Les Templiers (bis)

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Message  Eric Sam 11 Déc 2010 - 18:53

IV.
Telle fut la décision et telle est la justification du Pape.
Les biens des Templiers sont arrachés à la cupidité de Philippe le Bel, et les dispositions envers leurs personnes sont mêlées de douceur et de sévérité.
Le Pape se réserve la décision sur les principaux personnages ; le sort des autres, laissé à la sagesse des conciles provinciaux, est l'objet de règles qui préviennent tout arbitraire.
Nous n'examinerons pas la question des peines temporelles dans la punition des crimes contre la foi : c'était la législation du temps. D'ailleurs l'initiative des exécutions provint du roi de France; la plus malheureuse, celle du grand-maître et du dauphin d'Auvergne, fut encore le crime de Philippe et l'Église n'y eut aucune part.
Leur jugement avait lieu devant les dignitaires ecclésiastiques et ils étaient condamnés à une prison perpétuelle, lorsque Jacques de Molay et Guy se levèrent et prononcèrent une rétractation complète de tous leurs aveux.
Les cardinaux remirent l'affaire au lendemain.
Dans l'intervalle, Philippe le Bel fit dresser deux bûchers sur le terre-plein du Pont-Neuf, à l'endroit ou s'élève la statue équestre de Henri IV.
Le grand-maître et le prieur d'Auvergne y furent traînés et livrés aux flammes. Les assistants les entendirent protester, jusqu'au dernier soupir, de leur innocence et de l'innocence de leur ordre.
En général, ceux qui ont défendu les Templiers se sont appesantis sur le grand-maître Jacques de Molay.
Ce personnage, dans les études historiques et dans la tragédie de Raynouard, joue le rôle d'un véritable martyr.
Nous sommes loin, sans doute, d'approuver la rigueur arbitraire et la violence criminelle dont usa envers lui le roi faux monnayeur; mais nous ne saurions laisser passer les apologies qu'on a écrites de ce grand-maître.


Mgr Fèvre (Protonotaire Apostolique), Histoire apologétique de la Papauté (Depuis Saint Pierre jusqu'à Pie IX)
T. V, Chap. XVII, Paris Louis Vives Lib. Ed., 1880, p. 506


à suivre ....


Dernière édition par Eric le Dim 12 Déc 2010 - 12:32, édité 1 fois (Raison : ajout d'un mot omis : lui (en rouge dans le texte))
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Message  Eric Dim 12 Déc 2010 - 12:31

Après de longues recherches sur les accusations élevées contre les Templiers et un minutieux examen de leur défense présentée par eux-mêmes, défense où les aveux, les rétractations et surtout les contradictions abondent, un protestant d'Allemagne dit : « J'avoue que plus je considère la conduite du grand-maître, moins j'y trouve le caractère de la grandeur d'âme; je n'y vois pas même celui de la prudence : tout y est marqué au coin de la faiblesse et de la crainte (1). »

Wilcke, quoique protestant, juge de même : « L'ordre, dit- il, était coupable et digne de la peine qu'il a subie, si on juge ses crimes d'après les idées de ce temps-là; c'est pourquoi les juges ecclésiastiques jugèrent justement, mais injustement Philippe, parce que le jugement n'était pas de sa compétence et qu'il ne s'y portait point par amour de la justice; il aurait pu abolir l'ordre dans ses États, mais rien de plus. Devant le tribunal ecclésiastique, l'ordre était très-punissable et sa peine proportionnée; la puissance séculière pouvait seule révoquer ou restreindre ses privilèges, et requérir la hiérarchie d'abolir l'ordre ou de le rattacher à un autre. Notre temps jugerait de même devant les deux fors, par l'abolition de l'ordre et la saisie des biens (2). »

Le même auteur observe à plusieurs reprises, que si les justices particulières et royales employèrent la question suivant la jurisprudence d'alors, les commissaires du Pape ne l'employèrent pas, mais procédèrent avec douceur, circonspection et conscience.
Il remarque, en particulier, sur les actes originaux retrouvés à Paris, qu'ils montrent dans un jour magnifique la douceur et la justice des commissaires pontificaux.
Toutes les charges qui pèsent sur les Templiers innocentent leurs juges.


