Le Martyre de la Vendée.

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Message  Louis Ven 29 Juil 2016, 5:35 am

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V

EXÉCUTION DE L'ABBÉ GOGUET, AUMÔNIER DE CHARETTE

C'est probablement vers le mois d'avril 1796, peu de temps après l'exécution de Charette, qu'il faut placer la mort tragique de son aumônier, l'abbé Goguet.

« En examinant les papiers de Charette, dit Monseigneur de Beauregard, le général républicain Gaultier avait trouvé une lettre sans signature, adressée au chef vendéen, la veille du jour où il fut pris. On avait d'abord regardé cette lettre comme insignifiante. Cependant, comme elle portait l'offre de lui envoyer quelques volontaires, que le correspondant anonyme avait rassemblés, on la mit en réserve, pour l'examiner en temps et lieu.

« Sur ces entrefaites, Gaultier prit des mesures pour soumettre la paroisse de l'abbé Goguet, et le malheureux abbé écrit au général, pour l'assurer que les habitants et lui-même restent désormais soumis.

« Alors, rapprochant ces deux lettres, on en trouve l'écriture identique.

« Gaultier se rend sur les lieux ; il fait comparaître l'abbé Goguet, lui présente la lettre non signée et lui demande s'il la reconnaît.

— Je ne sais pas mentir, répond le prêtre ; elle est de moi.

— Vous avez mérité la mort, dit le général ; vous avez manqué à votre soumission. Il y a ici près un curé ; je vais l'envoyer chercher ; je vous laisserai avec lui, et nous en finirons.

« L'abbé Goguet avait le Saint Sacrement dans une petite valise. Quand il eut passé une heure avec le prêtre qu'on avait fait venir, Gaultier rentra.

— Votre confrère a ici un dépôt religieux, dit-il à cet ecclésiastique ; vous voudrez bien le prendre.

« L'aumônier marcha courageusement à la mort. Arrivé sur le bord de la fosse qu'on avait creusée pour lui, il se met à genoux et fait une courte prière, puis, il se relève, tend les bras et tombe sous le coup des balles (1). »
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(1) Mémoires, pp. 130-131.

A suivre : VI. DOULOUREUX SÉJOUR DU VICAIRE GÉNÉRAL DE LUÇON JEAN BRUMAULD DE BEAUREGARD EN VENDÉE, DU MOIS DE JUILLET 1795 AU MOIS DE JUIN 1796.

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Message  Louis Sam 30 Juil 2016, 5:50 am

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VI

DOULOUREUX SÉJOUR DU VICAIRE GÉNÉRAL DE LUÇON JEAN BRUMAULD DE BEAUREGARD EN VENDÉE, DU MOIS DE JUILLET 1795 AU MOIS DE JUIN 1796.

En nous racontant les péripéties et les périls de son séjour en Vendée, de juillet 1795 en juin 1796, le vicaire général de Luçon, Jean Brumauld de Beauregard, nous présente une vue d'ensemble et comme un tableau de la situation du pays, durant cette période indécise de la persécution révolutionnaire.

En serrant la trame de son récit, nous pouvons en donner tous les traits intéressants qui entrent naturellement dans le cadre de notre ouvrage.

I. — Périlleux retour de Jean de Beauregard, d'Angleterre en France : son ministère à Beaufou.

Nous avons laissé l'abbé Jean de Beauregard à Londres, au commencement de l'année 1793.

Vers la fin d'avril 1795, il est mandé par Monseigneur de Hercé, le futur martyr de Quiberon, exilé comme lui.

« Je me rendis chez le prélat, nous dit-il. Dès qu'il me vit entrer, il me demanda si je craignais la mort.

« Je lui répondis que, s'il s'agissait de donner ma vie pour l'accomplissement d'un devoir, j'espérais avoir le courage de le faire.

« Alors, il me confia le projet d'expédition pour Quiberon, et me demanda si je voulais passer en Vendée, pour en prévenir Charette.

« J'acceptai cette mission. Je partis avec l'abbé Gruchy, Anglais d'origine, qui avait été vicaire dans plusieurs paroisses de la côte vendéenne. »

Les deux exilés arrivaient près du cap du Finistère, lorsque tout à coup un bruit formidable les avertit que le vaisseau touchait sur un récif inconnu du capitaine anglais. Celui-ci s'élance sur le pont. Craignant de couler bas, tout l'équipage était monté dans les haubans et jusque dans la hune.

« L'abbé Gruchy et moi, dit l'auteur des Mémoires, nous étions près du cabestan. Nous nous promîmes l'un à l'autre de nous donner l'absolution, et nous restâmes en paix. »

Le navire se dégagea, et convoyé par une frégate, il regagna, par un long détour, les côtes d'Angleterre.

Le 12 juin, les deux émigrés reprenaient la mer, et le 26, ils arrivaient dans les eaux de Quiberon.

« Nous mouillâmes près de l'île d'Owate, dit l'abbé de Beauregard, et le lendemain 27 juin, à 6 heures du matin, le vaisseau jeta l'ancre dans la baie. Notre frégate accosta l'île d'Owate pour faire de l'eau.

« J'y descendis. C'était le temps des fleurs. La côte était couverte d'une si grande quantité d'œillets, qu'on avait peine à en supporter l'odeur.

« On voyait partout la plante qui donne la ouate. »…

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Message  Louis Dim 31 Juil 2016, 5:25 am

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« On voyait partout la plante qui donne la ouate. »

Bientôt les deux passagers se rembarquent sur une mauvaise chaloupe, qui les conduit à la hauteur de Saint-Gilles, et les dépose heureusement à la côte, pendant la nuit.

Une fois débarqués, ils marchent à l'aventure, à travers les sables. Tout à coup, par un clair de lune, ils aperçoivent deux cavaliers, enveloppés dans des manteaux blancs. C'étaient des gendarmes, qui allaient de Saint-Gilles à Saint-Jean-de-Monts. A cette vue, ils se blottissent dans un trou des dunes. Les gendarmes s'éloignent et les deux voyageurs, reprenant leur route, arrivent à une maison entourée de fossés, près du moulin à vent de Sion : c'étaient les Clouzils.

Ils traversaient un beau champ de froment, quand l'abbé de Gruchy croit reconnaître la contrée.

—  Nous sommes dans la paroisse de Soullans, dit-il.

—  Eh bien ! dit  l'abbé de Beauregard, allez à la découverte.

Comme ils se disposaient à se cacher dans le blé, qui était presque de la hauteur de leur taille, ils voient s'avancer vers eux trois hommes armés de faux.

L'un d'eux leur crie : Qui vive.

—  Royalistes, répondent-ils.

—  Et nous aussi ; venez à nous.

Les émigrés disent qu'ils se rendent auprès de Charette, et on leur offre de les conduire, en les avertissant qu'ils ne pouvaient voyager que la nuit.

Le lendemain, un homme vient les prendre à 8 heures du matin. Ils suivaient des sentiers détournés, et ils arrivent, à la nuit tombante, dans un pays boisé, qui se trouve à l'extrémité de la paroisse de Soullans.

En passant près d'un quéreux , ils voient sortir de l'obscurité du bocage un vieillard vénérable, suivi de toute sa famille.

Reconnaissant l'abbé de Gruchy, qui avait été vicaire de Soullans, le père et la mère se jettent à son cou et l'embrassent en pleurant. Les fils et les gendres lui prenaient et lui baisaient les mains.

On escorta les deux voyageurs jusqu'à Saint-Etienne-du-Bois, où se trouvait un commandant d'une des divisions de l'armée vendéenne.

Cet officier fait venir des cavaliers, qui prennent les deux prêtres en croupe, et les conduisent à Belleville, quartier général de Charette.

Après avoir rempli son message près du chef vendéen, l'abbé de Beauregard…

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Message  Louis Lun 01 Aoû 2016, 5:49 am

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Après avoir rempli son message près du chef vendéen, l'abbé de Beauregard partit pour Saint-Laurent-sur-Sèvre. Ses vêtements étaient délabrés. « Les sœurs, nous dit-il, trouvèrent dans leur cache, de quoi me faire une soutane, une ceinture et une calotte.

« En revenant de Saint-Laurent, je passai chez le général Charette, et je dînai avec lui. Nous étions assis sur des bancs de bois. Le repas, très pauvrement servi, se composait de deux plats. Seulement, le général avait reçu une bouteille de vin de Bordeaux, que nous bûmes dans de petits pots de terre, à la santé du roi. Nous étions six personnes à ce festin.

