LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Page 4 sur 4 Précédent  1, 2, 3, 4

Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Jeu 29 Déc 2011, 4:29 pm

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10

RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.




pp.209- 211 (note explicative 15)

IV. LA VERTU D'ESPÉRANCE.

(Question 17, art. 5.)

1º L'espérance a tous les éléments d'une vertu. (suite)


B. — Il semble, à première vue, qu'il y ait difficulté à admettre que l'espérance soit un terme ultime pour !a volonté. Celle-ci, sujet de l'espérance, semble bien atteindre son objet de la façon la meilleure et sous son mode le plus parfait par la charité, qui possède Dieu en lui-même et pour lui-même, sous un mode supérieur à l'espérance qui ne l'atteint que comme absent et qui ne comporte pas ce repos du désir consécutif à la possession parfaite.

Mais en réalité il y a là une confusion, et sur l'objet de la vertu et sur le terme de la volonté. La vertu en effet doit être un terme ultime de perfection, non pas absolument, mais par rapport à sa matière. Or la perfection pour l'espérance est d'atteindre la béatitude comme non-possédée; c'est cela sa matière, et la perfection pour la vertu ne consiste pas à posséder la béatitude, mais à adhérer à l'objet même de l'espérance qui est Dieu non-possédé. Puisque l'espérance arrive à ce résultat, elle atteint bien son terme ultime qui est celui vis-à-vis duquel elle a à se déployer. Ce qui est dit de l'objet doit se dire aussi de la volonté, qui ne doit pas être prise comme un absolu, alors qu'elle produit des actes relevant tantôt du concupiscible et tantôt de l'irascible.


Dans sa recherche des passions principales. S. Thomas nomme la joie et la tristesse, l'espérance et la crainte, parce qu'elles sont les termes ultimes des puissances; la joie et la tristesse sont termes d'une façon absolue, car le mouvement du concupiscible se termine à l'union même avec la réalité, ce qui donne naissance à la joie ou à la tristesse selon la convenance ou la disconvenance de l'objet; l'irascible n'est pas un terme par lui-même et trouve son complément nécessaire dans le passage au concupiscible, mais cependant il forme bien un mouvement spécial avec un terme particulier, et donc, à l'intérieur de la tendance irascible, l'espérance et la crainte sont véritablement des termes : ce ne sont pas des mouvements parfaits absolument, mais ce sont des mouvements ultimes pour l'irascible.


Bien plus, ce sont les termes derniers de toute la tendance vers le bien ou de toute la fuite du mal ; après eux il n'y a plus que la joie dans la possession effective; si bien que l’espérance possède davantage, dans son ordre, les caractères de terme ultime que l'amour, car elle est une étape plus proche de la possession, puisqu'elle est le dernier mouvement de l'appétit en quête dans son objet. Analogiquement il en est de même pour la vertu d'espérance. Elle n'est pas une fin en soi puisqu'elle a pour sujet la volonté-irascible, et elle doit finalement trouver sa solution dans la possession parfaite de l'objet qu'elle n'a pas encore, possession qui se réalise dans la volonté-concupiscible. Mais qui dit terme ultime ne dit pas nécessairement terme dernier absolu d'une puissance, mais terme dernier d'une puissance constituée et agissante dans un ordre donné.

Et c'est ainsi que, bien qu'elle ne soit pas le terme dernier de la volonté prise absolument, l'espérance est cependant le terme de la volonté-irascible, et ainsi elle répond à la définition de la vertu. L'espérance théologale, qui atteint Dieu futur et possible, en s'appuyant sur lui, représente pour la volonté un état de perfection, qui, à ce stade, ne peut pas être dépassé.


.


à suivre…
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Ven 30 Déc 2011, 4:49 pm

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10

RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.








pp.209- 211 (note explicative 15)

IV. LA VERTU D'ESPÉRANCE.

(Question 17, art. 5.)


pp. 212-213


2º L'espérance a sa qualité de vertu par son caractère théologal.



A. — D’elle-même, l'espérance n'est pas une vertu. Mouvement de l'irascible sensible elle est une passion, qui, par définition, ne peut pas être vertu; s'il y a des vertus qui s'exercent sur la même matière que l'espérance, c'est pour rectifier l'activité de la passion, et elles sont autre chose que la passion. Acte de la volonté naturelle, l'espérance est l'expression de la puissance appétitive rationnelle, tout comme la passion l'est de la faculté sensible : c'est une réaction naturelle de la volonté, tendance foncière et primitive de l'appétit en face d'un bien qui lui convient. Cette espérance peut être bonne, si l'objet est un bien réel et si le mouvement n'est pas déséquilibré par les passions adjacentes, mais du moment que l'objet, fût-il Dieu connu et désiré naturellement, reste en proportion avec la nature humaine et ses possibilités, l'espérance n'est pas autre chose qu'une expression naturelle de la volonté : elle est sur le même plan que l'amour; jamais d'ailleurs les philosophes ne l'ont considérée comme une vertu.


B. — Quand il s'agit de l'espérance théologale, c'est cela même qui la constitue théologale qui en fait une vertu, son objet et la façon dont elle l'atteint, Dieu dans son essence surnaturelle, objet transcendant toutes nos puissances, atteint par une volonté que renforce la toute-puissance de Dieu. Tandis que l'espérance naturelle ne requiert aucune force nouvelle qui vienne affermir une puissance naturellement ordonnée à son objet, l'espérance surnaturelle exige une surélévation permanente de la volonté pour la mettre en connaturalité avec l'objet. Et c'est cela même la vertu d'espérance, habitus vertueux dont on ne peut mal user, et toujours orienté vers Dieu. La différence essentielle entre l'espérance naturelle et l'espérance surnaturelle ne vient donc pas de ce que l'objet est mauvais ou bon (car l'objet de l'espérance naturelle peut être bon), mais de ce que, d'une part, on peut l'atteindre connaturellement et par les seules forces spontanées de la volonté, et que, d'autre part, il y faut nécessairement une surélévation de la volonté par un habitus infus. Cet habitus donne à la faculté une fixité au bien absolu qui est Dieu, que ne possède pas la volonté dans son acte naturel. Tendant à Dieu d'une façon permanente et atteignant par là la règle suprême de l'activité humaine, l'espérance est à la fois vertu et vertu théologale : ces deux caractères sont inséparables.


à suivre…


ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Sam 31 Déc 2011, 7:46 pm

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10

RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.




pp.209- 211 (note explicative 15)

IV. LA VERTU D'ESPÉRANCE.

(Question 17, art. 5.)


pp. 212-213

3º L'imperfection et la perfection de l'espérance.


Il faut concéder sans hésitation que, dans sa référence à son objet, l'espérance n'est pas parfaite, l'absence de l'objet étant une imperfection très certaine pour une tendance qui ne se satisfait que dans la possession : de même la foi, dans sa référence aux vérités auxquelles elle croit, est imparfaite, parce que c'est une imperfection pour l'intelligence d'adhérer à des objets dont elle n'a pas l'évidence immédiate ou médiate. Il n'y a pas à minimiser la profondeur de cette imperfection, puisqu'elle est un élément constitutif de ces vertus qui sont essentiellement des vertus de la terre : la pleine clarté et l'absolue possession entraînent nécessairement, au ciel, la disparition de la foi et de l'espérance.