- 1 Nicolaï, Essai sur les accusations intentées aux Templiers, p. 38 et suiv.
- 2 Wilcke, Hist. des Templiers, t. II, p. 10 et suiv.; t. I, p. 201. 297 et 323.




Mgr Fèvre (Protonotaire Apostolique), Histoire apologétique de la Papauté (Depuis Saint Pierre jusqu'à Pie IX)
T. V, Chap. XVII, Paris Louis Vives Lib. Ed., 1880, p. 506 et 507


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Message  Eric Mer 15 Déc 2010 - 17:24

Il y a toutefois une accusation sur laquelle on revient sans cesse contre la mémoire de Clément V : c'est sa
faiblesse envers Philippe le Bel.
Un juge au tribunal civil de la Seine, Jules Jolly, précédemment cité, dans son récit de l'affaire, abandonne cette accusation ; mais, par la manière dont il excuse le Pontife, il ne le présente guère que comme un homme qui recule toujours pour ne céder jamais.
Au fond, si le Pape n'est pas coupable, il serait du moins bien à plaindre.
Il est hors de doute que Philippe le Bel mit, dans la poursuite des Templiers, une résolution rare, une ruse des plus raffinées, une violence presque scélérate. Ce n'est pas ainsi que doit agir un prince, encore moins un juge.

Dès l'avènement de Clément V, Philippe essaie de circonvenir le nouveau Pontife; à l'entrevue de Poitiers, il emploie tous les moyens pour le faire fléchir ; par la convocation des États généraux, il veut en quelque sorte ameuter le pays légal contre le Saint-Siège; enfin, par l'arrestation simultanée des Templiers, il espère, par un coup de force, faire passer la condamnation avant le procès.

D'un autre côté, Philippe recourt à ces vils moyens dont on usera davantage encore plus tard, je veux dire aux brochures, pour séduire la foule, égarer l'opinion et effrayer l'Église.
Pour donner une idée de cette polémique, nous citerons seulement ces paroles : « Les Templiers sont des hérétiques; l'hérésie est un crime contre Dieu, qui est la tète de l'Église; le bras droit, c'est-à-dire le pouvoir ecclésiastique, doit veiller à ce que la tête soit respectée; sinon ce devoir incombe au bras gauche, c'est-à-dire au pouvoir temporel. Si ce dernier reste dans l'inaction, les membres inférieurs, c'est-à-dire le peuple, se lèveront pour la défense du chef (1). »
Cette évocation des blouses blanches, au quatorzième siècle, sent bien un peu son Marat.

Eh bien ! malgré les ruses, malgré les coups de forces, malgré les roueries et les violences, Clément V ne se laisse ni entraîner, ni opprimer, ni surprendre.
Le Pape est sur la défensive, sans doute : c'était le seul rôle permis au faible contre le fort; mais il s'y tient heureusement et n'en néglige aucun avantage.
Si le procès des Templiers n'avait été touché que par les mains du Pontife, il n'y aurait pas de question des Templiers en histoire. C'est Philippe le Bel qui la créa, sans qu'on puisse en jeter l'odieux sur son partenaire.

L'homme le plus compétent sur l'histoire de Philippe le Bel, le docte archiviste Edgar Boutaric, dans une étude récente (2), soumet à un examen détaillé l'histoire des rapports de Clément V avec le roi de France, dans le procès des Templiers.


1. Trésor des chartes. J. 414. n° 34.
2. Revue des questions historiques, t. X, p. 301 ; t. XI, p. 1




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T. V, Chap. XVII, Paris Louis Vives Lib. Ed., 1880, p. 507 et 508


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Message  Eric Mer 15 Déc 2010 - 22:56

A la fin de son premier article, il dit : « Clément V, à la merci du roi de France, entouré de pièges, sans sécurité, tint bon, et ne céda sur aucun point essentiel. Nous assistons à une lutte inégale, impitoyable du fort contre le faible, et c'est le faible qui, appuyé sur la morale, triomphe du fort. »

