LES TROIS CONVERSIONS ET LES TROIS VOIES

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Message  Monique Mer 12 Juil 2023, 7:16 am

C’est saint Jean de la Croix qui a le mieux noté ces deux crises à la transition d’un âge à l’autre. On voit qu’elles répondent à la nature de l’âme humaine (à ses deux parties : sensitive et spirituelle), elles répondent aussi à la nature de la semence divine, à la grâce sanctifiante, germe de la vie éternelle, qui doit de plus en plus vivifier toutes nos facultés et inspirer tous nos actes, jusqu’à ce que le fond de l'âme soit purifié de tout égoïsme et soit véritablement tout à Dieu.

Saint Jean de la Croix, sans doute, décrit le progrès spirituel tel qu’il apparaît surtout chez les contemplatifs et chez les plus généreux d’entre eux, pour arriver le plus directement possible à l’union à Dieu. Il montre ainsi dans toute leur élévation quelles sont les lois supérieures de la vie de la grâce. Mais ces lois s’appliquent aussi d’une façon atténuée, chez bien d’autres âmes, qui n’arrivent pas à une si haute perfection, mais qui pourtant avancent généreusement, sans revenir en arrière.

Dans les chapitres qui suivent, nous voudrions précisément montrer que, selon l’enseignement traditionnel, il doit y avoir dans la vie spirituelle des commençants, au bout d’un certain temps, une deuxième conversion, semblable à la deuxième conversion des Apôtres à la fin de la Passion du Sauveur, et que, plus tard, avant d’entrer dans la vie d’union des parfaits, il doit y avoir comme une troisième conversion ou transformation de l'âme, semblable à celle qui se produisit chez les Apôtres le jour de la Pentecôte.


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Message  Monique Jeu 13 Juil 2023, 7:23 am

Cette différence des trois âges de la vie spirituelle n’est pas, on le voit, sans importance. On s’en rend compte particulièrement dans la direction. Tel vieux directeur arrivé à l’âge des parfaits peut n’avoir lu que très peu les auteurs mystiques, et cependant il répond généralement bien et de façon immédiatement applicable à des questions délicates en matière fort élevée, et il y répond dans les termes de l’Évangile, par telle ou telle parole de l’Évangile du jour, sans avoir même l'air de se douter de l'élévation de ses réponses.

Tandis que tel jeune prêtre, qui a beaucoup lu les auteurs mystiques, mais qui en est peut-être encore lui-même à l’âge des commençants, ne semble avoir des choses de la vie spirituelle qu’une connaissance livresque et pour ainsi dire verbale.

La question qui nous occupe est donc au plus haut point une question de vie. Il importe de la considérer du point de vue traditionnel; on voit alors tout le sens et la portée de l’adage des Pères : « Dans la voie de Dieu, qui n'avance pas recule », et l'on voit aussi que notre vie intérieure d’ici-bas doit arriver à être comme le prélude normal de la vision béatifique. En ce sens profond elle est, comme nous l’avons dit, la vie éternelle commencée, « inchoatio vitae aeternae » (1). « En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle, qui credit in me habet vitam aeternam, et je le ressusciterai au dernier jour » (Jean, VI, 47-55).

(1) Saint Thomas, IIa IIae, q. 24, a. 3, ad 2. — Ia IIae, q. 69, a. 2.



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Message  Monique Ven 14 Juil 2023, 7:25 am

CHAPITRE II

**
*



La seconde conversion
Entrée dans la voie illuminative


*

Convertimini ad me, ait Dominus, et salvi eritis.
« Convertissez-vous, dit le Seigneur, et vous serez sauvés. »
(Isaïe, XLV, 22.)


Nous avons vu que la vie de la grâce dès ici-bas est la vie éternelle commencée, le germe de la gloire, « semen gloriae », et qu’il y a sur terre trois âges de la vie spirituelle, comparables à l’enfance, à l’adolescence et à l’âge adulte. Nous avons aussi noté que, comme il y a, à quatorze ans environ, une crise pour passer de la seconde enfance à l’adolescence, et une autre vers vingt ans pour entrer dans l’âge pleine ment adulte, il y a deux crises analogues dans la vie spirituelle, l’une qui marque la transition à la voie illuminative des progressants, et l’autre qui prépare l’entrée dans la voie unitive des parfaits.

La première de ces crises a été appelée quelquefois une seconde conversion. C’est d’elle que nous devons parler maintenant. La liturgie, surtout certains jours, comme pendant l’Avent et tout le Carême, parle périodiquement de la nécessité de se convertir, même à ceux qui vivent déjà chrétiennement, mais d’une manière encore trop imparfaite. Les auteurs spirituels ont aussi assez souvent parlé de la seconde conversion, nécessaire chez le chrétien qui, après avoir déjà sérieusement pensé à son salut et fait effort pour marcher dans la voie de Dieu, commence à retomber selon la pente de sa nature dans une certaine tiédeur et fait penser à une plante qui a été greffée et qui tend à revenir à l’état sauvage.

Certains auteurs spirituels ont particulièrement insisté sur la nécessité de cette seconde conversion, nécessité qu’ils avaient connue par expérience, comme le Bx Henri Suso, Tauler. Saint Jean de la Croix a même montré profondément que l’entrée dans la voie illuminative est marquée par une purification passive des sens, qui est une seconde conversion, et l’entrée dans la voie unitive, par une purification passive de l’esprit, qui est une conversion plus profonde encore de toute l'âme en ce qu’elle a de plus intime. Parmi les spirituels de la Compagnie de Jésus, le P. Lallemant, dans son beau livre La Doctrine Spirituelle, a écrit aussi : «Il arrive d’ordinaire deux conversions à la plupart des saints et aux religieux qui se rendent parfaits : l’une par laquelle ils se dévouent au service de Dieu, l’autre par laquelle ils se donnent entièrement à la perfection. Cela se remarqua dans les Apôtres, quand Notre-Seigneur les appela, puis quand il leur envoya le Saint-Esprit, de même en sainte Thérèse, en son confesseur le P. Alvarez, et en plusieurs autres.»


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Message  Monique Sam 15 Juil 2023, 7:28 am

Cette seconde conversion n’arrive pas à tous les religieux, et c’est par leur négligence (1). » Cette question est d’un grand intérêt pour toute âme intérieure.

Parmi les saints qui en ont le mieux parlé avant saint Jean de la Croix et qui ont ainsi préparé son enseignement, il faut compter sainte Catherine de Sienne. Elle touche ce sujet à plusieurs reprises dans son Dialogue et dans ses Lettres d’une façon très réaliste et très pratique qui souligne d’un trait de lumière l’enseignement communément reçu dans l’Église (1).

En suivant ce qu’elle a écrit, nous parlerons d’abord de cette seconde conversion chez les Apôtres, puis de ce qu’elle doit être en nous : quels défauts la rendent nécessaire, quels grands motifs doivent l’inspirer, enfin quels fruits elle doit porter.


(1) La Doctrine Spirituelle, IIe Principe, section II, ch. 6, a. 2.
(1) Il ne s’agit pas ici d’une révélation privée portant sur quelque fait contingent futur ou sur quelque vérité nouvelle, c’est une contemplation plus pénétrante de ce qui est déjà dit dans l’Évangile. C’est la réalisation de la parole de Jésus : « Le Saint-Esprit vous enseignera et vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai dit » (Jean, XIV, 26).




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Message  Monique Dim 16 Juil 2023, 8:40 am

La seconde conversion des Apôtres

*


Sainte Catherine de Sienne parle explicite ment de la seconde conversion des Apôtres dans son Dialogue, au chapitre 63 (2).