Mais remarquons d'abord qu'atteindre Dieu d'une façon imparfaite est cependant une œuvre plus parfaite que d'atteindre sous un mode plénier les autres réalités; c'est pourquoi rien n'empêche que la foi et l'espérance soient des vertus, bien qu'elles ne nous fassent atteindre Dieu qu'imparfaitement. Dans l'ordre naturel, pareille imperfection vis-à-vis de l'objet ruinerait toute vertu, mais le peu que nous pouvons connaître de Dieu et la moindre liaison que nous pouvons avoir avec lui ont plus de valeur et nous rapprochent davantage de la règle supérieure de notre vie que les évidences et les possessions du créé : la transcendance de l'objet qui nous est promis et dont nous avons les arrhes relègue au second plan l'insuffisance de la possession que nous en prenons présentement.



pp.214-216


Par ailleurs, l'espérance a un élément de perfection tout à fait singulier, Dieu qui se fait lui-même notre secours pour l'atteindre. Sur ce point, l'espérance se porte à son maximum de tension, et prend dans ce secours un élément de certitude exceptionnelle qui devient comme une détermination de la puissance à son objet : c'est bien une perfection pour cette faculté. Le cas est encore semblable à celui de la foi, dont l'adhérence au témoignage de la Vérité Première est absolue, ce qui permet de considérer la foi comme une vertu à cause de la détermination de l'intelligence au vrai divin, avec autant et même plus de certitude que, sur le plan humain, elle est déterminée par l'évidence et la science. Et comme nous sommes ici en présence de l'élément formel de l'espérance, celui qui la constitue ultimement, la perfection absolue du motif l'emporte sur l'imperfection relative de l'objet.




à suivre…
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Dim 01 Jan 2012, 4:54 pm

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10

RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.





pp.209- 211 (note explicative 15)

IV. LA VERTU D'ESPÉRANCE.

(Question 17, art. 5.)


pp. 212-213


4º L'assimilation à Dieu qu'apporte la vertu d'espérance.

Notre âme est faite de son essence et de ses facultés. L'ordre surnaturel nous apportant une participation à la nature divine, cette infusion nouvelle de vie doit affecter d'abord l'essence de l'âme : et c'est là le rôle de la grâce sanctifiante qui élève l'âme au-dessus de son mode naturel pour la rendre habituellement capable d'opérations divines. La grâce est une certaine participation de la nature divine, en laquelle Dieu nous adopte pour ses fils. Mais comme la ressemblance avec Dieu se réalise dans la connaissance et l'amour, en plus de la grâce habituelle, Dieu nous infuse d'autres vertus qui assimilent notre intelligence et notre volonté à l'intelligence et à la volonté divine : c'est là le rôle des vertus théologales qui requièrent que celui qui agit soit uni à Dieu comme à l'objet de son opération.

Par la foi, l'intelligence se trouve illuminée dans sa connaissance des vérités surnaturelles, et y donne son assentiment. Comme ces vérités sont principalement les mystères divins eux-mêmes, l'homme, par la foi, devient participant de la connaissance même par laquelle Dieu se connaît.

Par l'espérance et la chanté, la volonté acquiert une certaine inclination au bien surnaturel, différemment cependant dans chacune des vertus. « La volonté, nous dit S. Thomas, est ordonnée à Dieu, et par l'espérance en tant qu'elle met sa confiance en Dieu (confidit), et par la charité en tant qu'elle l'aime » (De Virtutibus, in Com., a. 12). La charité nous incline vers Dieu considéré en lui-même, dans la bonté, dans la beauté, dans la perfection de son être, et elle est une participation de l'amour par lequel Dieu s'aime lui-même et aime toutes choses; la charité nous donne avec Dieu cette similitude, la plus parfaite de toutes, de partager son amour en une dilection réciproque et de même qualité. L'espérance nous attache à Dieu, en surélevant la volonté de l'homme vers le souverain bien considéré comme possible à atteindre. Bien que cette possession de Dieu par l'espérance soit encore lointaine, il y a une grande ressemblance entre l'acte d'espérance et l'acte par lequel Dieu entre en possession de lui-même et en est heureux, ceci à cause de la certitude de la promesse.

L'objet de la vie de Dieu, c'est lui-même se béatifiant; l'objet de notre espérance, c'est Dieu nous béatifiant. A l'aboutissement de notre acte d'espérance, c'est Dieu qui est là nous béatifiant, tout comme Dieu, quand il entre en possession de lui-même, se béatifie; seulement dans notre cas c'est un objet à atteindre, tandis que Dieu en a la possession. Mais Dieu n'est pas seulement l'aboutissement de notre acte d'espérance, il est aussi le motif de cette espérance : c'est en nous appuyant sur Dieu que nous osons espérer. De cette manière l'acte d'espérance, comme l'acte de foi, est pris entre Dieu et Dieu : nous nous appuyons sur Dieu pour aboutir à Dieu. Par suite, nous sommes Bienheureux en espérance, et ce bonheur n'est pas vain parce qu'il s'appuie sur la toute-puissance de Dieu; nous vivons vraiment dans le secours de Dieu; par lui nous possédons en espérance notre béatitude, tout comme Dieu possède la sienne en réalité. Nous sommes déjà de véritables Bienheureux, car ce qu'ils ont par une possession effective, nous l'avons par une espérance absolue, et l'assimilation à Dieu qui est celle des Bienheureux au ciel,, nous la possédons déjà ici-bas dans l'espérance,, qui est une possession anticipée de Dieu. Ici encore, il serait fort intéressant de rassembler ce qu'ont dit les Auteurs inspirés, les Saints et les Spirituels de la vie céleste anticipée qu'ils ont conscience de goûter sur la terre. C'est tout le secret de la joie des fils de Dieu.



à suivre…

ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Lun 02 Jan 2012, 3:37 pm

.
.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10


.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.






pp.216-220

V. LA FOI A L’ORIGINE DE L'ESPÉRANCE (Question 17, art. 7.)


La surnaturalité des origines de l'espérance est absolue, car cette vertu est théologale, tout entière inscrite en Dieu, et il faut toujours des causes proportionnées aux effets. Ce principe oblige à conclure que la cause immédiate et efficiente de l'habitus infus est Dieu lui-même, nous donnant cette vertu par grâce, sans aucun mérite préalable de notre part. Cependant cette infusion de la vertu d'espérance ne s'opère pas en violentant les lois générales de notre psychologie. Sans doute la vertu infuse n'obéit pas dans sa genèse aux lois de l'évolution, aux emprises successives de la forme, qu'on trouve le plus souvent dans la production de la vertu humaine. Mais elle s'insère cependant dans notre psychologie et lui prend tous les modes qui peuvent cadrer avec sa propre nature. Si l'on envisage l'homme adulte, la naissance, l'accroissement et la permanence de la vertu réclament que la grâce divine se concrétise et se détermine en des grâces de préparation et de perfectionnement qui trouvent place dans l'intelligence et la volonté. Et c'est ainsi que devient obligatoire une recherche des origines intellectuelles de l'espérance.

1º L'absolue nécessité de la foi.

Pour aimer, désirer, espérer, jouir, il faut d'abord connaître ce qu'on aime, ce qu'on désire, ce qu'on espère, ce dont on jouit. L'ordre de la connaissance précède l'ordre affectif, une tendance supposant toujours un objet de tendance. «Il est sot, dit S. Thomas, de prétendre- qu'on désire pour désirer, car le désir implique un certain mouvement qui tend vers quelque chose qu'on désire ». (Commentaire du de Anima, livre III, chap. 15). Cette connaissance préalable au sentiment doit être de même qualité que celui-ci, et c'est pourquoi l'espérance théologale requiert une connaissance de foi surnaturelle infuse. Ce qu'on nomme la foi acquise, portant bien sur le Dieu de la foi, mais basée sur des motifs intrinsèquement naturels (cohésion de la doctrine catholique au point de vue intellectuel et moral — nécessité de l'Eglise — miracles), ne suffît pas ; il y faut la foi infuse, croire à Dieu et à ce qu'il a révélé, sur l'autorité même de son témoignage. La foi trace autour de notre vie un cercle dont on ne peut pas sortir sous peine d'échapper à l'ordre du salut. S'il en est ainsi, c'est la foi qui va fournir à l'espérance toutes les connaissances dont elle a besoin pour naître, croître et se développer.


2º La foi et la connaissance de l'objet.