« Je dis à Charette qu'en venant chez lui, j'avais rencontré Madame Le Roux de la Corbinière, qui m'avait dit que si je ne trouvais rien de mieux, elle m'offrait un mauvais lit et une pauvre table. Il me conseilla d'accepter. Cette dame, que j'avais connue à Luçon, et qui habitait la paroisse de Beaufou, me reçut avec une grande cordialité.

L'église de Beaufou avait été brûlée ; il n'en restait qu'un petit coin dans une assez grande chapelle. On me dit que le curé, nommé Jousbert-de-la-Cour, était vieux et un peu cassé, et que je serais là d'un grand secours.

« Gruchy vint me trouver. Je l'envoyai en mission à Venansault, dont il eut bientôt rappelé à Dieu les habitants, auxquels j'avais jadis donné pour curé mon précepteur, le vénérable Monsieur Thomas.

« Je fus voir mon vieux curé de Beaufou, et je lui offris mes services en qualité de vicaire. Il crut d'abord que c'était une moquerie.

« Je lui dis : Essayez-moi. Il le fit. J'ai vécu et travaillé comme son vicaire, et lui s'était accoutumé à me commander Quand son chantre était malade, il m'ordonnait de venir chanter au lutrin.

« Je disais la première messe et j'y faisais l'instruction. Quand je n'étais pas nécessaire à l'église, j'allais à la maison, suivi de 16 à 20 personnes, que je  confessais.

J'ai vu souvent, à ma première messe, Messieurs de la Bassetière, de Suzannet, de Lézardière, etc.

« Le dimanche soir, je faisais une instruction après vêpres. Mon curé y assistait, assis près de moi, dans une chaise.

« Le mercredi était consacré aux baptêmes, et j'avais souvent à baptiser de 20 à 30 enfants de plusieurs âges. J'allais voir les malades ; j'instruisais à la maison. »

A suivre : II. — Le synode du Poiré-sur-Vie.

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Message  Louis Mar 02 Aoû 2016, 5:52 am

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II. — Le synode du Poiré-sur-Vie.

Le 4 du mois d'août 1795, l'abbé Jean de Beauregard eut la pensée de réunir en synode tout le clergé du diocèse de Luçon, pour y faire publier les ordonnances de Monseigneur de Mercy.

Il fixa, pour le lieu de la réunion, la belle église du Poiré et la grande salle du château désert de Pont-de-Vie.

Il avait fait part de son projet à Charette, qui lui offrit des rations pour les chevaux, et un dîner vendéen pour les prêtres.

Soixante ecclésiastiques se rendirent au synode (1), qui avait attiré un grand concours de peuple. Le vicaire général chanta la messe et prêcha. On se rendit ensuite dans la grande salle du château.

« L'abbé Charette de la Colinière, vicaire général, et moi, nous prîmes nos places, dit l'auteur des Mémoires. Je désignai un promoteur et un secrétaire.  Après avoir fait connaître la signature de Monseigneur de Mercy, je fis lire les ordonnances. On établit, en tête du procès-verbal, les noms de tous les assistants.

« Un des articles de ces ordonnances disposait que l'évêque reconnaissait pour canonique tout ce qui avait été ordonné par ses délégués directs; mais qu'aussitôt que l'un de ses anciens grands vicaires serait arrivé dans le diocèse, tous les pouvoirs cesseraient, excepté ceux de ce grand vicaire.

« Cet article passa assez facilement, sauf l'opposition qu'y fit un religieux de la Chancelade, prieur de Sainte-Marie de l'île de Ré, qui se récria beaucoup, ayant eu des pouvoirs directs dès 1792 ; mais comme le synode déclara qu'on ne le reconnaissait plus, il céda, non sans mécontentement. Peu après, il adopta un système de dissidence qu'il a poussé jusqu'à la non-admission du concordat. Il s'est fait depuis le chef de ce parti, et a placé son siège à Fontenay-le-Comte, où des femmes assez marquantes s'associèrent à son schisme (1).

« On régla l'étendue de la juridiction de chaque ecclésiastique. »

En donnant l'unité de direction à l'administration du diocèse, le synode du Poiré contribua puissamment au maintien de la discipline, et à la conservation de la foi dans les populations vendéennes.
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(1) Sur la liste des prêtres présents au synode, nous relevons les noms de Messieurs Ténèbre, curé de Croix-de-Vie ; Barbedette, curé du Grand-Luc ; Jousbert, curé de Beaufou : Gillier, desservant de Legé, Thouret, desservant de Saint-Etienne-du-Bois, etc. — (1) Il s'agit de l'abbé Doussin, l'auteur du schisme de la Petite-Eglise. Né à Saintes, il est mort dans l'impénitence, à Chagnolet, près de la Rochelle, à l'âge de 80 ans. Il fut successivement prieur de Sainte-Marie de l'île de Ré et curé du Bourg-sous-la-Roche. Il avait suivi l'année l'armée catholique au delà de la Loire. A la bataille de Dol, il détermina la victoire en ramenant les Vendéens au combat, un crucifix à la main.

A suivre : III. —Reprise de la persécution, à la fin de 1795 et en 1796. — Jean de Beauregard se cache dans la forêt de la Chaize-le-Vicomte.


Dernière édition par Louis le Lun 24 Déc 2018, 6:58 am, édité 1 fois (Raison : Correction d'une coquille dans la 2e note.)

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Message  Louis Mer 03 Aoû 2016, 5:52 am

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III. — Reprise de la persécution, à la fin de 1795 et en 1796. — Jean de Beauregard se cache dans la forêt de la Chaize-le-Vicomte.

L'abbé Jean de Beauregard put exercer son  zèle avec  assez de liberté à Beaufou et dans les environs, jusque vers la fin de septembre 1795.

Mais la rupture du traité de la Jaunais, en rallumant les hostilités, ralluma la persécution.

Le 29 septembre, l'abbé de Beauregard recevait l'avis que les Bleus approchaient, et qu'il était prudent de fuir au plus vite et de se mettre en sûreté.

« Sur cet avis, nous dit-il, Madame de la Corbinière, une religieuse, l'abbé Desgrigny, que j'avais connu en Sorbonne et une fille de service se mirent en route, pour se réfugier dans la forêt de la Chaize-le-Vicomte.

« J'étais resté pour faire renfermer dans une cache le linge, les lits, nos vêtements et même du blé. Mais ce qui me retenait surtout, c'est que mon vieux curé avait chez lui la sainte réserve ; et comme il était un peu entêté, il ne voulait ni me la remettre ni partir pour un lieu sûr. Il ne se décida qu'à minuit, quand on vint nous annoncer la présence de l'armée républicaine.

« Je partis. Je me reposai deux heures à la Métairie, sur un banc ; puis, au point du jour, je me remis en route, et je gagnai la forêt de la Chaize.

Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

« Les divisions de l'armée de Hoche s'étaient fortement établies dans leurs postes. Un détachement, commandé par le général Spithal, s'était placé aux Essarts, sur le bord d'une plaine de bruyère, qui s'étendait jusqu'à la Chaize-le-Vicomte et à la forêt de ce nom. Les habitants d'Angliers ne le savaient pas si près. Cependant, nous fûmes avertis qu'il devait marcher sur nous dans la nuit : alors tous, moins la fermière, nous prîmes le parti de nous éloigner.

« Il tombait de la neige : chacun s'enveloppa comme il put. Après avoir longtemps marché, nous attendîmes le jour. Cette nuit, je dormis dans la neige, sur le revers d'un fossé.

« Nous revînmes à la maison. La journée fut tranquille ; mais il fallut fuir encore le soir. Cette fois, nous passâmes la nuit dans un bois. Nous avions de l'eau sous nos pieds. Nous liâmes des branches d'arbres pour nous étendre dessus, et je dormis dans une espèce de hamac, où je me balançais sans toucher la terre. Quand nous rentrâmes à la maison, nous étions tous si lassés par nos courses nocturnes, que nous résolûmes de nous coucher tout vêtus. Notre soirée fut triste.

