Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XIX — LE SOUVERAIN BIEN

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Message  ROBERT. Mar 02 Fév 2016, 4:01 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XIV a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.



CHAPITRE XIV.

DE L’ORDRE À LA FOIS DIVIN ET TERRESTRE QUI FAIT QUE LES

MAÎTRES DE LA SOCIÉTÉ HUMAINE EN SONT AUSSI LES SERVITEURS.  




Tout l’usage des choses temporelles se rapporte dans la cité de la terre à la paix terrestre, dans la cité de Dieu à la paix éternelle. C’est pour cela que, si nous étions des animaux sans raison, nous ne désirerions rien que le juste tempérament des parties du corps et la satisfaction de nos appétits; et la paix du corps servirait à la paix de l’âme ; car celle-ci ne peut subsister sans l’autre, mais elles s’aident mutuellement pour le bien du tout. De même en effet que les animaux font voir qu’ils aiment la paix du corps en fuyant la douleur, et celle de l’âme, lorsqu’ils cherchent la volupté pour contenter leurs appétits, ils montrent aussi en fuyant la mort combien ils aiment la paix qui fait l’union du corps et de l’âme. Mais l’homme, doué d’une âme raisonnable, fait servir à la paix de cette âme tout ce qu’il a de commun avec les bêtes, afin de contempler et d’agir, c’est-à-dire afin d’entretenir une juste harmonie entre la connaissance et l’action, en quoi consiste la paix de l’âme raisonnable. Il doit, pour cette raison, souhaiter que nulle douleur ne le tourmente, que nul désir ne l’inquiète, et que la mort ne sépare point les deux parties qui le composent, afin de se livrer à la connaissance des choses utiles, et de régler sa vie et ses moeurs. sur cette connaissance. Toutefois comme son esprit est faible, s’il veut que le désir même de connaître ne l’engage point dans quelque erreur, il a besoin de l’enseignement de Dieu pour connaître avec certitude et de son secours pour agir avec liberté.



Or, tant qu’il habite dans ce corps mortel, il est en quelque sorte étranger à l’égard de Dieu, et marche par la foi, comme dit l’Apôtre 1, et non par la claire vision il faut donc qu’il rapporte et la paix du corps et celle de l’âme, et celle enfin des deux ensemble, à cette paix supérieure qui est entre l’homme mortel et Dieu immortel, afin que son obéissance soit réglée par la foi et soumise à la loi éternelle. Et puisque ce divin maître enseigne deux choses principales, d’abord l’amour de Dieu, et puis l’amour du prochain où est renfermé l’amour de soi-même (lequel ne peut jamais égarer celui qui aime Dieu),  il s’ensuit que chacun doit porter son prochain à aimer Dieu, pour obéir au précepte qui lui commande de l’aimer comme il s’aime lui-même. Il doit donc rendre cet office de charité à sa femme, à ses enfants, à ses domestiques et à tous les hommes, autant que possible, comme il doit vouloir que les autres le lui rendent, s’il en est besoin ; et ainsi il aura la paix avec tous, autant que cela dépendra de lui : j’entends une paix humaine, c’est-à-dire cette concorde bien réglée, dont la première loi est de ne faire tort à personne, et la seconde de faire du bien à qui l’on peut.



En conséquence, l’homme commencera par prendre soin des siens; car la nature et la société lui donnent auprès de ceux-là un accès plus facile et des moyens de secours plus opportuns. C’est ce qui fait dire à l’Apôtre, que "quiconque n’a pas soin des siens, et particulièrement de ceux de sa maison, est apostat et pire qu’un infidèle1". Voilà aussi d’où naît la paix domestique, c’est-à-dire la bonne intelligence entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent dans une maison. Ceux-là y commandent qui ont soin des autres, comme le mari commande à la femme, le père et la mère aux enfants, et les maîtres aux serviteurs; et les autres obéissent, comme les femmes à leurs maris; les enfants à leurs pères et à leurs mères, et les serviteurs à leurs maîtres. Mais dans la maison d’un homme de bien qui vit de la foi et qui est étranger ici-bas, ceux qui commandent servent ceux à qui ils semblent commander ; car ils commandent, non par un esprit de domination, mais par un esprit de charité ; ils ne veulent pas donner avec orgueil des ordres, mais avec bonté des secours.



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1. II Corinthiens  v, 7.— 1. I Timothée V. 8




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Message  ROBERT. Jeu 04 Fév 2016, 4:06 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XV a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XV.

LA PREMIÈRE CAUSE DE LA SERVITUDE, C’EST LE PÉCHÉ, ET L’HOMME,

NATURELLEMENT LIBRE, DEVIENT, PAR SA MAUVAISE VOLONTÉ,

ESCLAVE DE SES PASSIONS, ALORS MÊME QU’IL

N’EST PAS DANS L’ESCLAVAGE D'AUTRUI.  

 


Voilà ce que demande l’ordre naturel et voilà aussi la condition où Dieu a créé l’homme: "Qu’il domine, dit-il, sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux de la terre 2". Après avoir créé l’homme raisonnable et l’avoir fait à son image, il n’a pas voulu qu’il dominât sur les hommes, mais sur les bêtes. C’est pourquoi les premiers justes ont été plutôt bergers que rois, Dieu voulant nous apprendre par là l’ordre de la nature, qui a été renversé par le désordre du péché. Car c’est avec justice que le joug de la servitude a été imposé au pécheur. Aussi ne voyons-nous point que l’Ecriture sainte parle d’esclaves avant que le patriarche Noé 1 n’eût flétri le péché de son fils de ce titre honteux 2.



Le péché seul a donc mérité ce nom, et non pas la nature. Si l’on en juge par l’étymologie latine, les esclaves étaient des prisonniers de guerre à qui les vainqueurs conservaient3 la vie, alors qu’ils pouvaient les tuer par le droit de guerre: or, cela même fait voir dans l’esclavage une peine du péché. Car on ne saurait faire une guerre juste que les ennemis n’en fassent une injuste; et toute victoire, même celle que remportent les méchants, est un effet des justes jugements de Dieu, qui humilie par là les vaincus, soit qu’il veuille les amender, soit qu’il veuille les punir. Témoin ce grand serviteur de Dieu, Daniel, qui, dans la captivité, confesse 4 ses péchés et ceux de son peuple, et y reconnaît avec une juste douleur l’unique raison de toutes leurs infortunes. La première cause de la servitude est donc le péché, qui assujettit un homme à un homme; ce qui n’arrive que par le jugement de Dieu, qui n’est point capable d’injustice et qui sait imposer des peines différentes selon la différence des coupables.



Notre-Seigneur dit: "Quiconque pèche est esclave du péché 5"; et ainsi il y a beaucoup de mauvais maîtres qui ont des hommes pieux pour esclaves et qui n’en sont pas plus libres pour cela. Car il est écrit: "L’homme est adjugé comme esclave à celui qui l’a vaincu 6". Et certes il vaut mieux être l’esclave d’un homme que d’une passion; car est-il une passion, par exemple, qui exerce une domination plus cruelle sur le cœur des hommes que la passion de dominer? Aussi bien, dans cet ordre de choses qui soumet quelques hommes à d’autres hommes, l’humilité est aussi avantageuse à l’esclave que l’orgueil est funeste au maître. Mais dans l’ordre naturel où Dieu a créé l’homme, nul n’est esclave de l’homme ni du péché; l’esclavage est donc une peine, et elle a été imposée par cette loi qui commande de conserver l’ordre naturel et qui défend de le troubler, puisque, si l’on n’avait rien fait contre cette loi, l’esclavage n’aurait rien à punir. C’est pourquoi l’Apôtre avertit 1 les esclaves d’être soumis à leurs maîtres, et de les servir de bon cœur et de bonne volonté, afin que, s’ils ne peuvent être affranchis de leur servitude, ils sachent y trouver la liberté, en ne servant point par crainte, mais par amour, jusqu’à ce que l’iniquité passe et que toute domination humaine soit anéantie, au jour où Dieu sera tout en tous.



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2. Genèse I, 26. —1. Genèse IX, 25.—2. Comparez saint Jean Chrysostome, [iHomél. in Gen[/i]., n. 6 et 7.—3. Servus, esclave, de serbare, conserver. — C’est l’étymologie donnée par le jurisconsulte Florentinus commentant le Digeste (lib. I, tit. V,  § 5) "Les esclaves sont ainsi appelés, parce que les chefs d’armée ont coutume de faire vendre les prisonniers de guerre, les conservant de la sorte au lieu de les tuer". Donatus, en ses remarques sur les Adelphes de Térence (acte II, scène I, v. 28), abonde dans le même sens. — Voyez dans l’Esprit des Lois l’admirable chapitre où Montesquieu réfute la doctrine des jurisconsultes romains et prouve que l’esclavage, également nuisible au maître et à l’esclave, est aussi contraire au droit des gens qu’au droit naturel (Esprit des Lois, livre XV, ch. 2). —4. Daniel, IX, 5-19. — 5. Jean VIII, 34. —6.  II Pierre II, 19. —1. Ephésiens VI, 5.




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Message  ROBERT. Ven 05 Fév 2016, 2:41 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XVI a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XVI.

DE LA JUSTE DAMNATION.

 


Aussi nous voyons que les patriarches ne mettaient de différence entre leurs enfants et leurs esclaves que relativement aux biens temporels; mais pour ce qui regardait le culte de Dieu, de qui nous attendons les biens éternels, ils veillaient avec une affection égale sur tous les membres de leur maison; et cela est si conforme à l’ordre naturel, que le nom de père de famille en tire son origines, et s’est si bien établi dans le monde que les méchants eux-mêmes aiment à être appelés de ce nom 2. Mais ceux qui sont vrais pères de famille veillent avec une égale sollicitude à ce que tous les membres de leur maison, qui sont tous en quelque façon leurs enfants, servent et honorent Dieu, et désirent parvenir à cette maison céleste où il ne sera plus nécessaire de commander aux hommes, parce qu’ils n’auront plus de besoins auxquels il faille pourvoir; et jusque là, les bons maîtres portent avec plus de peine le poids du commandement que les serviteurs celui de l’esclavage. Or, si quelqu’un vient à troubler la paix domestique, il faut le châtier pour son utilité, autant que cela peut se faire justement afin de le ramener à la paix dont il s’était écarté.



Comme ce n’est pas être bienfaisant que de venir en aide à une personne pour lui faire perdre un plus grand bien, ce n’est pas non plus être innocent que de la laisser tomber dans un plus grand mal sous prétexte de lui en épargner un petit. L’innocence demande non seulement qu’on ne nuise à personne, mais encore qu’on empêche son prochain de mal faire, ou qu’on le châtie quand il a mal fait, soit afin de le corriger lui-même, soit au moins pour retenir les autres par cet exemple. Du moment donc que la maison est le germe et l’élément de la cité, tout germe, tout commencement devant se rapporter à sa fin, et tout élément, toute partie à son tout, il est visible que la paix de la maison doit se rapporter à celle de la cité, c’est-à-dire l’accord du commandement et de l’obéissance parmi les membres de la même famille à ce même accord parmi les membres de la même cité. D’où il suit que le père de famille doit régler sur la loi de la cité la conduite de sa maison, afin qu’il y ait accord entre la partie et le tout.



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2. Cette remarque est déjà dans les lettres de Sénèque (Epist. XLVII) ??



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Message  ROBERT. Sam 06 Fév 2016, 12:01 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XVII a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XVII.

D’OÙ VIENNENT LA PAIX ET LA DISCORDE

ENTRE LA CITÉ DU CIEL ET CELLE DE LA TERRE.      




Mais ceux qui ne vivent pas de la foi cherchent la paix de leur maison dans les biens et les commodités de cette vie, au lieu que ceux qui vivent de la foi attendent les biens éternels de l’autre vie qui leur ont été promis, et se servent des félicités temporelles comme des voyageurs et des étrangers, non pour y mettre leur cœur et se détourner de Dieu, mais pour y trouver quelque soulagement et se rendre en quelque façon plus supportable le poids de ce corps corruptible qui appesantit l’âme 1.  Ainsi il est vrai que l’usage des choses nécessaires à la vie est commun aux uns et aux autres dans le gouvernement de leur maison; mais la fin à laquelle ils rapportent cet usage est bien différente. Il en est de même de la cité de la terre, qui ne vit pas de la foi. Elle recherche la paix temporelle, et l’unique but qu’elle se propose dans la concorde qu’elle tâche d’établir parmi ses membres, c’est de jouir plus aisément du repos et des plaisirs. Mais la cité céleste, ou plutôt la partie de cette cité qui traverse cette vie mortelle et qui vit de la foi, ne se sert de cette paix que par nécessité, en attendant que tout ce qu’il y a de mortel en elle passe. C’est pourquoi, tandis qu’elle est comme captive dans la cité de la terre, où toutefois elle a déjà reçu la promesse de sa rédemption et le don spirituel comme un gage de cette promesse, elle ne fait point difficulté d’obéir aux lois qui servent à régler les choses nécessaires à la vie mortelle; car cette vie étant commune aux deux cités, il est bon qu’il y ait entre elles, pour tout ce qui s’y rapporte, une concorde réciproque.



Mais la cité de la terre ayant eu certains sages, dont la fausse sagesse est condamnée par l’Ecriture, et qui, sur la fol de leurs conjectures ou des conseils trompeurs des démons, ont cru qu’il fallait se rendre favorable une multitude de dieux, comme ayant autorité chacun sur diverses choses, l’un sur le corps, l’autre sur l’âme, et dans le corps même, celui-ci sur la tête, celui-là sur le cou, et ainsi des autres membres, et dans l’âme aussi, l’un sur l’esprit, l’autre sur la science, ou sur la colère, ou sur l’amour, et enfin dans les choses qui servent à la vie, celui-ci sur les troupeaux, cet autre sur les blés ou sur les vigiles, et ainsi du reste 1; comme, d’un autre côté, la Cité céleste ne reconnaissait qu’un seul Dieu, et croyait qu’à lui seul était dû le culte de latrie 2, elle n’a pu par ces raisons avoir une religion commune avec la cité de la terre, et elle s’est trouvée obligée de différer d’elle à cet égard; de sorte qu’elle aurait couru le risque d’être toujours exposée à la haine et aux persécutions de ses ennemis, s’ils n’eussent enfin été effrayés du nombre de ceux qui embrassaient son parti et de la protection visible que leur accordait le ciel.



Voilà donc comment cette Cité céleste, en voyageant sur la terre, attire à elle des citoyens de toutes les nations, et ramasse de tous les endroits du monde une société voyageuse comme elle, sans se mettre en peine de la diversité des mœurs, du langage et des coutumes de ceux qui la composent, pourvu que cela ne les empêche point de servir le même Dieu. Elle use d’ailleurs, pendant son pèlerinage, de la paix temporelle et des choses qui sont nécessairement attachées à notre mortelle condition; elle désire et protège le bon accord des volontés, autant que la piété et la religion le peuvent permettre, et rapporte la paix terrestre à la céleste, qui est la paix véritable, celle que la créature raisonnable peut seule appeler de ce nom, et qui consiste dans une union très réglée et très parfaite pour jouir de Dieu et du prochain en Dieu. Là, notre vie ne sera plus mortelle, ni notre corps animal; nous posséderons une vie immortelle et un corps spirituel qui ne souffrira d’aucune indigence et sera complètement soumis à la volonté. La cité céleste possède cette paix ici-bas par la foi; et elle vit de cette foi lorsqu’elle rapporte à l’acquisition de la paix véritable tout ce qu’elle fait de bonnes œuvres en ce monde, soit à l’égard de Dieu, soit à l’égard du prochain; car la vie de la cité est une vie sociale.



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1. Sagesse IX, 15. —1. Voyez plus haut les livres IV, VI et VII, et comparez Arnobe, Contr.Gent., lib. III, p. 106 et seq.
2. Sur le culte de latrie, voyez plus haut, livre V, ch. 15, et livre VI, préface.




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Message  ROBERT. Lun 08 Fév 2016, 1:21 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XVIII a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XVIII.

COMBIEN LA FOI INÉBRANLABLE DU CHRÉTIEN DIFFÈRE

DES INCERTITUDES DE LA NOUVELLE ACADÉMIE.       

 


Rien de plus contraire à la Cité de Dieu que cette incertitude dont Varron fait le trait distinctif de la nouvelle Académie 1 . Un tel doute aux yeux d’un chrétien, est une folie. Sur les choses qui sont saisies par l’esprit et la raison, il affirme avec certitude, bien que cette connaissance soit fort limitée, à cause du corps corruptible qui appesantit l’âme: car, comme lit l’Apôtre, "notre science ici bas est toute  partielle 2". Il croit aussi au rapport des sens tans les choses qui se manifestent avec évidence, par cette raison que, si l’un se trompe quelquefois en les croyant, on se trompe bien davantage en ne les croyant jamais. Enfin, il ajoute foi aux Ecritures saintes, anciennes et nouvelles, que nous appelons canoniques, et lui sont comme la source de la foi dont le juste vit et qui nous fait marcher avec assurance à travers ce lieu de pèlerinage. Cette foi demeurant certaine et inviolable, nous pouvons douter sans crainte de certaines choses qui ne nous sont connues ni par les sens ni par la raison, et sur lesquelles l’Ecriture ne s’explique point, ou qui ne nous ont point été confirmées par des témoignages incontestables 3.


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1. Voyez plus haut, ch. 1. — 2. I Corinthiens XIII, 9. —3. Comp. Tertullien, De anima, cap. 17.



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Message  ROBERT. Mer 10 Fév 2016, 1:11 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XIX a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XIX.

DE LA VIE ET DES MŒURS  DU PEUPLE CHRÉTIEN.  




 Il importe peu à la Cité céleste que celui qui embrasse la foi qui conduit à Dieu adopte tel ou tel genre de vie, pourvu qu’il ne soit pas contraire à ses commandements. C’est pourquoi, quand les philosophes mêmes se font chrétiens, elle ne les oblige point de quitter leur manière de vivre, à moins qu’elle ne choque la religion, mais seulement à abandonner leurs fausses doctrines. Ainsi elle néglige cette autre différence que Varron a tirée de la manière de vivre des Cyniques, à condition toutefois qu’il ne soit rien fait contre la tempérance et l’honnêteté. Quant à ces trois genres de vie, l’actif, le contemplatif, et celui qui est mêlé des deux, quoique tout croyant sincère puisse choisir comme il lui plaira, sans rien perdre de son droit aux promesses éternelles, il importe toutefois de considérer ce que l’amour de la vérité nous fait embrasser et ce que le devoir de la charité nous fait subir. On ne doit point tellement s’adonner au repos de la contemplation qu’on ne songe aussi à être utile au prochain, ni s’abandonner à l’action, de telle sorte qu’on en oublie la contemplation. Dans le repos, on ne doit pas aimer l’oisiveté, mais s’occuper à la recherche du vrai, afin de profiter soi-même de cette connaissance et de ne la pas envier aux autres; et, dans l’action, il ne faut pas aimer l’honneur ni la puissance, parce que tout cela n’est que vanité, mais le travail qui l’accompagne, lorsqu’il contribue au salut de ceux qui nous sont soumis.



C’est ce qui a fait dire à l’Apôtre que "Celui qui désire l’épiscopat désire une bonne œuvre 1". L’épiscopat est en effet un nom de charge, et non pas de dignité; comme l’indique l’étymologie 2.  Il consiste à veiller sur ses subordonnés et à en avoir soin, de sorte que celui-là n’est pas évêque qui aime à gouverner, sans se soucier d’être utile à ceux qu’il gouverne. Tout le monde peut s’appliquer à la recherche de la vérité, en quoi consiste le repos louable de la vie contemplative; mais, pour les fonctions de l’Eglise, quand on serait capable de les remplir, il est toujours honteux de les désirer. Il ne faut qu’aimer la vérité pour embrasser le saint repos de la contemplation ; mais ce doit être la charité et la nécessité qui nous engagent dans l’action, en sorte que, si personne ne nous impose ce fardeau, il faut vaquer à la recherche et à la contemplation de la vérité, et si on nous l’impose, il faut s’y soumettre par charité et par nécessité 1. Et alors même il ne faut pas abandonner tout à fait les douceurs de la contemplation, de peur que, privés de cet appui, nous ne succombions sous le fardeau du gouvernement.



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1. I Timothée III, 1.—2. Episcopus, d’ episkopos , formé d’episkopein, veiller sur.— 1. Comp. saint Augustin,  Epist. XLVIII, n.2.




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Message  ROBERT. Jeu 11 Fév 2016, 10:41 am

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XX a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XX.

LES MEMBRES DE LA CITÉ DE DIEU NE

SONT HEUREUX ICI-BAS QU’EN ESPÉRANCE.  

 


Puis donc que le souverain bien de la Cité de Dieu consiste dans la paix, non cette paix que traversent les mortels entre la naissance et la mort, mais celle où ils demeurent, devenus immortels et à l’abri de tout mal, qui peut nier que cette vie future ne soit très heureuse, et que celle que nous menons ici-bas, quelques biens temporels qui l’accompagnent, ne soit en comparaison très misérable ? Et cependant, quiconque s’y conduit de telle sorte qu’il en rapporte l’usage à celle qu’il aime avec ardeur et qu’il espère avec fermeté, on peut avec raison l’appeler heureux, même dès ce monde, plutôt, il est vrai, parce qu’iL espère l’autre vie que parce qu’il possède celle-ci. La possession de ce qu’il y a de meilleur en cette vie, sans l’espérance de l’autre, est au fond une fausse béatitude et une grande misère. En effet, on n’y jouit pas des vrais biens de l’âme, puisque cette sagesse n’est pas véritable, qui, dans les choses mêmes qu’elle discerne avec prudence , qu’elle accomplit avec force, qu’elle réprime avec tempérance et qu’elle ordonne avec justice, ne se propose pas la fin suprême où Dieu sera tout en tous par une éternité certaine et par une parfaite paix.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Ven 12 Fév 2016, 11:37 am

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXI a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XXI.

D’APRÈS LES DÉFIN1TIONS ADMISES DANS LA "RÉPUBLIQUE"

DE CICÉRON, IL N’Y A JAMAIS EU DE RÉPUBLIQUE PARMI LES ROMAINS.  




Il s’agit maintenant de m’acquitter en peu de mots de la promesse que j’ai faite au second livre de cet ouvrage 2, et de montrer que, selon les définitions dont Scipion se sert dans la  
République de Cicéron, il n’y a jamais eu de république parmi les Romains. Il définit en deux mots la république: la chose du peuple. Si cette définition est vraie, il n’y a jamais eu de république romaine; car jamais le gouvernement de Rome n’a été la chose du peuple. Comment, en effet, Scipion a-t-il défini le peuple ? "C’est, dit-il, une société fondée sur des droits reconnus et sur la communauté des intérêts" . Or, il explique ensuite ce qu’il entend par ces droits, lorsqu’il dit qu’une république ne peut être gouvernée sans justice. Là donc où il n’y a point de justice, il n’y a point de droit. Comme on fait justement ce qu’on a droit de faire, il est impossible qu’on ne soit pas injuste quand on agit sans droit.



En effet, il ne faut pas appeler droits les établissements injustes des hommes, puisqu’eux-mêmes ne nomment droit que ce qui vient de la source de la justice, et rejettent comme fausse cette maxime de quelques-uns, que le droit du plus fort consiste dans ce qui lui est utile 1. Ainsi, où  il n’y a point de vraie justice, il ne peut y avoir de société fondée sur des droits reconnus et sur la communauté des intérêts, et par conséquent il ne peut y avoir de peuple. S’il n’y a point de peuple, il n’y a point aussi de chose du peuple; il ne reste, au lieu d’un peuple, qu’une multitude telle quelle qui ne mérite pas ce nom. Puis donc que la république est la chose du peuple, et qu’il n’y a point de peuple, s’il n’est associé pour se gouverner par le droit, comme d’ailleurs il n’y a point de droit où il n’y a point de justice, il s’ensuit nécessairement qu’où il n’y a point de justice, il n’y a point de république. Considérons maintenant la définition de la justice: c’est une vertu qui fait rendre à chacun ce qui lui appartient. Or, quelle est cette justice qui ôte l’homme à Dieu pour le soumettre à d’infâmes démons ? Est-ce là rendre à chacun ce qui lui appartient ? Un homme qui ôte un fonds de terre à celui qui l’a acheté, pour le donner à celui qui n’y a point de droit, est injuste; et un homme qui se soustrait soi-même à Dieu, son souverain Seigneur et Créateur, pour servir les malins esprits, serait juste !



Dans cette même République, on soutient fortement le parti de la justice contre l’injustice; et, comme en parlant d’abord pour l’injustice, on avait dit que sans elle une république ne pouvait ni croître ni s’établir, puisqu’il est injuste que des hommes soient assujettis à d’autres hommes, on répond, au nom de la justice, que cela est juste, parce que la servitude est avantageuse à ceux qui la subissent (quand les autres n’en abusent pas), en ce qu’elle leur ôte la puissance de mal faire. Pour appuyer cette raison, on ajoute que la nature même nous en fournit un bel exemple: "Car pourquoi, dit-on, Dieu commande-t-il à l’homme, l’âme au corps, et la raison aux passions ?" Cet exemple fait voir assez que la servitude est utile à quelques-uns, mais que servir Dieu est utile à tous. Or, quand l’âme est soumise à Dieu, c’est avec justice qu’elle commande au corps et que dans l’âme même la raison commande aux passions. Lors donc que l’homme ne sert pas Dieu, quelle justice peut-il y avoir dans l’homme, puisque le service qu’il lui rend donne seul le droit à l’âme de commander au corps, et à la raison de gouverner les passions ?



Et s’il n’y a point de justice dans un homme étranger au culte de Dieu, certainement il n’y en aura point non plus dans une société composée de tels hommes. Partant il n’y aura point aussi de droit dont ils conviennent et qui leur donne le nom de peuple, et par conséquent point de république. Que dirai-je de l’utilité que Scipion fait encore entrer dans la définition de peuple ? Il est certain qu’à y regarder de près, rien n’est utile à des impies, comme le sont tous ceux qui, au lieu de servir Dieu, servent ces démons, qui sont eux-mêmes d’autant plus impies, qu’étant des esprits immondes, ils veulent qu’on leur sacrifie comme à des dieux. Mais, laissant cela à part, ce que nous avons dit touchant le droit suffit, à mon avis, pour faire voir que, selon cette définition, il ne peut y avoir de peuple, ni par conséquent de république où il n’y a pas de justice. Prétendre que les Romains n’ont pas servi dans leur république des esprits immondes, mais des dieux bons et saints, c’est ce qui ne se peut soutenir sans stupidité ou sans impudence, après tout ce que nous avons dit sur ce sujet; mais, pour ne point me répéter, je dirai seulement ici qu’il est écrit dans la loi du vrai Dieu que celui qui sacrifiera à d’autres dieux qu’à lui seul sera exterminé 1. Il veut donc en général et d’une manière absolue qu’on ne sacrifie point aux dieux, bons ou mauvais.



--------------------------------------------------



2. Chapitre 21. — 1. C’est la doctrine et ce sont les expressions du sophiste Thrasymaque dans le premier livre de la République de Platon.—  1. Exode XXII, 20.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
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à suivre…

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Message  ROBERT. Sam 13 Fév 2016, 12:56 pm

.  
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXII a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XXII.

LE DIEU DES CHRÉTIENS EST LE VRAI DIEU

ET LE SEUL À  QUI L’ON DOIVE SACRIFIER..  

 


Mais, dira-t-on, quel est ce Dieu, ou comment prouve-t-on, que lui seul méritait le culte des Romains ? Il faut être bien aveugle pour demander encore quel est ce Dieu: c’est ce Dieu dont les Prophètes ont prédit tout ce que nous voyons s’accomplir sous nos yeux; c’est celui qui dit à Abraham:"En ta race, toutes les nations seront bénies1": parole qui s’est vérifiée en Jésus-Christ, né de cette race selon la chair, comme le reconnaissent malgré eux ses ennemis mêmes; c’est lui qui a inspiré par son Saint-Esprit toutes les prédictions que j’ai rapportées touchant l’Eglise que nous voyons répandue par toute la terre; c’est lui que Varron, le plus docte des Romains, croit être Jupiter, quoiqu’il ne sache ce qu’il dit. Au moins cela fait-il voir qu’un homme si savant n’a pas jugé que ce Dieu ne fût point, ou qu’il fût méprisable, puisqu’il l’a cru le même que celui qu’il prenait pour le souverain de tous les dieux. Enfin, c’est celui que Porphyre, le plus savant des philosophes, bien qu’ardent ennemi des chrétiens, avoue être un grand Dieu, même selon les oracles de ceux qu’il croyait des dieux.


-------------------------------------



1. Genèse XXI, 18.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Lun 15 Fév 2016, 2:17 pm

.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXIII a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XXIII.

DES ORACLES QUE PORPHYRE RAPPORTE

TOUCHANT JÉSUS-CHRIST. (à suivre…)




Porphyre 2, dans son ouvrage intitulé: La Philosophie des oracles (je me sers des expressions telles qu’elles ont été traduites du grec en latin 3 ), Porphyre, dis-je, dans ce recueil de réponses prétendues divines sur des questions relatives à la philosophie, s’exprime ainsi:  "Quelqu’un demandant à Apollon à quel Dieu il devait s’adresser pour retirer sa femme du christianisme, Apollon lui répondit: Il te serait peut-être plus aisé d’écrire sur l’eau, ou de voler dans l’air, que de guérir l’esprit blessé de ta femme. Laisse-la donc dans sa ridicule erreur chanter d’une voix factice et lugubre un Dieu mort, condamné par des juges équitables, et livré publiquement à un supplice sanglant et ignominieux". Après ces vers d’Apollon que nous traduisons librement en prose latine, Porphyre continue de la sorte: "Cet oracle fait bien voir combien la secte chrétienne est corrompue, puisqu’il est dit que les Juifs savent mieux que les chrétiens honorer Dieu". Car c’est ainsi que ce philosophe, poussé par sa haine contre Jésus-Christ à préférer les Juifs aux chrétiens, explique ces paroles de l’oracle d’Apollon, que Jésus-Christ a été mis à mort par des juges équitables; comme s’ils l’avaient fait mourir justement !



Je laisse la responsabilité de cet oracle à l’interprète menteur d’Apollon ou à Porphyre lui-même, qui peut-être l’a inventé; et nous aurons à voir plus tard comment ce philosophe s’accorde avec lui-même, ou accorde ensemble les oracles. Maintenant il nous dit que les Juifs, en véritables adorateurs de Dieu, ont condamné justement Jésus-Christ à une mort ignominieuse; mais ce Dieu des Juifs auquel Porphyre rend témoignage, pourquoi ne pas l’écouter quand il nous dit: "Celui qui sacrifiera à d’autres qu’au seul vrai Dieu sera exterminé1?" Voici, au surplus, d’autres aveux de Porphyre plus manifestes encore. Ecoutons-le glorifier la grandeur du roi des Juifs: "Apollon, dit-il, interrogé pour savoir ce qui vaut le mieux du Verbe, c’est-à-dire de la raison ou de la loi, a répondu en ces termes" (ici Porphyre cite des vers d’Apollon, parmi lesquels je choisis les suivants): "Dieu est le principe générateur, le roi suprême, devant qui le ciel, la terre, la mer et les mystérieux abîmes de l’enfer tremblent, et les dieux mêmes sont saisis d’épouvante ; c’est le Père que les saints hébreux honorent très pieusement2".



Voilà un oracle d’Apollon qui, selon Porphyre, reconnaît que le Dieu des Juifs est si grand qu’il épouvante les dieux mêmes. Or, puisque ce Dieu a dit que celui qui sacrifie aux dieux sera exterminé, je m’étonne que Porphyre n’ait pas aussi éprouvé quelque épouvante, et, dans ses sacrifices aux dieux, n’ait pas craint d’être exterminé. Ce philosophe dit aussi du bien de Jésus-Christ, comme s’il avait oublié les paroles outrageantes que je viens de rapporter, ou comme si les dieux n’avaient mal parlé du Sauveur que pendant qu’ils étaient endormis, et, le connaissant mieux à leur réveil, lui eussent donné les louanges qu’il mérite. Il s’écrie comme s’il allait révéler une chose merveilleuse et incroyable: « "Quelques-uns seront sans doute surpris de ce que je vais dire: c’est que les dieux ont déclaré que le Christ était un homme très pieux, qu’il a été fait immortel, et qu’il leur a laissé un très bon souvenir. Quant aux chrétiens, ils les déclarent impurs, chargés de souillures, enfoncés dans l’erreur, et les accablent de mille autres blasphèmes". Porphyre rapporte ces blasphèmes comme autant d’oracles des dieux; puis il continue ainsi: "Hécate, consultée pour savoir si le Christ est un Dieu, a répondu: Quel est l’état d’une âme immortelle séparée du corps ? Vous le savez; et si elle s’est écartée de la sagesse, vous n’ignorez pas qu’elle est condamnée à errer toujours; celle dont vous me parlez est l’âme d’un homme excellent en piété; mais ceux qui l’honorent sont dans l’erreur".



— "Voilà donc, poursuit Porphyre, qui cherche à rattacher ses propres pensées à celles qu’il impute aux dieux, voilà l’oracle qui déclare le Christ un homme éminent en piété, et qui assure que son âme a reçu l’immortalité comme celle des autres justes, mais que c’est une erreur de l’adorer". — "Et comme quelques-uns, ajoute-t-il, demandaient à Hécate: Pourquoi donc a-t-il été condamné ? La déesse répondit: Le corps est toujours exposé aux tourments, mais l’âme des justes a le ciel pour demeure. Celui dont vous me parlez a été une fatale occasion d’erreur pour toutes les âmes  qui n’étaient pas appelées par les destins à recevoir les faveurs des dieux, ni à connaître Jupiter immortel. Aussi les dieux n’aiment point ces âmes fatalement déshéritées; mais lui, c’est un juste, admis au ciel en la compagnie des  justes. Gardez-vous donc de blasphémer contre lui, et prenez pitié de la folie des hommes; car du Christ aux chrétiens, la pente est rapide1".



Qui est assez stupide pour ne pas voir, ou que ces oracles ont été supposés par cet homme artificieux, ennemi mortel des chrétiens, ou qu’ils ont été rendus par les démons avec une intention toute semblable, c’est-à-dire afin d’autoriser, par les louanges qu’ils donnent à Jésus-Christ, la réprobation qu’ils soulèvent contre les chrétiens, détournant ainsi les hommes de la voie du salut, où l’on n’entre que par le christianisme ? Comme ils sont infiniment rusés, peu leur importe qu’on ajoute foi à leurs éloges de Jésus-Christ, pourvu que l’on croie aussi leurs calomnies contre ses disciples, et ils souffrent qu’on loue Jésus-Christ, à condition de n’être pas chrétien, et par conséquent de n’être pas délivré par le Christ de leur domination. Ajoutez qu’ils le louent de telle sorte que quiconque croira en lui sur leur rapport ne sera jamais vraiment chrétien, mais photinien1, et ne verra dans le Christ que l’homme et non Dieu; ce qui l’empêchera d’être sauvé par sa médiation et de se dégager des filets de ces démons imposteurs. Pour nous, nous fermons également l’oreille à la censure d’Apollon et aux louanges d’Hécate.



L’un veut que Jésus-Christ ait été justement condamné à mort par ses juges, et l’autre en parle comme d’un homme très pieux, mais toujours un homme. Or, ils n’ont l’un et l’autre qu’un même dessein, celui d’empêcher les hommes de se faire chrétiens, seul moyen pourtant d’être délivré de leur tyrannie. Au surplus, que ce philosophe ou plutôt ceux qui ajoutent foi à ces prétendus oracles accordent, s’ils peuvent, Apollon et Hécate, et placent l’éloge ou la condamnation dans la bouche de tous deux; mais quand ils le pourraient faire, nous n’en aurions pas moins pour ces démons, soit qu’ils louent le Christ, soit qu’ils le blasphèment, la même répulsion. Et comment les païens, qui voient un dieu et une déesse se contredire sur Jésus-Christ, et Apollon blâmer ce qu’approuve Hécate, peuvent-ils, pour peu qu’ils soient raisonnables, ajouter foi aux calomnies de ces démons contre les chrétiens ?  (à suivre…)




---------------------------------------



2. Sur Porphyre, voyez plus  haut, livre X, ch. 9 et les notes. —3. Le titre grec est celui-ci: Peri tes ek logion philosophias . Cet ouvrage de Porphyre est perdu. Il est mentionné par Théodoret et par Eusèbe. Voyez la Praepar. Evang., livre IV, ch. 6 et 8.— 1. Exode  XXII, 20. —2. Nous trouvons dans Lactance (De ira Dei, cap. 23) trois des vers grecs que saint Augustin vient de traduire. Les autres sont perdus, mais on en rencontre d’analogues dans Justin ( Serm. exhort. ad Gent.) —1. Ce passage de Porphyre se trouve à peu près reproduit dans Eusèbe (Demonstr. Evang., lib. III, cap. 6). —1. Sur l’hérésie de Photin, fort semblable à celle de Paul de Samosate, voyez le livre de saint Augustin De haer., haer. 41 et 45.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
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à suivre…

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Message  ROBERT. Mar 16 Fév 2016, 10:55 am

.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXIII a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XXIII.

DES ORACLES QUE PORPHYRE RAPPORTE

TOUCHANT JÉSUS-CHRIST. (suite.)

 


(suite) Au reste, quand Porphyre ou Hécate disent que Jésus-Christ a été une fatale occasion d’erreur pour les chrétiens, je leur demanderai s’il l’a été volontairement ou malgré lui. Si c’est volontairement, comment est-il juste ? Et si c’est malgré lui, comment est-il bienheureux ? Mais écoutons Porphyre expliquant la cause de cette prétendue erreur: "Il y a, dit-il, en certain lieu, des esprits terrestres et imperceptibles soumis au pouvoir des mauvais démons. Les sages (les Hébreux), entre lesquels était ce Jésus, selon les oracles d’Apollon que je viens de rapporter, détournaient les personnes religieuses du culte de ces mauvais démons et de ces esprits inférieurs, et les portaient à adorer plutôt les dieux célestes et surtout Dieu le père. C’est aussi, ajoute-t-il, ce que les dieux mêmes commandent, et nous avons montré ci-dessus comment ils avertissent de reconnaître Dieu et veulent qu’on l’adore partout. Mais les ignorants et les impies, qui ne sont pas destinés à recevoir les faveurs des dieux, ni à connaître Jupiter immortel, ont rejeté toute sorte de dieux, pour embrasser le culte des mauvais démons. Il est vrai qu’ils feignent de servir Dieu, mais ils ne font rien de ce qu’il faut pour cela. Dieu, comme le père de toutes choses, n’a besoin de rien; et nous attirons ses grâces sur nous, lorsque nous l’honorons par la justice, par la chasteté et par les autres vertus, et que notre vie est une continuelle prière par l’imitation de ses perfections et la recherche de sa vérité. Cette recherche, dit-il, nous purifie, et l’imitation nous rapproche de lui".



Ici, j’en conviens, Porphyre parle dignement de Dieu le père et de l’innocence des mœurs, laquelle constitue principalement le culte qu’on lui rend. Aussi bien les livres des prophètes hébreux sont pleins de ces sortes de préceptes, soit qu’ils reprennent le vice, soit qu’ils louent la vertu. Mais Porphyre, quand il parle des chrétiens, ou se trompe, ou les calomnie autant qu’il plaît aux démons qu’il prend pour des dieux: comme s’il était bien malaisé de se souvenir des infamies qui se commettent dans les temples ou sur les théâtres en l’honneur des dieux, et de considérer ce qui se dit dans nos églises ou ce qu’on y offre au vrai Dieu, pour juger de quel côté est l’édification ou la ruine des mœurs. Et quel autre que l’esprit malin lui a dit ou inspiré ce mensonge ridicule et palpable, que les chrétiens révèrent plutôt qu’ils ne les haïssent ces démons que les Hébreux défendent d’adorer?



Mais ce Dieu, que les sages des Hébreux ont adoré, défend aussi de sacrifier aux esprits célestes, aux anges et aux vertus que nous aimons et honorons dans le pèlerinage de cette vie mortelle, comme nos concitoyens déjà bienheureux. Dans la loi qu’il a donnée à son peuple, il a fait entendre comme un coup de tonnerre cette terrible menace: "Celui qui sacrifiera aux dieux sera exterminé"; et de peur qu’on ne s’imaginât que cette défense ne regarde que les mauvais démons et ces esprits terrestres que Porphyre appelle esprits inférieurs, parce que l’Ecriture sainte les appelle aussi les dieux des Gentils, comme dans ce passage du psaume: "Tous les dieux des Gentils sont des démons 1", de peur qu’on ne crût que la défense de sacrifier aux démons n’emporte pas celle de sacrifier aux esprits célestes, ou au moins à quelques-uns d’entre eux, l’Ecriture ajoute ces mots: Si ce n’est au Seigneur seul, nisi Domino soli. Et quant à ceux qui, trompés par le mot soli, se figurent que Dieu est ici confondu avec le soleil, il suffit de jeter les yeux sur le texte grec pour dissiper leur erreur 2.



Ainsi, ce Dieu à qui un si excellent philosophe rend un si excellent témoignage, a donné à son peuple, au peuple hébreu, une loi écrite en langue hébraïque, et cette loi, qui est connue par toute la terre, porte expressément que celui qui sacrifiera aux dieux et à d’autres qu’au Seigneur sera exterminé. Qu’est-il besoin d’aller chercher d’autres passages dans cette loi ou dans les Prophètes pour montrer que le Dieu véritable et souverain ne veut point qu’on sacrifie à d’autres qu’à lui ? Voici un oracle court, mais terrible, sorti de la bouche de ce Dieu que les plus savants hommes du paganisme exaltent si fort: qu’on l’écoute, qu’on le craigne, qu’on y obéisse, de peur qu’on encoure la peine dont il menace: "Celui qui sacrifiera aux dieux et à d’autres qu’au Seigneur sera exterminé". Ce n’est pas que Dieu ait besoin de rien qui soit à nous, mais c’est qu’il nous est avantageux d’être à lui. Il est écrit dans les saintes lettres des Hébreux: "J’ai dit au Seigneur : Vous êtes mon Dieu, parce que vous n’avez pas besoin de mes biens 3".



Or, nous-mêmes, c’est-à-dire sa Cité, nous sommes le plus noble et le plus excellent sacrifice qui lui puisse être offert; et tel est le mystère que nous célébrons dans nos oblations bien connues des fidèles, ainsi que nous l’avons dit aux livres précédents 1. Les oracles du ciel ont déclaré hautement, par la bouche des Prophètes hébreux, que les sacrifices d’animaux que les Juifs offraient comme des figures de l’avenir cesseraient, et que les nations, du levant au couchant, n’offriraient qu’un seul sacrifice; ce que nous voyons maintenant accompli. Nous avons rapporté dans cet ouvrage quelques-uns de ces témoignages, autant que nous l’avons trouvé à propos. Concluons qu’où n’est point cette justice, qui fait qu’on n’obéit qu’au Dieu souverain et qu’on ne sacrifie qu’à lui seul, là certainement aussi n’est point une société fondée sur des droits reconnus et sur des intérêts communs; et par conséquent il n’y a point là non plus de peuple, si la définition qu’on en a donnée est la véritable. Il n’y a donc point enfin de république, puisque la chose du peuple ne saurait être où le peuple n’est pas.


----------------------------------------------------------



1. Psaume XLV, 5. —2. En effet, le texte des Septante porte : Ei me to Kurio mono... —3. Psaume XV, 2. — 1. Voyez plus haut, livre X, ch. 6 et ailleurs.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Mer 17 Fév 2016, 2:21 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXIV a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XXIV.

SUIVANT QUELLE DÉFINITION L’EMPIRE ROMAIN,

AINSI QUE LES AUTRES ÉTATS, PEUVENT S’ATTRIBUER

JUSTEMENT LES NOMS DE PEUPLE ET DE RÉPUBLIQUE.  




Mais écartons cette définition du peuple, et supposons qu’on en choisisse une autre, par exemple celle-ci: Le peuple est une réunion d’êtres raisonnables qui s’unissent afin de jouir paisiblement ensemble de ce qu’ils aiment. Pour savoir ce qu’est chaque peuple, il faudra examiner ce qu’il aime. Toutefois, quelque chose qu’il aime du moment qu’il y a une réunion, non de bêtes, mais de créatures raisonnables, unies par la communauté des mêmes intérêts, on peut fort bien la nommer un peuple, lequel sera d’autant meilleur que les intérêts qui le lient seront plus nobles et d’autant plus mauvais qu’ils le seront moins. Suivant cette définition, le peuple romain est un peuple, et son gouvernement est sans doute une république.



Or, l’histoire nous apprend ce qu’a aimé ce peuple au temps de son origine et aux époques suivantes, et comment il a été entraîné à de cruelles séditions par la dépravation de ses mœurs, et de là conduit aux guerres civiles et sociales, où il a sapé dans sa base la concorde qui est en quelque sorte le salut du peuple. Je ne voudrais cependant pas dire qu’à ce moment l’empire romain ne fût plus un peuple, ni son gouvernement une république, tant qu’il est resté une réunion de personnes raisonnables liées ensemble par un intérêt commun. Et ce que j’accorde pour ce peuple, je l’accorde également pour les Athéniens, les Égyptiens, les Assyriens, et pour tout autre empire, grand ou petit; car, en général, la cité des impies, rebelle aux ordres du vrai Dieu qui défend de sacrifier à d’autres qu’à lui, et partant incapable de faire prévaloir l’âme sur le corps et la raison sur les vices, ne connaît point la justice véritable.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Jeu 18 Fév 2016, 2:30 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXV a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.



CHAPITRE XXV.

IL N’Y A POINT DE VRAIES VERTUS OÙ

IL N’Y A POINT DE VRAIE RELIGION.  .  

 


Quelque heureux empire que l’âme semble avoir sur le corps, et la raison sur les passions, si l’âme et la raison ne sont elles-mêmes soumises à Dieu et ne lui rendent le culte commandé par lui, cet empire n’existe pas dans sa vérité. Comment une âme qui ignore le vrai Dieu et qui, au lieu de lui être assujettie, se prostitue à des démons infâmes, peut-elle être maîtresse de son corps et de ses mauvaises inclinations ? C’est pourquoi les vertus qu’elle pense avoir, si elle ne les rapporte à Dieu, sont plutôt des vices que des vertus. Car, bien que plusieurs s’imaginent qu’elles sont des vertus véritables, quand elles se rapportent à elles-mêmes et n’ont qu’elles-mêmes pour fin, je dis que même alors elles sont pleines d’enflure et de superbe, et ainsi elles ne sont pas des vertus, mais des vices 1 . En effet, comme ce qui fait vivre le corps n’est pas un corps, mais quelque chose au-dessus du corps, de même ce qui rend l’homme bienheureux ne vient pas de l’homme, mais est au-dessus de l’homme; et ce que je dis de l’homme est vrai de tous les esprits célestes.



-------------------------------------------------



1. Comparez saint Augustin, aux livres XIII et XIV de son traité De la Trinité  (XII, n. 25, 26 ; XIV, n.3 ).





Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Ven 19 Fév 2016, 2:56 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXVI a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XXVI.

LE PEUPLE DE DIEU, EN SON PÈLERINAGE ICI-BAS,

FAIT SERVIR LA PAIX DU PEUPLE SÉPARÉ

DE DIEU AUX INTÉRÊTS DE LA PIÉTÉ.  