Leur première conversion avait eu lieu, lors que Jésus les avait appelés en leur disant : « Je ferai de vous des pêcheurs d'hommes. » Ils suivirent Notre-Seigneur, écoutèrent avec une vive admiration son enseignement, virent ses miracles, prirent part à son ministère. Trois d’entre eux le virent transfiguré sur le Thahor. Tous assistèrent à l’institution de l’Eucharistie, ils furent alors ordonnés prêtres et communièrent. Mais lorsque l’heure de la Passion, pourtant souvent prédite par Jésus, arriva, les Apôtres abandonnèrent leur Maître. Pierre même, qui l’aimait cependant beaucoup, s’égara jusqu’à le renier trois fois. Notre-Seigneur avait dit à Pierre après la Cène, ce qui rappelle le prologue du livre de Job : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment, ut vos cribraret sicut triticum; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point, et toi quand tu seras converti, et tu ali quando conversus, affermis tes frères. » — « Seigneur, lui dit Pierre, je suis prêt à aller avec vous en prison et à la mort. » Et Jésus lui dit : « Pierre, je te le dis, le coq ne chantera pas aujourd’hui que tu n’aies nié trois fois de me connaître » (Luc, XXII, 31-34).

De fait, Pierre tomba, et renia son Maître même en jurant qu’il ne le connaissait pas. Quand commença sa seconde conversion ? Si tôt après son triple reniement, comme il est rapporté en saint Luc, XXII, 61 : « Au même instant, comme il parlait encore, le coq chanta. Le Seigneur, s’étant retourné, regarda Pierre. Et Pierre se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite : Avant que le coq chante aujourd’hui, tu me renieras trois fois.
Et étant sorti, il pleura amèrement. »
Sous le regard de Jésus et la grâce qui l’accompagna, ce repentir de Pierre dut être bien profond et comme le principe d’une vie nouvelle.

Au sujet de cette seconde conversion de Pierre, il faut se rappeler ce que dit saint Thomas, IIP, q. 89, a. 2 : Même après une faute grave, si l’âme a un repentir vraiment fervent et proportionné au degré de grâce perdu, elle recouvre ce degré de grâce; elle peut même revivre à un degré supérieur, si elle a une contrition plus fervente encore. Elle n’est donc pas obligée de recommencer son ascension au début, mais elle la continue en la reprenant au point où elle était arrivée quand elle est tombée (1). Celui qui trébuche à mi-côte et se relève aussi tôt, continue la montée.


(1) L’enseignement de saint Thomas est fort clair : « Contingit intensionem motus poenitentis quandoque proportionatam esse majori gratiae, quam fuerit illa, a qua ceciderat per peccatum, quandoque aequali, quandoque vero minori. Et ideo poenitens quandoque resurgit in majori gra tia, quam prius habuerat, quandoque autem in aequali, quandoque etiam in minori » (IIIa, q. 89, a. 2). Plusieurs théologiens modernes pensent qu'on peut recouvrer un haut degré de grâce perdu même par une attrition tout juste suffisante. Saint Thomas et les anciens théologiens ne l'admettent pas. Et nous voyons qu'analogiquement à la suite d'une indélicatesse notable une bonne amitié entre deux hommes ne revit au degré où elle existait d'abord que s'il y a, non seulement un sincère regret, mais un regret proportionné à la faute commise et à la profondeur de l’amitié qui existait avant cette faute.

(1) Souvent dans ce Dialogue il est aussi question évidemment de la première conversion, par laquelle l’âme passe de l'état de dissipation ou d’indifférence à l’état de grâce, et à plusieurs reprises le Seigneur y dit : « Que nul ne soit assez fou pour remettre sa conversion au dernier instant de sa vie, car il n’est pas sûr que, à raison de son obstination, je ne lui fasse entendre le langage de ma divine justice... Personne ne doit donc tant différer; et cependant, si, par sa faute, on a perdu la grâce, on ne doit pas laisser, jusqu’à la fin, d’espérer d’être baptisé dans le sang » (Dialogue, ch. 75, trad. Hurtaud).

Mais il est nettement question aussi dans ce Dialogue de la seconde conversion, qui fait passer l’âme de l’état imparfait à la résolution profonde de tendre réellement et généreusement désormais à la perfection chrétienne.





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Message  Monique Lun 17 Juil 2023, 7:32 am

Tout porte à penser que Pierre, par la ferveur de son repentir, non seulement recouvra le degré de grâce qu'il avait perdu, mais fut élevé à un degré de vie surnaturelle supérieur. Le Seigneur avait permis cette chute pour qu’il fût guéri de sa présomption, devînt plus humble, et mît sa confiance non plus en soi-même mais en Dieu.

Il est dit dans le Dialogue de sainte Catherine de Sienne, ch. 63 : « Pierre se retira dans le silence pour y pleurer, après avoir commis la faute de renier mon Fils. Sa douleur était cependant encore imparfaite, et elle le demeura quarante jours durant, jusqu’après l’Ascension. (Elle demeura imparfaite malgré les apparitions du Sauveur.) Mais quand ma Vérité fut retournée vers moi selon son humanité, Pierre et les autres disciples se retirèrent dans leur maison, pour attendre l’avènement de l’Esprit-Saint, que ma Vérité leur avait promis. Ils s’y tenaient enfermés, comme retenus par la crainte, parce que leur âme n’était pas parvenue à l’amour parfait. » Ils ne furent vraiment transformés qu’à la Pentecôte.

Il y eut pourtant là, pour Pierre et pour les Apôtres, avant la fin de la Passion du Sauveur, une seconde conversion manifeste, qui se confirma les jours suivants. Après sa résurrection, Notre-Seigneur leur apparut à plusieurs reprises, il les éclaira, comme il donna aux disciples d’Emmaüs l’intelligence des Écritures, et spécialement il fit réparer à Pierre son triple renie ment, après la pêche miraculeuse, par un triple acte d’amour. Comme le rapporte saint Jean, XX1, 15, Jésus dit à Simon Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci? Il lui répondit : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. Jésus lui dit : Pais mes agneaux. Il lui dit une seconde fois : Simon, fils de Jean, m'aimes-tu? Pierre lui répondit : Oui, Seigneur, vous savez bien que je vous aime. Jésus lui dit : Pais mes agneaux. Il lui demanda pour la troisième fois : Simon, fils de Jean, m'aimes- tu? Pierre fut attristé de ce qu’il lui demandait pour la troisième fois : M’aimes-tu? et il lui répondit : Seigneur, vous connaissez toutes choses, vous savez que je vous aime. Jésus lui dit : Pais mes brebis. » Puis il lui annonça en termes voilés son martyre : « Lorsque tu seras vieux, tu étendras tes mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudras point. »

Le triple reniement était réparé par ce triple acte d’amour. C’était l’affermissement de la seconde conversion de Pierre et une certaine confirmation en grâce avant la transformation de la Pentecôte.

Il y avait eu aussi pour saint Jean quelque chose de spécial juste avant la mort de Jésus. Jean, comme les autres Apôtres, avait abandonné Notre-Seigneur quand Judas arriva avec des hommes armés, mais, par une grâce invisible très forte et très douce, Jésus attira le disciple bien-aimé au pied de sa croix, et la seconde conversion de Jean eut lieu lorsqu’il entendit les sept dernières paroles du Sauveur qui expirait.


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Message  Monique Mar 18 Juil 2023, 8:02 am

Ce que doit être notre seconde conversion. Les défauts qui la rendent nécessaire. Sainte Catherine montre dans son Dialogue, ch. 60 et 63, que ce qui s’est passé chez les Apôtres, nos modèles immédiatement formés par Notre-Seigneur, doit se reproduire d’une certaine manière en nous. Et même il faut dire que si les Apôtres ont eu besoin d’une seconde conversion, à plus forte raison en avons-nous besoin nous-mêmes. La Sainte insiste particulièrement sur les défauts qui rendent nécessaire cette seconde conversion, surtout sur l’amour propre. Il subsiste à des degrés divers dans les âmes imparfaites, malgré l’état de grâce, et il est la source d’une multitude de péchés véniels, de défauts habituels, qui deviennent comme des traits du caractère et qui rendent nécessaire une vraie purification de l’âme, même chez ceux qui d’une certaine manière ont été sur le Thabor, ou qui ont souvent participé au banquet eucharistique, comme les Apôtres à la Cène.

