LES TROIS CONVERSIONS ET LES TROIS VOIES

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Message  Monique Lun 07 Aoû 2023, 7:52 am

Ici sont purifiées de tout alliage humain l’humilité et les trois vertus théologales. L’âme pressent alors de plus en plus, sans la voir, l’infinie pureté et grandeur de Dieu, au-dessus de toutes les idées que nous pouvons nous faire de lui; elle pressent de même toutes les richesses surnaturelles de la sainte âme du Christ, qui contenait dès ici-bas la plénitude de grâce, « tous les trésors de la sagesse et de la science » (Coloss., II, 3). Un peu comme les Apôtres au jour de la Pentecôte, elle entrevoit les profondeurs du mystère de l’Incarnation rédemptrice, la valeur infinie des mérites du Christ, mort pour nous, sur la croix, comme le disent saint Pierre dans ses premiers sermons et saint Étienne avant son martyre. C’est comme une connaissance vécue, quasi expérimentale du monde surnaturel, de la vie chrétienne profonde ; c’est comme un nouveau regard sur elle. Et par contraste l'âme perçoit beaucoup mieux sa misère. La principale souffrance intérieure d’un saint Paul de la Croix, d’un saint Curé d’Ars, était alors de se sentir très loin de l’idéal du sacerdoce, dont la grandeur leur apparaissait de plus en plus dans l'obscurité de la foi, en même temps qu’ils voyaient toujours mieux les besoins immenses des âmes très nombreuses qui s’adressaient à eux et imploraient leurs prières et leur secours.

Cette troisième conversion ou purification est, on le voit, l’œuvre du Saint-Esprit, qui éclaire Pâme par le don d’intelligence (1). Comme à la lueur d’un éclair pendant cette nuit, il illumine l’âme du juste qu’il veut puri fier. Ce juste lui a dit souvent : « Illumina ocu los meos, ne unquam obdormiam in morte : Éclaire mes yeux, pour que je ne m’endorme pas dans la mort » (Ps. XII, 5). — « Deus meus, illumina tenebras meas : 0 mon Dieu, éclaire mes ténèbres » (Ps. XVII, 29). — « Cor mundum crea in me, Deus, et spiritum rectum innova in visceribus meis. Ne projicias me a jade tua, et spiritum sanctum tuum ne auferas a me. Redde mihi laetitiam salutaris tui, et spiritu princi pali confirma me. Docebo iniquos via tuas, et impii ad te convertentur... et exultabit lingua mea justitiam tuam : O Dieu, crée en moi un cœur pur, et renouvelle en moi un esprit rectifié. Ne me rejette pas loin de ta face. Ne me retire pas ton Esprit-Saint. Rends-moi la joie de ton salut... Et je célébrerai ta miséricorde, et les impies se convertiront. Ouvre mes lèvres, Seigneur, ma bouche chantera ta justice et ta bonté » (Ps. L, 12).

L'âme purifiée redit au Christ Jésus, pour qu’il les réalise en elle, les paroles qu’il a prononcées : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et que désiré-je sinon qu'il se répande partout? »
(Luc, XII, 49.)


(1) S. Thomas, IIa IIae, q. 8, a. 8 : « Hanc mun ditiam mentis (depuratae a phantasmatibus et erroribus) facit donum intellectus... Etsi non vi deamus de Deo quid est, videmus tamen quid non est; et tanto in hac vita Deum perfectius cognos cimus, quanto magis intelligimus eum excedere quidquid intellectu comprehenditur.,. Hoc perti net ad donum intellectus inchoatum, secundum quod habetur in via. »




A suivre...


Dernière édition par Monique le Ven 25 Aoû 2023, 7:07 am, édité 1 fois
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Message  Monique Mar 08 Aoû 2023, 7:56 am

Cette troisième purification ou conversion se fait, on le voit, comme le dit saint Jean de la Croix (1), « par une influence de Dieu dans l’âme pour la purifier de ses ignorances et imperfections habituelles. Les contemplatifs la nomment contemplation infuse, où Dieu instruit l’âme en secret, et en perfection d’amour, sans qu’elle y intervienne, sans qu’elle comprenne môme en quoi cette contemplation infuse consiste ».

Cette grande purification ou transformation se présente sous des formes différentes chez les purs contemplatifs comme un saint Bruno, et chez des âmes vouées à l’apostolat ou aux œuvres de miséricorde comme un saint Vincent de Paul, mais le fond en est le même : chez les uns et chez les autres sont purifiées de tout alliage humain l’humilité et les trois vertus théologales, dont le motif formel apparaît de plus en plus au-dessus de tout motif secondaire. L’humilité grandit beaucoup selon la gradation décrite par saint Anselme et rapportée par saint Thomas : « 1° connaître qu’on est méprisable, 2° souffrir de l’être, 3° avouer qu’on l’est, 4° vouloir que le prochain le croie, 5° supporter patiemment qu’on le dise, 6° accepter d’être traité comme une personne digne de mépris, 7° aimer d’être traité ainsi. » Tel saint Dominique, qui allait de préférence dans les parties du Languedoc où il était maltraité et ridiculisé, et qui éprouvait une sainte joie de se sentir devenir plus semblable à Notre-Seigneur humilié pour nous.

Alors apparaissent de plus en plus dans toute leur élévation les motifs formels des trois ver tus théologales : Vérité suprême révélatrice, miséricorde toujours secourable, souveraine bonté infiniment aimable pour elle-même. Ces trois motifs apparaissent pomme trois étoiles de première grandeur dans la nuit de l’esprit, pour nous guider sûrement vers le terme de notre voyage.


(1) Nuit obscure, 1. II, c. v.



A suivre...
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Message  Monique Mer 09 Aoû 2023, 6:45 am

Les fruits de cette troisième conversion sont les mêmes que ceux de la Pentecôte, lorsque les Apôtres furent éclairés et fortifiés et que, trans formés, ils transformèrent à leur tour par leur prédication les premiers chrétiens, comme le montre le livre des Actes en rapportant les premiers sermons de saint Pierre et celui de saint Étienne, premier martyr.

Les fruits de cette troisième conversion sont surtout, avec une humilité vraie, profonde, une foi vive pénétrante qui commence à goûter les mystères de l’au-delà, c’est comme un avant- goût de la vie éternelle.

C'est aussi une espérance très ferme, très confiante, en la miséricorde divine toujours secourable. Pour arriver à cela, il faut avoir, comme dit saint Paul, « espéré contre toute espérance ».

Mais le fruit le plus élevé de cette troisième conversion est un très grand amour de Dieu, très pur et très fort, qui ne se laisse arrêter par aucune contradiction ou persécution, comme le fut l’amour des Apôtres qui étaient joyeux de souffrir pour Notre-Seigneur. Cet amour est fait d'un ardent désir de la perfection, c'est la faim et la soif de la justice de Dieu, qui s’accompagne du don de force, pour triompher de tous les obstacles. C'est la réalisation parfaite ici- bas du précepte suprême : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de   toute ton âme, de toutes tes forces, de tout ton esprit. »

Désormais le fond de l'âme est tout à Dieu. L’âme est enfin arrivée à vivre presque continuellement en la partie supérieure d’elle-même de la vie de l’esprit, elle est une adoratrice en esprit et en vérité. C’est là dans l’obscurité de la foi comme le prélude de la vie de l’éternité : « quaedam inchoatio vitae aeternae ». C’est la réalisation de la parole du Sauveur : « Si quel qu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, et des fleuves d’eau vive couleront de sa poitrine : Si quis sitit, veniat ad me et bibat, et flumina de ventre ejus fluent aquae vivae. » C’est vraiment l’eau vive jaillissant en vie éternelle, comme l’annonçait Jésus à la Samaritaine : « Si scires donum Dei,... petiisses a me, et dedissem tibi aquam vivam... Aqua quam ego dabo ei fiet in eo fons aquae salientis in vitam aeternam. »


A suivre...
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Message  Monique Jeu 10 Aoû 2023, 7:30 am

Prière au Saint-Esprit

Esprit-Saint, venez en mon cœur ; attirez-le à vous par votre puissance, mon Dieu, et donnez-moi la charité avec la crainte filiale. Gardez-moi, ô Amour ineffable, de toute mauvaise pensée, réchauffez-moi, enflammez-moi de votre très doux amour, et toute peine me semblera légère! Mon Père, mon doux Seigneur, assistez-moi dans toutes mes actions ! Jésus amour, Jésus amour.
(Sainte Catherine de Sienne.)

Le chrétien qui s’est consacré à Marie médiatrice selon la formule du bienheureux Grignon de Montfort, puis au Sacré-Cœur, trouvera des trésors dans la consécration souvent renouvelée au Saint-Esprit. Toute l’influence de Marie nous conduit à l’intimité du Christ, et l’humanité du Sauveur nous conduit au Saint-Esprit, qui nous introduit dans le mystère de l’adorable Trinité.

