LES MÈRES DES SAINTS

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Message  Monique Dim 12 Fév - 8:47

A divers traits fort frappants et qui révèlent des nuances peu connues de l’état de la société et des esprits, on comprend mieux l’héroïsme des martyrs. Ce n’était pas la crainte des souffrances seulement qui pouvait les faire hésiter, mais l’amour envers ceux de leurs parents qui étaient païens, mais la honte mondaine, la crainte de déshonorer ces parents, et bien d’autres sentiments qui, pour la plupart des historiens, disparaissent en présence des horribles tortures.

Perpétua a vingt-deux ans. Elle est Carthaginoise. Elle a épousé un homme de race noble, clic est elle-même d'une famille considérable. Sa mère est chrétienne. Elle, elle est catéchumène ainsi que ses deux frères. Son père est païen. Elle a été enfermée, ainsi que plusieurs autres catéchumènes, dont quelques-uns et quelques-unes sont esclaves. On va leur donner le baptême, dans la prison même. Elle a à lutter non seulement contre l’amour filial mais aussi contre l’amour maternel.

« Peu de jours après, on nous conduisit en prison. L ’horreur et l’obscurité me saisirent d’abord, car je ne savais ce que c’était que ces sortes de lieux. Oh! que le premier jour me fut rude! Quelle horrible chaleur! On étouffait, tant on était pressé. En outre, il nous fallait souffrir l’insolence des soldats qui nous gardaient. Toutefois, ce qui me causait le plus d’angoisse, c’était l’inquiétude pour mon enfant. Mais Tertius et Pomponius, deux charitables diacres, obtinrent à force d’argent que l’on nous mît dans un lieu où nous fussions plus au large. Nous commençâmes en effet à y respirer un peu. Chacun songeait à ce qui le regardait. Pour moi, je me mis à allaiter mon enfant que l’on m’avait apporté et qui était déjà tout languissant pour avoir été longtemps sans manger. Toute mon inquiétude était pour lui. Je consolais sans doute ma mère et mes frères, surtout je les conjurais d'avoir soin de mon enfant,, bien que je fusse sensiblement touchée de les voir affligés pour l’amour de moi. Je ressentis ces peines pendant plusieurs jours; mais, ayant obtenu qu’on me laisserait mon enfant, les soins que je lui donnais me furent une consolation, la prison me devint un palais...


A suivre...
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Message  Monique Lun 13 Fév - 8:51

» Au bout de quelques jours, le bruit ayant couru que nous allions être interrogés, je vis arriver mon père. Un chagrin mortel le consumait. Il vint à moi.

» Ma fille, me dit-il, aie pitié de mes cheveux blancs, aie pitié de ton père. Si je t’ai élevée jusqu’à cet âge, si je t’ai préférée à tes frères, ne me rends pas l’opprobre des hommes. Regarde ton enfant qui ne pourra vivre si tu meurs; laisse cette fierté ! Nul de nous n’osera plus parler s’il t’arrive malheur!

« Mon père me disait toutes ces choses tendrement. Il me baisait les mains, puis se jetant à mes pieds tout en larmes, il me nommait non plus sa fille mais sa dame. Je plaignais sa vieillesse, songeant qu’il serait le seul de notre famille qui ne se réjouirait pas de mon martyre.

» Un jour, comme nous dînions, on vint tout d ’un coup nous enlever pour subir l’interrogatoire. Le bruit s’en étant répandu dans les quartiers voisins, il s’ameula un peuple infini. Nous montâmes sur l’estrade. Mes compagnons furent interrogés et confessèrent. Quand ce fut mon tour et comme je me préparais à répondre, mon père parut à l’instant avec mon enfant. Il me tira de ma place et me dit en suppliant : « Aie » pitié de ton enfant » !


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Message  Monique Mar 14 Fév - 8:30

» Alors le procureur Hilarion qui exerçait le droit de glaive à la place du proconsul Minucius Timinianus, mort depuis peu de temps, me dit :

« Épargne la vieillesse de ton père, épargne l’enfance de ton fils. Sacrifie pour la santé des empereurs. »
Je répondis: « Je ne le ferai pas «.
» Hilarion reprit : « Tu es donc chrétienne ?
» — Oui, je le suis ».

» Cependant mon père qui, espérant toujours me gagner, était resté là, reçut un coup de baguette d’un huissier à qui Hilarion avait donné l’ordre de le faire retirer. Je le sentis comme si j’eusse été frappée moi-même, tant je fus affligée de voir mon père ainsi maltraité dans sa vieillesse.

» Le juge prononça la sentence par laquelle nous devions être tous condamnés aux bêtes. Nous redescendîmes joyeux dans la prison. Mon enfant était ordinairement avec moi pour que je le pusse nourrir. Mon père me l’avait repris. J ’envoyai le diacre Pomponius le lui redemander, il ne voulut pas le donner. Dieu permit que mon enfant ne demandât plus à téter et que mon lait ne m’incommodât pas. Il calma mes inquiétudes sur l’enfant et m’épargna les douleurs du corps. »


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Message  Monique Mer 15 Fév - 8:58

Perpétua continue de raconter ce qui lui arriva dans la prison où Dieu montrait, comme le lui disait son frère, qu’elle avait beaucoup de crédit auprès de Lui. Et elle conclut avec sa simplicité gracieuse et héroïque : « J ’ai conduit ce récit jusqu’à la veille du spectacle où nous devons être immolés. Quelqu’autre écrira, s’il lui plaît, ce qui s’y sera passé. »

Cet autre s’est trouvé, en effet, et la narration, si elle n ’a pas la même suave originalité, est d'un grand intérêt. Elle nous raconte les péripéties du cirque. Perpétua et Félicité, une autre jeune femme, entrent en chantant. Les martyrs regardent hardiment le peuple et en passant devant le balcon d’Hilarion, ils lui crièrent : « Tu nous a jugés, Dieu te jugera à son tour! »

Dieu permit que Perpétua échût à un gladiateur novice qui la frappa entre les côtes. La martyre poussa un cri et conduisit elle-même à sa gorge la main tremblante de cet apprenti bourreau.

