ANARCHIE DANS L'ART.
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STYLE ET MANIÈRE (suite).
Mais revenons au style. Celui-ci dans l'abstrait n'a rien à voir avec l'idéalisme. Le style n'est pas, comme nous l'avons dit, la manière. Demandons à dix peintres excellents de faire le même paysage. Tous auront une manière différente d'y placer les arbres. Il y aura aussi différence dans la couleur. La composition sera identique dans les dix peintres, seule la surface technique variera.
Pour avoir une idée encore plus claire du sujet, pensons un peu à l'architecture gothique : il y a le gothique allemand, français, anglais, espagnol, mais c'est toujours le style gothique. Il y a également différentes colonnes corinthiennes. Finalement, quelqu'un apporta un élément nouveau, et ce fut la création d'un nouveau style : le composite. Le moyen le plus sûr d'obtenir la vérité est de faire nouveau, c'est-à-dire d'être original, et c'est l'originalité qui amène un nouveau style. Mais il y a toujours le danger de rechercher l'originalité aux dépens des autres éléments essentiels. Il n'est pas permis de négliger la proportion, la grâce, la noblesse, le sublime, l'élégance, etc.
Les artistes modernes, du moins ceux qui côtoient l'anarchie, recherchent l'originalité au détriment du reste. On peut dire que le chaos actuel dans le domaine de l'Art est le résultat le plus direct de l'originalité excessive. les « ultra-modernes » ont la prétention de faire de l'art dit vivant en délaissant la nature pour vouer un culte à l'artificiel. C'est précisément cette artificialité qui a donné naissance à tant d'écoles nouvelles qui se sont succédé en si peu de temps au cours de ce demi-siècle. ce n'est plus l'évolution, c'est la révolution, qui amène les pires excès(1).
(1) - Pour faciliter la lecture de ce paragraphe, je l'ai subdiviser. (roger).
Pour avoir une idée encore plus claire du sujet, pensons un peu à l'architecture gothique : il y a le gothique allemand, français, anglais, espagnol, mais c'est toujours le style gothique. Il y a également différentes colonnes corinthiennes. Finalement, quelqu'un apporta un élément nouveau, et ce fut la création d'un nouveau style : le composite. Le moyen le plus sûr d'obtenir la vérité est de faire nouveau, c'est-à-dire d'être original, et c'est l'originalité qui amène un nouveau style. Mais il y a toujours le danger de rechercher l'originalité aux dépens des autres éléments essentiels. Il n'est pas permis de négliger la proportion, la grâce, la noblesse, le sublime, l'élégance, etc.
Les artistes modernes, du moins ceux qui côtoient l'anarchie, recherchent l'originalité au détriment du reste. On peut dire que le chaos actuel dans le domaine de l'Art est le résultat le plus direct de l'originalité excessive. les « ultra-modernes » ont la prétention de faire de l'art dit vivant en délaissant la nature pour vouer un culte à l'artificiel. C'est précisément cette artificialité qui a donné naissance à tant d'écoles nouvelles qui se sont succédé en si peu de temps au cours de ce demi-siècle. ce n'est plus l'évolution, c'est la révolution, qui amène les pires excès(1).
(1) - Pour faciliter la lecture de ce paragraphe, je l'ai subdiviser. (roger).
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:05 am, édité 1 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: ANARCHIE DANS L'ART.
Cher Roger,
Pour vous, un extrait de l'hymne du Christ-Roi:
Pour vous, un extrait de l'hymne du Christ-Roi:
...puissent les lois et les arts être l'expression de votre Royauté!
Catherine- Nombre de messages : 2399
Age : 39
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: ANARCHIE DANS L'ART.
Catherine a écrit:Cher Roger,
Pour vous, un extrait de l'hymne du Christ-Roi:...puissent les lois et les arts être l'expression de votre Royauté!
Merci Catherine ; ce sera parfait comme mot de la fin de cet ouvrage !
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
STYLE ET MANIÈRE (suite).
Il est sans doute permis à l'artiste de s'éloigner de la nature, c'est même désirable, pourvu qu'il se gare des excès qui amèneront sûrement le décadentisme. L'artiste, conscient de sa mission, respecte le public sain et éclairé, qui est appelé en dernier ressort à juger l'œuvre d'art. Le public n'a que faire de quelques déséquilibrés et de tous leurs thuriféraires zélés. L'artiste doit idéaliser non seulement la nature mais ce qu'il y a de meilleur dans le siècle où il vit, tout en gardant l'acquis du passé. Quand l'artiste empile sur la toile des blocs en couleur et donne pour titre « Introspection », quand il groupe une série de figures géométriques dont l,ensemble fait penser à la grue-tourelle pour la manutention du charbon et qu'il intitule cette composition « Portrait », le public sain et éclairé a bien raison de qualifier l'artiste de maniaque. Ce qui divise aujourd'hui les artiste en deux clans c'est précisément la question de savoir dans quelle mesure il est permis de s'éloigner de la nature. Il y a le groupe nombreux des partisans de l'ordre qui s'en tiennent au juste milieu et le groupe des extrémistes, que l'on peut appeler les charlatans de l'Art. La question n'est point nouvelle. L'histoire nous apprend que les grandes œuvres d'art des plus belles époques manifestent un certain éloignement de la nature. Les meilleures sont encore celles qui s'en éloigneraient très modestement afin d'obtenir un type plus parfait de la nature. C'est précisément cela qui fait dire à Pope : « L'Art est la nature avantageusement parée ». Cette parure n'est autre que la poésie, l'idéalisation. Il est bien plus facile de dépoétiser une chose ordinaire que de l'idéaliser ; l'amateur peut réussir la première, tandis que la seconde est le fait de l'artiste véritable.
Quand Michel-Ange, qui ne le cédait à aucun autre artiste de son temps dans la voie de l'originalité, aborda la tâche qui devait former, avec le mausolée de Jules II, son œuvre maîtresse en tant que sculpteur : les tombeaux des Médicis, dans la basilique de Saint-Laurent, à Florence, il alla, dans la recherche du style, à la limite de la nature rationnelle. L'artiste créa les étonnantes personnifications des forces de la nature ou des origines du monde. Ses figures sont à la fois d'une inspiration farouche et sublime. Michel-Ange, artiste original, certes, mais pondéré, avait assez de discernement pour savoir s'arrêter dans l'éloignement de la nature. Ces figures suffiraient seules à l'immortaliser.
Mais Bandinelli, qui se croyait appelé à devenir l'émule de Michel-Ange, qui ambitionnait de l'égaler, de le vaincre même dans tous les genres, voyant que l'éloignement de la nature était de plus en plus essentiel pour avoir plus de style, créa alors son « Hercule et Cacus », groupe colossal en marbre blanc, qui est grotesque parce que l'artiste dépassa la mesure. « Hercule et Cacus », exposé à Florence, fut la risée de tous. Michel-Ange, pourtant bienveillant pour ses confrères, se moqua de Bandinelli. Tous les autres artistes en firent autant. Le dévoilement du groupe donna lieu presque à un tumulte. C'est que, dans « Hercule et Cacus », l'artiste poussait l'originalité à l'extrême. L'œuvre, placée à la galerie Ufizzi, continue à attirer les moqueries ; on a voulu donner aux artistes futurs l'avertissement d'éviter l'excessif dans la recherche du style.
Quand Michel-Ange, qui ne le cédait à aucun autre artiste de son temps dans la voie de l'originalité, aborda la tâche qui devait former, avec le mausolée de Jules II, son œuvre maîtresse en tant que sculpteur : les tombeaux des Médicis, dans la basilique de Saint-Laurent, à Florence, il alla, dans la recherche du style, à la limite de la nature rationnelle. L'artiste créa les étonnantes personnifications des forces de la nature ou des origines du monde. Ses figures sont à la fois d'une inspiration farouche et sublime. Michel-Ange, artiste original, certes, mais pondéré, avait assez de discernement pour savoir s'arrêter dans l'éloignement de la nature. Ces figures suffiraient seules à l'immortaliser.
Mais Bandinelli, qui se croyait appelé à devenir l'émule de Michel-Ange, qui ambitionnait de l'égaler, de le vaincre même dans tous les genres, voyant que l'éloignement de la nature était de plus en plus essentiel pour avoir plus de style, créa alors son « Hercule et Cacus », groupe colossal en marbre blanc, qui est grotesque parce que l'artiste dépassa la mesure. « Hercule et Cacus », exposé à Florence, fut la risée de tous. Michel-Ange, pourtant bienveillant pour ses confrères, se moqua de Bandinelli. Tous les autres artistes en firent autant. Le dévoilement du groupe donna lieu presque à un tumulte. C'est que, dans « Hercule et Cacus », l'artiste poussait l'originalité à l'extrême. L'œuvre, placée à la galerie Ufizzi, continue à attirer les moqueries ; on a voulu donner aux artistes futurs l'avertissement d'éviter l'excessif dans la recherche du style.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:08 am, édité 6 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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STYLE ET MANIÈRE (fin).
Ce qui est vrai du style l'est également de la manière. On s'explique difficilement pourquoi l'artiste qui s'habille et vit d'une façon saine, devient grotesque dans sa manière de créer une œuvre d'art. Pourquoi exprimer la laideur ? Le culte de la laideur, de l'éloignement excessif de la nature, fut constamment condamné dans les siècles passés. Pourquoi le mettrions-nous en honneur aujourd'hui ? Seuls les artistes ultra-modernes s'y appliquent de toute leur énergie. Comment en sont-ils venus là ? C'est toute une histoire. Disons pour l'instant qu'ils ont été poussés dans cette voie par l'activité commerciale de certains spéculateurs, par la vénalité de quelques critiques d'art. « Et tout cela, écrivait récemment Clément Vautel, n'était que combines montées, avec la complicité de certains agents de publicité baptisés « critiques », « amateurs », « connaisseurs », par des bazardiers de tableaux, des marchands dont le nom presque caractéristique, s'étalait à la devanture d'une « galerie moderne » de Paris, sur la façade des « docks » de la peinture ou des grands magasins « Aux cent mille chefs-d'œuvre ! » Certains artistes en sont venus à croire que leurs créations monstrueuses deviendraient immortelles grâce à une publicité bien faite. Notre siècle est celui de la publicité. C'est elle qui fait et défait les réputations, nonobstant la valeur réelle des artistes et de leurs œuvres.
Il faudrait tout un volume pour expliquer ce qui constitue le bon ou le mauvais style. Disons simplement que les éléments du bon style sont la clarté, la force et la mélodie. Les artistes canadiens-français devraient toujours être clairs (ils se disent de culture artistique française) car n'est-ce pas Rivarol qui écrivait : « Ce qui n'est pas clair, n'est pas français ». Certains de nos « ultra modernes » ont bien peu de sang français dans leurs veines, car ils nous proposent dans leurs peintures le mystère, la confusion, l'énigme, toutes choses qui s'opposent à la clarté. Et cela s'applique à tous les arts.
Il faudrait tout un volume pour expliquer ce qui constitue le bon ou le mauvais style. Disons simplement que les éléments du bon style sont la clarté, la force et la mélodie. Les artistes canadiens-français devraient toujours être clairs (ils se disent de culture artistique française) car n'est-ce pas Rivarol qui écrivait : « Ce qui n'est pas clair, n'est pas français ». Certains de nos « ultra modernes » ont bien peu de sang français dans leurs veines, car ils nous proposent dans leurs peintures le mystère, la confusion, l'énigme, toutes choses qui s'opposent à la clarté. Et cela s'applique à tous les arts.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:09 am, édité 1 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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Re: ANARCHIE DANS L'ART.
LA MESURE DE L'ART
Quel est le meilleur moyen de comparaison et de juste appréciation d'une œuvre ? C'est, l'ont reconnu tous les artistes des siècles passés, la PUISSANCE D'EXPRESSION. Celle-ci se compose de six éléments qui sont :
1° La conception, 2° la composition, 3° l'expression ; 4° le dessin, 5° la couleur, et 6° la technique.
Les trois premiers sont d'ordre spirituel, les trois derniers, d'ordre matériel.
Quand on se trouve en face d'une œuvre d'art, il faut rechercher en premier lieu sa valeur spirituelle, son importance sociale, puisque l'Art a une mission à remplir. Le souci libertaire fait, hélas! oublier cette grande vérité. Les désaxés, artistes ou thuriféraires zélés de l'ultra-modernisme, nient toute valeur morale à l'Art. Tous les sujets n'ont pas la même noblesse, la même importance sociale. Il est évident, par exemple, que la Création de Michel-Ange a une portée sociale autrement bienfaisante que les Bambochades(1) de David Teniers le Jeune.
La conception du sujet peut être vulgaire ou élevée, ordinaire ou originale, belle ou laide, faible ou puissante.
(1) - Les bambochades sont de petits tableaux ou des eaux-fortes représentant des sujets burlesques ou champêtres. Le nom vient d’un peintre, Pieter van Laer (Harlem, 1592-5/1642) surnommé le Bamboche (le petit bossu, de l’italien bamboccio), qui excellait à reproduire des scènes populaires et facétieuses (Le Vendeur de petits pains, Rome, Galerie nationale ; Paysage aux joueurs de Morra, Budapest, Musée des Beaux-Arts). Callot occupe le premier rang parmi les auteurs de bambochades. Il faut citer aussi Téniers et Van Ostade, pour lesquels Diderot dit à plusieurs reprises son admiration, tout en professant par ailleurs le plus grand mépris pour la bambochade. Il déplore ainsi, dans la préface du Salon de 1767, la réduction des grands sujets « à la bambochade ; et pour vous en convaincre, voyez la Vérité, la Vertu, la Justice, la Religion ajustées par La Grenée pour le boudoir d’un financier » (DPV XVI 62) ; dans le même Salon, il reproche aux gravures de Cochin « un aspect bas, ignoble, un faux air de bambochade » (DPV XVI 500).
1° La conception, 2° la composition, 3° l'expression ; 4° le dessin, 5° la couleur, et 6° la technique.
Les trois premiers sont d'ordre spirituel, les trois derniers, d'ordre matériel.
Quand on se trouve en face d'une œuvre d'art, il faut rechercher en premier lieu sa valeur spirituelle, son importance sociale, puisque l'Art a une mission à remplir. Le souci libertaire fait, hélas! oublier cette grande vérité. Les désaxés, artistes ou thuriféraires zélés de l'ultra-modernisme, nient toute valeur morale à l'Art. Tous les sujets n'ont pas la même noblesse, la même importance sociale. Il est évident, par exemple, que la Création de Michel-Ange a une portée sociale autrement bienfaisante que les Bambochades(1) de David Teniers le Jeune.
