée à l'emprise de la mort. Finalement, frère Elie intervint ; le saint adressa quelques mots à cette femme ; de nombreux témoins l'assurèrent d'ailleurs de l'authenticité de la maladie et de celle de la guérison.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 1:59 am

CHAPITRE 26

AUTRE EXORCISME A CITTA DI CASTELLO.

70.- Il y avait une autre énergumène à Città di Castello Comme le bienheureux Père s'y était arrêté, on amena cette femme jusqu'à la maison où il logeait. Arrivée sur le seuil, elle se mit à grincer des dents, à regarder d'un air mauvais, à pousser des cris affreux comme savent le faire les esprits impurs. Hommes et femmes, presque toute la ville arriva pour prier saint François en faveur de la malheureuse, car depuis le temps que le malin la tourmentait, ses hurlements les importunaient tous. Le Père lui envoya son compagnon : il voulait être sûr qu'il s'agissait bien d'une possession et non d'une ruse de femme. Quand elle vit venir le frère, elle se mit à se moquer de lui : elle savait bien que ce n'était pas François. Le Père, durant ce temps, priait à l'intérieur de la maison. Quand il eut terminé, il sortit et la femme aussitôt de trembler, de se rouler par terre, incapable de résister à sa puissance. « Esprit impur, lui dit-il, je te l'ordonne au nom de la sainte obéissance, sors de cette femme ! » Aussitôt et sans lui faire aucun mal, l'esprit la quitta, furibond, et s'enfuit.- Rendons grâces au Dieu tout-puissant : c'est lui qui agit en toutes choses et qui fait tout.

Mais le but de ce livre n'est pas de raconter des miracles : ils sont une preuve de la sainteté, mais n'en sont pas un élément constitutif , c'est la valeur incomparable de sa vie et la grande loyauté de chacune de ses démarches que nous voulons exposer. Laissons donc les miracles ; ils sont d'ailleurs trop nombreux ; et reprenons le récit de tous les actes qui lui ont mérité le salut éternel.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:00 am

CHAPITRE 27

SA CHARITÉ ET SA FERMETÉ D'AME; UN SERMON DEVANT LE SEIGNEUR PAPE HONORIUS ET COMMENT IL SE CONFIA, LUI ET SES FRÈRES, AU SEIGNEUR HUGOLIN, ÉVÊQUE D'OSTIE.

71.- L'homme de Dieu s'était imposé de ne jamais rechercher son intérêt mais toujours ce qui lui semblait favoriser davantage le salut des autres. Par-dessus tout il désirait se dégager de la chair pour vivre avec le Christ . Il tendait à se libérer de plus en plus de tout ce qui est du monde afin que cette poussière ne vienne pas même pour une heure ennuager l'azur de son âme. Il se rendait inaccessible à toutes les rumeurs importunes ; il faisait constamment effort pour maîtriser ses sens extérieurs et dominer ses tendances afin de ne plus s'occuper que de Dieu. Le creux du rocher était son nid préféré, deux pans de murs l'habitation de son choix . Son âme contemplative était heureuse de trouver, au cours de ses randonnées, une cabane en pleine solitude : il y séjournait longtemps et s'anéantissait alors dans la contemplation des plaies du Sauveur .

Souvent il se retirait ainsi dans la solitude afin de pouvoir s'occuper uniquement de Dieu ; - ce qui ne l'empêchait pas, quand il le fallait, de prendre à cœur les intérêts du prochain et de s'employer activement à son salut. Mais il revenait ensuite à la prière comme dans un havre bien abrité : non pas une prière rapide, superficielle et impatiente, mais une prière prolongée, toute intérieure et d'une sereine humilité. S'il commençait le soir, il en avait jusqu'au lendemain matin. Assis ou en mouvement, en train de manger ou de boire, il continuait d'être tout entier à sa prière. Et la nuit, seul, il partait prier dans des chapelles perdues au milieu des landes : c'est là qu'avec la grâce de Dieu il réussit à surmonter souvent les terreurs et les angoisses qui assaillaient son âme .

72.- Le diable ne se contentait pas de le troubler intérieurement par des tentations : il s'acharnait extérieurement sur lui pour l'effrayer, provoquait l'écroulement des murailles, l'effondrement des bâtisses ; et François luttait corps à corps avec lui. Il savait, le vaillant soldat de Dieu, que son Seigneur possédait en tout lieu tout pouvoir ; loin de céder à la peur, il disait : « Tu peux toujours me prendre pour cible de ta méchanceté, esprit mauvais, tu n'as pas plus de pouvoir ici qu'en pleine ville et en public ! »

Voilà quel était son courage. D'ailleurs n'avaient d'importance pour lui que les intérêts du Seigneur. Il lui arrivait très souvent de prêcher devant des milliers d'auditeurs : il le faisait avec la même tranquille assurance que s'il eût conversé avec son compagnon. Le plus nombreux auditoire équivalait à une seule personne à ses yeux, mais il mettait autant d'âme à prêcher à un seul homme qu'à une foule entière. C'étaient son âme droite, sa pureté d'intention qui lui valaient cette assurance dans la prédication ; il pouvait ainsi, sans préparation immédiate, livrer à tous des pensées sublimes et vraiment neuves. Il lui arriva quelquefois cependant de préparer son sermon par une méditation préalable et de se retrouver ensuite, devant son auditoire, sans pouvoir ni se rappeler ce qu'il avait préparé ni trouver autre chose. Il avouait alors à tous sans aucune honte qu'il avait préparé beaucoup de choses mais qu'il avait tout oublié. A ce moment il était pris soudain d'une telle éloquence qu'on en restait muet d'admiration ; d'autres fois, n'ayant vraiment rien à dire, il bénissait le peuple qui s'en retournait aussi édifié que par le plus beau des sermons.

73.- Appelé à Rome pour les affaires de l'Ordre, il voulut un jour parler au seigneur Pape Honorius et aux vénérables cardinaux . A cette annonce, le seigneur Hugolin, évêque d'Ostie, grand ami du saint, se sentit partagé entre le plaisir et l'appréhension, car il s'émerveillait de trouver chez le saint tant de générosité alliée à tant de simplicité. Finalement il s'en remit à la bonté du Dieu tout-puissant qui n'abandonne jamais ses fidèles dans le besoin ; il l'introduit devant le Pape et devant les vénérables cardinaux. Admis en présence de tous ces princes de l'Eglise, François reçut du Pape la bénédiction et la permission de parler, et il commença sans aucune timidité. La ferveur de l'Esprit l'inondait, il ne maîtrisait plus sa joie, et tout en parlant il allait et venait, dansant presque, non pas comme un saltimbanque, mais comme un homme brûlé du feu de l'amour de Dieu. Loin de provoquer les rires, il fit couler leurs larmes, car ils étaient tous très émus ; ils admiraient à la fois la puissance de la grâce et la belle assurance de l'orateur. Le seigneur évêque d'Ostie, durant ce temps, transi d'appréhension, priait tant qu'il pouvait pour que la simplicité du bienheureux ne fût pas tournée en dérision : c'était sur lui que rejaillissait la gloire ou le mépris, puisqu'il avait été donné comme père à toute la famille...

74.- Saint François en effet s'était abandonné à lui comme un fils à son père ; comme un fils unique sur le sein de sa mère, il savait qu'il pouvait compter sur sa bonté et s'y reposait en toute sécurité. Du pasteur, l'évêque remplissait l'office et les fonctions, mais il en laissait le nom au bienheureux ; celui-ci voyait ce qu'il fallait faire, mais c'est notre glorieux seigneur qui y pourvoyait. Combien, surtout dans les débuts, s'acharnaient contre l'Ordre nouvellement fondé ! Combien cherchaient à étouffer la vigne que le Seigneur s'était choisie et que sa main venait amoureusement de planter ! Combien s'efforçaient de voler et détruire ses premiers et plus beaux fruits ! Tous furent réduits à néant par notre révérend Père et seigneur, fleuve d'éloquence, bastion du droit, défenseur de la vérité, ami des humbles. Qu'il soit béni et fidèlement conservé dans les mémoires, le jour où le saint de Dieu se confia à un si vénérable seigneur !

L'Ordre ne comptait encore que quelques frères ; le cardinal Hugolin, alors légat du Saint-Siège , charge qui lui fut souvent confiée, se trouvait en Toscane ; François, dans l'intention de se rendre en France , passa par Florence, où séjournait l'évêque. Ils n'étaient pas encore les amis intimes qu'ils deviendront plus tard, mais ils s'aimaient déjà, sur leur seule réputation de sainteté.

75.- Lorsqu'il arrivait dans une ville ou une province, le bienheureux François avait pour habitude d'aller se présenter à l'évêque ou aux prêtres ; aussi dès qu'il connut la présence à Florence du grand prélat s'en vint-il le visiter avec respect. L'évêque le reçut avec simplicité et lui témoigna beaucoup d'intérêt, comme il le faisait pour tous les religieux et principalement pour ceux qui s'étaient engagés sous le glorieux drapeau de la bienheureuse Pauvreté et de la sainte Simplicité. Comme il avait à cœur d'aider les pauvres et de prendre en main leurs intérêts, il lui demanda ce qui l'amenait à Florence et prit connaissance de ses projets. Il n'avait jamais rencontré un homme qui, plus que François, fût détaché de tous les biens de la terre et brûlé de ce feu que Jésus vint allumer ; son âme s'attacha à celle de François ; il se recommanda avec chaleur et confiance à ses prières et se mit volontiers à sa disposition pour le protéger en toute circonstance. Mais il le dissuada de continuer le voyage commencé : les frères dont le Seigneur Dieu lui avait confié la charge avaient besoin de toute sa vigilance .

A voir tant de bienveillance, d'affabilité, de sens pratique chez un si grand seigneur, François fut empli d'une immense joie ; il se prosterna à ses pieds, et, d'une âme enthousiaste, se plaça sous son autorité et lui confia ses frères.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:01 am

CHAPITRE 28

SA TENDRESSE COMPATISSANTE POUR LES PAUVRES, DEUX HISTOIRES DE BREBIS ET D'AGNEAUX.

76.- François, petit pauvre et père des pauvres, voulait vivre en tout comme un pauvre ; il souffrait de rencontrer plus pauvre que lui, non point par vanité mais à cause de la tendre compassion qu'il leur portait. Il ne voulait qu'une tunique de tissu rêche et très commun ; encore lui arrivait-il bien souvent de la partager avec un malheureux . Mais il était, lui, un pauvre très riche, car poussé par sa grande charité à secourir les pauvres comme il le pouvait, il s'en allait chez les riches de ce siècle au temps des plus grands froids et leur demandait de lui prêter un manteau ou une pelisse. On les lui apportait avec plus d'empressement encore qu'il n'en avait mis à les demander. « J'accepte, disait-il alors, à condition que vous ne vous attendiez plus à les revoir. » Au premier pauvre rencontré, François, le cœur en fête, offrait ce qu'il venait de recevoir . Rien ne lui causait plus de peine que de voir insulter un pauvre ou maudire une créature quelconque . Un frère s'était un jour laissé aller à des paroles blessantes contre un pauvre qui demandait l'aumône : « Est-ce que, par hasard, lui avait-il dit, tu ne serais pas riche tout en faisant semblant d'être pauvre ? » Ces paroles firent très mal à François, le père des pauvres , il infligea au délinquant une terrible semonce, puis lui ordonna de se dépouiller de ses vêtements en présence du pauvre et de lui baiser les pieds en lui demandant pardon. « Celui qui parle mal à un pauvre, disait-il, injurie le Christ, dont le pauvre présente au monde le noble symbole, puisque le Christ, pour nous, s'est fait pauvre en ce monde .»

Lui-même, bien faible pourtant, chargeait souvent sur ses épaules les fagots ou les sacs des pauvres qu'il rencontrait.

77.- Sa charité, son âme compatissante, ne pouvaient s'en tenir seulement aux hommes dans le besoin ; il exerçait encore sa pitié envers les animaux, qui n'ont pourtant ni la parole ni la raison, ceux qui rampent, ceux qui volent, et toutes les créatures sensibles ou non. Les agneaux étaient ses préférés parce que Notre-Seigneur Jésus-Christ leur est si souvent et si exactement comparé dans les Saintes Ecritures à cause de son humilité. Il contemplait ainsi avec tendresse et avec joie tout ce qui présentait une ressemblance allégorique avec le Fils de Dieu.

Après avoir prêché à Ancône, il traversait un jour la Marche en direction d'Osimo, accompagné du seigneur Paul, nommé par lui ministre des frères de cette province ; ils rencontrèrent dans les champs un berger qui gardait un troupeau de chèvres et de boucs. Mais parmi la foule des chèvres et des boucs, il y avait une petite brebis, seule, qui avançait timidement et broutait paisiblement. Le bienheureux François s'arrêta, navré, à ce spectacle ; il se prit à gémir très haut et dit à son compagnon : « Ne vois-tu pas cette brebis qui marche avec tant de douceur au milieu des chèvres et des boucs ? Ainsi marchait Notre-Seigneur Jésus-Christ, doux et humble, parmi les pharisiens et les chefs des prêtres. Par amour pour Lui, mon fils, je t'en prie, prends en pitié comme moi cette petite brebis et achetons-la pour l'enlever du milieu des chèvres et des boucs. »

78.- Le frère Paul, témoin de cette compassion, se sentait envahir de pitié, lui aussi ; mais chacun ne possédait que sa tunique grossière et ils restaient là bien en peine de trouver le prix de la rançon, quand arriva soudain un négociant de passage qui leur offrit la somme désirée. Ils rendirent grâces à Dieu et emmenèrent la brebis jusqu'à Osimo. On les introduisit chez l'évêque, qui les reçut avec honneur, mais qui trouvait singulière cette façon de promener une brebis et de lui témoigner tant d'affection . Mais quand le saint lui eut développé tout au long la signification symbolique de cette brebis, l'évêque, très touché, rendit grâces à Dieu pour une si belle candeur.

Mais que faire de la brebis ? Sur le conseil de son compagnon, François la confia au monastère des religieuses de Saint-Séverin . Elles reçurent la brebis avec beaucoup de joie, comme un précieux cadeau donné par Dieu lui-même ; elles la soignèrent longtemps, et, de sa laine, tissèrent une tunique qu'elles envoyèrent au bienheureux Père François lors d'un chapitre qui se célébrait à Sainte-Marie de la Portioncule ; le saint la reçut avec autant de respect que de bonheur ; il caressait l'étoffe, l'embrassait et conviait tous les assistants à partager sa joie.