C'est la foi qui nous fait connaître l'existence de la béatitude et ce que nous savons de sa nature, et qui nous la présente comme l'objet de notre espérance : c'est là une connaissance absolument transcendante à notre intelligence. En quoi consiste la béatitude promise par Dieu ? Qu'est cette similitude avec la Trinité que nous devons attendre ? Comment pourrons-nous réaliser la vision face à face qui doit satisfaire nos désirs de bonheur ? La foi seule peut nous le dire, et si la foi ne donne pas toujours une réponse explicite à toutes ces questions, elle fournit du moins les principes qui permettent à la Théologie, science de la foi, de la prolonger. La bonté de l'objet, son aspect de bien futur, sa difficulté, sa possibilité, ces quatre caractères qui assurent à l'objet de l'espérance sa spécificité, c'est la foi qui nous en manifeste la nature. L'espérance s'origine au régime absolu de la foi.


3º La foi et la connaissance du motif.

A défaut de la foi, la raison nous manifesterait notre impuissance foncière en face de la béatitude à atteindre. La foi corrobore cette constatation de notre raison, et y ajoute des données positives. Elle nous dit en effet que Dieu exerce sa Providence sur sa créature; sortant de lui comme des effets de leur cause, nous devons recevoir tous les secours nécessaires pour parvenir à la fin qu'il nous a désignée. Quelle que soit la difficulté de l'objet, la foi nous répète que Dieu a la puissance et la volonté de nous amener à lui. De plus, images du Créateur par les facultés spirituelles qu'il a mises en nous et qui nous rendent aptes, moyennant sa grâce, à le connaître et à l'aimer en toute liberté, nous avons droit à sa protection spéciale qui se traduit par une vigilance plus attentive et un secours plus puissant. L'immensité même de l'héritage promis nous incite à penser que Dieu a proportionné l'aide au but à atteindre, et la parole divine s'en porte garante. De toutes parts, la foi nous dit l'existence du secours mis à notre disposition, et même, en partie du moins, nous en exprime la nature, tant pour le motif essentiel que pour les intermédiaires.


Gras ajoutés.
à suivre…
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Mer 04 Jan 2012, 11:53 am

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10


.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.




pp.216-220

V. LA FOI À L’ORIGINE DE L'ESPÉRANCE (Question 17, art. 7.)


4º La valeur de la foi et la valeur de l'espérance.

Rien n'est objet de volonté qui ne soit d'abord objet de connaissance. Il faut dire plus : il y a des relations étroites entre la valeur de la connaissance et la valeur du mouvement volontaire, tant pour la spécification que pour l'intensité.

A. — C'est la connaissance de foi qui permet la spécification de l'espérance et fait de cette tendance à notre bien un mouvement théologal : c'est, le caractère théologal de l'objet et le caractère théologal du secours qui spécifient l'espérance au point d'en faire une vertu. C'est là une relation absolue.

B. — La relation n'est pas aussi serrée pour l'intensité : tandis que la spécification d'une tendance dépend de son seul objet, son intensité dépend à la fois de l'objet et du sujet, du bien espéré et de la vigueur de la faculté qui espère. Or nous sommes en présence d'un habitus infus, en dépendance complète du bon plaisir divin, et la volonté peut être plus forte et porter plus loin dans son activité surélevée que ce que semble permettre la connaissance : il peut y avoir un accroissement de l'habitus sans qu'il y ait une connaissance plus explicite de l'objet.

Mais du moins, S. Thomas nous le dit, l'affectivité ne peut s'affermir en l'amour d'une réalité dans laquelle l'intelligence ne s'est pas d'abord affermie par l'assentiment qu'elle lui donne; et la perfection de notre amour pour Dieu est en dépendance de la perfection de notre foi. Plus donc l'objet sera connu, plus son attrait fascinateur deviendra puissant et plus la volonté sera engagée à une poursuite intense. Plus aussi la certitude intellectuelle que prendra l'homme de la valeur du secours dont il dispose sera fondée et enracinée, et plus le mouvement aura de possibilités de se manifester puissant. Dieu est maître de ses dons et n'est pas tenu de suivre les voies de notre, psychologie, mais il s'y rallie volontiers, et tout ce qui est apte à mieux faire connaître l'attrait de la béatitude et la providence agissante de Dieu est une raison puissante d'un accroissement de l'espérance.

De là le caractère incomparablement supérieur de l'espérance surnaturelle sur l'espérance naturelle : objet et motif sont infiniment distants, et pour la vérité et pour la valeur. Sans doute les objets naturels, plus proches de nous, sont capables d'évoquer des mouvements passionnels plus intenses, mais de soi, par leur nature même, les objets surnaturels appellent une hauteur et une certitude de tendance que seules nos faiblesses naturelles ou volontaires empêchent de se réaliser de la façon parfaite que requiert leur nature.


Toutes ces influences diverses de la foi sur l'espérance supposent une priorité de la première sur la seconde. Leurs influences sont réciproques, mais si l'on s'en tient strictement à ce qui fait l'essence de la foi et l'essence de l'espérance, et indépendamment de toute intervention de la charité, la foi précède l'espérance, du côté de l'objet, comme du côté de la faculté et de l'habitus : du côté de l'objet, car aucun bien ne meut l'appétit s'il n'est d'abord saisi et présenté par la connaissance; du côté de la faculté, car la puissance de connaissance est naturellement antérieure à la puissance appétitive, celle-ci n'étant que la tendance correspondant à la faculté d'appréhension: du côté de l'habitus, même quand la naissance des trois vertus est simultanée, car il reste pour la foi une antériorité de nature.


Quant à l'influence concrète de tel objet de foi, par exemple la Passion du Christ, sur l'espérance, les distinctions que nous avons faites à propos de l'objet et du motif permettent d'expliquer ce qu'en disent les Ecritures et la Tradition.
.



à suivre…
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Mer 04 Jan 2012, 4:35 pm

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10


.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.





pp. 220-228

VI. L'AMOUR À L'ORIGINE DE L'ESPÉRANCE.

(Question 17. art. 8.)

Si la connaissance exerce quelque influence sur la naissance et l'accroissement de l'espérance, l'amour se manifeste une cause bien plus puissante encore. A cela rien d'extraordinaire, puisque toute la vie affective s'origine à l'amour. Par ailleurs, la volonté est le siège unique de l'espérance et de l'amour, qui sont deux moments d'un même mouvement. L'analyse de cet amour ne peut que faire connaître plus profondément la nature de l'espérance et ses relations avec toute notre vie théologale.

1º La surnaturalité de l'amour.

Dieu nous offre un bien qui dépasse les aspirations réelles et les forces de notre nature, et qui donc, de soi, ne peut éveiller dans l'âme un mouvement de tendance effective. C'est pourquoi il faut reconnaître, dès le principe de notre tendance à la béatitude, une surélé¬vation de la volonté qui la rende connaturelle avec son objet. Quand l'âme reçoit de Dieu la connaissance du salut, elle le reçoit dans la foi : elle se trouve par suite intégrée à l'ordre surnaturel, non seulement dans son intelligence, mais encore dans sa volonté, car l'acte de foi réclame une activité volontaire pour obliger l'intelligence à un assentiment que l'inévidence de l'objet ne peut lui imposer. Si bien que la "pia affectio", indispensable au principe de la foi, élève déjà la volonté et-lui apporte ainsi une adaptation à l'objet surnaturel. Cette surélévation demeure, et toutes les recherches sur l'amour à l'origine de l'espérance devront se faire à l'intérieur de l'ordre surnaturel, sans que d'ailleurs cela préjuge en quoi que ce soit de la valeur de cet amour.


2º C'est un amour imparfait.


A. — L'amour dit relation affective entre un sujet et un objet, et cette relation spéciale, consécutive à la connaissance, qui est une complaisance de celui qui aime en ce qu'il aime. L'objet lui apparaît si beau et si bon, en telle concordance avec lui, que le sujet, par mouvement profond de nature, le savoure quand il l'a, le recherche s'il ne le possède pas, et ne trouve son repos que dans la joie de sa possession.