La conception du sujet peut être vulgaire ou élevée, ordinaire ou originale, belle ou laide, faible ou puissante.
(1) - Les bambochades sont de petits tableaux ou des eaux-fortes représentant des sujets burlesques ou champêtres. Le nom vient d’un peintre, Pieter van Laer (Harlem, 1592-5/1642) surnommé le Bamboche (le petit bossu, de l’italien bamboccio), qui excellait à reproduire des scènes populaires et facétieuses (Le Vendeur de petits pains, Rome, Galerie nationale ; Paysage aux joueurs de Morra, Budapest, Musée des Beaux-Arts). Callot occupe le premier rang parmi les auteurs de bambochades. Il faut citer aussi Téniers et Van Ostade, pour lesquels Diderot dit à plusieurs reprises son admiration, tout en professant par ailleurs le plus grand mépris pour la bambochade. Il déplore ainsi, dans la préface du Salon de 1767, la réduction des grands sujets « à la bambochade ; et pour vous en convaincre, voyez la Vérité, la Vertu, la Justice, la Religion ajustées par La Grenée pour le boudoir d’un financier » (DPV XVI 62) ; dans le même Salon, il reproche aux gravures de Cochin « un aspect bas, ignoble, un faux air de bambochade » (DPV XVI 500).
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:16 am, édité 4 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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LA MESURE DE L'ART (suite).
( 1° élément, LA CONCEPTION qui se subdivive en trois autres éléments : a - L'originalité ; b - la noblesse ; c - la force. ) :
(a - L'Originalité ) :
La conception est de suprême importance. Il s'agit ici, bien entendu, de l'art expressif. Supposons le cas d'artistes choisissant la Cène comme sujet. Quelle conception s'en feront-ils et surtout quelle en devra être la valeur expressive ? Chacun des artistes qui traitera le sujet devra se poser le problème. Il y a l'originalité à considérer. La Nature a mis au cœur de l'homme le désir de durer, la soif du bonheur. Tout cela suppose le changement, la nouveauté. Et c'est ce besoin de changement qui est à la base de tout progrès humain. On voit souvent les hommes oublier ce qu'il y a de plus parfait, surtout lorsqu'ils sont appelés à en vivre constamment, ou qu'ils n'ont pas l'occasion de le comparer avec d'autres choses, d'un ordre inférieur. Il n'y a pas lieu de s'étonner de constater chez l'homme la recherche du changement. Rechercher le nouveau, c'est, en fin de compte, rechercher l'originalité. Cet élément a son importance dans la création de l'œuvre d'art. L'œuvre la plus belle sera, à tout prendre, celle qui accusera la plus grande originalité. Tout le monde est d'accord là-dessus. N'oublions jamais toutefois que la beauté a une importance autrement capitale que l'originalité, puisque celle-ci n'est qu'un moyen d'obtenir la beauté. C'est ce que les ultra-modernes ne peuvent comprendre et refusent d'admettre. Ils sont prêts à tout sacrifier, même la beauté, pour satisfaire leurs fins individualistes. Rien d'étonnant de constater chez eux les pires outrances. L'âme a soif bien plus de beauté que d'originalité. Si celle-ci s'ajoute à la beauté, c'est tant mieux, mais il faut rechercher la beauté avant toute chose, comme d'ailleurs le bon et le vrai. C'est une trinité sainte qui donne un sens entier à la vie. L'artiste, ou l'époque, qui oublie cette loi fondamentale est en pleine décadence . Soyons originaux, soit, mais jamais au détriment de la beauté. Sachons aussi établir la juste différence entre la beauté et la laideur, entre l'originalité et l'étrangeté. L'originalité est, en somme, assez facile à obtenir. La difficulté consiste à faire beau et original en même temps. Seuls les grands artistes combinent les deux qualités. L'artiste peut faire une belle œuvre d'art sans atteindre à la grande originalité.
(a - L'Originalité ) :
La conception est de suprême importance. Il s'agit ici, bien entendu, de l'art expressif. Supposons le cas d'artistes choisissant la Cène comme sujet. Quelle conception s'en feront-ils et surtout quelle en devra être la valeur expressive ? Chacun des artistes qui traitera le sujet devra se poser le problème. Il y a l'originalité à considérer. La Nature a mis au cœur de l'homme le désir de durer, la soif du bonheur. Tout cela suppose le changement, la nouveauté. Et c'est ce besoin de changement qui est à la base de tout progrès humain. On voit souvent les hommes oublier ce qu'il y a de plus parfait, surtout lorsqu'ils sont appelés à en vivre constamment, ou qu'ils n'ont pas l'occasion de le comparer avec d'autres choses, d'un ordre inférieur. Il n'y a pas lieu de s'étonner de constater chez l'homme la recherche du changement. Rechercher le nouveau, c'est, en fin de compte, rechercher l'originalité. Cet élément a son importance dans la création de l'œuvre d'art. L'œuvre la plus belle sera, à tout prendre, celle qui accusera la plus grande originalité. Tout le monde est d'accord là-dessus. N'oublions jamais toutefois que la beauté a une importance autrement capitale que l'originalité, puisque celle-ci n'est qu'un moyen d'obtenir la beauté. C'est ce que les ultra-modernes ne peuvent comprendre et refusent d'admettre. Ils sont prêts à tout sacrifier, même la beauté, pour satisfaire leurs fins individualistes. Rien d'étonnant de constater chez eux les pires outrances. L'âme a soif bien plus de beauté que d'originalité. Si celle-ci s'ajoute à la beauté, c'est tant mieux, mais il faut rechercher la beauté avant toute chose, comme d'ailleurs le bon et le vrai. C'est une trinité sainte qui donne un sens entier à la vie. L'artiste, ou l'époque, qui oublie cette loi fondamentale est en pleine décadence . Soyons originaux, soit, mais jamais au détriment de la beauté. Sachons aussi établir la juste différence entre la beauté et la laideur, entre l'originalité et l'étrangeté. L'originalité est, en somme, assez facile à obtenir. La difficulté consiste à faire beau et original en même temps. Seuls les grands artistes combinent les deux qualités. L'artiste peut faire une belle œuvre d'art sans atteindre à la grande originalité.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:17 am, édité 1 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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LA MESURE DE L'ART (suite).
( 1° élément, LA CONCEPTION qui se subdivise en trois autres éléments : a - L'originalité ; b - la noblesse ; c - la force. ) :
( b - La Noblesse ) :
Le second élément de la CONCEPTION est le caractère qu'il faut donner au sujet. La noblesse, dans l'expression comme dans l'exécution, est de rigueur. Les « ultra-modernes », pris tout entier par leur technique sans cesse évoluante, ridiculisent non seulement l'idée du sujet noble, mais ils répudient tout sujet. Whistler appelle ses œuvres « symphonies », « harmonies ». « Voici, dit-il en substance, une harmonie en gris et or », qui traduit parfaitement ma pensée. C'est une scène de neige ; j'y ai fait entrer une seule figure noire et une taverne illuminée. Que m'importe le présent, le passé et le futur du point noir ! Je l'ai placé à tel endroit parce qu'il faisait bien dans le tableau. Tout ce que je puis dire c'est que la combinaison de gris et or est à la base de ma peinture. C'est précisément ce que mes amis ne peuvent comprendre. »
Whistler peut bien faire toutes les «harmonies » qu'il voudra, c'est son affaire. La postérité le jugera. Mais nous avons le droit de lui reprocher son esthétique fausse, quand il énonce, par exemple, la théorie suivante : « La peinture est la poésie de la vue comme la musique est la poésie du son. Le sujet n'a rien à voir à l'harmonie du son ou de la couleur. » C'est de l'Art pour l'Art, la peinture pour la peinture. Ce point de vue est inadmissible dans l'art expressif, car la couleur et la technique ne sont pas tout l'Art, elles ne sont que deux des six éléments d'une œuvre d'art. Que Whistler applique ses idées à l'art décoratif, il ne se lèvera personne pour le blâmer. Les idées de Whistler et de ses semblables ne sont que propos et procédés de charlatans. L'esthéticien Véron est l'un de ceux qui prônait fortement l'individualisme dans l'Art. Cependant, il n'a pas craint d'écrire : « Le peintre se fait une gloire de mépriser tout ce qui n'est pas purement pictural. Il recherche la ligne et la couleur, le reste pour lui ne vaut rien. C'est là une grave erreur et une exagération dangereuse. »
Whistler peut bien faire toutes les «harmonies » qu'il voudra, c'est son affaire. La postérité le jugera. Mais nous avons le droit de lui reprocher son esthétique fausse, quand il énonce, par exemple, la théorie suivante : « La peinture est la poésie de la vue comme la musique est la poésie du son. Le sujet n'a rien à voir à l'harmonie du son ou de la couleur. » C'est de l'Art pour l'Art, la peinture pour la peinture. Ce point de vue est inadmissible dans l'art expressif, car la couleur et la technique ne sont pas tout l'Art, elles ne sont que deux des six éléments d'une œuvre d'art. Que Whistler applique ses idées à l'art décoratif, il ne se lèvera personne pour le blâmer. Les idées de Whistler et de ses semblables ne sont que propos et procédés de charlatans. L'esthéticien Véron est l'un de ceux qui prônait fortement l'individualisme dans l'Art. Cependant, il n'a pas craint d'écrire : « Le peintre se fait une gloire de mépriser tout ce qui n'est pas purement pictural. Il recherche la ligne et la couleur, le reste pour lui ne vaut rien. C'est là une grave erreur et une exagération dangereuse. »
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:19 am, édité 4 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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LA MESURE DE L'ART (suite).
( 1° élément, LA CONCEPTION qui se subdivise en trois autres éléments : a - L'originalité ; b - la noblesse ; c - la force. ) :
( c - La Force Expressive ) :
Le troisième éléments de la CONCEPTION est la force expressive. Prenons la Cène peinte par plusieurs artistes, disons cinq peintres de la Renaissance. Celle de Raphaël est la moins expressive tandis que celle de Léonard de Vinci est la plus parfaite. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'analyser subséquemment ces grandes œuvres d'art.
( c - La Force Expressive ) :
Le troisième éléments de la CONCEPTION est la force expressive. Prenons la Cène peinte par plusieurs artistes, disons cinq peintres de la Renaissance. Celle de Raphaël est la moins expressive tandis que celle de Léonard de Vinci est la plus parfaite. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'analyser subséquemment ces grandes œuvres d'art.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:20 am, édité 1 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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LA MESURE DE L'ART (suite).
( 2° élément, LA COMPOSITION - 10 lois essentielles - ) :
Le second élément de la puissance d'expression est la composition, qui donne lieu à bien des controverses. L'œuvre d'art tire sa plus grande beauté de la composition de lignes, de formes et de couleurs. La beauté n'est pas exclusivement le fait de l'expression et de la technique, elle dépend surtout de l'arrangement des lignes. D'autres diront que la couleur prime tout, tel John C. van Dyke, qui niait l'existence des lignes dans les objets de la nature. Il est vrai que ce qu'on appelle lignes dans la nature n'est que le contour des formes. Les lignes sont absolument nécessaires pour la représentation des formes dans l'Art. D'ailleurs van Dyke le reconnaît lui-même puisque plus loin il écrira que la ligne existe réellement en peinture et que le dessin a son importance. Mais il ajoute - et c'est là grave erreur - que la ligne n'a pas une importance très grande. Au contraire, la ligne est tout, le reste est secondaire. Ruckstull dit qu'il est facile de le prouver : on a bien plus de plaisir à regarder une peinture qu'une gravure.
La couleur ne prime pas tout. La Vierge de Saint-Sixte de Raphaël au musée de Dresde en est la preuve. Ceux qui ont vu les copies colorées de la peinture avant l'original disent qu'ils sont de prime abord désappointés en voyant l'œuvre elle-même. Après coup, ils constatent que Raphaël, pour donner une plus grande valeur spirituelle à ses personnages, a spiritualiser, si l'on peut dire, sa couleur en la rendant moins sensible. Et ce n'est pas parce que Raphaël était inférieur car il passait pour le plus grand coloriste de son époque. Le Mariage de la Vierge (la Sposalizio) au musée Brera de Milan en fait foi.
Dans les tableaux de Monet et de Monticelli, peintres impressionnistes, on a une véritable orgie de couleur, mais la ligne et le dessin sont faibles.
La couleur ne joue aucun rôle dans une statue dont la beauté dépend des lignes ; la couleur en diminue plutôt la spiritualité. On dira : la sculpture n'est pas la peinture. D'accord. Il reste cependant que tous les arts sont solidaires et obéissent à des lois générales et logiques. Il est clair comme de l'eau de roche que nos coloristes modernes n'atteindront jamais à la cheville d'un Michel-Ange, sculpteur et peintre.
En résumé, sans ligne, une œuvre d'art n'apparaîtrait que comme un brouillard. L'œil suit la ligne, dit Ruckstull, il ne suit pas le brouillard, et il a bien raison. D'ailleurs van Dycke l'admet lui-même à la fin de son livre « L'ART POUR L'ART », et il détruit sa théorie de la valeur relative de la ligne et de la couleur. La ligne est donc absolue, la couleur est relative. Sans doute, lorsqu'il s'agit de paniers de poissons ou d'oignons, autrement dit de natures mortes - est-ce bien là de l'art expressif ? - on recherche avant tout la splendeur iridescente de la couleur et l'on néglige la ligne, car on fait de la peinture pour la peinture et non plus de la composition. L'homme sain ne s'y trompe pas, il ne prend jamais une nature morte pour du grand art, il la classe dans la catégorie de l'art décoratif. Quand Monet nous sert une orgie de couleur dans une peinture qu'il intitula Cathédrale de Rouen, il fait encore de la peinture pour la peinture, et son œuvre n'est pas du grand art ; il n'y a rien là-dedans pour élever notre âme et la rendre meilleure.
Le second élément de la puissance d'expression est la composition, qui donne lieu à bien des controverses. L'œuvre d'art tire sa plus grande beauté de la composition de lignes, de formes et de couleurs. La beauté n'est pas exclusivement le fait de l'expression et de la technique, elle dépend surtout de l'arrangement des lignes. D'autres diront que la couleur prime tout, tel John C. van Dyke, qui niait l'existence des lignes dans les objets de la nature. Il est vrai que ce qu'on appelle lignes dans la nature n'est que le contour des formes. Les lignes sont absolument nécessaires pour la représentation des formes dans l'Art. D'ailleurs van Dyke le reconnaît lui-même puisque plus loin il écrira que la ligne existe réellement en peinture et que le dessin a son importance. Mais il ajoute - et c'est là grave erreur - que la ligne n'a pas une importance très grande. Au contraire, la ligne est tout, le reste est secondaire. Ruckstull dit qu'il est facile de le prouver : on a bien plus de plaisir à regarder une peinture qu'une gravure.