Dans son Dialogue, ch. 60, sainte Catherine de Sienne parle de cet amour-propre en décrivant l'amour mercenaire des imparfaits, qui, sans y prendre garde, servent Dieu par intérêt, par attachement aux consolations soit temporel les soit spirituelles, et qui, lorsqu’ils en sont privés, versent des larmes de tendresse sur eux-mêmes (1).

C’est un mélange en soi étrange (2), mais de fait très fréquent en nous, d’un amour de Dieu, qui a sa sincérité, et d’un amour désordonné de soi-même. On aime sans doute Dieu d’un amour d’estime plus que soi, sans quoi on ne serait pas en état de grâce, on aurait perdu la charité, mais on s’aime encore soi-même d’une façon déréglée. On n’est pas assez arrivé à s’aimer saintement soi-même pour Dieu et en lui. Cet état d’âme n’est ni blanc, ni noir; ce sont des grisailles, où il y a pourtant plus de blanc que de noir. On monte, mais il y a encore quelque tendance à redescendre.

(1) Item, Dialogue, ch. 89.
(2) Chez l'ange selon saint Thomas, ce mélange n’est pas possible, car ils ne peuvent pécher véniellement. Ils sont très saints ou très pervers. Ou bien ils aiment Dieu parfaitement, ou bien ils se détournent de lui par un péché mortel irrémissible. Cela vient de la vigueur de leur intelligence, qui s’engage à fond dans la voie où elle entre. Cf.- Ia IIae, q. 89, a. 4.




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Message  Monique Mer 19 Juil 2023, 6:50 am

On lit en ce chapitre 60 du Dialogue — c’est le Seigneur qui parle : « Parmi ceux qui sont devenus mes serviteurs de confiance, il en est qui me servent avec foi, sans crainte servile : ce n’est pas la seule crainte du châtiment, c'est l'amour qui les attache à mon service (ainsi Pierre avant la Passion). Mais cet amour ne laisse pas d’être imparfait, parce que ce qu'ils cherchent dans ce service (au moins pour une bonne part encore), c'est leur propre utilité, c'est leur satis faction ou le plaisir qu'ils trouvent en Moi. La même imperfection se rencontre aussi dans l’amour qu’ils ont pour leur prochain. Et sais-tu ce qui démontre l’imperfection de leur amour? Dès qu'ils sont privés des consolations qu'ils trouvaient en Moi, cet amour ne leur suffit plus et ne peut plus se soutenir. Il languit et souvent il va se refroidissant de plus en plus vis-à-vis de Moi, quand, pour les exercer dans la vertu et -les arracher à leur imperfection, je leur retire ces consolations spirituelles et leur envoie des luttes et des contrariétés. Je n’en agis ainsi pourtant que pour les amener à la perfection, pour leur apprendre à se bien connaître, à prendre conscience qu’ils ne sont rien et que d’eux-mêmes ils ne possèdent aucune grâce (1). L’adversité doit avoir pour effet de les porter à chercher un refuge en Moi, à me reconnaître comme leur bienfaiteur, à s'attacher à Moi seul par une humilité vraie...

« S'ils ne reconnaissent pas leur imperfection, avec le désir de devenir parfaits, il est impossible qu'ils ne retournent pas en arrière. » C’est ce qu’ont dit souvent les Pères : « Dans la voie de Dieu, qui n’avance pas recule. » Comme l’enfant qui ne grandit pas, ne reste pas un enfant, mais devient un nain, le commençant qui n’entre pas quand il le faudrait dans la voie des progressants ne reste pas un commençant, mais devient une âme attardée. Il semble, hélas! que la grande majorité des âmes se trouve, non pas dans une des trois catégories des commençants, des progressants et des parfaits, mais dans celle des attardés? — Où sommes-nous personnellement? — C’est souvent bien mystérieux, et ce serait une vaine curiosité de rechercher à quel point de l’ascension nous sommes parvenus; mais encore faut-il ne pas se tromper de route, et ne pas prendre par mégarde celle qui redescend.

Il importe donc de dépasser l’amour qui reste mercenaire, et qui le reste parfois à son insu. Dans ce même chapitre 60, il est dit : « C’est de cet amour imparfait que saint Pierre aimait le bon et doux Jésus, mon Fils unique, lors qu’il éprouvait si délicieusement la douceur de son intimité (sur le Thabor). Mais dès que vint le temps de la tribulation, tout son courage l’abandonna. Non seulement il n’eut pas la force de souffrir pour lui, mais à la première menace la peur la plus servile eut raison de sa fidélité et il le renia en jurant qu’il ne l’avait jamais connu. »


(1) C’est la connaissance quasi expérimentale de la distinction de la nature et de la grâce, connaissance toute différente de celle que donne la théologie spéculative. On apprend aisément d’une façon abstraite cette distinction des deux ordres, mais la voir pour ainsi dire concrètement et d’une manière presque continuelle, cela suppose un grand esprit de foi, qui, à ce degré, n’existe guère que chez les saints.



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Message  Monique Jeu 20 Juil 2023, 7:02 am

Sainte Catherine de Sienne, au chapitre 63 de ce même Dialogue, montre que l’âme imparfaite, qui aime le Seigneur d’un amour encore mercenaire doit faire ce que fit Pierre après le reniement. Il n’est pas rare que la Providence permette aussi pour nous à ce moment quelque faute bien visible pour nous humilier et nous obliger à rentrer en nous-mêmes. « Alors, dit le Seigneur (ibidem), après avoir reconnu la gravité de sa faute et en être sortie, Pâme commence à pleurer, par crainte du châtiment; puis elle s’élève à la considération de ma miséricorde, où elle trouve satisfaction et avantage. Mais elle est, dis-je, toujours imparfaite et, pour l'amener à la perfection,... je me retire d'elle, non par grâce, mais par le sentiment (1)... Ce n’est pas ma grâce que je lui enlève, mais la jouissance qu’elle en éprouvait... pour l’exercer à me chercher Moi-même en toute vérité... avec désintéressement, foi vive, et haine d’elle-même. » Et comme Pierre répara son triple reniement par trois actes d’amour plus pur et plus fort, l’âme éclairée doit faire de même.

Saint Jean de la Croix dira, à la suite de Tauler, pour noter trois signes de cette seconde conversion : « On ne trouve ni goût ni consolation dans les choses divines, ni dans les choses créées... On garde pourtant le souvenir de Dieu, avec une sollicitude et un souci pénible : on craint de ne pas le servir... On ne parvient pas à méditer en recourant au sens de l’imagination, car Dieu commence à se communiquer, non plus par les sens, comme avant, au moyen du raisonnement, mais d’une façon plus spirituelle, par un acte de simple contemplation (Nuit obscure, I.I, c. 9).

Les progressants ou avancés entrent ainsi, selon saint Jean de la Croix, dans « la voie illuminative, où Dieu nourrit et fortifie l’âme par contemplation infuse » (Nuit obscure, I. I, ch. 14).


(1) Ainsi Notre-Seigneur priva ses disciples de sa présence sensible et leur dit : « Il convient que je m’en aille » ; il convenait en effet qu’ils fussent quelque temps privés de la vue de son humanité pour être élevés à une vie spirituelle plus haute, plus dégagée des sens, et qui ensuite, fortifiée, s’exprimerait sensiblement jusque par le sacrifice de leur vie, par leur constance dans le martyre.



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Message  Monique Ven 21 Juil 2023, 8:04 am

Sainte Catherine de Sienne, sans apporter encore autant de précision, insiste particulière ment sur un des signes de cet état : la connaissance expérimentale de notre misère et de notre profonde imperfection, connaissance qui n’est pas précisément acquise; c’est le Seigneur qui la donne, comme il regarda Pierre sitôt après le reniement. Alors Pierre reçut une grâce de lumière, il se souvint, et étant sorti, il pleura (Luc, XXII, 61).