L’émotion qu’on ressent en voyant cette jeune et noble chrétienne aider le gladiateur à la tuer, n'est pas seulement poignante, elle est douce aussi. Si ce corps débile a quelques frissonnements, en sentant la torture s’égarer et lui imposer un supplice auquel elle n’est pas condamnée, si ce cœur gracieux de jeune épouse ne défie pas les bourreaux, n ’attise pas les flammes, ne demande pas un supplément de douleur; s’il est surtout ferme en sa passivité et va à la mort en chantant le bonheur qui s’approche, n’est-ce pas attendrissant de voir la sainte hâter le moment du bonheur céleste et indiquer au gladiateur la blessure qu’il doit lui faire, pour qu’elle soit mortelle. Elle ne demande pas grâce et répit. Elle ne se débat pas, elle ne gémit pas, elle n’injurie pas son bourreau et non seulement elle lui pardonne, mais elle l’aide, elle l’aide contre elle-même. C’est par de tels spectacles qu’on remuait ce qu’il y avait de nobles âmes dans le paganisme ; les jeux du cirque qui devaient amener l’extermination du christianisme, en prêchent la vérité avec une grandeur écrasante ou une douceur pénétrante.


A suivre... § VIII.
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Message  Monique Jeu 16 Fév - 7:58

§ VIII. — La mère du martyr Théodule. — Il nous serait facile de recueillir bien des fleurs brillantes dans le jardin de la maternité héroïque. Je n’en veux plus offrir qu’une. Elle m’a enivré d’émotion cette mère qui, non seulement comme sainte Symphorose, sainte Félicité, sainte Perpétua, confie pieusement l’enfant à la Mère-Providence ou l’encourage à souffrir généreusement, mais qui le porte elle-même dans ses bras jusqu’au lieu du supplice; cette mère dépasse toute grandeur d’âme.

Romain, martyr cher à saint Jean Chrysostome, était exorciste dans un village voisin de Césarée en Palestine. La persécution éclate. Il se rappelle qu’il a, à titre d’exorciste, pouvoir sur le démon et le voici parti pour la grande ville. Le préfet Asclépiade y triomphait par les tortures. Quelques timides apostasient. Le préfet entremêle les railleries de menaces et annonce en souriant l’extermination prochaine du catholicisme dans Antioche. Romain s’approche de lui.

« Asclépiade, votre victoire est incomplète. Dieu a encore de braves soldats. Il ne vous sera pas facile de les vaincre. »

La hardiesse plaisait toujours à ces fiers et habiles Romains. Devant la fermeté, ils s’arrêtaient un instant, discutaient, cherchaient à convaincre les âmes fortes, à philosopher avec les sages; et, soit hypocrisie, soit bienveillance sincère, ils commençaient souvent par la douceur.


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Message  Monique Ven 17 Fév - 7:41

Asclépiade, étonné à la vue de ce vaillant, et devinant un esprit plus cultivé que celui de ses victimes ordinaires, l'interroge. Il veut savoir de lui les causes de sa fermeté et les raisons de sa conduite, c’est-à-dire les règles de sa foi. Les premiers chrétiens croyaient que leur courage et leurs miracles suffisaient à prouver la divinité du Christ.

Leur sang était la démonstration de la Vérité. Il leur était recommandé de ne pas exposer imprudemment les saints mystères aux yeux de ces sophistes, de ces libertins, de ces juges dont beaucoup des instincts étaient en contradiction avec la Bonne Nouvelle.

Romain répondit donc avec réserve. Mais tout d'un coup, comme illuminé par un conseil divin, il s’écria : « Je vais vous donner une preuve de la vérité que je prêche. Faites venir un enfant, n’importe lequel, un enfant qui n’ait rien appris de moi. Demandez-lui si j ’annonce la vérité. Qu’il soit mon juge et le vôtre...


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Message  Monique Sam 18 Fév - 8:57


Il en désigna un qui parlait à peine. On le nommait Barulas, nom que dans plusieurs chrétientés on change en celui de Théodule ou Enfant de Dieu.

« Mon fils, dit Romain, quel est le plus raisonnable d’adorer un seul Dieu ou plusieurs dieux?

— Mais, répondit l’enfant, il ne peut y avoir plusieurs dieux. Dieu doit être seul. Les enfants eux-mêmes savent cela et aussi que Jésus-Christ ne fait qu’un avec son Père.

— Qui t’a si bien instruit, petit impie ? s’écria Asclépiade furieux.

— Mais c’est ma mère. Le nom de Jésus-Christ est le premier qu’elle m ’ait appris à prononcer.

— Qu’on aille la chercher afin qu’elle voie le fruit de ses leçons ! »


Il fit alors déshabiller l’enfant, on le suspendit et on le flagella violemment.

La mère arriva. Les lanières étaient teintes du sang de son fils ; mais dans son cœur, la joie
luttait victorieusement contre la pitié. Seule, elle ne pleurait pas.

« J ’ai soif, dit l ’enfant. Par pitié, qu’on me donne un peu d ’eau.

— Courage, mon fils, ne cède pas à la douleur. Encore un peu de courage ; tu vas te désaltérer
aux sources du bonheur éternel. Te rappelles-tu ce que je t ’ai conté de la constance de sept
frères contre un tyran nommé Antiochus ? »
Elle lui raconta de nouveau le courage des Macchabées.

« Rappelle-toi, mon enfant, que je n ’ai rien épargné pour ton bonheur. C’est encore ton bonheur que je veux. Ne me déshonore pas par l’apostasie. Je sais combien tu m ’aimes, fais que je sois fière de mon fils. »


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Message  Monique Dim 19 Fév - 7:51

L ’enfant reprit courage, et, l’angoisse étant passée, il restait calme et semblait défier la douleur et les bourreaux. Le préfet le fit reconduire en prison. Puis il tourna sa rage contre Romain. Celui-ci subit la torture en le raillant.

« Comment, disait-il, vous voulez lutter contre mon Dieu et vous n’avez même pas la force d’arracher une plainte au plus humble de ses disciples ? »

En vain le préfet enragé se mêla aux bourreaux ; en vain se relayaient-ils tous pour torturer
le chrétien. Il fallut s’arrêter. Asclépiade condamna Romain à être brûlé
vif.

