LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
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Encore que la grâce sanctifiante , qui est la source de la perfection de notre justice , contracte , en l'âme de Jésus, une infinité morale, en ce qu'elle subsiste en la seconde personne de la très glorieuse Trinité , elle y perd cependant la propriété de rendre son sujet enfant adoptif. Étant devancée par la filiation naturelle ; l'adoptive qui n'a lieu qu'à son défaut , s'évanouit en sa présence . De même que la subsistance humaine n'ose paraître devant la subsistance divine, qui prévient son devoir et son office dans l'union des deux natures au mystère de l'Incarnation . De même qu'il n'y a que la seule personne du Fils éternellement engendré et terminant l'une et l'autre subsistances jointes en unité de suppôt qui demeure . De même la grâce habituelle , quoique sans mesure dans le chef du corps mystique , n'y produit point l'effet de sa propre vertu qui consiste à opérer l'adoption . Celle- ci est réservée pour les hommes et pour les anges , afin que , par la communication en la grâce , ( laquelle , en Jésus-Christ , est subsistante en la personne du Verbe) , nous nous trouvions unis au Fils naturel , et dans une union qui nous conforme autant que possible à son exemplaire .
La grâce justifiante a donc deux propriétés en l'âme adorable de Jésus : elle est subsistante en la personne d'un Dieu ; elle cause l'adoption en nous . Comme subsistante , elle est infinie en son propre lieu ; comme adoptante, elle se communique avec mesure aux sujets sur qui elle s'épanche . Comme subsistante , elle entre dans l'ordre de la filiation naturelle ; et , comme adoptante, elle nous donne l'imitation de cette filiation unique et souveraine . Comme subsistante encore , elle
surpasse la capacité des hommes et des anges ; et comme adoptante, elle se proportionne à la nature qu'elle perfectionne , mais qu'elle élève pourtant assez pour que celle- ci entre en société, et essentielle et personnelle , avec le Fils éternel de Dieu . J'ai dit essentielle : parce que la grâce d'adoption est une admirable participation à l'essence commune aux personnes adorables de la Trinité ; je la nomme personnelle , en ce qu'elle est propre à la seconde personne faite homme , où elle est en son lieu naturel , pour y devenir cette source pleine , de laquelle Jésus- Christ distribue à chacun , selon la mesure qui est en l'ordre de la prédestination éternelle . Ainsi , et puisque la grâce qui est principe d'adoption en nous , est la même grâce qui , dans l'infinité de son abondance , est , en Jésus- Christ , subsistante dans la personne du Verbe , on voit aisément
comment , par la grâce, Jésus est la subsistance de son corps mystique ; et comment , par les liaisons de cette grâce qui découle de lui en qualité de chef, nous sommes unis , comme des membres dépendants , au membre principal , pour ne faire , en Lui , qu'une personne mystique, et , avec Jésus , qu'un seul Jésus mystiquement.
CHAPITRE III
Que, par la Subsistance mystique , les
âmes saintes sont une seule personne
mystique avec Jésus .
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
CHAPITRE III
Que, par la Subsistance mystique , les
âmes saintes sont une seule personne
mystique avec Jésus .
Jacob, bien que revêtu de la robe de son frère aîné , Ésaü , n'en avait pourtant ni les mœurs , ni la condition , ni la personne . C'est pourquoi Isaac lui demande : Qui es-tu ? Il n'en est point ainsi de nous qui , ayant dépouillé la robe du vieil Adam, avons été revêtus , non des vêtements , mais de la personne même de Jésus , dans le sacrement de baptême .
C'est dans ce bain sacré que la malheureuse condition de notre esclavage a été comme noyée, abîmée et perdue , et a fait place , ainsi que le dit le grand Apôtre , à celle de l'enfant . Il y a donc , maintenant , concordance entre notre vêtement et notre parole . Aussi le Père vivant ne demande-t - il point qui nous sommes ; car si nous avons l'honneur d'être revêtus de Jésus- Christ, c'est son esprit qui crie en nos coeurs Père , Père !
O Dieu , que de sujets et de motifs de ravissements sont renfermés en cette parole qui exprime admirablement notre trop heureuse condition ! O que ce mot comprend de douceurs , et que ce cri est ineffable ! Le Père vivant dit à son Fils , en son sein : Tu es mon Fils , je t'ai engendré aujourd'hui ; et l'esprit du Fils lui répond : Père , Père ! Cet Esprit que le Fils reçoit de son Père est envoyé dans le sein virginal de Marie , et en la nature nouvelle que prend le Fils , il crie : Père ! Père à Celui qui est le principe de sa génération, dans le temps aussi bien que dans l'Éternité . Enfin , par la grâce , il est répandu en nos cœurs , où le Père le produit sans cesse , par une opération qui ne s'interrompt jamais, tant que nous persévérons dans la sainteté. Là, il forme la même voix , non plus comme son Esprit , mais comme l'Esprit de notre esprit ; non plus comme l'Esprit du Chef dans le Chef, mais comme l'Esprit du Chef dans les membres . Ce n'est point Lui qui crie pour Lui , c'est Lui qui crie pour nous et en nous , comme ne faisant qu'une même chose et qu'une même personne mystique avec nous. Et comme , avec nous , il ne fait qu'une vie , il ne fait aussi qu'une voix . De sorte que c'est Lui qui crie et qui prie en nous , et qui , par conséquent , est , en nous , principe de toute opération surnaturelle .
Les maximes de la philosophie humaine
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Les maximes de la philosophie humaine s'accordent avec les oracles de la divine sagesse , pour nous faire entendre que les actions et les passions , tant du chef que des membres unis ensemble , appartiennent en propre à leur subsistance ou personne . Car c'est avec ma main que j'écris ; avec ma langue que je parle ; avec ma tête que je conçois ; et avec mon corps que je souffre . Toutes mes œuvres , quant à leurs facultés , quant à leurs mouvements , et quant à leur fin , sont donc produites par ma personne ; et elles lui sont attribuées par suite d'une dépendance nécessaire et naturelle .