— L'homme, être rationnel et libre, peut analyser cet amour, et au besoin, le diriger : dès lors l'amour humain peut demeurer au stade de la simple complaisance de l'objet aimé, mais il peut aussi se compléter par une finalité nouvelle, quelqu'un pour qui on aime: il y a toujours un objet aimé, mais il y a aussi une personne, plus aimée encore que l'objet, qui, lui, n'est plus qu'une fin intermédiaire. La nature de l'amour en est profondément changée, et, pour l'homme, aimer c'est vouloir du bien à quelqu'un ; il y a toujours deux termes en cause, un bien à vouloir et quelqu'un à qui vouloir ce bien; l'amour va de l'un à l'autre et reçoit sa spécification de l'un et de l'autre. En poussant l'analyse, on constate que l'objet aimé peut être aimé pour lui-même, ou peut n'être aimé que pour un autre; et la personne au profit de qui on aime cet objet peut être soi-même ou une personne distincte de soi.


— Si l'objet, bien de celui qu'on aime, est aimé pour lui-même, comme une fin, il doit être une personne au moins égale à la personne qui aime : on ne se complaît pas en moins que soi, on ne se perfectionne pas par moins que soi. Et l'objet aimé peut se confondre avec la personne pour qui on aime : j'aime Dieu pour lui-même.

— Si l'objet, bien de celui qui aime, est aimé pour un autre, cet autre peut être une personne distincte de soi, mais peut être aussi soi-même : un père aime et recherche une situation brillante pour le bien de son fils; un autre père aime et recherche pour son fils des succès qui flatteront son orgueil paternel.


Toutes les fois que l'amour pour l'objet se termine à une personne distincte de soi, on a l'amour d'amitié, ou l'amour désintéressé, ou l'amour parfait; toutes les fois que l'amour pour l'objet se reporte à soi-même, on a l'amour de concupiscence, ou l'amour intéressé, ou l'amour imparfait. L'amour intéressé se caractérise donc essentiellement, non par l'objet qu'il désire, mais par la personne dont la possession de cet objet doit assurer la perfection, et cette personne est celle même du sujet qui désire: le sujet se constitue lui-même comme fin de son amour. L'amour désintéressé se caractérise, non pas davantage par l'objet, qui est le même que celui de l'amour intéressé, mais par la personne terme de la possession de l'objet, et qui est autre que le sujet qui aime.


En résumé, aimer à la perfection, c'est aimer quelqu'un pour lui-même, et les objets en les rapportant à sa personne. Aimer à la manière imparfaite, c'est aimer une chose, ou une personne non pour elles-mêmes, mais pour les bienfaits que leur possession nous assure. Pour être fixé sur son amour, il faut être fixé sur l'objet et sur la personne. Ces deux amours d'ailleurs se rencontrent en mélanges fort complexes et se compénètrent profondément : leur alliage donne naissance à des amours de valeurs diverses. à suivre…

.


à suivre…
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Jeu 05 Jan 2012, 7:18 pm

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10


.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.




pp. 220-228

VI. L'AMOUR À L'ORIGINE DE L'ESPÉRANCE.

(Question 17. art. 8.)


B. — Il faut reconnaître sans réticence que l'amour auquel s'origine l'espérance est un amour imparfait et intéressé : il comporte essentiellement un amour de soi-même. Au lieu de tendre au seul objet et d'y demeurer fixé comme à son terme, car Dieu est une personne supérieure à l'homme et éminemment digne de terminer son amour, l'amour revient sur le sujet : le caractère extatique et désintéressé de l'amour parfait ne se manifeste pas; il n'y a pas un amour franc; toujours l'homme, au lieu de demeurer en Dieu, garde un œil sur lui-même et s'insère dans le mouvement d'amour comme une personne qui doit en tirer un perfectionnement.


3º C'est un amour légitime.


Tout imparfait qu'il soit, l'amour de soi-même qu'on trouve au principe de l'espérance n'est pas pour autant mauvais. C'est l'amour normal, donc bon et légitime, de soi-même, donnant naissance, d'une part, à la crainte d'être diminué dans son être, et, d'autre part, à l'espérance de parvenir à la plénitude de son épanouissement par la possession des biens qui l'assurent. Seulement, dans le cas de la vertu d'espérance, il se trouve que le bien espéré est Dieu. Est-il possible de faire de Dieu un moyen de nous perfectionner, et n'est-ce pas là renverser tout l'ordre divin qui veut que la créature se réfère à lui, et non pas qu'elle le réfère à elle ?


A. — Il faut d'abord admettre qu'on peut se vouloir du bien sans se prendre pour fin ultime. En effet, aimer un bien pour soi peut avoir comme origine une complaisance envers sa propre personne, telle qu'on la place comme la fin recherchée ultimement et comme le motif premier de l'action ! ainsi l'homme aime le vin pour sa propre délectation, et la cause finale est cette délectation et non le vin lui-même, qui n'est qu'un moyen de la satisfaire. Mais cet amour du bien peut avoir aussi pour origine la complaisance envers l'objet conçu comme la fin ultime, et en même temps la complaisance de soi-même regardé comme le sujet qui profite de ce bien. Le sujet n'est plus le motif, ni la fin, il représente l'être qui doit se perfectionner par l'apport de l'objet, lui-même considéré comme fin! ainsi, semble-t-il, la société est toujours une fin pour l'homme, mais chacun peut, en lui laissant son caractère de fin, se rapporter à elle comme une réalité dont la possession assure sa propre perfection; l'homme s'intègre à la fin, et ainsi garde bien, dans le mouvement d'amour, une référence à soi-même, mais la fin garde son caractère intangible et n'est pas réduite au rôle de moyen.

C'est là une forme obligatoire de l'amour légitime, chaque fois que l'objet est égal ou supérieur au sujet. Dans un tel amour, dit Jean de Saint Thomas, l'homme s'aime davantage comme sujet, mais il aime davantage Dieu comme objet : la hiérarchie des valeurs est sauvegardée.


Cette doctrine est celle même de S. Thomas sur l'amour naturel de Dieu, qu'il explique par l'analyse des rapports du tout avec la partie. "Tout être n'agit et ne désire que dans la ligne où le mène sa nature... Si la partie se définit relativement au tout, il lui sera donc naturel de vouloir et d'aimer le tout plus qu'elle-même. Ici, nous l'avons dit, le tout, c'est la similitude divine telle que l'ordre entier de l'univers la manifeste : c'est en définitive Dieu lui-même auquel est ordonné le monde et sa perfection. Il faut donc reconnaître que toute créature, quelle qu'elle soit, n'incline à son bien propre qu'en vue du bien universel et de Dieu lui-même. Notons-le bien : l'amour et la recherche de son bien propre ne sont pas exclus ; il y a corrélation intime entre l'amour de la partie pour elle-même et l'amour de la partie pour le tout. La partie, étant quelque chose du tout, ne peut aimer celui-ci sans s'aimer elle-même : bonum totius diligit quidem pars, secundum quod est sibi convenions : non autem ita quod bonum totius ad se referat, sed potius ita quod seipsam refert in bonum totius (2a-2æ, qu. 26, art. 3, ad 2). Cet amour de soi est donc dérivé et secondaire : c'est en tant que la partie se réfère au bien du tout qu'elle s'aime elle-même et par conséquent, s'il est besoin, la partie sacrifiera son bien propre pour sauver celui de l'ensemble. C'est le cas, cité par S. Thomas, du bras qui s'expose aux coups pour préserver le reste du corps". (V. Héris, O. P., L'amour naturel de Dieu, dans Mélanges Thomistes, pp. 295-296.)
à suivre…




.