« Et comme il ne faut pas que le disciple soit moins bien traité que le maître, l'enfant périra. Qu’on l’amène et qu’on lui coupe le cou pendant que cet athée sera livré aux flammes ! »

On alla donc chercher Barulas dans la prison. La mère voulut le porter elle-même. Elle le prit dans ses bras. Pendant qu’il lui souriait en passant les mains autour de son cou, elle suivait les bourreaux. Lui ne pouvait parler tant il avait été martyrisé. Mais son sourire continuait de dire à sa mère qu’il était heureux de lui obéir et de mourir pour le Dieu qu’elle lui avait appris à aimer.


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Message  Monique Lun 20 Fév - 7:57

Quand on fut arrivé au lieu du supplice, le bourreau demanda l’enfant. Elle l’embrassa encore une fois.

« Va mon fils, où Dieu t ’appelle. Quand tu seras près de Lui, souviens-toi de ta mère. Jusqu’ici je t’ai appelé mon enfant; désormais je t ’appellerai mon Seigneur. »

Elle le remit au bourreau qui d’un seul coup trancha cette jeune tête. Pendant ce temps la mère murmurait : « Il était votre serviteur et le fils de votre servante. »

Puis étendant son voile, elle reçut le sang qui coulait, rapprocha la tête du corps et portant dans ses bras son enfant mort comme elle avait porté son corps vivant, et le tenant comme un objet précieux et comme en un triomphe, elle alla le déposer dans le lieu le plus honorable de sa maison. Toutes les mères n’ont pas ce courage exceptionnel. Dieu ne le leur demande pas. Il exige qu’elles éloignent leurs enfants de l’apostasie, non qu’elles les portent elles-mêmes au supplice.

Trois contemporains austères nous racontent la vie d ’Origène. Ils nous disent que, en l’an 202, pendant la  persécution de Sévère, son père Léonidas fut martyrisé. Il avait alors dix-sept ans. Il voulut suivre son père au supplice. Sa mère cache ses habits, l ’enferme. Aucun des trois historiens n’a un mot de blâme, pas même d’étonnement. La période sanglante commençait à se perdre dans la période doctrinale. Les docteurs succédaient aux martyrs. Les chaires s’élevaient sur les catacombes et la science commentait l’acte de Foi.


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Message  Monique Mar 21 Fév - 8:22

CHAPITRE III

UN AUTRE FRUIT HEROÏQUE DE LA MATERNITÉ SAINTE : LA VIE CENOBITIQUE.
— SON DÉVELOPPEMENT PROVIDENTIEL AU IVe SIÈCLE.


§ I. — Les deux fondateurs de la vie cénobitique en Occident. — Le IVe siècle est l’époque d’une des plus dangereuses crises de la civilisation. Deux hommes apparaissent pour la sauver, saint Athanase et saint Jérôme.

A quoi doivent-ils le succès de leur mission?  A leur génie, à leur science, à leur éloquence, à leur courage, à la souffrance, le plus fécond des éléments du bien ? Oui, sans doute, mais à autre chose encore. Ils le doivent, Athanase à un tout petit incident de son illustre vie et Jérôme à ce que sur cet incident il bâtit sa vie tout entière.

Qu’est-ce qui mettait la civilisation en danger? L ’invasion des Barbares. Ils étaient là tous, aux frontières de l’empire. Souvent ils les franchissaient en bonds furieux et qui, à chaque nouvel effort, les amenaient près du centre. Gotlis, Germains, Saxons, Sarmates, Quades, Vandales, Alains, Hérules, Burgondes, Suèves, Huns, Numides, Ethiopiens ; c’était l’inondation de la fureur, qui arrivait des quatre coins de l’horizon.

Il était permis de prévoir qu’elle ne tarderait pas à atteindre la forteresse de la civilisation, Rome. Quel élément de résistance pouvait-on prévoir? Un seul, le catholicisme. La logique l’indiquait ; les faits l’ont prouvé.

Que conseillait-il? La prière, la pénitence, les bonnes œuvres, sans aucun doute. Mais encore ? N’y avait-il pas quelque abri d ’une apparence plus matérielle; quelque refuge hospitalier où la misère qui allait devenir effroyable fût secourue ; quelque temple que respecteraient les moins farouches de ces Barbares? Gela le catholicisme seul le pouvait donner. N’y avait-il pas quelques conseils d ’une apparence également plus pratique ? La résignation ne
diminuait-elle pas les angoisses de cette misère?

La pauvreté n’augmentait-elle pas les chances de salut? L ’individu solitaire, s’il voulait lutter, ne serait-il pas plus libre ; s’il voulait fuir n’était-il pas moins empêché ; et s’il tombait entre les mains de l’ennemi, ne souffrirait-il pas moins que si ses propres souffrances étaient centuplées par la torture de la femme, de l’époux et des enfants?


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Message  Monique Mer 22 Fév - 8:35

Le conseil de la vie cénobitique était donc le conseil lumineux et pratique, en cette fin de l’empire, puisque cette vie possédait en même temps la force de Dieu et la sagesse de l’homme. Elle était à la fois la pénitence, la pauvreté, la résignation, la vaillance morale et physique, la solitude, la chasteté, l’aumône.

Mais le vieux monde est condamné. Y a-t-il encore pour le Romain un moyen de salut, une activité noble et féconde ? Il y a la dignité de l ’esprit et du caractère qui donne aux vaincus la ferme espérance de conquérir à leur tour les vainqueurs. Cette dignité procure également un refuge intime pour y cacher les résultats delà civilisation précédente et un zèle ardent pour les propager.

Ici encore le catholicisme, avec sa patience qui tient de l’éternité, avec sa résistance qui use l’énergie de la mort même, avec son clergé habitué au martyre, avec ses moines amis de l’étude et dégagés des grands soucis de la vie, était le seul qui pût vaincre la Barbarie victorieuse.

Aussi y avait-il un danger plus grand que l ’invasion des Barbares, c’était l’affaiblissement de la société chrétienne. Le seul mal irrémédiable c’était que cette société fût désarmée de sa ferveur et qu’elle ne fût pas munie d’armes nouvelles que la fureur du V° siècle allait rendre nécessaires.