Dès lors , bien que la vie de Jésus , considérée en elle- même, ne soit point notre vie naturelle , néanmoins , à cause de la subsistance mystique qu'il nous communique en la grâce , laquelle nous unit à Lui comme les membres d'un corps à leur chef, sa vie devient notre vie , son esprit est l'esprit de notre esprit, et ses mérites commencent à nous appartenir. Ainsi , pendant qu'il a faim et soif avec nous et s'approprie toutes nos autres misères , nous ressuscitons en Lui , nous prenons place en Lui dans le ciel et nous nous revêtons de sa gloire .
Nous apprenons aussi de là que ,
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Et, en effet , ne voit- on pas,Nous apprenons aussi de là que , par une appropriation contraire , quand nous ne travaillons point à la pratique exacte de toutes les vertus , à l'exercice éminent de la charité ; quand notre esprit est lâche à réaliser cette sainte indifférence par laquelle il s'anéantit pour la gloire de son Créateur , Jésus n'a point encore toute la joie , toute la perfection qu'il doit avoir , et n'est point encore complètement soumis à son Père . Quand toutes choses seront soumises au Fils , dit l'admirable apôtre saint Paul , alors le Fils sera parfaitement soumis à son Père . Cette parole , il ne faut point l'entendre de Jésus en son corps naturel , lequel ne peut être susceptible d'accroissement, ni du côté de sa chair , ni du côté de son âme ; mais de Jésus , comme chef, en son corps mystique. Il exprime Lui- même cette importante vérité à ceux qui ont été les premiers membres et les plus considérables de ce corps ; car le fruit de la vigne , qu'il dit ne vouloir plus boire , jusqu'à ce qu'il le boive de nouveau avec eux dans le royaume de son Père , signifie la joie spirituelle qu'il bannit de son âme , en allant offrir son sacrifice sanglant .
Cela avait été indiqué en figure aux enfants d'Aaron , à qui la Loi avait défendu de boire du vin lorsqu'ils devaient s'approcher de l'autel . C'est comme si Jésus voulait dire à ses Apôtres : Je ne boirai plus du fruit de la vigne , (de ce fruit. dont il est écrit que nous serons enivrés de l'abondance de la Maison de Dieu , et que l'on nous donnera à boire du torrent des voluptés qui en découlent, ) jusqu'à ce que je le boive de nouveau avec vous dans l'amour béatifique qui fait le royaume de mon Père.
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Et, en effet , ne voit- on pas , dans la persécution des Chrétiens , exercée par saint Paul , avant sa conversion , que Jésus se plaint de cette persécution comme d'un attentat injurieux fait à sa propre personne ? D'ailleurs , il avoue qu'il endure la faim et la soif en ceux qui en souffrent . Il éprouve les langueurs de la maladie , les horreurs de la prison et les cruautés du martyre dans les saints qui supportent ces tourments . C'est ce qui fait que le grand Apôtre s'écrie hardiment , au nom de toute l'Église : Je vis , mais non , ce n'est pas tant moi qui vis , que Jésus - Christ qui vit en moi . Comme s'il voulait donner à entendre que sa vie et les actions qui en sont le témoignage appartiennent à Jésus qui, dans l'ordre de la grâce, est la subsistance mystique de son corps mystique .
Et si vous voulez , ajoute - t - il , avoir la certitude que c'est Jésus qui parle en moi , c'est à -dire que , comme il est principe de vie en moi , il y est aussi principe d'opération ;sachez que celui qui parle ne profère que des paroles de Dieu . Cela s'entend de Dieu , comme principe d'existence et de subsistance divine ; non point naturelle , mais morale , par le moyen de la grâce , communiquée du Chef aux membres qui composent , avec Lui , son corps mystique .
C'est en ce sens que Jésus
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
C'est en ce sens que Jésus prend naissance en nous ; qu'il est en nous , enfant avec les commençants ; puis , qu'il y prend des forces et de l'accroissement ; et , enfin , qu'il y reçoit sa perfection . C'est en ce sens encore que l'apôtre accomplit en sa chair , pour l'Église, ce qui manque à la Passion de Jésus . Or, rien ne peut manquer à la chair de Jésus , pour produire notre salut . La justice de Dieu lui a infligé des souffrances plus que suffisantes pour la satisfaire ; elle lui a fait endurer des tourments , moins proportionnés à la faiblesse de sa nature qu'à la vertu de la personne à qui elle était unie . Mais , quoiqu'il ne manque rien à la Passion de Jésus comme Chef de l'Église, il lui manque, pourtant , quelque chose de la part des membres du corps de l'Église ; et saint Paul , comme partie de ce corps , accomplit , non en la chair de Jésus , mais en la chair de Paul , ce qui manque à la Passion de Jésus ; et encore , pas tant Paul en la chair de Paul , que Jésus même en la chair de Paul.
Et ainsi , avec proportion , Jésus perfectionne, tous les jours , dans les fidèles , ce qui reste à édifier , pour préparer et réaliser le dernier accomplissement de son corps mystique.
De tous ces témoignages, notre foi tirera cette conséquence : que toutes les actions et passions qui dépendent de la vie surnaturelle ne sont point tellement propres aux âmes saintes, qu'elles ne soient aussi appropriées à Jésus-Christ, comme vivant et subsistant en elles , en qualité de chef mystique du corps mystique qu'elles composent avec Lui . Voilà pourquoi , si elles peuvent dire , avec la confiance qui fortifiait l'esprit du grand Apôtre , qu'elles sont plus vivantes de la vie de Jésus que de leur propre vie ; quand elles jeûneront, qu'elles prieront , qu'elles s'humilieront et qu'elles se livreront aux pratiques d'une austère mortification , elles pourront dire aussi que toutes ces actions procèdent du même principe qui , étant source de vie en elles , produit , en elles et avec elles , le mérite éminent qui leur donne droit à la récompense éternelle .