*
**

Consécration et prière au Saint-Esprit

O Saint-Esprit, divin Esprit de lumière et d’amour, je vous consacre mon intelligence, mon cœur, ma volonté et tout mon être pour le temps et l’éternité.

Que mon intelligence soit toujours docile à vos célestes inspirations et à l'enseignement de la sainte Eglise catholique dont vous êtes le Guide infaillible; que mon cœur soit toujours enflammé de l’amour de Dieu et du prochain; que ma volonté soit toujours conforme à la volonté divine, et que toute ma vie soit une imitation fidèle de la vie et des vertus de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, à qui, avec le Père et Vous, ô Esprit-Saint, soient honneur et gloire à jamais. Ainsi soit-il.

Indulgence de 300 jours à gagner une fois par jour, applicable aux âmes du Purgatoire. S. S. Pie X.

Pour renouveler cette consécration, il suffît de redire les premières lignes de la formule.

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A suivre... CHAPITRE IV - Le Problème des trois âges de la vie spirituelle en théologie ascétique et mystique
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Message  Monique Ven 11 Aoû 2023, 6:35 am

CHAPITRE IV

Le Problème des trois âges de la vie spirituelle en théologie ascétique et mystique

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Ce chapitre, écrit surtout pour les théologiens, est moins utile pour la plupart des âmes intérieures, qui en trouveront la substance sous une forme plus simple et plus vivante au chapitre suivant.

Un des plus grands problèmes de la spiritualité consiste à se demander : En quel sens faut-il entendre la division traditionnelle des trois voies purgative, illuminative et unitive, selon la terminologie de Denys, ou des commençants, des progressants et des parfaits, selon une terminologie antérieure ?

On a donné de cette division traditionnelle deux interprétations notablement différentes, suivant qu’on a considéré la contemplation infuse des mystères de la foi et l’union à Dieu qui en résulte comme appartenant à la voie normale de la sainteté ou comme des faveurs extraordinaires non seulement de fait mais de droit.


A suivre...
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Message  Monique Sam 12 Aoû 2023, 7:24 am

Position du problème

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Cette divergence d’interprétation apparaît si l’on compare la division de la théologie ascético- mystique généralement suivie jusqu’à la seconde moitié du XVIIIe siècle à celle donnée par plu sieurs auteurs qui ont écrit depuis lors. Elle est manifeste par exemple si l’on compare le traité de Vallgomera, O.P., Mystica theologia divi Thomae (1662), et les deux ouvrages de Scaramelli, S. J., Direttorio ascetico (1761) et Direttorio mistico.

Vallgornera suit là peu près le Carme Philippe de la Sainte-Trinité, en rapprochant la division donnée par celui-ci de celle des auteurs antérieurs et de certains textes caractéristiques de saint Jean de la Croix sur l’époque où apparaissent généralement les purifications passives des sens et de l’esprit (1). Il partage son traité écrit pour les âmes contemplatives en trois parties :

De la voie purgative, propre aux commençants, où il traite de la purification active des sens externes et internes, des passions, de l’intelligence et de la volonté, par la mortification, la méditation, la prière, et à la fin de la purification passive des sens, où commence la contemplation infuse et par où l’on est élevé à la voie illuminative, comme le dit saint Jean de la Croix, au début de la Nuit obscure, I. I, ch. VIII et XIV.

De la voie illuminative, propre aux progressants, où, après un chapitre préliminaire sur les divisions de la contemplation, il est parlé des dons du Saint-Esprit, de la contemplation infuse, qui procède surtout des dons d’intelligence et de sagesse, et qui est déclarée désirable pour toutes les âmes intérieures, comme moralement nécessaire à la pleine perfection de la vie chrétienne. Cette deuxième partie de l’ouvrage, après quelques articles relatifs aux grâces extraordinaires (visions, révélations, paroles intérieures), s’achève par un chapitre en neuf articles relatif à la purification passive de l'esprit qui marque le passage à la voie unitive. C’est bien encore ce qu’avait dit saint Jean de la Croix, Nuit obscure, 1. II, ch. II, XI.

De la vie unitive, propre aux parfaits, où il est question de l’intime union de l’âme contemplative avec Dieu et de ses degrés jusqu’à l’union transformante. Vallgornera considère cette division comme traditionnelle, vraiment conforme à la doctrine des Pères, aux principes de saint Thomas et à renseignement de saint Jean de la Croix et des plus grands mystiques qui ont écrit sur les trois âges de la vie spirituelle, en notant comment se fait généralement la transition de l’un à l’autre (1).


(1) Philippe de la Sainte-Trinité expose les mêmes idées dans le prologue de sa Summa Theologiae mysticae (éd. 1874, p. 17).

(1) Un autre dominicain, Giov. Maria di Lauro, dans sa Teologia mistica parue à Naples en 1743, divise de même son ouvrage, en plaçant au même endroit la purification passive des sens comme transition à la voie illuminative (p.II3), et la purification passive de l'esprit comme disposition à la vie unitive parfaite (p. 3o3), selon la doctrine de saint Jean de la Croix.




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Message  Monique Dim 13 Aoû 2023, 7:05 am

Toute différente est la division donnée par Scaramelli et plusieurs auteurs qui le suivent.

Tout d’abord Scaramelli traite de l’Ascétique et de la Mystique, non pas dans le même ouvrage, mais en deux ouvrages séparés. Le Direttorio ascetico, deux fois plus long que l’autre, comprend quatre traités : 1° Les moyens de la perfection, 2° Les obstacles (ou la voie purgative), 3° Les dispositions prochaines à la perfection chrétienne, consistant dans les vertus morales au degré parfait (ou la voie des progressants), 4° La perfection essentielle du chrétien, consistant dans les vertus théologales et spécialement dans la charité (l’amour de conformité chez les parfaits).

Ce Directoire ascétique ne parle pour ainsi dire pas des dons du Saint-Esprit. Le haut degré des vertus morales et théologales, qui y est décrit, ne se réalise pourtant pas sans eux, selon l’enseignement commun des Docteurs.

Le Direttorio mistico comprend cinq traités : 1° Introduction, où il est question des dons du Saint-Esprit et des grâces gratis datas. — 2° De la contemplation acquise et de l’infuse, à la quelle, Scaramelli le reconnaît (ch. XIV), suffi sent les dons. — 3° Des degrés de la contemplation infuse indistincte, du recueillement passif à l’union transformante ; au ch. XXXII, Scaramelli reconnaît que plusieurs auteurs enseignent que la contemplation infuse peut être désirée humblement par toutes les âmes intérieures, mais il finit par conclure que pratiquement, avant d’avoir reçu un appel spécial, il est mieux de ne pas la désirer : « Altiora te ne quaesieris. » Item, tr. I, c. I, n° 10. — 4° Des degrés de la contemplation infuse distincte (visions et paroles intérieures extraordinaires). — 5° Des purifications passives des sens et de l’esprit.

On est étonné de trouver seulement à la fin de ce directoire mystique le traité de la purification passive des sens, qui marque pour saint Jean de la Croix et les auteurs cités plus haut l’entrée dans la vie illuminative


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Message  Monique Lun 14 Aoû 2023, 9:59 am

La divergence entre cette nouvelle manière de diviser la théologie ascético-mystique et la précédente provient manifestement de ce que les anciens auteurs, à l’opposé des nouveaux, sou tenaient que toutes les âmes vraiment intérieures peuvent humblement désirer et demander à Dieu la grâce de la contemplation infuse des mystères de la foi, des mystères de l’Incarnation, de la Passion du Sauveur, de la sainte Messe et de la vie éternelle, mystères qui sont autant de manifestations de l’infinie bonté de Dieu; ils considéraient cette contemplation sur naturelle et confuse comme moralement nécessaire à l’union à Dieu en laquelle consiste la pleine perfection de la vie chrétienne.

On peut dès lors se demander si la nouvelle division, telle qu’elle est proposée par exemple par Scaramelli, ne diminue pas l'unité et l’élévation de la vie spirituelle parfaite. En séparant de la sorte l’ascétique de la mystique, conserve- t-on assez l'unité du tout que l’on divise ainsi? Une bonne division, pour être, non pas superficielle et accidentelle, mais nécessairement fondée, doit reposer sur la définition même du tout à diviser, sur la nature de ce tout, qui est ici la vie de la grâce, appelée par la tradition « grâce des vertus et des dons (1) », car les sept dons du Saint-Esprit, étant connexes avec la charité, sont partie de l’organisme spirituel (i) et, comme l’enseigne saint Thomas, nécessaires au salut, à plus forte raison à la perfection (2).