Au terme de son travail, il conclut : « On voit que Clément ne sacrifia ni ses devoirs, ni son honneur aux demandes du roi de France.
Il fut patient, conciliant, habile, mais ferme ; et Philippe le Bel, s'il crut un instant avoir en ce Pape un instrument dévoué, dut s'apercevoir de son erreur.
Les biens du Temple lui échappèrent : en vain éleva-t-il chicane sur chicane, tout ce qu'il put obtenir ce fut de percevoir des sommes considérables pour avoir gardé les Templiers en prison ; leurs immenses propriétés territoriales passèrent sans exception aux Hospitaliers, qui les ont gardées jusqu'au moment de leur suppression (1). »

Au cours de son travail, à l'appui de ces deux conclusions, le savant archiviste produit une pièce inédite qui, à elle seule, vide le débat : c'est un rapport au roi en vingt-six articles, rapport écrit par les ambassadeurs du prince.
La pièce est rédigée avec la forme précise que comportent ces relations ; c'est une analyse très serrée des demandes du roi et des réponses du Pape.
Les ambassadeurs ne se vantent pas des victoires qu'ils n'ont point remportées ; ils se disent battus sur tous les points, et il faut convenir que Clément V a sur eux, avec les avantages du droit, tout l'honneur de la courtoisie.

Notre conclusion est donc que le Pape n'a point cédé, ni par faiblesse ni autrement, aux obsessions de Philippe le Bel ; qu'il a supprimé l'ordre du Temple pour de sérieuses raisons, en vertu de son autorité souveraine ; que les cruautés dont cette suppression fut déshonorée ne sont pas son fait, et que, tout en laissant le protocole ouvert aux recherches de la science, on ne prouvera jamais que l'Église ait excédé ses pouvoirs, dérogé au droit, manqué à la raison, à la justice et même à la douceur.


1. Voir la France sous Philippe le Bel, p. 145.



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Message  Eric Jeu 16 Déc 2010 - 18:31

« Les Templiers, conclura pour nous le docte abbé Christophe, avaient duré cent quatre-vingt-quatorze ans.
Jamais l'Église n'avait vu dans son sein un ordre plus riche, plus noble, plus puissant.
Sa chute a retenti et retentira encore longtemps dans l'histoire.
L'illustration des membres qui le composaient, leur gloire, leurs souffrances, leur catastrophe nous intéressent même, bien que le temps ait mis cinq siècles entre eux et nous, et que le souvenir des chevaliers ne se rattache à aucun monument de leur grandeur passée.
Leur infortune seule en est la cause.
Tel est le pouvoir du malheur, qu'il commande la sympathie même lorsqu'il est mérité.
Aussi les Templiers ont-ils trouvé de nombreux défenseurs.
La pitié porte avec elle je ne sais quelle gloire dont on est jaloux.
Sans doute, ce serait une œuvre digne d'éloge que celle qui laverait l'humanité d'une tache honteuse, en montrant que les accusations intentées aux Templiers ne furent que des calomnies.
Mais il faut se défier de ces justifications tardives, où le principal triomphe qu'on semble ambitionner est de pouvoir accuser un Pape.
De telles justifications ne sont ni assez modérées, ni assez désintéressées pour ne mettre que la vérité en lumière.

On y déclame beaucoup, on y raisonne peu ; on y incidente vivement sur des faits accessoires, sur ce que les passions de l'homme ont pu jeter de misères dans ce long et triste procès ; mais on n'y traite que faiblement le point essentiel, savoir : Les Templiers étaient-ils innocents ? Or, tant que la logique humaine n'aura pas résolu ce point, les Templiers resteront flétris et déchus, et la sentence qui les abolit pèsera sur leur mémoire de tout le poids de l'autorité irréfragable de l'Église (1). »



1 Hist. de la Papauté pendant le XIVe siècle, t. 1, p. 266


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FIN


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Message  ROBERT. Jeu 16 Déc 2010 - 20:20

.

Merci Éric pour ce dossier qui nous éclaire objectivement sur les Templiers et surtout la belle conclusion de Mgr. Fèvre:

(...)la sentence qui les abolit pèsera sur leur mémoire de tout le poids de l'autorité irréfragable de l'Église (1). »

1 Hist. de la Papauté pendant le XIVe siècle, t. 1, p. 266
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