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Message  Monique Jeu 23 Fév - 7:18

Donc, le grand agent de la Providence, l’utile instrument de la civilisation, c’était l’homme qui apporterait cette nouvelle arme, et après lui, l’homme qui en généraliserait l’emploi.

A ce point de vue, Julien l’Apostat eut, sans le vouloir, un rôle bienfaisant. Il se croyait un ennemi redoutable du Galiléen, il n’était que la flamme de l’incendie brûlant une masure pour éclairer au loin la venue de l’ennemi. En inventant contre le catholicisme l’infernale persécution de l’ignorance, il démontra aux chrétiens que, aux yeux du plus lucide de leurs ennemis, leur grande force étaient la science et les livres, instruments delà science.

Les grands docteurs chrétiens, qui pullulaient en ce siècle, avec leur éloquence glorieuse, leur intelligence supérieure, avec l’assiette plus ferme qu’ils donnèrent à l’esprit humain ; les Grégoire, les Chrysostome, les Hilaire, aidèrent puissamment à la démonstration. Il devint évident que, pour lutter contre la grande nuit qui descendait il fallait une charité plus passionnée, une pauvreté plus complète, un désintéressement absolu un pur dégagement du tout, le renoncement sans réserve, inspirant, avec la vie laborieuse, l’amour de la science. Il fallait la vie cénobitique, c’est-à-dire le monastère et la virginité.

Le monastère, c’est Athanase qui l’apporta en Occident. Là seulement il pouvait produire complètement ses bienfaits, puisque l’Orient était destiné à l’esclavage musulman et schismatique. La supériorité de la virginité, c’est Jérôme, non pas qui l’inventa, non pas qui la prêcha Je premier, mais qui la défendit avec une ardeur exclusive. Cette virginité c’était le fruit le plus pur de la maternité sainte. Celle-ci seule pouvait la produire. C’est sa plus grande et sa plus utile occupation pendant ce IVe siècle où nous arrivons, comme jusqu’ici sa plus noble mission a été d’enfanter l’héroïsme et d’encourager au martyre.


A suivre... § II.
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Message  Monique Ven 24 Fév - 8:30

§ II. — La première religieuse de l'Occident.— « L’honneur et l’excellence de la vie régulière des communautés n’était pas encore connues dans la ville de Rome, parmi les dames de qualité. Marcelle n’osait pas en prendre l’habit parce qu’il y était en fort petite estime. Néanmoins elle avait été informée de ce qui se passait en Egypte et en la Thébaïde par le saint évêque Athanase et par Pierre, son successeur, qui vinrent à Rome, comme à un port de salut, pour éviter la persécution des Ariens.

L ’histoire du grand saint Antoine, qui vivait encore en ce même temps, vint entre ses mains par le moyen de ces illustres prêtres qui l’instruisirent de la règle que le Bienheureux Pacôme faisait observer dans ses communautés, et dont plusieurs vierges et veuves faisaient profession.

Marcelle, connaissant que cette vie était agréable à Dieu, fut bien aise de l’embrasser. Elle eut plusieurs dames qui la suivirent en cette sainte résolution. Mélanie et plusieurs autres furent du nombre. Dieu lui fit la grâce qu’étant entrée dans la connaissance de la vénérable Paula, sa fille Eustochie, que nous pouvons appeler la gloire de la virginité, a été élevée dans sa chambre, de sorte que l’on peut aisément juger de la qualité de la maîtresse d ’une telle novice. »

C’est ainsi que saint Jérôme — et j ’ai donné la naïve traduction d’un théologien contemporain de Corneille — nous raconte la fondation d’un conventicule sur le « mont Aventin où loge la Bienheureuse Marcelle ».


A suivre...
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Message  Monique Sam 25 Fév - 6:18

Il ne faut pas prendre le mot communauté, dont se sert notre traducteur, dans le sens qu’il a aujourd’hui. Le logis de la Bienheureuse Marcelle, sur l’Aventin, était un des riches palais de Rome. Jérôme le nomme plus justement L'Église domestique.

Il s’y réunissait des veuves, des femmes mariées, accompagnées parfois de leurs filles. Elles s’y encourageaient dans la vertu, organisaient les bonnes œuvres, cherchaient à procurer le développement de l’Eglise, l’affermissement de la société chrétienne. On y priait en commun, on y étudiait, car on y cherchait autant le développement de l’intelligence que l’élévation de l’âme. L ’étude approfondie du grec, de l’hébreu même, naquit de ces réunions. Après les avoir quittées, chacune reprenait le cours de sa vie sociale et domestique, de ses charités, de ses dévotions particulières. Marcelle seule, en ce début, peut être rapprochée des religieuses d’aujourd’hui. Elle avait renoncé aux secondes noces, s’était éloignée du monde, avait vendu ses bijoux pour en donner le prix aux misérables, changé ses vêtements de soie pour une tunique de laine brune, comme en portaient les pauvres. Elle passait sa vie dans le travail, l’exercice de la charité et de la pénitence, jeûnant, priant, veillant.

Si c’est elle que toutes les religieuses de l’Occident peuvent considérer comme leur première mère, c’est elle aussi qui nous fournit l’embryon du premier monastère. Non pas qu’elle menât une vie de recluse. Elle sortait accompagnée presque toujours par sa mère Albina, la plupart du temps pour visiter les tombeaux des saints Apôtres. Mais elle aimait la solitude. Pour se la procurer, elle se retirait souvent avec quelques-unes de ses parentes dans une maison de campagne qu’elle avait, probablement à l'Agro Verano, où l’on a découvert dernièrement les tombes de beaucoup de vierges romaines. Ce fut le premier monastère. Saint Jérôme emploie le mot, pro monasterio, en guise de monastère.


A suivre...
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Message  Monique Dim 26 Fév - 5:48

La conduite de Marcelle fut d’abord regardée comme une « ignominie ». Elle fut bientôt imitée par une autre grande dame romaine, Sophonie ; et bientôt, crebra virginum monasieria, monachorum innumerabilis multiiudo, les monastères de femmes devinrent nombreux et les moines innombrables.

Ces Mères de l’Eglise au IVe siècle appartenaient au plus haut patronat. Toutes ou presque toutes descendaient des héros, des illustres capitaines, des grands citoyens qui avaient fait de Rome la maîtresse de l’univers.