à suivre…
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Ven 06 Jan 2012, 3:02 pm

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10


.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.





pp. 220-228

VI. L'AMOUR À L'ORIGINE DE L'ESPÉRANCE.

(Question 17. art. 8.)


B. — C'est justement le cas de notre amour pour Dieu dans l'espérance. Nous ne pouvons pas être une fin pour Dieu, mais il est une fin pour nous; nous pouvons donc le désirer comme notre fin, nous ordonner à lui, et ainsi nous sommes les sujets que perfectionne la possession de son être; il ne nous est jamais possible d'être la "finis cujus gratia", le terme ultime du mouvement d'espérance, mais il nous est possible d'être la "finis cui", le sujet perfectionné par la possession de Dieu qui, lui, demeure la fin suprême de notre vie. Si nous n'envisagions Dieu que comme un moyen pour parvenir à notre fin, cet acte d'amour de concupiscence serait un péché, car ce serait enlever à Dieu sa souveraine indépendance pour le référer à nous.


"L'âme qui n'aime Dieu que pour elle-même, s'aime comme elle devrait aimer Dieu, et elle aime Dieu comme elle devrait s'aimer elle-même". (S. François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, livre II, ch. 17). Mais si nous envisageons Dieu comme notre fin ultime, nous le considérons bien encore dans un amour de convoitise, puisqu'il est notre fin, mais cet amour laisse à Dieu son caractère de fin ultime; nous ne sommes que les sujets perfectionnés par leur participation à sa souveraine bonté. "Et c'est ainsi que nous aimons et convoitons Dieu par l'espérance, non afin qu'il soit notre bien, mais parce qu'il l'est; non afin qu'il soit nôtre, mais parce que nous sommes siens; non comme s'il était pour nous, mais d'autant que nous sommes pour lui". (S. François de Sales, loc. cit.) Que cet amour soit légitime, on ne peut le nier sans rompre tous les liens qui nous unissent à Dieu; l'homme a le droit et le devoir d'aspirer à la perfection de son être, et c'est en cela que consiste sa vertu; il lui est donc légitime d'aspirer à cette union avec Dieu, en laquelle se réalise l'épanouissement suprême de sa nature. Il faut, de plus, reconnaître que si la référence à nous-mêmes laisse à l'amour, dans l'espérance, un caractère imparfait, la place conservée à Dieu, terme ultime de nos aspirations, fait de notre amour pour lui un amour de souveraine bienveillance. Dieu est aimé par-dessus toutes choses, par-dessus nous-mêmes, puisque nous ne faisons que nous ordonner à lui : il n'y a pas réciprocité dans l'amour, pas plus qu'absolu désintéressement, et c'est pourquoi ce n'est pas un amour de charité, mais le fait de tendre à Dieu comme à notre fin suprême, arrive à faire de cet amour un sentiment de très haute qualité, et une étape très heureuse vers l'amour parfait.


Il faut lire sur cette question de la légitimité de l'amour à l'origine de l'espérance les pages que lui a consacrées S. François de Sales, dans son traité de l'amour de Dieu, livre II, chapitre 17.


4º Ce n'est pas un amour mercenaire.


C'est là une critique souvent dirigée contre l'espérance, qu'elle fait, des chrétiens, des mercenaires agissant uniquement par désir d'une récompense, et non par amour.

A plusieurs reprises (Condamnation d'Eckhart par Jean XXII — Concile de Trente, session VI, ch. 10, canons 26 et 31 — Décret du Saint Office, du 7 Décembre 1690 — Condamnation des erreurs de Fénelon par Innocent XII), l'Eglise a défini que c'était une œuvre bonne et louable que d'espérer la béatitude et d'agir dans cette espérance.


S. Thomas s'est posé à lui-même l'objection : "L'espérance a un acte mercenaire, puisqu'elle tend à la rémunération : elle n'est donc pas vertu"; — et il répond : "Faire quelque chose en vue d'une commodité temporelle, rend l'acte mercenaire, mais non la faire à cause de la rémunération éternelle... On peut dire encore que l'acte est mercenaire qui se fait vis-à-vis d'une œuvre qui comporte une récompense (qui propter mercedem fit, non qui est circa ipsam mercedem). Donc bien que l'acte d'espérance soit d'attendre la béatitude qui est une récompense, cependant il ne l'attend pas à cause de la récompense elle-même, mais par l'inclination de l'habitus, comme il arrive aussi dans les autres vertus. C'est pourquoi il n'attend pas la béatitude, en tant qu'elle est une récompense, mais en tant qu'elle est l'objet le plus ardu : l'espérance a en effet Dieu pour objet principal" (III Sentences, dist. 26, qu. 2, art. 1, ad 5). Ailleurs il dit encore : "On appelle amour mercenaire celui qui aime Dieu à cause des biens temporels : c'est là un acte contraire à la charité, et c'est pourquoi l'amour mercenaire est toujours mauvais". (2a-2æ, qu. 19, art. 4, ad 3.)


D'autre part, à propos du bon et du mauvais pasteur, S. Thomas commente ainsi l'Evangile: "Une récompense peut être prise au sens commun et au sens propre. Au sens commun, tout ce qu'on rend aux mérites est appelé récompense; et parce que la vie éternelle, qui est Dieu, est rendue aux mérites, la vie éternelle elle-même est appelée récompense. Cette récompense, tout bon pasteur peut et doit la rechercher. Au sens propre, on appelle récompense un bien en dehors de l'héritage: et le fils, à qui revient l'héritage, ne doit pas viser à une telle récompense; c'est l'affaire des serviteurs et des mercenaires. D'où, la vie éternelle étant notre héritage, celui qui agit en l'ayant pour fin, agit comme un fils; mais celui qui recherche quelque chose en dehors d'elle, les biens temporels par exemple, celui-là est mercenaire". (Commentaire sur S. Jean, chapitre 10, leçon 3.) S. Thomas écrit encore: "Personne n'irait vers Dieu, s'il n'espérait de lui quelque récompense... La récompense est, en effet, ce que l'homme cherche dans son travail... Cette récompense n'est rien d'autre que Dieu, car l'homme ne doit rien chercher en dehors de Dieu même : Dieu ne donnera jamais rien que lui quand il est rémunérateur de ceux qui le cherchent". (Commentaire de l'Epître aux Hébreux, XI, 6.)
à suivre…


.



Gras ajoutés.
à suivre…
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Sam 07 Jan 2012, 11:46 am

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10



.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.



pp. 220-228

VI. L'AMOUR À L'ORIGINE DE L'ESPÉRANCE.

(Question 17. art. 8.)


Il semble bien que S. Thomas veuille dire ceci : Ce n'est pas être mercenaire que de rechercher la totalité de notre bien, car il constitue notre perfection, celle qui est le terme des tendances de notre nature; mais c'est être mercenaire que de rechercher des biens inférieurs, en dehors de cette totalité et pour leur seule valeur. Il est impossible à l'homme de ne pas tendre à sa perfection: mais rechercher cette perfection en dehors de toute référence à Dieu fin dernière, pour le seul bonheur qu'elle pourrait nous rapporter, serait un acte mercenaire. On peut prendre la comparaison de l'esprit en quête de la vérité et qui ne peut pas faire abstraction du perfectionnement que lui apportera la vérité. Ce ne serait pas une fin suffisante pour l'esprit que son seul et exclusif perfectionnement (en le cherchant, par exemple, dans le rêve, ou la dialectique, sans souci de la vérité), mais la possession de la vérité ne peut pas ne pas perfectionner l'intelligence, et ce serait un découpage illégitime de la réalité que de vouloir empêcher l'épanouissement de notre esprit et sa joie, puisque c'est sa nature même de connaître la vérité et de s'en trouver perfectionné. Ainsi en est-il dans l'espérance : elle tend par nature à Dieu, qui est son objet final, et, par concomitance, à sa possession, qui en est l'accompagnement nécessaire, cette possession étant pour nous la récompense suprême de nos mérites. A plus forte raison ne visons-nous pas les biens temporels, en dehors de leur ordre à la béatitude, car ce serait rechercher une récompense en dehors de l'héritage que nous a promis Dieu : ce serait tendre à une récompense pour elle-même, en marge de ce qui fait la gloire de Dieu et pour notre seul plaisir immédiat] donc faire un acte foncièrement mercenaire. Tandis que la recherche de notre béatitude, au terme de nos actes, est au premier chef un hommage à Dieu, car nous savons bien que si nous sommes heureux en Dieu, cela se retournera en honneur souverain pour lui : c'est un moyen de rendre parfaitement gloire à Dieu, un acte éminemment filial. Il faut à ce sujet relire S. Paul : Romains, VIII, 23; — Ephésiens, I, 3,14.