« Trois sœurs de la Sagesse, qui s'étaient réfugiées avec nous, me demandèrent à retourner à Saint-Laurent, malgré les périls de la guerre. J'avais peu d'argent ; je leur donnai à chacune 30 francs, et aussi une espèce de passeport, dans lequel je recommandais ces mères des malades à la loyauté des chefs militaires, quels qu'ils fussent.

« Nous fîmes tous notre prière. Je mis sur ma cheminée deux montres, environ 250 francs, les saintes Huiles, mon bréviaire, puis je m'étendis sur mon lit, qui était une paillasse.

« Vers les 2 heures du matin, j'entends enfoncer les portes. Au même instant un Bleu entre dans ma chambre, un brandon de paille allumé dans la main.

— Voilà un homme, cria-t-il.

« Trois autres soldats le suivent. Alors, voulant sauver ma boîte aux saintes Huiles, je répandis mon argent dans la chambre ; mais mon bréviaire disparut.

« On ne nous fit aucune violence, et l'on nous réunit dans une grande pièce, où il y avait du feu. Quand ils eurent examiné tout le monde, ils nous divisèrent. On me mit à part ; les Filles de la Sagesse d'un autre côté ; et dans une troisième bande, trois cultivateurs, un domestique, et le jeune de la Rochefoucauld, âgé de 11 ans.

—  « Partons, cria le chef» ; — puis il ajouta : « Lieutenant, conduisez ce prêtre.

« Quatre fusiliers me mirent entre eux. Avant de sortir, je me retournai : « Madame, dis-je à la fermière qui nous avait reçus chez elle, je vous remercie de l'hospitalité que vous m'avez donnée.

« Puis, je dis aux sœurs : Priez pour moi.

« Quand je fus sorti, le lieutenant me dit …

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Message  Louis Jeu 04 Aoû 2016, 6:11 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

« Quand je fus sorti, le lieutenant me dit :

—  Vous avez fait vos adieux ; savez-vous où vous allez?

—  Pas loin, sans doute ; car vous allez me fusiller.

—  Oh! non, dit-il; nous allons au quartier.

—  Dans ce cas, faites-moi rendre mon bréviaire.

« Il le tira de dessous son habit.

—  C'est moi, dit-il, qui l'avais pris pour vous le rendre.

« C'était un  homme du  pays, qui s'était rallié depuis peu à la République, et qui m'avait connu jadis.

« Il y avait dans les chemins de la neige et de la glace. La plus âgée des Filles de la Sagesse chancelait à chaque pas de lassitude et de peur. Je lui offris mon bras. Nous marchâmes deux ou trois heures au moins, et nous arrivâmes aux Essarts, le 15 novembre, à la pointe du jour.

« On nous sépara tous. Je fus mis dans une grande pièce, où il y avait du feu ; je m'en approchai. En un instant, tous les officiers remplirent la salle. Ils juraient, tenaient de vilains propos et s'emparèrent du foyer. J'y réclamai ma place, en leur disant que j'étais glacé et mouillé. Ils se rangèrent.

« Je remarquai parmi eux deux hommes en redingote, poudrés à blanc. Je demandai qui ils étaient.

« De ces deux muscadins, me répondit-on, l'un est le général Spithal, et l'autre est son secrétaire.

— Vos Brigands, me dit un autre, ont arrêté notre pain ; nous mourons de faim ; nous n'avons trouvé qu'une barrique de poires sèches, que le diable ne mangerait pas.

« Peu  à peu,  tous les officiers  sortirent, et je restai seul avec...

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Message  Louis Ven 05 Aoû 2016, 6:18 am

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« Peu  à peu,  tous les officiers  sortirent, et je restai seul avec un jeune homme d'une figure gracieuse. Je lui demandai ce qu'on avait statué sur les filles de la Sagesse.

—  Elles sont aux prises avec le général, me dit-il, vous devrez aller les défendre.

« Je montai, en effet, et je trouvai ces bonnes sœurs, que le général grondait d'être venues en ce pays.

—  C'est moi qui les y ai fait venir pour soigner les malades, lui dis-je. Ces filles ne connaissent point les partis, elles soignent les infirmes partout où ils se trouvent, Blancs ou Bleus. J'ai eu plus de confiance en votre loyauté que je ne le devais, car, hier, craignant votre invasion sur nous, je leur avais donné des passeports, dans lesquels j'invoquais les principes de la modération envers de pauvres filles qui ne pouvaient plus rester parmi nous. Je leur remis quelque argent, vos gens ont pris le reste. J'avais lu dans l'histoire des héros français que les militaires ne devaient faire la guerre ni aux enfants ni aux femmes, je pourrais ajouter, ni aux petites. Laissez aller ces filles et donnez leur un permis.

« Il le fit ainsi. Je fis également relâcher une ursuline, la jeune de la Rochefoucauld et un domestique. Enfin, je lui dis de me laisser aller aussi, mais il me répondit qu'il voulait m'envoyer à Hoche.

—  La prise n'est pas belle, lui dis-je, un pauvre prêtre n'aurait pas dû vous coûter autant.

« Il me demanda mon âge, je le satisfis, mon grade: je lui dis : Vicaire.

—  Vous n’avez pas fait grand chemin !

—  Oh! mon curé est vieux, je passerai bientôt à la cure.

—  Vous comptez sur les Anglais ?

—  Au contraire, ce sont les ennemis de l'Europe et nous les craignons.

« Il voulut me parler de la politique des puissances.

—  Si les puissances l'avaient voulu, lui dis-je, le roi serait à Paris…

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Message  Louis Sam 06 Aoû 2016, 5:44 am

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—  Si les puissances l'avaient voulu, lui dis-je, le roi serait à Paris. Mais  chacune d'elles n'a cherché qu'à gagner quelque chose, et toutes ont été battues tour à tour. Quant à l'Angleterre, elle a voulu faire ici une diversion qui a coûté, de part et d'autre, 40.000 Français. Oui, Monsieur, ce nombre est avoué par tous les publicistes.

—  Vous lisez donc les journaux?

—  Les Vendéens savent tout.

—  Où avez-vous étudié ?

—  A Paris.

—  Eh bien ! je vais vous faire marcher.

« Je lui montrai mes sabots, raccommodés tous les soirs, et brisés en sept endroits.

—  Eh bien ! vous irez dans une charrette.

— La victoire sera belle ! Allons, général, renvoyez-moi.

—  Je vais vous renvoyer à Beaufou.

—  Non, lui dis-je, je n'irai pas : c'est Gratien qui y commande ; c'est un démon.

—  Où donc irez-vous ?

—  Dans une maison de bois, dans la forêt de la Chaize-le-Vicomte.

—  Mais on vous reprendra !

—  Alors, à la garde de Dieu !

« Là-dessus, un peu poussé par un officier de hussards, qui avait une belle figure, il appelle son secrétaire : « Faites une passe pour ce prêtre, lui dit-il ; cela vous regarde. »

« Ce secrétaire était un prêtre renégat. Je remerciai et je partis.

« C'était le soir ; il fut bientôt nuit…

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Message  Louis Dim 07 Aoû 2016, 5:12 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

« C'était le soir ; il fut bientôt nuit. Après avoir marché une heure, j'arrivai à une avenue qui conduisait chez Madame du Moulinet. A peine y avais-je fait quelques pas qu'un coup de feu se fit entendre ; j'en vis la lumière. Un peu rassuré par la passe que j'avais reçue, je me remis à marcher après un demi quart d'heure d'attente, et j'arrivai au château, où je fus reçu par deux vieilles dames, qui me donnèrent à souper et un lit, dont j'avais bien besoin.

« Le lendemain, je continuai ma route au hasard, me dirigeant toujours à l'est. J'avais fait à peine un quart de lieue que je vis venir à moi huit hommes à cheval; c'était des nôtres. Ils me demandèrent si j'avais eu connaissance des ennemis, et je leur racontai ce qui venait de m'arriver, les avertissant que les Bleus étaient aux Essarts.

« L'accoutrement de cette cavalerie était bien misérable; elle n'avait pour étriers que des cordes ; c'était à des cordes aussi que pendaient leurs sabres, et les chevaux étaient maigres.

« Ces Vendéens me quittèrent au galop.