À la fin de ce même chapitre 63 du Dialogue, le Seigneur dit, et c'est ce que développera saint Jean de la Croix dans la nuit passive des sens : « Je me retire de l'âme encore très imparfaite pour qu'elle voie et connaisse son pêché. En se voyant en effet privée de consolation, elle en éprouve une peine qui l’afflige; elle se sent faible, incertaine, prête au découragement (sa présomption, comme celle de Pierre, est tombée), et cette expérience lui fait découvrir la racine de l'amour-propre spirituel qui est en elle. C’est pour elle un moyen de se connaître, de s’élever au-dessus d’elle-même, de siéger au tribunal de sa conscience, pour ne pas laisser passer ce sentiment sans lui infliger réprimande et correction.


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Dernière édition par Monique le Ven 21 Juil 2023, 8:08 am, édité 1 fois
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Message  Monique Sam 22 Juil 2023, 8:11 am

Quel sont les grands motifs qui doivent inspirer
la seconde conversion,
et quels en sont les fruits?

*
**


Le premier motif qui doit l’inspirer est exprimé par le précepte suprême qui est sans limites : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes for ces, de tout ton esprit » (Luc, x, 27). Ce précepte demande l’amour de Dieu pour lui-même, et non par intérêt et attachement à notre satis faction personnelle; il dit même que nous devons aimer Dieu de toutes nos forces, lorsque l’heure de l’épreuve a sonné pour nous, pour arriver finalement à l’aimer de tout notre esprit, lorsque nous serons établis au-dessus des fluctuations de la sensibilité en cette partie supérieure de l’âme, lorsque nous serons devenus des « adorateurs en esprit et en vérité ». De plus, ce précepte suprême est sans limites : la perfection de la charité est le but vers lequel tous les chrétiens doivent tendre, chacun selon sa condition, celui-ci dans le mariage, tel autre dans la vie sacerdotale ou dans la vie religieuse.

Sainte Catherine de Sienne y insiste aux chapitres 11 et 47 du Dialogue et rappelle que, pour observer parfaitement le précepte de l’amour de Dieu et du prochain, il faut avoir l’esprit des conseils, c’est-à-dire l’esprit de détachement à l’égard des biens terrestres, et, selon l’expression de saint Paul, il faut en user comme n’en usant pas (ch. 47).

Le grand motif de la seconde conversion est ainsi exprimé au chapitre 60 : « Mes serviteurs doivent sortir de ces sentiments d'amour mercenaire, pour devenir de vrais fils et me servir sans intérêt personnel. Je récompense tout labeur, je rends à chacun selon son état et selon ses œuvres. Aussi, s’ils ne délaissent pas l’exercice de l’oraison et des autres bonnes œuvres, et s’ils vont toujours avec persévérance, en progressant dans la vertu, ils arriveront à cet amour de fils. Et Moi, je les aimerai à mon tour comme on aime des enfants, parce que je réponds toujours par le même amour à l’amour qu’on a pour moi. Si vous m’aimez comme un serviteur aime son maître, je vous aimerai en maître, vous payant votre dû selon votre mérite; mais je ne me manifesterai pas moi-même à vous. Les secrets intimes, on les livre à son ami, parce qu’on ne fait qu’un avec son ami. On ne fait pas qu’un avec son serviteur...

« Mais si mes serviteurs rougissent de leur imperfection, s’ils se mettent à aimer la vertu, s’ils s’emploient avec haine à arracher d’eux-mêmes la racine de l'amour-propre spirituel, si, du haut du tribunal de la conscience et faisant appel à la raison, ils ne souffrent dans leur cœur aucun mouvement de crainte servile et d’amour mercenaire sans les redresser par la lumière de la très sainte Foi, je te dis qu’en agissant ainsi ils me seront si agréables, qu’ils auront accès au cœur de l’ami. Je me manifesterai moi-même à eux, ainsi que l’a proclamé ma Vérité quand elle a dit : « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et moi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui » (Jean, XIV, 21). Ces derniers mots expriment la connaissance que Dieu nous donne de lui-même par une inspiration spéciale. C’est la contemplation, qui procède de la foi éclairée par les dons, de la foi unie à l’amour, qui savoure et pénètre les mystères.


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Message  Monique Dim 23 Juil 2023, 6:52 am


Un second motif qui doit inspirer la seconde conversion, c’est le prix du sang du Sauveur, que Pierre ne comprit pas avant la Passion, malgré ces paroles de la Cène : « Ceci est mon sang qui va être répandu pour vous » (Luc, XXII, 20). Il ne commença même à le bien comprendre qu’après la Résurrection. On lit à ce sujet dans le Dialogue, ch. 60 : a Voilà ce que mes serviteurs doivent voir et comprendre (au milieu des contrariétés et épreuves que je permets pour eux); c’est que je ne veux rien d’autre que leur bien, leur sanctification, par le sang de mon Fils unique, dans lequel ils ont été lavés de leurs iniquités. En ce sang ils peuvent con naître ma vérité, et ma vérité la voici : c’est pour leur donner la vie éternelle que je les créai à mon image et ressemblance, et que je les créai à nouveau dans le sang de mon propre Fils, en faisant d’eux mes fils adoptifs. »

Voilà ce que comprit saint Pierre après sa faute et après la Passion du Sauveur; alors seulement il comprit la valeur infinie du précieux sang répandu pour notre salut, du sang rédempteur. On entrevoit ici la grandeur de Pierre humilié; il est ici beaucoup plus grand qu’au Thabor, car il a le sens de sa misère et de l’infinie bonté du Très-Haut. Quand Jésus avait annoncé pour la première fois qu’il devait aller à Jérusalem pour y être crucifié, Pierre, prenant son Maître à part, lui avait dit : « A Dieu ne plaise, cela ne peut arriver. » Il avait alors parlé, sans y prendre garde, contre toute l’économie de la Rédemption, contre tout le plan de la Providence, contre le motif même de l’Incarnation. Et c’est pourquoi Notre-Seigneur lui avait répondu : « Arrière de moi, Satan; tu n’as que des idées humaines, tu ne comprends rien aux choses de Dieu. » Et maintenant après sa faute et sa conversion, Pierre humilié a le sens de la Croix, et il entrevoit le prix infini du précieux sang.

On comprend pourquoi sainte Catherine ne cesse de parler, dans son Dialogue et dans ses Lettres, du sang qui donne l’efficacité au baptême et aux autres sacrements (1). A chaque messe, lorsque le prêtre l’élève sur l’autel, notre foi en sa puissance rédemptrice devrait devenir plus grande et plus vive.


(1) Dialogue, ch. 75, 115 et 127.



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Message  Monique Lun 24 Juil 2023, 7:50 am

Un troisième motif qui doit enfin inspirer la seconde conversion, c’est l’amour des âmes à sauver, amour inséparable de l’amour de Dieu, puisqu’il en est l’effet et le signe; il doit devenir en tout chrétien digne de ce nom un véritable zèle, qui inspire toutes les vertus (2). Cet amour des âmes en sainte Catherine la porta à s’offrir en victime pour le salut des pécheurs.

On lit dans l’avant-dernier chapitre du Dialogue, qui en est le résumé ; « Tu m’as demandé que je fasse miséricorde au monde... Tu me suppliais de délivrer le corps mystique de la sainte Église des ténèbres et des persécutions, t’offrant toi-même pour que je punisse sur toi les iniquités de certains de mes ministres... Je t’ai dit que je veux faire miséricorde au monde, en te montrant que la miséricorde est ma marque distinctive. C’est par miséricorde, c’est à cause de l’amour ineffable que j’eus pour l’homme, que j’envoyai mon Verbe, mon Fils unique... (1)

« Je te promis aussi, et je te promets encore, que par la grande patience de mes serviteurs je reformerai mon Épouse; je vous invitai tous à souffrir pour elle, en te confiant la douleur que me cause l’iniquité de certains de mes ministres... En même temps et par contraste, tu as pu considérer la vertu de ceux qui vivent comme des anges... C’est par vos larmes et par vos humbles et continuelles prières que je veux faire miséricorde au monde. »


(2) Ibid., ch. 7.
(1) Ces paroles expriment nettement que le motif de l’Incarnation fut un motif de miséricorde, comme le montre aussi saint Thomas, IIIa, q. I, a. 3.