LORSQUE KANT A VOULU POSER SA VIE MORALE EN DEHORS DE TOUTE SANCTION, MÊME CELLE RÉSULTANT DE LA VERTU, IL A COMMIS UNE ERREUR ANALOGUE À CEUX QUI ACCUSENT L'ESPÉRANCE CHRÉTIENNE D'ÊTRE MERCENAIRE : CE SONT DES CONCEPTIONS QUI PÈCHENT PAR LEUR INCOMPRÉHENSION DE LA NATURE HUMAINE, DE SES ASPIRATIONS, DE SA PERFECTION, DE SA MORALITÉ, ET PAR UNE ERREUR CAPITALE TOUCHANT L'OBJET DE L'ESPÉRANCE THÉOLOGALE.

Dans la critique qu'il a faite des propositions extraites des œuvres de Fénelon, Massoulié fait remarquer qu'à ce compte-là tout l'ordre surnaturel doit passer pour mercenaire, même la charité qui nous rend des fils, puisque l'ordre surnaturel tout entier est ordonné à une fin créée, qui est l'union à Dieu. Mais en vérité, ce n'est pas là un acte plus mercenaire que de tendre, pour la nature, à sa fin ultime naturelle, puisque la possession de Dieu est la fin ultime de l'ordre de la grâce.



pp.229-230

Il semble qu'on puisse ainsi résumer cette question de l'amour à l'origine de l'espérance. Par la charité je veux la volonté de Dieu. Or cette volonté divine n'est pas une volonté vide : elle se manifeste, vis-à-vis de moi, dans un dessein de mon bonheur. Ce que Dieu veut, c'est ma béatitude, et il ne peut vouloir que cela, car c'est sa nature de donner, et c'est sa gloire que je participe à son bonheur. Par suite, quand je veux la volonté de Dieu, je veux l'accomplissement de ses desseins sur moi, c'est-à-dire ma béatitude : la volonté de Dieu et la mienne coïncident. — Il n'y a là rien de mercenaire, car je ne prétends pas aimer ou désirer quoi que ce soit en dehors de ce que Dieu aime et désire; ma volonté demeure incluse dans la sienne; je ne sors pas de lui.


Dans l'analyse qu'il fait du "Pater Noster" (2a-2æ, qu. 83, art. 9) S. Thomas remarque que la prière du Seigneur demande non seulement tout ce que nous sommes en droit de demander, mais qu'elle le fait dans l'ordre même où on le doit désirer. Notre désir porte premièrement sur notre fin : c'est Dieu, vers qui le mouvement de notre cœur tend à un double titre. Nous voulons sa gloire et nous voulons jouir de cette gloire. Il s'agit, dans le premier cas, de la dilection que nous portons à Dieu même, dans le second de celle par quoi nous nous aimons nous-mêmes en Dieu. IV là notre première demande, « que votre nom soit sanctifié» : elle exprime notre désir de la gloire de Dieu. Nous y ajoutons « qu'arrive votre règne », par quoi nous demandons de parvenir à la gloire du royaume. — Jésus nous donnant tout ensemble et la règle de nos demandes et la norme de tous nos sentiments, on ne peut rien trouver de plus légitime et de plus parfait que ce qu'il nous a dit de demander à Dieu.


5º L'amour pour le motif.

L'homme apprend, par la foi, que c'est de Dieu que lui vient le secours nécessaire pour obtenir la béatitude, et qu'ainsi c'est Dieu lui-même qui rend possible son espérance. Dès lors l'homme ne peut pas ne pas aimer Dieu, puisque c'est de lui que vient son bien total. C'est donc, à proprement parler, une suite de l'espérance que cet amour pour Dieu secourable. Mais dans la réalité, on ne conçoit guère un appel à la puissance divine sans un commencement d'amour prérequis; ce n'est d'ailleurs pas l'amour parfait, mais un amour semblable à celui que nous avons trouvé pour l'objet, et encore embarrassé dans la recherche du bien personnel. Là encore, nous sommes en présence d'un amour imparfait, mais très légitime, et très apte à ouvrir la voie à la charité : voyant la bonté pour nous de la personne secourable, on arrive vite à l'aimer pour sa bonté en elle-même, et non plus seulement pour ce qu'elle donne.


.

Gras, majuscules et souligné ajoutés.
à suivre.

ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Dim 08 Jan 2012, 11:17 am

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10


RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.



pp.238-241


VIII. L'ESPÉRANCE DANS LE CHRIST
ET LES BIENHEUREUX.

(Question 18. art. 2.)


L'espérance suppose qu'on attend encore ce qui fait l'objet de l'espérance. Quand elle a atteint son objet, l'espérance disparaît pour laisser la place à la possession. Ce principe est absolu, et S. Thomas l'exprime sans réticence : III Sent., dist. 26, qu. 2. art. 5, qu. I, c. — 2a-2æ, qu. 18, art. 2, c. — 3a, qu. 7, art. 4, c. — Question disputée, de Spe.art. 4, c.

Ni le Christ, ni les Bienheureux n'ont donc l'espérance de la béatitude.


En face de ce principe général, S. Thomas trouve des affirmations de l'Ecriture et des traditions théologiques qu'il faut expliquer. Sept fois, il exerce sa critique sur le verset 1 du psaume 30, considéré comme psaume messianique. "In te, Domine, speravi". — Sept fois aussi, il traite de ce problème de l'espérance dans le Christ, sous les divers aspects de la plénitude des vertus dans le Christ. — Quatorze fois au moins, il parle de l'attente qu'a eue le Christ et qu'ont encore les Bienheureux de la résurrection de leur corps, et qui doit peut-être être assimilée à l'espérance. C'est assez dire que la question a préoccupé S. Thomas et qu'elle lui est apparue comme fort complexe; il n'y a pas dès lors à s'étonner que sa pensée se soit manifestée parfois assez hésitante, et souvent diverse, d'un ouvrage à l'autre.


Deux questions préalables demandent à être résolues pour saisir l'ensemble du problème. L'attente qu'a eue le Christ de sa résurrection est-elle la même que celle qu'ont actuellement les Bienheureux de la leur ?


— S. Thomas n'a pas donné de réponse définitive; Cajetan croit à la légitimité d'une identification entre les deux attentes, malgré des différences accidentelles; Jean de S. Thomas croit que la souffrance dont le Christ devait acheter la gloire de son corps suffit à différencier essentiellement son attente de celle des Bienheureux. Tous deux d'ailleurs voient dans ces attentes des sentiments divers qui s'originent à la chanté ou à la force infuse, et qui ne dépendent qu'indirectement de l'espérance. Quoi qu'il en soit pour l'instant de ce dernier point, (voir à ce sujet P. Héris, Le Verbe incarné, Tome II, pp. 302-303, dans la présente collection), nous admettons l'opinion de Cajetan : le Christ et les Bienheureux ont une attente de même nature. — La seconde question préalable porte sur la date des œuvres de S. Thomas, et particulièrement celle du de Spe . La chronologie du P. Mandonnet place cette question disputée après la 2a-2æ ou dans les mêmes années : une analyse attentive des textes et de leur contenu nous a confirmé le bien fondé de cette date du de Spe , que nous serions portés à placer au moment où S. Thomas écrivait la IIIa Pars.