« Je passai au Curain, où-avait été longtemps la boulangerie de Charette. C'est près de ce lieu qu'avait été fusillé mon ami de La Bassetière ; c'était là aussi que Madame la marquise de Lépinay avait fait construire et boiser une cache, où elle a vécu longtemps. Dans le voyage que j'avais fait pour aller visiter Madame de la Corbinière, l'excellente Madame de Lépinay sortit pour me voir. Elle avait avec elle son fils et sa fille, qui a épousé depuis Monsieur le vicomte de Curzai.

« Quand j'arrivai à notre maison du bois de la Chaize, on y pleurait ma mort…


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Message  Louis Lun 08 Aoû 2016, 5:32 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

« Quand j'arrivai à notre maison du bois de la Chaize, on y pleurait ma mort. On avait su mon arrestation, et le bruit s'était répandu que j'avais été fusillé. Ma présence ne changea rien aux dispositions déjà faites. Nous étions logés ainsi : dans la maison de planches, Madame de la Corbinière occupait un des coins ; j'étais vis-à-vis ; Monsieur Bichard, un vieux saint notaire, avait le troisième coin, et le quatrième était rempli de froment.

« La cabane était aussi divisée en quatre cases, occupées par Mademoiselle de la Corbinière, l'abbé Desgrigny et un domestique, le vieux François, et la cuisine.

« C'était au mois de décembre. Nous n'avions point de lumière, ni huile, ni bougie, sinon pour dire la messe.

« Pendant le jour, chacun allait dans la forêt amasser des fagots de bois mort pour nous éclairer. C'était à l'aide de semblables flambeaux que nous pouvions réciter notre bréviaire. Les ruches avaient été détruites par les Bleus, et les pauvres femmes nous apportaient de petits morceaux de cire pour l'autel.

« Des œufs étaient pour nous un rare présent, et nous vivions bien durement.

« Dans cet état, Desgrigny et moi nous confessions, assis dans la forêt sur des troncs de bois. Nous avions fait pour nos pénitents des cabinets de fougère.

« Non loin de cette habitation, se trouvait Mademoiselle de la Brossardière, qui avait aussi sa petite maison. D'autres cabanes encore étaient assez près de nous.

« L'hiver se passa ainsi jusqu'à Noël. La veille de cette fête, nous confessâmes les habitants des cabanes, et nous étions convenus, l'abbé Desgrigny et moi, de dire chacun une messe de minuit. Vers les 11 heures, je me disposais à le faire. J'avais revêtu un habit qu'il serait difficile de décrire, et que nous nommions une soutane. J'avais des souliers de femme en manière de pantoufles; nous avions un calice, un autel portatif et un ornement.

« On heurta rudement à notre porte ; quelqu'un fut ouvrir ; c'était un des nôtres, le général divisionnaire Caillaud. Il était armé jusqu'aux dents, et se présenta d'un air assez dur; j'en fus frappé, et je lui en demandai la cause.

—  C'est le général qui m'envoie, répondit-il; il est à trois lieues d'ici et fort mécontent de vous.

—  Eh ! pourquoi ?

—  Parce que vous êtes dans un pays soumis, et c'est d'un mauvais exemple.

—  Nous  sommes loin des ennemis, lui dis-je.  Il est vrai qu'ils ont soumis la Chaize-le-Vicomte ; mais les armes n'ont pas été rendues. Si le général exige que nous nous rendions près de lui, nous le ferons; mais nous lui serons peu utiles. Ici, nous maintenons la fidélité; nous veillons sur ce qui se passe, et nous ne sommes pas tout à fait inutiles sous ce rapport.

« Il fut convenu que je dirais la messe, et qu'ensuite l'abbé Desgrigny partirait avec Caillaud, pour se rendre près du général.

« L'inquiétude de Charette n'était pas sans fondement; car plusieurs de ses officiers avaient faussé leur foi. Quand il eut vu Desgrigny, il se remit un peu : il convint que nous ne pouvions pas aller ailleurs que là où nous étions, et nous donna l'ordre d'y rester. Dans la situation des choses, nous consolions le peuple, qui était dans les alarmes.

A suivre : IV. Entrevue de Jean de Beauregard avec plusieurs généraux républicains.

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Message  Louis Mar 09 Aoû 2016, 5:38 am

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IV. — Entrevue de Jean de Beauregard avec plusieurs généraux républicains.

« Cependant, les Bleus sachant où était Charette, qui n'avait que 1.500 hommes, réunirent 6.000 soldats et résolurent de l'enlever.

« Le dernier jour de décembre, il y avait une forte gelée. Quand le soleil parut, le domestique, suivant son usage, monta sur un des plus grands arbres de la forêt, pour nous dire ce qu'il lui semblait du pays environnant.

— J'ai cru voir, dit-il en revenant, un certain nombre d'hommes vêtus de rouge, qui longeaient les bords de la forêt.

« Charette avait, en effet, une compagnie rouge; mais nous pensions qu'il s'était éloigné depuis trois jours. Toutefois, nous restâmes sans inquiétude, sur ce rapport assez vague. Midi vint: on parlait de dîner. Nous étions occupés à réparer les désastres de nos vêtements, et je m'étais établi vis-à-vis la porte, devant laquelle se trouvait une espèce d'allée, ou une longue clairière dans le taillis.

En levant les yeux, j'aperçus, à une portée de fusil, un soldat Bleu. La peur qu'il eut de se voir tomber dans notre village de cabanes lui fit jeter un épouvantable cri de terreur. Dix à douze de ses camarades arrivèrent. Ils se mirent à crier, à jurer et à piller.

— Citoyens, leur criai-je, vous violez mon asile. J'ai un permis de vos généraux ; menez-moi à votre commandant et n'insultez personne.

— Ah! tu veux venir à notre commandant ! dit l'un d'eux; tu y viendras.

« Alors l'abbé Desgrigny, Monsieur Bichard, le domestique et moi, nous fûmes emmenés par quatre soldats, tandis que les autres pillaient nos cabanes et en enlevaient les vivres. L'un deux remit pourtant un demi pain à Madame de la Corbinière, en lui disant : « Cachez ce pain pour votre prêtre; quand il reviendra, il aura faim. »

— Je vais suivre le vicaire, dit un autre, et je lui offrirai à boire.

« Je le refusai.

« Un de ceux qui nous conduisaient, trouvant que je marchais trop lentement…


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Message  Louis Mer 10 Aoû 2016, 6:41 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

« Un de ceux qui nous conduisaient, trouvant que je marchais trop lentement, me frappa de son fusil.

— Ne me frappez pas, lui dis-je ; nous arriverons toujours assez tôt.

« Comme nous passions près d'un étang, ils manifestèrent l'intention de nous y jeter; puis, ils se ravisèrent et se contentèrent de nous dévaliser. Ils me prirent ma montre et quelque argent; mais ils fouillèrent mal; car j'avais encore 15 louis dans ma ceinture.

« L'un d'eux prit au bonhomme Bichard une tabatière de porcelaine, garnie en or, qui lui avait été donnée par une dame respectable. Je l'arrachai des mains de ce soldat.
— Eh quoi ! lui dis-je, êtes-vous un voleur ? Laissez-lui cette boîte; elle lui est précieuse.

« Il la lui laissa, et le saint Monsieur Bichard en fut bien consolé.

« Enfin, nous arrivons hors du bocage, sur une lande qui s'étendait à plus d'une lieue. Nous trouvons 10.000 Bleus en bataille. Nos maraudeurs nous laissèrent, et des soldats se détachaient des rangs pour venir à nous, quand le commandant du 1er bataillon les fit rentrer et nous demanda :

« Où allez-vous ?
— Au général, dis-je.
—  Venez, et n'ayez pas peur.

« Ce général était Gratien, ex-religieux et prêtre apostat. C'était du reste un bel homme. Dès qu'il me vit approcher :
—  Que veux-tu ? me dit-il.
—  Je viens me plaindre de ce qu'on a violé mon asile.
— Qui es-tu ?
—  Vicaire de Beaufou.

« Il se mit à jurer contre moi.
—  Jurer n'est pas me rendre justice, lui dis-je.

« Alors il blasphéma.
— Ne blasphème pas, et écoute-moi.
— Tais-toi, babillard, cria-t-il.
— J'ai une passe.
— De qui ?
— De Spithal.

« Un aide de camp se détacha, et Spithal accourut au galop...

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Message  Louis Jeu 11 Aoû 2016, 5:54 am

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« Un aide de camp se détacha, et Spithal accourut au galop.