La couleur ne prime pas tout. La Vierge de Saint-Sixte de Raphaël au musée de Dresde en est la preuve. Ceux qui ont vu les copies colorées de la peinture avant l'original disent qu'ils sont de prime abord désappointés en voyant l'œuvre elle-même. Après coup, ils constatent que Raphaël, pour donner une plus grande valeur spirituelle à ses personnages, a spiritualiser, si l'on peut dire, sa couleur en la rendant moins sensible. Et ce n'est pas parce que Raphaël était inférieur car il passait pour le plus grand coloriste de son époque. Le Mariage de la Vierge (la Sposalizio) au musée Brera de Milan en fait foi.
Dans les tableaux de Monet et de Monticelli, peintres impressionnistes, on a une véritable orgie de couleur, mais la ligne et le dessin sont faibles.
La couleur ne joue aucun rôle dans une statue dont la beauté dépend des lignes ; la couleur en diminue plutôt la spiritualité. On dira : la sculpture n'est pas la peinture. D'accord. Il reste cependant que tous les arts sont solidaires et obéissent à des lois générales et logiques. Il est clair comme de l'eau de roche que nos coloristes modernes n'atteindront jamais à la cheville d'un Michel-Ange, sculpteur et peintre.
En résumé, sans ligne, une œuvre d'art n'apparaîtrait que comme un brouillard. L'œil suit la ligne, dit Ruckstull, il ne suit pas le brouillard, et il a bien raison. D'ailleurs van Dycke l'admet lui-même à la fin de son livre « L'ART POUR L'ART », et il détruit sa théorie de la valeur relative de la ligne et de la couleur. La ligne est donc absolue, la couleur est relative. Sans doute, lorsqu'il s'agit de paniers de poissons ou d'oignons, autrement dit de natures mortes - est-ce bien là de l'art expressif ? - on recherche avant tout la splendeur iridescente de la couleur et l'on néglige la ligne, car on fait de la peinture pour la peinture et non plus de la composition. L'homme sain ne s'y trompe pas, il ne prend jamais une nature morte pour du grand art, il la classe dans la catégorie de l'art décoratif. Quand Monet nous sert une orgie de couleur dans une peinture qu'il intitula Cathédrale de Rouen, il fait encore de la peinture pour la peinture, et son œuvre n'est pas du grand art ; il n'y a rien là-dedans pour élever notre âme et la rendre meilleure.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:28 am, édité 4 fois
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LA MESURE DE L'ART (suite).
( 2° élément, LA COMPOSITION - 10 lois essentielles - ) :
(suite)
La composition est soumise à des lois et à des règles ; les premières sont essentielles, les secondes superficielles. L'artiste de génie fera œuvre belle, même en violant les règles, mais jamais il ne transgressera les lois. Il faut, en effet, pour produire une grande œuvre d'art, obéir aux lois essentielles de la composition, qui sont au nombre de dix.
Si l'on veut faire une œuvre pittoresque, on se servira de masses et de lignes angulaires.
1. Celles-ci placées librement provoqueront en nous la gaieté.
2. Les lignes serpentines donnent une impression de grâce et éveillent en nous le charme.
3. Si l'on veut, au contraire, faire œuvre sublime et monumentale, on se servira de lignes pyramidales.
Une Descente de Croix de Rubens est, par exemple, une œuvre d'art sublime. Peut-on en dire autant du Christ portant sa croix, de Breughel ? Il y a absence de disposition pyramidale, et l'on se demande où est le Christ, où est la croix ?
4. La quatrième loi de la composition est l'unité du sujet,
5. la cinquième, la concentration des effets.
Dans toute œuvre d'art il doit y avoir un point central d'intérêt. Dans une statue où il n'y a qu'une seule figure, le point central est le visage ; dans un groupe de figures, il doit y en avoir une qui doit attirer davantage notre attention. Velasquez, dans sa Reddition de Bréda ou Tableau des lances, a fait une faute de composition ; l'œuvre hardie et originale est cependant moins réussie que celle de David, le Couronnement de Napoléon. David était de beaucoup inférieur à Velasquez, mais dans cette œuvre le grand empereur domine réellement la foule ; tout lui est subordonné dans le tableau.
6. La sixième loi est l'équilibre des masses ;
7. la septième est la clarté. C'est une loi qu'il ne convient jamais de transgresser, surtout lorsqu'on traite d'un sujet symbolique.
8. La huitième loi est la simplicité ; on doit retrancher tout ce qui n'est pas nécessaire. La Dernière Cène de Léonard de Vinci est la parfaite illustration de cette loi.
9. Enfin, l'œuvre doit être proportionnée et
10. harmonieuse.
Les artistes des siècles passés connaissaient toutes ces lois qui n'avaient point besoin d'être codifiées à ces époques. Ils les appliquaient plus ou moins fidèlement, et c'est dans la mesure où ils les respectaient qu'ils étaient plus ou moins grands.
Les artistes modernes, eux, semblent les oublier, étant surtout intéressés à l'art décoratif ou vulgaire. Le grand art ne leur dit plus rien, ils se complaisent dans le tout petit.
(suite)
La composition est soumise à des lois et à des règles ; les premières sont essentielles, les secondes superficielles. L'artiste de génie fera œuvre belle, même en violant les règles, mais jamais il ne transgressera les lois. Il faut, en effet, pour produire une grande œuvre d'art, obéir aux lois essentielles de la composition, qui sont au nombre de dix.
Si l'on veut faire une œuvre pittoresque, on se servira de masses et de lignes angulaires.
1. Celles-ci placées librement provoqueront en nous la gaieté.
2. Les lignes serpentines donnent une impression de grâce et éveillent en nous le charme.
3. Si l'on veut, au contraire, faire œuvre sublime et monumentale, on se servira de lignes pyramidales.
Une Descente de Croix de Rubens est, par exemple, une œuvre d'art sublime. Peut-on en dire autant du Christ portant sa croix, de Breughel ? Il y a absence de disposition pyramidale, et l'on se demande où est le Christ, où est la croix ?
4. La quatrième loi de la composition est l'unité du sujet,
5. la cinquième, la concentration des effets.
Dans toute œuvre d'art il doit y avoir un point central d'intérêt. Dans une statue où il n'y a qu'une seule figure, le point central est le visage ; dans un groupe de figures, il doit y en avoir une qui doit attirer davantage notre attention. Velasquez, dans sa Reddition de Bréda ou Tableau des lances, a fait une faute de composition ; l'œuvre hardie et originale est cependant moins réussie que celle de David, le Couronnement de Napoléon. David était de beaucoup inférieur à Velasquez, mais dans cette œuvre le grand empereur domine réellement la foule ; tout lui est subordonné dans le tableau.
6. La sixième loi est l'équilibre des masses ;
7. la septième est la clarté. C'est une loi qu'il ne convient jamais de transgresser, surtout lorsqu'on traite d'un sujet symbolique.
8. La huitième loi est la simplicité ; on doit retrancher tout ce qui n'est pas nécessaire. La Dernière Cène de Léonard de Vinci est la parfaite illustration de cette loi.
9. Enfin, l'œuvre doit être proportionnée et
10. harmonieuse.
Les artistes des siècles passés connaissaient toutes ces lois qui n'avaient point besoin d'être codifiées à ces époques. Ils les appliquaient plus ou moins fidèlement, et c'est dans la mesure où ils les respectaient qu'ils étaient plus ou moins grands.
Les artistes modernes, eux, semblent les oublier, étant surtout intéressés à l'art décoratif ou vulgaire. Le grand art ne leur dit plus rien, ils se complaisent dans le tout petit.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:29 am, édité 3 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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LA MESURE DE L'ART (suite).
( 3° élément, L'EXPRESSION, qui se divise en trois : primaire ; secondaire ; tertiaire. ) :
Le troisième élément d'une œuvre d'art est l'expression. L'Art, nous l'avons dit, se divise en deux catégories distinctes : l'art décoratif et l'art expressif.
Le premier, s'adressant exclusivement aux sens, exprime la beauté sensible. C'est aussi le fait de l'art expressif, mais il exprime en plus des idées et des sentiments. C'est par cela d'ailleurs qu'il est plus grand que l'autre, qu'il a une importance, spirituelle ou morale, que l'autre n'a pas. La hiérarchie existe dans les choses comme dans les êtres. L'art expressif ou le grand art comporte un sujet qui offre une ou plusieurs figures. L'artiste complet, une fois son sujet choisi, exprime toujours trois choses : les actions et les émotions de chacun de ses personnages, dans leurs mouvements corporels comme dans leurs traits. Si l'on veut exprimer la fierté dans une statue, il est évident qu'il ne faudra pas y mettre le mépris puisque les deux sentiments sont totalement distincts. Et la fierté devra être seule exprimée, si le sujet l'exige. Cette forme d'expression des figures individuelles s'appelle l'expression primaire, que l'on recherche délibérément.
Le grand artiste exprimera dans l'ensemble de l’œuvre non seulement l'expression individuelle des visages, mais aussi la pensée que le tableau entier est censé d'exprimer. C'est ce qu'on appelle l'expression secondaire. La Paix de Puvis de Chavannes, au Musée d'Amiens, illustre parfaitement cette loi : l'idée de paix paraît non seulement sur les figures mais dans le tableau tout entier, et cela par la composition, le coloris, l'ombre et la lumière, par l'idéalisme de la forme et par le style.
Enfin, il y a une autre expression, que l'on nomme tertiaire. L'artiste sincère avec lui-même et qui ne veut point imiter quelque maître ou suivre rigoureusement le style et la manière de son époque, s'exprimera inconsciemment dans son œuvre par la transparence de son tempérament et des caractéristiques de son âme. S'il veut faire un usage plus grand de sa liberté, tout en respectant les limites permises, c'est-à-dire en tenant compte des éléments spirituels d'une œuvre d'art, il extériorisera davantage son tempérament en inventant une manière qui lui sera propre. Cette expression sera évidemment consciente.
Le troisième élément d'une œuvre d'art est l'expression. L'Art, nous l'avons dit, se divise en deux catégories distinctes : l'art décoratif et l'art expressif.
Le premier, s'adressant exclusivement aux sens, exprime la beauté sensible. C'est aussi le fait de l'art expressif, mais il exprime en plus des idées et des sentiments. C'est par cela d'ailleurs qu'il est plus grand que l'autre, qu'il a une importance, spirituelle ou morale, que l'autre n'a pas. La hiérarchie existe dans les choses comme dans les êtres. L'art expressif ou le grand art comporte un sujet qui offre une ou plusieurs figures. L'artiste complet, une fois son sujet choisi, exprime toujours trois choses : les actions et les émotions de chacun de ses personnages, dans leurs mouvements corporels comme dans leurs traits. Si l'on veut exprimer la fierté dans une statue, il est évident qu'il ne faudra pas y mettre le mépris puisque les deux sentiments sont totalement distincts. Et la fierté devra être seule exprimée, si le sujet l'exige. Cette forme d'expression des figures individuelles s'appelle l'expression primaire, que l'on recherche délibérément.
Le grand artiste exprimera dans l'ensemble de l’œuvre non seulement l'expression individuelle des visages, mais aussi la pensée que le tableau entier est censé d'exprimer. C'est ce qu'on appelle l'expression secondaire. La Paix de Puvis de Chavannes, au Musée d'Amiens, illustre parfaitement cette loi : l'idée de paix paraît non seulement sur les figures mais dans le tableau tout entier, et cela par la composition, le coloris, l'ombre et la lumière, par l'idéalisme de la forme et par le style.
Enfin, il y a une autre expression, que l'on nomme tertiaire. L'artiste sincère avec lui-même et qui ne veut point imiter quelque maître ou suivre rigoureusement le style et la manière de son époque, s'exprimera inconsciemment dans son œuvre par la transparence de son tempérament et des caractéristiques de son âme. S'il veut faire un usage plus grand de sa liberté, tout en respectant les limites permises, c'est-à-dire en tenant compte des éléments spirituels d'une œuvre d'art, il extériorisera davantage son tempérament en inventant une manière qui lui sera propre. Cette expression sera évidemment consciente.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:30 am, édité 1 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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LA MESURE DE L'ART (suite).
Il est une loi générale qu'il ne faut point aussi méconnaître : l'artiste doit exprimer les caractéristiques essentielles d'un objet ou d'un sujet. Il est, par exemple, indifférent de peindre la soie de telle manière, ce qui importe c'est de faire sentir que la soie peinte est de la soie et non pas de la laine. Le même principe s'applique notamment aux figures historiques. Tout le monde admettra que la plus célèbre est celle de Jésus-Christ. Ernest Renan(1) dit que Jésus-Christ occupe, de l'aveu unanime, « le plus haut sommet de la grandeur humaine ». Si l'artiste veut exprimer la nature de cet homme unique il devra en faire un personnage divin. Il devrait toujours avoir le bon goût de puiser son inspiration dans le sentiment chrétien. Les représentations de Jésus ou du Christ sont innombrables. Le type physique est à peu près le même dans tous les cas. Les premiers artistes qui ont représenté cette figure historique, n'ayant point de portrait véritable du personnage, ont suivi la tradition. Ce sont les portraits byzantins du V° siècle que l'on trouve dans les mosaïques de Ravenne. Depuis, tous les artistes se sont guidés sur ces portraits pour représenter Jésus-Christ ; s'ils ne les avaient point eus, ils auraient été obligés de se faire une conception physique du personnage.
Cela n'aurait pas été chose facile, car les Évangiles sont peu loquaces à ce sujet, se contentant de dire que « Jésus était le plus beau des enfants des hommes ». La seule description du Christ est celle de Lentulus, gouverneur de la Judée, ami de Ponce-Pilate. Dans une lettre adressée au Sénat Romain, publiée par Fabricius, il disait : « Jésus-Christ a un aspect majestueux et une figure rayonnante pleine de suavité ; tous ceux qui le voient sont pénétrés à la fois d'amour et de crainte. On dit que son visage rose, à la barbe divisée par le milieu, est d'une beauté incomparable et que personne ne peut le regarder féxément sans en être ébloui. Par ses traits, il ressemble à sa mère qui est la plus belle et la plus douce figure que l'on ait jamais vue dans ces contrées, etc.»(2).