Cette vie mystique
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Cette vie mystique de l'esprit de Jésus en nos âmes fait que , au lieu que Jacob ne s'approchait qu'avec frayeur du lit de son vieux père Isaac , nous n'allons point avec crainte à notre Père . Ce n'est point avec une conscience inquiète que nous demandons , sous le nom d'un autre , les bénéfices de la bénédiction , puisque. l'Esprit de l'Aîné de la grâce , qui est l'Esprit de vérité , rend témoignage à notre esprit que nous portons la dignité d'enfants de Dieu . C'est pourquoi , avec le Disciple bien – aimé, admirons cet effet merveilleux d'un amour arrivé à son excès . Voyez , dit - il , quelle charité Dieu a eue pour nous ! Il a voulu non seulement que , par une imputation ou par une dénomination extérieure , nous fussions appelés , mais encore que , par une qualité réelle et inhérente à nos âmes , nous fussions effectivement ses chers et bien-aimés enfants . Et , dès lors , il n'y a plus de serviteur , il ne reste que le Fils .
Nous n'eussions jamais osé aspirer à ces grandeurs, ni prétendre à une faveur qui surpasse l'intelligence des anges et l'espérance des hommes , si l'Auteur même de cette grâce ne nous les eût révélées , dans une lumière qui est un charme puissant pour nous attirer à Lui . Il nous manifeste , ainsi , la gloire d'un changement d'état , qui nous élève à l'ordre divin, essentiel et personnel , où il nous établit par imitation , et qui surpasse infiniment la condition que nous occupons en la nature .
Jésus dit, en l'Évangile
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
.Jésus dit, en l'Évangile de saint Jean , que personne ne monte au ciel si ce n'est Celui qui est descendu du ciel : le Fils de l'homme qui est au ciel . S'il n'y avait que Lui seul qui montât au ciel , parce qu'il n'y a que Lui seul qui en est descendu , l'espérance des Chrétiens n'envisageant Dieu que dans la vie présente , ceux- ci seraient les plus malheureux de tous les hommes leur foi deviendrait stérile ; l'amour qui les lie au Verbe fait homme causerait leur désespoir d'être séparés à jamais de Lui . Et , pourtant , l'oracle de la vérité ne peut être soupçonné de mensonge ; et les âmes saintes , pour qui cette parole a été prononcée, ne peuvent pas être frustrées du bien dont l'attente les rend déjà bienheureuses dès cette vie, et dont elles ont reçu comme des arrhes dans le sacrement de l'adoption divine . Celui donc qui est descendu du ciel monte au ciel , d'où il ne serait jamais descendu si ce n'eût été pour y donner entrée aux fidèles .
Ils y entrent, non point comme faisant un corps séparé du Fils de l'homme qui est au ciel , mais comme unis à Lui par des liens semblables et à ceux qui joignent toutes les parties d'un corps avec leur chef pour en construire un corps entier . Ils y entrent comme le corps du Christ, devenus , par la grâce , une même chose et une même personne avec Lui , ainsi que le dit saint Jean . Jésus est descendu seul du ciel, et il n'y remonte point, cependant , tout seul ; il en est descendu une seule fois , et il y monte tous les jours et à toute heure, en son corps mystique composé de tous les saints : troupe admirable que l'on ne saurait compter
C'est ce qui fait dire au grand apôtre que
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
C'est ce qui fait dire au grand apôtre non seulement le Père a soumis à son Fils toutes les créatures visibles et invisibles ; mais qu'il l'a établi chef de l'Église , qui est son corps et sa plénitude . Le corps n'est point entier sans le chef , ni le chef sans le corps . Nous sommes les membres de ce corps , et le corps de ce chef ; et à ce corps il donne, par participation , l'être divin essentiel et personnel , à l'imitation de la filiation incréée . Dieu a constitué Jésus - Christ chef sur toute l'Église , non seulement pour la présider, la gouverner et la tenir soumise , ainsi qu'un souverain régit et commande un corps politique ; mais aussi pour l'animer, comme principe de vie surnaturelle , et d'un ordre divin , où il l'attire admirablement . Il est de même nature que ses membres . Il leur communique force, mouvement , énergie, souffrance et jouissance . En un mot , il est tout en tous , et il les comble de faveurs et de bénédictions toutes divines .
Ainsi , l'on voit que , par la grâce , nous ne faisons point avec Jésus un simple corps politique , comme font les citoyens d'un État légitimement gouverné , sous l'autorité d'un seul Chef, avec lequel ils n'ont d'autre lien que celui d'une correspondance mutuelle de jugement et de volonté, conspirant à procurer le bien public . Mais nous , nous faisons un corps , à l'image d'un corps vivant naturel . Jésus , comme Chef , nous vivifie en qualité de membres . Il nous unit par des liens intimes et spirituels ; et il répand en nos âmes sa grâce de plénitude par laquelle il nous communique sa subsistance mystique .
CHAPITRE IV
De l'Égalité de condition des Justes ,
unis à Jésus - Christ , par la subsistance
mystique .
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
CHAPITRE IV
De l'Égalité de condition des Justes ,
unis à Jésus - Christ , par la subsistance
mystique .
Les politiques de l'Antiquité , ayant voulu montrer que ce qui dépend du gouvernement de plusieurs jugements se peut difficilement exécuter, ont inspiré un tableau où le peintre avait représenté un champ de bataille , à l'issue d'un combat sanglant , couvert d'un grand nombre de corps au milieu desquels une déesse se tenait debout. Le dessein du peintre était de la montrer , ramassant dans les plis de sa robe , autant de têtes qu'elle pouvait, afin de les porter au Temple de la Piété ; elle espérait , les y tenir assemblées , sous les auspices de la Religion . Mais elle travaillait en vain ; car, revenant du champ de bataille où elle était allée en chercher d'autres pour en accroître le nombre , elle trouvait que les têtes qu'elle avait déjà déposées dans le Temple , en étaient sorties , chacune d'elles s'en allant à part, pour être éloignées de plus en plus
les unes des autres .