De même la nouvelle conception ne diminue- t-elle pas l'élévation de la perfection évangélique, lorsqu’elle en traite en ascétique en faisant abstraction des dons du Saint-Esprit, de la contemplation infuse des mystères de la foi et de l’union qui en résulte? Tout en insistant beau coup sur l’ascèse, ne l’amoindrit-elle pas, n’a/- faiblit-elle pas les motifs de pratiquer la mortification et d'exercer les vertus en perdant de vue l’intimité divine à laquelle tout ce travail doit conduire? Éclaire-t-elle assez sur le sens des épreuves, des aridités prolongées qui arrivent généralement lorsqu’on passe d’un âge de la vie spirituelle à un autre? Cette conception nouvelle ne diminue-t-elle pas aussi l’importance et la gravité de la mystique, qui, séparée ainsi de l’ascétique, semble devenir un luxe dans la spiritualité de quelques privilégiés, et un luxe qui n’est pas sans danger? Enfin et surtout cette manière de voir n’amoindrit-elle pas les voies illuminative et unitive, lorsqu’elle en parle du simple point de vue ascétique? Ces deux voies peuvent-elles normalement exister sans l’exercice des dons du Saint-Esprit proportionné à celui de la charité et des autres vertus infuses?

Y a-t-il six voies (trois ascétiques et ordinaires et trois mystiques et extraordinaires non seulement de fait mais de droit), et non pas seulement trois voies, trois âges de la vie spirituelle, comme disaient les anciens? Ne semble- t-il pas que les traités ascétiques des voies illuminative et unitive, dès qu’on les sépare de la mystique, ne contiennent que des considérations abstraites sur les vertus morales puis théologales, ou que, s’ils parlent pratiquement et concrètement du progrès et de la perfection de ces vertus, comme le fait Scaramelli, cette perfection, selon l’enseignement de saint Jean de la Croix, est manifestement inaccessible sans les purifications passives et sans le concours des dons du Saint-Esprit? C’est le cas de rappeler les paroles de sainte Thérèse : « Il faut, disent certains livres, être indifférent au mal qu’on dit de nous, se réjouir même plus que si l’on en disait du bien, on doit faire peu de cas de l’honneur, être très détaché de ses proches... et quantité d’autres choses du même genre. A mon avis ce sont là de purs dons de Dieu, ces biens sont surnaturels (1). » Pour mieux conserver l’unité et l’élévation de la vie intérieure, telle que l’Évangile et les Épîtres nous la font connaître, nous proposons la division suivante. Elle est conforme à celle de la grande majorité des auteurs qui ont écrit avant la seconde moitié du XVIIIe siècle, et, en mentionnant une forme imparfaite des voies illuminative et unitive, notée par saint Jean de la Croix (1), elle sauvegarde aussi la part de vérité contenue, croyons-nous, dans la conception plus récente.



(1) Cf. Saint Thomas, IIIa, q. 62, a. 2 : « Utrum gratia sacramentalis aliquid addat super gratiam virtutum et donorum »; où il est rappelé que la grâce habituelle ou sanctifiante perfectionne l’essence de l’âme et que d’elle dérivent dans les facultés les vertus infuses (théologales et morales) et les sept dons du Saint-Esprit, qui sont dans l’âme comme les voiles sur la barque pour recevoir comme il convient le souffle d’en haut.

(1) Ia IIae, q. 68, a. 5 : « Sicut virtutes morales connectuntur sibi invicem in prudentia; ita dona Spiritus Sancti connectuntur sibi invicem in caritate; ita scilicet quod qui caritatem habet, omnia dona Spiritus Sancti habet, quorum nullum sine caritate haberi potest. »

(2) Ia IIae, q. 68, a. 2, où sont citées ces paroles de la sainte Écriture : « Le Seigneur n’aime que celui qui habite avec la sagesse » (Sagesse, VII, 28), et « Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » (Rom., VIII, 14).

(1) Vie, ch. XXXI; Obras, t. I, p. 257.

(1) Nuit obscure, 1. I, c. XIV.




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Message  Monique Mar 15 Aoû 2023, 6:48 am

 
Division proposée des trois âges de la vie spirituelle


Au-dessus des pécheurs endurcis, des âmes sensuelles qui vivent dans la dissipation, la con version ou justification nous met dans un état de grâce, que le péché ne devrait plus détruire en nous, et qui comme un germe surnaturel devrait se développer sans arrêt jusqu’à son plein épanouissement dans la vision immédiate de l'essence divine et l’amour parfait et inamissible.

Après la conversion devrait donc commencer sérieusement la vie purgative, où les commençants aiment Dieu en fuyant le péché mortel et le péché véniel délibéré par la mortification extérieure et intérieure et par la prière. Mais de fait cette vie purgative se trouve sous deux for mes bien différentes : chez les uns, vraiment peu nombreux, elle est intense, généreuse, c'est la voie étroite de la parfaite abnégation décrite par les saints; chez beaucoup d’autres, c’est une vie purgative diminuée, qui comporte elle-même bien des degrés depuis les bonnes âmes un peu faibles, jusqu’aux âmes attiédies et attardées qui retombent parfois dans le péché mortel. Il faudra faire une remarque semblable pour les deux voies supérieures, et distinguer en elles un état faible et un autre intense.

La transition à la vie illuminative se fait à la suite des consolations sensibles qui viennent généralement récompenser l’effort généreux de la mortification. Comme on s’attarde en ces consolations, le bon Dieu les enlève, l’âme se trouve alors dans l’aridité sensible plus ou moins pro longée de la purification passive des sens. Cette purification se poursuit sans arrêt chez les âmes généreuses et les conduit par la contemplation infuse initiale à la vie illuminative pleine; chez les âmes moins généreuses, qui fuient la croix, cette purification est souvent interrompue, et elles ne jouiront que d’une vie illuminative amoindrie, et ne recevront la contemplation infuse que de loin en loin (1). La nuit passive des sens apparaît ainsi comme une seconde conversion, plus ou moins parfaite.


(1) Cf. saint Jean de la Croix, Nuit obscure, 1. I, ch. IX et XIV; Vive Flamme, 2e strophe, v. 5.



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Message  Monique Mer 16 Aoû 2023, 7:24 am

La vie illuminative pleine comporte la contemplation infuse indistincte des mystères de la foi, qui a commencé dans la nuit passive des sens. Elle se présente sous deux formes normales : l’une nettement contemplative, comme chez beaucoup de saints du Carmel ; l’autre active, comme chez un saint Vincent de Paul, qui & la lumière des dons de sagesse et de conseil voit constamment dans les pauvres et les petits enfants abandonnés des membres souffrants du Christ. Parfois cette vie illuminative pleine comporte, non seulement la contemplation infuse des mystères de la foi, mais aussi des grâces extraordinaires, visions, révélations, dans sa propre vie.

La transition à la vie unitive se fait à la suite des lumières plus abondantes ou d’un apostolat plus facile ou plus rayonnant, qui sont comme la récompense de la générosité du progressant, mais dans lesquels, par un reste d’orgueil, il se complaît. Alors, si le Seigneur veut efficace ment conduire le progressant à la vie unitive parfaite, il le fait passer par la nuit de l’esprit, purification douloureuse de la partie supérieure de Pâme. Si elle est très surnaturellement sup portée, elle ne s’interrompt pour ainsi dire pas jusqu’à ce qu’elle conduise à la vie unitive par faite; si la générosité fait défaut, il n’y aura qu’une vie unitive amoindrie. Cette douloureuse purification représente dans la vie des serviteurs de Dieu la troisième conversion.

La vie unitive parfaite comporte la contemplation infuse des mystères de la foi et une union passive presque continuelle. Elle se pré sente, comme la précédente, sous deux formes normales : l’une presque exclusivement contemplative, comme chez un saint Bruno, un saint Jean de la Croix ; l’autre apostolique, comme chez un saint Dominique, un saint François, un saint Thomas, un saint Bonaventure. Parfois la vie unitive parfaite comporte, non seulement la contemplation infuse et l’union passive presque continuelle, mais aussi des grâces extraordinaires, comme la vision de la sainte Trinité reçue par sainte Thérèse et décrite par elle dans la VIIe Demeure. En cette vie unitive parfaite, qu’elle s’accompagne ou non de faveurs extraordinaires, il y a évidemment bien des degrés, jusqu’aux plus grands saints, jusqu’aux Apôtres, à saint Joseph et & Marie. Cette division des trois âges de la vie spirituelle peut se résumer dans le tableau suivant à lire de bas en haut : les trois purifications ou conversions y figurent comme transition d’un état à un autre.

On peut comparer cette division des trois âges de la vie spirituelle à ce que nous enseigne la tradition, surtout à la doctrine de saint Thomas sur la grâce des vertus et des dons et à celle de saint Jean de la Croix sur les purifications passives, la contemplation infuse et l'union par faite, prélude normal de la vie du ciel. Comparons-la pour l'instant à la division des trois âges de la vie corporelle, l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Saint Thomas (1), on le sait, a proposé lui- même cette comparaison, et il y a là, nous l’avons vu (2), une analogie qui vaut la peine d’être suivie, en observant surtout la transition d’une période de la vie à l’autre.


(1) IIa IIae, q. 24, a. 9. — (2) Chapitre 1, p. 42-50.