D’Asella, sans doute, nous ne savons bien que la perfection de sa vie (qu’il faut étudier dans les lettres de saint Jérôme à Marcelle, pour connaître la vie religieuse du IVe siècle). Mais Marcelle avait refusé d’épouser Cerealis, parent de Constantin le Grand, et oncle du César Gallus.

Sa mère Albina était vraisemblablement la sœur du grand prêtre de Jupiter. Fabiola descendait du grand Cunctator, de ce Quintus Maximus Fabius, qui Cuncictndo résiliait rem, qui sauva Rome par ses habiles temporisations. Furia, qui fit plus tard partie de l'Eglise domestique, appartenait à cette gens Furia dont le chef était ce prodigieux Furius Camillus, aussi vénéré que Romulus et qui peut être regardé comme le second fondateur de la puissance romaine.

Nous parlerons bientôt de Mélanie. Saint Jérôme nous nomme encore Félicité, que nous ne connaissons pas plus que Sophonie. Il indique aussi Marcellina. Celle-ci, fille d’un gouverneur des Gaules, était la sœur d’Ambroise, préfet de Ligurie et qui devint saint Ambroise. Les plus illustres de ces Romaines étaient Paula et ses deux filles Eustochium et Blesilla, qui réunissaient sur leurs têtes toutes les gloires de l’histoire: Paula descendait par sa mère du glorieux Macédonien Paul-Emile, et des Scipion ; par son père, d’Agamemnon, le roi des rois; elle avait épousé un descendant d’Énée. En même temps qu’elle est la plus glorieuse, elle est pour nous la plus importante et, elle surtout, nous la retrouverons.


A suivre... § III.
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Message  Monique Lun 27 Fév - 6:49

§ III. — Le premier moine au Sénat romain. — Malgré leur grandeur sociale et morale, malgré leur vertu suréminente, leur charité, leur dévouement, leur amour du savoir, l’exemple de ces sages matrones ne produisit pas d ’abord l’effet entraînant que tant de qualités ainsi réunies devaient faire supposer. C’était un exemple féminin. Le catholicisme n’avait pas encore eu le temps de donner à la femme la situation égalitaire, parfois prépondérante, que nous pouvons constater dans le développement de l’histoire moderne.

Rome admirait la femme, à l’état exceptionnel, à l’état de l’héroïne. Son culte pour les grands hommes, qui lui avaient conquis l’empire du monde, lui donnait le respect des matrones historiques. Elle leur permettait le superbe orgueil mais aussi la faiblesse ; et le dédain pour l’espèce féminine n ’en était pas diminué. Il fallait un effort plus saisissant d’abord, plus pittoresque ensuite, surtout plus continu, plus accompagné d’éloquence enflammée, pour réduire les grands représentants de la fierté romaine à comprendre l’abnégation chrétienne.

Cette fierté, en effet, était attachée à l’ancienne religion. Le paganisme, c’était Rome conquérant l’univers ; c’était les grands ancêtres. Pour les patriciens, c’était, en outre, l’usage, l’abus même, mais l’abus permis, de ces immenses richesses que les dépouilles de la terre avaient données à ces ancêtres ; c’était surtout la haine contre cette religion égalitaire qui faisait monter les esclaves jusqu'à eux e t leur conseillait à eux-mêmes de descendre jusqu’à la pauvreté. L’Olympe, c’était Horace, Virgile, Cicéron, Catulle, les Belles-Lettres, toutes les élégances de l’esprit. Enfin, s’il avait perdu la puissance, Jupiter avait conservé ses fêtes. Les grandes charges religieuses donnaient encore à l’aristocratie romaine des titres sonores, des restes d’autorité traditionnelle. La pauvreté chrétienne n’était donc pas entrée au Sénat. Elle y entra.


A suivre...
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Message  Monique Mar 28 Fév - 9:11


C'est en 341 qu’Athanase vint à Rome; vers 380 que l'Eglise domestique florissante poussait les fidèles au cénobitisme. En 397, on vit pénétrer dans le Sénat, un homme, pieds nus, vêtu comme un pauvre, d’une étoffe de laine brune, dépouillé non seulement de sa toge et des insignes proconsulaires mais de la laticlave, marque de la dignité sénatoriale. Il s’avançait avec une majesté tranquille et alla s’asseoir auprès d’Albinus, le prêtre de Jupiter.

Il en avait le droit, il était sénateur, fils et petit-fils de consul, « la gloire de cette gens Furia, descendant de Camille ». C’était Pammachius, le célèbre contradicteur de Symmaque. Il venait de perdre sa femme, « fille de Paula, cette descendante d’Agamemnon, de Paul-Emile et des Scipions». « Il avait pris le costume du cénobite et de prince s’était fait pauvre. » Il était renommé autant pour la dignité de son caractère que pour l’activité de son esprit. Toute fois, c’était la première fois que le costume méprisé du moine et du moine oriental se montrait dans le Sénat, et approchait de ces sceptiques, presque tous encore païens. Ils ne comprenaient rien à ce Mane, Thécel, Pharès que leur envoyait la Providence.

Ils criblèrent de railleries ce collègue insensé. Pammachius ne s ’en émut pas. Il ne voulait pas quitter cette assemblée où il avait à défendre les intérêts de la société chrétienne et il avait résolu de prendre de la vie cénobitique tout ce qui ne l’empêcherait pas de veiller à cette grande cause. Il savait qu’il avait pour lui l’avenir ; il pressentait que cet avenir était prochain ; et, en somme, comme l’écrivait saint Jérôme, deridentes ipsi derisit, ce fut lui que la Providence chargea de railler ces railleurs.

Elle lui donna, toujours en vue de cet avenir, une autre mission, moins grande sans doute que de prêcher la pauvreté et la patience à ces futurs esclaves des Goths. Elle était utile pourtant. Pammachius doit être considéré comme le fondateur, en Occident, de ces maisons de refuge, de ces hospices qui devaient sauver tant de misérables, tant de voyageurs, pendant les siècles qui vont suivre. De concert avec Fabiola, il fonda à Port-Romain, aujourd’hui Ostie, un xenodochium, un hôpital, dont on a retrouvé dernièrement les restes et dont la renommée se répandit partout, « jusque chez les Parthes » L ’exemple de Pammachius eut l’effet saisissant ; voici l’exemple pittoresque.


