Fra Angélico — Le Couronnement de la Très Sainte Vierge Marie.
Fra Angélico — Le Couronnement de la Très Sainte Vierge Marie.
Extrait concernant une œuvre majeure de Fra Angélico,
tiré du livre de l'Abbé Ossedat :
Dogme et Peinture
Étude Historique et Critique,
1909 :
tiré du livre de l'Abbé Ossedat :
Dogme et Peinture
Étude Historique et Critique,
1909 :
ANGÉLICO, COURONNEMENTS.Après l'Annonciation, [sujet traité juste avant celui-ci], un autre sujet, se rapportant à la collection des madones, et qui est le triomphe d'Angélico, c'est le sujet important du Couronnement de la Vierge. Il l'a répété plusieurs fois. Et ici encore le thème est toujours le même ; les mêmes idées y sont toujours représentées, mais avec une variété de tons et de couleurs, qui excitent l'admiration.
La caractéristique d'un grand peintre, comme d'un grand penseur, c'est une idée unique. Ce don supérieur se manifeste par trois facultés maîtresses : l'ordonnance du sujet, la fermeté du dessin, la splendeur du coloris.
Or, dans ses différents Couronnements de la Vierge, comme dans ses différentes Annonciations, ordonnance de la composition, splendeur du coloris, sont variées et nuancées à l'infini. La fermeté du dessin est peut-être moins remarquable dans Fra Angélico. — Nous en laisserons l'appréciation à un connaisseur, lorsque nous considérerons le côté esthétique de l’œuvre qui nous occupe.
Sans nous attarder aux divers couronnements dus à son pinceau, nous arrivons immédiatement au chef-d’œuvre du Beato, à cette œuvre magistrale, qui nous donne la mesure de son talent.
Le Couronnement de la Vierge du Louvre.
Exécuté pour l'église de Fiésole, il est aujourd'hui, par droit de conquête, au grand musée de paris. — Voyons d'abord ce qu'en pense le savant critique de la Renaissance, Vasari.
« De toutes les œuvres de Fra Angélico, celle où il s'est surpassé lui-même, et où il a montré le plus de perfection, le plus d'intelligence de son art, c'est ce tableau du Couronnement de la Vierge. » — L'homme du métier, qu'était Vasari, fait ensuite une description enthousiaste de cette œuvre, « qu'il ne voit jamais, dit-il, sans qu'elle lui paraisse nouvelle, et qu'il ne quitte jamais sans pouvoir s'en rassasier. »
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Fra Angélico — Le Couronnement de la Très Sainte Vierge Marie.
Sans mettre cette peinture au-dessus de toutes les œuvres de Fra Angélico, il faut convenir qu'elle est une des plus remarquable. L'analyse détaillée que nous allons en faire, justifiera, nous l'espérons, l'enthousiasme sincère du grand critique.
Quand on veut étudier sérieusement l'œuvre d'un peintre, il faut chercher d'abord quelle a été sa pensée ; examiner ensuite comment il l'a exprimée avec son cœur et son pinceau.
Le sujet du tableau en question, ou la pensée de l'artiste, est le Couronnement de la Vierge Marie ; sujet souvent traité par les primitifs, en particulier par ceux de l'école Siennoise. - Angélico, lui aussi, l'a traité bien des fois, et presque toujours il a suivi la tradition, en représentant la Vierge assise à la droite de son divin Fils, et recevant de lui la couronne de gloire. C'est le triomphe de sa maternité et le commentaire du texte : Astitit Regina à dextris, in vestitu deaurato.
Dans le Couronnement, qui se voit au Louvre, le sujet est autrement rendu, la scène est autre. L'âge et la pose de la Vierge, la manière dont la composition est ordonnée, les saints qui assistent à ce triomphe céleste, tout porte à croire que le peintre théologien a eu en vue un dogme particulier à faire valoir, non encore traduit.
Plus on approfondit cette œuvre, et plus on se persuade qu'Angélico a voulu représenter le Couronnement de la Reine des Vierges. Son texte, évidemment, est celui-ci : Regina virginum. - Voilà sa pensée.
Comment l'a-t-il rendue ?
Regardons de près et avec attention. Et, sans efforts, nous comprendrons que, pour exprimer sa pensée, son chaste pinceau a voulu traduire les versets du Cantique des Cantiques, expliqués et paraphrasés par S. Bernard et S. Thomas d'Aquin. — On dirait que le moine artiste s'est mis à l’œuvre, après avoir chanté, avec ses frères, ces douces et angéliques paroles, qui composent l'office de l'Assomption.