Cette description n'est pas tout à fait conforme à celle de la tradition qui informa l'artiste byzantin que Jésus portait des cheveux mi-longs, séparés par le milieu ; qu'il avait le nez droit et légèrement aquilin, que ses yeux étaient plutôt grands et qu'il avait le teint brun. Ces caractéristiques sont visibles dans les mosaïques de Ravennes. Par contre, la nature divine du personnage est nulle dans ces représentations.
C'est ici que l'artiste doit puiser son inspiration, nous l'avons dit, dans le sentiment chrétien. Pendant de nombreux siècles, des artistes ont peint la figure du Christ-Jésus, mais aucun n'a réussi comme Léonard de Vinci à la peindre avec une si grande puissance d'expression. Son personnage est divin. C'est une étude de Léonard pour sa Cène.
Léonard de Vinci - Etude pour la tête du Christ de la Cène ; Pinacothèque de Brera - Milan.
( Je n'ai trouvé que ce portrait là ! pas fameux ! ça ne doit pas être celui-ci certain ! il me fait penser plutôt à saint Jean. (roger))
Cinq grands artistes de la Renaissance ont représenté la Cène. Ce sont : Ghirlandajo, Raphaël, Léonard de Vinci, Del Sarto et le Tintoret. Le moment choisi par ces peintres est celui où le Maître vient de dire aux douze convives : « En vérité, je vous le dis, l'un de vous me trahira ». Ces paroles ont causé la crainte et l'effroi. Les trois premiers artistes n'ont pas compris le sujet : Ghirlandajo et Raphaël nous ont donné un repas pacifique sans aucune signification particulière ; le Tintoret a fait une Cène Turbulente au cours de laquelle il ne se passe rien de dramatique. Del Sarto, en revanche, a su exprimer le tumulte que causèrent les paroles de Jésus, mais sa Cène est inférieure à celle de Léonard de Vinci parce qu'elle n'atteint pas à la même profondeur d'expression. De plus, elle est insuffisante. Tel est d,ailleurs le jugement de la postérité. Le Jésus de Del Sarto est faible ; celui de Léonard de Vinci est surhumain. Jésus dans la Cène de Del Sarto ne domine pas toutes la scène comme le requiert le sujet. Au surplus, le peintre n'a pas réussi à exprimer la consternation que causèrent les paroles du Maître, les figures des disciples révélèrent plutôt la perturbation intellectuelle. Dans la Cène de Léonard de Vinci c'est la fusion de tous les éléments en une œuvre d'art finie. Il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher. Les esprits curieux pourront lire à ce sujet les descriptions de Goethe et d'Abel Fabre.
Pourquoi Léonard de Vinci a-t-il mieux réussi que les quatre autres peintres sus-nommés à faire œuvre plus grande, plus belle ? Tout simplement parce qu'il a su donner au sujet une expression suffisante.
(1) - Catholique d'abord, il s'est détourné de sa vocation ecclésiastique ; il perdit la foi ; il est devenu un rationaliste.
(2) - LETTRE (complète) DE FABRICIUS PUBLIUS LENTULUS
Gouverneur de la Judée sous le règne de Tibère César au SÉNAT ROMAIN.
Publius Lentulus TIBÈRE EMPEREUR
- Salut -
Voici, Majesté, la réponse que tu désires.
Il est apparu un homme doux d'une puissance exceptionnelle, on l'appelle le grand prophète; ses disciples l'appellent FILS DE DIEU, son nom est JÉSUS-CHRIST. En vérité, César, on entend raconter chaque jour, des choses merveilleuses de ce Christ qui ressuscite les morts, guérit toute infirmité et tonne toute Jérusalem par sa doctrine extraordinaire. Il a un aspect majestueux et une figure rayonnante pleine de suavité ; de manière que tous ceux qui le voient sont pénétrés d'amour et de crainte la fois. On dit que son visage rose à la barbe divisée par le milieu est d'une beauté incomparable et que personne ne peut le regarder fixement sans en être ébloui.
Par ses traits, ses yeux bleus ciel, ses cheveux châtain clair, il ressemble sa mère qui est la plus belle et la plus douce des femmes que l'on ait jamais vue dans ces contrées. Son langage précis, net, grave, inattaquable est l'expression la plus pure de la vertu, d'une science qui surpasse de beaucoup celle des plus grands génies.
Dans ses reproches et dans ses réprimandes il est formidable; dans son enseignement et ses exhortations il est doux, aimable, attrayant, irrésistible. Il va nu-pieds et tête-nue; le voir de loin, on rit, mais en sa présence on tremble et l'on est déconcerté. On ne l'a jamais vu rire, mais on l'a vu pleurer. Tous ceux qui l'ont approché disent qu'ils en ont reçu santé et bienfaits; néanmoins je suis harcelé par des méchants qui disent qu'il nuit grandement à Ta Majesté , parce qu'il affirme publiquement que les rois et leurs sujets sont égaux devant DIEU. Commande-moi donc, Tu seras promptement obéi.
P.Lentulus.
Proconsul romain en Judée.
PUBLIUS LENTULUS
Gouverneur de la Judée sous le règne de Tibère César
au Sénat Romain
**
Pères Conscrits,
Il a paru de nos jours un homme d'une grande vertu, qui est encore au milieu de nous, et qu'on nomme Jésus-Christ. Les Gentils le regardent comme un véritable prophète; mais ses disciples l'appellent FILS DE DIEU. Il ressuscite les morts et guérit les malades. Il est d'une taille assez grande, bien fait, bien proportionné ; ses mains et ses bras sont d'une beauté remarquable, son air inspire le respect et fait éprouver un mélange d'amour et de crainte. Ses cheveux sont de la couleur d'une aveline très mure jusqu'aux oreilles, et de là, jusqu'à leur extrémité, ils sont plus brillants, et se répandent en boucles légères sur ses épaules : ils sont partagés sur le sommet de la tête ; la manière des Nazaréens. Son front est uni et pur. Aucune tache ni ride ne dépare son visage doucement coloré. Son nez et sa bouche sont formés avec une parfaite symétrie. Sa barbe est épaisse, de la couleur de ses cheveux, pas très longue, et elle se divise vers le milieu. Il a le regard bienveillant et noble. Ses yeux sont gris, brillants, vifs. Il censure avec majesté, exhorte avec douceur, parle avec retenue, modestie et sagesse. Jamais on ne l'a vu rire, mais souvent on l'a vu pleurer. C'est un homme qui, par sa rare bonté, surpasse les enfants des hommes.
source : www.livres-mystiques.com
http://www.serfes.org/spiritual/january2004.htm
Cela n'aurait pas été chose facile, car les Évangiles sont peu loquaces à ce sujet, se contentant de dire que « Jésus était le plus beau des enfants des hommes ». La seule description du Christ est celle de Lentulus, gouverneur de la Judée, ami de Ponce-Pilate. Dans une lettre adressée au Sénat Romain, publiée par Fabricius, il disait : « Jésus-Christ a un aspect majestueux et une figure rayonnante pleine de suavité ; tous ceux qui le voient sont pénétrés à la fois d'amour et de crainte. On dit que son visage rose, à la barbe divisée par le milieu, est d'une beauté incomparable et que personne ne peut le regarder féxément sans en être ébloui. Par ses traits, il ressemble à sa mère qui est la plus belle et la plus douce figure que l'on ait jamais vue dans ces contrées, etc.»(2).
Cette description n'est pas tout à fait conforme à celle de la tradition qui informa l'artiste byzantin que Jésus portait des cheveux mi-longs, séparés par le milieu ; qu'il avait le nez droit et légèrement aquilin, que ses yeux étaient plutôt grands et qu'il avait le teint brun. Ces caractéristiques sont visibles dans les mosaïques de Ravennes. Par contre, la nature divine du personnage est nulle dans ces représentations.
C'est ici que l'artiste doit puiser son inspiration, nous l'avons dit, dans le sentiment chrétien. Pendant de nombreux siècles, des artistes ont peint la figure du Christ-Jésus, mais aucun n'a réussi comme Léonard de Vinci à la peindre avec une si grande puissance d'expression. Son personnage est divin. C'est une étude de Léonard pour sa Cène.
Léonard de Vinci - Etude pour la tête du Christ de la Cène ; Pinacothèque de Brera - Milan.
( Je n'ai trouvé que ce portrait là ! pas fameux ! ça ne doit pas être celui-ci certain ! il me fait penser plutôt à saint Jean. (roger))
Cinq grands artistes de la Renaissance ont représenté la Cène. Ce sont : Ghirlandajo, Raphaël, Léonard de Vinci, Del Sarto et le Tintoret. Le moment choisi par ces peintres est celui où le Maître vient de dire aux douze convives : « En vérité, je vous le dis, l'un de vous me trahira ». Ces paroles ont causé la crainte et l'effroi. Les trois premiers artistes n'ont pas compris le sujet : Ghirlandajo et Raphaël nous ont donné un repas pacifique sans aucune signification particulière ; le Tintoret a fait une Cène Turbulente au cours de laquelle il ne se passe rien de dramatique. Del Sarto, en revanche, a su exprimer le tumulte que causèrent les paroles de Jésus, mais sa Cène est inférieure à celle de Léonard de Vinci parce qu'elle n'atteint pas à la même profondeur d'expression. De plus, elle est insuffisante. Tel est d,ailleurs le jugement de la postérité. Le Jésus de Del Sarto est faible ; celui de Léonard de Vinci est surhumain. Jésus dans la Cène de Del Sarto ne domine pas toutes la scène comme le requiert le sujet. Au surplus, le peintre n'a pas réussi à exprimer la consternation que causèrent les paroles du Maître, les figures des disciples révélèrent plutôt la perturbation intellectuelle. Dans la Cène de Léonard de Vinci c'est la fusion de tous les éléments en une œuvre d'art finie. Il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher. Les esprits curieux pourront lire à ce sujet les descriptions de Goethe et d'Abel Fabre.
Pourquoi Léonard de Vinci a-t-il mieux réussi que les quatre autres peintres sus-nommés à faire œuvre plus grande, plus belle ? Tout simplement parce qu'il a su donner au sujet une expression suffisante.
(1) - Catholique d'abord, il s'est détourné de sa vocation ecclésiastique ; il perdit la foi ; il est devenu un rationaliste.
(2) - LETTRE (complète) DE FABRICIUS PUBLIUS LENTULUS
Gouverneur de la Judée sous le règne de Tibère César au SÉNAT ROMAIN.
Publius Lentulus TIBÈRE EMPEREUR
- Salut -
Voici, Majesté, la réponse que tu désires.
Il est apparu un homme doux d'une puissance exceptionnelle, on l'appelle le grand prophète; ses disciples l'appellent FILS DE DIEU, son nom est JÉSUS-CHRIST. En vérité, César, on entend raconter chaque jour, des choses merveilleuses de ce Christ qui ressuscite les morts, guérit toute infirmité et tonne toute Jérusalem par sa doctrine extraordinaire. Il a un aspect majestueux et une figure rayonnante pleine de suavité ; de manière que tous ceux qui le voient sont pénétrés d'amour et de crainte la fois. On dit que son visage rose à la barbe divisée par le milieu est d'une beauté incomparable et que personne ne peut le regarder fixement sans en être ébloui.
Par ses traits, ses yeux bleus ciel, ses cheveux châtain clair, il ressemble sa mère qui est la plus belle et la plus douce des femmes que l'on ait jamais vue dans ces contrées. Son langage précis, net, grave, inattaquable est l'expression la plus pure de la vertu, d'une science qui surpasse de beaucoup celle des plus grands génies.
Dans ses reproches et dans ses réprimandes il est formidable; dans son enseignement et ses exhortations il est doux, aimable, attrayant, irrésistible. Il va nu-pieds et tête-nue; le voir de loin, on rit, mais en sa présence on tremble et l'on est déconcerté. On ne l'a jamais vu rire, mais on l'a vu pleurer. Tous ceux qui l'ont approché disent qu'ils en ont reçu santé et bienfaits; néanmoins je suis harcelé par des méchants qui disent qu'il nuit grandement à Ta Majesté , parce qu'il affirme publiquement que les rois et leurs sujets sont égaux devant DIEU. Commande-moi donc, Tu seras promptement obéi.
P.Lentulus.
Proconsul romain en Judée.
PUBLIUS LENTULUS
Gouverneur de la Judée sous le règne de Tibère César
au Sénat Romain
**
Pères Conscrits,
Il a paru de nos jours un homme d'une grande vertu, qui est encore au milieu de nous, et qu'on nomme Jésus-Christ. Les Gentils le regardent comme un véritable prophète; mais ses disciples l'appellent FILS DE DIEU. Il ressuscite les morts et guérit les malades. Il est d'une taille assez grande, bien fait, bien proportionné ; ses mains et ses bras sont d'une beauté remarquable, son air inspire le respect et fait éprouver un mélange d'amour et de crainte. Ses cheveux sont de la couleur d'une aveline très mure jusqu'aux oreilles, et de là, jusqu'à leur extrémité, ils sont plus brillants, et se répandent en boucles légères sur ses épaules : ils sont partagés sur le sommet de la tête ; la manière des Nazaréens. Son front est uni et pur. Aucune tache ni ride ne dépare son visage doucement coloré. Son nez et sa bouche sont formés avec une parfaite symétrie. Sa barbe est épaisse, de la couleur de ses cheveux, pas très longue, et elle se divise vers le milieu. Il a le regard bienveillant et noble. Ses yeux sont gris, brillants, vifs. Il censure avec majesté, exhorte avec douceur, parle avec retenue, modestie et sagesse. Jamais on ne l'a vu rire, mais souvent on l'a vu pleurer. C'est un homme qui, par sa rare bonté, surpasse les enfants des hommes.
source : www.livres-mystiques.com
http://www.serfes.org/spiritual/january2004.htm
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:36 am, édité 8 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
LA MESURE DE L'ART (suite).
Résumons en peu de mots ce que nous venons d'écrire touchant les trois éléments de l'expression, en parlant de l'individualisme.
Celui-ci est non seulement permis, il est même désirable. Il a toutefois des limites rationnelles que l'artiste ne doit pas dépasser. L'artiste ne devrait jamais se faire une fin de l'accent personnel. Que fait l'artiste ultra-moderne ? Il ne craint pas de choisir la laideur à la seule fin d'exprimer sa personnalité, sa manière. Véron qui, au début de son ESTHÉTIQUE, se fait le champion de l'individualisme, le condamne pourtant à la fin du volume en disant : « L'artiste qui est plus intéressé à extérioriser sa personnalité qu'à émouvoir le public devrait s'en tenir à l'art décoratif exclusivement où il pourra à son gré faire parade d'habileté, d'invention et de singularité. » Mais ce ne sera pas le grand art. Le sujet doit être respecté dans l'art expressif qui doit tendre à susciter l'émotion. L'artiste véritable ne cherche pas à plaire aux critiques et aux dilettantes ; il ne se fait pas non plus marchand de gloire, il ne cherche pas à s'attirer un groupe d'admirateurs et n'essaie point d'avoir l'appui de ses confrères. Il s'efforce plutôt de nous faire jouir du beau, de nous procurer la délectation de l'âme par des œuvres capables d'éveiller les plus grandes émotions. C'est par là qu'il méritera de la postérité. Sa personnalité s'irradiera de son œuvre comme le parfum de la rose.