A suivre... § IV.
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Message  Monique Mer 1 Mar - 5:57

§ IV. — L e triomphe de la pauvreté. — La -scène nous est dépeinte par saint Paulin de Noie, personnage consulaire et sénatorial, neveu du poète Ausone, lui-même poète gracieux, prosateur élégant, saint attrayant, de la race de saint François de Sales.

Il nous montre une vieille femme quittant Jérusalem au mois de m ars de l’an 402, débarquant à Naples après vingt jours de traversée, montant sur le plus vil des ânes et se dirigeant vers Rome. Nous la voyons bien. Elle a soixante ans, sa figure noircie par le climat de Judée est encadrée de cheveux gris. Elle porte une robe brune de laine grossière, sous un manteau de paille tressée. Il y avait trente-sept ans qu’elle avait quitté Rome. Les parents et les amis qu’elle y avait jadis étaient venus l’attendre à Naples. Elle avait décidé qu’elle s’arrêterait à Noie où demeurait Paulin, qui était venu bâtir une église auprès du tombeau du martyr Félix, patron delà Campanie.

« Nulle part, écrit-il, on ne vit contraste plus rempli d’enseignements que celui de cette matrone et de son entourage ; et il le fut à la gloire du Seigneur. Elle marchait en avant, assise sur un bourriquet maigre, plus vil que tous les ânes du monde tandis que, derrière elle, les sénateurs de son cortège, rivalisant de magnificence, nous étalaient à l’envi les uns des autres toutes les pompes du siècle. La voie Appienne étincelait et gémissait à la fois sous la multitude de leurs chevaux superbement harnachés, sous le roulement des chars couverts d’or, le balancement des litières, le croisement des véhicules qui l’encombraient; mais un seul rayon d’humilité chrétienne effaçait ces splendeurs de l’orgueil. Les riches admiraient celle qui était pauvre, les profanes celle qui était sainte, et elle, elle se moquait de leurs richesses. Nous vîmes là une confusion digne des triomphes de Dieu ; l’or, la pourpre, la soie, s’abaissant devant la serge noire et usée et se faisant ses serviteurs. Nous bénîmes alors le Seigneur qui rend sages ceux qui sont humbles, fait de l’humilité la suprême élévation et laisse les riches dans l’indigence. »

Quand elle descendit de sa monture, les hommes jetèrent sur le sol leurs toges de pourpre, afin qu’elle y posât le pied, les femmes repoussèrent leurs voiles de lin brodés d’or, demandant à revêtir son lourd manteau : on eût dit qu’ils voulussent expier leur immense fortune.


A suivre...
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Message  Monique Jeu 2 Mar - 8:39

Cette vieille femme c’était l’illustre Mélanie, de famille consulaire, une des servantes de l’Église, les plus actives, les plus fermes, les plus dévouées qu’il y eût alors. Ses paroles, son apparence, ses exemples, notifiaient à l’aristocratie romaine que toute cette pompe qui la suivait brillait de son dernier éclat. Sa pauvreté représentait l’avenir; elle symbolisait l’état prochain de la civilisation.

Elle avait reçu ainsi la mission que la Providence donnait aux sages esprits du temps, la mission d’indiquer que l’indigence volontaire, l'habitude de la simplicité, de l’austérité, le noviciat de la patience étaient les seuls remèdes contre l’inénarrable misère qui allait fondre sur les heureux du monde.

Les chrétiens du ive siècle voyaient l’avenir plus clairement qu’on ne l’a dit. Toutefois comme le patriotisme et les restes de l’orgueil qui avait fait l’énergie des citoyens romains leur cachaient le caractère inguérissable de la corruption, ils espéraient encore. « Si Rome voyait souvent le spectacle que votre piété lui donne, elle pourrait échapper aux malheurs qui la menacent, » écrivait Paulin à Pammachius.

Les esprits moins fins, mais plus fermes, n’avaient même plus cette espérance. « La dernière heure approche et vous voulez vous immobiliser dans les vanités de la vie. Vous croyez vainement que vous pouvez jouir tranquillement des grands biens que vos ancêtres vous ont légués. » Ce sont les prophétiques paroles de Mélanie, que l’historien Palladius nous transmet.


A suivre...
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Message  Monique Ven 3 Mar - 5:43


Les esprits plus vigoureux encore, voyant le mal inévitable, en indiquaient les palliatifs. Saint Jérôme, avec sa merveilleuse perspicacité et l’imperturbable ténacité de sa logique, répétera sans cesse : « Oui, voilà la désolation du siècle ; le fer ennemi nous menace de mille terreurs ; celui-là va être assez riche qui ne sera pas obligé de demander son pain; celui-là assez puissant qui pourra éviter la servitude ».

Et voici les mots qui illuminent Faction de toute sa vie : « Habituez-vous à la faim et au jeûne. Ce n’est pas que Dieu se réjouisse de vous voir souffrir, mais c’est que votre vertu ne peut être en sûreté autrement. » Il conclura par deux pensées saisissantes.

L ’une touche aux profondeurs de la plus sage philosophie humaine : « Cette femme a moins souffert parce que la captivité ne l’a pas faite, mais l’a trouvée pauvre. » L ’autre est ravie aux lumières du ciel : « Les temps sont venus dont l'Écriture a pu dire :

« Malheur à celles qui seront mères en ces jours-là! Qui seront les élus alors? Ceux qui présenteront à l’Agneau les vêtements blancs, c’est-à-dire les Vierges. » C’est ainsi qu’en prêchant la virginité et en démontrant l’utilité de perdre tout égoïsme maternel, Jérôme va travailler à constituer la maternité sainte.