« Vous êtes toute belle, ma bien-aimée ; il n'y a point de taches en vous... Vos lèvres distillent le miel ; le parfum, qui s'exhale de vos vêtements, est plus odorant que tous les aromates... — Venez, hâtez-vous, ma bien-aimée ; venez du Liban, venez recevoir votre couronne 1. »
La scène se passe dans les parvis de la Jérusalem céleste. Sous un dais somptueux, orné de magnifiques tapis, « le Christ a préparé, à sa très chaste Mère, le lieu de son immortalité ; c'est une fête plus belle que la fête de tous les Saints : la Vierge bienheureuse doit y triompher, en présence de toutes la cour céleste 2. »
Occupant le centre de la composition, Jésus-Christ, sur un trône, élevé de plusieurs degrés, soutient à deux mains la couronne qu'il dépose sur la tête de sa Mère. Elle est agenouillée devant lui, la douce, la pieuse Marie, un peu inclinée, et les bras croisés sur sa poitrine.
Autour du trône, vingt-quatre anges chantent ses louanges et jouent de divers instruments. Près d'eux, et sur les degrés du trône, sont rangés les Saints de l'Ancien et du Nouveau Testament : Moïse, Davis... ; S. Pierre, S. Paul et les apôtres.
Sur le devant, en pleine lumière, sont placés deux groupes de saints qui ont le plus honoré et glorifié la virginité, par leurs exemples et par leurs écrits. Tous sont à genoux ; et le mouvement de leurs têtes, l'expression de leurs visages, indiquent la joie la plus pure et la plus ineffable. A n'en pouvoir douter, c'est bien la Reine de la pureté qui triomphe, au milieu de tous les cœurs purs : Regina Virginum, vous êtes la Reine des Vierges !...
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1. Tota pulcha es, amica mea, et macula non est in te. - Favus distillans labia tua... - Veni de Libano ; veni, coronaberis. (Cant. canticorum.)
2. Ex officio Doninicano Assumptionis.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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Re: Fra Angélico — Le Couronnement de la Très Sainte Vierge Marie.
Pour exprimer cette pensée, Fra Angélico, sans s'écarter de la tradition, a su revêtir de son individualité les types anciens. — Ainsi, dans ses types du Christ, Angélico offre des différences remarquables ; son cœur semble n'être jamais satisfait. Quelquefois il imite Giotto et donne au Christ une virilité puissante. D'autres fois au contraire, il est d'une jeunesse extrême. C'est le tendre agneau qui rachète le monde.
Dans le tableau du Couronnement, que possède le Louvre, le peintre a donné au Christ un âge intermédiaire. C'est le speciosus formâ prae filiis hominum, le plus beau des enfants des hommes. Il est vêtu avec magnificence ; une riche couronne brille sur son front ; une abondante chevelure descend sur son col ; et un manteau, jeté sur ses épaules, enveloppe la partie inférieure du corps. Tout, dans sa personne, respire le calme le plus pur : il est bien celui dont le sang adorable fait germer les vierges : vinum germinans virgines.
Quant à Marie, ce n'est pas le type de la maternité dans la gloire : ici, elle est plutôt vierge et mère.
Angélico lui a donné l'âge qu'elle avait quand elle a voulut cacher sa virginité sous le voile du mariage ; cet âge de quatorze ans, que lui rendit la mort, selon la légende, lorsqu'elle quitta la terre pour aller régner, avec son Fils, dans les splendeurs de l'éternité.
Cette idéale figure de la T. S. Vierge aide à comprendre ce que dit S. Thomas de sa beauté, « dont la vue purifiait les sens au lieu de les troubler ». — De précieux vêtements cachent les formes de son corps, et laissent paraître seulement le visage et les mains, les seules parties de son être très pur qu'aient aperçues les regards des hommes. Elle est à genoux, doucement inclinée, les yeux baissés, les mains croisées sur la poitrine. Ses cheveux sont tressés et disposés en couronne, sa tête est couverte d'un voile diaphane qui descend sur son cou ; un manteau, à riche bordure, tombe des épaules et couvre les pieds. On ne peut imaginer une figure plus chaste et plus céleste.