Un résultat si merveilleux est réservé à Dieu seul, par le moyen de son Fils . Dans l'union des deux natures , divine et humaine , en unité de personne, réalisée au Mystère de l'Incarnation , celui- ci s'est fait la pierre angulaire , et il réunit en Lui les deux peuples , le Juif et le Gentil , pour n'en former qu'un seul peuple de conquête , une nation sainte , une race élue et prédestinée et un sacerdoce royal . Dans l'un et l'autre peuple , il y a une masse d'hommes différents de conditions et de sexe , séparés par les mœurs et par la naissance , répandus dans tous les siècles , lesquels sont tous morts par le péché originel , dans le combat livré par Satan à nos premiers Parents , au paradis terrestre. Or , de cette masse d'hommes , il a plu à Dieu de tirer un certain nombre , déterminé en sa prescience éternelle , pour les unir à lui , par les liens de la grâce , et les rendre participants de son être surnaturel et divin . Les ruisseaux et les fleuves , après s'être rendus à la mer , y perdent leurs noms , leurs qualités et leurs propres courants , pour prendre le nom, les propriétés et comme l'existence de la mer.
Ils sont alors reçus
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Ils sont alors reçus en un lit si vaste et si ample que rien , parmi les choses créées, ne peut mieux nous représenter l'immensité du Créateur ; tandis qu'auparavant leurs eaux étaient retenues dans un canal restreint qui avait ses bornes et ses rives . De même , les Fidèles , quant à leurs personnes naturelles , sont de diverses nations , de caractères différents , de conditions inégales et de sexe opposé ; dès lors , cependant , qu'ils participent à l'infinité de la subsistance divine en laquelle ils sont admis , ils contractent une admirable imitation de la grandeur du Chef dont ils sont faits les membres ; ils portent l'image du Membre principal, qui compose , avec eux, un tout plein de gloire . En cette union ineffable , le vassal va de pair avec le roi ; entre le roturier et le noble , l'inégalité cesse ; le pauvre et le riche puisent à un même trésor ; le Grec et le Juif ont un même héritage ; le civilisé n'est pas supérieur au barbare ; entre l'homme et la femme il n'y a point de distinction ; et le serviteur n'est pas moins considéré que son Maître . Tous sont transformés en un et concourent à ne faire qu'un seul corps appartenant à Jésus - Christ . Ils sont tous ses membres , et tous vivent en Lui d'une même vie. Ils sont tous de même condition avec Lui , comme tous les membres d'un corps naturel sont de même condition avec leur chef. Ils sont tellement incorporés à Jésus-Christ , pour n'être qu'un en Lui , que tout ce qui lui convient comme à leur Chef, se rapporte également à eux comme aux parties mystiques de son corps mystique. « Dieu , dit l'Apôtre , l'a constitué Chef sur toute l'Église. »
Les premiers Chrétiens
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Les premiers Chrétiens voulaient , par des agapes , représenter cette admirable union . C'étaient des banquets de charité que les riches faisaient dresser . Les pauvres s'asseyaient avec eux , les serviteurs mangeaient à la même table que leurs maîtres , afin de proclamer et d'honorer l'unité dont ils venaient d'être faits participants , en la Sainte Eucharistie , aussitôt après avoir été baptisés .
C'est sans doute ce que voulut imiter le saint consul Gallicanus . Considérable par sa famille , la plus illustre qui fût à Rome ; de l'ordre des Sénateurs ; distingué par son intelligence et par son courage qui joints à une prudence consommée , lui avaient mérité les honneurs du triomphe et les plus grandes faveurs de l'empereur , le grand Constantin ; ce martyr se priva, pour l'amour de Jésus - Christ , de toute cette gloire. Il méprisa toutes ces grandeurs capables de séduire les consciences les plus droites , et se retira près de saint Hilarin à Ostie, où il se consacra dans un hôpital, au service des malades et des pèlerins . Ce changement de vie , qui n'avait point encore été vu ,attira , bientôt , la curiosité de tout l'Empire. L'on put admirer un homme d'une si rare réputation lavant et baisant les pieds des pauvres non sans verser une grande abondance de larmes . On put le voir dresser et préparer les tables ; donner ses soins à tous : aux malades et à ceux qui étaient en santé , avec une sollicitude sans égale et une modestie tout angélique ; subvenir , enfin , par lui -même, à tous les besoins qu'entraînent , avec elles , des infirmités de toutes sortes .
Quoique cet exemple soit admirable
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Quoique cet exemple soit admirable, il ne l'emporte pas cependant sur celui du roi saint Louis . Lui , après avoir rendu aux pauvres qu'il faisait venir dans son palais et à sa table , les mêmes devoirs de charité que ce saint consul exerçait dans un hôpital , les embrassait encore en sortant , comme s'ils eussent été ses égaux ; il leur donnait ainsi le baiser de paix , comme à ses frères , se contentant quelquefois pour lui-même des restes du repas où il avait rempli les fonctions d'un serviteur . Cela serait encore peu si , dans ses expéditions , on ne l'avait vu , plusieurs fois ,aller , dans le camp , à la recherche des corps morts de ses soldats , sur qui la peste avait exercé ses épouvantables ravages , pour les ensevelir, ensuite , de ses royales mains , et leur donner une sépulture à laquelle les princes eux-mêmes eussent porté envie. On aurait dit. qu'il se sentait obligé à remplir ces offices , ou plutôt ces devoirs et services de charité , par cette égalité et cette unité qui ne peuvent souffrir de différence entre le sujet et le Roi , entre le Maître et le serviteur, par suite de leur commune qualité de Membres d'un même Chef .
De si saintes pratiques n'ouvriront- elles donc point les yeux aux Grands de la terre ? Ils ne font cas , pour l'ordinaire , que des titres . Ils prétendent établir, par là , la prééminence de leur grandeur , afin de causer aux peuples qui relèvent d'eux , une terreur et une admiration propres à les tenir dans une parfaite obéissance . Mais ils ne veulent jamais entendre parler de la condition qui , rendant égaux les sujets et les princes en la grâce de Jésus, nous élève tous à un ordre plus sublime que celui des Séraphins , et préférable sans comparaison , à cette majesté qui porte visiblement à son front l'image de la Souveraineté divine . J'avoue que , sur la terre , ils sont les chefs du reste des hommes . Ils ont autorité pour leur commander de par l'ordre de Dieu . Ils peuvent exiger d'eux plutôt la volonté d'obéir, par un motif de conscience , qu'une soumission forcée par le motif de la crainte ; et c'est pourquoi le glaive a été mis dans la main des Grands . Cependant ils ne doivent pas oublier que , comme membres de l'Église , que Jésus-Christ appelle de son propre nom , s'ils ne surpassent les autres hommes en sainteté , comme ils leur sont supérieurs en autorité, ils obtiendront moins de gloire que beaucoup de leurs sujets , de celui qui est leur Chef ; si même ils ne sont point retranchés de son corps , comme des réprouvés . Le corps naturel de l'homme est un tout qui a plusieurs membres , et ces membres , quoique moins nobles les uns que les autres , ne forment qu'un seul composé .