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Message  Monique Jeu 17 Aoû 2023, 5:43 am

La transition d'un âge à Vautre dans la vie spirituelle Comme la mentalité de l’enfant n’est pas celle de l’adolescent, ni la mentalité de celui-ci celle de l’adulte, de sorte que sur bien des choses la conversation entre eux n’est pas possible, de même la mentalité du commençant, qui se trouve dans la vie purgative, n’est pas celle de celui qui avance dans la vie illuminative, ni celle du parfait arrivé à la vie d’union. Le par fait doit comprendre les âges qu’il a traversés lui-même, mais il ne peut demander d’être pleinement compris par ceux qui s’y trouvent encore.

De plus, comme il y a une crise plus ou moins manifeste et plus ou moins bien supportée pour passer de l’enfance à l’adolescence, celle de la puberté d’ordre à la fois physiologique et psychologique, il y a une crise analogue pour passer de la vie purgative des commençants !à la vie illuminative des progressants. Cette crise a été décrite par plusieurs grands spirituels, notamment par Tauler (1), surtout par saint Jean de la Croix sous le nom de purification passive des sens (2), par le Père Lallemant, S.J., sous le nom de seconde conversion (3).

C’est saint Jean de la Croix qui a le mieux noté ces deux crises à la transition d’un âge à l’autre. On voit qu’elles répondent à la nature même de l’âme humaine et à la nature de la semence divine, qu’est la grâce sanctifiante. Dans la Nuit obscure, 1.I, c. 8, après avoir parlé des imperfections spirituelles des commençants, il écrit : « La nuit ou purification des sens donne à l'âme sa pureté en la dépouillant selon sa partie sensitive et en accommodant le sens à l’esprit... Elle est commune; elle se produit chez le grand nombre des commençants, » Puis il ajoute, ibid,, c. 14 : « Quand cette demeure de la sensualité se trouve ainsi pacifiée, que les passions sont mortifiées, les convoitises éteintes et les appétits calmés et endormis sous l’in fluence de la Nuit purificatrice (des sens), l’âme peut s’échapper pour s’engager dans 1a voie de l’esprit. Elle commence à compter parmi les Progressants ou Avancés, et se trouve dans la voie qu’on nomme aussi illuminative. C’est l’à que Dieu, selon sa volonté, nourrit et fortifie l’âme par contemplation infuse, sans qu’elle y participe par discours, aide active ou coopération propre. Comme je l’ai déjà dit, tel est l’effet de la Nuit et purification des sens. » Les mots que nous venons de souligner dans ce texte sont très significatifs, et ils reproduisent exactement l’original espagnol.

(1) Deuxième Sermon de Carême, et Sermon pour le lundi avant le Dimanche des Hameaux (no 3 et 4), qui, dans la traduction latine de Surius, est au Ier Dimanche après l’Octave de l’Épiphanie.

(2) Nuit obscure, 1. I, c. IX et X : Signes caractéristiques de la nuit des sens. — Conduite à tenir à ce moment.

(3) Doctrine Spirituelle, IIe Principe, section II, c. 6, a. 2 édit. Paris, Gabalda, 1908, p.113... et ibid., p. 91, 123, 143, 187, 301, sq.


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Message  Monique Ven 18 Aoû 2023, 7:39 am

Ensuite saint Jean de la Croix, Nuit obscure, 1. II, ch. II, traite des imperfections propres aux avancés ou progressants, rudesse naturelle, besoin d’épanchement au dehors, présomption, orgueil secret qui subsiste encore, et montre la nécessité de la purification passive de l’esprit, crise douloureuse, et troisième conversion, nécessaire pour entrer pleinement dans la vie d’union des parfaits, qui, comme le dit saint Thomas, « veillent surtout à adhérer à Dieu, à jouir de Lui, et aspirent ardemment à la vie éternelle, pour être avec le Christ (1) ». Cette doctrine de la Nuit obscure se retrouve dans le Cantique spirituel, en particulier dans la division du poème et dans l’argument qui pré cède la première strophe (Item, str. 4, str. 6, str. 22, V. I).

On a objecté parfois : Cette haute conception de saint Jean de la Croix dépasse notablement la conception commune des auteurs spirituels, qui parlent dans un sens moins mystique de la vie illuminative des progressants et de la vie d’union des parfaits. Il semble donc bien que les commençants, dont il est question dans la Nuit obscure, ne sont pas ceux dont on parle d’habitude, mais ceux qui débutent, non dans la vie spirituelle, mais dans les voies mystiques. A cela il est aisé de répondre que la conception de saint Jean de la Croix correspond admirablement à la nature de l’âme (sensitive et spirituelle), non moins qu’à celle de la grâce, et que les commençants dont il parle sont bien ceux qu'on nomme ainsi d’habitude; il suffit pour s’en convaincre de voir les défauts qu’il trouve en eux : gourmandise spirituelle, penchant à la sensualité, à la colère, à l’envie, à la paresse spirituelles, à l’orgueil qui les porte à « avoir le confesseur spécial pour les mauvais cas, l’autre restant réservé à la confidence exclusive du bien, pour qu’il garde une excellente opinion de son pénitent (1) ». Ce sont là de vrais commençants, nullement avancés dans l’ascèse.

Seulement, lorsqu’il parle des trois voies purgative, illuminative et unitive, saint Jean de la Croix les prend, non pas en un sens amoindri, mais dans leur plénitude normale. En cela il conserve la tradition des Pères, de Clément d’Alexandrie, de Cassien, de saint Augustin, de Denys, et des grands docteurs du moyen-âge : saint Anselme, Hugues de Saint-Victor, saint Albert le Grand, saint Bonaventure et saint Thomas.

(1) IIa IIae, q. 24. a. 9.
(1) IIa IIae, q. 161, a. 6.


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Message  Monique Sam 19 Aoû 2023, 8:27 am

Cela apparaît en particulier par la distinction traditionnelle des degrés de l'humilité, qui, par suite de la connexion des vertus, correspondent aux degrés de la charité, d’autant que l’humilité est une vertu fondamentale, en tant qu’elle écarte l’orgueil, principe de tout péché. Cette gradation traditionnelle relative à l’humilité ne conduit pas à une moindre perfection que celle dont parle saint Jean de la Croix. Nous avons vu comment saint Thomas (1) la rapporte selon saint Anselme : « 1° Connaître qu’on est méprisable, 2° souffrir de l’être, 3° avouer qu’on l’est, 4° vouloir que le prochain le croie, 5° supporter patiemment qu’on le dise, 6° accepter d’être traité comme une personne digne de mépris, 7° aimer à être traité ainsi. »

Sainte Catherine de Sienne, l’auteur de l'Imitation, dans la suite saint François de Sales, et tous les spirituels ne parlent pas autrement des degrés de l’humilité, correspondants à ceux de l’amour de Dieu. Tous les livres d’ascétique disent même qu’il faut se réjouir dans les tribulations et lorsqu’on nous calomnie; mais, comme  le remarque sainte Thérèse, cela suppose déjà de grandes purifications, celles même dont parle saint Jean de la Croix, et c’est la résultante d’une grande fidélité au Saint-Esprit.

Ce n’est pas seulement la distinction traditionnelle des degrés de l’humilité qui confirme la conception des trois âges de la vie que nous donne saint Jean de la Croix, c’est aussi la division classique conservée par saint Thomas (1) des vertus politiques, nécessaires à la vie en société, des vertus purificatrices (purgatoriae) et des vertus de l'âme purifiée. Saint Thomas ne dit-il pas (ibid.), en décrivant les « virtutes purgatoriae » : « la prudence méprise toutes les choses du monde pour la contemplation des choses divines; elle dirige toutes les pensées vers Dieu. La tempérance abandonne, autant que la nature le peut supporter, ce qu’exige le corps. La force empêche de s’effrayer devant la mort et devant l’inconnu des choses supérieures. La justice enfin porte à entrer pleinement dans cette voie toute divine ». Les vertus de l’âme purifiée sont supérieures encore. Tout cela n’est certes pas inférieur à ce qu’écrira plus tard saint Jean de la Croix, ni non plus ce que dit le Docteur angélique de l’union immédiate de la très pure charité avec Dieu qui habite en nous (1).


(1) IIa IIae, q. 161, a. 6.
(1) Ia IIae, q. 61, a. 5.
(1) IIa IIae, q. 27, a. 4,5,6: « Utrum Deus possit in hac vita immediate amari, totaliter amari; utrum ejus dilectio habeat modum. »


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Message  Monique Dim 20 Aoû 2023, 7:11 am

Enfin la division proposée des trois âges de la vie ne répond-elle pas aussi aux trois mouvements de la contemplation décrits par saint Thomas (2), à la suite de Denys : 1° contempler la bonté de Dieu dans le miroir des choses sensibles, s’élever tout droit vers elle en se rappelant les paraboles que Jésus prêchait aux commençants; 2° contempler la divine bonté dans le miroir des vérités intelligibles, ou des mystères du salut; s’élever vers elle par un mouvement en spirale de la nativité du Sauveur jusqu’à son Ascension; 3° contempler la souveraine bonté en elle-même, dans l’obscurité de la foi, en décrivant plusieurs fois le même cercle, pour revenir toujours sur la même vérité infinie, la mieux entendre et en vivre profondément.