Celui-ci est non seulement permis, il est même désirable. Il a toutefois des limites rationnelles que l'artiste ne doit pas dépasser. L'artiste ne devrait jamais se faire une fin de l'accent personnel. Que fait l'artiste ultra-moderne ? Il ne craint pas de choisir la laideur à la seule fin d'exprimer sa personnalité, sa manière. Véron qui, au début de son ESTHÉTIQUE, se fait le champion de l'individualisme, le condamne pourtant à la fin du volume en disant : « L'artiste qui est plus intéressé à extérioriser sa personnalité qu'à émouvoir le public devrait s'en tenir à l'art décoratif exclusivement où il pourra à son gré faire parade d'habileté, d'invention et de singularité. » Mais ce ne sera pas le grand art. Le sujet doit être respecté dans l'art expressif qui doit tendre à susciter l'émotion. L'artiste véritable ne cherche pas à plaire aux critiques et aux dilettantes ; il ne se fait pas non plus marchand de gloire, il ne cherche pas à s'attirer un groupe d'admirateurs et n'essaie point d'avoir l'appui de ses confrères. Il s'efforce plutôt de nous faire jouir du beau, de nous procurer la délectation de l'âme par des œuvres capables d'éveiller les plus grandes émotions. C'est par là qu'il méritera de la postérité. Sa personnalité s'irradiera de son œuvre comme le parfum de la rose.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:36 am, édité 1 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
LA MESURE DE L'ART (suite).
( Petit schémas aide-mémoire : Les 6 éléments de la Puissance d'Expression qui est la Mesure de l'Art :
3 d'ordre spirituels : 1° - la Conception ; 2° - la Composition ; 3°- l'Expression.
3 d'ordre matériel : 4° - le Dessin ; 5° - le Couleur ; 6° - la Technique. )
3 d'ordre spirituels : 1° - la Conception ; 2° - la Composition ; 3°- l'Expression.
3 d'ordre matériel : 4° - le Dessin ; 5° - le Couleur ; 6° - la Technique. )
( 4° élément, LE DESSIN. ) :
Les trois et derniers éléments de la puissance d'expression sont le dessin, la couleur et la technique. Ils sont d'un ordre inférieur aux trois premiers puisqu'ils sont matériels. Ils ont toutefois leur importance dans la création d'une grande œuvre d'art. Ils donnent lieu à des discussions sans fin. Certains artistes modernes disent que le dessin est plus important que la couleur. D'autres affirment le contraire. Quelques-uns considèrent l'altération des formes essentielle. Les autres s'en tiennent à l'interprétation. Enfin, plusieurs ne sont satisfaits que par l'imitation. Ces discussions ne sont pas sérieuses. L'artiste véritable ne s'attachera exclusivement à aucune de ces choses. Il est bien certain qu'on est incapable de représenter une chose sans en imiter plus ou moins la forme. Jusqu'à quel point l'artiste doit-il imiter ? C'est la tout le nœud de la question.
Pour analyser et commenter une fois de plus les chapitres de M. Ruckstull sur ces sujets, disons qu'il faut imiter suffisamment les objets pour qu'on puisse les reconnaître. L'homme simple sait par intuition si un objet familier ou le corps humain est proprement dessiné. Il ne sait pas si la forme dessinée est vulgaire. Il ne comprend plus rien lorsque l'objet dessiné est méconnaissable. Au point de vue exécution, le dessin dans l'œuvre d'art est de première importance. La fonction de l'Art étant de provoquer l'émotion humaine, le dessin aura une importance moins grande que la conception, la composition et l'expression, parce que la supériorité d'une œuvre d'art dépend de l'élévation de la conception, de la beauté de la composition et de la profondeur de l'expression. Le dessin vient donc immédiatement après ces trois éléments d'ordre spirituel. Les maniaques de la couleur nient cependant son importance relative. Ingres avait bien raison de dire : « Le dessin c'est la probité de l'art », parce que sans dessin exact on ne peut en art représenter rien profondément, que ce soit le mouvement du corps, l'émotion sur le visage ou l'expression d'une main. Toute pensée peut être exprimée en blanc ou en noir avec un crayon. La couleur n'est pas absolument essentielle, elle n'ajoute qu'à la beauté. Il est donc enfantin de parler de la supériorité de la couleur sur le dessin.
Certains coloristes des siècles passés n'ont pas toujours été irréprochables dans leur dessin. La maîtrise absolue du dessin est chose rare et difficile. C'est pour cela que certains artistes, impatients de produire un effet dans l'expression de l'idée, n'accordent qu'une importance superficielle au dessin pour ne s'attacher qu'à la couleur. Tous les hommes aiment le dessin très pur et exact. Cela tient à leur prédilection pour l'imitation et la précision. Le XVI° siècle fut le siècle des grands dessinateurs. En Italie, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Raphaël et ses disciples ; en Allemagne, Dürer, Holbein, portèrent l'art du dessin au plus haut degré de perfection, grâce à l'étude assidue et à l'imitation scrupuleuse de la nature. On sait que Velasquez se passionna pour l'étude du réel. Et, à ce point de vue, il fut certainement le plus grand peintre de figures individuelles que le monde ait connu. Comment en arriva-t-il à ce résultat ? Par la couleur ? Non, mais par le dessin qu'il considérait de suprême importance, nous dit son biographe Beruette. L'exactitude du dessin est essentielle en art, qu'il soit décoratif ou expressif. C'est là notre conclusion. Il est vrai que le simple portrait demande une plus grande exactitude que l'œuvre qui nous représente l'homme en action.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:39 am, édité 1 fois
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LA MESURE DE L'ART (suite).
( Petit schémas aide-mémoire : Les 6 éléments de la Puissance d'Expression qui est la Mesure de l'Art :
3 d'ordre spirituels : 1° - la Conception ; 2° - la Composition ; 3°- l'Expression.
3 d'ordre matériel : 4° - le Dessin ; 5° - le Couleur ; 6° - la Technique. )
( 5° élément, LA COULEUR. ) :
Des six éléments de la puissance d'expression, la couleur est le cinquième en importance. Comme le côté technique de la couleur en peinture n'intéresse pas particulièrement le public nous n,en parlerons qu'au point de vue esthétique. Il y a deux sortes de peintres : le peintre de portraits ou de tableaux, et le peintre de la couleur. Ce dernier proclame la suprématie de la couleur sur le dessin. Les deux éléments sont d'égale importance. Le peintre de la couleur fait de l'art pour l'art. L'un des zélés défenseurs de cette théorie , John-C. van Dyke, ne dit-il pas que la couleur suggère la lumière, l'ombre, la ligne, la perspective, l'individualité de l'artiste, ses sentiments, ses passions, son enthousiasme ? « En musique, dit-il, l'harmonie est ce qui importe d'avantage et en peinture la couleur-harmonie est aujourd'hui le plus haut sommet auquel le peintre puisse aspirer ». C'est absurde. Il est certain que la couleur suggère l'ombre, la lumière et la perspective. M. van Dycke n'avait pas besoin de nous le dire. Mais jamais elle ne suggérera la ligne. Celle-ci sera correcte en autant que l'on sait dessiner. Les problèmes de la couleur n'ont qu'un intérêt scientifique ou intellectuel, et l'on ne saurait être ému par eux. nous le répétons, une grande œuvre d'art ne vaut essentiellement que par le degré d'émotion qu'elle provoque. La couleur n'est donc qu'un élément secondaire dans la puissance d'expression.
- Il faut que la couleur soit appropriée au sujet traité. Certaines couleurs conviendront à la fresque et à la décoration murale et seraient mal venues dans le tableau de chevalet.
- Au surplus, la couleur doit mettre pleinement en lumière l'idée principale de l'œuvre. Pour représenter la Paix on ne choisie pas des couleurs sombres et le gris terne qu'employa avec avantage, par exemple, Turner dans sa Valley of Discord. C'est ce principe qu'appliqua Raphaël dans sa Vierge de Saint-Six où la couleur s'harmonise si bien au sujet.
- Dans le tableau de chevalet surtout il convient d'observer la correction des valeurs, c'est-à-dire d'employer la couleur propre à chaque objet. C'est le moyen de détacher les objets et de leur donner de l'atmosphère. Velasquez, peintre réaliste, sacrifia la beauté de la couleur à la correction des valeurs. Ses Filles d'honneur, au Musée Padro de Madrid, brillent surtout par ce côté. L'œuvre est hautement intellectuelle, mais elle n'émeut pas ; on admire, mais on n'aime pas. Les grands maîtres italiens n'ont jamais peint de cette manière, car ils recherchaient avant tout la beauté de la couleur, sans pour cela négliger la correction de la couleur, qu'ils considéraient comme élément secondaire. Velasquez s'en fit un but. Et c'est pourquoi on l'oublia pendant tout près de deux siècles. Il mourut en 1660 et ce n'est qu'en 1860 qu'on le remit en honneur. Ce fut l'œuvre des modernes qui voient en Velasquez un certain degré d'affinité. Le peintre espagnol faisait, lui aussi, des natures mortes. Il est indéniable que Valasquez épuisa merveilleusement toute la gamme des gris, mais cette couleur n'en demeure pas moins neutre, et elle n'émeut pas. Il faut, c'est entendu, observer suffisamment la correction de la couleur pour s'en tenir aux exigences du sujet. Mais tous les sujets ne requièrent la même somme d'atmosphère. La Mona Lisa de Léonard de Vinci, l'Assomption du Titien et la Descente de Croix de Rubens ont une atmosphère suffisante ; ces peintures sont de grandes œuvres d'art parce que l'artiste a su exprimer supérieurement une grande pensée.
- On ne doit pas négliger non plus la juxtaposition des couleurs. Elle est toutefois secondaire, car une peinture, pour être d'une beauté transcendante, n'a point besoin de la couleur somptueuse de Rubens dans sa Descente de Croix. La parfaite juxtaposition est plutôt rare. On ne connaît que trois maîtres qui aient excellé en cette matière : Velasquez, dans ses Filles d'honneur ; Holbein, dans son George Gisse ; et Albert Dürer, dans le portrait qu'il nous a laissé de lui-même.
- La richesse et l'harmonie de la couleur ont aussi leur importance. Velasquez donna à son portrait d'Innocent X une richesse de couleur qui manque dans son Couronnement de la Vierge. La qualité de la couleur n'est donc pas tout. La fin de l'Art est encore une fois de nous émouvoir à divers degrés. Or, l'œuvre peut provoquer l'émotion indépendamment de la couleur. - Alors, dira-t-on, quelle est en peinture la fonction de la couleur ? - Tout simplement d'ajouter à la beauté de l'œuvre, d'accentuer sa puissance d'expression. C'est pour cela que l'élément couleur n'est pas à négliger. Il ne faut pas toutefois s'en faire une fin, mais un simple moyen. Ainsi l'ont compris tous les maîtres du passé, parce qu'ils avaient conscience d'obéir à une loi immuable, fondée d'ailleurs sur l'ordre et le bon sens. Les « modernes », évidemment, n'ont cure de l'ordre, aimant mieux suivre leur fantaisie, qui est le plus souvent de la licence. On ne voit pas très bien ces « modernes » lire et comprendre, par exemple, la Cité de Dieu de saint Augustin dans lequel le grand docteur de l'Église explique ce qu'est la fin et le moyen... Les « ultras », renversant l'échelle des valeurs, attribuent à la couleur une fonction qu'elle ne doit pas avoir. Il est évident qu'ils recherchent par-dessus tout la singularité de la couleur au lieu de sa beauté. Tout cela à la seule fin de manifester un individualisme outrancier, qui leur semble le seul gage de la notoriété. Ils se donnent la vertu d'avoir liquidé le « jus-Renaissance » et de perpétuer, par leur « audace nouveauté » (ce sont les mots qu'ils emploient) la tradition. Ils appellent cela faire de la couleur pure et construire un monde de l'essentiel. Ils veulent ainsi légitimer le désordre en se donnant une paternité dans les temps anciens. C'est un truc qui n'est pas particulier aux peintres(1).
(1) - j'ai subdivisé pour faciliter la lecture. roger.
3 d'ordre spirituels : 1° - la Conception ; 2° - la Composition ; 3°- l'Expression.
3 d'ordre matériel : 4° - le Dessin ; 5° - le Couleur ; 6° - la Technique. )
( 5° élément, LA COULEUR. ) :
Des six éléments de la puissance d'expression, la couleur est le cinquième en importance. Comme le côté technique de la couleur en peinture n'intéresse pas particulièrement le public nous n,en parlerons qu'au point de vue esthétique. Il y a deux sortes de peintres : le peintre de portraits ou de tableaux, et le peintre de la couleur. Ce dernier proclame la suprématie de la couleur sur le dessin. Les deux éléments sont d'égale importance. Le peintre de la couleur fait de l'art pour l'art. L'un des zélés défenseurs de cette théorie , John-C. van Dyke, ne dit-il pas que la couleur suggère la lumière, l'ombre, la ligne, la perspective, l'individualité de l'artiste, ses sentiments, ses passions, son enthousiasme ? « En musique, dit-il, l'harmonie est ce qui importe d'avantage et en peinture la couleur-harmonie est aujourd'hui le plus haut sommet auquel le peintre puisse aspirer ». C'est absurde. Il est certain que la couleur suggère l'ombre, la lumière et la perspective. M. van Dycke n'avait pas besoin de nous le dire. Mais jamais elle ne suggérera la ligne. Celle-ci sera correcte en autant que l'on sait dessiner. Les problèmes de la couleur n'ont qu'un intérêt scientifique ou intellectuel, et l'on ne saurait être ému par eux. nous le répétons, une grande œuvre d'art ne vaut essentiellement que par le degré d'émotion qu'elle provoque. La couleur n'est donc qu'un élément secondaire dans la puissance d'expression.
- Il faut que la couleur soit appropriée au sujet traité. Certaines couleurs conviendront à la fresque et à la décoration murale et seraient mal venues dans le tableau de chevalet.