« Du plus loin qu'il m'aperçut, il s'écria : « Général, j’identifie le quidam qui est à vos pieds : c'est un homme probre (sic).

« Il entretint un instant Gratien, puis il vint me dire :

« Tenez la courroie de mon étrier, et restez près de moi avec vos hommes. L'armée va défiler pour se rendre à la Chaize-le-Vicomte, et alors vous pourrez retourner à votre habitation.

« Un autre officier s'approcha.
— Êtes-vous un des commissaires des paroisses ? dit-il au bon Monsieur Bichard.
—  Oui, fit-il.
—  Eh bien ! faites savoir que demain, à la pointe du jour, il faut un bœuf à la Chaize.

« Nous nous rendîmes, avec Monsieur Bichard, à une ferme. Le jour commençait à baisser : l'ordre était déjà donné, lorsqu'une douzaine de Bleus accoururent sur ce point, pour y enlever des moutons : mais en même temps arrivèrent deux officiers, qui tombèrent sur les pillards à coups de plat de sabre. L'un d'eux était Spithal.
— Je vous retrouve toujours ! me dit-il.
—  Oui, général, et toujours assez misérable.
—  Je me repens bien, continua-t-il, de vous avoir un peu tracassé. Vous êtes le frère du malheureux Brumauld, que j'ai beaucoup aimé.
— Quoi ! est-ce que mon frère n'existe plus ?
—  Non, il a péri à Quiberon.

« Alors, le jeune officier qui accompagnait le général, le même qui avait été poli avec moi aux Essarts, me dit avec sentiment :
—  Hélas ! Monsieur, que j'ai de regret de vous voir si misérable ! J'ai été l'objet des bontés de Monsieur votre frère. J'étais chirurgien des gardes-du-corps, compagnie de Guiches, où Spithal était trompette. Monsieur de Brumauld m'a reçu un mois chez votre respectable mère, et j'ai aussi passé un mois chez Messieurs de Saint-Projet, à la Rochefoucauld. Dans la situation où vous êtes, quel service demandez-vous de moi ? Nous passerons la journée à la Chaize; faites-moi savoir vos désirs.

« Je lui envoyai une lettre pour ma mère ; elle fut fidèlement remise, et une ordonnance m'apporta ce que j'avais demandé.

« Nous retournâmes tous  à la cabane, excepté l'abbé Desgrigny…

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Message  Louis Ven 12 Aoû 2016, 5:45 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

« Nous retournâmes tous  à la cabane, excepté l'abbé Desgrigny, qui avait été conduit à la Chaize. Il passa la nuit avec un officier, qui chercha à le faire causer, et qui le laissa aller le lendemain.

« Notre retraite n'était plus tenable ; nous nous décidâmes à nous retirer au château de la Grange-Hardy, chez Mademoiselle de la Brossardière. Elle reçut autant de monde qu'il lui fut possible, et chacun se casa comme il put. La grande salle nous servait à la fois d'église et de lieu de réunion.

« Dès le lendemain, nous fûmes visités par les pillards de l'armée des Bleus, qui enlevèrent des moutons, du linge et ravagèrent le jardin.

« Après conseil tenu, Mademoiselle de la Brossardière écrivit au chef de l'armée, pour lui offrir de fournir volontairement ce qu'on lui demanderait, et le prier de protéger sa maison. C'était l'adjudant général Watrin qui commandait alors. Il vint lui-même, avec un nombreux état-major et fut très poli. Il s'étonna de voir les dames vêtues comme de simples paysannes. Elles lui répondirent que toute la Vendée avait adopté le même vêtement, qu'elles étaient réduites à confectionner de leurs propres mains.

« Nous étions en janvier 1796.

« Après avoir causé sur les affaires du pays, le général Watrin se plaça debout, au milieu de la cheminée, et il nous questionna, l'abbé de Charette et moi, sur notre situation présente.

—  Comment, dit-il, n'avez-vous rien stipulé en faveur de la religion, dans les articles de la paix de la Jaunais?

—  Nous n'y étions pas, répondis-je ; et d'ailleurs vous savez bien que cette paix n'était pas sérieuse, ni d'une part ni de l'autre.

— Fort bien ; cependant, il faut prendre courage.

— Général, ce n'est pas le courage qui manque au pays, mais la fortune.

— Cela est hors de doute ; mais enfin, il faut se consoler.

—  Nous avons tant de choses à regretter !

—   Les temps redeviendront meilleurs, et vous recevrez tout ce que vous désirez.

— Ah! général, nos désirs sont grands !

— Oui, tout, continua-t-il ; et souvenez-vous, Messieurs, que ce ne sera pas pour vous une défaveur de vous être trouvés ici : l'un et l'autre, vous serez évêques.

« Quand Watrin se fut retiré, nous réfléchîmes à tout ce qu'il nous avait dit, et nous conjecturâmes que Hoche pouvait penser à imiter Monk. Les événements qui suivirent, et la mort de ce général, dont le Directoire ne s'est pas lavé, peuvent donner du poids à cette opinion.

« Nous n'étions point sans crainte à la Grange-Hardy. Les Bleus parcouraient tous les environs, et venaient jusqu’au château. Je me mis cependant à faire des instructions. Les bons habitants venaient au catéchisme. Je fis établir un autel dans la grande salle; j'y disais la messe, et le dimanche, je faisais le prône.

« Charette était tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, toujours poursuivi, toujours pressé, toujours resserré par le système circulaire. Nous redoutions fort que notre position ne lui donnât quelque inquiétude et qu'il n'agît contre nous ; car il savait que les officiers républicains venaient à mes offices et assistaient à mes prônes.

« Certains habitants de la Chaize-le-Vicomte…

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Message  Louis Sam 13 Aoû 2016, 5:47 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

« Certains habitants de la Chaize-le-Vicomte avaient représenté au général républicain qu'il leur serait avantageux d'avoir le culte, et ils l'engagèrent à autoriser la résidence d'un prêtre dans le bourg.

« Un vendredi, comme je dînais, une ordonnance vint me signifier l'ordre de me rendre au quartier général. Monsieur Bichard voulut bien m'accompagner, et demanda au soldat Bleu pour quel motif j'étais mandé.

— Oh ! dit-il, c'est que nous avons le culte dimanche.

« Avant de me rendre chez le général, qui se nommait Dupuy, je fus visiter l'église. On en avait fait une boucherie pour l'armée, et quand j'y entrai, on était occupé à niveler le sol. Les murs étaient teints de sang, et l'édifice exhalait une odeur révoltante.

« Je ne répondis rien à quelques hommes, qui se faisaient une victoire de me voir contraint à venir parmi eux.

« J'entrai chez le général. Je me trouvai en présence de quelques officiers assis sur des bancs. Un petit homme, vêtu de brun, se tenait dans un coin du foyer. Il n'y avait dans cet appartement qu'une chaise ; le général me l'offrit et me força de l'accepter.

— Je me rends à vos ordres, lui dis-je ; que demandez-vous de moi?

—  Le culte réunit les hommes, me dit Dupuy. Vous êtes d'un caractère paisible : les habitants m'ont invité à faire célébrer votre culte dimanche prochain : je vous le demande.

— Mais il me faut un logement, du pain, lui dis-je ; qui me les donnera ?

—  Vous viendrez seulement pour le culte.

—  Général, la distance est bien longue, les chemins difficiles.

« Il ne répondit rien.

— Les objections que je viens de vous présenter sont faciles à faire disparaître, continuai-je ; mais j'y vois en outre une difficulté invincible.

— Laquelle ?

— C'est l'état de l'église. Toutes les religions ne se réunissent, pour honorer Dieu et le prier, que dans des lieux toujours décents. La foi catholique nous enseigne que le sacrifice de l'eucharistie est l'offrande du corps de Jésus-Christ ; jamais je ne pourrais célébrer la sainte messe dans une boucherie toute sanglante. Général (il était protestant), vous êtes de la confession d'Augsbourg : je m'adresse à votre conscience, voudriez-vous célébrer les cérémonies de votre culte dans une boucherie dont les murs sont couverts de sang ?

—   Non, Monsieur, me répondit-il sur-le-champ ; je n'exige plus rien de vous, et vous pouvez continuer à célébrer votre culte dans la maison où vous êtes.

—  Mais, vous opposez-vous à ce que je visite les malades, et à ce que je remplisse mes fonctions dans les sépultures?