Dans cette œuvre, les types d'anges du peintre dominicain brillent de la marque du génie qui lui est propre. Sans conteste, il imite ceux de Giotto, mais en les faisant plus jeunes, afin de leur donner une beauté plus idéale. Ils ne sont pas non plus des enfants ; ce sont des adolescents, à ce moment de la vie où tout est lumière et sérénité, où le cœur s'épanouit sans être agité par le souffle des passions. Dans cette scène du couronnement de leur Reine, on dirait qu'ils sont comme les pages de la cour céleste. Tout, dans leur manière d'être exprime l'intelligence et l'amour 1.
Angélico a tellement spiritualisé la nature qu'il semble, comme pense Vasari, qu'il a vu ces gracieux modèles à la clarté de ses extases : ce n'est pas une vision de la terre, mais une vision du ciel.
Ils sont vêtus de tuniques brodées, voilant leurs pieds ; une flamme brille au-dessus de leur tête. Les plus éloignés sonnent de la trompette, et annoncent de tous côtés le triomphe de la Reine du ciel. Les plus rapprochés chantent, en s'accompagnant de divers instruments. Leur expression est si vivante et si douce, leur pose si gracieuse, qu'il semble qu'on entend, par les yeux, le charme de leur céleste symphonie.
Nous ne sommes pas seul à penser ainsi. L'appréciation d'un connaisseur ne s'éloigne pas sensiblement de la nôtre ; nous sommes heureux de le constater. — Voici ce qu'il dit de ces types divers des anges, de la Vierge et du Christ, qu'on admire dans cette composition.
« La Vierge est à genoux, sur la marche la plus élevée, devant le trône, un peu penchée en avant, ses belles mains croisées sur son sein, qui est légèrement indiqué. Rien ne surpasse l'élégance, la grâce de cette figure immatérielle, la pureté virginale de sa tête.
« Il y a, dans l'ensemble du corps de Notre Seigneur, quelque chose de paternel ; et il est difficile de se figurer qu'il est le Fils de celle qu'il couronne. Il tient la couronne des deux mains, afin de la poser, aussi doucement que possible, sur une tête chérie.
« Les anges sont des figures de jeunes gens, pleins d'une candeur aimable et d'une innocence heureuse. Ils touchent les cordes de leurs instruments avec une négligence gracieuse, comme si l'harmonie était leur nature. A une extrémité, celui qui joue d'une sorte de viole, a l'air enivré de joie, et ravi des sons qu'il tire de son instrument 2. »
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1. « Quorum profecto flamma amor est ». S. Grég. hom. 34.
2. Auguste Schlegel : Notice sur f. Angélico, Paris, 1817.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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Re: Fra Angélico — Le Couronnement de la Très Sainte Vierge Marie.
Le choix des saints personnages, qui assistent à ce triomphe de la Reine des vierges, doit encore être remarqué.
Pour qu'on ne s'y trompe pas, Angélico a écrit, dans l'auréole de quelques-uns, leur nom et leur titre de gloire : s'ils sont admis à cette fête de la virginité, c'est parce qu'ils se sont distingués dans la pratique de la pureté. Le peintre ne perd pas de vue sa pensée, la glorification de la virginité.
L'Ancien Testament est représenté par Moïse et David : lex et prophetae, la loi et les prophètes. — Moïse contemple « l'Etoile sortie de Jacob », — « la femme qui brisera la tête du serpent 1 », en échappant à la tache originelle ! David salue l'honneur de sa postérité, cette Reine qu'il a chantée... « allant s'assoir à la droite du Rédempteur, dans l'or de ses vêtements et la variété de sa parure 2. »
S. Jean-Baptiste, le Précurseur, se trouve là aussi ; c'est le trait d'union entre l'Ancien et le Nouveau Testament ; le plus grand parmi les enfants des hommes, sanctifié dès le sein maternel, visité par la Reine des vierges avant sa naissance, et mort à la cour d'Hérode, en défendant la chasteté.
Viennent ensuite les apôtres. — On reconnaît saint Pierre et saint Paul, à leurs types traditionnels. Par une intention voulue, S. Jean l'Evangéliste, dilectus Deo, le bien-aimé de Jésus, est placé proche du trône et des anges, parce qu'il est l'apôtre-vierge, le fils adoptif de la Reine des vierges, celui qui, à Pathmos, vit le triomphe de celle « qui était revêtue du soleil, avec la lune sous ses pieds, et douze étoiles sur sa tête ».