Il est bien certain que saint Jean de la Croix suit cette route traditionnelle, jalonnée par les grands docteurs venus avant lui; mais il décrit le progrès spirituel tel qu’il apparaît surtout chez les contemplatifs, et chez les plus généreux d’entre eux, pour arriver « le plus directe ment possible à l'union à Dieu (1) ». Il montre ainsi quelles sont les lois supérieures de la vie de la grâce et du progrès de la charité. Mais ces lois s’appliquent aussi d’une façon atténuée chez bien d’autres âmes, qui n’arrivent pas à une si haute perfection, mais qui pourtant avancent généreusement, sans revenir en arrière. Ainsi un peu en toutes choses on distingue un temps fort et un temps faible. Par exemple dans les ouvrages de médecine on décrit les maladies telles qu’elles sont à l’état aigu, tout en notant qu’elles se présentent souvent sous une forme atténuée.

Ceci dit, il nous sera plus facile de voir quel les sont les caractéristiques des trois voies, en insistant sur la purification ou conversion qui précède chacune des trois, alors même qu'il n’y aurait pas de rechute dans le péché mortel, et qu'après la justification Pâme resterait en état de grâce. Nous allons étudier de ce point de vue ce qui constitue l’état d’âme des commençants, celui des progressants et celui des parfaits, pour bien voir qu’il n’y a pas là seulement des cadres conventionnels, mais un véritable progrès vital fondé sur la nature même de la vie spirituelle, c’est-à-dire sur la nature de l’âme et celle de cette semence divine, qui est le germe de la vie éternelle, semen gloriae (1).


(2) IIa IIae, q. 180, a. 6.
(1) Cf. P. Louis de la Trinité, O. C. D., Le Docteur mystique; 1939, Paris, Desclée, de Brouwer, p. 55.
(1) Une des particularités fort intéressante de cette question est celle à laquelle pensait Sa Sainteté Pie X, lorsque, en avançant l’époque de la première communion, il disait : Il y aura des saints parmi les enfants; paroles qui semblent réalisées par les grâces très spéciales accordées à ces enfants, partis si vite vers le ciel, et qui font aujourd'hui germer de nombreuses vocations religieuses et sacerdotales : la petite Nelly, Anne de Guigné, Guy de Fontgalland, Marie-Gabrielle T. Guglielmina et quelques autres en Belgique et en Hollande, qui rappellent la Bse Imelda, morte d’amour pendant l’action de grâce de sa première communion. Le Seigneur, qui a dit : Laissez venir à moi les petits enfants, peut évidemment préserver très particulièrement leurs âmes et les embellir de très bonne heure; il jette dans les âmes la semence divine plus ou moins belle selon son bon plaisir. Cf. Collection « Parvuli », chez P. Lethielleux, Paris.




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Message  Monique Lun 21 Aoû 2023, 5:07 am

CHAPITRE V

Caractères de chacun des trois âges de la vie spirituelle


« Le Seigneur conduit le juste par des voies droites. »
(Sap., x, 10.)


Nous avons vu les conceptions qui ont été proposées des trois âges de la vie spirituelle, et surtout celle qui se présente comme la plus traditionnelle. Après avoir dit quelle analogie existe entre ces trois périodes de la vie de l’âme et celles de la vie du corps : enfance, adolescence, âge adulte, nous avons particulièrement noté comment la transition se fait d’un âge spirituel à l’autre par un moment difficile qui rappelle ce qu’est, dans l’ordre naturel, la crise qui se produit chez l’enfant vers quatorze ou quinze ans et celle de la première liberté chez l’adolescent qui arrive vers vingt et un ans à l’âge adulte, Nous avons vu aussi comment ces différentes périodes de la vie intérieure correspondent à celles qui se remarquent dans la vie des Apôtres.

Nous voudrions de ce point de vue, et d’après les principes de saint Thomas et de saint Jean de la Croix, décrire brièvement ce qui constitue chacun de ces trois âges des commençants, des progressants et des parfaits, pour y montrer les moments successifs d’une évolution véritable ment normale, répondant à la fois à la division des deux parties de l'âme (les sens et l’esprit) et à la nature de « la grâce des vertus et des dons » qui vivifie l'âme de plus en plus, élève ses facultés inférieures et supérieures, jusqu’à ce que le fond de l'âme (1) soit purifié de tout égoïsme ou amour-propre, et soit véritable ment, sans aucun mensonge, tout à Dieu.

Il y a là, nous allons le voir, une suite logique très frappante; c’est la logique de la vie, qui a sa nécessité à elle, commandée par la fin ultime :

« Justum deduxit Dominus per vias rectas : Le Seigneur conduit le juste par des voies droites. »


(1) Cette expression, très aimée de Tauler, a le même sens que « cime de l'âme » ; la métaphore seule change suivant qu’on considère les choses sensibles soit comme extérieures, soit comme inférieures.



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Message  Monique Mar 22 Aoû 2023, 5:57 am

L’âge des commençants

*
**


La première conversion est le passage de l’état de péché à l’état de grâce, soit par le baptême, soit par la contrition et l’absolution si l’innocence baptismale n’a pas été conservée. La théologie explique longuement au traité de la grâce ce qu’est la justification chez l’adulte, comment et pourquoi elle requiert, sous l’influx de la grâce, les actes de foi, d’espérance, de charité, de contrition ou de détestation du péché commis (1). Cette purification par l’infusion de la grâce habituelle et la rémission des péchés est en un sens le type, l’ébauche des purifications à venir, qui elles aussi comporteront des actes de foi, d’espérance, d’amour, de contrition.

Souvent cette première conversion se produit après une crise plus ou moins douloureuse, où l’on se sépare progressivement de l’esprit du monde, comme le prodigue, pour revenir à Dieu. C’est le Seigneur qui fait le premier pas vers nous, comme l’a enseigné l’Église contre le semi pélagianisme (1), c’est lui qui nous inspire le bon mouvement, la bonne volonté initiale, qui est le commencement du salut. Pour cela, par sa grâce actuelle et par l’épreuve, il laboure en quelque sorte notre âme, avant d’y déposer la semence divine; il creuse une première fois le sillon, sur lequel il reviendra plus tard dans le même sens et beaucoup plus profondément pour extirper les mauvaises racines qui restent, comme le fait le vigneron pour libérer la vigne, qui a déjà grandi, de tout ce qui l’empêche de se développer.

Après cette première conversion, si l’âme en état de grâce ne retombe pas, ou si du moins elle ne tarde pas à se relever pour aller de l’avant (2), elle se trouve dans la voie purgative des commençants.


(1) Cf. Concile de Trente, sess. VI, cap. 6 (Denzinger, n° 798), et saint Thomas, Ia IIae, q. 113, a. 1 à 8 inclusivement.
(1) Cf. Concile d’Orange (Denzinger, n°" 176, 178 sq.).
(2) Saint Thomas explique (IIIa, q. 89, a. 5, ad 3)




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Message  Monique Mer 23 Aoû 2023, 8:54 am

La mentalité ou l’état d’âme du commençant peut se décrire en observant surtout en lui ce qu'il y a de principal dans l'ordre du bien : la connaissance de Dieu et de soi-même et l’amour de Dieu. Il est sûr qu’il y a des commençants particulièrement favorisés, comme les grands saints à leurs débuts, qui ont un plus haut degré de grâce que bien des progressants ; ainsi il y a au point de vue naturel de petits prodiges, mais enfin ce sont encore des enfants, et l’on peut dire en quoi consiste généralement la mentalité de ceux qui débutent. Ils commencent à se connaître eux-mêmes, à voir leur misère, leur indigence, et doivent chaque jour examiner attentivement leur conscience pour se corriger. En même temps ils commencent à connaître Dieu, dans le miroir des choses sensibles, de celles de la nature ou des paraboles, par exemple en celles de l’enfant prodigue, de la brebis perdue, du bon Pasteur. C’est le mouvement droit d'élévation vers Dieu, qui rappelle celui de l’alouette, lorsqu'elle s’élève de la terre vers le ciel en poussant un cri (1). — En cet état, il y a un amour de Dieu proportionné; les commençants vraiment généreux aiment le Seigneur avec une sainte crainte du péché, qui leur fait fuir le péché mortel, même le péché véniel délibéré, par la mortification des sens et des passions déréglées, ou de la concupiscence de la chair, de celle des yeux et de l’orgueil.