—  Non, je vous promets sécurité et liberté. Vous êtes sage et prudent dans vos exhortations; vous pouvez rester sans crainte sous mon commandement.

« Je sortis, et je pus visiter un malade ; je le confessai ; je revins lui administrer les sacrements. Il mourut, et deux jours après, je lui donnai publiquement la sépulture en présence de quelques soldats Bleus.

« Je parcourus depuis ces contrées, et je ne fus plus inquiété.

« Monsieur Bichard était resté après moi dans la chambre où le général Dupuy m'avait reçu ; il put me dire ce qui s'était passé à ma sortie. A peine la porte s'était-elle fermée derrière moi, que le personnage en habit brun, que j'avais aperçu près du foyer, dit au commandant des Bleus :
— Vous traitez avec bien de l'indulgence ce prêtre fanatique qui vient de sortir ! Il ne vous a dit qu'un mot, et vous vous êtes aussitôt rendu !
—  Tout ce que ce prêtre m'a dit est juste et raisonnable, répondit Dupuy. Je ne vois pas pourquoi vous vous permettez de le traiter de fanatique; rien ne décèle en lui cette fâcheuse inculpation. Son extérieur est grave et poli. Mais, puisque vous aviez cette pensée, pourquoi ne l'avez-vous pas manifestée en sa présence? J'ai remarqué que vous avez affecté de tenir les yeux baissés devant lui ; il m'a semblé qu'il vous imposait...

« Cet homme était un mauvais curé du diocèse; il avait renié son caractère, et il était devenu commis aux boucheries. »

Quelque temps après, nous retrouvons l'abbé Jean de Beauregard…

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Message  Louis Dim 14 Aoû 2016, 5:45 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

Quelque temps après, nous retrouvons l'abbé Jean de Beauregard dans son premier poste de vicaire à Beaufou. C'est là qu'il apprit la mort de Charette. On jouissait alors d'une tranquillité relative.

Cependant, les officiers de Hoche mettaient tous plus ou moins de zèle à faire observer les lois vexatoires de la République.

« Un jour, nous dit l'auteur des Mémoires, un général vint me trouver, et il me demanda publiquement de lui livrer nos habits ecclésiastiques.

« Je lui dis que je les portais, comme lui portait son uniforme.

—  Vous n'êtes que vicaire, me dit-il; je veux avoir une explication avec votre curé.

« Je le conduis chez le vieillard, qui salue l'officier sans se lever.

— Monsieur le curé, dit le Bleu, le gouvernement vous demande un cautionnement.

— Je fais mon devoir gratuitement, Monsieur, répond le curé ; je ne veux ni recevoir ni donner d'argent.

— Ce n'est pas ce que vous entendez ; vous ne pouvez exercer votre culte sans avoir fait un acte de soumission ; et puis, il ne vous est pas permis de porter vos habits hors du lieu destiné au culte.

—  Voulez-vous recommencer la guerre? s'écria le vieux curé, en se levant avec vivacité : eh bien ! on se battera encore !

« Je pris le général par le bras:

« Allons-nous-en, lui dis-je ; le curé n'entend pas raillerie ; ne le faites pas fâcher.

— Et vous ? dit, le républicain.

—  Oh! moi, lui dis-je, je ferai comme mon curé.

« Là-dessus, il nous quitte. Il n'avait pas d'ordre pour faire cette démarche, et les autres  officiers  l'en blâmèrent.

Le 24 juin 1796 était le jour de la grande foire de Beaufou…

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Message  Louis Lun 15 Aoû 2016, 5:37 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

Le 24 juin 1796 était le jour de la grande foire de Beaufou. Elle fut très nombreuse.

Monsieur de Beauregard dit la messe de grand matin, et quand il rentra, les dames de la Corbinière lui annoncèrent que deux généraux de l'armée de Hoche venaient dîner chez elles. Elles demandèrent au vicaire général de Luçon s'il paraîtrait. Il répondit qu'il regarderait comme impolitique de dissimuler; mais il fut convenu qu'il attendrait dans sa chambre qu'on le fit demander.

Il venait de dire son bréviaire, et il était à une fenêtre qui ouvrait sur la place où se tenait la foire.

L'heure du dîner arriva.

—  Où donc est le vicaire ? dirent les officiers.

« On vint m'avertir, continue l'auteur des Mémoires, et je descendis dans mon habit de Vendéen, en veste bleue, en gilet de laine blanche, ayant un pantalon rayé de jaune et de noir, qui étaient les couleurs de la paroisse, et la tête enveloppée d'un mouchoir de coton. Je n'étais pas fort rassuré.

—  Comme votre vicaire est pâle, dit un des officiers.

—  Oui, dit Madame de la Corbinière, il se tue à courir et à travailler.

— Il faut qu'il se repose ; il faut qu'il aille dans son département.

—  Je ne puis aller aussi loin, répondis-je ; je ne voudrais pas perdre ma place.

— Il faudra pourtant que vous fassiez une absence.

—  Pourquoi? vous suis-je suspect?

— Non, sans doute, et le peuple vous aime; mais voilà la vérité ; nous partons demain; dans 24 heures, il n'y aura pas un soldat dans le département : comment vous garderez-vous?

— Nous nous garderons nous-mêmes.

—  Mais Monsieur le vicaire doit savoir que si le département n'est plus gardé militairement, il va tomber sous le gouvernement du district Oh!, je dirai à Monsieur le vicaire que le département a pour président l'ancien curé de Pouzauges, qui est son ennemi particulier (1). Nous avons déclaré que le gendarme qui viendrait à Beaufou aurait les oreilles coupées. Maintenant que nous partons, nous ne pouvons plus vous défendre. Si Monsieur le vicaire ne veut faire qu'une absence momentanée, qu'il aille à Nantes, que Monsieur le commissaire lui délivre un passeport, qu'il se présente à Grouchy et lui demande protection.

« Il n'y avait point à balancer, je pris le parti de me retirer à Nantes. »

Ne pouvant rentrer en Vendée, malgré de courageuses tentatives, Monsieur de Beauregard se réfugia chez sa mère, à Moulinet, où il arriva le 29 septembre 1796.

Ce n'était qu'une nouvelle station dans sa voie douloureuse, en attendant le martyre non sanglant, mais cruellement prolongé de sa déportation dans les marais pestilentiels de la Guyane.

(1) Il s agit ici de Dillon, homme infâme, ennemi personnel de Monsieur l'abbé de Beauregard, dont il avait demandé plusieurs fois la tête à des généraux républicains Ceux-ci avaient eu la loyauté de repousser avec honneur une pareille demande.

CHAPITRE VII : LA PERSÉCUTION RÉVOLUTIONNAIRE EN VENDÉE DANS LE COURS DES ANNÉES 1797 ET 1798. — SÉJOUR DE LOUIS MARIE BAUDOUIN AUX SABLES. — LES PRISONNIERS  DE L’ÎLE D'AIX,  DE L’ÎLE DE RÉ ET DE ROCHEFORT.

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Message  Louis Mar 16 Aoû 2016, 5:53 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Chapit18

I

SYSTÈME  DE  PERSÉCUTION EMPLOYÉ PAR LE DIRECTOIRE

La Convention avait lassé les bras des bourreaux aux exécutions sanglantes, elle avait pour ainsi dire usé le couteau de la guillotine sur les plus nobles têtes, et dégoûté le peuple du spectacle des échafauds, dressés en permanence sur nos places publiques.

Le Directoire s'inspirant de la même haine révolutionnaire contre 1'Eglise et son clergé, mais il comprenait  qu'il n y avait plus guère de septembriseurs en France, et que le temps n'était plus aux massacres en masse, aux fusillades et aux exhibitions de têtes coupées.

Aussi, cette période ne fournit à notre martyrologe qu'une seule victime qui ait donné à la foi catholique le témoignage du sang, Mathieu de GRUCHY, fusillé à Nantes, le 28 novembre 1797.

Le 8 septembre de l'année suivante, Pierre BRÉNUGAT , vicaire de Bazoges en-Paillers, mourait à la Guyane française, consume par un long supplice de privations  et de misère.

C est le genre de mort que les persécuteurs de cette époque s'étudiaient à infliger aux prêtres fidèles, comme ces empoisonneurs savants qui tuent leurs victimes à petites doses et sans brusquer la fin. Ils voulaient, comme on l'a dit, la mort sèche, sans l'appareil du glaive et du bourreau.