- Au surplus, la couleur doit mettre pleinement en lumière l'idée principale de l'œuvre. Pour représenter la Paix on ne choisie pas des couleurs sombres et le gris terne qu'employa avec avantage, par exemple, Turner dans sa Valley of Discord. C'est ce principe qu'appliqua Raphaël dans sa Vierge de Saint-Six où la couleur s'harmonise si bien au sujet.
- Dans le tableau de chevalet surtout il convient d'observer la correction des valeurs, c'est-à-dire d'employer la couleur propre à chaque objet. C'est le moyen de détacher les objets et de leur donner de l'atmosphère. Velasquez, peintre réaliste, sacrifia la beauté de la couleur à la correction des valeurs. Ses Filles d'honneur, au Musée Padro de Madrid, brillent surtout par ce côté. L'œuvre est hautement intellectuelle, mais elle n'émeut pas ; on admire, mais on n'aime pas. Les grands maîtres italiens n'ont jamais peint de cette manière, car ils recherchaient avant tout la beauté de la couleur, sans pour cela négliger la correction de la couleur, qu'ils considéraient comme élément secondaire. Velasquez s'en fit un but. Et c'est pourquoi on l'oublia pendant tout près de deux siècles. Il mourut en 1660 et ce n'est qu'en 1860 qu'on le remit en honneur. Ce fut l'œuvre des modernes qui voient en Velasquez un certain degré d'affinité. Le peintre espagnol faisait, lui aussi, des natures mortes. Il est indéniable que Valasquez épuisa merveilleusement toute la gamme des gris, mais cette couleur n'en demeure pas moins neutre, et elle n'émeut pas. Il faut, c'est entendu, observer suffisamment la correction de la couleur pour s'en tenir aux exigences du sujet. Mais tous les sujets ne requièrent la même somme d'atmosphère. La Mona Lisa de Léonard de Vinci, l'Assomption du Titien et la Descente de Croix de Rubens ont une atmosphère suffisante ; ces peintures sont de grandes œuvres d'art parce que l'artiste a su exprimer supérieurement une grande pensée.
- On ne doit pas négliger non plus la juxtaposition des couleurs. Elle est toutefois secondaire, car une peinture, pour être d'une beauté transcendante, n'a point besoin de la couleur somptueuse de Rubens dans sa Descente de Croix. La parfaite juxtaposition est plutôt rare. On ne connaît que trois maîtres qui aient excellé en cette matière : Velasquez, dans ses Filles d'honneur ; Holbein, dans son George Gisse ; et Albert Dürer, dans le portrait qu'il nous a laissé de lui-même.
- La richesse et l'harmonie de la couleur ont aussi leur importance. Velasquez donna à son portrait d'Innocent X une richesse de couleur qui manque dans son Couronnement de la Vierge. La qualité de la couleur n'est donc pas tout. La fin de l'Art est encore une fois de nous émouvoir à divers degrés. Or, l'œuvre peut provoquer l'émotion indépendamment de la couleur. - Alors, dira-t-on, quelle est en peinture la fonction de la couleur ? - Tout simplement d'ajouter à la beauté de l'œuvre, d'accentuer sa puissance d'expression. C'est pour cela que l'élément couleur n'est pas à négliger. Il ne faut pas toutefois s'en faire une fin, mais un simple moyen. Ainsi l'ont compris tous les maîtres du passé, parce qu'ils avaient conscience d'obéir à une loi immuable, fondée d'ailleurs sur l'ordre et le bon sens. Les « modernes », évidemment, n'ont cure de l'ordre, aimant mieux suivre leur fantaisie, qui est le plus souvent de la licence. On ne voit pas très bien ces « modernes » lire et comprendre, par exemple, la Cité de Dieu de saint Augustin dans lequel le grand docteur de l'Église explique ce qu'est la fin et le moyen... Les « ultras », renversant l'échelle des valeurs, attribuent à la couleur une fonction qu'elle ne doit pas avoir. Il est évident qu'ils recherchent par-dessus tout la singularité de la couleur au lieu de sa beauté. Tout cela à la seule fin de manifester un individualisme outrancier, qui leur semble le seul gage de la notoriété. Ils se donnent la vertu d'avoir liquidé le « jus-Renaissance » et de perpétuer, par leur « audace nouveauté » (ce sont les mots qu'ils emploient) la tradition. Ils appellent cela faire de la couleur pure et construire un monde de l'essentiel. Ils veulent ainsi légitimer le désordre en se donnant une paternité dans les temps anciens. C'est un truc qui n'est pas particulier aux peintres(1).
(1) - j'ai subdivisé pour faciliter la lecture. roger.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:45 am, édité 4 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
LA MESURE DE L'ART (suite).
( 6° élément, LA TECHNIQUE. ) :
Enfin, le sixième et dernier élément de la puissance d'expression d'une œuvre d'art est la technique. Il s'agit du procédé d'exécution que tout artiste emploie. C'est pour le peintre le travail de pinceau et pour le sculpteur, le modelé. La technique par elle-même, d'essence matérielle, ne saurait émouvoir. La sensation agréable n'est pas la jouissance du beau. Les modernes, on l'a vu, confondent souvent les mots sensation et émotion. Ils attribuent à Picasso la vertu d'émouvoir. C'est le comble de la confusion. Picasso n'émeut pas au sens véritable du mot. (voir définition ici ). Mais cela nous éloigne de la technique. L'histoire nous enseigne que, avant 1850, l'artiste ne parlait de technique qu'au point de vue de sa perfection. Elle n'était pour lui qu'un moyen de donner plus d'expression à l'idée. L'artiste aurait cru déchoir, avant 1850, en recherchant une technique particulière et personnelle. Un groupe d'artistes atteints d'individualisme forma le parti moderne et créa l'impressionnisme au nom de la liberté en art. On déclarait peu après que l'individualité faisait seule l'art. Ce faux principe donna naissance à l'individualisme excessif.
Les peintres s'appliquèrent dès lors à inventer des moyens variés d'appliquer la peinture sur la surface. Les sculpteurs recherchèrent un nouveau modelé. Au début, ce groupe d'artistes était indifférent à l'expression de la pensée. Ils ne tardèrent pas à ridiculiser l'art expressif - l'art figuratif, comme ils disent. Puis l'on découvrit Velasquez, qui était presque oublié depuis deux siècles. On se mit à écrire que Velasquez était un manipulateur merveilleux de la couleur. On nota chez lui des façons si variées de peindre que l'on ne vit que ce côté-là de son talent, si bien que la technique devint dès lors pour ces artistes une véritable obsession. La technique cessa d'être un moyen pour devenir un but. On se méprenait évidemment sur l'oeuvre de Velasquez, car son biographe Beruette prouva que Velasquez avait été surtout un grand artiste par son art du dessin. Au surplus, Elie Faure a reconnu que le peintre espagnol se préoccupa beaucoup plus, à la fin de sa carrière, de l'expression de la nature que de la manière de l'exprimer.
La peinture n'est donc pas l'art. Peindre n'est rien autre chose que d'appliquer la peinture sur une surface quelconque. Le peintre, dans ce travail, peut montrer une plus ou moins grande habilité. S'il met tout son amour dans ce travail exclusif, il est simple ouvrier. L'artiste, lui, exprime la vie, avec la technique la plus parfaite qu'il peut employer. La vie : c'est-à-dire la vie réelle ou idéale. L'artiste qui veut, par exemple, peindre une orange doit en représenter le caractère vivant. Il importe peu qu'il se serve de la technique de Huysum, de Snyders ou de Blaise-Desgoffe, trois bon peintres qui ne se ressemblent nullement. Les trois techniques sont également efficaces. Pourquoi ? Parce que ces peintres ont employé une technique rationnelle et suffisamment individuelle cependant pour les différencier tous les trois. D'ailleurs, l'artiste n'a pas à rechercher particulièrement l'individualité, car, quoi qu'il fasse, il la manifestera à son insu, puisque la nature a pris soin de ne pas faire deux hommes semblables. Doit-on rester indifférent à la technique ? Bien au contraire. Il faut plutôt se poser la question : quelle technique employer ? Devra-t-on employer une technique modeste, expressive et impersonnelle ou une technique vulgaire, inexpressive et singulière ? Robert-Louis Stevenson, qui publia un livre sur Velasquez, conseille à l'artiste de développer sa technique puis de l'oublier. Les « modernes » n'ont retenu que la première partie du conseil. De deux tableaux de Velasquez, les Filles d'honneur et la Reddition de Bréda, ce dernier occupe la place d'honneur à la Galerie Velasquez au Musée Padro de Madrid, et il est cependant moins parfait au point de vue technique que le premier. Le peintre Millet disait que la technique ne devrait jamais être considérée pour elle-même.
Enfin, le sixième et dernier élément de la puissance d'expression d'une œuvre d'art est la technique. Il s'agit du procédé d'exécution que tout artiste emploie. C'est pour le peintre le travail de pinceau et pour le sculpteur, le modelé. La technique par elle-même, d'essence matérielle, ne saurait émouvoir. La sensation agréable n'est pas la jouissance du beau. Les modernes, on l'a vu, confondent souvent les mots sensation et émotion. Ils attribuent à Picasso la vertu d'émouvoir. C'est le comble de la confusion. Picasso n'émeut pas au sens véritable du mot. (voir définition ici ). Mais cela nous éloigne de la technique. L'histoire nous enseigne que, avant 1850, l'artiste ne parlait de technique qu'au point de vue de sa perfection. Elle n'était pour lui qu'un moyen de donner plus d'expression à l'idée. L'artiste aurait cru déchoir, avant 1850, en recherchant une technique particulière et personnelle. Un groupe d'artistes atteints d'individualisme forma le parti moderne et créa l'impressionnisme au nom de la liberté en art. On déclarait peu après que l'individualité faisait seule l'art. Ce faux principe donna naissance à l'individualisme excessif.
Les peintres s'appliquèrent dès lors à inventer des moyens variés d'appliquer la peinture sur la surface. Les sculpteurs recherchèrent un nouveau modelé. Au début, ce groupe d'artistes était indifférent à l'expression de la pensée. Ils ne tardèrent pas à ridiculiser l'art expressif - l'art figuratif, comme ils disent. Puis l'on découvrit Velasquez, qui était presque oublié depuis deux siècles. On se mit à écrire que Velasquez était un manipulateur merveilleux de la couleur. On nota chez lui des façons si variées de peindre que l'on ne vit que ce côté-là de son talent, si bien que la technique devint dès lors pour ces artistes une véritable obsession. La technique cessa d'être un moyen pour devenir un but. On se méprenait évidemment sur l'oeuvre de Velasquez, car son biographe Beruette prouva que Velasquez avait été surtout un grand artiste par son art du dessin. Au surplus, Elie Faure a reconnu que le peintre espagnol se préoccupa beaucoup plus, à la fin de sa carrière, de l'expression de la nature que de la manière de l'exprimer.
La peinture n'est donc pas l'art. Peindre n'est rien autre chose que d'appliquer la peinture sur une surface quelconque. Le peintre, dans ce travail, peut montrer une plus ou moins grande habilité. S'il met tout son amour dans ce travail exclusif, il est simple ouvrier. L'artiste, lui, exprime la vie, avec la technique la plus parfaite qu'il peut employer. La vie : c'est-à-dire la vie réelle ou idéale. L'artiste qui veut, par exemple, peindre une orange doit en représenter le caractère vivant. Il importe peu qu'il se serve de la technique de Huysum, de Snyders ou de Blaise-Desgoffe, trois bon peintres qui ne se ressemblent nullement. Les trois techniques sont également efficaces. Pourquoi ? Parce que ces peintres ont employé une technique rationnelle et suffisamment individuelle cependant pour les différencier tous les trois. D'ailleurs, l'artiste n'a pas à rechercher particulièrement l'individualité, car, quoi qu'il fasse, il la manifestera à son insu, puisque la nature a pris soin de ne pas faire deux hommes semblables. Doit-on rester indifférent à la technique ? Bien au contraire. Il faut plutôt se poser la question : quelle technique employer ? Devra-t-on employer une technique modeste, expressive et impersonnelle ou une technique vulgaire, inexpressive et singulière ? Robert-Louis Stevenson, qui publia un livre sur Velasquez, conseille à l'artiste de développer sa technique puis de l'oublier. Les « modernes » n'ont retenu que la première partie du conseil. De deux tableaux de Velasquez, les Filles d'honneur et la Reddition de Bréda, ce dernier occupe la place d'honneur à la Galerie Velasquez au Musée Padro de Madrid, et il est cependant moins parfait au point de vue technique que le premier. Le peintre Millet disait que la technique ne devrait jamais être considérée pour elle-même.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:47 am, édité 3 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
LA MESURE DE L'ART (fin).
( Conclusion de ce chapitre ) :
Comme conclusion de ce chapitre, nous répéterons qu'une grande œuvre d'art ne vaut qu'en autant qu'elle a une grande puissance d'expression, qui ne peut être atteinte, partiellement ou intégralement, que par les six éléments que nous avons analysés succinctement. Les artistes et les esthéticiens modernes simplifient autrement les choses. L'un d'eux n'a-t-il pas écrit que « tout objet d'art est fait de deux choses : une matière palpable et la sensibilité particulière de l'artiste d'autre part ». On conçoit qu'avec de telles données, l'artiste moderne puisse se permettre toutes les outrances. Et il n'y manque pas.
Comme conclusion de ce chapitre, nous répéterons qu'une grande œuvre d'art ne vaut qu'en autant qu'elle a une grande puissance d'expression, qui ne peut être atteinte, partiellement ou intégralement, que par les six éléments que nous avons analysés succinctement. Les artistes et les esthéticiens modernes simplifient autrement les choses. L'un d'eux n'a-t-il pas écrit que « tout objet d'art est fait de deux choses : une matière palpable et la sensibilité particulière de l'artiste d'autre part ». On conçoit qu'avec de telles données, l'artiste moderne puisse se permettre toutes les outrances. Et il n'y manque pas.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:47 am, édité 1 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: ANARCHIE DANS L'ART.
L'ART MODERNE
L'Art remonte aux origines mêmes de la civilisation, pour ne pas dire aux origines mêmes de notre espèce. L'homme chercha d'abord à assurer sa subsistance, puis il pensa ensuite à s'exprimer. En effet, l'homme de l'époque quaternaire, dès qu'il eut des loisirs, traça sur les parois de ses cavernes la représentation de ses instruments de travail et il nous donna aussi ces merveilleuses gravures sur os ou sur schiste, qui représentent divers animaux, des rennes principalement, dans les attitudes les plus variées. D'étapes en étapes, l'homme arriva ainsi à la plus grande puissance d'expression. Et c'est en cela que la civilisation fit du progrès.