Il n'est pas possible de faire ici une étude comparative de tous les textes et nous donnons seulement les conclusions qui nous semblent les plus probables, et qui sont fondées sur ce que dit S. Thomas dans l'article 4 de la question de Spe, où après avoir défini ce qu'il entend par "Spes secundum communem rationem", il affirme que les Bienheureux possèdent et que le Christ a possédé cette espérance selon la définition commune.


Ni le Christ ni les Bienheureux n'ont l'espérance théologale, car ils sont en possession de la béatitude essentielle, objet formel et premier de la vertu d'espérance: par suite de la disparition de l'objet formel, il ne peut s'agir, chez eux, que d'une attente de biens créés. Cette attente n'est pas autre chose que l'espérance selon la définition commune, c'est-à-dire au sens où l'on définit communément l'espérance, dans sa plus large acceptation psychologique : l'espoir est le sentiment naturel et spontané d'amour, de désir et de recherche de tout objet reconnu comme bon, futur, difficile à atteindre et cependant d'une conquête possible. La connaissance préalable étant surnaturelle, puisque les objets sont vus en Dieu et sont présentés comme les conséquences de la gloire de l'âme, et le motif demeurant la toute-puissance auxiliatrice de Dieu, l'espérance est surnaturelle, quoique non théologale; elle est la réaction spontanée de notre désir, qui ne nécessite pas d'habitus spécial parfait puisque les objets demeurent limités, mais qui pourtant s'exerce à un stade supérieur à l'espérance purement naturelle, par suite de la qualité de l'objet et de la valeur du motif. Du côté du motif, cette espérance demeure aussi parfaite qu'on puisse le réclamer, puisque c'est Dieu lui-même.


Du côté de l'objet, il y a une insuffisance foncière qui enlève le caractère théologal, mais l'objet garde cependant tous les caractères qui en font un objet d'espérance. La gloire du corps est un bien pour l'homme. Elle est un bien futur, pour le Christ sur terre, et pour les Bienheureux avant la résurrection. Elle est aussi un bien ardu; certes, par rapport à la gloire de l'âme, celle du corps se présente comme chose facile à atteindre, et elle est même la conséquence de la première; mais de soi, par comparaison avec la nature humaine, elle garde sa raison de difficulté, et elle demeure donc toujours capable de fonder un mouvement spontané de recherche de l'objet, jusqu'à la possession; le Christ a de plus le titre spécial d'avoir acquis la gloire de son corps par les souffrances de sa vie et de sa Passion.


Enfin l'appui que les Bienheureux comme le Christ prennent dans le secours divin fait de la résurrection un objet qu'il est possible d'atteindre.


Ainsi, semble-t-il, peut-on rendre compte des expressions de S. Thomas, qui prennent de plus en plus de précision tout au long de ses ouvrages. Il parait bien que la force des affirmations de l'Ecriture a conduit S. Thomas à mettre sa pensée en harmonie plus parfaite et plus immédiate avec le sens obvie des Livres Saints. On peut remarquer une évolution semblable à propos de la qualité de prophète que l'Ecriture reconnaît à Jésus, et que S. Thomas a expliquée, dans la IIIa Pars, dans un sens beaucoup plus précis qu'en ses premières œuvres. (Voir à ce sujet P. Héris. Le Verbe Incarné, Tome II, p. 347, dans la présente collection). Comme d'autre part, dans le de Spe. S. Thomas admet dans le Christ et les Bienheureux la même "espérance selon la définition commune", il semble bien que la même conclusion s'applique à tous.


Et ce n'est pas aller, croyons-nous, contre la définition de Benoît XII, affirmant la disparition de la foi et de l'espérance au ciel, car il est bien spécifié qu'il ne s'agit que des vertus théologales: ac (definimus) quod visio hujusmodi divinæ essentiæ ejusque fruitio actus fidei et spei in eis evacuant, prout fides et spes propriæ theologicæ sunt virtutes".


On trouve un cas analogue à cette réaction spontanée de la volonté devenant surnaturelle par son objet dans la crainte surnaturelle qui n'est pas une vertu et qui cependant est surnaturelle à cause de son objet de son motif.



.
Gras ajoutés.
À suivre.
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Dim 08 Jan 2012, 3:26 pm

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10



.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.




pp.238-241

IX. LA CERTITUDE DE L'ESPÉRANCE.

(Question 18, , art. 4.)

La certitude est l'un des caractères les mieux reconnus à l'espérance par la Sainte Ecriture et les Théologiens. Que faut-il entendre par là ?

Essentiellement, la certitude est une qualité de la connaissance, excluant absolument le doute; elle est une adhésion parfaite et définitive de l'esprit à l'objet. L'évidence et la science, dans l'ordre humain, la foi, dans l'ordre surnaturel, sont des modes de connaître qui incluent la certitude. Par similitude et participation, on parle aussi de certitude dans tous les mouvements affectifs que dirige la connaissance et qui participent ainsi de sa certitude. Quelle est la mesure de la participation de l'espérance à la connaissance de la foi, et par suite quelle valeur en retire sa certitude ?


Un texte conciliaire nous dit la pensée de l'Eglise : c'est
le chapitre 13 de !a Session VI du Concile de Trente. "Au sujet de la persévérance... que personne ne se promette pour soi-même quelque chose de certain, d'une certitude absolue, encore que tous doivent mettre et garder en Dieu une espérance très certaine; Dieu en effet, à moins qu'eux-mêmes ne manquent à la grâce, de même qu'il a commencé l'œuvre bonne, ainsi la mènera-t-il à bonne fin, en opérant (en eux) le vouloir et le faire".


Pour que ma volonté soit certaine, il ne suffit pas que les moyens d'atteindre la fin aient en eux-mêmes une connexion ferme et certaine avec la fin, il est encore requis qu'il y ait une certitude égale de l'application de ces moyens à mon cas particulier. Or si la foi me dit que les secours divins sont suffisants pour me faire atteindre ma fin, elle ne me dit nullement que, concrètement, je les appliquerai à mon cas; elle me dit au contraire que mon libre arbitre reste défectible, et que son activité rectifiée est cependant nécessaire à mon salut. N'est-ce pas là avouer qu'il n'y a pas de certitude dans l'espérance ?

La certitude de l'espérance ne fait pas suite à une certitude spéculative, regardant la vérité de la chose, qui est ou qui n'est pas : la béatitude sera ou ne sera pas pour moi, mais je n'en ai nulle connaissance. La certitude que j'en ai est une certitude pratique, qui se rapporte aux règles de la prudence : cette certitude est relative, mais bonne et légitime, la seule qu'on puisse avoir dans les matières réglées par la prudence, c'est-à-dire dans toute l'activité humaine concrète, qui se déploie dans des cas particuliers, domaine qui est celui de l'espérance. La prudence pousse à une action certaine quand, après avoir observé la valeur des moyens et leur relation à la fin, elle juge qu'ils offrent concrètement le maximum de sécurité, abstraction faite des déficiences accidentelles qui ne changent pas la valeur intrinsèque de la tendance.