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Message  Monique Mar 25 Juil 2023, 8:37 am

Les fruits de cette seconde conversion sont, comme il arriva pour Pierre, un commencement de contemplation par l' intelligence progressive du grand mystère de la Croix ou de la Rédemption, intelligence vécue de la valeur infinie du sang du Sauveur répandu pour nous.

Avec cette contemplation naissante, c’est une union à Dieu plus dégagée des fluctuations de la sensibilité, plus pure, plus forte, plus continuelle. Par suite c’est, sinon la joie, du moins la paix qui s’établit peu à peu dans l’âme au milieu même de l’adversité. C’est cette conviction, non plus seulement abstraite, théorique, confuse, mais concrète et vécue, que dans le gouvernement de Dieu tout est ordonné à la manifestation de sa bonté (1). Le Seigneur lui-même l’exprime à la fin du Dialogue, ch. 166 :

« Rien n’a été fait et rien ne se fait que par le conseil de ma divine providence. Dans tout ce que je permets, dans tout ce que je vous donne, dans les tribulations et dans les consolations, temporelles ou spirituelles, je ne fais rien que pour votre bien, pour que vous soyez sanctifiés en moi, et pour que ma Vérité s'accomplisse en vous. » C’est ce que dit saint Paul (Rom., VIII, 28) : « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » et qui persévèrent dans cet amour. N’est-ce pas là la conviction qui s’établit dans l’âme de Pierre et des Apôtres après leur seconde conversion, et aussi dans l’âme des disciples d’Emmaüs, lorsque Notre-Seigneur ressuscité leur donna l’intelligence progressive du mystère de la Croix : « O hommes sans intelligence et dont le cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes! leur dit-il. Ne fallait- il pas que le Christ souffrît ces choses et qu'il entrât dans sa gloire? Et, commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il leur expliqua tout ce qui avait été dit de lui dans toutes les Écritures » (Luc, XXIV, 25). Ils le re connurent à la fraction du pain.


(1) Rien de plus facile que de concevoir spéculativement que la Providence ordonne au bien toutes choses sans exception; mais qu’il est rare de le bien voir concrètement, lorsque arrive quelque grande épreuve imprévue, qui semble briser notre vie. Rares sont ceux qui y voient tout de suite une des plus grandes grâces, celle de leur seconde ou de leur troisième conversion. Le vénérable Boudon, prêtre très écouté de son évêque et de plusieurs évêques de France, reçut un jour, à la suite d’une calomnie, une lettre de son évêque qui le frappait subitement de suspense et lui interdisait de dire la messe et de confesser. Aussitôt il se jeta au pied de son crucifix, en remerciant Notre-Seigneur de cette grâce dont il se jugeait indigne. Il était parvenu à la conviction concrète et vécue, dont parle ici sainte Catherine de Sienne, que dans le gouvernement de Dieu tout absolument tout, est ordonné à la manifestation de sa bonté.



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Message  Monique Mer 26 Juil 2023, 7:40 am

Ce qui est arrivé à ces disciples sur le chemin d’Emmaüs doit nous arriver aussi, si nous sommes fidèles, sur le chemin de l’éternité. Si pour eux et pour les Apôtres il dut y avoir une seconde conversion, à plus forte raison elle est nécessaire pour nous. Et sous cette nouvelle grâce de Dieu nous dirons aussi : « Nonne cor nostrum ardens erat in nobis dum loqueretur in via : Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ? »

La théologie aide ainsi à découvrir le sens profond de l’Évangile ; mais plus elle avance, plus en un sens elle doit se cacher; elle doit dis paraître un peu comme saint Jean-Baptiste après avoir annoncé Notre-Seigneur. Elle aide à trouver le sens profond de la Révélation divine contenue dans l’Écriture et la Tradition, et quand elle a rendu ce service, il convient qu’elle s’efface.

Pour restaurer les cathédrales, remettre quelques pierres ciselées au bon endroit, il faut faire un écha faudage; mais les pierres remises, l’échafaudage est enlevé et la cathédrale apparaît de nouveau dans toute sa beauté. La théologie sert aussi à nous montrer la fermeté des fondements de l’édifice doctrinal du dogme, la solidité de sa structure, la proportion de ses parties, et quand elle nous la fait entrevoir, elle s'efface devant la contemplation surnaturelle qui procède de la foi éclairée par les dons, de la foi pénétrante et savoureuse, unie à l'amour (1). Il en est ainsi dans la question qui nous occupe, question vitale par excellence, de l'ordre de la vie intime de Dieu.


(1) C’est ainsi que saint Thomas à la fin de sa vie est élevé à une contemplation surnaturelle des mystères de la foi, qui ne lui permet plus de dicter la fin de la Somme théologique, la fin du traité de la Pénitence. Il ne peut plus composer des articles avec un « status quaestionis » sous forme de trois difficultés, un corps d’article et des réponses aux objections. L’unité supérieure à laquelle il est conduit lui montre les principes d’une manière toujours plus simple et plus rayonnante, et il ne peut plus descendre à la complexité de l’exposé didactique.



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Message  Monique Jeu 27 Juil 2023, 7:13 am

CHAPITRE III

La troisième conversion

ou transformation de l’âme,

entrée dans la voie unitive des parfaits


Repleti sunt omnes Spiritu Sancto.
« Ils furent tous remplis de l’Esprit-Saint. »
(Act., I, 4.)


Nous avons parlé de la seconde conversion nécessaire à l’âme intérieure pour sortir de la voie des commençants et entrer dans celle des progressants ou voie illuminative. Plusieurs auteurs spirituels ont dit, nous l’avons vu, que cette deuxième conversion avait eu lieu pour les Apôtres à la fin de la Passion du Sauveur, spécialement pour Pierre après le triple renie ment. Saint Thomas note dans son Commentaire sur saint Matthieu, c. XXVI, 74, que ce repentir de Pierre se produisit aussitôt, dès que le Seigneur le regarda, et qu’il fut efficace et définitif.

Mais cependant Pierre et les Apôtres furent lents à croire à la résurrection du Sauveur, mal gré le récit que les saintes femmes leur firent de ce miracle qui avait été plusieurs fois annoncé par Jésus. Ce récit leur parut du délire (Luc, XXIV, II). De plus, s’il furent lents à croire à la résurrection du Sauveur, ils montrèrent, dit saint Augustin (1), de la précipitation à voir se réaliser la restauration du royaume d’Israël, telle qu’ils se la représentaient.

On le voit par la question qu’ils posèrent à Notre-Seigneur le jour même de l’Ascension : lorsque Jésus leur annonça de nouveau la venue du Saint-Esprit, ils lui demandèrent : « Est-ce alors, Seigneur, que vous restaurerez le royaume d'Israël? » (Act., I, 16). Il y aura encore beaucoup à souffrir avant la restauration du royaume, et elle sera très supérieure à ce qu’entrevoient les disciples.

Aussi les auteurs spirituels ont-ils plusieurs fois parlé d’une troisième conversion ou trans formation des Apôtres, qui eut lieu le jour de la Pentecôte. Voyons premièrement ce qu’a été en eux cette transformation et ensuite ce qu’elle doit être, toute proportion gardée, en nous.


(1) Cf. Saint Augustin, in Joannem, tr. 25, n° 3, et Sermon a65, n° 2-4.