Sur un plan inférieur, à droite du trône, au-dessus de S. Jean l'Evangéliste, l'artiste a placé S. Dominique, le fondateur de l'ordre chéri de la Très Sainte Vierge. Il tient en main le lys sans tache de la virginité 3. On comprend qu'Angélico ait peint avec un amour filial le glorieux Patriarche. — Près de lui est S. Augustin, dont les Dominicains suivent la Règle.
Au bas des degrés sont représenté d'autres fondateurs d'ordre : S. Benoît, S. François. — Sur le devant, on aperçoit saint Louis, roi de France, avec sa couronne fleurdelisée. Il était l'ami des Frères Prêcheurs, affilié au Tiers-Ordre. Fra Angélico l'a représenté s'entretenant avec le Docteur Angélique, Thomas d'Aquin, qui semble expliquer au saint roi, tendrement dévot à la sainte Vierge, la scène qu'ils contemplent ensemble.
Près de ce groupe, tout dominicain, on voit S. Nicolas, évêque de Myre, le protecteur de la pureté. A côté de lui, le peintre a placé trois boules d'or, pour rappeler les trois bourses qu'il jeta dans la maison d'un père de famille, afin de préserver ses filles de la séduction.
Du côté opposé, c'est-à-dire à droite, sur le même plan, se trouve un groupe de Saintes, illustres elles aussi par le martyre de la virginité. Voilà pourquoi elles sont dignes d'assister au couronnement de la Reine des vierges. Ce groupe, d'une ravissante beauté, est peut-être la partie la plus admirable de la composition. Elles sont séparées des apôtres rapprochés du trône, par plusieurs jeunes saints, patrons et défenseurs de la pureté. On dirait qu'ils ont été placés là, comme les chevaliers protecteurs de l'innocence faible et impuissante : S. Pierre de Véronne martyr, la tête inondée du sang avec lequel il écrivit la protestation de sa foi invaincue : credo in unum Deum, au moment où il tombait martyr de la virginité de sa foi ; saint Georges, le paladin chrétien, qui sauva une vierge des dents du monstre infernal ; saint Etienne et saint Laurent, les deux diacres, qui portent la double auréole de la charité et de la pureté.
Au-dessous de S. Georges est représentée Ste Ursule ; elle a un mouvement de tête d'une grâce parfaite, et tient en sa main la flèche qui l'unit, par la mort, au divin Epoux. — Devant elle est agenouillée sainte Catherine d'Alexandrie, la vierge savante. Par un artifice d'admirable pondération, elle fait pendant à S. Thomas d'Aquin, l'ange de l'école. — Sainte Agnès semble s'entretenir avec elle, et porte dans ses bras l'agneau symbolique de la douce pureté.
Dans ce groupe charmant de saintes vierges, et tout proche de Ste Catherine d'Alexandrie, Angélico a donné une place à sa virginale soeur, la martyre de l'amour divin, Ste Catherine de Sienne, dans les joies de l'extase 4.
Plus rapprochée du centre, on distingue Ste Cécile, avec cette couronne de fleurs, « qui ne perdent jamais leur fraîcheur et leur parfum, et que peuvent voir seulement les cœurs chastes ». — Sainte madeleine enfin, avec ses longs cheveux qui essuyèrent les pieds du Sauveur, fait partie de ce groupe de saintes vierges chrétiennes.
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1. Orietur stella ex Jacob. - Ipsa conteret caput tuum. (Genèse.)
2. Astitit Regina a dextris tuis in vestitu deaurato, circumdata varietale. (Psal.)
3. Conservans sine macula virginitatis lilium. (Off. S. Dominici.)
4. E. Cartier, Vie de la Sainte, voit dans cette figure le portrait le plus fidèle de Ste Catherine de Sienne.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Fra Angélico — Le Couronnement de la Très Sainte Vierge Marie.
On se demande pourquoi. — La raison est pourtant facile à comprendre. S. Augustin et Ste Madeleine sont les protecteurs de l'Ordre de Saint-Dominique ; et cela seul suffirait pour expliquer leur présence dans cette assemblée, œuvre d'un peintre dominicain. Mais on peut croire aussi que l'artiste, en les faisant entrer dans sa composition, a voulu honorer la pureté recouvrée, par les larmes de la pénitence et du repentir. Le peintre théologien rappelle cette vérité dogmatique ; c'est sa manière, à lui, d'enseigner que le repentir fait aux âmes une seconde virginité, non moins belle que la première ; qu'il y a au ciel une grande joie, quand un pécheur fait pénitence.