Jésus -Christ , qui est notre Chef
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Jésus -Christ , qui est notre Chef, a aussi plusieurs Fidèles qui dépendent de Lui , lesquels sont tous une même Église, quoiqu'ils n'aient pas reçu une mesure égale des biens de la nature, de la fortune et de la grâce . Cette distinction est nécessaire car si tous les membres étaient semblables , où serait la beauté du corps organisé qu'ils forment par leur différence même ?
Le grand Apôtre , se surpasse lui -même en cet incomparable sujet , pour avoir employé à l'établir et à l'éclaircir plus d'étude , de pensées et de temps . Dans le corps naturel , dit - il ,les membres s'emploient au service mutuel les uns des autres , sans que l'oeil puisse dire à la main : Je n'ai pas besoin de ton travail , ni aux pieds : Vous ne m'êtes pas nécessaires . De même, dans le corps mystique , quand un membre souffre , les autres membres compatissent avec lui , afin qu'il n'y ait point de schisme dans ce corps . Il ne faut pas, en effet , que , pendant que l'Église sainte est persécutée par les méchants et verse des larmes en une partie d'elle-même , il y ait d'autres membres qui , comme s'ils étaient retranchés (ce que saint Paul appelle faire schisme) , refusent de prendre part aux souffrances du reste du corps , par la compassion aux malheurs sous le poids desquels il gémit.
Donc, dans le dessein d'entretenir parmi tous une parfaite union , Dieu a voulu que tous soient baptisés en un même esprit . Les hommes libres et les esclaves puisent dans une même source les grâces qui leur sont communiquées . Dieu les fait asseoir à une même table, il leur donne une même nourriture et un même breuvage : c'est - à - dire son corps et son sang ,afin qu'ils ne soient qu'une même chose .
Le corps n'est point un membre séparé
gabrielle- Nombre de messages : 19801
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Ce chapitre s'adressait au directeurs et supérieurs....je l'ai sauté en grande partie.
(...)
CHAPITRE V
Que la plénitude de la Grâce , propre à
Jésus comme chef de son corps mystique
, cause en son âme une inclination
vers la Croix .
(...)
Il n'est pas aisé d'imaginer avec quelle tendre dévotion la Très- Sainte Vierge Mère de Jésus touchait les membres de son divin Fils , alors qu'elle rendait à sa première enfance tous les devoirs qu'exigeait la faiblesse où son amour l'avait réduit . Et voudrait- on se persuader que les membres de son corps mystique soient dignes d'une médiocre considération ; qu'on puisse les traiter avec une rigueur peu conforme à leur dignité ? Ne lui sont- ils pas plus chers que ceux de son corps naturel, puisque il a abandonné ceux - ci pour l'amour d'eux aux rigueurs de la mort la plus ignominieuse ? Il fallait que ceux qui ont osé, un jour, couvrir d'un mépris qui nous fait à la fois pitié et horreur, la chair , trois fois sainte , du Fils du Dieu vivant fussent inspirés par la haine et la cruauté du Démon . C'est un triste privilège qu'il faut leur laisser.(...)
(...)La séraphique Catherine de Sienne racontait un jour à son confesseur certaines grâces extraordinaires , dont on ne peut avoir l'intelligence que par la connaissance de cette vérité de la subsistance du corps mystique . Ce Directeur, qui n'avait encore point fait l'expérience des effets merveilleux qu'elle produit en l'âme des Saints , était assez disposé à mettre en doute la perfection de sa Pénitente . Mais elle , par cette lumière divine qui la faisait pénétrer jusque dans le coeur des hommes et y discerner le plus secret de leurs pensées , vit ce qui se passait dans l'esprit de son directeur . Elle poussa un soupir plein de confiance vers son cher Époux et lui recommanda cette affaire qui était aussi la sienne . Et voilà que , tout à coup , son visage se transforme en celui d'un homme qui paraissait avoir environ trente ans , et dont la beauté éclipsait toute beauté humaine . Il sortait de son visage je ne sais quel rayonnement merveilleux . L'étonnement , la stupeur du confesseur peuvent mieux se deviner que se rendre , et il s'écrie avec une sorte d'effroi et dans un saint transport : Qu'est-ce donc que je vois ? Qui est - ce qui me parle ? Et son admiration grandit encore quand il entendit une voix qui lui disait : C'est Celui qui Est. Comme si cette sublime Épouse lui eût voulu dire , avec saint Paul , qu'il pouvait désormais être certain que c'était Jésus qui parlait en elle : Jésus en la vie duquel elle était transformée avec plus de vérité que son visage n'était transfiguré en l'image du sien(...)
CHAPITRE V
Que la plénitude de la Grâce , propre à
Jésus comme chef de son corps mystique
, cause en son âme une inclination
vers la Croix .
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
CHAPITRE V
Que la plénitude de la Grâce , propre à
Jésus comme chef de son corps mystique
, cause en son âme une inclination
vers la Croix .
La grâce en Jésus - Christ , ayant pour fin principale l'union la plus éminente dont la toute-puissance de Dieu peut faire jouir une créature, sa capacité universelle ne peut être épuisée ni par les hommes, ni par les anges , quand même leur nombre s'en multiplierait à l'infini , pour en recevoir les ineffables épanchements . Son abondance a une plénitude si parfaite que , comme elle ne peut déborder ou s'accroître , — personne ne voulût- il se rendre digne de ses communications ,— elle ne peut également tarir ou éprouver le moindre décroissement par ses continuelles et libérales effusions. Ce qui fait que , dès le moment où s'accomplit le Mystère de l'Incarnation , elle rendait son propre sujet compréhenseur , et le mettait en possession de la vision divine .