 


Ainsi, de même que l’âme est la vie du corps, Dieu est la vie bienheureuse de l’homme, d’où vient cette parole des saintes lettres des Hébreux: "Heureux le peuple qui a son Seigneur en son Dieu 1". Malheureux donc le peuple qui ne reconnaît pas ce Dieu I Il ne laisse pas pourtant de jouir d’une certaine paix qui n’a rien de blâmable en soi mais il n’en jouira pas à la fin, parce qu’il n’en use pas bien avant la fin. Or, nous chrétiens, c’est notre intérêt qu’il jouisse de la paix pendant cette vie; car, tant que les deux cités sont mêlées ensemble, nous nous servons aussi de la paix de Babylone, tout en étant affranchis de son joug par la foi et ne faisant qu’y passer comme des voyageurs. C’est pour cela que l’Apôtre avertit l’Eglise de prier pour les rois et les puissants du siècle, "afin, dit-il, que nous menions une vie tranquille en toute piété et charité 2". Lorsque Jérémie prédit à l’ancien peuple d’Israël sa captivité et lui recommande au nom de Dieu d’aller à Babylone sans murmurer, afin de donner au Seigneur cette preuve de sa patience, il l’avertit aussi de prier pour cette ville, "parce que, dit-il, vous trouverez votre paix dans la sienne 3 »; c’est-à-dire une paix temporelle, celle qui est commune aux bons et aux méchants.


--------------------------------------------


1. Psaume CXLIII, 15. – 2. I Timothée II, 2. – 3. Jérémie  XXIX, 7.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Sam 20 Fév 2016, 11:51 am

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXVII a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.



CHAPITRE XXVII.

LA PAIX DES SERVITEURS DE DIEU NE SAURAIT

ÊTRE PARFAITE EN CETTE VIE MORTELLE.  




Mais il y a une autre paix, qui est propre à la Cité sainte, et celle-là, nous en jouissons avec Dieu par la foi 4, et nous l’aurons un jour éternellement avec lui par la claire vision. Ici-bas, au contraire, la paix dont nous jouissons, publique ou particulière, est telle qu’elle sert plutôt à soulager notre misère qu’à procurer notre félicité. Notre justice même,. quoique vraie en tant que nous la rapportons au vrai bien, est si défectueuse en cette vie qu’elle consiste plutôt dans la rémission des péchés que dans aucune vertu parfaite. Témoin la prière de toute la Cité de Dieu étrangère en ce monde, et qui crie à Dieu par la bouche de tous ses membres: "Pardonnez nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés 5". Et cette prière ne sert de rien à ceux dont la foi sans oeuvres est une foi morte 6, mais seulement à  ceux dont la foi opère par amour1. Les justes mêmes ont besoin de cette prière; car bien que leur âme soit soumise à Dieu, la raison ne commande jamais parfaitement aux vices en cette vie mortelle et dans ce corps corruptible qui appesantit l’âme 2; car elle ne leur commande pas sans combat et sans résistance.



C’est pourquoi, avec quelque vigilance que l’on combatte en ce lieu d’infirmité, et quelque victoire qu’on remporte sur ses ennemis, on donne quelque prise sur soi, sinon par les actions, du moins par les paroles ou par les pensées. Tant que l’on ne fait que commander aux vices, on ne jouit pas encore d’une pleine paix, parce que ce qui résiste n’est jamais dompté sans danger, et l’on ne triomphe pas en repos de ceux qui sont domptés, parce qu’il faut toujours veiller à ce qu’ils ne se relèvent pas. Parmi ces tentations dont l’Ecriture dit avec tant de concision, que "la vie de l’homme sur la terre est une continuelle tentation 3", qui présumera n’avoir point besoin de dire à Dieu: Pardonnez-nous nos offenses, si ce n’est l’homme superbe, qui n’a pas la grandeur, mais l’enflure, et à qui celui qui donne sa grâce aux humbles résiste avec justice4 ?



Ici donc la justice consiste, à l’égard de l’homme, à obéir à Dieu à l’égard du corps, à être soumis à l’âme, et à l’égard des vices, à les vaincre ou à leur résister par la raison, et à demander à Dieu sa grâce et le pardon de ses fautes, comme à le remercier des biens qu’on en a reçus. Mais dans cette paix finale, qui doit être le but de toute la justice que nous tâchons d’acquérir ici-bas, comme la nature sera guérie sans retour de toutes les mauvaises inclinations, et que nous ne sentirons aucune résistance ni en nous-mêmes, ni de la part des autres, il ne sera pas nécessaire que la raison commande aux passions qui ne seront plus, mais Dieu commandera à l’homme, et l’âme au corps, avec une facilité et une douceur qui répondra à un état si glorieux et si fortuné. Cet état sera éternel, et nous serons assurés de son éternité, et c’est en cela que consistera notre souverain bien.



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4. II Corinthiens V, 7. — 5. Mathieu. VI, 12. — 6.  Jacques, II, 7. —1. Galates  V, 6. — 2. Sagesse IX, 15. — 3. Job VI, 1. — 4. Jacques  IV, 6.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…

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Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XIX — LE SOUVERAIN BIEN  - Page 2 Empty Re: Saint Augustin — Cité de Dieu — Livre XIX — LE SOUVERAIN BIEN

Message  ROBERT. Dim 21 Fév 2016, 3:11 pm

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Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XIX, cap XXVIII a écrit:

LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.


CHAPITRE XXVIII.

DE LA FIN DES MÉCHANTS.  




Mais, au contraire, tous ceux qui n’appartiennent pas à cette Cité de Dieu, leur misère sera éternelle; c’est pourquoi l’Ecriture l’appelle aussi la seconde mort, parce que ni l’âme, ni le corps ne vivront : l’âme, parce qu’elle sera séparée de Dieu, qui est la vie, et le corps, parce qu’il souffrira d’éternelles douleurs. Aussi cette seconde mort sera la plus cruelle, parce qu’elle ne pourra finir par la mort. Or, la guerre étant contraire à la paix, comme la misère l’est à la béatitude et la mort à la vie, on peut demander si à ta paix dont on jouira dans le souverain bien répond une guerre dans le souverain mal. Que celui qui fait cette demande prenne garde à ce qu’il y a de mauvais dans la guerre, et il trouvera que cela ne consiste que dans l’opposition et la contrariété des choses entre elles.



Quelle guerre donc plus grande et plus cruelle peut-on s’imaginer que celle où la volonté est tellement contraire à la passion et la passion à la volonté, que leur inimitié ne cesse jamais par, la victoire de l’une ou de l’autre, et où la douleur combat tellement contre le corps qu’aucun des deux adversaires ne triomphe jamais ? Quand il arrive en ce monde un pareil combat, ou bien la douleur a le dessus, et la mort en ôte le sentiment, ou la nature est victorieuse, et la santé chasse la douleur. Mais dans la vie à venir, la douleur demeurera pour tourmenter, et la nature subsistera pour sentir la douleur; car ni l’une ni l’autre ne sera détruite, afin que le supplice dure toujours. Or, comme c’est par le Jugement dernier que les bons et les méchants aboutiront, les uns au souverain bien et les autres au souverain mal, nous allons traiter ce sujet dans le livre suivant, s’il plaît à Dieu.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.

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FIN du LIVRE DIX-NEUVIÈME: LE SOUVERAIN BIEN.
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