79.- Une autre fois - c'était toujours dans la Marche d'Ancône et en compagnie du même dévoué frère Paul - il rencontra un homme qui partait à la foire vendre deux agneaux et qui les avait liés pour les porter suspendus à son épaule. François eut l'âme déchirée par leurs bêlements. Il s'approcha, les couvrit de caresses comme fait une mère quand pleure son enfant, et il dit à l'homme :

« Pourquoi torturer mes frères les agneaux en les tenant ainsi ligotés et suspendus ? - Je vais les vendre au marché, car j'ai besoin d'argent. - Et qu'adviendra-t-il d'eux ensuite ? - Ceux qui les auront achetés vont les tuer et les manger. - Non, cela ne peut pas être. Prends plutôt pour te payer le manteau que je porte, et laisse-moi les agneaux. »

L'homme ne fit pas de difficulté pour donner les agneaux : le manteau valait bien davantage ; le saint l'avait reçu le matin même d'un homme généreux « à titre de prêt » pour se garantir du froid. Mais une fois maître des agneaux, il se demandait bien ce qu'il allait en faire. Il prit conseil de son compagnon, puis les rendit à leur propriétaire, avec la consigne de les nourrir et de les soigner sans jamais les vendre ni leur faire aucun mal .
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:01 am

CHAPITRE 29

SON AMOUR POUR TOUTES LES CRÉATURES A CAUSE DU CRÉATEUR. SON PORTRAIT PHYSIQUE ET MORAL.

80.- Un recueil de tout ce que notre glorieux Père François accomplit et enseigna durant sa vie serait interminable et d'ailleurs impossible : qui pourrait nous retracer son immense amour pour tout ce qui touchait à Dieu ? Qui pourrait nous décrire la douceur inondant son âme lorsqu'il retrouvait dans les créatures la sagesse, la puissance et la bonté du Créateur ? A contempler le soleil, la lune, le firmament et toutes ses étoiles, il se sentait monter au cœur une joie ineffable.

Piété simple, pieuse simplicité : il témoignait aux vers eux-mêmes un grand amour, car il avait appris ce qui est dit du Sauveur : Je suis un ver et non un homme . Aussi les ramassait-il sur le chemin ; il les plaçait hors d'atteinte pour leur éviter d'être écrasés par les passants. Et que dire des autres créatures inférieures ? Pour que les abeilles ne meurent pas de froid durant l'hiver, il leur faisait donner du miel et du bon vin. Il savait si bien vanter, à la louange du Seigneur, leur ardeur au travail et la sûreté de leur instinct qu'il lui arriva de passer une journée entière à faire leur éloge et celui des autres créatures. De même qu'autrefois les « trois enfants dans la fournaise » invitèrent tous les éléments à louer et glorifier le Créateur de l'Univers, de même François, plein de l'Esprit de Dieu, glorifiait, louait et bénissait continuellement, pour tous les éléments et toutes les créatures, le Créateur et Maître de toutes choses .

81.- Quelle dilatation de toute son âme lorsqu'il considérait la beauté des fleurs et respirait leur parfum ! Il reportait alors sa contemplation sur la beauté de cette autre fleur printanière qui sortit radieuse de la tige de Jessé et dont le parfum rendit la vie à des milliers de morts . Quand il rencontrait des fleurs répandues par nappes, il leur prêchait comme si elles avaient été douées de raison et les invitait à louer le Seigneur. Les moissons et les vignes, les rochers et les forêts, tous les sites riants, les fontaines, les bosquets, la terre, le feu, l'air et les vents, tous, avec la plus authentique simplicité, il les exhortait à aimer Dieu et à le servir de grand cœur. Tout être recevait le nom de frère ; l'intuition pénétrante de son cœur arrivait à découvrir d'une manière extraordinaire et inconnue d'autrui le mystère des créatures, puisqu'il jouissait déjà de la glorieuse liberté des enfants de Dieu . Maintenant qu'il est dans le ciel, il proclame avec les Anges que vous êtes admirable, ô bon Jésus, lui qui sur terre prêchait à toute créature combien vous êtes aimable.

82.- Quant à votre Nom, Seigneur saint, il est difficile de s'imaginer avec quelle joie très pure il le prononçait : on croyait voir un homme nouveau, un homme du siècle à venir. Quand il apercevait un fragment d'Ecriture ou d'auteur profane traînant par terre, sur la route ou dans une maison, il le ramassait avec beaucoup de respect et le replaçait dans une église ou dans un lieu décent ; s'il le traitait ainsi avec honneur, c'est qu'il pouvait contenir le Nom du Seigneur ou des propos s'y rapportant . Un frère lui demanda un jour pourquoi il mettait tant de soin à recueillir même les écrits des païens, où l'on ne trouve pas le Nom du Seigneur ; il répondit : « Mon fils, c'est parce qu'on y trouve les lettres qui composent le très glorieux Nom du Seigneur Dieu. Tout ce qu'il y a de bien dans ces écrits n'appartient ni aux païens ni à qui que ce soit, mais à Dieu seul, de qui nous vient tout bien. » Lui-même, quand il dictait une lettre soit de courtoisie, soit de direction, n'admettait pas qu'on gratte une lettre ou une syllabe, même superflues ou fautives .

83. Qu'il était beau, magnifique et glorieux dans son innocence, dans la simplicité de ses paroles, la pureté de son cœur, son amour de Dieu, sa charité pour ses frères, son obéissance aimante, son esprit de concorde et de serviabilité ! On croyait voir un ange. Il était doux, calme, avenant, donnant des avis salutaires, gardant fidèlement ce qu'on lui avait confié, avisé dans la réflexion et actif dans l'exécution, doué pour toutes choses . Il avait l'esprit paisible, l'âme douce, le sens rassis . Il était absorbé dans la contemplation, toujours occupé à prier, toujours plein de ferveur, tenace dans ce qu'il avait décidé, ferme dans la vertu, persévérant dans la grâce et toujours égal à 1ui-même, prompt à pardonner, lent à se fâcher. Il avait l'esprit vif et la mémoire heureuse ; il était fin dans la discussion, pondéré dans ses décisions et toujours simple ; il était dur pour lui-même, indulgent pour les autres, toujours avec discernement ; il avait une grande facilité de parole ; son visage rayonnait la joie et la bienveillance ; on ne le vit jamais prendre des airs hautains ni des allures langoureuses.

Il était de taille moyenne, plutôt petit que grand. Il avait le crâne rond et de dimensions moyennes ; le visage un peu allongé ; le front petit et droit ; les yeux moyens, de couleur noire, et limpides ; les cheveux foncés ; les sourcils droits ; le nez régulier, mince et droit ; les oreilles petites et comme toujours à l'écoute , les tempes plates ; une parole apaisante, brûlante et pénétrante ; la voix vibrante et douce, claire et sonore ; les dents serrées, régulières et blanches ; les lèvres fines et minces ; la barbe noire et clairsemée ; le cou grêle, les épaules droites ; les bras courts, terminés par de petites mains aux doigts effilés, avec des ongles saillants ; les jambes maigres et de petits pieds ; la peau douce ; le minimum de chair... Il était grossièrement vêtu, dormait peu, donnait tout. Comme il était très humble, il n'était que douceur et savait s'accommoder utilement aux caractères les plus divers. Lui qui était le plus saint parmi les saints semblait, parmi les pécheurs, être devenu comme l'un d'eux.

Père très saint, puisque tu aimes les pécheurs, viens donc à leur secours, nous t'en prions, et par ta glorieuse et miséricordieuse intercession, daigne remettre debout ceux qui gisent misérables dans la souillure de leurs fautes.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:03 am

CHAPITRE 30

COMMENT IL MONTA UNE CRÈCHE, UN JOUR DE NOËL.

84.- Son idéal bien arrêté, son désir le plus ardent, sa volonté la plus ferme étaient d'observer le saint Evangile , d'en observer tous les points, et en toute circonstance, de se conformer parfaitement, avec zèle, application, élan et ferveur, à la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et d'imiter ses exemples. Il évoquait ses paroles dans une méditation assidue et entretenait par une profonde contemplation le souvenir de ses actes. Deux sujets surtout l'empoignaient tellement qu'il pouvait à peine penser à autre chose : l'humilité manifestée par l'Incarnation, et l'amour manifesté par la Passion.

C'est pourquoi je veux conserver pieusement le souvenir de ce qu'il fit à Greccio un jour de Noël, trois ans avant sa mort. Il y avait dans cette province un homme appelé Jean, de bonne renommée, de vie meilleure encore, et le bienheureux François l'aimait beaucoup parce que, malgré son haut lignage et ses importantes charges, il n'accordait aucune valeur à la noblesse du sang et désirait acquérir celle de l'âme. Une quinzaine de jours avant Noël, François le fit appeler comme il le faisait souvent. « Si tu veux bien, lui dit-il, célébrons à Greccio la prochaine fête du Seigneur ; pars dès maintenant et occupe-toi des préparatifs que je vais t'indiquer. Je veux évoquer en effet le souvenir de l'Enfant qui naquit à Bethléem et de tous les désagréments qu'il endura dès son enfance ; je veux le voir, de mes yeux de chair , tel qu'il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne .» L'ami fidèle courut en toute hâte préparer au village en question ce qu'avait demandé le saint.

Le jour de joie arriva, le temps de l'allégresse commença. On convoqua les frères de plusieurs couvents des environs. Hommes et femmes, les gens du pays, l'âme en fête, préparèrent, chacun selon ses possibilités, des torches et des cierges pour rendre lumineuse cette nuit qui vit se lever l'Astre étincelant éclairant tous les siècles. En arrivant, le saint vit que tout était prêt et se réjouit fort. On avait apporté une mangeoire et du foin, on avait amené un âne et un bœuf. Là vraiment la simplicité était à l'honneur, c'était le triomphe de la pauvreté, la meilleure leçon d'humilité ; Greccio était devenu un nouveau Bethléem. La nuit se fit aussi lumineuse que le jour et aussi délicieuse pour les animaux que pour les hommes. Les foules accoururent, et le renouvellement du mystère renouvela leurs motifs de joie. Les bois retentissaient de chants, et les montagnes en répercutaient les joyeux échos. Les frères chantaient les louanges du Seigneur, et toute la nuit se passa dans la joie. Le saint passa la veillée debout devant la crèche, brisé de compassion, rempli d'une indicible joie. Enfin l'on célébra la messe sur la mangeoire comme autel , et le prêtre qui célébra ressentit une piété jamais éprouvée jusqu'alors.

86.- François revêtit la dalmatique, car il était diacre , et chanta l'Evangile d'une voix sonore. Sa voix vibrante et douce, claire et sonore, invitait tous les assistants aux plus hautes joies. Il prêcha ensuite au peuple et trouva des mots doux comme le miel pour parler de la naissance du pauvre Roi et de la petite ville de Bethléem. Parlant du Christ Jésus, il l'appelait avec beaucoup de tendresse « l'enfant de Bethléem », et il clamait ce « Bethléem » qui se prolongeait comme un bêlement d'agneau , il faisait passer par sa bouche toute sa voix et tout son amour. On pouvait croire, lorsqu'il disait « Jésus » ou « enfant de Bethléem » qu'il se passait la langue sur les lèvres comme pour savourer la douceur de ces mots.

Au nombre des grâces prodiguées par le Seigneur en ce lieu, on peut compter la vision admirable dont un homme de grande vertu reçut alors la faveur. Il aperçut couché dans la mangeoire un petit enfant immobile que l'approche du saint parut tirer du sommeil. Cette vision échut vraiment bien à propos, car l'Enfant-Jésus était, de fait, endormi dans l'oubli au fond de bien des cœurs jusqu'au jour où, par son serviteur François, son souvenir fut ranimé et imprimé de façon indélébile dans les mémoires. Après la clôture des solennités de la nuit, chacun rentra chez soi, plein d'allégresse.

87.- On conserva du foin de la crèche « afin que Yahweh guérisse le bétail, si grande est sa miséricorde » ! En effet, beaucoup d'animaux de la région, atteints de diverses maladies, mangèrent de ce foin et furent guéris. Bien mieux, des femmes qui, au cours d'enfantements laborieux et pénibles, se munirent de quelques brins, accouchèrent heureusement. Des foules d'hommes et de femmes purent de la même façon recouvrer la santé.

La crèche est devenue un temple consacré au Seigneur ; sur l'emplacement de la mangeoire, un autel est construit en l'honneur du bienheureux Père François, afin que là où des animaux ont autrefois mangé leur nourriture composée de foin, les hommes mangent désormais, pour la santé de leur âme et de leur corps, la chair de l'Agneau sans tache, Jésus-Christ Notre Seigneur, qui, dans son immense et ineffable amour, se donna lui-même à nous, lui qui vit et règne éternellement glorieux avec le Père et le Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles. Amen. Alleluia, Alleluia !


Ici finit le premier opuscule de la vie et des actes du bienheureux François.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:05 am

DEUXIEME PARTIE -
Les deux dernières années et la mort bienheureuse de notre Père saint François.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:06 am

DEUXIÈME PARTIE

Ici commence la seconde partie : Les deux dernières années et la mort bienheureuse de notre Père saint François.

CHAPITRE 1

CONTENU DE CETTE SECONDE PARTIE.

88.- Avec la grâce de Dieu, nous avons pu mener à bonne fin notre première partie ; elle racontait la vie et les actes de notre bienheureux Père François jusqu'à la dix-huitième année de sa conversion. Nous allons consacrer cette seconde partie à tout ce que nous avons pu recueillir de certain sur ses deux dernières années, mais brièvement : nous nous bornerons à l'essentiel afin de laisser matière à ceux qui voudraient en raconter davantage.

C'est donc en l'an 1226 de l'Incarnation du Seigneur, le 4 octobre, un dimanche , que notre bienheureux Père François, dans la ville d'Assise, où il était né, à Sainte-Marie de la Portioncule, où il avait fondé l'Ordre des Frères Mineurs, quitta sa prison de chair et s'envola vers le séjour des esprits des cieux, couronnant ainsi vingt années d'union parfaite au Christ et d'imitation des Apôtres. Sa dépouille sacrée fut enterrée avec honneur dans cette même ville d'Assise au chant des cantiques et des hymnes et, pour la gloire du Tout-Puissant, il ne cesse d'y opérer d'éclatants miracles. Amen.

89.- François, dès sa plus tendre jeunesse, n'avait reçu ni direction morale ni instruction religieuse, ou si peu que rien ; laissé pendant longtemps aux seules tendances de son tempérament et à l'ardeur des passions, il finit par être tiré du péché, quand la droite du Très-Haut changea son orientation ; par la grâce et la vertu de Dieu, il fut doué de sagesse divine plus qu'aucun homme de son temps. Au milieu de l'avilissement non point partiel mais général où était tombé l'enseignement de l'Evangile à cause des mœurs de ceux qui l'enseignaient, il fut, comme les Apôtres, envoyé par Dieu pour rendre témoignage à la vérité dans l'univers entier . A l'entendre, on avait l'évidence que toute la sagesse du monde n'est que folie, et la folie de sa prédication ramena bientôt les hommes à la sagesse de Dieu sous la conduite du Christ.