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Message  Monique Sam 29 Juil 2023, 6:50 am

Cette transformation fut préparée en eux par ce fait que, depuis l’Ascension, Jésus priva défi nitivement les siens de sa présence sensible. Lorsque Notre-Seigneur priva pour toujours les Apôtres de la vue de sa sainte humanité, il dut y avoir pour eux une grande souffrance, à laquelle on ne pense généralement pas assez. Étant donné que le Sauveur était devenu leur vie, comme le dit saint Paul : « Mihi vivere Christus est », et que l’intimité avec lui grandissait tous les jours, ils durent avoir une impression de solitude des plus profondes, comme une impression de désert, de détresse et de mort.

Ce dut être d’autant plus senti que Notre-Seigneur leur avait annoncé toutes les souffrances à venir. On peut en avoir une faible idée lorsque, après avoir vécu sur un plan supérieur pendant une fervente retraite, sous la con duite d'une âme sacerdotale pleine de Dieu, on est repris par la vie de tous les jours, qui semble nous priver soudain de cette plénitude. Les Apôtres restèrent les yeux levés vers le ciel; ce n’était plus l’écrasement de la sensibilité comme pendant la Passion, mais c’était une privation complète, qui dût mettre un instant leur esprit en déroute. Pendant la Passion, Jésus était encore là; maintenant il était dérobé à leurs regards, et ils se crurent totalement privés de lui.

C’est dans cette obscurité de l’esprit qu’ils furent préparés à l’effusion de grâces de la Pentecôte.

*
**

La descente du Saint-Esprit sur les Apôtres

« Tous, dans un même esprit,
réunis dans le Cénacle,
persévéraient dans la prière,
avec quelques femmes et Marie,
mère de Jésus... » (Act.,, I, 14)



Comme il est rapporté dans les Actes des Apôtres, II, I-4 : « Le jour de la Pentecôte étant arrivé (c’est-à-dire celui de la Pentecôte juive qui se célébrait cinquante jours après Pâques), les Apôtres étaient tous ensemble en un même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent violent, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître comme des langues de feu qui se partagèrent et se posèrent sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils se mirent à parler d’autres langues, selon que l’Esprit-Saint leur donnait de s’exprimer. »



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Message  Monique Dim 30 Juil 2023, 6:55 am

Le bruit venu du ciel, semblable à celui d’un vent impétueux, était le signe de l’action mystérieuse et très efficace du Saint-Esprit. En même temps les langues de feu qui se posèrent sur chacun des Apôtres symbolisaient ce qui allait se produire dans leur âme. Il n’est pas rare qu’une grande grâce soit précédée par un fait sensible frappant, qui nous tire de notre somnolence ; c’est comme un réveil divin. Ici le symbolisme est des plus clairs. Comme le feu purifie, éclaire et réchauffe, le Saint- Esprit en cet instant purifia profondément, éclaira et enflamma l’âme des Apôtres.

Voilà bien la purification profonde de l'Esprit (1). Et saint Pierre expliqua (Actes, II, 17) que c’était ce qu’avait annoncé le Prophète Joël (II, 28...) : ( Dans les derniers jours, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et mes servantes, et ils prophétiseront... Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » Le Saint-Esprit habitait déjà dans l’âme des Apôtres, mais par cette mission visible (2), il vint augmenter en eux les trésors de la grâce, des vertus et des dons, en les éclairant et les fortifiant, pour qu’ils soient capables d’être les témoins du Sauveur jusqu’aux extrémités de la terre, au péril de leur vie. Les langues de feu sont un signe que le Saint-Esprit alluma dans l’âme des Apôtres cette vive flamme d’Amour dont parlera saint Jean de la Croix.

Alors s’accomplit la parole de Notre-Seigneur (Jean, XIV, 26) : « Le Saint-Esprit, que mon Père vous enverra, vous enseignera et vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai dit. » Les Apôtres se mirent alors à parler « en langues nouvelles, en célébrant les merveilles de Dieu, magnolia Del », si bien que les étrangers témoins du phénomène, « habitants de la Mésopotamie..., de la Cappadoce, du Pont, de l’Asie, de l’Égypte, Romains, Crétois et Arabes de pas sage à Jérusalem étaient dans l’étonnement de les entendre parler l’idiome de leur pays natal » (Actes, II, 8-12). C’était un signe qu’ils devaient commencer à prêcher l’Évangile aux différentes nations, comme Jésus le leur avait ordonné : « Allez, enseignez toutes les nations » (Matth., XXVIII, 19).


(1) C’est à la lumière de ce qui est dit ici de cette effusion de grâces purificatrices et transformatrices qu’il faut lire les articles de saint Thomas sur les dons d’intelligence et de sagesse, sur la purification qu’ils opèrent en nous, et qu’il faut lire aussi la Nuit obscure de saint Jean de la Croix.

(2) Cf. Saint Thomas, Ia, q. 43, a. 6, ad 1.




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Message  Monique Lun 31 Juil 2023, 6:48 am

Quels furent les effets
de la descente du Saint-Esprit?

*
**

Les Actes nous le montrent : Les Apôtres furent éclairés et fortifiés, et leur influence sanctifiante transforma les premiers chrétiens; ce fut un élan de ferveur profonde dans l’Église naissante.

Tout d’abord les Apôtres furent beaucoup plus éclairés intérieurement par le Saint-Esprit sur le prix du sang du Sauveur, sur le mystère de la Rédemption, qu’annonçait tout l’Ancien Testament et que réalisait le Nouveau. Ils reçurent la plénitude de la contemplation de ce mystère, qu’ils devaient prêcher aux hommes, pour les sauver. Saint Thomas dit que « la prédication de la parole de Dieu doit dériver de la plénitude de la contemplation (1) ». C’est ce qui se réalisa hautement alors, comme on le voit par les premiers sermons de saint Pierre rapportés dans les Actes, et par celui de saint Etienne avant son martyre. Ces paroles de saint Pierre et d’Étienne rappellent les mots du Psalmiste : « Ignitum eloquium tuum vehementer, et servus tuus dilexit illud (Ps. CXVIII, 140) : Tes paroles, ô Seigneur, sont des paroles de feu, et ton serviteur les aime. »

Les Apôtres et les disciples, hommes sans cul ture, le jour de l’Ascension demandaient encore au divin Maître : « Seigneur, le temps est-il venu où vous rétablirez le royaume d’Israël? » (Act., I, 6). Jésus leur avait alors répondu : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps, ni les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais lorsque le Saint-Esprit descendra sur vous, vous serez revêtus de force et vous me rendrez témoignage à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre. »

Et voilà maintenant que Pierre, qui avait tremblé devant une femme pendant la Passion, qui avait été si lent à croire à la résurrection du Sauveur, vient dire aux Juifs avec une autorité et une certitude que Dieu seul peut donner : « Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage pour vous par les miracles qu'il a opérés..., cet homme vous ayant été LIVRÉ SELON LE DESSEIN IMMUABLE ET LA PRESCIENCE de Dieu, vous l'avez attaché à la croix, et mis à mort par la main des impies (1). Dieu l'a ressuscité... (comme David l’avait annoncé)... C'est ce Jésus, que Dieu a ressuscité, nous en sommes tous témoins..., qui a été élevé au ciel,... et qui a répandu cet Esprit que vous voyez et entendez... Que toute la maison d’Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié » (Actes, II, 22-36). C’est tout le mystère de l’Incarnation rédemptrice, Pierre voit maintenant que Jésus a été une victime volontaire, il contemple la valeur infinie de ses mérites et du sang répandu.


(1) Saint Thomas, IIa IIae, q. 188, a. 6 : « Ex plenitudine contemplationis derivatur doctrina et praedicatio. »

(1) Il faut noter que dans ce texte et en plu sieurs autres semblables le dessein immuable est mentionné avant la prescience dont il est le fonde ment. Dieu a prévu de toute éternité le mystère de la Rédemption, parce que de toute éternité il a voulu le réaliser.



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Message  Monique Mar 01 Aoû 2023, 7:13 am

Les Actes ajoutent que ceux qui entendirent ce discours, « le cœur transpercé par ces paroles, dirent à Pierre et aux autres Apôtres : « Frères, que ferons-nous? » Pierre leur répondit : « Repentez-vous, et que chacun soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour obtenir le pardon de vos pêchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » C’est ce qui fut fait, et les Actes disent (II, 41) qu’environ trois mille personnes ce jour- là se convertirent et reçurent le baptême.