Civilisation ! Voilà un mot dont on fausse bien souvent le sens. C'est elle qui tend à éloigner l'homme de plus en plus de l'animalité et de la laideur pour le porter vers la beauté et la spiritualité, tout en contribuant à préserver et à perfectionner la race humaine. Guizot disait de la civilisation que c'était « une condition améliorée de l'homme, résultant de l'établissement d'un ordre social à la place de l'individualisme et du dérèglement de la vie sauvage et barbare ». Cette civilisation peut exister à des degrés divers ; elle est toujours susceptible de progrès continuel, mais lent comme toute évolution sociale. Et ce qui retarde le progrès, c'est précisément l'individualisme effréné, fruit du matérialisme le plus épais. Le matérialisme est la négation de toute beauté.
Or, c'est la beauté qui est la force créatrice de l'Art. Pour la créer il faut que l'âme sache s'élever au-dessus de l'animalité et de la laideur ; c'est d'ailleurs en cela qu'elle montre sa grandeur. Il y a quelque chose d'inerte dans les œuvres qui ne recèlent aucune pensée, de même qu'il y a le néant dans cette couleur, cette technique, cette virtuosité, qu'aucune substance intellectuelle ne soutient. Ce qui atteint l'âme tient le langage de la beauté, et celui-ci est empreint de la fraîcheur des cimes et comme accordé au diapason de l'espace infini. C'est là qu'il faut chercher notre ravissement. L'Art sans humanité est une erreur. Tout le monde le reconnait. Gardons-nous de juger une œuvre d'art indépendamment des pensées profondes et des sentiments vécus qu'elle contient ; c'est par ces pensées et ces sentiments qu'elle est émouvante et qu'elle témoigne de la présence d'une âme remarquable.
Ce n'est pas être artiste véritable que de borner ses vues au seul domaine intellectuel. Celui qui en est là est un esprit matérialisé par les systèmes. C'est aussi s'éloigner de l'art véritable que de verser dans l'idéologie seule. Ces différents climats de l'esprit ne valent en autant qu'ils s'allient aux émanations de l'humain, mais des émanations ordonnées, car dans la nature humaine l'âme est plus noble que le corps. C'est d'ailleurs l'âme qui achemine l'être vers sa fin. La noblesse dans l'homme doit donc prendre le dessus sur l'animalité, les rêves insensés du subconscient ou de l'instinct. Le matérialisme se reflète aujourd'hui dans tous les arts, particulièrement en peinture. Le modernisme perverti trouva tout d'abord sa source dans les théories de Baudelaire et de Jean-Jacques Rousseau. Quatre artistes ont contribué à instaurer, sinon suggérer, l'individualisme outrancier en art. Ce furent : Rodin, Manet, Degas et Cézanne(1).
(1) - J'ai coupé le paragraphe en deux pour faciliter la lecture. roger.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 9:49 am, édité 2 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
L'ART MODERNE (suite)
Rodin, élevé au milieu des anarchistes du quartier Mouffetard de Paris, premier créateur d'œuvres systématiquement informes, fut certes le plus influent. Rodin était assurément un artiste très doué. Il a laissé des œuvres qui resteront. Mais il en est d'autres qu'on peut admettre difficilement parce qu'elles sont la négation de l'art véritable. Ah ! je sais, s'attaquer à Rodin pour les « modernes » c'est s'en prendre à un dieu. Qu'à cela ne tienne, l'individualisme outrancier est nettement condamnable d'où qu'il vienne. Rodin envoya au Salon de Paris en 1864 son Homme au nez cassé, qui fut rejeté avec raison. D'abord, côté technique, dit Ruckstull, c'était une imitation malhonnête de l'antique ; de plus, Rodin rejetait le principe qui guidait l'Art depuis des siècles : la beauté.
On admira le modelé dans cette œuvre. A ce point de vue-là sa tête de Puvis de Chavannes est un modèle idéal. Rodin en ce domaine pouvait avoir des égaux, mais il n'avait pas de supérieurs. Son modelé est tout en finesse. Est-ce là tout l'Art ? C'est une erreur de parler de beau modelé : on doit dire en parlant d'une statue qu'elle est belle et qu'elle est habilement modelée. On peut se demander pourquoi Rodin n'a point mis cette habilité technique au service de la beauté véritable. Jusqu'à quel point est-il permis à l'artiste de s'écarter de la nature pour mutiler les formes déjà belles en elles-mêmes ? Question pertinente.
Avant Rodin, tous les artistes se sont permis de modifier les formes. Lessing dans son Laocoon(1) nous dit que jamais on est allé plus loin qu'à une modeste accentuation. L'innovateur Michel-Ange resta toujours dans les limites permises. Le premier qui osa exagérer fut Bandinelli, rival de Michel-Ange, avec son Hercule et Cacus, et ce fut sa perte. Rodin fut le premier « moderne » à passer de l'accentuation à l'exagération pour arriver finalement à la déformation, même dans les monuments publics, tel son Bourgeois de Calais qui est tout, sauf un citoyen éminent de Calais. Le dévoilement du monument se fit dans le tumulte. l'œuvre au lieu d'unir le peuple le divisa. Est-ce là le rôle de l'Art ? Les pieds du Bourgeois de Calais sont déformés, la tête est celle d'un monstre. Que dire du Balzac du même sculpteur ! La tête est censée représenter la synthèse de toute l'œuvre du romancier. Ce que la nature n'a pas fait, Rodin était-il capable de le faire ? Il serait impertinent de le penser. La tête est mutilée affreusement. Des esthéticiens modernes nous disent qu'elle a du caractère.
C'est là un principe faux érigé par Rodin qui en parle dans ses opinions recueillies par Paul Gsell. « En art, est beau uniquement ce qui a du caractère. C'est la vérité du dedans traduite par celle du dehors. Est laid, en art, ce qui n'a aucun caractère, ce qui est faux, artificiel, en un mot, tout ce qui ment, tout ce qui a peur de la vérité ». C'est cela qui faisait dire à Gauthier-Ferrières : « Tous les vrais artistes ont toujours trouvé magnifique cette Vieille Haulnière, « pauvre, sèche, maigre, menus », dans laquelle Rodin a rendu, aussi bien que François Villon, toute l'horreur tragique de la vieillesse chez une femme autrefois si belle ». Le laid reste laid, et la laideur en art est inadmissible, même si elle a du caractère. Les « ultras » aiment souvent citer cette œuvre pour étayer leurs théories erronées. La traduction, en peinture comme en sculpture, du caractère exact de chaque objet est excellent en soi, mais jamais on ne doit substituer la caractère à la beauté puisque celle-ci importe seule en art. Les vrais artistes n'ont jamais recherché ce réalisme plat, prosaïque, qui apparait nettement dans les œuvres de Manet, Degas, Rodin, etc.
(1) - Manuel de Littérature, J. V. s.i.,1939, p.301 :
Plusieurs théories soutiennent que l'objet propre de la sculpture est la beauté corporelle, en tant que telle, ou, comme disent les matérialistes, « le bel animal humain ». de là, leur prédilection pour le nu. (Lessing, Laocoon.) C'est une grave erreur : « Le corps n'intéresse l'art qu'à titre de révélateur de l'âme. La peinture de l'homme physique vaut uniquement comme appoint à la manifestation de l'homme moral. » Voyez Longhaye, S. J., etc., pp 234 et suiv.
Plusieurs théories soutiennent que l'objet propre de la sculpture est la beauté corporelle, en tant que telle, ou, comme disent les matérialistes, « le bel animal humain ». de là, leur prédilection pour le nu. (Lessing, Laocoon.) C'est une grave erreur : « Le corps n'intéresse l'art qu'à titre de révélateur de l'âme. La peinture de l'homme physique vaut uniquement comme appoint à la manifestation de l'homme moral. » Voyez Longhaye, S. J., etc., pp 234 et suiv.
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L'ART MODERNE (suite)
Les causes profondes du désordre actuel dans l'art sont les idées émises par Rodin. Ce dernier a vécu à un époque qu'il convient d'étudier d'un peu près. Il est avéré qu'en France particulièrement la politique influença quelque peu l'Art, durant les quatre-vingt dernières années. La révolution artistique coïncida avec la révolution politique. Puis, aucun peuple ne manifesta autant d'ardeur passionnée pour la nouveauté que le peuple français. Cela tient au tempérament et à l'économie. Le point de vue économique surtout joua vers le milieu du siècle dernier le rôle principal. Voyons comment.
A Londres, au Crystal Palace, en 1851, se tenait une exposition universelle de l'Art de l'Industrie. La France, représentée par ses meilleurs sujets, fit éclater sa supériorité dans « l'art appliqué à l'industrie », aussi bien que dans l'Art tout court. Ce fut si évident que les autres nations d'Europe ne tardèrent pas à copier les méthodes françaises en organisant des écoles d'art industriel. Ces pays se disaient sans doute que le goût français, l'élément nouveauté ajouté à la beauté, donnaient à la France un prestige qui s'avérait l'un des facteurs principaux du succès du commerce français d'exportation. On se mit à imiter ces méthodes et même les modèles. Inévitablement, cela eut pour effet de porter les français à faire la part plus large à l'élément nouveauté, si bien qu'ils affichèrent sur leurs productions ces simples mots : « Nouveautés de paris ». Ainsi se développa une véritable faiblesse pour les nouveautés. Baudelaire, nous l'avons vu, y fut pour quelque chose. « Du nouveau », s'écria-t-il. Rendons-lui cependant cette justice qu'il n'a jamais cessé d'insister sur la beauté. Son seul tort fut de n'accorder aucune importance à la moralité dans l'Art. N'a-t-il pas dit : « Le génie excuse bien des choses ».
Quoiqu'il en soit, l'Europe fut prise, à partir de cette époque, par la manie de la nouveauté à tout prix. Il arriva ce qui devait arriver : il devint impossible de faire nouveau et beau à la fois. On devait, au risque de faire faillite, maintenir le prestige en apportant sans cesse plus d'originalité, fût-ce même au détriment de la beauté. L'originalité devint dès lors le premier souci de l'artiste nouveau et de son thuriféraire, le critique vénal. Ces artistes devinrent assez nombreux pour former des cénacles et presque des chapelles. Ils affichaient tantôt des opinions ultra-réactionnaires, tantôt des gestes d'anarchistes. Ils étaient loin de garder le silence et de se montrer humbles. Les plus influents du groupe étaient Rodin, manet, Degas, Zola, Mirbeau, Monet, Pissaro, Legros, Whistler, etc.
A Londres, au Crystal Palace, en 1851, se tenait une exposition universelle de l'Art de l'Industrie. La France, représentée par ses meilleurs sujets, fit éclater sa supériorité dans « l'art appliqué à l'industrie », aussi bien que dans l'Art tout court. Ce fut si évident que les autres nations d'Europe ne tardèrent pas à copier les méthodes françaises en organisant des écoles d'art industriel. Ces pays se disaient sans doute que le goût français, l'élément nouveauté ajouté à la beauté, donnaient à la France un prestige qui s'avérait l'un des facteurs principaux du succès du commerce français d'exportation. On se mit à imiter ces méthodes et même les modèles. Inévitablement, cela eut pour effet de porter les français à faire la part plus large à l'élément nouveauté, si bien qu'ils affichèrent sur leurs productions ces simples mots : « Nouveautés de paris ». Ainsi se développa une véritable faiblesse pour les nouveautés. Baudelaire, nous l'avons vu, y fut pour quelque chose. « Du nouveau », s'écria-t-il. Rendons-lui cependant cette justice qu'il n'a jamais cessé d'insister sur la beauté. Son seul tort fut de n'accorder aucune importance à la moralité dans l'Art. N'a-t-il pas dit : « Le génie excuse bien des choses ».
Quoiqu'il en soit, l'Europe fut prise, à partir de cette époque, par la manie de la nouveauté à tout prix. Il arriva ce qui devait arriver : il devint impossible de faire nouveau et beau à la fois. On devait, au risque de faire faillite, maintenir le prestige en apportant sans cesse plus d'originalité, fût-ce même au détriment de la beauté. L'originalité devint dès lors le premier souci de l'artiste nouveau et de son thuriféraire, le critique vénal. Ces artistes devinrent assez nombreux pour former des cénacles et presque des chapelles. Ils affichaient tantôt des opinions ultra-réactionnaires, tantôt des gestes d'anarchistes. Ils étaient loin de garder le silence et de se montrer humbles. Les plus influents du groupe étaient Rodin, manet, Degas, Zola, Mirbeau, Monet, Pissaro, Legros, Whistler, etc.
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L'ART MODERNE (suite)
Ceux qu'on nommait alors les élégants menèrent aux environs de 1861 une campagne intensive pour recruter de nouveaux membres. Ils disaient : « Si vous voulez faire partie de notre groupe, il vous faut suivre la mode du jour ». Le porte-parole du groupe était Eugène Véron qui publia une ESTHÉTIQUE dont les conclusions sont fausses. « Les arts du dessin, dit-il en substance, imitent simplement les réalités visibles ou encore recherchent les combinaisons de lignes et de couleurs qui flattent l’œil. Tel est l'art décoratif, dont le but est la recherche du beau. Inclure tous les arts dans cette définition serait commettre une grave erreur. L'art vivant, qui est en somme l'art moderne, est fait plutôt de sympathie. Il dépeint les émotions, les sentiments aussi bien que les caractéristiques des choses. Il manifeste, sous une forme artistique, l'intérêt que l'homme porte à son semblable. Le beau devient alors secondaire. Car la fin de l'art est l'homme lui-même : il étudie ses sentiments, accidentels ou permanents, ses vertus et ses vices ».
C'était en quelque sorte un langage révolutionnaire, c'était la première fois qu'un esthéticien osait émettre pareilles théories, qu'auraient évidemment contestées tous les grands maîtres du passé. L'homme a toujours été l'objet de l'art, même à l'époque des premiers artistes égyptiens, soit 5,000 ans avant Jésus-Christ. Lessing, dans son Laocoon(1), nous parle de Pauson et Pyricus. Le premier est ce peintre grec du Ve siècle av, J-C. qui se complaisait dans la peinture de ce qu'il y avait de plus laid dans l'homme. Il a vécu dans la plus grande pauvreté. Pyricus n'avait guère plus de goût, mais il avait le métier d'un maître hollandais, si l'on peut dire. Sa prédilection pour la peinture des objets vulgaires lui a valu le surnom de « rhyparographe ». Cela revient à dire qu'il y a eu, à toutes les époques, des artistes licencieux. Ils étaient dédaignés ; aujourd'hui on feint de les honorer(2).