Après un certain temps de cette généreuse lutte, ils reçoivent, d’habitude, comme récompense, des consolations sensibles dans la prière, dans l’étude aussi des choses divines. Le Seigneur fait ainsi la conquête de leur sensibilité, puisqu'ils vivent surtout par elle; il la détourne des choses dangereuses et l’attire vers lui. En ces moments le commençant généreux aime déjà Dieu « de tout son cœur », mais pas encore de toute son âme, de toutes ses forces, ni de tout son esprit. Les auteurs spirituels parlent souvent de ce lait de la consolation qui est alors donné. Saint Paul dit lui-même, I Cor., III, 2 : « Ce n’est pas comme à des hommes spi rituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à de petits enfants dans le Christ. Je vous ai donné du lait à boire, non de la nourriture solide, car vous n’en étiez pas capables. »

Mais alors qu’arrive-t-il généralement? Presque tous les commençants, en recevant ces consolations sensibles, y prennent trop de complaisance, comme si elles étaient, non pas un moyen, mais une fin. Elles ne tardent pas dès lors à devenir un obstacle, occasion de gourmandise spirituelle, de curiosité dans l’étude des choses divines, d’orgueil inconscient lorsqu’on aime en parler, sous prétexte d’apostolat, comme si on était déjà un maître. Alors reparaissent, dit saint Jean de la Croix (1), les sept péchés capitaux, non plus sous leur forme grossière, mais dans l’ordre des choses spirituelles, comme autant d’obstacles à la vraie et solide piété.


(1) Le commençant considère bien aussi parfois la bonté divine dans les mystères du salut, mais il n’est pas encore familiarisé avec eux, ce n’est pas le propre de son état.
(1) Nuit obscure, 1.I, ch. 1 à 7.




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Message  Monique Jeu 24 Aoû 2023, 8:10 am

Par suite, rien de plus logique et de plus vital comme transition, une seconde conversion est nécessaire, celle que décrit saint Jean de la Croix sous le nom de purification passive des sens, « commune chez le grand nombre des commençants (1) » pour les introduire « dans la vie illuminative des avancés, où Dieu nourrit l'âme par la contemplation infuse (2) ». Cette purification se manifeste par une aridité sensible prolongée, dans laquelle le commençant est dépouillé des consolations sensibles, où il se complaisait trop. S’il y a, dans cette aridité, un vif désir de Dieu, de son règne en nous et la crainte de l’offenser, c’est un second signe qu’il y a là une purification divine. Et plus encore si à ce vif désir de Dieu s’ajoute la difficulté à l’oraison de faire des considérations multiples et raisonnées, et l'inclination à regarder simplement le Seigneur avec amour (3). C’est là le troisième signe, qui montre que la seconde conversion s’accomplit, et que l’âme est élevée vers une forme de vie supérieure, qui est celle de la voie illuminative.

Si l'âme supporte bien cette purification, sa sensibilité se soumet de plus en plus à l’esprit; l’âme est guérie de la gourmandise spirituelle, de la superbe qui la portait à se poser en maître ; elle apprend a mieux connaître son indigence. Il n’est pas rare que viennent alors d’autres difficultés purificatrices, par exemple dans l’étude, dans la pratique des divers devoirs d’état, dans les relations avec les personnes aux quelles on était trop attaché et que le Seigneur éloigne parfois brusquement et douloureuse ment de nous. Assez souvent surgissent en cette période d’assez fortes tentations contre la chasteté et la patience, permises par Dieu pour que par une vigoureuse réaction ces vertus, qui ont leur siège dans la sensibilité, se fortifient et s’enracinent vraiment en nous. La maladie peut aussi venir alors nous éprouver.

Dans cette crise le Seigneur laboure l'âme de nouveau, il creuse beaucoup plus profondément le sillon, qu’il a déjà tracé au moment de la justification, ou première conversion; il extirpe les mauvaises racines ou les restes du péché, « reliquias peccati ».

(1) Nuit obscure, 1.I, ch. 8.
(2) Ibid., ch. 14.
(3) Ibid., ch. 9.




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Message  Monique Ven 25 Aoû 2023, 7:05 am

Cette crise certes n’est pas sans danger, comme dans l’ordre naturel celle de quatorze ou quinze ans. Quelques-uns se montrent ici infidèles à leur vocation. Plusieurs ne traversent pas cette épreuve de façon à entrer dans la vie illuminative des progressants, et ils restent dans une certaine tiédeur ; ce ne sont plus à proprement parler de vrais commençants, mais plutôt des âmes attardées ou attiédies. En eux se réalisent en un sens les paroles de la sainte Écriture : « ils n’ont pas reconnu le temps de la visite du Seigneur (1) », l’heure de la seconde conversion. Ces âmes, surtout si elles sont dans la vie religieuse ou dans la vie sacerdotale, ne tendent pas assez à la perfection; sans y prendre garde, elles en arrêtent beaucoup d’autres et sont un pénible obstacle à celles qui voudraient sérieusement avancer. Ainsi assez souvent la prière commune, au lieu d’être contemplative, se matérialise, devient mécanique ; au lieu de porter les âmes, les âmes doivent la porter; elle peut devenir, hélas! anticontemplative.

Chez ceux au contraire qui traversent cette crise avec profit, elle apparaît, selon saint Jean de la Croix (1), comme le commencement de la contemplation infuse des mystères de la foi, accompagnée du vif désir de la perfection. Alors sous l'illumination surtout du don de science (2), le commençant, qui devient un progressant et entre dans la vie illuminative, connaît beaucoup mieux sa misère, la vanité des choses du monde, de la recherche des honneurs et des dignités; il se dégage de ces attardements ; il le faut pour « faire le pas », comme dit le P. Lallemant, pour entrer dans la voie illuminative. C’est alors comme une vie nouvelle qui commence, tel l’enfant qui devient adolescent.

Il est vrai que cette purification passive des sens, même pour ceux qui y entrent, est plus ou moins manifeste et aussi plus ou moins bien supportée. Saint Jean de la Croix l’a noté (3) en parlant de ceux qui s’y montrent moins généreux : « Pour eux h nuit de sécheresse du sens est souvent interrompue. Tour à tour elle se fait sentir et disparaît; tantôt la méditation discursive est impossible et à un autre moment elle devient aisée... Ceux-là n’achèvent jamais de sevrer le sens de façon à faire abandon des con sidérations et raisonnements ; ils n’ont cette grâce que par intermittence. » Cela revient à dire qu’ils n’ont qu’une vie illuminative diminuée. Ce que saint Jean de la Croix explique davantage plus loin (1) par leur manque de générosité ; « Il faut expliquer ici pourquoi il en est si peu qui parviennent à ce haut état de perfection et d’union à Dieu. Ce n’est certes pas que Dieu veuille limiter cette grâce à un petit nombre d’âmes supérieures, son désir est plu tôt que la haute perfection soit commune à tous... Il envoie de légères épreuves à une âme et elle se montre faible, elle fuit aussitôt toute souffrance, ne veut accepter aucune douleur... Alors Dieu ne continue pas à purifier ces âmes... qui veulent être parfaites, sans se laisser mener par la voie d’épreuves qui forme les parfaits. » Telle est la transition plus ou moins généreuse à une forme de vie supérieure. Jusqu’ici il est aisé de voir la suite logique et vitale des phases par lesquelles l'âme doit passer. Ce n’est pas une juxtaposition mécanique d’états successifs, c’est le développement organique de la vie.


(1) Luc, XIX, 44 ; Jérémie, L, 31 ; Ps. XCIV, 8 ; Hebr., III, 8; XV, 4, 7.
(1) Nuit obscure, 1. I, ch. 14.
(2) Cf. S. Thomas, Ia Iae, q. 9, a. 4.
(3) Nuit obscure, 1. I, ch. 9, fin.
(1) Vive Flamme, seconde strophe, vers v. — Item Cantique spirituel, IVe P., strophe 39, vers le début.




A suivre...


Dernière édition par Monique le Sam 26 Aoû 2023, 7:00 am, édité 1 fois
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Message  Monique Sam 26 Aoû 2023, 6:58 am

L'âge des progressants ou avancés

*
***


La mentalité des progressants ou avancés doit se décrire comme la précédente en insistant sur tout sur leur connaissance et leur amour de Dieu. Avec la connaissance d’eux-mêmes se développe une connaissance quasi expérimentale de Dieu non plus seulement dans le miroir des choses sensibles de la nature ou des paraboles, mais dans le miroir des mystères du salut, avec lesquels ils se familiarisent de plus en plus, et que le Rosaire, école de contemplation, met sous leurs yeux tous les jours. Ce n’est plus seulement dans le miroir du ciel étoilé, de la mer ou des montagnes, qu’on contemple la grandeur de Dieu, ce n’est plus seulement dans celui des paraboles du Bon Pasteur ou de l’enfant prodigue, c’est dans le miroir incomparable ment supérieur des mystères de l’Incarnation et de la Rédemption (1). Selon la terminologie de Denys, conservée par saint Thomas (2), par un mouvement en spirale l’âme s’élève, des mystères de l'Incarnation ou de l’enfance du Christ, à ceux de sa Passion, de sa Résurrection, de son Ascension, et de sa Gloire, et dans ces mystères elle contemple le rayonnement de la souveraine bonté de Dieu, qui se communique ainsi admirablement à nous. Dans cette contemplation plus ou moins fréquente, les avancés reçoivent, selon leur fidélité et générosité, une abondance de lumière, par le don d’intelligence, qui leur fait pénétrer ces mystères de plus en plus et leur en fait saisir la beauté si haute et si simple, accessible aux humbles qui ont le cœur pur.

Dans l’âge précédent le Seigneur avait fait la conquête de leur sensibilité, il se soumet ici profondément leur intelligence, en relevant au-dessus des préoccupations excessives et des complications d’une science trop humaine. Il les simplifie en les spiritualisant.

Par suite et très normalement, ces progressants, ainsi éclairés sur les mystères de la vie du Christ, aiment Dieu, non pas seulement en fuyant le péché mortel et le péché véniel délibéré, mais en imitant les vertus de Notre-Seigneur, son humilité, sa douceur, sa patience, en observant non seulement les préceptes nécessaires à tous, mais les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté, d'obéissance, ou du moins l'esprit de ces conseils, et en évitant les imperfections.


(1) Le progressant contemple aussi à ses heures la bonté divine dans la nature et dans les paraboles évangéliques, mais ce n'est pas le propre de son état, il est maintenant familiarisé avec les mystères du salut. Il n’atteint pas encore pourtant, si ce n’est rarement et de façon fugitive, le mouvement circulaire ou la contemplation des parfaits qui s’arrête à la bonté divine en elle-même.

(2) IIa IIae, q. 180, a. 6.




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Message  Monique Dim 27 Aoû 2023, 8:45 am

Comme il est arrivé dans l’âge précédent, cette générosité est récompensée, non plus précisément par des consolations sensibles, mais par une plus grande abondance de lumière dans la contemplation et l’apostolat, par de vifs dé sirs de la gloire de Dieu et du salut des âmes, par une plus grande facilité pour prier. II n’est pas rare qu’il y ait ici l’oraison de quiétude, où la volonté est un moment captivée par l’attrait de Dieu. Il y a aussi dans cette période une grande facilité pour agir au service de Dieu, pour enseigner, diriger, organiser des œuvres, etc. C’est là aimer Dieu, non plus seulement de tout son cœur, mais « de toute son âme », de toutes ses activités, pas encore pourtant « de toutes ses forces », ni de « tout son esprit », car on n’est pas encore établi en cette région supérieure qui s’appelle l’esprit.

Qu’arrive-t-il alors généralement? Quelque chose de semblable à ce qui est arrivé chez les commençants récompensés par des consolations sensibles; il arrive qu’on se complaît, par un orgueil inconscient, en cette grande facilité de prier ou d’agir, d’enseigner, de prêcher. On tend à oublier que ce sont là des dons de Dieu, et on en jouit avec un esprit propre, qui ne convient nullement à un adorateur en esprit et en vérité. C’est pour le Seigneur sans doute et pour les âmes qu’on travaille, mais on ne s’oublie vraiment pas assez; par recherche inconsciente de soi et empressement naturel on s’extériorise en perdant la présence de Dieu ; on croit peut-être porter beaucoup de fruit, et ce n’est pas sûr. On devient trop sûr de soi, on se donne trop d’importance, on s’exagère peut-être fort ses talents; on oublie sa propre misère, tandis qu’on ne voit que trop celle des autres ; la pureté d’intention, le vrai recueillement, la droiture parfaite, font souvent défaut ; il y a encore du mensonge dans la vie : le fond de l’âme, comme dit Tauler, n’est véritablement pas assez à Dieu ; on lui offre après coup une intention qui n’est guère qu’à moitié pour lui.

Saint Jean de la Croix (1) a noté ces défauts des avancés tels qu’ils apparaissent chez les purs contemplatifs, qui « écoutent leur fantaisie, croyant y trouver des conversations avec Dieu et les saints », ou qui sont séduits par les illusions du malin. Des défauts non moins notables, signalés par exemple par saint Alphonse, se trouvent chez les hommes apostoliques qui ont charge d’âmes. Ces défauts des avancés apparaissent surtout dans les contradictions qu’ils ont à souffrir, dans les grands conflits d'opinions, où quelquefois, même à cet âge de la vie spirituelle, des vocations peuvent sombrer. Il devient alors manifeste que l'on ne garde pas assez la présence de Dieu, et qu'en le cherchant on se cherche encore beaucoup soi-même. D'où la nécessité d’une troisième purification, de la forte lessive de la purification de l'esprit, pour nettoyer le fond même des facultés supérieures. Sans cette troisième conversion, on n’entrera pas dans la vie d’union, qui est l’âge adulte de la vie spirituelle.


(1) Nuit obscure, 1. II, ch. 2.



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Message  Monique Lun 28 Aoû 2023, 7:15 am

Cette nouvelle crise est décrite par saint Jean de la Croix (1) dans toute son acuité et sa pro fondeur telle qu’elle arrive chez les grands contemplatifs, qui du reste souffrent d'habitude non seulement pour être purifiés, mais pour les âmes pour lesquelles ils se sont offerts. Cette épreuve se trouve un peu autrement chez les hommes apostoliques, très généreux, qui arrivent à une haute perfection, mais elle est sou vent moins manifeste chez eux, parce qu’elle est mêlée aux grandes souffrances de l’apostolat.

En quoi consiste essentiellement cette crise? — L’âme semble alors comme dépouillée, non plus seulement des consolations sensibles, mais de ses lumières sur les mystères du salut, de ses ardents désirs, de cette facilité à agir, à enseigner, à prêcher, où elle se complaisait par un secret orgueil, en se préférant aux autres. C’est le temps d’une grande aridité non seule ment sensible, mais spirituelle, pendant l’oraison et l’office. Il n’est pas rare que surgissent alors de fortes tentations, non plus précisément contre la chasteté et la patience, mais contre les vertus de la partie la plus élevée de l’âme, contre la foi, l’espérance, la charité envers le prochain, et même la charité envers Dieu, qui semble cruel d’éprouver ainsi les âmes en un pareil creuset. Assez généralement en cette période de la vie surviennent de grandes tés dans l’apostolat : détractions, entraves, échecs. Il arrive assez souvent alors que l’apôtre ait à souffrir de calomnies et de l’ingratitude des âmes auxquelles il a fait longtemps du bien; cela doit le conduire à les aimer plus pu rement pour Dieu et en Lui. Ainsi cette crise ou purification passive de l’esprit est comme une mort mystique, la mort du vieil homme selon les paroles de saint Paul : « notre vieil homme a été crucifié avec Jésus-Christ, afin que le corps du péché fût détruit (1) ». Il faut « se dépouiller du vieil homme corrompu par des convoitises trompeuses et vous renouveler dans votre esprit et vos pensées, en revêtant l’homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables (2) ».

Tout cela est profondément rationnel ; c’est la logique du développement de la vie surnaturelle. « Parfois, dit saint Jean de la Croix, dans les étreintes de la purification, l’âme se sent blessée et meurtrie d’amour fort. Il s’agit d’une ardeur qui s’allume dans l’esprit, lors que l’âme accablée de peines est très vivement blessée d’amour divin. » Le feu de l’amour de Dieu est comme celui qui progressivement des sèche le bois, le pénètre, l’enflamme et le trans forme en lui (3). Les épreuves de cette période sont permises par Dieu pour conduire les avancés à une foi plus haute, à une espérance plus ferme, à un amour plus pur; car il faut absolument que le fond de leur âme soit à Dieu et à Lui seul. On entend alors le sens des paroles de l’Écriture : « Le Seigneur éprouve les justes, comme l’or dans la fournaise, et il les reçoit comme une hostie d’holocauste (1). » « Les jus tes crient vers le Seigneur, et il les entend ; il les délivre de toutes leurs angoisses. Il est près de ceux qui ont le cœur brisé... Fréquentes sont les tribulations des justes, mais le Seigneur les en délivre (2). »


(1) Nuit obscure, 1. II, ch. 3 et suivants.
(1) Rom., VI, 6.
(2) Éphèse. IV, 22.
(3) Le progrès de la connaissance et de l’amour de Dieu qui caractérise cette purification est précisément ce qui la distingue des souffrances qui à certains égards lui ressemblent, comme celles de la neurasthénie. Ces dernières peuvent n’avoir rien de purificateur, mais on peut aussi les supporter par amour de Dieu et en esprit d’abandon. — De même les souffrances qui sont la suite de notre manque de vertu, d’une sensibilité non disciplinée et exaspérée ne sont pas par elles-mêmes purifiantes, bien qu’on puisse, elles aussi, les accepter comme une humiliation salutaire, suite de nos fautes, et pour leur réparation.
(1) Sagesse, III, 6.
(2) Ps. XXX, 18-23.




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Message  Monique Mar 29 Aoû 2023, 7:43 am

Cette nouvelle crise est décrite par saint Jean de la Croix (1) dans toute son acuité et sa pro fondeur telle qu’elle arrive chez les grands contemplatifs, qui du reste souffrent d'habitude non seulement pour être purifiés, mais pour les âmes pour lesquelles ils se sont offerts. Cette épreuve se trouve un peu autrement chez les hommes apostoliques, très généreux, qui arrivent à une haute perfection, mais elle est sou vent moins manifeste chez eux, parce qu’elle est mêlée aux grandes souffrances de l’apostolat.

En quoi consiste essentiellement cette crise? — L’âme semble alors comme dépouillée, non plus seulement des consolations sensibles, mais de ses lumières sur les mystères du salut, de ses ardents désirs, de cette facilité à agir, à enseigner, à prêcher, où elle se complaisait par un secret orgueil, en se préférant aux autres. C’est le temps d’une grande aridité non seulement sensible, mais spirituelle, pendant l’oraison et l’office. Il n’est pas rare que surgissent alors de fortes tentations, non plus précisément contre la chasteté et la patience, mais contre les vertus de la partie la plus élevée de l’âme, contre la foi, l’espérance, la charité envers le prochain, et même la charité envers Dieu, qui semble cruel d’éprouver ainsi les âmes en un pareil creuset. Assez généralement en cette période de la vie surviennent de grandes difficultés dans l’apostolat : détractions, entraves, échecs. Il arrive assez souvent alors que l’apôtre ait à souffrir de calomnies et de l’ingratitude des âmes auxquelles il a fait longtemps du bien; cela doit le conduire à les aimer plus pu rement pour Dieu et en Lui. Ainsi cette crise ou purification passive de l’esprit est comme une mort mystique, la mort du vieil homme selon les paroles de saint Paul : « notre vieil homme a été crucifié avec Jésus-Christ, afin que le corps du péché fût détruit (1) ». Il faut « se dépouiller du vieil homme corrompu par des convoitises trompeuses et vous renouveler dans votre esprit et vos pensées, en revêtant l’homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables (2) ».

(1) Nuit obscure, 1. II, ch. 3 et suivants.
(1) Rom., VI, 6.
(2) Éphèse, IV, 22.




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Message  Monique Mer 30 Aoû 2023, 7:19 am

Tout cela est profondément rationnel ; c’est la logique du développement de la vie surnaturelle. « Parfois, dit saint Jean de la Croix, dans les étreintes de la purification, l’âme se sent blessée et meurtrie d’amour fort. Il s’agit d’une ardeur qui s’allume dans l’esprit, lors que l’âme accablée de peines est très vivement blessée d’amour divin. » Le feu de l’amour de Dieu est comme celui qui progressivement des sèche le bois, le pénètre, l’enflamme et le transforme en lui (3).

Les épreuves de cette période sont permises par Dieu pour conduire les avancés à une foi plus haute, à une espérance plus ferme, à un amour plus pur; car il faut absolument que le fond de leur âme soit à Dieu et à Lui seul. On entend alors le sens des paroles de l’Écriture : « Le Seigneur éprouve les justes, comme l’or dans la fournaise, et il les reçoit comme une hostie d’holocauste (1). » « Les justes crient vers le Seigneur, et il les entend ; il les délivre de toutes leurs angoisses. Il est près de ceux qui ont le cœur brisé... Fréquentes sont les tribulations des justes, mais le Seigneur les en délivre (2). »

Cette crise, comme la précédente, n’est pas sans danger; elle demande une grande magnanimité, de la vigilance, une foi souvent héroïque, l’espérance contre toute espérance, qui se transforme en abandon parfait. Le Seigneur pour la troisième fois laboure l’âme, mais beaucoup plus profondément, si profondément même que l’âme semble bouleversée sous ces afflictions spirituelles, dont les prophètes ont sou vent parlé, en particulier Jérémie au chapitre m des Lamentations. Celui qui traverse cette crise aime Dieu, non plus seulement de tout son cœur et de toute son âme, mais, selon la gradation de l’Écriture (1), de toutes ses forces, et s’apprête à l’aimer « de tout son esprit », à devenir « un adorateur en esprit et en vérité » établi en quelque sorte en cette partie supérieure de l’âme qui doit tout diriger en nous.


(3) Le progrès de la connaissance et de l’amour de Dieu qui caractérise cette purification est précisément ce qui la distingue des souffrances qui à certains égards lui ressemblent, comme celles de la neurasthénie. Ces dernières peuvent n’avoir rien de purificateur, mais on peut aussi les supporter par amour de Dieu et en esprit d’abandon.

— De même les souffrances qui sont la suite de notre manque de vertu, d’une sensibilité non disciplinée et exaspérée ne sont pas par elles-mêmes purifiantes, bien qu’on puisse, elles aussi, les accepter comme une humiliation salutaire, suite de nos fautes, et pour leur réparation.

(1) Sagesse, II, 6.
(2) Ps. XXX, 18-23.
(1) Deuteron., VI, 5; Luc., X, 27.




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Message  Monique Jeu 31 Aoû 2023, 7:24 am

L’âge des parfaits

*
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Quel est l’état d’âme des parfaits après cette purification, qui a été pour eux comme une troisième conversion ? Ils connaissent Dieu d'une façon quasi expérimentale et presque continuelle ; non seulement pendant les heures de l'oraison ou de l’office divin, mais au milieu des occupations extérieures, ils ne perdent pas la présence de Dieu. Tandis que, au début, l'homme encore égoïste pense constamment à lui-même et, sans y prendre garde, ramène tout à soi, le parfait pense constamment à Dieu, à sa gloire, au salut des âmes, et y fait comme d’instinct tout converger. La raison en est qu'il ne contemple plus seulement Dieu dans le miroir des choses sensibles, des paraboles, ou dans celui des mystères de la vie du Christ, ce qui ne peut durer tout le long du jour ; mais dans la pénombre de la foi il contemple la bonté divine en elle-même, un peu comme nous voyons constamment la lumière diffuse qui nous entoure et qui éclaire d’en haut toutes choses. C’est, selon la terminologie de Denys, gardée par saint Thomas (1), le mouvement de la contemplation, non plus droit ou en spirale, mais circulaire, semblable au vol de l’aigle, qui, après s’être élevé très haut, aime à décrire plusieurs fois le même cercle, et à planer comme immobile en scrutant l’horizon.

Cette contemplation très simple écarte les imperfections qui proviennent de l’empressement naturel, de la recherche inconsciente de soi, du manque de recueillement habituel. Ces parfaits se connaissent eux-mêmes non plus seulement en eux-mêmes, mais en Dieu, leur principe et leur fin: ils s’examinent en pensant à ce qui est inscrit de leur existence au livre de vie, et ils ne cessent de voir l’infinie distance qui les sépare de leur Créateur ; d’où leur humilité. Cette contemplation quasi expérimentale de Dieu procède du don de sagesse et, à raison de sa simplicité, elle peut être presque continuelle : au milieu du travail intellectuel, des conversations, des occupations extérieures, elle dure, tandis qu’il ne peut en être de même de la connaissance de Dieu dans le miroir des paraboles ou dans celui des mystères du Christ.

Enfin, comme l'égoïste, pensant toujours à soi, s’aime mal lui-même à propos de tout, le parfait, pensant presque toujours à Dieu, l'aime constamment, non plus seulement en fuyant le péché, ou en imitant les vertus de Notre-Seigneur, mais (1)« en adhérant à Lui, en jouissant de lui, et, comme le dit saint Paul, il désire partir pour être avec le Christ (1) ». « C’est le pur amour de Dieu et des âmes en Dieu, c’est le zèle apostolique, plus ardent que jamais ; mais humble, patient et doux. C’est là vraiment aimer Dieu, non plus seulement « de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces », mais, selon la gradation, « de tout son esprit , »[/i] car le parfait ne s’élève plus seulement de loin en loin à cette région supérieure de lui-même, il y est établi; il est spiritualisé et surnaturalisé; il est devenu vraiment « un adorateur en esprit et en vérité ». Ces âmes gardent presque toujours la paix au milieu même des circonstances les plus pénibles et les plus imprévues et la communiquent assez souvent aux plus troublés. C’est ce qui fait dire à saint Augustin que la béatitude des pacifiques correspond au don de sagesse, qui, avec la charité, domine en ces âmes, dont l’exemplaire éminent, après la sainte âme du Christ, est la bienheureuse Vierge Marie.

(1) Ia. IIae q. 180, a. 6.
(1) IIa IIae, q. 24, a. 9. — Certes, répondrai-je à M. H. Bremond, cette adhésion à Dieu, acte direct, qui est au principe des actes discursifs et réfléchis du parfait, contient la solution du problème de l'amour pur de Dieu concilié avec un légitime amour de soi, car c’est vraiment s’aimer en Dieu, en l’aimant plus que soi.




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