Mais cette persécution raffinée, le Directoire la pratiqua durant trois ans, avec un déploiement de cruautés inouïes, contre 30.000 prêtres ou religieux, dans les prisons de Rochefort et de l'île de Ré, sur les pontons de l'île d'Aix, et surtout dans cet immense cimetière de la Guyane, où furent ensevelis tout vivants tant d'ecclésiastiques français, saintement opiniâtres à refuser le serment schismatique.

Dès le 12 février 1797, il signalait à la surveillance des autorités départementales tous les prêtres réfractaires, « comme une horde de conspirateurs » contre la République. La dénonciation d'un patriote exalté suffisait pour prouver la conspiration.

Mais c'est la loi du 5 septembre de la même année qui rouvrit, avec un terrible éclat, pour la France et pour la Vendée, l'ère de la persécution religieuse. Elle condamnait à la déportation tous les prêtres insermentés, comme perturbateurs de l'ordre public, et du même coup, chassait plus de 30.000 ecclésiastiques du territoire français.

A suivre : II. SÉJOUR DE LOUIS-MARIE BAUDOUIN AUX SABLES-D'OLONNE, À SON RETOUR D'ESPAGNE

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Message  Louis Mer 17 Aoû 2016, 6:27 am

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II

SÉJOUR   DE   LOUIS-MARIE   BAUDOUIN   AUX  SABLES-D'OLONNE,  À SON   RETOUR  D'ESPAGNE

Malgré cet édit de proscription, Monsieur l'abbé Louis-Marie Baudouin revenait d'Espagne avec Monsieur Lebédesque, et débarquait aux Sables-d'Olonne, dans la nuit du 14 au 13 du mois d'août 1797.

La vie de proscrits qu'ils durent continuer sur le sol de la patrie nous révèle la situation qui était faite alors, en Vendée, au culte catholique et à ses ministres : on revenait au régime des plus mauvais jours de la Terreur.

Un fervent chrétien sablais, le capitaine Louineau, accueillit Monsieur Baudouin et son compagnon, et ne pouvant les loger chez lui, il les conduisit chez une de ses parentes, Mademoiselle Gobert, aussi recommandable par sa piété que par sa discrétion. Elle les reçut avec un respectueux empressement, comme deux confesseurs de la foi.

Mais la prudence conseillait aux proscrits de ne pas habiter la même demeure, où ils pouvaient être arrêtés ensemble. Monsieur Lebédesque resta chez Mademoiselle Gobert. Monsieur Baudouin se retira chez Mademoiselle Guinernand, qui logeait avec elle une excellente personne, Marie-Jeanne Jaretier, sa confidente et fidèle coopératrice dans la pratique des bonnes œuvres.

Cette maison était contiguë à celle de Madame Alizard, également disposée à déjouer la vigilance des agents de la police.

D'ailleurs, Mademoiselle Guinernand avait pris ses précautions, et ménagé, dans sa maison, une cache très habilement dissimulée.

La ville des Sables comptait un grand nombre de personnes pieuses, qui avaient horreur du culte schismatique, et qui se firent un bonheur de recourir au ministère des deux prêtres que leur envoyait la Providence.

Un jour, on vint dire à Monsieur Baudouin …

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Message  Louis Jeu 18 Aoû 2016, 5:51 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

Un jour, on vint dire à Monsieur Baudouin qu'un étranger demandait à le voir.

—  Faites-le entrer, répondit-il.

Et à l'instant se présente un homme d'une maigreur effrayante, le visage pâle et tout couvert de sueur.

—  Monsieur, lui dit l'inconnu, vous voyez l'état où je suis ; je n'ai plus que quelques instants à vivre ; je viens vous prier de me préparer à la mort.

—  Mon cher ami, dit le prêtre, pourquoi ne m'avez-vous pas fait demander ? J'aurais été vous trouver moi-même.

— Ah ! Monsieur l'abbé, répond le malade, vous  auriez couru trop de risque, je ne voulais pas  exposer une vie aussi précieuse que la vôtre.

Cet admirable chrétien se confessa,  puis il se traîna jusqu'à sa demeure pour y mourir.

Quand  Monsieur  Baudouin portait les secours de la religion  aux  infirmes,  il ne pouvait sortir  que la nuit, ordinairement déguisé sous un costume de marin.

Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

Dans les derniers mois de cette même année 1797, aidé par Monsieur Lebédesque, il osa préparer un grand nombre d'enfants à leur première communion. Tout était prêt pour la cérémonie, à laquelle l'abbé Lebédesque devait présider seul, pendant la nuit dans la maison d'une dame Brisson, digne sœur de Mademoiselle Gobert. Les enfants étaient groupés devant l'autel, accompagnés de leurs familles, et la messe allait commencer.

Voici que tout à coup la maison est cernée par les agents de la police, suivis de la force armée. Monsieur Lebédesque se jette précipitamment dans sa cache, et 1'on fait disparaître les enfants. Mais un autel est dressé, et les vêtements sacerdotaux sont là qui révèlent la présence d'un prêtre.

—  Que signifie tout cela ?  dit l'un des agents.

—  Citoyen, répond avec assurance Madame Brisson, avez vous avez fait vendre tout ce qui servait au culte ; n'était-il pas permis de l'acheter ?

—  Il y a un prêtre ici caché, il faut qu'il nous soit à l'instant livre, ou bien...

—  Cherche, citoyen, tu en seras pour ta peine.

Alors commencent les investigations les plus rigoureuses.

Cette nouvelle, bien vite répandue en ville, y cause un grand émoi, une foule nombreuse se porte aux abords de la maison et dans les rues voisines, témoignant par des murmures sa sourde indignation contre les persécuteurs, et son intérêt sympathique pour les victimes.

Monsieur Baudouin, informé du danger que court son ami, réunit dans son oratoire quelques personnes pieuses et ouvre le tabernacle.

—  « Oh ! Jésus ici présent, dit-il à haute voix, nous resterons prosternés à vos pieds, jusqu'à ce que votre prêtre soit délivré.  »

Quelques personnes de confiance viennent discrètement, par intervalle, l'informer de la situation.

Cependant, Monsieur Lebédesque, privé d'air dans son étroite prison…


Dernière édition par Louis le Ven 19 Aoû 2016, 11:55 am, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)

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Message  Louis Ven 19 Aoû 2016, 6:19 am

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Cependant, Monsieur Lebédesque, privé d'air dans son étroite prison, et sur le point de s'évanouir, donne un signal, dont il était convenu avec les personnes de la maison. Le signal est compris; la domestique s'approche des agents de la police, et avec autant de courage que de prudence :

—  Citoyens, leur dit-elle, vous avez tout bouleversé dans cette chambre, sans rien trouver; laissez-moi maintenant, s'il vous plaît, y remettre tout en place ; vous pouvez chercher ailleurs.

A peine l'a-t-on laissée seule, qu'elle porte secours à Monsieur Lebédesque, pendant que les recherches se poursuivent dans les autres parties de la maison, et dans les habitations contigües.

On trouva chez Mademoiselle Dupleix quelques-unes des petites filles qui étaient préparées pour la première communion.

—  Pourquoi cette réunion d'enfants? dit un des perquisiteurs.

—  Citoyen, répond Mademoiselle Dupleix, on les occupe, comme vous voyez, à faire des matelas et de la charpie, pour les blessés qui sont à l'hôpital.

Enfin, après de longues et inutiles recherches, les révolutionnaires se retirent, pour recommencer, quelques jours après, leurs odieuses investigations.

Quand ils parurent, Monsieur Baudouin venait de dire sa messe, et il était occupé à confesser dans son oratoire. Il n'eut que le temps de prendre le tabernacle dans ses bras et de s'esquiver dans sa cachette, dont on masqua l'entrée avec un sac de blé.

Pendant que les agents fouillaient tous les coins de la maison, le ministre de Dieu pressait affectueusement le saint ciboire sur son cœur, et suppliait le souverain Maître caché dans l'hostie de le protéger à l'ombre de ses ailes.

Sa prière fut exaucée, et il échappait une fois encore à toutes les perquisitions des persécuteurs (1).
___________________________________________________

(1)  Vie du R. P. Baudouin, T. I, pp. 50-57.