Cette grâce a été donnée à Jésus - Christ , pour la fin qui l'a fait descendre sur la terre ; et l'office qu'il doit exercer ici -bas regarde la satisfaction qu'il lui faut accomplir , comme chef, pour les membres coupables de son corps mystique. De là , on doit conclure que l'abondance de la grâce donnait à son âme une disposition et une inclination à obéir au décret qui avait été prononcé au conseil de la très glorieuse Trinité . La Croix était comprise dans ce décret avec toutes les autres circonstances effroyables propres à effectuer une satisfaction rigoureuse .
Que la grâce dispose au ministère auquel on est appelé , c'est la doctrine de la Sagesse . La raison le veut, et l'Écriture inspirée par le Saint- Esprit l'enseigne . Mais que Jésus , comme chef de son corps mystique , ait l'obligation de satisfaire pour ses membres et de sauver sa personne mystique en ses membres mystiques, afin d'accomplir la prophétie de David : « Vous avez racheté de l'Égypte le peuple et son Dieu , » c'est ce que nous comprendrons , si nous remarquons que le Fils de Dieu , absolument parlant, et considéré comme sa propre personne , n'a pu avoir, avant ou après l'Incarnation , aucune obligation de satisfaire pour nous . Sa seule charité et sa pure miséricorde ont été cause qu'il s'est fait homme, et , en cette condition , est devenu le Rédempteur du monde. « Il s'est offert , dit le Prophète , parce qu'il l'a voulu . » Néanmoins , lorsqu'il s'est constitué et qu'il s'est établi le chef des âmes fidèles appartenant à la grâce, et qu'il les a faites , en son corps mystique , une même personne avec Lui , il a contracté le devoir de satisfaire pour les membres coupables . La tête , quoique exempte de maladie ,ne s'intéresse- t -elle pas à la guérison des autres parties de son corps ; et le visage d'une personne bien née ne se couvre- t- il pas de confusion , lorsqu'un membre se livre à quelque désordre contraire à l'honnêteté dont elle fait profession?
Cette solidarité
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Cette solidarité nous apparaît en la personne des Souverains . Parce qu'ils sont élevés au Gouvernement , ils se sentent obligés de donner satisfaction à leurs voisins pour des injures qui leur ont été faites par leurs propres sujets , En ceci, ils ne s'inspirent que de la loi qui leur est imposée par leur qualité de chef .
Jésus - Christ , considéré comme chef de l'Église , a donc un double office . Le premier est d'unir ensemble , en lui - même , toutes les âmes qui participent à sa sainteté ; et le second , de payer pour elles à la rigueur de la justice de Dieu . Aussi les quatre Évangélistes se sont- ils accordés à dire que sa qualité de Roi est la raison unique et la seule cause de sa mort . Saint Marc dit : Et le titre de sa condamnation portait : Roi . Saint Luc ; que ce nom de Roi était écrit en trois langues :en caractères grecs , latins et hébreux Saint Matthieu : Celui - ci est Jésus Roi . Et Saint Jean Jésus de Nazareth , Roi . Et Lui -même, sachant bien que cette qualité de Roi était le motif de sa mort , n'a point voulu la dissimuler ou la taire ; mais , rompant le silence constant qui avait étonné jusqu'alors le président du tribunal, interrogé par celui - ci , il répond enfin qu'il est véritablement Roi .
Isaac , entrant en la ville de Gérara
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Isaac , entrant en la ville de Gérara , en Palestine , et craignant qu'on ne le fit mourir pour faciliter l'enlèvement de sa femme Rébecca, qui était d'une si éclatante beauté, imagina de dire au peuple de ce pays qu'elle était sa soeur , sans vouloir avouer qu'il l'avait épousée . Il réussit si bien en son subterfuge qu'il riait en lui- même d'avoir si parfaitement dissimulé sa condition . L'amour d'Isaac est bien faible auprès de celui de Jésus - Christ . De crainte qu'on ne le fasse mourir, Isaac cache sa qualité de mari . Mais Jésus a tant aimé l'Église , qu'il s'est livré volontairement , pour elle, à la mort, par ce seul motif qu'il était son Chef, son Roi et son Époux . Voilà ce qu'il a proclamé publiquement, durant toute sa vie et en sa mort , par l'office qu'il a exercé. Il a souffert pour ses membres malsains , satisfait pour les pécheurs , comme il dit par le Prophète « On a tiré de moi le paiement que je n'ai point ravi , » et , fait de son sang un bain où il a purifié son Épouse , afin que désormais , sans tache et sans rides , elle y puisât une beauté incomparable , et devînt grâce à cette beauté l'objet de ses délices et de son amour.
Il est donc manifeste
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Il est donc manifeste que la plénitude de la grâce , en l'âme adorable de Jésus - Christ , produit deux effets bien contraires . En tant qu'elle ne peut plus s'accroître et est proportionnée à l'infinité de la personne à laquelle la nature humaine est unie , elle rend son sujet plein de gloire , l'affranchissant dẹ la condition de voyageur , pour l'élever à l'état heureux de compréhenseur ; mais , en tant qu'elle l'établit Chef des hommes , elle est pour lui un principe de souffrance et de douleur . Et, puisque la grâce dispose au ministère auquel on est appelé, il faut conclure que , dans l'âme sainte de Jésus , elle faisait comme un poids , l'inclinant vers la fin pour laquelle il était venu en ce monde , afin qu'il se rendît fidèle à l'office dont il s'était chargé : de laver les péchés , par ses souffrances et par sa mort , sur la Croix .
Voilà pourquoi si , d'une part , cette grâce produit en Jésus une gloire qui s'épanche en la partie supérieure de son âme , elle suspend , en même temps , cette gloire en la partie inférieure . Si elle lui est principe de communication, elle lui est source de privation ; si elle ouvre , en son sein , une source inépuisable de consolations , elle y devient aussi , tandis qu'il converse visiblement parmi les hommes , une fontaine intarissable de toutes sortes de désolations . Elle est pour son âme à la fois un sujet de ravissement et une occasion d'abaissement, de gain et de perte , de présence et d'absence ; et si , d'une manière , elle la détermine et l'applique à la vision de l'Essence divine , d'une autre façon , c'est- à - dire par son poids qui l'incline vers la Croix , elle la contraint à une rigoureuse interdiction de cette bienheureuse jouissance , par la séparation des rejaillissements de la gloire . Et , pendant trente -trois ans la partie inférieure a souffert cette douloureuse privation !