Ainsi l'unité du sujet est parfaite.
L'idée unique de Fra Angélico est le triomphe de la pureté, idée rendue par les types qui la représentent le mieux. D'abord et dominant tout, le Roi des coeurs purs, Jésus-Christ, qui pascitur inter lilia ; la Reine des vierges, Marie sa sainte Mère ; les anges, esprits de pureté ; les Saints et les Saintes qui se sont distingués principalement par la pratique de cette vertu. Et tout cet ensemble, rendu et exprimé dans un sujet qui s'y adapte à merveille, le Couronnement de la Vierge.
Cette œuvre est vraiment magistrale.
Nulle description ne peut rendre la sainteté de toutes ces figures. C'est surtout devant cette œuvre d'Angélico qu'on sent bien l'impuissance d'apprécier par des mots, ce qu'il a si admirablement exprimé par son pinceau, surtout par son cœur, tout détrempé de piété tendre. Il faut lire et méditer les textes qui l'ont inspiré, les pages de la Légende dorée, cette source inépuisable de poésie. Vouloir analyser avec des phrases ces délicieuses compositions du Beato de Fiesole, qu'il s'agisse des Annonciations ou des Couronnements 1, est absolument impossible ; et nous sentons combien les indications que nous venons de donner, sur les madones de l'angélique peintre [ qui ne font pas partie de l'extrait cité en ce fil ], sont incomplètes et insuffisantes.
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1. Le sujet du Couronnement de la Vierge a été répété sur un reliquaire de S. Maria Novella ; il rappelle celui du Louvre.
Dans d'autres petits tableaux, Angélico l'a reproduit avec des restrictions, d'une manière moins complète ; par exemple :
1o Aux Uffizi de Florence, se voit un Couronnement postérieur à celui du Louvre, dont il rappelle plusieurs parties. Cette composition est peut-être plus aérienne et plus céleste. Une particularité est à remarquer. Jésus-Christ ne couronne pas Marie ; mais il avance la main pour ajouter à sa couronne un magnifique diamant. Quelle a été la pensée de l'artiste ? Quel privilège est représenté par ce diamant ? peut-être a-t-il voulu figurer l'honneur que l'Eglise a rendu à Marie en proclamant son Immaculée Conception, le plus beau joyau de la couronne que Dieu lui destinait dans ses décrets éternels. Des anges entourent leur Reine, et célèbrent son triomphe par des danses et des chants.
2o Au couvent de San Marco, un autre Couronnement. Ce sujet favori du peintre est traité encore avec la perfection ordinaire. Le Christ et la Vierge, dans la gloire, sont assis sur de légers nuages. Le Fils pose la couronne céleste sur la tête de sa Mère, qui s'incline humblement, et rappelle ce vers de Pétrarque : « E stava tutta humile in tanta gloria ! »
Tous deux sont vêtus du même vêtement éclatant de blancheur, comme ils ont même chair et même pureté. Des saints en extase assistent à ce triomphe.
Il existe bien d'autres reproductions de se sujet, si attrayant et si bien adapté au génie d'Angélico. — Mais nous arrêtons là toutes ces citations ; car il faut savoir se borner.
COURONNEMENT DE LA VIERGE DE FRA ANGÉLICO. — (Galerie des Offices à Florence.)
COURONNEMENT DE LA VIERGE — FRA ANGÉLICO. GALERIE ANTIQUE ET MODERNE À FLORENCE.
COURONNEMENT DE LA VIERGE — FRA ANGÉLICO.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Fra Angélico — Le Couronnement de la Très Sainte Vierge Marie.
Décrire un tableau est toujours chose difficile ; d'un seul coup de pinceau, un maître dit ce qu'il n'est pas possible de dire avec des mots. Pour Angélico, c'est plus difficile encore, que pour les autres peintres, dont la critique peut analyser les qualités particulières à leurs talents, et comprendre les résultats de leur inspiration. Mais pour comprendre Fra Angélico il faut connaître et éprouver ce qu'il a connu et ce qu'il a éprouvé : nous voulons dire, les suavités de l'union avec Dieu, en un mot, il faut être saint.