Ce nouvel évangéliste, tel un fleuve du paradis , inonda le monde entier des flots de l'Evangile et prêcha par son exemple la voie du Fils de Dieu et sa doctrine de vérité. Grâce à lui, la terre retrouva une nouvelle et sainte jeunesse, une allégresse inespérée ; le vieil arbre de la religion vit refleurir ses branches les plus noueuses et rabougries ; un esprit nouveau anima le cœur des élus et répandit en eux l'onction du salut dès que le serviteur du Christ apparut comme un astre au firmament et rayonna d'une sainteté toute nouvelle et de miracles inouïs. Une fois de plus ce monde stérile vit surgir les merveilles ; par son Ordre, Ordre nouveau bien que d'inspiration traditionnelle, il planta une vigne aux fruits abondants, aux sarments partout multipliés, aux fleurs exquises répandant le parfum de la vertu.

90.- La fragilité de la condition humaine qu'il partagea avec nous ne l'empêcha pas de dépasser l'observance des préceptes communs : débordant de l'amour le plus intense, il suivit le chemin de la perfection, atteignit les sommets de la sainteté, et contempla finalement le terme de toute perfection. Toute personne, peu importe l'âge ou le sexe, trouve en lui non seulement les éléments lumineux de ce qu'il faut savoir, mais aussi les splendides exemples de ce qu'il faut faire pour devenir un saint. Etes-vous prêts à une épreuve de courage ? Désirez-vous les grâces les meilleures, celles de la voie de perfection ? Regardez sa vie et vous y apprendrez la perfection qui s'y reflète comme en un miroir. Ceux qui préfèrent rester dans la plaine et qui craignent les pénibles ascensions trouveront encore chez lui des directions appropriées. Ceux enfin qui veulent des miracles n'ont qu'à s'adresser à un homme si saint : ils obtiendront ce qu'ils demandent.

On peut même dire que sa vie jette un plus grand éclat que celle des saints qui l'ont précédé ; je n'en veux pour preuve que la Croix et la Passion de Jésus-Christ. Notre glorieux Père, en effet, a été marqué en cinq endroits de son corps du sceau de la Passion et de la Croix comme s'il avait été cloué en croix avec le Fils de Dieu. Ce mystère est grand et prouve de quel amour profond, de quel amour de choix il fut l'objet ; mais il y a là aussi une leçon cachée, un symbole redoutable qui est, croyons-nous, le secret de Dieu : le saint ne s'en est jamais ouvert qu'à demi-mot . Il ne convient donc pas de lui prodiguer des flots de louanges, puisqu'il a été glorifié par Celui qui est la source de toute louange et qui donne à ses preux chevaliers la récompense de la Lumière. Béni soit donc le Dieu saint, véritable et glorieux, et revenons à notre récit.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:07 am

CHAPITRE 2

LE SUPRÊME DÉSIR DU BIENHEUREUX FRANÇOIS ET COMMENT IL COMPRIT, EN CONSULTANT LE LIVRE, CE QUE LE SEIGNEUR VOULAIT DE LUI.
91.- Pour être à l'abri des foules qui accouraient chaque jour le voir et l'entendre, le bienheureux Père François s'en alla un jour dans un refuge de solitude et de tranquillité pour n'y plus penser qu'à Dieu et secouer la poussière qui avait pu s'attacher à lui dans son séjour parmi les hommes. Le temps que Dieu nous octroie pour acquérir la grâce, il le distribuait ainsi suivant les occasions : une part à la conquête des âmes, une part à la contemplation dans la solitude. Il ne prit donc avec lui qu'un tout petit nombre de compagnons plus au courant que les autres de ses habitudes : il serait défendu par eux contre l'envahissement et l'importunité des hommes ; sa retraite serait finalement et fidèlement protégée. Il pratiqua durant ce séjour une oraison continuelle ; sa contemplation lui permettait de jouir là, de manière ineffable, de la familiarité de Dieu.

Il désirait connaître ce qu'il pouvait faire ou laisser faire en lui qui fût le plus agréable au Roi éternel : de toute son intelligence, de toute son âme, il cherchait le moyen de s'attacher parfaitement au Seigneur Dieu, conformément à ses desseins et au bon plaisir de sa volonté. Là était pour lui le sommet de la philosophie, tel était le suprême désir dont il brûla toute sa vie, et il demandait à tous, savants et illettrés, parfaits ou imparfaits, la route de la vérité, la route du mieux.

92.- Il se défendait bien d'être parfait, lui le plus parfait des parfaits, et se jugeait lui-même de la plus totale imperfection. C'est qu'il avait expérimenté et savouré la douceur, la suavité, la bonté du Dieu d'Israël à l'égard de ceux qui ont le cœur droit et qui le cherchent en toute simplicité et pureté d'intention . Cette douceur et cette suavité sont accordées à quelques rares privilégiés ; il les avait senties en lui comme une brise venant du ciel ; il en défaillait presque, rempli d'une si grande joie qu'il désirait passer tout entier là où l'extase faisait vivre une partie de lui-même. Animé par l'esprit de Dieu, il était prêt à toutes les angoisses de l'âme, à tous les supplices du corps, pourvu qu'il lui fût enfin permis de voir se réaliser en lui la miséricordieuse volonté de notre Père des cieux.

C'est pourquoi il s'en alla prendre un jour l'évangéliaire, le posa respectueusement sur l'autel élevé dans l'ermitage qu'il habitait, puis, se prosternant de cœur aussi bien que de corps, il demanda par une humble prière que le Dieu de bonté, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, voulût bien lui signifier quelle était sa volonté ; et il le supplia d'indiquer, par la première page où le volume s'ouvrirait, ce qu'il fallait faire pour couronner l’œuvre qu'il avait jadis commencée avec simplicité et générosité. Son intention était celle-là même des saints et des parfaits qui ont agi de la même façon, poussés par le même désir de sainteté .

93.- Sa prière terminée, il se releva, puis humble et contrit, fit le signe de la croix, prit le livre sur l'autel et l'ouvrit en tremblant. Et voilà que le premier passage sur lequel il tomba était le récit de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. C'était lui révéler assez clairement qu'il aurait à souffrir. Mais pour qu'on ne puisse mettre cette indication sur le compte du hasard, il ouvrit le livre une deuxième fois, puis une troisième fois, et trouva le même texte ou un texte équivalent. L'Esprit de Dieu lui fit comprendre qu'il n'entrerait au royaume de Dieu qu'après beaucoup de tribulations, d'angoisses et de combats. Comme un preux chevalier, il resta sans peur face à la bataille qui s'annonçait ; il ne perdit pas courage à la perspective de mener la lutte pour le Seigneur en ce monde.

Il n'avait d’ailleurs pas à craindre de céder à l'ennemi, lui qui savait se vaincre lui-même, pour y avoir longtemps peiné au-delà même de ce que pouvaient ses forces humaines. On peut lui trouver un émule, au cours des siècles, pour la fermeté du vouloir ; il est sans égal pour l'ardeur dans le désir. Plus prompt à pratiquer la perfection qu'à la prêcher, il employait toute son énergie et son activité non pas aux paroles qui montrent le bien sans la réaliser, mais aux œuvres de sainteté. Il restait donc inébranlablement paisible et joyeux ; il chantait en son cœur, pour lui et pour Dieu, des cantiques d'allégresse. Pour s'être tant réjoui d'une bien minime révélation, il mérita la faveur d'une autre plus importante , semblable au serviteur fidèle dans les petites choses qui fut établi maître sur de plus grandes .
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:08 am

CHAPITRE 2

LE SUPRÊME DÉSIR DU BIENHEUREUX FRANÇOIS ET COMMENT IL COMPRIT, EN CONSULTANT LE LIVRE, CE QUE LE SEIGNEUR VOULAIT DE LUI.

91.- Pour être à l'abri des foules qui accouraient chaque jour le voir et l'entendre, le bienheureux Père François s'en alla un jour dans un refuge de solitude et de tranquillité pour n'y plus penser qu'à Dieu et secouer la poussière qui avait pu s'attacher à lui dans son séjour parmi les hommes. Le temps que Dieu nous octroie pour acquérir la grâce, il le distribuait ainsi suivant les occasions : une part à la conquête des âmes, une part à la contemplation dans la solitude. Il ne prit donc avec lui qu'un tout petit nombre de compagnons plus au courant que les autres de ses habitudes : il serait défendu par eux contre l'envahissement et l'importunité des hommes ; sa retraite serait finalement et fidèlement protégée. Il pratiqua durant ce séjour une oraison continuelle ; sa contemplation lui permettait de jouir là, de manière ineffable, de la familiarité de Dieu.

Il désirait connaître ce qu'il pouvait faire ou laisser faire en lui qui fût le plus agréable au Roi éternel : de toute son intelligence, de toute son âme, il cherchait le moyen de s'attacher parfaitement au Seigneur Dieu, conformément à ses desseins et au bon plaisir de sa volonté. Là était pour lui le sommet de la philosophie, tel était le suprême désir dont il brûla toute sa vie, et il demandait à tous, savants et illettrés, parfaits ou imparfaits, la route de la vérité, la route du mieux.

92.- Il se défendait bien d'être parfait, lui le plus parfait des parfaits, et se jugeait lui-même de la plus totale imperfection. C'est qu'il avait expérimenté et savouré la douceur, la suavité, la bonté du Dieu d'Israël à l'égard de ceux qui ont le cœur droit et qui le cherchent en toute simplicité et pureté d'intention . Cette douceur et cette suavité sont accordées à quelques rares privilégiés ; il les avait senties en lui comme une brise venant du ciel ; il en défaillait presque, rempli d'une si grande joie qu'il désirait passer tout entier là où l'extase faisait vivre une partie de lui-même. Animé par l'esprit de Dieu, il était prêt à toutes les angoisses de l'âme, à tous les supplices du corps, pourvu qu'il lui fût enfin permis de voir se réaliser en lui la miséricordieuse volonté de notre Père des cieux.

C'est pourquoi il s'en alla prendre un jour l'évangéliaire, le posa respectueusement sur l'autel élevé dans l'ermitage qu'il habitait, puis, se prosternant de cœur aussi bien que de corps, il demanda par une humble prière que le Dieu de bonté, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, voulût bien lui signifier quelle était sa volonté ; et il le supplia d'indiquer, par la première page où le volume s'ouvrirait, ce qu'il fallait faire pour couronner l’œuvre qu'il avait jadis commencée avec simplicité et générosité. Son intention était celle-là même des saints et des parfaits qui ont agi de la même façon, poussés par le même désir de sainteté .

93.- Sa prière terminée, il se releva, puis humble et contrit, fit le signe de la croix, prit le livre sur l'autel et l'ouvrit en tremblant. Et voilà que le premier passage sur lequel il tomba était le récit de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. C'était lui révéler assez clairement qu'il aurait à souffrir. Mais pour qu'on ne puisse mettre cette indication sur le compte du hasard, il ouvrit le livre une deuxième fois, puis une troisième fois, et trouva le même texte ou un texte équivalent. L'Esprit de Dieu lui fit comprendre qu'il n'entrerait au royaume de Dieu qu'après beaucoup de tribulations, d'angoisses et de combats. Comme un preux chevalier, il resta sans peur face à la bataille qui s'annonçait ; il ne perdit pas courage à la perspective de mener la lutte pour le Seigneur en ce monde.

Il n'avait d’ailleurs pas à craindre de céder à l'ennemi, lui qui savait se vaincre lui-même, pour y avoir longtemps peiné au-delà même de ce que pouvaient ses forces humaines. On peut lui trouver un émule, au cours des siècles, pour la fermeté du vouloir ; il est sans égal pour l'ardeur dans le désir. Plus prompt à pratiquer la perfection qu'à la prêcher, il employait toute son énergie et son activité non pas aux paroles qui montrent le bien sans la réaliser, mais aux œuvres de sainteté. Il restait donc inébranlablement paisible et joyeux ; il chantait en son cœur, pour lui et pour Dieu, des cantiques d'allégresse. Pour s'être tant réjoui d'une bien minime révélation, il mérita la faveur d'une autre plus importante , semblable au serviteur fidèle dans les petites choses qui fut établi maître sur de plus grandes .
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:09 am

CHAPITRE 3

COMMENT IL VIT APPARAITRE UN HOMME SOUS LA FORME D'UN SÉRAPHIN CRUCIFIÉ.

94.- L'ermitage de l'Alverne doit son nom à la situation qu'il occupe : François y séjournait quand, deux années environ avant de rendre son âme au ciel, il fut favorisé par Dieu de la vision suivante : un homme ayant l'apparence d'un séraphin, doté de six ailes, se tenait en face de lui dans les airs, attaché à une croix, les bras étendus et les pieds joints. Deux ailes s'élevaient au-dessus de sa tête, deux autres restaient déployées pour le vol, les deux autres lui voilaient le corps . Cette apparition plongea le serviteur du Très-Haut dans un profond émerveillement, mais il ne parvenait pas à en comprendre le sens. Il éprouvait une grande joie de sentir le regard bienveillant posé sur lui par ce séraphin à l'inappréciable beauté, mais en même temps il restait atterré de cette crucifixion et de ces cruelles souffrances. Il se leva, triste et joyeux à la fois, si l'on peut dire, la douleur et la joie se succédant en lui. Il s'efforçait de comprendre ce que signifiait cette vision, s'épuisait à en saisir le sens. Son intelligence n'était encore parvenue à rien de clair, mais son cœur était entièrement accaparé par cette vision quand, dans ses mains et dans ses pieds, commencèrent à apparaître, telles qu'il les avait vues peu avant sur l'homme crucifié, les marques de quatre clous.

95.- Ses mains et ses pieds semblaient avoir été transpercés en leur centre par des clous dont la tête apparaissait dans la paume des mains et sur le dessus des pieds, tandis que la pointe ressortait de l'autre côté. Les saillants étaient ronds à l'intérieur des mains, ovales à l'extérieur, et une sorte de bourrelet de chair semblait être la pointe des clous rabattue et recourbée, faisant saillie au-dessus de la peau. Aux pieds, on voyait aussi des clous qui dépassaient. Au côté droit, comme entrouvert par une lance, s'étendait une plaie d'où coulait fréquemment son sang précieux qui mouillait caleçons et tuniques.

Tant que vécut le serviteur crucifié du Seigneur crucifié, bien peu, hélas, eurent le bonheur de voir la blessure sacrée de son côté. Heureux frère Elie qui, bon gré mal gré , put l'apercevoir durant la vie du saint ! Nom moins privilégié Rufin, qui put la toucher de ses propres mains : il lui frictionnait un jour les épaules quand sa main glissa malencontreusement sur le côté droit et s'en vint heurter la blessure sacrée. Le choc provoqua une vive douleur, et le bienheureux écarta la main du frère en demandant à Dieu de lui pardonner. Il mettait grand soin à dissimuler ses blessures aux frères comme aux étrangers ; c'est ainsi que ses voisins et même ses plus fidèles disciples les ignorèrent longtemps. Orné de joyaux si précieux, couvert d'une gloire sans précédent, le serviteur et ami du Très-Haut n'en conçut pourtant aucun orgueil dans le secret de son cœur, ne chercha personne à qui s'en vanter par désir de vaine gloire : de peur que les succès humains ne lui dérobent la grâce qu'il avait reçue , il cherchait à en garder, par tous les moyens, le secret .

96.- Ses grands secrets, en effet, il avait pour habitude de ne jamais ou guère les confier, car il craignait de les voir divulguer (ce que font tous les préférés pour montrer combien ils sont spécialement aimés) et de porter ainsi préjudice à la grâce qu'il avait reçue. Il gardait toujours en son cœur cette parole du prophète qui revenait souvent sur ses lèvres : « En mon cœur j'ai caché tes promesses pour ne point pécher contre toi ! » Il avait convenu avec ses frères et fils de réciter ce verset chaque fois qu'il désirerait interrompre sa conversation avec des gens venus pour le voir : à ce signal, les frères leur donnaient aussitôt congé poliment.

Il avait en effet expérimenté le tort qu'on se fait en livrant tout à tout le monde ; n'est pas « spirituel » celui qui n'a pas de vie intérieure plus profonde et plus parfaite que celle qui se manifeste sur le visage, celui qui, du premier abord, peut être jaugé par les hommes sur son apparence. Il avait d'ailleurs bien remarqué que certains étaient d'accord avec lui en sa présence, mais, au fond, pensaient tout autrement, applaudissant devant lui, riant de lui derrière son dos, et ces gens-là avaient parfois influencé son jugement et lui avaient rendu suspects, pour un temps, des hommes sans reproche. Car la méchanceté cherche souvent à noircir ce qui est pur, et parce que le mensonge est devenu un vice commun, on ne croit plus à la sincérité de quelques-uns.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:09 am

CHAPITRE 4

LA FERVEUR DU BIENHEUREUX FRANÇOIS. SA MALADIE D'YEUX.

97.- C'est vers la même période que son corps fut tourmenté de diverses maladies plus violentes qu'auparavant : rançon des mortifications qu'il s'imposait depuis de longues années pour réduire son corps en servitude. Depuis déjà plus de dix-huit ans il n'avait accordé à sa chair aucun repos ; dans les régions les plus diverses et les plus lointaines, il avait promené sa « chair » pour permettre à l'« esprit » qui en lui était prompt, généreux et fervent, de répandre partout le bon grain de la Parole de Dieu. Il avait empli toute la terre de l'Evangile du Christ, visitant parfois dans une même journée quatre ou cinq bourgs ou hameaux, annonçant dans chacun le royaume de Dieu, édifiant son auditoire tant par son exemple que par sa parole : c'était de sa personne tout entière qu'il prêchait . L'adhésion, l'obéissance de la chair à l'esprit étant en lui si parfaite qu'aux efforts déployés par celui-ci pour atteindre la sainteté, celle-là non seulement ne rechignait pas, mais tâchait même de la devancer, selon qu'il est écrit : « Yahweh, mon Dieu, mon âme a soif de toi ; après toi languit aussi ma chair ! » Cet assujettissement continuel avait fini par rendre la soumission elle-même volontaire, et cette docilité de chaque jour lui avait préparé l'assise d'une vertu consommée : l'automatisme souvent passe dans le tempérament.

98.- Mais il est une loi inéluctable de la nature humaine : l'homme extérieur dépérit progressivement, cependant que l'homme intérieur se renouvelle sans cesse ; ainsi l'on vit se craqueler de toutes parts le vase très précieux où François cachait son trésor céleste, et ses forces l'abandonnèrent. Mais « quand l'homme a fini de chercher, il n'est encore qu'au début ; et quand il s'arrête, c'est alors que le travail commence » ; son esprit devenait d'autant plus prompt que sa chair devenait plus faible : il voulait avec une telle force le salut des âmes, il désirait si intensément gagner à Dieu son prochain que, hors d'état de marcher, c'est à dos d'âne qu'il parcourait maintenant le pays.

Ses frères ne cessaient de lui conseiller, et de façon pressante, de recourir au médecin pour remettre autant que possible en état son pauvre corps à bout de forces ; ils lui disaient que c'était un devoir... Mais son esprit généreux n'avait d'autre but que le ciel, il ne désirait que la libération pour être réuni au Christ et il refusait de se laisser soigner. Comme il n'avait pas encore accompli tout ce qui manquait dans sa chair à la Passion du Christ dont il portait pourtant les stigmates dans son corps, il contracta une très grave maladie. Le mal gagnait et s'aggravait de jour en jour, faute de soins ; finalement frère Elie intervint : François se l'était choisi pour « mère » et l'avait institué « père » de tous les autres frères ; Elie l'obligea à ne pas repousser plus longtemps les secours de la médecine, mais à les accepter au nom du Fils de Dieu qui les créa : « Le Seigneur fait produire à la terre ses médicaments ; l'homme sensé ne les dédaigne pas ». Le Père saint consentit de bonne grâce ; il se soumit à ses instructions avec humilité.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:10 am

CHAPITRE 5

COMMENT IL FUT REÇU A RIETI PAR LE SEIGNEUR HUGOLIN, ÉVÊQUE D'OSTIE, ET COMMENT LE SAINT LUI PRÉDIT QU'IL DEVIENDRAIT ÉVÊQUE DU MONDE ENTIER.

99.- Plusieurs médecins vinrent avec leurs remèdes : rien n'y fit. On le conduisit alors à Rieti, où un spécialiste de cette maladie exerçait, disait-on. Il fut reçu avec beaucoup de délicatesse et d'honneur par toute la cour romaine qui tenait là résidence ; le seigneur Hugolin, surtout, évêque d'Ostie, lui témoigna beaucoup d'affection. Il était réputé pour l'intégrité de sa conduite et la sainteté de sa vie . C’est lui d'ailleurs que le bienheureux François, avec l'assentiment du Pape Honorius, avait choisi pour père et seigneur de tout l'Ordre de ses frères, parce qu'il aimait la bienheureuse pauvreté et tenait en grand honneur la bienheureuse simplicité. Ce seigneur prenait modèle sur la conduite des frères ; par désir de sainteté, il était simple avec les simples, humble avec les humbles, pauvre avec les pauvres. C'était un frère au milieu de ses frères, il était le plus petit des « mineurs » et tâchait de se comporter en tout point comme l'un d'eux. Il s'ingéniait à donner à l'Ordre la plus grande extension, et d'ailleurs la réputation de sa vie sainte contribuait à le diffuser largement dans les contrées les plus éloignées.

Le Seigneur lui avait donné une langue savante, et il confondait les adversaires de la vérité, repoussait les ennemis de la croix du Christ, remettait les égarés dans le bon chemin, faisait la paix entre rivaux et renforçait encore le lien de la charité entre ceux qui s'aimaient. Il était dans l’Eglise de Dieu comme le phare éclatant, la flèche de choix réservée pour les grandes rencontres. Combien de fois ne le vit-on pas voyager, pour rétablir la paix, dépouillé de ses vêtements précieux, couvert d'habits grossiers, marchant nu-pieds comme l'un des frères ! Cette paix, d'ailleurs, chaque fois que s'en présentait l'occasion, il s'appliquait à la rétablir entre les hommes, ou entre les hommes et Dieu. C'est pourquoi Dieu ne tarda pas à le choisir comme pasteur de son Eglise sainte et universelle, et il lui donna puissance sur tous les peuples.

100. - Pour que l'on sache bien que ce choix était inspiré de Dieu et voulu par le Christ Jésus, le bienheureux Père François, bien longtemps à l'avance, en fit la prédiction en paroles et l'exprima en action. Quand l'Ordre, en effet, commença par la grâce de Dieu à prendre de l'ampleur, lorsque, tel un cèdre dans le paradis de Dieu , il éleva jusqu'au ciel la cime de ses mérites ou, comme une vigne choisie, envoya ses sarments sur la surface de la terre entière, alors le bienheureux s'en fut trouver le seigneur Pape Honorius, chef de l'Eglise de Rome, et le supplia de lui désigner comme père et seigneur, pour lui et pour ses frères, le seigneur Hugolin, évêque d'Ostie. Le Pape se rendit volontiers aux prières du saint et délégua ses propres pouvoirs sur l'Ordre au prélat, qui les accepta finalement et respectueusement. Comme le serviteur fidèle et prudent établi sur la maison du Seigneur, il s'ingénia par tous les moyens à procurer la nourriture de la vie éternelle à ceux qui lui étaient ainsi confiés. Aussi le Père saint lui avait-il voué une soumission totale et n'éprouvait-il pour lui qu'amour et que vénération.

Bien longtemps à l'avance, sous l'inspiration de l'Esprit de Dieu dont il était rempli, il apercevait ce qui ne devait apparaître que plus tard aux yeux de tous. Voilà pourquoi, quand il lui écrivait des lettres d'affaires ou d'amitié, il ne consentait pas à l'appeler évêque d'Ostie ou de Velletri , comme le faisaient tous les autres dans les salutations d'usage, mais il élargissait ainsi son territoire : « Au révérendissime Père et seigneur Hugolin, évêque de tout l'univers ! » Il employait souvent aussi pour le saluer des bénédictions étranges et, tout en se conduisant à son égard comme un fils affectueux et soumis, il lui arrivait aussi de le combler de bénédictions paternelles, « dans l'attente du Désiré des collines éternelles ».

Cet évêque avait pour le saint une grande affection, approuvait tout ce qu'il disait ou faisait , et, de le voir seulement, se sentait tout réconforté. Il atteste lui-même n'avoir jamais eu de trouble ou d'angoisse que la vue ou la parole du bienheureux n'aient dissipés : partis les nuages, l'azur revenait ; dissipés les ennuis, la joie du ciel inondait son cœur. Il s'était mis au service du bienheureux François comme un esclave sert son maître, lui témoignait à chaque rencontre les honneurs dus à un apôtre du Christ, s'inclinait devant lui intérieurement aussi bien que corporellement et lui baisait les mains de ses lèvres sacrées. Il cherchait avec tendresse et sollicitude le moyen de rendre au bienheureux Père la santé de ses yeux, le sachant si utile et nécessaire à l'Eglise de Dieu : il craignait pour toute la famille des frères et, dans la personne du père, avait pitié des fils. C'est pourquoi il enjoignait au bienheureux de se soigner et de ne pas refuser les remèdes appropriés, car sa négligence pourrait bien être fautive plutôt que méritoire. Saint François, acceptant avec humilité les avis d'un si grand seigneur et d'un père si aimé, devint plus prudent et suivit sans scrupule son traitement. Mais le mal avait déjà pris tant d'ampleur qu'il fallait recourir à un chirurgien très habile et à des opérations très douloureuses. On utilisa les cautères, les cataplasmes, les saignées, les collyres : rien n'y fit ; au contraire : il se portait encore plus mal...
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:11 am

CHAPITRE 6

LA VERTU DES FRÉRES QUI SERVAIENT SAINT FRANÇOIS, ET COMMENT CELUI-CI AURAIT VOULU VIVRE.


102.- Toutes ces maladies, il les supporta deux ans avec patience et humilité, rendant grâces à Dieu pour tout ce qui lui arrivait. Pour être plus libre de penser à Dieu, plus libre de parcourir les demeures du ciel, durant ses fréquentes extases, pour vivre toujours en présence du très doux Seigneur de toutes choses, il avait confié le soin de sa personne à quelques frères qui étaient, à juste titre, ses préférés. C'étaient des hommes vertueux, généreux, aimés par les hommes et faisant la joie des saints ; c'étaient les quatre piliers sur lesquels s'appuyait le bienheureux Père François. Je passerai leurs noms sous silence pour épargner leur modestie, vertu qui est l'amie et la compagne familière de ces hommes de l'Esprit ; la modestie est l'ornement de tous les âges, la preuve d'une âme innocente, la caractéristique d'un esprit de pureté ; c'est un excellent principe de conduite, une garantie pour la conscience, une protection pour la réputation, un témoignage de foncière droiture.

A tous quatre cette vertu était commune, mais chacun se distinguait par des qualités propres : l'un était d'une discrétion remarquable, le second d'une patience admirable, la simplicité faisait la gloire du troisième ; quant au dernier, il unissait à la vigueur corporelle la douceur de l'âme . Ils mettaient toute leur attention, tout leur cœur, toute leur volonté à procurer au bienheureux Père la paix de l'âme et le soulagement de ses maux, ne s'épargnant ni peine ni fatigue pour être tout à son service.

103.- Bien que consommé en grâce devant Dieu et rayonnant d’œuvres saintes parmi les hommes, le Père cherchait toujours ce qu'il pourrait entreprendre de plus parfait ; soldat chevronné des campagnes de Dieu, il voulait provoquer l'adversaire à de nouveaux combats ; il projetait de grands exploits sous la conduite du Christ, et, malgré ses membres exténués, son corps à bout de forces, il espérait bien triompher de l'ennemi en de nouvelles rencontres. Le vrai courage, en effet, oublie que le temps a une fin, puisque c'est dans l'éternité qu'il espère être récompensé. C'est pourquoi le saint désirait tant revenir à la misérable condition de ses débuts et ne doutait pas, dans son immense amour, qu'il plierait de nouveau sous le même esclavage qu'autrefois son corps pourtant bien près du terme.

C'est dans ce but qu'il avait refusé de prendre soin de lui et délibérément ignoré tous les ménagements ; mais sa maladie l'obligeait à se relâcher des rigueurs de jadis, et il disait : « Commençons, mes frères, à servir le Seigneur Dieu, car c'est à peine si nous avons jusqu'alors accompli quelque progrès ! » Il était donc loin de se croire arrivé , mais, tenace dans sa volonté de perpétuel renouvellement dans la sainteté, il gardait toujours l'espoir de commencer. Il voulait même reprendre le service des lépreux et sa vie méprisée de naguère, fuir la compagnie des hommes et se retirer dans la plus profonde solitude pour être débarrassé de tout autre souci et n'avoir plus, entre lui et Dieu, que la seule cloison provisoire de la chair.

104.- Il s'était rendu compte que beaucoup étaient avides d'honneurs et de commandements. Il exécrait pareille présomption et, par son exemple, tâchait de les préserver d'un tel fléau. Il admettait les fonctions de gouvernement comme bonnes et agréables à Dieu, mais « ceux-là seuls doivent assumer la charge de conduire les âmes, disait-il, qui, loin de se rechercher eux-mêmes, n'ont toujours en vue que l'accomplissement intégral de la volonté de Dieu ; qui ne désirent pour eux-mêmes que leur propre salut, et n'attendent pas que leurs sujets les approuvent mais qu'ils fassent des progrès ; qui n'ambitionnent pas les hommages des hommes, mais le mérite aux yeux de Dieu ; qui n'ont pas la hantise mais la crainte des prélatures ; qui, une fois nommés, n'en tirent point vanité mais se font encore plus humbles, et qui, une fois dépouillés, se réjouissent loin de s'en affecter ».

En un temps où de plus en plus sévissait la méchanceté, où l'iniquité surabondait, gouverner lui semblait bien dangereux, obéir bien plus sûr. C'était un crève-cœur pour lui d'apprendre que certains abandonnaient ce qu'ils avaient d'abord si bien entrepris et, pour des nouveautés, oubliaient la simplicité de leurs débuts. Aussi gémissait-il sur ceux qui, après avoir un moment nourri de grands rêves, retombaient dans les ambitions vulgaires et terrestres et qui, tournant le dos aux véritables joies, s'en allaient courir la vanité et la frivolité sur les pelouses d'une prétendue liberté. Il priait Dieu d'en délivrer ses fils et de les conserver dans la grâce qu'il leur avait donnée.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:12 am

CHAPITRE 7

RETOUR DE SIENNE A ASSISE. L'ÉGLISE SAINTE-MARIE DE LA PORTIONCULE. BÉNÉDICTION AUX FRERES.

105.- Six mois avant sa mort - il se trouvait à Sienne pour y soigner ses yeux - il fut atteint gravement par d'autres maux dans tout le corps : crampes continuelles d'estomac, crises de foie... Il vomit le sang si abondamment qu'on le crut près de mourir. A cette nouvelle, frère Elie s'empressa d'accourir : il le trouva mieux et put l'emmener jusqu'aux Celles de Cortone. Mais là, l'enflure prit les jambes et les pieds, le ventre gonfla, cependant que l'estomac de plus en plus délabré tolérait à peine quelque nourriture. Il pria donc frère Elie de le faire transporter à Assise, et celui-ci, filialement, se mit en devoir d'accomplir les désirs d'un si tendre Père ; on organisa le transport ; on l'amena où il l'avait souhaité. Toute la ville fut en liesse à l'arrivée du bienheureux et les louanges de Dieu étaient sur toutes les lèvres, car on espérait bien que le bienheureux mourrait sans tarder c'était là ce qui causait leur allégresse.

106.- Dieu avait décidé que l'âme du saint serait délivrée de son corps et partirait pour le royaume des cieux là même où, encore incarnée, elle avait appris les premiers rudiments du surnaturel et avait reçu l'onction du salut. Certes, et le saint ne l'ignorait pas, on trouve établi le royaume des cieux partout sur terre, et en tout lieu Dieu accorde sa grâce aux élus ; mais il savait, pour l'avoir expérimenté, que l'église Sainte-Marie de la Portioncule avait le privilège d'une grâce plus abondante et recevait souvent la visite des esprits d'En-Haut. Aussi disait-il souvent aux frères « Gardez-vous bien, mes fils, de jamais quitter ce lieu ! Si l'on vous en chasse par une porte, rentrez-y par une autre, car ce lieu est vraiment saint et Dieu y habite. Ici, dans les débuts, nous n'étions qu'un petit groupe et le Très-Haut nous multiplia ; c'est ici qu'il a illuminé le cœur de ses pauvres par la lumière de sa sagesse ; c'est ici qu'il a enflammé nos volontés du feu de son amour. Celui qui viendra prier ici d'un cœur fervent obtiendra ce qu'il demande, mais les fautes qu'on y commettra seront bien plus lourdement punies. Aussi, mes fils, considérez comme digne de tout votre respect ce lieu où Dieu habite, et de tout votre cœur chantez-y ses louanges sur les modes les plus joyeux ! »

107.- Cependant le mal empirait, la faiblesse augmentait finalement, toutes ses forces l'ayant abandonné, il ne pouvait plus faire un mouvement. Un frère lui demanda s'il aurait préféré à cette longue et pénible maladie n'importe quel cruel martyre de la main du bourreau. « Mon fils, répondit-il, ce qui a été pour moi jusqu'ici et continue encore d'être le plus doux, le plus cher, le plus agréable, c'est ce qu'il plaît à Dieu de réaliser en moi et par moi ; de sa volonté la mienne reste toujours inséparable, et je ne désire qu'une chose : lui obéir en tout point. Quant au martyre, n'importe lequel me serait plus supportable que trois jours de ces souffrances. »

O vrai martyr, cependant, et deux fois martyr, puisque c'est avec le sourire qu'il supportait des maux dont la seule vue était aux autres insupportable et vraiment trop pénible ! On l'a dit très justement, « pas une place de son corps qui ne souffrît douleur et torture ». La chaleur le quittait peu à peu, il déclinait chaque jour ; les médecins et les frères admiraient, stupéfaits, la vitalité de cet esprit dans un corps presque mort, décharné, ne possédant plus que la peau sur les os.

108.- Il vit arriver son dernier jour, dont une révélation lui avait d'ailleurs, deux ans plus tôt, indiqué la date ; il appela les frères, qu'il désirait revoir, et bénit chacun d'eux dans les termes que lui inspirait le ciel, comme le patriarche Jacob autrefois bénit ses fils , ou plutôt comme un autre Moïse qui, au moment de gravir la montagne désignée par le Seigneur, combla de ses bénédictions les enfants d'Israël . Frère Elie était à sa gauche, les autres frères rangés tout autour ; le bienheureux croisa les mains et posa la droite sur la tête de frère Elie. Comme il n'y voyait plus, il demanda : « Sur qui repose ma main droite ? - Sur frère Elie. - C'est bien ainsi que je l'entends. Je te bénis, mon fils, en tout ce que tu feras, et puisque le Très-Haut a multiplié mes frères et mes fils sous ta direction, c'est aussi en toi que je les bénis tous. Que le Dieu Roi de l'univers te bénisse dans le ciel et sur la terre. Je te bénis autant que je puis et plus encore que je ne puis ; ce dont je suis incapable, que l'accomplisse en toi celui qui peut tout. Que Dieu se souvienne de tes travaux et de tes labeurs et qu'il te réserve ta part d'héritage au jour de la récompense des justes. Puisses-tu obtenir toujours les faveurs que tu désires et recevoir ce que tu demandes . Et vous, tous mes fils, vivez et demeurez toujours dans la crainte de Dieu, car de grandes épreuves vous menacent et la tribulation est proche. Heureux ceux qui persévéreront dans ce qu'ils ont entrepris, malgré les scandales qui en feront trébucher un certain nombre. Pour moi, j'ai hâte d'aller maintenant vers le Seigneur et j'espère bien rejoindre mon Dieu que j'ai voulu servir de tout cœur ! »

Il était alors logé au palais de l'évêque d’Assise : il demanda aux frères de le transporter bien vite au couvent Sainte-Marie de la Portioncule, car il voulait rendre son âme à Dieu là même où, comme nous l'avons dit, il prit pour la première fois conscience du chemin de la vérité.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:13 am

CHAPITRE 8

SES DERNIÈRES PAROLES, SES DERNIERS ACTES.


109.- Depuis sa conversion, vingt ans avaient passé ; on savait que telle était la durée fixée par Dieu, car à l'époque où le bienheureux Père séjournait à Foligno avec frère Elie, celui-ci vit apparaître durant le sommeil de la nuit un prêtre âgé, majestueux, vêtu de blanc, qui lui dit : « Lève-toi, frère, et va dire à frère François : il y a dix-huit ans que tu as renoncé au monde pour t'attacher au Christ ; tu n'as plus à vivre que deux ans, après lesquels, suivant la voie de toute chair, le Seigneur t'appellera près de lui. » Ainsi donc allait s'accomplir, à la date fixée, la prédiction du Seigneur.

Il se reposa quelques jours au couvent qu'il avait tant désiré, puis, sachant que sa mort était à bref délai, fit approcher ses deux frères et fils préférés ; il leur donna l'ordre, puisque sa mort, ou plutôt sa Vie, était si proche, de chanter à haute voix et d'une âme joyeuse, les louanges du Seigneur . Puis il entonna lui-même comme il put le psaume de David : « De ma voix j'ai crié vers le Seigneur ; de ma voix j'implore le Seigneur. » Un frère qui se trouvait là, et que le saint aimait d'un grand amour , savait que la mort ne tarderait plus ; dans sa sollicitude pour les frères, il se mit à dire :

« Hélas ! très doux Père, voici que tes fils vont rester sans soutien, leurs yeux seront privés de la vraie lumière. Souviens-toi des orphelins que tu abandonnes, pardonne-nous toutes nos fautes et à tous, présents ou absents, donne le réconfort de ta sainte bénédiction !

- Mon fils, dit le saint, voici que Dieu m'appelle. A tous mes frères, présents ou absents, je pardonne leurs fautes et je les en absous autant qu'il est en mon pouvoir. Tu le leur annonceras et tu les béniras pour moi. »

110.- Il fit apporter ensuite l'Evangéliaire et demanda lecture du passage de saint Jean, qui commence par cette phrase : « Six jours avant la Pâque , Jésus, sachant qu'était venue l'heure de quitter ce monde pour aller à son Père... » Or c'était ce passage-là que le Ministre, avant même qu'on le lui eût précisé, avait eu l'intention de lui lire, et c'est aussi le passage qui se présenta de lui-même quand on ouvrit le livre, bien que le volume apporté eût été non pas un évangéliaire, mais une Bible complète . Puis il se fit revêtir d'un cilice et recouvrir de cendre, puisqu'il ne serait bientôt plus que terre et cendre.

Il y avait là rassemblés beaucoup de frères dont il était le Père et le chef ; debout, pleins de respect, ils attendaient son bienheureux trépas. Enfin, son âme très sainte se dégagea de la chair pour être absorbée dans l'abîme de la Lumière, et son corps s'endormit dans le Seigneur. Un de ses frères et disciples - dont je pense devoir taire le nom parce qu'il ne veut retirer du fait aucune gloire durant sa vie - aperçut l'âme du Père très saint monter au ciel tout droit comme une étoile qui aurait eu les dimensions de la lune et l'éclat du soleil, une étoile portée par une blanche nuée au-dessus d'une immense étendue d'eau.

111.- Nous pouvons donc laisser libre cours à nos exclamations : « Quelle gloire ne possède pas ce saint dont l'âme apparut, montant au ciel, à l'un de ses disciples ! Belle comme la lune, resplendissante comme le soleil , elle rayonnait de gloire parmi la nuée. Mais nous voilà maintenant privés de tes rayons lumineux, ô vrai phare du monde, plus éclatant que le soleil dans l'Eglise du Christ ; tu es entré dans la lumière qui est ta patrie ; au lieu de notre misérable compagnie, tu as maintenant celle des anges et des saints. Toi qui mérites tant de louanges, ne délaisse pas tes enfants revêtus encore de la chair dont tu es délivré. Tu sais dans quelle situation difficile tu les as laissés, toi dans la douce présence les réconfortait à chaque moment dans leurs angoisses, toi qui fus si bon, toujours prêt à prendre en pitié et à couvrir de ton pardon tes fils pécheurs. Nous te bénissons, Père que le Très-Haut jugea digne de ses bénédictions, lui le Dieu béni éternellement par-dessus toutes choses, Amen ! »
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:14 am

CHAPITRE 9

LE DEUIL DES FRÈRES. LEUR JOIE A LA VUE DES STIGMATES. LES AILES DU SÉRAPHIN.

112.- Les gens accoururent en foule, louant Dieu et disant « Loué, béni sois-tu, Seigneur notre Dieu qui, malgré notre indignité, nous a confié un si précieux dépôt ; louange et gloire à toi, Trinité ineffable ! » Toute la ville d'Assise et toute la province se précipitèrent pour contempler les merveilles opérées dans son serviteur par le Dieu de majesté. On chantait, chacun selon ce que la joie lui disait au cœur, et tous bénissaient le Sauveur d'avoir exaucé leur désir. Mais les fils pleuraient, privés maintenant d'un tel Père ; leurs soupirs et leurs larmes étaient le signe évident de toute l'affection que recelaient leurs cœurs. Une joie inouïe cependant venait tempérer leur tristesse , et la nouveauté du miracle plongeait leurs esprits dans la stupeur. Leur deuil se changea en un cantique et leurs larmes en chant de joie. On n'avait jamais entendu dire, aucun livre ne rapportait ce qu'ils voyaient là de leurs yeux, ce qu'ils auraient toujours refusé de croire, n'était ce témoignage irrécusable : on retrouvait en lui, en effet, la Croix et la Passion de l'Agneau immaculé qui lava les crimes du monde ; on eût dit qu'il venait d'être détaché de la croix, les mains et les pieds percés de clous, le côté droit blessé d'un coup de lance. Ils regardaient la chair, et celle-ci, jadis foncée, rayonnait maintenant d'une blancheur éclatante ; sa beauté était le gage de la bienheureuse résurrection qu'il recevrait en récompense. Son visage était pareil à celui d'un ange, visage de vivant et non de mort , ses membres étaient redevenus souples et maniables comme ceux d'un enfant. Les nerfs n'étaient point contractés, comme chez un cadavre, ni la peau durcie, ni les membres rigides ; ils se laissaient ployer et déplacer à volonté.

113.- Sa peau était maintenant devenue plus blanche qu'auparavant et d'une admirable beauté ; mais la merveille était, au milieu des mains et des pieds, non pas les alvéoles des clous, mais les clous eux-mêmes, formés de fibres de sa chair, de la couleur brunâtre du fer, et le côté droit empourpré de sang. Ces marques de son martyre ne provoquaient aucune horreur ; elles lui conféraient splendeur et grâce, serties comme des pavés noirs dans un dallage blanc. Les frères et les fils accouraient, couvraient de larmes et de baisers les mains et les pieds du Père qui les avait quittés, son côté surtout dont la plaie commémorait celui qui, de la plaie de son côté, versa le sang et l'eau pour la réconciliation du monde avec le Père. Les gens du peuple s'estimaient comblés pour avoir pu non pas baiser mais simplement voir les stigmates de Jésus-Christ que François portait en son corps.

Qui donc à ce spectacle aurait pu s'abandonner aux pleurs de préférence à la joie ? Qui donc, s'il pleurait, n'aurait versé des larmes de joie plutôt que de tristesse ? Quel cœur de bronze n'aurait gémi, vaincu par l'émotion, quel cœur de pierre ne se serait fendu de contrition, n'aurait brûlé d'amour pour Dieu, d'ardeur pour le bien ? Qui serait assez indifférent ou insensible pour ne pas se rendre à l'évidence : un saint qui, sur terre, a obtenu les honneurs d'un tel présent doit avoir reçu la gloire ineffable et sa magnificence dans les cieux !

114.- O don vraiment unique, indice d'une affection de choix ! Le chevalier porta les armoiries glorieuses que leur dignité semblait réserver au seul Roi ! O miracle dont le souvenir mérite d'être à jamais conservé dans les mémoires, symbole sacré que notre admiration se doit de vénérer sans cesse : tu présentes à nouveau, de façon visible, à notre foi, le mystère par lequel le sang de l'Agneau sans tache, coulant à flots de ses cinq blessures, lava les péchés du monde. Beauté sublime de la croix qui rend la vie aux morts, dont le poids est assez léger, la blessure assez douce pour qu'en elle la chair morte trouve la vie et l'esprit faible la force ! Il t'a vraiment beaucoup aimée, ô croix, celui que tu as revêtu de ta glorieuse livrée !

Gloire et bénédiction à Dieu qui seul possède la sagesse, qui déploie des merveilles et des miracles toujours nouveaux pour que les esprits des faibles puisent leur consolation dans ses révélations nouvelles et que leurs cœurs, au moyen de ces merveilles visibles, soient entraînés à l'amour des choses invisibles . O merveilleuse, ô aimable disposition de Dieu : pour ne laisser aucune excuse à notre doute en raison de l'étrangeté du miracle, il voulut d'abord réaliser dans un habitant du ciel le prodige qu'il allait accomplir peu après chez un homme de la terre. Le Père des miséricordes voulait présenter ainsi la récompense destinée à celui qui s'efforce de l'aimer de tout son cœur : c'est dans le plus haut des ordres célestes , le plus proche de Dieu, qu'on lui assignera sa place.

Nous y atteindrons certainement si, comme les séraphins , nous élevons deux ailes au-dessus de notre tête, c'est-à-dire si, à l'exemple du bienheureux François, nous dirigeons vers Dieu toutes nos bonnes intentions et toutes nos œuvres accomplies selon la justice, avec l'inaltérable souci de lui plaire à lui seul en toutes choses. Ces deux ailes doivent nécessairement être réunies pour coiffer la tête, car la pureté d'intention n'existe pas sans droiture dans la réalisation ; dissociées, elles ne peuvent être agréées du Père des Lumières, qui a dit : « Si ton œil est pur, tout ton corps sera lumineux, mais s'il est mauvais, tout ton corps sera dans les ténèbres. » L’œil n'est pas pur s'il ne voit pas ce qui doit être vu, et il lui manque alors la connaissance de la vérité, ou s'il regarde ce qui ne doit pas être vu, et il lui manque alors la pureté d'intention. Dans le premier cas il n'est pas pur, il est aveugle ; dans le second, il est mauvais, tout homme sensé en conviendra. Les plumes de ces deux premières ailes sont l'amour du Père miséricordieux qui sauve et du Seigneur redoutable qui juge : elles servent aux élus à s'élever très au-dessus des choses terrestres par la répression des tendances mauvaises et l'orientation des chastes élans.

Les deux ailes qui servent à voler sont la double charité que nous devons exercer envers notre prochain : donner à son âme la nourriture fortifiante de la parole de Dieu, et à son corps toute l'aide matérielle dont il a besoin. Ces deux ailes sont très rarement jointes, car il est bien difficile à un seul homme de s'acquitter de ces deux tâches. Les plumes de ces ailes sont les diverses bonnes actions par lesquelles on donne au prochain conseil ou secours.

Les deux dernières ailes doivent couvrir de mérites le corps qui, mis à nu chaque fois qu'un péché est commis, est de nouveau revêtu d'innocence par la contrition et par la confession. Les plumes de ces ailes sont tous les divers élans de piété jaillissant d'une âme qui déteste son péché et ne désire que la sainteté.

115.- Tout cela, le bienheureux Père François le réalisa parfaitement ; il finit par ressembler aux séraphins et, parce qu'il s'obstina à vivre crucifié, il mérita de s'élever jusqu'au plus haut rang des esprits. Car il resta toujours en croix, ne se dérobant à aucune peine, aucune souffrance, pour obtenir enfin l'accomplissement en lui et par lui de la volonté du Seigneur.

Les frères qui vécurent avec lui savent avec quelle tendresse et douceur, chaque jour et continuellement, il les entretenait de Jésus. Sa bouche parlait de l'abondance de son cœur et l'on eût dit que la source du clair amour qui remplissait son âme laissait alors jaillir au-dehors son trop plein. Que de rencontres entre Jésus et lui ! Il portait Jésus dans son cœur, Jésus sur ses lèvres, Jésus dans ses oreilles, Jésus dans ses yeux, Jésus dans ses mains, Jésus partout. Au moment de se mettre à table, au seul nom de Jésus entendu, énoncé ou évoqué, combien de fois ne lui arriva-t-il pas d'en oublier de manger, semblable à ce saint personnage dont il est dit : « Voyant il ne voyait pas, entendant il n'entendait pas ! ». En voyage aussi, très souvent, à force de méditer et de chanter Jésus, il en oubliait sa marche et invitait tous les éléments à louer Jésus avec lui. Ce merveilleux amour avec lequel il sut porter et conserver dans son cœur Jésus et Jésus crucifié lui valut la gloire suprême d'être marqué du sceau du Christ, le Fils du Très-Haut, que dans ses extases il contemplait siégeant dans la gloire ineffable et incompréhensible, assis à la droite du Père, avec lequel, dans l'unité du Saint-Esprit, il vit, règne, triomphe et commande, Dieu éternellement glorieux dans tous les siècles des siècles. Amen !
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CHAPITRE 10

DEUIL DES MONIALES DE SAINT-DAMIEN. GLORIEUSE SÉPULTURE DE FRANÇOIS AU CHANT DES HYMNES DE LOUANGE.


116.- Aux frères et aux fils du bienheureux François se joignit la foule accourue des cités voisines, heureuse de participer à de telles solennités. Ils consacrèrent toute cette nuit à chanter les louanges de Dieu. Charme de la psalmodie, clarté des flambeaux : on aurait cru plutôt une veillée menée par les Anges. Le matin, on vit arriver tout Assise avec le clergé au complet ; on emporta le corps et on lui fit un cortège d'honneur jusqu'à la ville, au milieu des hymnes, des cantiques et des sonneries de trompettes. Les gens portaient des palmes d'oliviers ou des branches d'arbres pour suivre la procession, et, cierges en main, lançaient bien haut leurs chants de louange. Les fils portant leur Père, le troupeau suivant son Pasteur parti à la rencontre du Pasteur universel, on arriva au lieu où il avait lui-même fondé l'Ordre des Pauvres Dames. On le déposa dans l'église Saint-Damien où demeuraient ses filles par lui conquises au Seigneur ; on ouvrit la petite fenêtre par laquelle, aux jours prescrits, les servantes du Christ communiaient au sacrement du Corps du Seigneur. On ouvrit le cercueil, arche renfermant le trésor des vertus célestes où quelques hommes suffisaient à porter celui qui en avait lui-même porté tant d'autres . Et Dame Claire le nom de Claire convient si bien à une pareille sainteté - mère des autres moniales et première tige de l'Ordre, s'en vint avec toutes ses filles pour revoir le Père qui ne leur parlerait plus désormais, le Père qui partait pour ne plus revenir.

117.- Tout éplorées, elles le regardaient avec de longs soupirs et de profonds gémissements ; d'une voix brisée elles s'écriaient : « Père, qu'allons-nous devenir ? Pourquoi nous abandonnes-tu à notre triste sort et nous laisses-tu seules et désolées ? Pourquoi ne nous as-tu pas envoyées te précéder pleines dé joie, plutôt que de nous laisser ici dans la détresse ? Comment saurons-nous désormais ce que nous devons faire, ici recluses, privées de tes visites coutumières ? Avec toi disparaît pour nous toute consolation, sans espoir d'en trouver une autre semblable, nous qui sommes ensevelies au monde ! Nous sommes pauvres de mérites non moins que de richesses matérielles ; quel autre que toi pourra nous approvisionner, ô père des pauvres, amant de la Pauvreté ? Qui nous portera secours dans nos épreuves sinon toi qui savais en supporter, en démasquer habilement d'innombrables ? Qui nous consolera dans la tribulation sinon toi, notre réconfort dans toutes celles qui nous ont trop éprouvées ? Amertume de l'absence, barbarie de la séparation, cruauté d'une mort qui tue par milliers des fils et des filles en leur enlevant leur Père, mort qui emporte trop tôt, irrévocablement, celui à qui nous devions notre ferveur ! »

Mais, comme il convenait à des Vierges, la retenue modérait leurs transports de larmes ; il n'était d'ailleurs pas décent de trop pleurer celui dont la mort avait attiré le concours d'une telle armée d'anges et provoqué une telle joie dans la cité des saints et la maison de Dieu. Ainsi partagées entre la tristesse et la joie, elles couvraient de baisers ses mains rayonnantes de tout l'éclat de perles précieuses et éblouissantes. Enfin il fallut l'emporter ; puis on referma sur elles la porte qui jamais plus ne s'ouvrira sur pareille douleur .

118.- Enfin le cortège arriva dans la ville. La joie et l'allégresse présidèrent à la sépulture et ce lieu saint devint plus saint encore pour avoir abrité un corps si saint; pour la gloire du Tout-Puissant, d'innombrables miracles continuent là de dispenser au monde la lumière que le bienheureux avait jusqu'alors rayonnée par ses enseignements et sa sainte prédication. Deo Gratias ! Amen !

Voici, Père très saint et béni, que j'ai achevé de te décerner, de façon bien insuffisante, hélas ! les louanges que tu mérites, et je me suis acquitté comme j'ai pu du récit de tes actions. En récompense, accorde au pauvre être que je suis la grâce de te suivre en ce monde assez vaillamment pour mériter avec la miséricorde de Dieu, de te rejoindre dans l'autre. Souviens-toi de tes pauvres fils dont tu étais le seul soutien et qui cherchent en vain quelque réconfort. Car tandis que tu es admis parmi les chœurs des Anges en compagnie des Apôtres, tes fils n'en restent pas moins embourbés dans la fange, enfermés dans une prison sans lumière ; ils te crient en pleurant : « Père, montre donc à Jésus-Christ, Fils de Dieu très haut, ses stigmates sacrés que tu portes ; exhibe le sceau de la croix dans tes pieds, tes mains et ton côté, pour qu'il daigne présenter lui aussi ses propres blessures au Père qui, les ayant considérées, nous témoignera toujours sa bienveillante pitié. Amen ! Fiat Fiat ! »


Ici prend fin la deuxième partie.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:16 am

TROISIEME PARTIE - La canonisation et les miracles de notre Bienheureux Père François.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:17 am


TROISIEME PARTIE -
La canonisation et les miracles de notre Bienheureux Père François.


119.- Notre glorieux Père François, vingt ans après sa conversion, rendit son âme au ciel, et sa mort fut plus belle encore que ses débuts, pourtant si beaux ; il a reçu la couronne de gloire, il a pris place au milieu des pierres de feu près du trône de Dieu ; il se fait un devoir de travailler là-haut pour ceux qu'il a laissés sur terre, et son intervention est efficace : que pourrait-on refuser à quelqu'un dont les membres reproduisent les stigmates sacrés du Fils égal au Père, assis à la droite du Dieu de majesté, rayonnement de sa gloire, expression de son être, expiation pour nos péchés ? Comment ne pas exaucer un homme configuré à la mort du Christ Jésus pour avoir participé à ses souffrances, un homme qui porte sur lui les blessures sacrées des pieds, des mains et du côté ?

Pour le monde entier, c'est un sujet de joie, pour tous les hommes un moyen de se sauver. Le monde, naguère, pleurait sa disparition car il se voyait déjà plongé dans les ténèbres après le coucher de ce soleil ; mais la lumière semble s'être levée de nouveau ; le monde, éclairé comme en plein midi par son éclat plus radieux qu'auparavant, comprend qu'il est sorti de ses ténèbres . Il s'agit bien maintenant de le pleurer : chaque jour, en tout lieu, on récolte à pleines gerbes, dans un revival de joie, les vertus qu'il a semées. Nous en avons le témoignage de la bouche même de ceux qui, venus du levant et du couchant, du midi et du septentrion, furent les bénéficiaires de ses interventions. Tant qu'il vécut, il n'eut d'affection que pour les choses d'En-Haut, refusa toute propriété en ce monde afin de posséder en plénitude le Souverain Bien , il a pouvoir maintenant sur l'univers entier, lui qui n'en voulait pas un lambeau ; en échange du temps, il a reçu l'éternité. N'importe qui peut obtenir son aide, et n'importe où : lui qui aimait tant l'unité ignore la néfaste partialité.

120.- Quand il vivait parmi les pécheurs, il parcourait le monde pour annoncer l'Evangile ; maintenant qu'il règne avec les anges, il vole plus rapide que la pensée pour distribuer à tous les peuples ses bienfaits, en qualité de messager du Grand Roi. Si tous les peuples l'honorent, le vénèrent, lui rendent gloire et louange, c'est que tous ont part à ce bienfait commun ; nul ne serait capable de dénombrer ou d'apprécier les miracles que le Seigneur daigna, par lui, accomplir en tous lieux.

La France, à elle seule, fut l'objet de combien de miracles ! La France, dont le roi, la reine et tous les seigneurs sont tellement empressés à baiser et vénérer le traversin dont François se servit durant sa maladie ; la France où les savants du monde et les hommes les plus cultivés (Paris en produit à foison plus que tout autre lieu de l'univers !) témoignent humblement leur vénération à un ignorant amoureux de simplicité et d'authenticité : François, qu'ils admirent et prient avec dévotion. Et ce nom de François lui allait si bien, puisqu'il avait plus que tout autre le cœur franc et noble . Ceux qui ont connu sa grande âme savent bien comme il fut toujours partisan de la liberté pour lui et pour les autres , intrépide et courageux en toute circonstance, particulièrement généreux dans le refus des biens de ce monde.

Quant aux autres pays du monde, sa corde y fait disparaître les maladies ; on invoque son nom et l'on est bien souvent délivré de ses maux.

121.- Sur sa tombe s'accomplissent sans interruption de nouveaux miracles ; il intercède sans relâche, et les corps aussi bien que les âmes y obtiennent des grâces qui concourent à sa gloire : des aveugles recouvrent la vue, des sourds entendent, des boiteux marchent, des muets parlent, des paralytiques dansent, des lépreux sont guéris ; l'hydropique maigrit, tous ceux qui souffrent d'une infirmité quelconque retrouvent la santé ; mort, il guérit des corps vivants comme il avait ressuscité, vivant, des âmes mortes.

Le Pontife romain, mis au courant, comprit et tressaillit de joie : sous son règne, des miracles traditionnels à signification nouvelle venaient rajeunir l'Eglise de Dieu, et cela grâce au fils qu'il avait porté dans son sein, réchauffé dans ses bras, nourri du lait de sa parole, fortifié par l'aliment du salut. La renommée en vint aussi aux oreilles des vénérables cardinaux et ils se réjouissaient pour l'Eglise, félicitaient le Pape et glorifiaient le Sauveur, dont la sagesse, la grâce et la bonté savent choisir les fous, les méprisés du monde, pour s'attirer les grands. Le monde entier enfin, tous les royaumes de la chrétienté en reçurent la nouvelle, débordèrent de joie et se laissèrent envahir d'une bienheureuse consolation.

122.- Mais les événements tournent soudain ; une nouvelle insurrection bouleverse le monde, rallume les haines ; une guerre intérieure déchire l'Eglise. Peuple frondeur et insolent, les Romains se ruent sur leurs voisins comme ils en ont l'habitude et poussent l'audace jusqu'à porter les mains sur les choses de Dieu . Le Pape tenta d'étouffer le mal, d'empêcher les cruautés, de calmer l'émeute et de protéger comme d'un rempart l'Eglise du Christ. Mais le danger augmentait, on allait de désastre en désastre ; en d'autres régions aussi, les pécheurs se dressaient contre Dieu... Que faire ? Après mûr examen de la situation, le Pontife, prévoyant ce qui allait se passer, abandonna la ville aux insurgés pour éviter que l'émeute se propageât dans le monde. Il se réfugia d'abord à Rieti, où on l'accueillit avec tous les honneurs qui lui étaient dus ; puis à Spolète, qui lui témoigna beaucoup d'égards. Il expédia durant quelques jours les affaires de l'Eglise, puis, en compagnie des cardinaux, s'en fut rendre une aimable visite aux servantes du Christ mortes et ensevelies au monde . Leur vie sainte, leur très haute pauvreté arrachèrent des larmes au Pontife et à sa suite, qui n'en conçurent que plus de mépris pour le monde, plus d'attachement aux exigences de leur état .

Touchante humilité : le prince de l'univers, successeur du prince des Apôtres, visite de pauvres femmes, obscures et humbles prisonnières ! Humilité bien digne d'un si grand esprit, humilité pourtant sans précédent, inconnue aux siècles passés.

123.- Mais le voilà qui, sans tarder, court vers Assise, où l'on garde pour lui le précieux dépôt capable d'éloigner les souffrances et les malheurs qui menacent. Il arrive, et tout le pays exulte, la ville est en liesse, la foule manifeste et les flambeaux ajoutent encore à l'éclat du jour ; tout le monde vient pour le voir et lui faire cortège ; les frères sortent à sa rencontre et chantent d'agréables cantiques au Christ du Seigneur . La première démarche du Pape, arrivé au couvent, fut pour aller saluer avec empressement et respect le tombeau de saint François. On le vit soupirer, se frapper la poitrine et incliner, en grande dévotion, sa tête vénérable.

On procède alors à une solennelle enquête en vue de la canonisation ; l'assemblée des cardinaux siège fréquemment. De partout on voit affluer des gens qui furent, grâce au bienheureux, délivrés de leurs maux. On met ainsi en lumière une immense série de miracles ; on vérifie, on entend les témoins, on approuve, on consigne les guérisons reconnues comme authentiques. Entre-temps, les affaires réclament le Pontife à Pérouse , puis il revient à Assise pour s'occuper de cette cause si importante. De nouveau à Pérouse, finalement, il tient dans ses appartements une assemblée de cardinaux ; tous sont unanimes ; on donne lecture des miracles et ils décernent à la vie de notre bienheureux Père les plus grands honneurs et les plus grandes louanges.

124.- « La très grande sainteté de ce très grand saint, disent-ils, n'a pas besoin de miracles pour être prouvée : nous l'avons vue de nos yeux, touchée de nos mains, expérimentée selon toute les exigences de la vérité ! » Et tous de se réjouir et de pleurer à la fois, de ces larmes qui méritent à ceux qui pleurent une plénitude de bénédictions. Ils fixent la date du jour béni qui remplira de joie le monde entier. Et ce jour enfin se lève, jour désormais vénérable pour tous les siècles , jour d'allégresse pour la terre et pour le ciel. Evêques, abbés, prélats viennent des provinces les plus lointaines ; comtes et seigneurs, un roi même composaient une nombreuse et noble assistance ; ils escortent le seigneur de toute la terre et font avec lui leur entrée triomphale dans la cité d'Assise. On avait fait au couvent quelques préparatifs pour une telle réception, et la foule des cardinaux, des évêques et des abbés se rangea autour du Pape ; vinrent ensuite les prêtres et les clercs, les religieux, les religieuses et un immense déploiement de foule. Il en venait de toutes parts et de tout âge, des petits et des grands, des hommes libres et des serfs.

125.- Le Souverain Pontife présidait, époux de l'Eglise du Christ, entouré de la multitude variée de ses fils ; il porte sur la tête la couronne de gloire indiquant à tous qu'il est le saint du Seigneur ; il est revêtu des ornements pontificaux brodés d'or et rehaussés de pierreries ; debout dans la magnificence de sa gloire, fleuri de diamants et de camées, il est le point de mire de tous les regards. Cardinaux et évêques l'entourent, dont les chapes d'un blanc de neige donnent une vision des splendeurs du ciel et préfigurent la joie des glorifiés. La foule attend l'heureuse nouvelle, la proclamation qui déchaînera sa joie, le discours qu'il lui sera si doux d'entendre, l'homélie qui sera pour tous une perpétuelle bénédiction.

Le Pape Grégoire prêcha donc à tout le peuple et d'abord entonna les louanges de Dieu, d'une voix sonore et avec une tendre piété ; puis il fit un éloge grandiose de notre Père François , à l'évocation de sa vie si pure, il fondit en larmes. Son sermon commençait ainsi : « Comme l'étoile du matin qui scintille à travers le nuage, comme la lune aux jours de son plein, comme un soleil éclatant, voilà comment il a resplendi dans le temple de Dieu » et il montra comment cette parole s'appliquait en tous sens au bienheureux. Ensuite un des sous-diacres du Pape, nommé Octavien , donna lecture publique des miracles du saint. Messire Raynier, cardinal diacre, d'une intelligence et d'une piété remarquables , les expliqua à la lumière des Saintes Ecritures ; il était visiblement très ému. Le Pasteur de l'Eglise, en l'écoutant, poussait de longs soupirs et parfois laissait couler ses larmes en sanglotant. Les autres prélats, le peuple entier pleuraient de même ; et tous attendaient avec impatience le grand moment.

126. Alors le Pape se leva ; il brandit ses deux bras vers le ciel et cria : « Pour la louange et la gloire du Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, de la glorieuse Vierge Marie, des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et pour l'honneur de la glorieuse Eglise romaine, vénérons sur terre le bienheureux Père François auquel le Seigneur a donné la gloire dans le ciel ; sur avis favorable de nos frères et des autres prélats, nous décrétons son inscription au catalogue des saints et la célébration de sa fête au jour anniversaire de sa mort ! »

A ces mots, les cardinaux entonnèrent à pleine voix le Te Deum, et le Pape avec eux. De la foule une immense clameur monta vers Dieu pour le louer. On chantait des cantiques nouveaux ; on laissait la voix suivre les inspirations de l'âme en fête. Il y avait aussi des instruments , des motets et des chants en contrepoint . On était envahi de doux parfums ; le charme de la musique était prenant ; la journée était radieuse et la lumière chatoyait des plus splendides couleurs ; le feuillage des oliviers et des autres arbres était verdoyant, l'éclat de la fête illuminait toits les visages, la paix et la joie inondaient tous les cœurs. Finalement, le bienheureux Pape Grégoire quitta son trône et pénétra dans le sanctuaire pour y prier et offrir le Sacrifice. Il baisa le sépulcre contenant le corps saint et consacré à Dieu, pria longtemps, puis célébra les saints mystères. Debout autour de lui, toute une couronne de frères louait, adorait et bénissait le Dieu tout-puissant qui opère de grandes choses sur toute la surface de la terre. La foule chanta les louanges de Dieu et les mérites de saint François, pour l'honneur de la Très-Haute Trinité. Amen !

Tout ceci eut lieu à Assise, le 16 juillet, la seconde année du pontificat du seigneur Pape Grégoire IX.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:24 am

Au nom du Christ commence le récit des miracles de notre bienheureux Père François.


127.- Après avoir imploré la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous allons maintenant, sous sa conduite, pour relever la dévotion de nos contemporains et donner plus de solidité à la foi de nos successeurs, rappeler en bref, mais fidèlement, les miracles dont lecture fut donnée au peuple, comme nous l'avons dit, en présence du seigneur Pape Grégoire.

PARALYSÉS

Le jour où, tel un précieux trésor, fut enseveli le corps sacré du bienheureux Père François, embaumé de parfums du ciel plus que d'aromates de la terre, on apporta au sépulcre une petite fille dont le cou était affreusement tordu : la joue venait toucher l'épaule, et les yeux ne pouvaient regarder que de biais. On lui maintint quelque temps la tête sous la châsse où reposait le corps du saint ; aussitôt son cou se redressa et la tête se remit en place. La pauvre petite n'en revenait pas : elle prit la fuite en pleurant... Dans son épaule restait visible en creux la place où longtemps la tête avait pesé.

128.- Il y avait au comté de Narni un enfant qu'un affreux pied-bot empêchait de marcher, si ce n'est à J'aide de béquilles. Ainsi affligé, il avait été abandonné par ses parents et vivait d'aumônes. Les mérites du bienheureux François le délivrèrent de son infirmité ; il marcha désormais sans béquilles, louant Dieu et bénissant le saint.

129.- Un habitant de Foligno, nommé Nicolas, avait la jambe gauche contrefaite et souffrait atrocement ; pour retrouver la santé, il dépensa en médecins beaucoup d'argent et emprunta même plus qu'il ne pouvait rendre. Les soins n'apportaient aucune amélioration. Il souffrait tant que, la nuit, ses cris empêchaient les voisins de dormir. Alors il fit un vœu à Dieu et à saint François et demanda qu'on le transportât jusqu'au tombeau. Il y passa la nuit en prières et sa jambe se décontracta. Il retourna chez lui sans béquilles, délirant de joie.

130.- Un enfant avait une jambe recroquevillée au point que le genou venait s'appliquer contre la poitrine, et le talon contre les cuisses. Ses parents l'apportèrent au tombeau de saint François ; le père s'imposa un rude cilice, et la mère de pénibles mortifications. Le petit fut soudain guéri, et si radicalement, qu'il se mit à trotter joyeusement sur la place, rendant grâces à Dieu et à saint François.

131.- Dans la ville de Fano, il y avait un cul-de-jatte : ses deux jambes, repliées et adhérentes au corps, étaient couvertes d'escarres exhalant une telle puanteur qu'il ne trouvait aucun hôpital pour le recevoir et le garder. Il fit alors appel à la miséricorde du bienheureux François et il eut, peu après, par ses mérites, la joie d'être guéri.

132.- Une petite fille de Gubbio avait des mains toutes recroquevillées qui lui refusaient absolument tout service. Pour obtenir sa guérison, sa nourrice la porta au tombeau du bienheureux Père François, avec un cierge de sa taille . Une semaine après, la petite infirme retrouva l'usage habituel de ses bras.

133.- Devant le porche de l'église où repose le corps du saint , un petit garçon de Montenero resta étendu plusieurs jours : paralysé depuis la ceinture, il ne pouvait ni marcher ni s'asseoir. Il se fit un jour porter dans l'église, toucha le tombeau du bienheureux et reparut plein de santé. Il raconta que, couché près du tombeau, il avait vu sur le tombeau lui-même un jeune homme habillé comme les frères et portant quelques poires dans ses mains ; ce jeune homme l'avait appelé, lui avait présenté une poire en lui disant de se lever. L'infirme prit la poire et dit : « Mais je suis tout perclus ; je ne puis absolument pas me lever ! » Il mangea la poire et avança la main pour en prendre une deuxième que le jeune homme lui offrait en lui disant encore de se lever ; lui qui se savait estropié ne bougeait même pas et tendait seulement la main. Alors le jeune homme en lui remettant une poire, lui prit la main, l'emmena dehors et disparut. Se voyant guéri, le garçon se mit à crier à tous et bien haut ce qui venait de se passer en lui.

134.- Une paysanne de Coccorano avait perdu l'usage de tous les muscles, sauf ceux de la langue ; elle se fit porter au tombeau du Père dans un panier , elle se leva, complètement guérie.

Un habitant de Gubbio avait aussi apporté au tombeau du saint dans une corbeille son garçon tout perclus, aux jambes complètement repliées et desséchées. Le saint le lui rendit solide et guéri.

135.- Il y avait à Narni un pauvre mendiant appelé Barthélemy, qui, après avoir dormi à l'ombre d'un noyer, s'était réveillé si perclus qu'il ne pouvait plus marcher. L'infirmité s'aggrava peu à peu : ses jambes se desséchèrent et se tordirent ; une brûlure ou une entaille n'y provoquaient même plus de sensation. Alors saint François, qui avait toujours aimé les pauvres et s'était montré le père de tous les mendiants, lui apparut en songe, lui dit qu'ému par sa détresse il voulait le guérir, et lui ordonna d'aller se baigner à tel endroit qu'il lui désigna. Une fois réveillé, notre homme, bien embarrassé, raconta point par point sa vision à l'évêque de la ville ; celui-ci lui conseilla vivement d'obéir et le bénit d'un signe de croix. Toujours appuyé sur son bâton, il se traîna comme il put dans la direction indiquée ; il cheminait à grand-peine et plein de pensées tristes ; mais une voix lui dit : « Courage ! et que la paix du Seigneur soit avec toi ! Je suis celui à qui tu t'es confié. » Il n'était plus très éloigné quand tomba la nuit, et il se trompa de route. A nouveau il entendit la voix l'avertir et lui indiquer le bon chemin. Enfin parvenu, il entra dans l'eau et il sentit aussitôt une main qui lui prenait le pied, une autre la jambe, pour tout remettre en place tout doucement. Il bondit aussitôt hors de l'eau, louant et bénissant la toute-puissance du Créateur et de son serviteur François qui lui avait obtenu pareille grâce. Atteint dans la pleine force de l'âge, il était resté perclus durant six ans.
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:26 am

AVEUGLES

136.- Une femme nommée Sibille était aveugle depuis plusieurs années ; amenée au tombeau du saint, elle recouvra la vue et rentra chez elle tout heureuse.

Un aveugle de Spello y retrouva aussi la vue depuis longtemps perdue.

Une femme de Camerino était borgne de l’œil droit ; ses parents y apposèrent un morceau d'étoffe qu'avait touché le saint et, de la guérison obtenue, ils purent rendre grâces à Dieu et à saint François, comme ils en avaient fait le vœu.

Même chose pour une femme de Gubbio, qui, à la suite d'un vœu, revit la lumière.

Un bourgeois d'Assise, ancien compagnon de François, était aveugle depuis cinq ans ; dans ses prières, il rappelait toujours au saint leur amitié de jadis. Au seul contact du tombeau, il fut guéri.

Un certain Albertino de Narni avait perdu la vue depuis environ un an : ses paupières lui tombaient sur les joues. Il fit un vœu à saint François, et, guéri instantanément, se fit un devoir de rendre visite à son tombeau.


POSSÉDÉS DU DÉMON

137.- Un certain Pierre, de Foligno, avait entrepris un pèlerinage à Saint-Michel ; était-ce à la suite d'un vœu, ou lui avait-on imposé cette pénitence pour ses péchés ? je l'ignore. Il arriva près d'une fontaine, et, la marche lui ayant donné soif, il y but, mais il lui sembla qu'il avait en même temps avalé le diable. Il en fut tourmenté durant trois ans au point d'accomplir les actions les plus horribles. Venu enfin au tombeau du bienheureux Père, pour la plus grande fureur des démons qui le brutalisaient sauvagement, il fut sans conteste l'objet d'un miracle évident : au seul contact du sépulcre, il fut merveilleusement délivré.

138.- Une femme de Narni, vraiment furieuse et hors de sens, avait des attitudes horribles et des paroles inconvenantes. Le bienheureux François lui apparut et lui dit : « Fais le signe de la croix ! ». - « Je ne peux pas ! » répondit-elle. Le saint traça lui-même sur elle le signe de la croix et elle fut délivrée de sa folie et de sa diabolique exaltation.

Beaucoup d'hommes et de femmes, tourmentés de toutes manières par les démons et abusés par leurs manœuvres furent arrachés au joug du diable par les mérites du saint. Mais comme cette catégorie de personnes est une proie facile pour les illusions, en voilà assez pour eux, et passons à des miracles plus importants.


COMATEUX, ACCIDENTÉS, HYDROPIQUES ET AUTRES

139.- Un enfant, appelé Mathieu, de la ville de Todi, resta comme mort pendant huit jours dans son lit, les dents serrées, les yeux éteints, la peau noire comme de la suie. Tout le monde le croyait irrémédiablement perdu ; mais sa mère fit un vœu et la santé lui revint rapidement. Il commença par vomir un flot de sang fétide ; on pensait le voir rendre ses entrailles. Mais sa mère, se jetant à genoux, invoqua le nom de saint François, et quand elle se releva, sa prière terminée, l'enfant recommença d'ouvrir les yeux, de voir clair, de prendre le sein et de retrouver, après la desquamation de sa peau noirâtre, sa carnation naturelle ; il reprit vigueur et santé. Sitôt qu'elle le vit aller mieux, sa mère lui demanda « Qui t'a guéri, mon petit ? » Il répondait en balbutiant « Cecco, Cecco ! » On lui demandait « A qui dois-tu ce bienfait ? » De nouveau il répondait « Cecco, Cecco ! » Trop petit, en effet, il n'arrivait pas encore à prononcer correctement, et c'est pourquoi il n'employait que le diminutif de Francesco.

140.- Un jeune homme, tombé de très haut, s'était rompu tous les membres et avait, du même, coup, perdu l'usage de la parole. Trois jours durant, il resta dans le coma sans boire ni manger ; on le croyait mort. Sa mère, négligeant délibérément les médecins, demanda au bienheureux François la guérison de son fils. Elle fit un vœu, et, le retrouvant plein de vie et de santé, chanta les louanges du Sauveur tout puissant.

Un certain Mancino, incurable et condamné par tous, n'eut pas plus tôt invoqué le nom de saint François qu'il recouvra la santé.

Un enfant d'Arezzo, nommé Gauthier, atteint de fièvres continues et souffrant d'un double anthrax, était condamné par tous les médecins ; ses parents firent un vœu au bienheureux François, et la santé lui fut rendue.

Un malade était, lui aussi, près de mourir ; il commanda un cierge de sa taille. Le cierge n'était pas achevé que l'homme était guéri.

141.- Une femme était depuis plusieurs années clouée au lit par une infirmité qui lui interdisait tout mouvement. Elle se voua à Dieu et au bienheureux François, et, complètement guérie, put faire son ménage et se suffire à elle-même.

Une autre, de Narni, avait une main desséchée qui, depuis huit ans, lui refusait tout service. Le bienheureux Père François lui apparut enfin et lui guérit la main, qui fut désormais aussi habile au travail que la première.

Dans la même ville, un jeune homme était tout enflé depuis dix ans, à la suite d'une très grave maladie ; la médecine ne pouvait plus rien pour lui. Sa mère fit un vœu, et les mérites du bienheureux François rendirent au fils sa précieuse santé.

A Fano, un hydropique était d'une enflure atroce à voir. Grâce au bienheureux François, il s'en trouva complètement délivré.

Un bourgeois de Todi souffrait de goutte arthritique assis ou allongé, il ne pouvait prendre aucun repos ; il ressentait continuellement des élancements glacés et semblait bien ne plus valoir grand-chose. Il faisait venir des médecins, prenait toutes sortes de bains, essayait tous les remèdes : en vain. Or, un jour, en présence d'un prêtre, il fit un vœu pour que saint François lui rendît sa santé d'autrefois. Il n'eut pas à attendre longtemps les effets de sa prière.

142.- Une paralytique de Gubbio fut guérie après avoir invoqué trois fois le nom du bienheureux François. Un certain Bontadoso avait aux mains et aux pieds des douleurs qui lui interdisaient la marche et tout mouvement ; il en perdait l'appétit et le sommeil. Une femme vint un jour le voir et lui conseilla, pour être vite guéri, de faire un vœu au bienheureux François. Mais lui, dans l'exaspération de sa souffrance : « Je ne le crois pas un saint ! » La femme revenant toujours à la charge, il finit par dire : « Je me voue à saint François et je crois à sa sainteté s'il me guérit dans les huit jours ! » Peu après, grâce aux mérites du saint, il pouvait marcher, manger et dormir, et il rendit grâces au Tout-Puissant.

143.- Un homme avait été grièvement blessé par une flèche dont le fer, entré par la cavité de l’œil, était resté dans la tête. Aucun médecin n'avait pu lui porter secours. Il s'en remit donc à saint François avec toute sa ferveur, dans l'espoir d'être guéri par son intervention. Or, pendant qu'il dormait, saint François lui apparut et l'avertit de se faire extraire la flèche par la nuque. On réussit l'opération, le lendemain, sans grande difficulté, et c'est ainsi qu'il fut guéri.

144.- Un homme de Spello - il s'appelait Imperator - avait une sérieuse éventration pour maintenir ses intestins, il était obligé de porter un bandage et un coussin. Il pria les médecins de le soigner, mais leurs prix étaient inabordables pour lui, qui vivait au jour le jour, il avait donc perdu là tout espoir. Mais il se tourna vers Dieu, lui demanda son secours et se mit à faire appel aux mérites de saint François, le priant partout, dans la rue aussi bien qu'à la maison. Bien peu de temps après, par la grâce de Dieu et les mérites du bienheureux François, la santé complète lui fut rendue.

145.- Un frère de la Marche d'Ancône portait une profonde fistule dans la région iliaque, et le mal était si grave que l'on ne pouvait plus rien espérer de la médecine. Il demanda à son ministre la permission d'aller en pèlerinage au tombeau du bienheureux Père, car il avait confiance que les mérites du saint lui obtiendraient la guérison. Le ministre refusa : il craignait que la fatigue du voyage, surtout en saison de pluies et de neiges, ne le rendît plus malade encore. Ce refus bouleversa bien un peu le pauvre frère ; mais, une nuit, notre saint Père François lui apparut et lui dit : « Mon fils, que tout ceci ne te cause donc plus aucune angoisse ; enlève ta pelisse, jette bandes et pansements, observe ta règle et tu seras guéri ! » Sitôt levé, le frère obéit, et, pour sa guérison soudaine, rendit grâces à Dieu.



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Vie de Saint François d'Assise par Celano. - Page 2 Empty Re: Vie de Saint François d'Assise par Celano.

Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:29 am

LÉPREUX

146.- A San Severino, dans la Marche d'Ancône, habitait un jeune homme nommé Atto, entièrement couvert de lèpre qui, sur le conseil des médecins, était par toute la population traité comme un lépreux. Tous ses membres étaient tuméfiés et l'inflammation des veines les rendait vraiment affreux à voir. Incapable de marcher, il restait continuellement étendu sur son lit de douleur. Ce spectacle navrait ses parents ; son père, chaque jour torturé, ne savait plus que faire pour lui. Finalement la pensée lui vint au cœur de le vouer à saint François ; il dit à son fils : « Est-ce que tu acceptes de te vouer à saint François qui sème partout les miracles les plus éclatants, pour qu'il daigne te guérir ? ». « Oui, père », répondit-il. Le père aussitôt se fait apporter une bande de papyrus, prend les mesures de son fils en hauteur et en largeur, puis : « Lève-toi, dit-il, voue-toi à saint François, et si tu es guéri tu lui porteras chaque année, tant que tu vivras, un cierge de ta taille. » Il se leva tant bien que mal, joignit les mains et invoqua en suppliant la miséricorde du bienheureux François, tout heureux de pouvoir aller et venir à son gré.

Un jeune homme de Fano appelé Bonhomme avait été reconnu comme paralytique et lépreux par tous les médecins. Ses parents l'offrirent à saint François : paralysie et lèpre disparurent, et il retrouva la parfaite santé.


SOURDS ET MUETS

147.- A Castro di Pieve, un petit sourd-muet de naissance vivait d'aumônes. Sa langue était si réduite et si courte que ceux qui la regardaient croyaient bien qu'elle avait dû être coupée. Il frappa un soir chez un certain Marc, habitant du même village, et, comme font les muets, demanda par signes l'hospitalité : il renversait un peu la tête sur le côté et mettait ses mains sous sa joue pour faire comprendre qu'il désirait coucher là cette nuit. L'homme le reçut gentiment et le garda d'autant plus volontiers chez lui que le petit s'entendait à faire le service : il était bien doué malgré son infirmité de naissance et comprenait au moindre signe ce qu'on lui commandait. Un soir, Marc dit à sa femme (ils étaient tous les deux en train de dîner et l'enfant était debout près de la table) : « Vraiment, ce serait un grand miracle si le bienheureux François pouvait lui rendre l'ouïe et la parole ! ».

148.- Et il ajouta : « Si le bienheureux François daigne accomplir ce miracle, voici ce que je promets au Seigneur Dieu : Je considérerai cet enfant comme l'un de mes plus chers, et durant toute sa vie je prendrai soin de lui ! ». A peine avait-il énoncé ce vœu que l'enfant s'écria : « Vive saint François ! », et, levant les yeux : « Je vois saint François qui se tient là au-dessus de nous ; il est venu me rendre la parole. » Il demanda ensuite : « Que vais-je devoir dire aux gens ? » Marc répondit : « Tu annonceras la louange de Dieu et tu sauveras beaucoup d'hommes ». Il se leva, débordant de joie, et s'en fut annoncer à tous l'événement ; et tous d'accourir, stupéfaits et admiratifs, rendant gloire à Dieu et au bienheureux François. La langue de l'enfant s'était allongée, était devenue apte à la parole, et il se mit à articuler correctement les mots, comme s'il avait toujours parlé.

149.- Villa, un autre enfant, ne pouvait ni parler ni marcher. Sa mère confectionna un cierge et, très dévotement, le porta au tombeau de François. De retour à la maison, elle fut accueillie par son fils qui parlait et marchait.

Dans le diocèse de Pérouse il y avait un muet : sa gorge très enflée l'obligeait à tenir la bouche toujours ouverte et béante ; c'était horrible à voir. Arrivé au tombeau du saint, il s'apprêtait à en gravir les marches quand il vomit un flot de sang et, complètement délivré, se mit à parler, ouvrant et fermant normalement la bouche.

150.- Une femme avait la gorge tellement enflammée que sa langue desséchée collait à son palais. Impossible de parler, de boire et de manger. Emplâtres et autres remèdes n'apportaient aucun soulagement. En fin de compte, elle fit mentalement (elle ne pouvait parler) un vœu à saint François ; soudain, la peau creva : de sa gorge jaillit un calcul rond qu'elle prit en mains pour le montrer à tous : elle était sauvée.

A Greccio habitait un jeune homme qui avait perdu l'ouïe, la mémoire et la parole ; il ne comprenait et n'entendait plus rien. Ses parents qui avaient grande confiance en saint François lui vouèrent avec ferveur le jeune homme et, le vœu accompli, celui-ci fut à nouveau, par la grâce de notre glorieux et très saint Père François, richement doué des sens qu'il avait perdus. A la louange, à la gloire et à l'honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ dont le royaume et l'empire sont stables et solides pour toute la durée des siècles et des siècles, Amen !
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Message  Roger Boivin Ven 17 Déc 2010, 2:30 am

ÉPILOGUE

Voilà donc quelques-uns des miracles de notre bienheureux Père François ; nous en avons passé sous silence bien plus que nous n'en avons relaté : ceux qui voudront suivre ses traces trouveront dans leurs recherches la grâce de bénédictions toujours renouvelées.

Et lui qui, par ses paroles et ses exemples, sa vie et ses enseignements, a fait de notre monde un monde nouveau, qu'il daigne accorder toujours à ceux qui aiment le nom du Seigneur des grâces célestes à profusion !





Source : http://www.wikitau.org/index.php5/Vita_prima

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