O grâce d'union et de séparation , de consolation et d'affliction ! Grâce qui tient liés , ensemble et tout à la fois , deux excès ; l'un de bonheur et l'autre de malheur , et donne le démenti à cette maxime de la sagesse humaine que deux contraires sont incompatibles , en même temps , dans un même sujet ! Ici , dans une même âme , indivisible en sa substance , l'abîme des richesses se trouve uni avec le vide de l'extrême pauvreté, sans que l'incompatibilité de l'un détruise son contraire ; le dénuement et la possession se rencontrent ; la joie et la tristesse , sans se mêler ,
sans se nuire et sans se confondre , produisent tous leurs effets .
Il semblait autrefois à Rébecca
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Il semblait autrefois à Rébecca que les deux enfants qu'elle portait en son sein , se faisaient la guerre ; et que, venant aux mains , ils luttaient l'un contre l'autre , avant qu'ils fussent nés . La grâce produit, dans le sein qui lui est naturel , c'est- à - dire en l'âme de Jésus , deux combattants dans un champ clos . L'un est la gloire , selon toute l'étendue , toute l'énergie et toute la vertu de sa perfection : ce qui signifie la gloire en sa plénitude , non seulement quant à la perfection du sujet qui la reçoit , mais aussi quant à la perfection de sa propre forme . L'autre est ce poids vers les souffrances , cette disposition qui formait en son esprit une pente et une inclination à mourir . Le premier combattant , comme le plus généreux (aussi est- il le Fils aîné de la grâce ) s'empare de la meilleure portion qui est la partie supérieure de l'âme ; le second se retranche en la partie inférieure ; il s'y fortifie avec obstination et empêche les effets de la gloire de se déverser sur les puissances de la vie animale et sensible . Tandis que celui-là exerce son bienheureux empire , sur les facultés qu'il fait jouir , avec autant de douceur que de nécessité , de toutes les voluptés que mérite le Fils unique de Dieu , le dernier commande comme un tyran dans la citadelle où il règne et réduit l'âme sainte de Jésus à l'esclavage le plus rigoureux et le plus déplorable qui puisse être imaginé . Il ne veut pas permettre que le moindre épanchement de gloire , que la plus légère communication des bienheureuses douceurs qui sont comme une source admirable en la partie supérieure , rafraîchisse et console l'autre partie , dans les tristesses qu'il lui fait souffrir incessamment .
Cette cruelle disposition
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Cette cruelle disposition cède , un jour , sur la montagne du Thabor , devant une dispensation remplie de bonté pour les hommes . Afin de les faire Enfants adoptifs de la gloire , l'éclat de cette gloire devait resplendir sur le corps naturel du Fils de Dieu . Cette inclination ne veut , pourtant, rien relâcher de sa rigueur ; et c'est au milieu des divines clartés , qui brillent dans le mystère de la Transfiguration, qu'elle apparaît avec plus d'obstination . Là , elle domine et se montre victorieuse et triomphante. La langue est le fidèle interprète des passions de l'esprit ; or , Jésus ,divinement transfiguré , ne s'entretient point avec Moïse et Élie de la splendeur de son corps ni des bienheureuses voluptés de son âme. Il parlait avec eux , à ce moment , de l'excès qu'il devait accomplir en Jérusalem . Il parlait donc , non de l'excès de sa Béatitude , mais de l'excès de ses souffrances ; et , au lieu d'abîmer sa pensée dans les torrents des joies divines , il la laissait se plonger dans la plénitude des plus rigoureux effets de la Justice de son Père .
CHAPITRE VI
Que son Inclination à la Croix fait , en
l'âme de Jésus, un effort sur le poids
de sa gloire .
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
CHAPITRE VI
Que son Inclination à la Croix fait , en
l'âme de Jésus, un effort sur le poids
de sa gloire .
C'est avec admiration que je contemple la force et la douceur de l'amour de Jésus pour le premier de ses Apôtres lorsque , après avoir juré au Maître qui venait de se donner à lui , une fidélité inébranlable , celui - ci ne laisse point pourtant, de le renier lâchement . Voici Jésus : il est debout devant le Prince des Prêtres , environné de ses ennemis qui l'accusent de l'impiété la plus noire : du crime de lèse-Majesté divine et humaine , d'affectation de la Divinité et d'usurpation de la monarchie de la terre . On flétrit , par des soufflets , ses joues adorables ; on couvre d'horribles crachats la beauté de son visage ; on l'accable de coups ; on le poursuit d'insultes ; on l'étourdit de cris de violence qui réclament sa mort ; il est pressé , en un mot , d'angoisses de toutes sortes.
Hélas ! mon Maître , quels sentiments , à cette heure , agitent votre coeur ? Quelles pensées occupent votre esprit ? Vers quel objet se porte votre amour ? Sans doute vous méditez les moyens de votre défense , et vous étudiez les justifications , que vous pourrez opposer aux calomnies ourdies contre vous , par l'envie et la rage de vos persécuteurs . Vous avez trop d'affaires personnelles pour ne point réserver toute votre attention à vous même ; et l'intérêt de votre propre salut vous dispense d'être en souci pour celui de votre Disciple . Et pourtant , bon maître ! votre amour ,passe outre à tout cet appareil , à toutes les menaces qui vous environnent, et vous n'avez pour ainsi dire de coeur, de vue , de vie , de présence, que pour ce malheureux Apôtre . Vous abandonnez tout le soin que vous devriez apporter à votre conservation , pour ne vous occuper que de procurer son bien . Pourtant , il était coupable envers vous, presque à l'égal de Judas ; et, comme lui , il aurait encouru l'éternelle damnation , si vous ne l'eussiez prévenu par un regard de miséricorde , témoin irrécusable que votre esprit a plus de transport vers l'objet qu'il aime que de vie dans le sujet qu'il anime.
Mais , spectacle plus merveilleux encore !