Comment raconter une musique céleste, que les instruments de la terre ne peuvent rendre ? — En contemplant les tableaux du Beato, on sent qu'on comprendrait mieux, si on était meilleur. On peut les comparer à ces pages sublimes de l'Evangile, qui donnent une lumière d'autant plus intense, que le cœur est plus pur : Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt ! Les cœurs purs sont seuls capables de ces visions. Les indifférents passent devant ces pieuses peintures, jettent un regard et s'éloignent en disant : c'est de la peinture mystique ! — Oui, certes. Mais pourquoi tout le monde ne peut-il pas en faire, ni même la comprendre ?
Pour ce qui est de l'appréciation technique de cette composition du Couronnement de la Vierge, nous l'emprunterons à un connaisseur et à un admirateur passionné de Fra Angélico. E. Cartier, l'auteur de sa vie 1. Nous lui avons beaucoup emprunté, et nous voulons que ce soit lui qui donne le dernier coup de crayon à notre croquis d'amateur, sur cette œuvre du peintre dominicain.
« ...Le talent de l'artiste a été digne de son inspiration : l'exécution de ce tableau est très remarquable. La composition en est heureuse ; il est difficile, impossible même de disposer plus habilement un aussi grand nombre de figures dans un si petit espace. Elles forment une couronne autour du trône, dont l'élévation, sur des degrés a permis de les étager sans confusion et sans monotonie.
« Le centre est libre, et laisse toute leur importance aux deux principaux personnages. La variété des groupes et le mouvement de leurs têtes concourent à l'unité, au lieu d'y nuire. Malgré la difficulté du point de vue, pris de la dernière marche, la perspective est irréprochable.
« Le dais, qui couronne le trône, offre un charmant motif d'architecture gothique ; et les longues trompettes des anges, qui garnissent le haut de la composition, agrandissent l'espace d'une façon ingénieuse.
« Le dessin ne laisse rien à désirer ; quoique de longues draperies cachent la forme des corps et les pieds de tous les personnages.
« Les poses sont bien rendues, les mouvements de tête surtout sont d'une admirable finesse. — Les figures sont dessinées avec une pureté inimitable et le modelé est d'une perfection qu'on ne comprend bien qu'en essayant de le copier. Les mains seules sont un peu négligées.
« Les draperies sont calmes et gracieuses ; l'artiste y a déployé un luxe inouï d'ornements. Toutes les étoffes sont enrichies de magnifiques dessins et de charmantes broderies. Les auréoles sont chargées d'or et de pierreries.
« Tous ces détails sont variés, avec une fécondité incroyable d'imagination, et exécutés avec un soin qu'on pourrait appeler de la dévotion.
« Plus on regarde cette peinture, plus on comprend Vasari, lorsqu'il dit : Cette œuvre me semble toujours nouvelle, et je la quitte toujours sans pouvoir m'en rassasier 2. »
Cette belle composition d'Angélico est accompagnée d'un gradino ou prédella, selon l'usage de l'époque. Loin d'être un hors-d’œuvre, ici encore on peut voir un complément admirable de la pensée de l'artiste. Comme sujet central, le peintre théologien a représenté ce que les Italiens nomment une Pietà, c'est-à-dire une compassion, encadrée par d'autres scènes de la Passion. Cette idée est heureuse, et doctrinalement s'adapte très bien au Couronnement. Elle veut dire qu'on ne parvient à la gloire et à la béatitude du ciel, que par l'épreuve et la douleur.
Le peintre nous prêche cette vérité fondamentale du christianisme, que c'est en imitant la vie et la passion de Jésus-Christ, la compassion et la pureté de Marie, que l'on parvient au triomphe et au couronnement avec eux dans la gloire : Oportuit pati Christum, et intrare in gloriam suam.
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1. VIE DE FRA ANGELICO DE FIESOLE - DE L'ORDRE DES FRÈRES PRÉCHEURS — Par Étienne Cartier - 1857
pp. 131-148 : https://archive.org/stream/viedefraangelico00cart?ref=ol#page/n5/mode/2up
2. E. Cartier, Vie de Fra Angelico - p. 148 : https://archive.org/details/viedefraangelico00cart/page/148/mode/2up?ref=ol&view=theater
- Fin -
Roger Boivin- Nombre de messages : 13227
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