Les jours suivants, Pierre dit aux Juifs dans le temple, après la guérison d’un boiteux de naissance obtenue au nom de Jésus : « Vous avez fait mourir l'Auteur de la vie (1), que Dieu a ressuscité des morts, nous en sommes tous témoins... Ce Jésus que vous avez crucifié... est la pierre rejetée par vous de l'édifice et qui est devenue la pierre angulaire. Et le salut n’est en aucun autre; car il n’y a pas sous le ciel un autre nom qui ait été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Actes, III, 14; IV, 11-12).

En ce récit des grâces de la Pentecôte n’accordons pas l’attention principale au don des langues et aux charismes de ce genre, mais à cette illumination spéciale qui fait entrer les Apôtres dans les profondeurs du mystère de l’Incarnation rédemptrice et plus particulière ment dans celui de la Passion du Sauveur. C'est le mystère dont Pierre n’avait pu porter la première prédiction faite par Jésus annonçant qu'il serait crucifié. Simon Pierre avait dit : « A Dieu ne plaise, Seigneur! cela ne vous arrivera pas! » Jésus lui avait répondu : « Tu n'as pas l'intelligence des choses de Dieu, tu n’as que des pensées humaines » (Matth., XVI, 22-23). Maintenant Pierre a l’intelligence des choses de Dieu, il contemple toute l’économie du mystère de l’Incarnation rédemptrice ; et ce n’est pas lui seulement qui est ainsi éclairé, ce sont tous les Apôtres qui rendent témoignage comme lui, ce sont les disciples et surtout le premier martyr, le diacre saint Étienne, qui, avant de mourir lapidé, rappelle aux Juifs tout ce que Dieu a fait pour le peuple élu à l’époque des patriarches, au temps de Moïse et depuis, jusqu’à la venue du Sauveur (Actes, VII, I-53).


(1) L’Auteur de la vie ne peut être que Dieu même. Cette expression a la même portée que celle de Jésus : Je suis la voie et la vérité et la vie. Jésus n’a pas seulement la vérité et la vie, il est la vérité et la vie. Et pour cela il faut qu’il soit l’Être même : « Je suis Celui qui suis. »



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Message  Monique Mer 02 Aoû 2023, 8:19 am

Mais les Apôtres, le jour de la Pentecôte, ne furent pas seulement éclairés, ils furent grandement fortifiés et confirmés. Jésus leur avait annoncé : « Vous serez revêtus de la force de l’Esprit-Saint » (Actes, I, 6). Eux qui avant la Pentecôte étaient encore craintifs deviennent courageux, et ils le seront tous jusqu’au martyre. Pierre et Jean, arrêtés et traduits devant le Sanhédrin, affirment que « le salut n’est en aucun autre » qu’en Jésus-Christ (Actes, IV, 12).

Arrêtés de nouveau et battus de verges, « les Apôtres sortirent du Sanhédrin joyeux d'avoir été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus. Et chaque jour, dans le temple et dans les maisons, ils ne cessaient d’annoncer Jésus comme le Christ » (Actes, V, 4I, 4a). Ils donnèrent tous pour lui le témoignage de leur sang. Qui leur avait donné cette force? Le Saint-Esprit, en allumant la vive flamme de la charité dans leur cœur.

Telle fut leur troisième conversion, qui fut une transformation de leur âme. Leur première conversion avait fait d’eux des disciples attirés par la sublime prédication du Maître; la seconde, à la fin de la Passion, leur avait fait entre voir la fécondité du mystère de la Croix qui fut éclairé ensuite par la résurrection; la troisième leur donne la conviction profonde de ce mystère, dont ils ne cesseront de vivre jusqu'au martyre.

La transformation des Apôtres se manifeste enfin par leur influence sanctifiante, par l’élan de ferveur profonde qu’ils communiquèrent aux premiers chrétiens. Comme le montrent les Actes (II, 42-47; IV, 32-37; V, I-11), la vie de l’Église naissante fut d’une sainteté admirable, « la multitude des fidèles n'avait qu'un cœur et qu'une âme » (IV, 3a), tout était commun entre eux, ils vendaient leurs biens et en apportaient le prix aux Apôtres qui distribuaient à chacun selon ses besoins. Ils s’assemblaient tous les jours pour prier ensemble, écouter la prédication des Apôtres, célébrer l’Eucharistie. On les voyait souvent ensemble en prière et on était frappé de la charité qui régnait parmi eux. « C'est à ce signe, avait dit Notre-Seigneur, qu'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. » Bossuet a admirablement exprimé cette ferveur profonde des premiers chrétiens dans son II Sermon pour le jour de la Pentecôte : « Ils sont fermes contre les périls, mais ils sont tendres à aimer leurs frères ; et l’Esprit tout-puissant, qui les pousse, sait bien le secret d’accorder de plus opposées contrariétés... Il leur donne un cœur de chair... attendri par la charité... et il les fait aussi de fer et d’airain pour résister à tous les périls... Il affermit et il amollit, mais d’une façon extraordinaire; puisque ce sont les mêmes cœurs des disciples, qui semblent être des cœurs de diamant par leur fermeté invincible, qui deviennent des cœurs humains et des cœurs de chair par la charité fraternelle. C’est l’effet de ce feu céleste, qui se repose aujourd’hui sur eux. Il amollit les cœurs des fidèles, il les a, pour ainsi dire, fondus en un seul...


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Message  Monique Jeu 03 Aoû 2023, 7:56 am

« Les Apôtres du Fils de Dieu étaient autre fois en querelle au sujet de la primauté ; mais depuis que le Saint-Esprit les a faits un cœur et une âme, ils ne sont plus jaloux ni contentieux. Ils croient tous parler par Pierre, ils croient présider avec lui, et si son ombre guérit les malades, toute l’Église prend part à ce don et s’en glorifie en Notre-Seigneur. » — Ainsi nous devons nous regarder les uns les autres comme des membres du même corps mystique, dont le Christ est la tête, et, loin de nous laisser aller à la jalousie et à l’envie, nous devons jouir saintement des qualités de notre prochain, dont nous profitons nous-mêmes, comme la main tire avantage de ce que l’œil voit et l'oreille entend.

Tels furent les fruits de la transformation des Apôtres et des disciples par l’Esprit-Saint. Le Saint-Esprit a-t-il été ainsi envoyé pour produire ces fruits merveilleux dans l’Église naissante seulement?

Évidemment, non. Il continue le même se cours dans la suite des générations. Son action dans l’Église apparaît par la force invincible qu’il lui donne. On le vit pendant les trois siècles de persécution et par la victoire qu’elle remporta dans la suite sur tant d’hérésies.

Toute communauté chrétienne doit donc se conformer aux exemples donnés par l’Église naissante. Que devons-nous apprendre d’elle? A n’être qu’un cœur et qu’une âme, en bannissant les divisions, à travailler à l’extension du règne de Dieu dans le monde, malgré les difficultés qui s’y opposent. A croire fermement et pratiquement à l’indéfectibilité de l’Église, qui est toujours sainte, et qui ne cesse de produire des saints. Nous devons aussi, à l'exemple des premiers chrétiens, porter avec patience et avec amour les souffrances que Dieu nous en voie. Croyons de tout notre cœur au Saint-Esprit, qui ne cesse d’animer l’Église, et à la communion des saints.

Si nous voyions l’Église de notre temps telle qu’elle est dans les âmes les plus généreuses qui vivent le plus de sa vie, elle nous apparaîtrait très belle, malgré les imperfections humaines qui se mêlent à l’activité de ses enfants. Nous nous affligeons à bon droit de certaines taches, mais n’oublions pas que, s’il y a par fois de la boue dans la vallée au pied des montagnes, sur les sommets il y a toujours une neige d’une blancheur éclatante, un air très pur, et une vue merveilleuse qui élève constamment vers Dieu.