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Mais , spectacle plus merveilleux encore ! Voici Jésus au milieu de la gloire éclatante du Thabor . Il est abîmé dans l'Essence divine et absorbé en la plénitude du bonheur éternel , qui verse, en toutes ses facultés , tant inférieures que supérieures , comme un torrent de joies infinies . Le voici , le Fils unique de l'Éternité ! reconnu pour tel , par une protestation ineffable du Père céleste . Au lieu d'arrêter sa pensée sur tant de biens , dont le reflet glorieux atteint jusqu'à ses vêtements , on dirait qu'il l'en éloigne . Il n'envisage que les supplices qui l'attendent : les fouets , les épines , les clous et la mort honteuse et cruelle de la Croix ... Il fait un effort , non sur des dons et des consolations ordinaires ; non sur des joies semblables à celles que , tous les jours , éprouvent des âmes , rendues éminentes dans les exercices d'un fervent amour ; mais sur des douceurs émanées de la gloire essentielle et en rapport avec la plénitude de sa perfection créée ! Et, à travers tant de lumières béatifiques , au milieu de tant d'ardeurs et de flammes suréminentes , au sein des voluptés les plus divines , il regarde la Croix ... Il soupire après les horreurs de sa Passion ... Les rassasiements de la gloire éternelle ne peuvent étancher la soif qu'il a de souffrir ... Il oblige Moïse et Élie à l'entretenir de l'excès qu'il doit accomplir à Jérusalem... Tout ce qui est en lui semble devoir conspirer à la fin de son ministère , même sa gloire essentielle , même sa personne divine , à laquelle la nature humaine n'a été unie que pour la fin de cette union : la réparation de l'homme.
C'est ici
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
C'est ici que je commence à concevoir les sentiments du grand Apôtre, lorsqu'il dit que Jésus a fait choix des tourments de la Croix , méprisant l'ignominie qui y était attachée , bien que la joie béatifique lui ait été offerte . Deux excès sont devant son esprit : l'un de gloire , l'autre de confusion ; un comble de vie bienheureuse , et un comble de mort honteuse ; une extrémité de bonheur , et une extrémité de malheur . La condition de vie heureuse est présente ; celle de douleur et d'opprobre est absente . Et , néanmoins , le poids que la grâce fait en son âme, pour le porter à payer le prix de notre rançon, arrête les effets du premier excès. Ce poids ne se contente point de bannir tout motif de joie et de satisfaction de la partie où il s'est fait comme tyran , et d'y appeler, au contraire , tout ce qui est capable de produire des douleurs épouvantables ; il veut encore que le poids éternel de la gloire , avec la perfection de sa toute puissante efficacité , demeure suspendu , quant à la production de ses effets et de ses épanchements déiformes sur la partie inférieure.
Lors même que , comme en passant , par un certain rejaillissement ménagé par l'adorable Providence , cette partie inférieure a été faite participante de la gloire , dans le mystère de la Transfiguration, ce poids de la grâce n'a pas perdu sa force et son action n'a pas été émoussée . Non ; car au milieu de joies qui surpassent l'intelligence de la créature , il obtient que le coeur, l'amour , l'esprit et l'attention de Jésus soient moins sur le Thabor que
sur le Calvaire .
Étrange poids , qui ne peut être infléchi par les épanchements de la gloire éternelle ! Hautaine disposition qui ne veut pas céder à des charmes auxquels la divinité même n'ose résister ! Farouche inclination , qui refuse de se rendre à des beautés toutes - puissantes ! Elle s'obstine contre les douceurs du Paradis ; elle dédaigne les caresses du ciel ; et les plus larges profusions du souverain Bien ne font que la fortifier dans son dessein de résistance , malgré les flammes bienheureuses qui l'environnent. Elle ne veut pas se rendre , là où il y a autant d'honneur que de nécessité à se laisser aller.
Car, voici ce qui est surprenant
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Car, voici ce qui est surprenant : les croix sont continuelles en l'âme de Jésus ; elles ne sont mélangées d'aucune consolation , en la partie inférieure ; et si la gloire s'y déverse , comme en passant , elle n'y est point sans la pensée et les entretiens de la Croix ... Si l'inclination de la grâce dans l'âme de Jésus souffre, pour bien peu de temps , un effort de rejaillissement de la gloire sur la partie accablée de douleurs , elle semble imiter les plus sages généraux d'armées qui , laissant prendre à leurs ennemis quelques avantages , les attirent ainsi au combat et remportent sur eux des victoires qu'ils eussent désespéré d'obtenir autrement . Elle feint donc d'être vaincue , en faisant place , pour quelques moments , à la véhémence des épanchements de la gloire . Mais hélas ! O Maître divin ! Que vos consolations sont courtes et que vos peines sont longues ! Faut- il que vos joies trouvent leur tombeau dans leur naissance ! La brièveté de vos bienheureuses douceurs est plutôt accompagnée que suivie de l'accroissement de nouvelles tristesses qui , ajoutées aux anciennes , vous affligent sans pitié . Vous payez ces joies passagères par des amertumes plus sensibles que celles que vous avez éprouvées pendant plus de trente années. La privation d'un bien est plus cruelle , en effet, quand on l'a goûté , que lorsque l'on n'en a jamais joui.
Aussi devons - nous confesser que , après la Transfiguration , quand la partie inférieure eut savouré des ravissements qu'elle n'avait point encore connus , l'ennui de vivre formait , en l'âme de Jésus , une langueur continuelle . Auparavant , la partie sensible était déjà comme accablée par la privation de tant d'heureuses joies auxquelles elle avait droit. Elle souffrait de la conscience d'en être sevrée par suite d'un dessein de la providence surnaturelle qui nous paraîtrait sévère , si nous avions l'audace de le juger , et si nous ne savions qu'il préparait l'exécution du décret de la Prédestination des hommes . Combien extrêmes ne furent donc pas les souffrances de l'âme de Jésus , à partir du moment où elle eut fait l'expérience de ce bonheur auquel ne saurait être comparée aucune des autres libéralités
du souverain Bien !
Représentons - nous un homme
gabrielle- Nombre de messages : 19801
Date d'inscription : 25/01/2009
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