A suivre... § V.
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Message  Monique Sam 4 Mar - 5:39

§ V. — La Maternité qui crée les saints. — Bien des écrivains, Tertullien, le pape Damase, saint Ambroise, vingt autres, avaient déjà combattu avec vigueur la chair païenne. Pour en triompher, il fallait des efforts répétés et la pleine liberté des mouvements. Il fallait également continuer de combattre l’esprit païen, et lui porter les derniers coups avant l’avènement de l’ignorance Barbare. Avant la destruction ou tout au moins la diminution des documents, des livres, des monuments, il était tout d’abord nécessaire de déterminer le texte authentique de l’Ancien Testament. La Providence inspira donc à Jérôme de quitter Rome. Il donne les raisons de cette détermination que partagèrent Paula et sa fille Eustochium :

Rome montrait le spectacle que l’histoire nous a appris à connaître. La victoire a des effets logiques : elle encourage les vainqueurs à se reposer, elle endort la vigilance, enfle la vanité, offre les moyens de satisfaire les passions. Les vaincus, de leur côté, essayent de reprendre par la ruse ce que la force leur a enlevé. Le paganisme, cédant sous la doctrine et sous l’influence politique, mais vivant encore dans les habitudes et les mœurs, s’efforçait de se venger par la corruption. Le catholicisme, qui avait cessé d’être fouetté par le martyre, ne se composait plus de l’élite morale de l’humanité. Il ouvrait ses bras à tous; et comme il était triomphant et puissant, tout accourait, les lâches comme les ambitieux, les indifférents comme les hypocrites. « La charité s’était refroidie, » dit Jérôme, atténuant le mal. Plus tard il écrira contre « ces veuves, ces vierges même qui s’en vont de maison en maison prêchant le relâchement ».

En maint autre endroit de ses œuvres il constate que si la foi est toujours aussi ferme, les mœurs sont en péril. Il ne voulait pas user ses heures à lutter contre les bavardages corrupteurs et les taquineries du vice. En dehors même de l’archange gardien de la civilisation humaine qui le poussait loin de Rome, il voulait être hors de la contagion pour la mieux juger et la combattre plus largement.

Puis quelle vie, même pour les plus sages; quelle perte de temps, de patience, de charité! « On vous visite. Si vous recevez, adieu le silence. Si vous fermez votre porte, vous êtes orgueilleux. Si vous rendez les visites reçues, il faut aller à ces portes splendides, traverser, au milieu des esclaves qui caquettent et murmurent, ces appartements dorés. Voilà Rome. » Et, dans une de ses lettres à Marcelle, il appuiera sur le trouble que cette vie apporte à la prière et au travail.


A suivre...
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Message  Monique Dim 5 Mar - 5:42

Le travail et la prière, c’était donc ce que lui et ses saintes compagnes allaient chercher loin de la Ville, et s’il se rendait près de Jérusalem , c’est que la Judée était le reliquaire du Sauveur. Là surtout il trouverait Jésus, Ses inspirations moins refroidies, Son amour plus brûlant, la trace de Ses pas bénis, les échos moins affaiblis de Ses caressantes consolations. Mélanie, installée au mont des Oliviers, vivait dans la mort de Jésus, Jérôme et Paula vécurent dans sa naissance: ils bâtirent à Bethléem deux monastères, et un hospice pour les étrangers. De plus, en Jérôme, le savant joignait la conscience minutieuse de l’érudit à la puissance de l’intelligence; il voulait, afin de traduire plus fidèlement les Livres Saints, étudier la géographie surplace, apprendre mieux l’hébreu et le chaldéen et conférer avec les rabbins juifs.

Je résiste à raconter longuement cette vie sainte et savante où la pénitence et la poésie se mêlent, où la solitude est nécessaire pour le labeur immense et où pourtant la plus active partie du monde connu semble se donner rendez-vous. « On vient ici du monde entier, écrit-il, et quand un visiteur s’apprête à partir, on me demande tant de lettres que je n ’y arrive pas. »

Ses voisins sont l’austère et énergique Mélanie, l’historien Rufin, Jean, l’évèque de Jérusalem; voisins que la querelle sur l’hérésie d’Origène devait bientôt irriter contre le solitaire de Bethléem. Les correspondants, les visiteurs, ce sont d’abord les grandes matrones romaines, ces merveilles de la vertu et de la charité, Marcelle, Fabiola, Furia, Blesilla, Læta, Asella, Principia, Salvina, mère de Théodose, fille du roi africain Gildon, une de ces matrones, non pas de Rome mais de Constantinople, dont saint Jean Chrysostome nous apprend le zèle.

C’est Pammachius, Gaudentius, Népotîen, ces amis de son cœur. C’est Paulin de Noie et son épouse Thérésia à qui il redira le mot prophétique : « N’attendez pas le malheur pour vous faire malheureux ». C’est le pape Damase dont il est le conseil; c’est saint Épiphane, c’est saint Augustin et ses deux amis Alypius et l’historien Orose ; c’est Licinius, puis sa veuve Théodora, Licinius grand seigneur d’Espagne, passionné pour la science, qui d ’abord lui avait envoyé six copistes pour copier ses œuvres et qui bientôt suit ses copistes ; c’est Hébidia, Armoricaine, de race druidique, beau type de la puissance intellectuelle de la femme gauloise, et deux autres nobles matrones de la Gaule, Artemia et Algésia.


A suivre...
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Message  Monique Lun 6 Mar - 8:10

Dans cette correspondance étendue, l’historien peut retrouver tout le ive siècle. Nous n’avons à y chercher que le foyer domestique. Nous l y trouvons entier, dans toutes ses nuances, dans celles surtout qui constituent la Maternité sainte. Il faut l’y chercher dans cette lettre — je devrais la qualifier d ’admirable, mais il faut en dire autant des autres — cette lettre à Eustochium que Montalembert, je crois, a nommée le Code de la Virginité; dans l’épître à Démétriade; dans la lettre à Gaudentius sur l’éducation de sa fille ; dans la lettre à Salvina sur l’éducation de ses deux enfants; dans la lettre à Læta, qui s’occupe de la sainteté quand la précédente pense surtout à la piété; dans la lettre à Népotien où il trace les règles de la vie sociale du sacerdoce; dans la lettre à Furia sur les secondes noces ; dans cette lettre à Marcelle que nous avons citée, où il lui prêche les joies de Bethléem et où il met la vie chrétienne en contraste avec la vie mondaine ; dans une autre lettre à Marcelle sur la maladie de Blesilla, où il revient sur le veuvage. Les trois plus importantes sont avec celle à Eustochium sur l’éducation de la religieuse, celle à Népotien sur l’éducation du prêtre, celle à Paulin sur l'éducation du moine.