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Message  Monique Ven 04 Aoû 2023, 7:22 am

La purification de l'esprit
nécessaire à la perfection chrétienne


*
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Cor mundum crea in me, Deus.
« Seigneur, créez en moi un cœur pur. »
(Ps. I, 12.)


Nous avons vu que la transformation des Apôtres le jour de la Pentecôte a été pour eux comme une troisième conversion. Il doit y avoir quelque chose de semblable dans la vie de tout chrétien, pour qu’il passe de l’âge des progressants à celui des parfaits. Il doit y avoir ici, dit saint Jean de la Croix, une purification radicale de esprit, comme il a fallu une purification profonde de la sensibilité, pour passer de l’âge des commençants à celui des progressants, communément appelé appelée voie illuminative. Et comme la première conversion, par laquelle nous nous détournons du monde pour commencer à marcher dans la voie de Dieu, suppose les actes de foi, d’espérance, d’amour de Dieu et de contrition, il en est de même des deux suivantes; mais ici les actes des vertus théologales sont beaucoup plus profonds : le Seigneur, qui nous fait produire ces actes, creuse le sillon dans le même sens, mais bien plus profondément.

Voyons 1° pourquoi cette troisième conversion est nécessaire chez les progressants, 2° comment le Seigneur purifie l’âme à ce moment, 3° quels sont les fruits de cette troisième conversion.

* *
*

La nécessité de cette purification de l’esprit

Bien des imperfections subsistent chez ceux qui progressent dans la voie de Dieu ; si leur sensibilité a été en grande partie purifiée des défauts de sensualité spirituelle, de paresse, de jalousie, d'impatience, les taches du vieil homme restent dans l'esprit comme une rouille, qui ne disparaîtra que sous l’action d’un feu intense, semblable à celui qui descendit sur les Apôtres le jour de la Pentecôte. C’est saint Jean de la Croix lui-même qui fait ce rapprochement. Cf. Nuit obscure, I. II, ch. VI.

Cette rouille se trouve jusque dans le fond des facultés supérieures : intelligence et volonté. C’est un attachement à soi-même qui empêche l’âme d’être profondément unie à Dieu. De là vient que nous sommes souvent sujets à la dis traction dans la prière, à l’hébétude, à l’incompréhension des choses de Dieu, et aussi à l’épanchement de l’esprit au dehors, à des affections naturelles, nullement ou peu inspirées par la charité. Les mouvements de rudesse et d’impatience ne sont pas rares. De plus, bien des âmes assez avancées s’attachent beaucoup trop à leur manière personnelle de voir, en spiritualité, et se figurent parfois recevoir des inspirations spéciales de Dieu, là où elles sont le jouet de leur fantaisie ou de l’ennemi du bien. Elles s'enflent ainsi de présomption, d’orgueil spirituel, de vanité, dévient du vrai chemin, et égarent d’autres âmes.


A suivre...

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Message  Monique Sam 05 Aoû 2023, 7:17 am

Cette matière est inépuisable, dit saint Jean de la Croix (1), et encore ne considère-t-il guère que les défauts relatifs à la vie purement intérieure; que serait-ce si l’on considérait les défauts qui nuisent à la charité fraternelle et à la justice dans les rapports avec les supérieurs, les égaux et les inférieurs, ou ceux qui entachent la pratique de nos devoirs d’état, et l’influence que nous pouvons exercer? Avec l’orgueil spirituel subsiste aussi souvent de l’orgueil intellectuel, de la jalousie, une se crète ambition. Les sept péchés capitaux se retrouvent ici transposés dans la vie de l’esprit, qu’ils altèrent encore profondément.

C’est ce qui montre, dit saint Jean de la Croix (Ibid., ch. II), la nécessité « de la forte lessive », qu’est la purification passive de l'esprit, nouvelle conversion, qui doit marquer l’entrée dans la vie parfaite. « Même après avoir traversé la nuit des sens, dit le saint Docteur, ibid., ch. III, les avancés dans leur manière d’agir et de traiter avec Dieu restent vulgaires (1); l’or de l’esprit n'est pas encore passé par le creuset; ils comprennent Dieu de façon puérile et en parlent de même. Comme le dit saint Paul (I Cor., XIII, II), ils gardent des sentiments de petits enfants, pour n’avoir pas encore atteint la perfection ou l’union avec Dieu. Elle seule donne l'âge mûr où l’esprit réalise de grandes choses, son activité étant alors plus divine qu’humaine. »

Avant cette troisième conversion on peut encore en un sens dire des âmes, selon l’expression d’Isaïe (LXIV, 6), que leurs justices sont encore pareilles à un linge souillé ; une dernière purification s’impose.

(1) Saint Jean de la Croix, Nuit obscure, I. II, ch. 2.
(1) Même Pierre, appelé à devenir un si grand saint, après sa seconde conversion considère comme du délire, malgré les prédictions de Jésus, ce que disent les saintes femmes du tombeau du Seigneur trouvé vide.


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Message  Monique Dim 06 Aoû 2023, 6:59 am

Comment Dieu purifie-t-il l'âme
au moment de cette troisième conversion
ou transformation?


*
**


Il semble d'abord qu’il la dépouille, au lieu de l’enrichir. Pour la guérir de tout orgueil spirituel et intellectuel, et pour lui manifester le fond de misère qu'elle porte encore en elle, il laisse l’entendement dans les ténèbres, la volonté dans l’aridité, parfois dans l’amertume et l’angoisse. L’âme, dit alors saint Jean de la Croix après Tauler, doit marcher « aveuglément selon la pure Foi, qui est nuit obscure pour les puissances naturelles (1) ». Saint Thomas a dit souvent : fides est de non visis : l’objet de la foi est non vu, il est obscur; le grand Docteur ajoutait même qu’on ne peut en même temps croire et voir une même chose sous le même aspect, car ce qui est cru comme tel n’est pas vu (2).

Or il s’agit maintenant d’entrer dans les profondeurs ou les hauteurs de la foi, comme lorsque les Apôtres après l’Ascension furent privés de la présence sensible de Jésus qui leur avait dit (Jean, XVI, 7) : « Expedit vobis ut ego vadam; si enim non abiero, Paraclitus non veniet ad vos; si autem abiero, mittam eum ad vos : Il est bon que je m’en aille; car si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous; mais si je m’en vais, je vous l'enverrai. » Saint Thomas explique admirablement ces paroles en son Commentaire sur saint Jean : il dit que les Apôtres, attachés par un amour naturel à l'humanité du Christ, n’étaient pas encore assez élevés par l’amour spirituel de sa divinité, et n'étaient pas encore capables de recevoir spirituellement le Saint-Esprit comme il convenait, et comme il le faudrait au milieu des tribulations qui les attendaient lorsque Jésus les aurait privés de sa présence sensible.

Le Seigneur semble donc d’abord, en cette purification comme dans les précédentes, dé pouiller l’âme, la laisser dans l’obscurité et l’aridité. Elle doit avoir pour devise : « Fidélité et abandon. » C’est ici surtout que se vérifie la parole de Jésus : « Qui sequitur me non ambu lat in tenebris, sed habebit lumen vitae : Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie » (Jean, VIII, 12). Ici l’âme spécialement éclairée par la lumière purificatrice du don d’intelligence commence à pénétrer « les profondeurs de Dieu », comme dit saint Paul (1).


(1) Nuit obscure, I. II, c. IV.
(2) « Creditum non est visum »
(IIa IIae, q. I, a. 5).
(1) I Cor., II, 10 : « Spiritus enim omnia tatur, etiam profunda Dei... Nos autem accepi mus... Spiritum qui ex Deo est, ut sciamus quae a Deo donata sunt nobis. »tatur, etiam profunda Dei... Nos autem accepi mus... Spiritum qui ex Deo est, ut sciamus quae a Deo donata sunt nobis. »




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