(1) - Les principes de critique littéraire et d’esthétique de Lessing sont exposés dans de nombreux ouvrages. Le plus célèbre est son Laokoon (Laocoon, 1766), qui a pour objet propre la détermination des limites respectives des arts plastiques et de la poésie. Dans cette suite de dissertations ingénieuses et savantes intéressant à la fois le critique, l’artiste et l’archéologue, Lessing enseigne que la première loi de l’art est la beauté et que le caractère particulier de la poésie est l’action. L’art qui s’adresse aux yeux ne doit traduire, de l’action développée par le poème, que les détails qui, offerts à la vue, ne détruisent pas la beauté. Témoin le précieux groupe de Laocoon découvert à Rome en 1506, qui est loin d'être une traduction fidèle de la magnifique scène décrite au deuxième livre de l'Énéide. Aucun exemple ne marque mieux les différences qu’entraîne, entre les règles de l’art plastique et de la poésie, la distinction de leurs conditions essentielles : « Le poète, selon Lessing, travaille pour l’imagination, et le sculpteur pour l’œil. Celui-ci ne peut imiter toute la réalité qu’en blessant les lois du beau ; il ne reproduit qu’une situation, qu’un instant, tandis que le poète développe l’action tout entière. » Le Laocoon a été traduit en français par Vanderbourg ( 1802). ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Gotthold_Ephraim_Lessing )
( http://books.google.ca/books?pg=PA9&lpg=PA9&dq=pauson%20et%20pyricus%20dans%20laocoon%20de%20lessing&sig=Wll2wbPfjlBf7MYQ0uUz76YcIPA&ei=isniTMzJIYXGsAO3vclm&ct=result&id=Sn0NAAAAQAAJ&hl=fr&ots=UfRA65JsV3&output=text )
(2) - Si dans l'aujourd'hui des années quarante on feignait seulement de les honorer, dans l'aujourd'hui des années 2000 on les honore carrément. roger.
C'était en quelque sorte un langage révolutionnaire, c'était la première fois qu'un esthéticien osait émettre pareilles théories, qu'auraient évidemment contestées tous les grands maîtres du passé. L'homme a toujours été l'objet de l'art, même à l'époque des premiers artistes égyptiens, soit 5,000 ans avant Jésus-Christ. Lessing, dans son Laocoon(1), nous parle de Pauson et Pyricus. Le premier est ce peintre grec du Ve siècle av, J-C. qui se complaisait dans la peinture de ce qu'il y avait de plus laid dans l'homme. Il a vécu dans la plus grande pauvreté. Pyricus n'avait guère plus de goût, mais il avait le métier d'un maître hollandais, si l'on peut dire. Sa prédilection pour la peinture des objets vulgaires lui a valu le surnom de « rhyparographe ». Cela revient à dire qu'il y a eu, à toutes les époques, des artistes licencieux. Ils étaient dédaignés ; aujourd'hui on feint de les honorer(2).
(1) - Les principes de critique littéraire et d’esthétique de Lessing sont exposés dans de nombreux ouvrages. Le plus célèbre est son Laokoon (Laocoon, 1766), qui a pour objet propre la détermination des limites respectives des arts plastiques et de la poésie. Dans cette suite de dissertations ingénieuses et savantes intéressant à la fois le critique, l’artiste et l’archéologue, Lessing enseigne que la première loi de l’art est la beauté et que le caractère particulier de la poésie est l’action. L’art qui s’adresse aux yeux ne doit traduire, de l’action développée par le poème, que les détails qui, offerts à la vue, ne détruisent pas la beauté. Témoin le précieux groupe de Laocoon découvert à Rome en 1506, qui est loin d'être une traduction fidèle de la magnifique scène décrite au deuxième livre de l'Énéide. Aucun exemple ne marque mieux les différences qu’entraîne, entre les règles de l’art plastique et de la poésie, la distinction de leurs conditions essentielles : « Le poète, selon Lessing, travaille pour l’imagination, et le sculpteur pour l’œil. Celui-ci ne peut imiter toute la réalité qu’en blessant les lois du beau ; il ne reproduit qu’une situation, qu’un instant, tandis que le poète développe l’action tout entière. » Le Laocoon a été traduit en français par Vanderbourg ( 1802). ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Gotthold_Ephraim_Lessing )
( http://books.google.ca/books?pg=PA9&lpg=PA9&dq=pauson%20et%20pyricus%20dans%20laocoon%20de%20lessing&sig=Wll2wbPfjlBf7MYQ0uUz76YcIPA&ei=isniTMzJIYXGsAO3vclm&ct=result&id=Sn0NAAAAQAAJ&hl=fr&ots=UfRA65JsV3&output=text )
(2) - Si dans l'aujourd'hui des années quarante on feignait seulement de les honorer, dans l'aujourd'hui des années 2000 on les honore carrément. roger.
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 10:03 am, édité 2 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
L'ART MODERNE (suite)
En 1863, les artistes nouveaux, indifférents à la beauté, se présentèrent au Salon de Paris. On refusa leurs toiles non pas parce que, comme on l'a faussement prétendu, on s'opposait à leur manière ( ici ) de peindre, mais uniquement parce qu'ils faisaient fi de la beauté. Ces artistes formèrent alors un bloc solide qui réclama la « liberté en art », qui n'était pourtant pas menacée. L'ordre et la liberté sont deux belles choses qu'on a toujours su concilier dans le passé, deux choses qui ont leurs périls cependant. Il y a un faux ordre, desséché, arbitraire (à preuve le formulaire davidien), comme il y a une fausse liberté qui est licence et anarchie. Dans la querelle des anciens et des modernes, l'ordre fut vainqueur, mais, - tant de grands noms et de grandes œuvres en témoignent, - ce n'était pas un ordre oppresseur des légitimes franchises de l'esprit. Les peintres licencieux de 1863 déclarèrent alors la guerre à l'Académie, avec la complicité d'une certaine presse. Tous les artistes n'appartenant pas au groupe nouveau étaient appelés par dérision les « académiques ».
C'était sous le règne de Napoléon III, usurpateur du pouvoir. Le pauvre souverain, pris dans des démêlés sans nombre, n'osa pas s'aliéner les artistes nouveaux. Il leur permit d'avoir un petit coin bien à eux à l'Académie, qu'on appela alors « Salon des Refusés »(1). Telle est l'origine de l'art moderne. Voyons un peu ce qui se passa par la suite.
C'était sous le règne de Napoléon III, usurpateur du pouvoir. Le pauvre souverain, pris dans des démêlés sans nombre, n'osa pas s'aliéner les artistes nouveaux. Il leur permit d'avoir un petit coin bien à eux à l'Académie, qu'on appela alors « Salon des Refusés »(1). Telle est l'origine de l'art moderne. Voyons un peu ce qui se passa par la suite.
(1) - http://www.encyclopedie.bseditions.fr/article.php?pArticleId=174&pChapitreId=34490&pSousChapitreId=34492&pArticleLib=Le+%AB%A0Salon+des+refus%E9s%A0%BB+%5BL%92art+en+France+entre+1850+et+1900-%3EPeinture%5D
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 10:04 am, édité 2 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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L'ART MODERNE (suite)
Quatre années plus tard, les « Refusés » prendront le nom d'impressionnistes. Mais le mot ne fut prononcé toutefois qu'au Salon de 1867 où Monet présenta un coucher de soleil intitulé Impressions, qui fit scandale. les « Refusés » devinrent dès lors les Indépendants. Ils se donnèrent pour mission d'attaquer toute œuvre d'art qui ne s'inspirait pas des principes de leur groupe, fût-elle belle. Altérés de nouveautés, ils se souciaient bien peu de la beauté. Les peintres nouveaux n'eurent guère de succès au début. L'Académie dominait toujours, avec l'appui du Gouvernement. La guerre franco-prussienne survint. La France fut hélas battue. L'art moderne aussi bien que le radicalisme subirent une halte. L'Académie s'en trouva fortifiée par le fait même, ce qui lui permit de dominer encore pour une vingtaine d'années le mouvement artistique. Sa politique était toujours la même : s'en tenir à un conservatisme de bon aloi, tout en favorisant le progrès dans l'ordre . C'est d'ailleurs à cette époque que la France eut toute une floraison de grandes œuvres d'art. Aucun pays n'avait jamais autant produit en si peu de temps, exception faite peut-être de l'Italie de la fin du quinzième siècle. Cela prouve que « l'Académisme » de cette époque comme celui d'aujourd'hui, était une « porte ouverte » ( ici ) .
Dernière édition par Roger Boivin le Sam 08 Avr 2023, 10:06 am, édité 2 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
L'ART MODERNE (suite)
Mais la République française que les démocrates avaient rétablie en 1871 n'était pas très bien vue des Bonapartistes, qui commencèrent à la miner. Ils avaient l'appui de toutes les Académies de la France. Ils ne croyaient pas, en effet, qu'une république teintée de radicalisme pouvait, comme auparavant les pouvoirs autocratiques, protéger les arts efficacement. Aucune forme de gouvernement n'est condamnable en soi, ce qui est méprisable, ce sont les éléments radicaux qui les vicient.
Les éléments les plus influents de la République étaient au fait de la secrète hostilité de l'Académie, et c'est pourquoi leur sympathie allait aux artistes nouveaux qui réclamaient toujours la liberté en art, comme si elle était menacée ! La lutte entre l'Académie et les « modernes » était aussi vive que celle qui existait entre monarchistes et républicains. Les « Impressionnistes » tinrent en 1874 leur première exposition indépendante dans une salle privée. En 1877, Rodin envoya son Age d'airain au Salon. Ce fut un scandale. Le Jury accepta l'œuvre très réaliste, parce qu'elle n'était pas dénuée d'une certaine beauté. À vrai dire, Rodin ne s'humiliait dans cette œuvre que pour mieux conquérir, car toutes ses autres œuvres postérieures feront accroc à la beauté véritable. Le Jury, en acceptant l'Age d'airain, malgré son modelé révolutionnaire et son attention aux détails sans importance, prouva qu'il n'était pas opposé au progrès, aux nouvelles méthodes, pour peu que les artistes sachent respecter la beauté. L'un des membres du Jury fit une remarque insensée qui déclencha précisément le scandale. Il accusa Rodin d'avoir procédé à un moulage sur nature. À qui pouvait-on faire croire que c'était possible, sans entraîner la mort du modèle ? On peut mouler une partie du corps humain, mais jamais l'être tout entier. Cette accusation eut pour effet de faire la renommée de Rodin. Voici comment.
Il se saisit de ce prétexte pour partir en campagne contre l'Académie. Un événement politique imprévu devait le favoriser. On découvrit en effet le complot du Duc de Broglie et du Président MacMahon pour restaurer l'Empire. Le coup rata. On accusa alors les artistes de l'Académie de s'être montrés sympathiques au mouvement. Ils furent incapables de se disculper. Les politiciens radicaux jurèrent la mort de l'Académie. L'opinion publique n'était pas toutefois assez préparée, il fallait auparavant entreprendre une campagne énergique contre l'Académie. L'accusation portée contre Rodin fut le prétexte tout trouvé. Le sculpteur lésé demanda la formation d'un comité d'enquête, qui lui fut accordé, d'autant plus facilement que l'adjoint du Secrétaire d'État au ministère des Beaux-Arts, M. Turquet, était alors un politicien radical influent. Le Comité disculpa Rodin, mais les « modernes » feignirent de trouver que le rapport n'était pas assez explicite, et ils demandèrent une nouvelle enquête que présida cette fois le grand sculpteur Paul Dubois. Rodin fut de nouveau exonéré. Toutes ces manipulations n'avaient qu'un seul but : fabriquer une réputation à Rodin. D'ailleurs, un an plus tard, Whistler fera le même jeu en poursuivant Ruskin. Rodin devint, à partir de ce moment, le dieu des Radicaux, artistes et politiciens. Son influence se fait encore sentir aujourd'hui.
Les éléments les plus influents de la République étaient au fait de la secrète hostilité de l'Académie, et c'est pourquoi leur sympathie allait aux artistes nouveaux qui réclamaient toujours la liberté en art, comme si elle était menacée ! La lutte entre l'Académie et les « modernes » était aussi vive que celle qui existait entre monarchistes et républicains. Les « Impressionnistes » tinrent en 1874 leur première exposition indépendante dans une salle privée. En 1877, Rodin envoya son Age d'airain au Salon. Ce fut un scandale. Le Jury accepta l'œuvre très réaliste, parce qu'elle n'était pas dénuée d'une certaine beauté. À vrai dire, Rodin ne s'humiliait dans cette œuvre que pour mieux conquérir, car toutes ses autres œuvres postérieures feront accroc à la beauté véritable. Le Jury, en acceptant l'Age d'airain, malgré son modelé révolutionnaire et son attention aux détails sans importance, prouva qu'il n'était pas opposé au progrès, aux nouvelles méthodes, pour peu que les artistes sachent respecter la beauté. L'un des membres du Jury fit une remarque insensée qui déclencha précisément le scandale. Il accusa Rodin d'avoir procédé à un moulage sur nature. À qui pouvait-on faire croire que c'était possible, sans entraîner la mort du modèle ? On peut mouler une partie du corps humain, mais jamais l'être tout entier. Cette accusation eut pour effet de faire la renommée de Rodin. Voici comment.
Il se saisit de ce prétexte pour partir en campagne contre l'Académie. Un événement politique imprévu devait le favoriser. On découvrit en effet le complot du Duc de Broglie et du Président MacMahon pour restaurer l'Empire. Le coup rata. On accusa alors les artistes de l'Académie de s'être montrés sympathiques au mouvement. Ils furent incapables de se disculper. Les politiciens radicaux jurèrent la mort de l'Académie. L'opinion publique n'était pas toutefois assez préparée, il fallait auparavant entreprendre une campagne énergique contre l'Académie. L'accusation portée contre Rodin fut le prétexte tout trouvé. Le sculpteur lésé demanda la formation d'un comité d'enquête, qui lui fut accordé, d'autant plus facilement que l'adjoint du Secrétaire d'État au ministère des Beaux-Arts, M. Turquet, était alors un politicien radical influent. Le Comité disculpa Rodin, mais les « modernes » feignirent de trouver que le rapport n'était pas assez explicite, et ils demandèrent une nouvelle enquête que présida cette fois le grand sculpteur Paul Dubois. Rodin fut de nouveau exonéré. Toutes ces manipulations n'avaient qu'un seul but : fabriquer une réputation à Rodin. D'ailleurs, un an plus tard, Whistler fera le même jeu en poursuivant Ruskin. Rodin devint, à partir de ce moment, le dieu des Radicaux, artistes et politiciens. Son influence se fait encore sentir aujourd'hui.
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