Là, partout Jérôme poussait principalement à la vie religieuse. Il continuait par ses écrits, avec son âpre ardeur et sa hardiesse imperturbable, le com bat en l’honneur de la virginité, que saint Ambroise soutenait par la parole. Combat que je m ’obstine à appeler providentiel. L ’un et l’autre y développaient une telle éloquence que les mères de Milan empêchèrent leurs filles d’aller au sermon et que les monastères s’élevaient partout. Il y avait, dit Rufin, « autant d’habitants dans les déserts que dans les villes ». « Que Rome ait son tumulte, l’armée ses fureurs, le cirque ses folies, les théâtres leurs dissolutions, que le sénat des matrones soit visité chaque jour par les mondains, nous, notre bonheur est de nous attacher au Seigneur seul! » s’écrie saint Jérôme. « Ne cherchons pas à posséder à la fois le Christ et le monde. »

Il conclut avec son implacable logique si nécessaire alors : « Quand même une mère, les cheveux épars, les vêtements déchirés, te montrerait le sein qui t ’a nourrie, quand même un père se coucherait sur le seuil de la porte, passe par dessus un père, par-dessus une mère et vole, l’œil sec, vers l’étendard de la Croix. » Il dit à Furia : « Vous avez appris par le mariage lui-même les ennuis du mariage, pourquoi vous laisser prendre deux fois au même piège? » A Eustochium : « Je loue le mariage parce qu' il nous donne des Vierges, je tire des épines la rose, l’or de la poussière et la perle du coquillage. »


A suivre...
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Message  Monique Mar 7 Mar - 9:40

On devine la fureur que ce spiritualisme sans transaction inspirait aux païens et aux semi-païens. Jérôme ne s’y est pas trompé. « Je sais bien que les puissants s’élèvent contre moi et que les patriciens m ’injurient. » Le peuple était d’accord avec les sénateurs : « Ce sont les jeûnes qui ont tué cette jeune femme et elle ne  laisse pas d’enfants parce qu’on l’a empêché de se remarier. Il faut chasser cette détestable race de moines et les jeter dans le Tibre. »

Il ne faut pourtant pas croire que Jérôme voulût la fin du monde : « Le mariage a son rang, les noces leur honneur, et leur sainteté ». « Il ne faut pas contraindre l'homme à mener sur la terre la vie des anges. Les noces, je le veux bien, sont un don de Dieu, mais le don de la virginité est bien supérieur. » Il disait d’une façon pittoresque, sa théorie : « La bonne terre, nous dit l’Évangile, n’est pas également féconde, l’une produit cent fruits, c’est la virginité; l’autre soixante, c’est la viduité pieuse; l’autre seulement trente, c’est le mariage chaste et chrétien. »

Tout en voulant faire l ’éloge de la virginité, il dicte les leçons qui doivent servir à l'épouse et à la mère. Il n ’a pas sans doute cherché à donner un cours complet de pédagogie sainte. Toutefois, en recueillant çà et là toutes les règles que le catholicisme avait jusqu’ici pratiquées plutôt que formulées, et en nous laissant le soin de les rassembler, il nous donne le code du foyer domestique. C’est ce corps de doctrines qui aidera la civilisation à triompher de la Barbarie et que nous retrouverons dans le cours des siècles, en esquissant les Mères des Saints.


A suivre... § VI.
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Message  Monique Mer 8 Mar - 5:37

§ VI. — La leçon de l'avenir. — Mélanie s’écriait : « L ’heure approche ! » Jérôme écrivait : L’heure est venue. Faites-vous pauvres pour moins souffrir de la pauvreté. Ne mettez votre espérance que dans le Seigneur. Un jour une des plus grandes dames de Rome arrive à Bethléem. Elle était ensanglantée. Quand elle fut entrée dans l’hôpital des étrangers, elle défit les linges sanglants qui lui entouraient le sein, et elle tomba morte. Elle avait quitté Rome avec une blessure à la gorge qu’elle n’avait pas pu soigner pendant le voyage; quand on avait mis cette blessure à nu, la plaie s’était ouverte et le sang avait jailli avec violence. Cette morte était parmi les plus heureuses. Bien d’autres femmes de Rome avaient été égorgées après avoir souffert mille angoisses et mille tortures, pendant les horreurs d’une ville prise d’assaut par les plus farouches des hommes. « Les filles des sénateurs étaient devenues esclaves, leurs femmes servantes. »

Les Goths avaient pris Rome! Pendant trois jours et trois nuits, ils l’avait mise à sac après un long siège où l’on avait souffert une terrible famine.

« La brillante lumière qui éclairait toutes les terres est éteinte, la tête de l’empire est tranchée ; avec la mort d’une seule ville, le monde entier périt! » C’est le cri désolé de Jérôme et il faut lire dans la préface de sa traduction d’Ëzéchiel, dans sa lettre à Principia « la ruine de cette fière souveraine des nations, sépulcre de la plupart de ses enfants et qui envoie par tout l’Orient ses fils et ses filles esclaves ».

Alaric, par un caprice inexpliqué, respecta uniquement la basilique de Saint-Pierre et Saint-Paul. C’était la leçon de l’avenir : « Attachez-vous au Seigneur seul. » Dieu donnait encore raison à son serviteur qu’on avait tant raillé quand il attirait à Bethléem les âmes saintes : Bethléem servait d’hospice au Sénat romain. Il avait réservé à Jérôme une plus haute mission encore en le faisant, en quelque sorte, un des législateurs du mariage chrétien et non des moins importants ; car l’orgueil romain admettait plus aisément le sacrifice de la vie que des passions, plus facilement le martyre que la virginité. Nous venons de voir à l’aide de quelle éloquence et de quelles circonstances la vie cénobitique fut introduite dans les mœurs romaines. Dès lors la Maternité sainte est définitivement fondée et nous pouvons exposer les détails de son histoire.


A suivre... LIVRE II - Les Grandes Chroniques de la Maternité sainte du IVe a u XVIIIe siècle.
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