A suivre : III. ARRESTATION ET CAPTIVITÉ DE L'ABBÉ TÉNÈBRE, CURÉ DE CROIX-DE-VIE.

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Message  Louis Sam 20 Aoû 2016, 6:35 am

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III

ARRESTATION ET CAPTIVITÉ DE L'ABBÉ TÉNÈBRE, CURÉ DE CROIX-DE-VIE

Les limiers du Directoire étaient plus heureux dans leurs poursuites contre le curé de Croix-de-Vie, l'abbé Ténèbre.

Caché dans un obscur village de Saint-Etienne-du-Bois, à la Tullévrière il avait échappé à tous les massacres de la Terreur.

Mais, le 15 septembre 1797, la police l'arrêtait à Coëx, pendant qu'il présidait une fête de première communion.

« Le sieur Ténèbre, qui exerçait les fonctions de prêtre à Coëx, dit le rapport du commissaire, ayant refusé d'obéir aux lois du 7 vendémiaire et du 19 thermidor, a été conduit devant le juge de paix, qui a décerné contre lui le mandat d'arrêt. Ce mandat a été exécuté « Salut et fraternité. Remaud » (2).

Le curé de Croix-de-Vie fut condamné à la peine du bannissement, et traîné, de prison en prison, jusqu'à Rochefort, en attendant sa déportation à la Guyane.
_________________________________________________

(2) Archives départementales.

A suivre : IV. ARRESTATION  ET CAPTIVITÉ DU VICAIRE GÉNÉRAL  DE LUÇON,  JEAN  DE BEAUREGARD,  À   POITIERS   ET  À  ROCHEFORT.

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Message  Louis Dim 21 Aoû 2016, 5:42 am

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IV

ARRESTATION ET CAPTIVITÉ DU VICAIRE GÉNÉRAL DE LUÇON,

JEAN  DE BEAUREGARD,  

À POITIERS ET À ROCHEFORT.

I. — La Prison de Poitiers.

Le même sort était réservé au grand vicaire de Luçon, l'abbé Jean de Beauregard, que nous avons laissé dans sa retraite de Moulinet, maison de campagne de sa famille.

Le 29 septembre 1797, on l'incarcérait dans l'ancienne maison de la Visitation, à Poitiers. C'est dans ce monastère qu'on avait détenu un grand nombre de prêtres, qui n'en étaient sortis que pour monter à l'échafaud. C'est de là que son frère André, le théologal de Luçon, avait été-conduit à la Conciergerie de Paris, où il fut la dernière victime de Robespierre.

L'église dégradée de la Visitation faisait partie de la maison d'arrêt.

« En approchant de l'autel principal, dit Monsieur de Beauregard, je vis, par derrière, un monceau de cheveux ; je demandai ce que c'était. Le concierge me répondit que, lorsqu'on prononçait les jugements à mort, on coupait là les cheveux des victimes. Cette vue me fit frémir. »

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Le pieux prisonnier régla si bien son temps, qu'il n'éprouva pas, nous dit-il, un seul moment d'ennui. « Je me levais la nuit; je priais Dieu jusqu'à une certaine heure ; je récitais mon bréviaire ; je lisais l'ordinaire de la messe ; j'étais instruit de l'heure à laquelle on la célébrait par le signal d'un vase blanc, qu'on plaçait en évidence sur une fenêtre. J'avais la permission de consacrer la sainte eucharistie et de me communier moi-même. Je communiais à l'heure de la messe. Je m'étais offert à Dieu, dans cet oratoire, au moment de ma réclusion. Enfin, j'étais paisible, et ce sont les plus heureux jours de ma vie. »

Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

Un jour. il trouva un de ses compagnons de captivité, un médecin provençal, qui lisait Sénèque, et vantait beaucoup l'ouvrage des Consolations contre les adversités.

« Un Pater, lui dit Monsieur de Beauregard, est meilleur que tout cela; un crucifix vaut mieux, pour notre consolation, que tous les philosophes. »

Au même instant, l'exécuteur entra, suivi des gendarmes, et dit brusquement au détenu : « Il faut faire une petite cérémonie », et il lia notre philosophe, les mains derrière le dos. La philosophie abandonne alors le captif, qui ne peut retenir ses larmes. On lui coupe les cheveux ; on le revêt de la veste rouge des forçats, pour le conduire à Rochefort.


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« La première visite que me fît ma mère, nous dit l'abbé de Beauregard, lui coûta beaucoup. Ma prison lui rappelait un fils digne de toute sa tendresse, son saint théologal André, et les jours devenant plus mauvais, elle craignait pour moi. Je pris la liberté de reprendre cette bonne mère de sa tristesse.

« Elle me promit de faire mieux une autre fois. J'étais seul avec elle dans ma cellule. Un instant après, j'entends frapper ; c'était Monsieur l'abbé Gaspard de Cressac, qui m'apportait la sainte eucharistie. Ma mère était à jeun; il me confessa et nous donna la sainte communion. Ma mère passa le jour avec moi, et sortit avec l'air si content, qu'on m'écrivit de la ville pour m'en féliciter.

« Sitôt les visites finies je reprenais mes occupations. Je faisais des extraits des saints Pères. »

Parmi les captifs qui se succédaient dans la prison…

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Message  Louis Lun 22 Aoû 2016, 6:14 am

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Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

Parmi les captifs qui se succédaient dans la prison, l'abbé de Beauregard vit un jour entrer un homme de grande taille, d'une figure épanouie, douce et calme, dont il fut singulièrement impressionné. C'était un prêtre, un religieux carme, nommé le Père Emeric, qui avait été prieur du couvent de la Flocellière. Il avait connu Monsieur de Beauregard dans le diocèse de Luçon, et il fut heureux de le retrouver.

« Jamais je n'ai vu un homme content de si peu de chose, nous dit l'auteur des Mémoires. Avec un habit fort usé, deux paires de bas, deux chemises et 30 livres, qu'on lui avait données, il disait qu'il était riche. Il avait été déporté dans la Belgique, en 1792. Il y était resté lors de l'invasion des Français, et avait été arrêté comme prêtre rentré. On le renvoyait à son département de Saintes. J'obtins qu'il vint vivre et manger avec moi. Nous avions nos heures de silence et de prières.

« Il resta 12 jours. Peu de temps après son départ, on me dit qu'une maladie prompte avait terminé ses longues courses. Je n'oublierai jamais la vertu patiente, aimable et douce, et surtout l'esprit de pauvreté de ce bon religieux. »

Le Martyre de la Vendée. - Page 6 Page_411

L'abbé de Beauregard eut souvent des moyens faciles de s'évader de sa prison ; mais il n'eût jamais ni la pensée ni le désir d'en profiter.

« Je croyais être, dit-il, entre les mains de Dieu, qui m'a toujours gardé ; je me résolus à m'abandonner pour jamais à la Providence, qui veillait sur moi. J'évitais de lire les papiers publics, pour conserver mieux encore la paix de mon cœur.

« Une fois, cependant, je cédai à la proposition que m'en fit mon frère ; je lus une nouvelle qui m'affligea beaucoup : mon ami Mathieu Gruchy avait été fusillé à Nantes.  »

La paix habituelle du confesseur de la foi fut un jour troublée par la perspective de sa prochaine déportation à la Guyane.

« J'ai toujours craint les dangers de la mer, écrit-il. Cet énorme trajet de 1.500 lieues, et la sévérité dont j'imaginais qu'on usait envers les déportés, les rigueurs de la saison, l'encombrement sur les vaisseaux, et toutes les peines que l'imagination d'un solitaire peut créer, tout cela vint fondre tout à coup sur mon âme, et j'en fus abattu.

« Une fois, j'étais à prier Dieu; cette pensée vint me distraire et m'attaquer avec tant de violence, que la frayeur que j'en eus inonda mon corps et mon front d'une sueur froide. Je ne tardai pas à avoir honte de cette lâcheté ; j'en demandai sincèrement pardon à Dieu: je lui confessai en toute vérité que ces peines étaient bien au-dessous de celles que méritaient mes péchés. Je promis de les accepter sans murmure, et de ne jamais me défier de la miséricorde de mon Maître.

« La paix revint aussitôt dans mon âme et je l'ai toujours conservée depuis. »
A suivre : II  — Arrêt de déportation. — Voyage de Poitiers à Rochefort.

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