L'espérance requiert de la part de Dieu qu'il ne nous manque pas, et la foi en donne une certitude absolue; elle requiert de ma part que je ne me manque pas à moi-même, et la foi ne me donne pas cette certitude; mais la prudence me manifeste que cette défectibilité toujours possible de mon libre arbitre n'a qu'un rapport très accidentel avec le secours divin sur lequel s'appuie mon espérance et qui fonde la certitude de cette vertu, de la part de Dieu. Etant donné ce que je sais de la volonté et du pouvoir de Dieu touchant le salut de tous les hommes et donc le mien, étant données toutes les avances qu'il a déjà faites, il y a là pour mon espérance une règle absolue, et mon rôle est de m'y ordonner; or mon espérance ne prend pas appui sur moi, mais sur Dieu, et si je puis toujours craindre ma défectibilité, mon inquiétude peut justement se résoudre par un appel et un abandon à ce qui fait le formel de l'espérance, la toute-puissance auxiliatrice et miséricordieuse de Dieu. Ce n'est pas là une certitude de foi, mais c'est une certitude réglée par la foi ; dans le jugement pratique par lequel elle dirige mon acte d'espérance, la foi n'apporte pas la certitude spéculative absolue de mon salut, mais elle me donne la certitude de la prudence, certitude pratique, la seule possible dans l'action.


En résumé, la foi me dit infailliblement que Dieu veut le salut de tous les hommes, donc le mien; qu'il offre à tous les secours suffisants, donc à moi-même; que la charité et les mérites, que je puis avoir, conduisent certainement à la vie éternelle; que ma défaillance, toujours possible, tient à moi seul, et jamais à Dieu. Il y a donc en cause Dieu et moi-même. Formellement, par ce qui constitue son motif, l'espérance est absolument certaine, car ni la puissance, ni la miséricorde divine ne peuvent me faire défaut. Accidentellement, du côté du sujet, je puis me dérober à cause de. la défectibilité de mon libre arbitre, mais tout le poids de l'espérance m'entraîne à me fixer à Dieu malgré ma défaillance possible. Cet élément de crainte n'empêche pas la certitude pratique, parce qu'accidentel au mouvement d'espérance mais il détermine une certaine inquiétude et laisse dans l'espérance une imperfection que vient combler une motion spéciale du Saint-Esprit dans l'exercice du don de crainte.


.

Gras et polices ajoutés.
À suivre.
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Empty Re: LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance) SAINT THOMAS D'AQUIN

Message  ROBERT. Lun 09 Jan 2012, 10:34 am

.
LE DON DE CRAINTE (suit le sujet de l'espérance)  SAINT THOMAS D'AQUIN - Page 4 Tentat10



.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES.

NOTES DOCTRINALES THOMISTES.




XI. L’ESPÉRANCE ET LA VIE MORALE.

pp. 254-256

(…)

3º L'espérance et la tempérance.


L'espérance se trouve très alourdie dans sa tendance vers Dieu et les biens éternels par toutes les attaches de l'âme au monde sensible, attaches parfois si fortes qu'elles sont au principe du désespoir, par le dégoût qu'elles apportent des réalités spirituelles : l'attirance immédiate des objets créés est telle que les biens spirituels les plus grands ne revêtent plus aucune consistance et ne sont désormais envisagés ni comme biens, ni comme grands, ce qui ralentit ou arrête leur recherche. Par ailleurs, l'orgueil dresse l'homme en face de Dieu d'une façon si indue que la présomption, autre vice opposé à l'espérance, tire surtout son origine de cette intempérance folle de l'esprit. Or la vertu de tempérance a pour fonction de ramener et de maintenir dans des limites raisonnables toutes ces passions de la concupiscence, et ainsi, pour sa part, elle travaille à établir l'âme dans une paix qui permet un jugement objectif sur les valeurs diverses des biens de l'espérance et des biens terrestres, laisse l'âme assez dégagée du sensible pour prendre goût aux réalités spirituelles, et, par la modération qu'elle apporte dans l'usage des voluptés qui grisent l'homme et exaltent sa personnalité, met tout l'individu dans un état de petitesse éminemment apte à appeler le grand secours divin, condition formelle de l'espérance.


Par ailleurs, l'œuvre de la tempérance n'est pas facile à cause de l'attirance désordonnée qu'exercent sur nous les biens sensibles, et c'est un fait que la crainte instinctive de ce qu'il y a de laid dans le vice (honestas), et la naturelle attirance de la netteté des sentiments (verecundia) ne suffisent que bien rarement à maintenir l'homme dans la vertu, surtout quand le vice se présente sous des dehors délicats et attrayants, ou comme un apport de vie et une exaltation de la personnalité. Pour remplacer l'attrait fascinateur des réalités sensibles, et, par là, permettre l'accomplissement de l'œuvre de tempérance, l'espérance vient au secours de la vertu morale et ajoute à l'attirance des biens raisonnables celle, beaucoup plus forte, des béatitudes éternelles, spirituelles et corporelles, que l'homme a confiance d'obtenir et dont il savoure déjà l'avant-goût. Cependant, devant le présent qu'il faut abandonner, l'espérance n’offre qu'un futur, dont nous n'avons même pas une certitude spéculative absolue, puisque nous pouvons nous dérober à cette béatitude qui nous est offerte. Pour peu que l'espérance manque de vie, par absence de contemplation du paradis et par insuffisance de confiance en Dieu, la perspective heureuse qu'elle promet apparaît trop lointaine, trop fade et trop problématique pour exercer un attrait efficace sur notre appétit du bonheur. Contre les attaches déréglées et mortelles de la terre, la crainte déploie son activité brutale d'arrachement des péchés. «Faites donc un digne fruit de pénitence... Déjà la cognée est placée à la racine des arbres; tout arbre qui ne fait pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu... Celui qui vient derrière moi... a le van à la main, et il nettoiera son aire; et il amassera son froment dans le grenier; quant à la balle, il la brûlera dans un feu inextinguible» (S. Matthieu. III, 7-12).


— Et le don de crainte, pour avoir son origine dans l'amour, n'est pas moins purificateur de tout l'humain qui pourrait détourner de Dieu et engendrer la séparation d'avec lui. S. Louis Bertrand ne cessait de dire : "Seigneur, ici-bas brûle et coupe, sans pitié, pour que je sois éternellement dans ta miséricorde".


Nous avons exposé cette œuvre de la crainte vis-à-vis de la tempérance dans la note précédente afin de manifester l'ampleur totale du don, mais dans la question qui nous occupe, il convient de la replacer ici même. Et nous ne quittons pas pour autant l'espérance puisque le don n'a pas d'autre fin que de porter à son maximum de perfection l'activité de la vertu à laquelle il est adjoint. Le fait que S. Thomas accorde le même don à l'espérance et à la tempérance manifeste bien que dans sa pensée il y a entre ces deux vertus une liaison extrêmement intime.


Ainsi pour sa part, qui est très grande, et dans le domaine de son influence, qui est considérable puisque c'est le champ de toute notre activité passionnelle, l'espérance aide-t-elle magnifiquement à l'intégration de l'homme à l'ordre surnaturel. Elle n'est pourtant pas le terme ultime de la marche vers Dieu car elle s'ordonne à la charité, et sa perfection est de se porter elle-même, et, avec elle, de porter toutes les vertus qu'elle commande, jusqu'à la fixation définitive à Dieu par la vertu qui demeure la même au ciel et sur la terre, tandis que la foi et l'espérance disparaissent dans la patrie. Mais dans cette œuvre, la part de l'espérance n'est pas médiocre : elle est par excellence la vertu de la route, et sa tâche est de donner une vie divine aux activités de l'homme, sans doute les moins nobles, mais les plus fréquentes, celles qui sont dans la pratique les plus considérables et qui se manifestent les plus proches de notre nature, composée d'âme et de corps. Ce n'est pas là son rôle principal, qui est avant tout de nous donner des attaches spirituelles avec Dieu lui-même, mais, telle qu'elle se présente dans la rectification de notre vie morale, cette activité suffirait déjà à marquer la part exceptionnelle que prend l'espérance dans notre vie tout entière.


.
Gras ajoutés.
FIN des Renseignements techniques sur l’Espérance.

Prochain fil : Extraits du Traité de la Charité de la Somme Théologique...
ROBERT.
ROBERT.

Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009

Revenir en haut Aller en bas

Page 4 sur 4 Précédent  1, 2, 3, 4

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum