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Message  Louis Lun 19 Déc 2022, 10:17 am



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Message  Louis Lun 19 Déc 2022, 10:18 am



LA SITUATION

PAR

MGR ALEXANDRE TACHÉ

ARCHEVÊQUE DE ST-BONIFACE.

Voici venir la fin de 1885, dit-il. Cette année a été grosse d’événements pour toute la puissance du Canada et en particulier pour le Nord-Ouest Canadien. Les complications ont été si graves, les conséquences si multiples que malgré les nombreuses prières qui m’on été faites avec instances, de faire part au public de mes idées, j’ai cru devoir garder le silence jusqu’à ce jour. A différentes reprises, des journaux ont prétendu me faire parler; mais leurs assertions n’ont jamais été autorisées, et par conséquent ne sont pas de moi.

Ce silence, j’aurais peut-être continué à le garder, si mon nom n’avait pas été mêlé, d’une manière aussi injuste que déloyale, au débat qui a été provoqué par l’attitude prise récemment dans la Province de Québec. Malgré mon désir sincère de me tenir à l’écart des luttes et de l’agitation, je me vois forcé de dire ce que je pense, puisqu’on s’obstine à me prêter des idées que je n’ai jamais eues, des sentiments  que je répudie.

Je ne suis point  homme de parti, je n'ai aucun désir de flatter, ni d’humilier qui que ce soit, mais j'aime mon pays et je veux apporter à sa prospérité et à son bonheur, tout le concours dont je suis capable; puis, pour l'accomplissement de ce devoir, je sais que s'il y a un temps pour se taire, il y a aussi un temps pour parler, c'est le désir du bien qui me porte à rompre le silence.

Quant à parler, tout le monde convient facilement que c'est la vérité qu'il faut dire : la vérité sans tergiversation, sans faux fuyants : c'est cette vérité telle qu'elle m'apparaît, que je veux affirmer. Je prévois que, pour arriver à ce but, je cours le risque de froisser bien des susceptibilités, provoquer peut-être des colères, j'accepte à l'avance ces tristes responsabilités, mais à la condition qu'on n'en fera peser les conséquences que sur moi personnellement.

MAUX ET DANGERS DE LA RÉBELLION


Dernière édition par Louis le Lun 19 Déc 2022, 8:24 pm, édité 1 fois (Raison : Orthographe et ponctuation.)

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Message  Louis Mar 20 Déc 2022, 7:11 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

MAUX ET DANGERS DE LA RÉBELLION

Depuis neuf mois, notre pays a éprouvé des chocs, des malheurs, des désastres, qui ont eu un violent retentissement partout le monde ; puis, faut-il le dire, ce pays que nous aimons tant, a connu d'autres dangers qui, pour n'être pas soupçonnés, par le plus grand nombre, n'en ont pas été moins réels ni moins épouvantables. Comme peuple, nous avons subi une humiliation profonde. Comme hommes, un cri d'horreur s'est échappé de nos poitrines, à l'aspect de cruels massacres, Comme citoyens, nous avons eu à déplorer la guerre civile, la guerre qui a porté le deuil et la désolation dans de nombreuses familles. Un sang généreux a coulé, et, avec lui, des larmes abondantes.  

Puis l'échafaud s'est dressé pour faire ses victimes. Les  cachots enferment des citoyens d'une grande honorabilité, des hommes dont la vie avait été sans reproche jusqu'à ce jour. Tous ces fléaux, tous ces maux qui semblaient impossibles, il y a un an, ont eu lieu, et il n'y en a pas un parmi nous qui n'ait pas eu sa part de souffrance au milieu de tous ces désastres. Moi aussi j'ai eu ma large part aux souffrances morales qui ont été endurées, il me serait plus que difficile d'exprimer les douloureuses émotions, les cruelles angoisses, les regrets amers que j'ai éprouvés depuis un an. Obligé, par position, de maintenir un calme apparent, que tout bannissait de ma pensée; gardant le silence lorsqu'il y aurait eu tant à dire; confiant dans un remède qui aurait peut-être eu son efficacité, mais qu'il m'était impossible d'appliquer; acceptant sans hésitation les imprescriptibles exigences du devoir; ne pouvant et ne voulant bannir de mon cœur les affectueuses sympathies de toute ma vie; craignant à chaque instant des complications, dont les autorités elles-mêmes ne semblaient pas se préoccuper, qui ont été à deux doigts de se produire et qui auraient entraîné le pays tout entier dans une ruine complète; ignorant les moyens matériels qui pourraient être mis à contribution — et c'était la clef de la situation, puisque quelques centaines de carabines et quelques milliers de cartouches pouvaient consommer notre ruine; — je le répète, j'ai souffert plus que je ne puis le dire ! Non, le public ne saura jamais ce que j'ai enduré, ni quelles appréhensions j'ai eues.

De plus, je suis convaincu, que tout ce qui s'est produit, peut se renouveler et s'augmenter de tout ce que j'ai craint dans le temps. Sous l'empire de cette conviction, je viens conjurer tous les hommes sérieux qui ont à cœur le bonheur et la prospérité de notre cher Canada, de réfléchir sur les causes qui ont amené nos malheurs.

CAUSES DIVERSES


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Message  Louis Mer 21 Déc 2022, 6:19 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

CAUSES DIVERSES

Des esprits, hélas ! trop superficiels ou trop intéressés pour se livrer à un examen sérieux et impartial de nos difficultés, croient avoir satisfait à leur devoir de citoyens en s'écriant: "c'est Riel qui est la cause de tout le mal, c'est lui qui a tout fait ; il a payé de sa tête, maintenant le pays est en sûreté." Cette explication est tellement déraisonnable que, si elle était acceptée, nous pourrions nous attendre à de nouveaux troubles, dans un avenir prochain. Le récif sur lequel va se briser une embarcation n'est pas la seule cause de naufrage. Le mode de construction, la violence de la tempête, l'insuffisance ou la faiblesse de l'équipage, l'ignorance ou l'incurie des pilotes; en un mot l'ensemble des circonstances dans lesquelles s'accomplit la navigation n'est pas étranger au désastre qui se produit sur un écueil. Quand bien même on ferait sauter le rocher, sur lequel vient de se briser l’Algoma, on ne mettrait pas pour cela la navigation du Lac Supérieur à l'abri de tout péril. C'est donc s'aveugler ou vouloir aveugler les autres, que de rejeter sur un seul, les causes des malheurs que nous déplorons tous.

A mes yeux, les responsabilités de nos désastres et de nos hontes sont multiples. Elles pèsent non-seulement sur les agents actifs du soulèvement et les administrations qui se sont succédées au pouvoir, mais aussi sur bien d'autres. Le peuple canadien et ceux qui le gouvernent, en acquérant les territoires du Nord-Ouest, n'ont pensé qu'à l'étendue et à la richesse des vastes domaines dont ils entraient en possession. Ils n'ont pas compris la situation parce qu'ils ne savaient rien ou presque rien de ce qu'ils avaient besoin de connaître. Les incertitudes, les modifications, les contradictions, etc., etc., qui se trouvent  dans les statuts sont une preuve évidente de mon assertion. Un des plus graves inconvénients, c'est que les autorités partageant les préjugés de provinces entières, ont pénétré dans le Nord-Ouest avec la défiance contre tous ceux qui s'y trouvaient ou le connaissaient. On s'est cru en possession d'un pays ordinaire, tandis qu'au contraire, on arrivait dans un pays entièrement inconnu.

Cette ignorance n'aurait pas été si complète si on avait voulu prêter une oreille attentive aux informations qui ont été données.

Des hommes distingués par leur caractère, leur position et leur expérience ont tenté, à maintes reprises, de donner des suggestions et des renseignements utiles; on a presqu'invariablement repoussé tout ce qu'ils désiraient faire connaître. On n'a rien accepté en dehors des données fournies par les documents, préparés dans les offices du gouvernement et je regrette de le dire, souvent ces informations auraient dû être les seules repoussées.

EMPLOYÉS PUBLICS


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Message  Louis Jeu 22 Déc 2022, 6:29 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

EMPLOYÉS PUBLICS

Cette première cause de nos difficultés se lie naturellement avec une seconde. Je viens de suggérer l'idée d'hommes en office. Je dois, sans doute, à la justice de dire, que quelques-uns de ces hommes étaient qualifiés pour les fonctions plus ou moins élevées auxquelles ils étaient appelés, mais, hélas ! il n'en a pas été de même de tous. On a confié des emplois même importants à des officiers qui n'avaient aucune des qualités essentielles à l'accomplissement de leurs devoirs. Dans mon humble opinion, il en sera toujours ainsi tant que toutes les nominations se feront exclusivement au point de vue des partis politiques. Tout en nommant des hommes indignes on en a écartés ou laissés dans l'oubli d'antres éminemment aptes, et cela uniquement parce qu'il y a cinq, dix ou quinze ans, ils étaient des adversaires politiques.

On se figure quelquefois que tout est bon pour un pays nouveau, surtout parmi les Sauvages. C'est une grave erreur. Il faut, au contraire plus de sens, plus de tact, plus de savoir faire, dans un pareil pays, puisque tout y est à créer, à organiser. Dans une ville populeuse, un employé public peut être toléré jusqu'à un certain point, lors même qu'il n'est qu'un sot ou un fat; ceux qui sont mieux que lui contrebalancent les inconvénients que seul il ferait naître. Dans le désert ou la prairie, c'est bien autre chose. L'incapacité d'un fonctionnaire est d'autant plus saillante qu'il est isolé. Il n'y a point le moindre doute, que si l'on veut bien gouverner le Nord-Ouest, il faut être très particulier sur le choix de ceux auxquels on confie des emplois. Une qualification indispensable pour eux tous, c'est d'être polis et sympathiques envers les natifs et les colons. Un bon procédé, une parole aimable, suffisent pour éloigner ou faire taire un mécontentement. L'autorité a besoin d'exercer un prestige et c'est une erreur profonde de croire qu'on en impose par la grossièreté et l'arrogance; ces procédés au contraire, font beaucoup de mal et dénotent une ignorance plus grande que celle que l'on croit être l'apanage exclusif des illettrés.

LES COLONS



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Message  Louis Ven 23 Déc 2022, 6:29 am



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LES COLONS


Une autre cause de nos difficultés est venue du mécontentement des nouveaux colons eux mêmes. Le gouvernement, les sociétés de colonisation et autres ont publié à profusion des brochures plus ou moins exactes sur le pays et de ses avantages Le malheureux boom (fièvre de spéculation) de Manitoba a aussi saisi le Nord-Ouest dans ses étreintes. Bien des gens ont vu dans ce pays la terre promise aux avides de richesses, avec ou sans travail. Attirés par ces séductions, bien des gens sont partis pour le Nord-Ouest, Le pays n'était pas encore prêt à les recevoir en nombre. La fatigue, l'ennui, l'isolement, les contre-temps d'autant plus sensibles qu'ils étaient imprévus, furent le résultat d'une immigration trop hâtive et commencèrent la série de déceptions, dont on voulut faire peser toute la responsabilité sur le gouvernement. Les fautes véritables firent croire aux fautes imaginaires. De là, une disposition naturelle à un mécontentement général. Pour se venger on eut recours à des  procédés regrettables, Les plus brillantes espérances étaient déçues. La fortune rêvée ne venait pas. Les difficultés réelles et nombreuses d'un nouvel établissement, au milieu de la solitude, l'absence de la famille, l’inquiétude de l'avenir, tout cela augmentait le malaise. Puis vinrent les gelées précoces. Oh ! que ces gelées ont fait de mal aux gouvernants et aux gouvernés; sans le dire on agit comme si on en tenait les autorités responsables. On s'indigna, on fit des assemblées nombreuses et fréquentes, on dépensa tout ce que l'on sait dépenser d'éloquence dans un paya constitutionnel ; on ne voulait pas de révolte contre l'autorité, mais on voulait une évolution quelconque ; l'agitation d'abord raisonnable, prit bientôt une autre forme. On fit des suggestions plus ou moins hardies ; on savait qu'il y en avait d'autres qui parleraient moins, mais qui agiraient plus.

On ne voulait pas l’effusion du sang, mais on désirait ardemment l'effusion des écus du trésor public. On ne pensait pas qu'un semant le vent on récolte la tempête. La chose est tellement vraie, qu'ii présent que la tempête est un peu calmée, et quelque violente quelle ait été, il est bon nombre de colons qui disent: "Après tout, nous y avons gagné, il nous faudrait quelque chose de semblable tous les dix ans, nous étions ruinés et les affaires se raniment." Aussi tout le monde est d'une loyauté à mettre au défi celle de leurs Altesses Royales elles-mêmes. Oh ! misère des bassesses humaines, il est des gens qui ont poussé à la  rébellion, qui se réjouissent des avantages matériels qu'elle leur a procurés et qui, pour dissimuler leur joie, sont les plus ardents à demander vengeance et à parler de loyauté. Le gouvernement doit connaître ce que je viens de dire, et il est bon que le pays entier le sache afin que chacun porte sa part de responsabilité.

D'un autre côté, qu'on ne se méprenne pas sur la portée de mes assertions…

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Message  Louis Sam 24 Déc 2022, 5:58 am



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D'un autre côté, qu'on ne se méprenne pas sur la portée de mes assertions. S'il y a des colons qui ont joué un rôle indigne en tout ce qui a eu lieu, ce n'est que l'exception. Le grand nombre de ceux qui se sont plaints se sont contentés de faire valoir leurs réclamations. Il y a tout lieu d'espérer que la confiance renaîtra et que si les gelées précoces ne les éprouvent pas trop, la prospérité sur laquelle ils ont compté sera leur partage. Je crois d'autant plus facilement à ce retour de la prospérité que l'expérience me persuade que la bonne Providence a toujours en réserve un dédommagement proportionné aux malheurs dont elle permet que nous soyons frappés. Depuis quarante ans que je suis dans le pays, bien des fois les choses m'ont paru assumer un aspect alarmant et chaque fois, les causes mêmes de nos alarmes nous ont procuré des avantages inattendus.

En parlant des troubles du Nord-Ouest, la pensée se porte naturellement sur les Métis et cette pensée a le double résultat d'exciter le mécontentement chez les uns et les plus ardentes sympathies chez les autres. Tous ceux qui me connaissent savent que j'aime la population métisse. Je me rangerai toujours du côté de ceux qui sympathisent avec elle. Avant de parler de la part prise par les Métis, dans les troubles du Nord-Ouest, je veux citer ici les paroles prononcées à leur sujet, par

Lord Dufferin, en son discours d'adieux à Manitoba, le 21 septembre 1877 a écrit:
"Il n'y a pas le moindre doute qu’une large part des bonnes dispositions qui existent entre les Peaux Rouges et nous-mêmes, est due à l'influence et à l'action de cette inappréciable classe d'hommes: les Métis habitants et pionniers de Manitoba, (vifs applaudissements) qui, combinant, comme ils le font la vigueur, la force et l'amour des aventures, naturels au sang indien qui coule dans leurs veines, avec la civilisation, l'instruction et la force intellectuelle qu'ils tiennent de leurs ancêtres paternels, ont proclamé l'évangile de la paix, de la bonne volonté et du respect mutuel, avec des résultats, également avantageux au chef sauvage dans sa loge et au colon dans son chantier. (Applaudissements renouvelés.) Ils ont été les ambassadeurs entre l'est et l'ouest, les interprètes de la civilisation et de ses exigences vis à-vis de ceux qui habitent la prairie, tout comme ils ont dit aux blancs, quelle est la considération justement due aux susceptibilités, à l'amour-propre  si sensible aux préjugés, au désir inné de justice de la race sauvage. (Applaudissements continués.) De fait, les Métis ont fait pour la colonie ce qui ne se serait pas accompli sans eux; ils ont établi entre la population blanche et indienne, des sentiments traditionnels de bon vouloir et d'amitié, qu'il n'aurait pas été possible d'établir sans eux. (Applaudissements)."

Si les paroles précédentes avaient été mieux comprises, si…


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Message  Louis Lun 26 Déc 2022, 7:42 am



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Si les paroles précédentes avaient été mieux comprises, si la ligne de conduite qu'elles semblent indiquer avait été suivie, le pays n'aurait pas à déplorer les  maux qui sont venus fondre sur lui. Quand Lord Dufferin a visité Manitoba, heureusement pour l'honneur des Métis, il n'y avait pas de chars palais. Son excellence a dû voyager comme on voyageait alors et tout naturellement, il a voyagé avec des Métis. Avec eux, il a parcouru la prairie, il a traversé la forêt, il a connu la charrette et le canot d’écorce, il n'a pas dédaigné de parler avec ses guides. Sachant le français, il n'a pas eu besoin d'interprète ; intelligent, il a compris la population ; homme d'état, il a dit aux pays et aux aviseurs des représentants de Sa Majesté: voici le passé des Métis, leur utilité, quelques-unes de leurs nobles qualités; voyez ce que vous devrez faire à l'avenir. Les suggestions du grand diplomate n'ont pas été comprises. On a mieux aimé continuer sur le ton donné par le soldat heureux qui est entré au Fort Garry longtemps après que les Métis lui en avaient ouvert les portes.

Le colonel Wolseley avait traité les Métis de "bandits et de lâches." Cette stupide assertion (c'est l'appréciation qu'en a fait le ministre de la milice d'alors) a fait son chemin. Un grand nombre de journaux l'ont répétée, les officiers de tous grades s'en sont inspirés; et au lieu de rendre aux Métis la justice à laquelle ils avaient droit, on en a souvent oublié, à leur égard, les prescriptions les plus élémentaires. Au lieu de les traiter comme des gentilshommes traitent tout le monde, on s'est permis à leur égard des grossièretés et des insolences capables de blesser les susceptibilités les plus légitimes. Un rude et dédaigneux: I don’t talk french, a souvent été l'unique réponse à des demandes légitimes. On a oublié qu'étant les enfants du sol, ils avaient des droits particuliers. Si, au moins, on avait voulu se souvenir qu'étant le lien naturel, les intermédiaires les plus efficaces entre les sauvages et les blancs, leur concours était comme nécessaire ! Au lieu de se rappeler ce que dit Lord Dufferin et ce qui est vrai, en parlant de la paix qui régnait dans le pays, on a invoqué une prétendue Canadian Policy with the Indians, qui n'existait que dans l'imagination, puisque en réalité, le Canada ne fait que d'entrer en relation avec nos Sauvages. Les tristes événements de cette année prouvent jusqu'à l'évidence, que ce sont les Métis qui maintenaient les tribus indiennes dans leur attitude pacifique. A la première rumeur de rupture entre les Métis et les autorités, les Sauvages se sont soulevés; ils se soulèveront encore, si des circonstances analogues se reproduisent.

Quant à la question de la prétendue lâcheté des Métis...


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Message  Louis Mar 27 Déc 2022, 6:25 am



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LES COLONS

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Quant à la question de la prétendue lâcheté des Métis, je crois qu'elle a été résolue amplement ! Après ces réflexions et ce qu'il y a de connu officiellement, il m'est impossible d'exonérer les autorités de toute responsabilité. Depuis quinze ans, on aurait dû faire autrement qu'on n'a fait. Je le répète, je ne suis pas homme de parti politique, mais je crois que les deux partis ont leurs responsabilités. On aurait dû et on aurait pu prévenir les troubles. Que n'a-t-on écouté ceux qui les prévoyaient et qui en ont averti qui de droit ?

Nos hommes d'Etat ont mon respect, mais l'erreur est trop commune parmi les hommes pour croire qu'ils ne pourront pas souffrir qu'une voix amie leur dise qu'ils se sont trompés. D'ailleurs, la justice veut qu'on se souvienne qu'ils ne sont pas les seuls coupables. Les banquettes ministérielles sont au nombre de treize, mais les banquettes parlementaires se chiffrent par près de trois cents. Il est sans doute pénible et humiliant de savoir que des Ministres de la Couronne ont pu affirmer officiellement qu'il ne s'était jamais fait de démarches en faveur des Métis, soit par eux-mêmes, soit par leurs amis; mais, d'un autre côté, il est aussi bien pénible de savoir que les voix isolées qui se sont fait entendre dans les deux chambres de notre Législature, n'ont pas trouvé un appui assez influent pour forcer à l'étude approfondie de la situation et des moyens de remédier à ce qu'il y avait de défectueux. Dire qu'il n’a fallu rien moins que l'effusion du sang et la dépense de millions, pour faire comprendre à ceux qui s'occupent de la chose publique, à quelque titre que ce soit, que non-seulement le Nord-Ouest est un vaste pays, mais qu'il y a là de vastes questions sociales, qui sont loin d'avoir reçu une solution satisfaisante.

On parle beaucoup de la puissance de la presse. C'est en effet, un très puissant levier. Mais les aborigènes de ce pays ont le droit de se demander si tous les organes de la publicité leur ont été utiles. En Canada, règles générales, les journaux se rédigent au point de vue de l'intérêt des partis politiques. Les uns attaquent le gouvernement sans la modération nécessaire pour produire un bon résultat. D'autres, au contraire, le louent avec une ardeur encore plus regrettable que les attaques. Dire qu'aujourd'hui, il y a des journaux qui, pour déplacer la responsabilité, veulent rendre le vénérable Monseigneur Grandin, ses dévoués missionnaires et moi-même responsables des fautes commises à l'égard des Métis !

Ces assertions ridicules et mensongères font plus de tort que de bien à ceux que l'on veut servir et, par suite, sont très dommageables aux intérêts publics.

LES SAUVAGES


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Message  Louis Mer 28 Déc 2022, 6:48 am



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LES SAUVAGES


En commençant à parler des Métis j'ai été heureux d'invoquer, en leur faveur, le témoignage de Lord Dufferin.

En parlant des Sauvages, j'éprouve une joie analogue, puisqu'il m'est permis de citer les paroles d'un autre représentant de notre Gracieuse Souveraine. Le marquis de Lansdowne a voulu voir les sauvages, leur parler, les entendre et voici les nobles paroles que ces conversations lui ont inspirées, d'après la traduction que j'ai sous les yeux :

Le marquis de Lansdowne, Winnipeg, 22 octobre 1885, (traduction) a écrit: "Il est impossible de rencontrer ces pauvres gens et d'entendre leurs dires, sans ressentir une vive sympathie pour eux, vu la situation actuelle où ils se trouvent. Ils sont les habitants originaires de ce continent. Ils se considèrent eux-mêmes et non sans raison, comme légitimes possesseurs du sol. Aussi, il ne faut pas être surpris de voir ces pauvres sauvages, maintenant que le buffle, de leur existence duquel dépendait leur propre existence, depuis nombre d'années, est presque complètement disparu, se livrer de temps à autre à une sorte de désespoir, cela surtout lorsqu'ils voient, comme ils le disent eux-mêmes, les blancs s'enrichir d'année en année, et eux, au contraire, devenir de plus en plus pauvres. Ce n'est pas ici l'endroit de discuter la question du titre qu'ils prétendent avoir aux terres du Nord Ouest. La valeur de ce titre ne se résume pas tant à une question légale, qu'à un droit moral que possèdent ces pauvres gens, de recevoir un traitement équitable de ceux qui ont répandu dans ce pays, le flot irrésistible de la civilisation, devant lequel ces races primitives ont dû céder le pas et reculer."

Ces paroles ont été prononcées par le gouverneur général, à Winnipeg le 22 octobre dernier. J'ai eu le plaisir de les entendre. L'émotion de Son Excellence était si profonde qu'elle se trahissait dans sa voix. Ces paroles si sympathiques furent vivement applaudies. On voyait l'homme intelligent qui a compris la gravité d'une question et l'homme de cœur, épris d'un généreux enthousiasme pour des êtres humains que notre civilisation tant vantée ne sait que reculer en attendant qu'elle les détruise.

Les Sauvages ont eu leur part aux troubles…


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Message  Louis Jeu 29 Déc 2022, 6:15 am



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Les Sauvages ont eu leur part aux troubles. Les uns par de cruels massacres, dont rien ne peut pallier l'horreur, les autres par une attitude regrettable sans doute, mais pleine, à certains points de vue, d'enseignements importants pour ceux qui savent réfléchir et sentir.

Les sauvages du Nord-Ouest ! Voilà une classe d'hommes bien peu comprise du peuple canadien en général et qui ne le sera jamais entièrement que par ceux qui parlent leur langue, qui ont vécu avec eux et qui leur ont voué leurs sympathies. Jamais le Canada ne saura quelle épreuve il fait subir aux fiers enfants du désert en les parquant sur des réserves pour souffrir les angoisses de la faim et dévorer les répugnances d'une demie captivité.

Il faut avoir vu l'indomptable sauvage se dresser au milieu des immenses prairies; se draper avec complaisance, dans sa demi-nudité : promener son regard de feu sur ces horizons sans bornes ; humer une atmosphère de liberté qui ne se trouve nulle part ailleurs; se complaire dans une sorte de royauté qui n'avait ni les embarras de la richesse ni la responsabilité de la dignité !

Il faut avoir vu cet infatigable chasseur, élevant jusqu'à une sorte d'enthousiasme religieux, les péripéties, les chances et les succès d'une chasse qui n'a jamais eu de parallèle !

Il faut avoir connu ce flâneur à qui l'abondance permettait de passer presque toute sa vie dans une oisiveté à laquelle le caprice seul offrait des variétés. Oui, il faut avoir vu tout cela et voir le Sauvage d'aujourd'hui, traînant sa misère: privé de son incomparable indépendance; dans un état continuel de gêne et demi-jeûne; ayant ajouté à ces vices les dégoûtantes conséquences de l'immoralité des blancs !

Il faut avoir vu tout cela et l'avoir vu sous l'influence de la sympathie, pour comprendre tout ce que souffrent les Sauvages aujourd'hui.

Qu'on ne parle pas des traités

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Message  Louis Ven 30 Déc 2022, 7:09 am



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LES SAUVAGES

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Qu'on ne parle pas des traités comme compensation à ce changement. Ces traités, le Sauvage sans culture ne les a pas compris. Il en a compris la forme, si vous voulez, mais il n'en a pas saisi la portée, par conséquent n'en a pas accepté les conséquences. Je  dis plus, le gouvernement et ceux qui ont fait des traités en son nom, n'ont jamais compris eux-mêmes ce qu'ils faisaient, dans ce sens du moins qu'ils n'ont jamais su quelle position inacceptable ils préparaient aux Sauvages, en maintes circonstances. Aussi, volontiers, je dirai, avec Son Excellence le gouverneur-général: "Il ne faut pas être surpris de voir ces pauvres Sauvages se livrer de temps à autre à une sorte de désespoir." Les plus stoïciens ne pourront s'empêcher de dire que ces Sauvages ont "un droit moral à un traitement équitable.''

C'est plus le temps que jamais de penser aux fautes qui ont été commises à leur égard. On les a laissés en proie aux séductions d'hommes d'une immoralité révoltante; et quand l'attention a été attirée sur ce point, les amis de l'humanité ont eu un regret de plus à enregistrer; par suite les Sauvages ont conçu un profond mépris pour des personnes qu'ils auraient eu besoin de respecter.

Dans d'autres circonstances on a dépouillé les Sauvages de la pitance qui leur était assignée, ou on la leur a donnée de plus mauvaise grâce qu'on ne sert un chien. On a dit blanc et noir quand ce n'était ni l'un ni l'autre. L'Indien, qui est beaucoup plus intelligent qu'on ne fait semblant de le croire, a senti son mépris s'augmenter.

C'est parmi les Sauvages surtout, qu'il est important de faire un choix judicieux de ceux qui ont à exercer les autorités quelconque. Ce choix, je suis heureux de le dire, est ce qu'il doit être en maints endroits, et la conséquence c'est que là, les Sauvages sont satisfaits et le gouvernement a aussi raison de l'être.

Rien, absolument rien ne peut atténuer les massacres du lac La Grenouille, c'est même une sentimentalité exagérée, que de vouloir blâmer le gouvernement d'avoir laissé exécuter les auteurs de ces forfaits.

Je ne veux donc nullement justifier les Sauvages, mais puisqu'il est à propos que la vérité soit connue, et au risque d'étonner beaucoup, j'affirme que ces massacres n'ont pas été sans provocations du moins éloignées. J'invoque le témoignage d'une des victimes elle-même. Le révérend P. Fafard disait à un de ses confrères qui me l'a répété ; Un tel est d'une brutalité indigne envers les Sauvages. Il se fera tuer quelque jour. Celui dont il était question a été tué et deux généreux missionnaires ont augmenté le nombre des victimes, qu'ils voulaient protéger.

Un gentilhomme, contre la véracité duquel je ne puis avoir de doute, m'a assuré à moi-même que des Sauvages lui avaient dit, en 1884, que tel individu les traitait comme des chiens, et ce dernier aussi a été tué par un des Sauvages qui se plaignaient de lui.  Je dis ces choses, si pénibles à dire, parce que les deux cas que je cite ne sont pas les seules exécutions aux bons traitements auxquels ces pauvres gens ont un droit moral, et je le dis, puisque je parle pour l'avenir encore plus que pour le passé.

LES MÉTIS


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Message  Louis Sam 31 Déc 2022, 6:34 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

LES MÉTIS

Bien sûr, personne ne m'accusera de manque de patriotisme et de justice, quand j'affirme que je regrette beaucoup que certains employés n'aient pas été dignes de la confiance que je suis si heureux de voir accorder à d'autres du département indien, qui certainement méritent cette confiance à un haut degré. Sans flatterie ni hésitation, je dis qu'il y a, dans ce département, comme dans les autres, des hommes honorables, dévoués et intelligents, qui font du mieux possible, au milieu des difficultés sans nombre qu'ils rencontrent dans l'accomplissement de leurs devoirs.

On a tort de jeter sur les Métis toute la responsabilité du soulèvement des Sauvages. L'alliance des uns et des autres est naturelle et doit se produire indépendamment de toute tentative ad hoc. Il y a entre ces deux races communauté de langage, d'origine et j’ajouterai de mécomptes.

Dans la prairie et dans la forêt, le Sauvage a reconnu la supériorité du Métis, sans la jalouser, parce que c'était son parent; aussi, dès que les Métis ont manifesté du mécontentement, les Sauvages en ont nécessairement tiré une conclusion a fortiori, qui n'a pas pu manquer d'avoir son effet. C'est une des raisons pour lesquelles il était si important de ne pas s'aliéner l'affection des Métis, mais, bien au contraire, de se les ménager, comme intermédiaires efficaces.

Non-seulement les sympathies naturelles des Sauvages pour les Métis se sont manifestées au milieu de nos troubles, mais les différentes nations sauvages ont senti naître cette sympathie les unes pour les autres.

Les Cris et les Pieds-Noirs se sont poursuivis, pendant des générations, d'une haine féroce. Les missionnaires avaient réussi à diminuer la férocité, sans pouvoir détruire la haine nationale. Aujourd'hui, cette haine a fait place à l'amitié. Crow Foot pleure la captivité de Pound Maker et de Gros-Ours. La tribu entière des Pieds-Noirs donnait des signes de peines, quand on lui apprenait la mort d'un Cris ou d'un Assiniboine tué à la guerre, le printemps dernier.

Ce seul fait a une portée immense, il indique que les blancs sont devenus l'ennemi commun, le seul ennemi.

Ceci prouve aussi qu'on faisait un calcul aussi faux que cruel, quand on parlait d'armer les Pieds-Noirs contre les Cris. Ce procédé n'aurait eu d'autre résultat que de procurer des armes aux uns et aux autres, pour l'anéantissement des blancs dans le Nord-Ouest.

J'ai lu, ces jours derniers, quelques réflexions qui m'ont paru bien étranges. C'était, faut-il le dire, des plaisanteries sur la pendaison des Sauvages à Battleford, L'auteur de ces inepties menaçait ni plus ni moins les Indiens du Nord-Ouest de les pendre tous, pour leur donner une leçon efficace. "Que le canon soit la dernière raison des Rois," c'est déjà assez regrettable; mais que dire de ceux qui veulent que la corde soit la première raison de civilisation chrétienne vis-à-vis de nos Sauvages, à la première difficulté sérieuse que nous avons avec eux.

Avant de terminer ces réflexions, je me crois tenu de dire quelle est pour les Sauvages, l'impression produite sur eux par les événements qui se sont déroulés dans le Nord-Ouest. Je ne sais pas encore ce qu'ils pensent des exécutions qui viennent d'avoir lieu, mais je sais bien ce qu'ils pensent du mouvement de nos troupes.

Le Canada serait dans l'erreur, s'il croyait que les Sauvages du Nord-Ouest sont terrifiés et qu'ils ont une très haute idée de nos armements; c'est tout le contraire qui a lieu. Ce résultat doit étonner, mais, quelqu'étonnant qu'il soit, il a ses dangers et il est à propos qu'il soit connu, pour éviter des méprises.

LOUIS RIEL

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Message  Louis Lun 02 Jan 2023, 7:08 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

LOUIS RIEL


J'ai promis de dire la vérité sans tergiversation, aussi il me faut aborder le point le plus délicat de la question de nos troubles et parler de celui qui a été le plus en évidence et que l'on dit résumer toute la situation.

Louis Riel a été choisi par les Métis comme leur chef. Ils sont allés le chercher sur la terre étrangère ; ils l'ont amené au milieu d'eux, sur les bords de la Saskatchewan. Cette demande s'est faite par suite de l'inutilité des efforts tentés par les Métis et leurs amis pour faire reconnaître leurs droits. Les Métis, ne comprenant pas comment on s'obstinait à les ignorer, se sont persuadés qu’ils étaient joués par ceux mêmes en qui ils avaient mis jusqu'alors leur confiance. Ils crurent que Riel étant des leurs, ayant souffert avec eux et pour eux, mettrait plus de zèle à faire valoir leur cause, et par cela même obtiendrait plus de succès. Riel se rendit à Batoche, excité par les uns, sollicités par les autres; il crut voir l'unanimité entre toutes les sections de la population et persuadé, par cela même, d'un succès facile, il commença une agitation toujours dangereuse, surtout au milieu d'une population plus prompte à l'action qu'avide de parler.

Cette agitation développa de plus en plus le mécontentement. Des menaces indiscrètes, des vantardises stupides et des encouragements secrets conduisirent les esprits à un état d'excitation des plus déplorables.

L'assurance qu'on enverrait une Commission ne fut point acceptée; on aima mieux croire à une rumeur qui allait à dire qu'au lieu de leur accorder leurs droits, les autorités envoyaient des fers pour le chef et du plomb pour ceux qui le protégeraient, cette conviction produisit le résultat qu'on devait en attendre.

Les Métis songèrent à là résistance et à se défendre. Mal armés, sans munitions, sans provisions, ils s'emparèrent des magasins qui se trouvaient dans le voisinage. L'attaque inconsidérée faite contre eux, au Lac des Canards, fut une déclaration de guerre.

La suite de ce drame sanglant occupe le Canada depuis plusieurs mois. Ce n'est peut-être pas le temps de rectifier les nombreuses erreurs qu'une publicité trop hâtive accumulées autour de l'histoire de cette douloureuse période. Ce qui n'est que trop certain, c'est que des vies généreuses ont été sacrifiées: la misère et la désolation règnent au milieu d'établissement naguères prospères.

Des hommes respectables subissent une douloureuse condamnation au milieu de criminels avec lesquels ils n'ont rien de commun, et Louis Riel a été exécuté à Régina, le 16 novembre dernier.

L'opinion publique s'est partagée sur ce dernier événement et en se partageant, elle s'est passionnée.

En général, la presse anglaise approuve cette triste exécution, tandis que la presse française la condamne, comme une cruauté inutile.

Des deux côtés, il y a des exceptions. La presse américaine…


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Message  Louis Mar 03 Jan 2023, 7:02 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

LOUIS RIEL


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Des deux côtés, il y a des exceptions. La presse américaine est unanime, ou à peu près, à considérer cet acte de nos autorités comme une faute politique. Je regrette extrêmement que des hommes, de qui on devait attendre mieux, se soient oubliés jusqu'à vouloir faire peser la responsabilité de cette mesure extrême sur ceux mêmes qui étaient les moins capables de la conseiller.

Les missionnaires ont souffert, mais les missionnaires ne savent pas crier vengeance. Les deux seuls qui ont été appelés en témoignage en cette cause ont rendu témoignage dans le sens de la défense. Pourquoi joue-t-on le rôle si indigne de recommencer le procès de l'infortuné exécuté devant le public, en invoquant les témoignages des Révérends Pères André et Fourmond, qui, mis sous serment à la cour, ont rendu un témoignage dont la conclusion naturelle n'était certainement pas l'échafaud ? On va jusqu'à torturer l'âme si généreusement aimante de Monseigneur Grandin, en lui prêtant un rôle indigne de sa position et de son cœur.  Et tout cela, on a l'audace de le dire, pour faire prévaloir la vérité.

Le gouvernement a laissé faire l'exécution…

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Message  Louis Mer 04 Jan 2023, 6:53 am



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Le gouvernement a laissé faire l'exécution, il en a donc la responsabilité et c'est une indignité de vouloir la faire peser sur d'autres, qu'on s'est bien gardé de consulter à ce sujet. Pour ma part, une observation de vingt années m'a donné des convictions diamétralement opposées à celles que l'on invoque. J'avais trop de raisons d'étudier dans ses moindres détails les dispositions et les actes de mon infortuné protégé, pour pouvoir ne pas me rendre compte de ce qu'il était et de ce qui a pu le conduire à la voie déplorable qu'il a suivie. Il y a bien des années que je suis convaincu, au-delà de la possibilité d'un doute, qu'à côté des brillantes qualités de l'esprit et du cœur, l'infortuné chef des Métis était en proie à une mégalomanie et théomanie qui seules peuvent expliquer tout ce qu'il a fait jusqu'au dernier moment. Mes convictions sont sincères, mais, on n'en peut conclure que ceux qui ne les partagent pas, manquent tous de sincérité. Les conséquences naturelles de mes convictions sur ce triste sujet, ont été repoussées et j'ai vu disparaître l'espoir que j'avais entretenu jusqu'au dernier moment. Malgré cette déception, je ne me permettrai pas d'injurier ceux qui me l'ont infligée.

Je ne désespère pas assez de notre pays, pour croire que nos hommes publics soient capables de se laisser inspirer uniquement par la haine et les froids calculs qu'elle inspire.

Je ne sais pas ce qui s'est passé dans le conseil de ceux qui nous gouvernent, mais je ne puis pas croire qu’ils ne se soient pas mis en face de leurs obligations. Dans tous les cas, ils ont accepté la responsabilité et je ne veux pas faire naître ou développer des embarras auxquels il est difficile d'assigner une issue favorable.

AGITATION DANGEREUSE


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Message  Louis Jeu 05 Jan 2023, 6:31 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

AGITATION DANGEREUSE


Je ne dissimulerai pas que la douleur que j'éprouve depuis le commencement de nos troubles, au lieu d'être allégée a été de beaucoup augmentée depuis trois semaines [Note de Louis : depuis la mort de Louis Riel]. Je ne fais aucune allusion à un mouvement qui ne serait que politique et enfermé dans les limites déjà si larges de la constitution. Que ceux qui ont un vote à donner, soit dans les enceintes parlementaires, soit sur les hustings, que ceux là pèsent tout dans l'intime de leur conscience et dans la balance de l'amour de leur pays et qu'ensuite ils votent suivant leurs convictions. C'est leur droit, c'est leur devoir.

À côté de la question purement politique il y a une question sociale à laquelle je suis trop étroitement lié pour me résoudre à garder le silence.

Je ne crois pas avoir besoin de dire que j'aime mon pays. La province qui m'a vu naître a gardé tout mon cœur et je n'ai fait qu'étendre le cercle de mes affections, en assimilant le pays de mon adoption à celui de ma naissance. Donc, tout ce qui touche Québec, tout ce qui touche Manitoba et le Nord-Ouest, tout cela me touche vivement, et c'est pour cela, qu'en face d'une agitation qui ne peut pas être sans dangers, je prends la liberté aussi respectueuse qu'affectueuse de dire à mes amis de ne pas se laisser entraîner dans un mouvement qui peut leur être très préjudiciable à eux-mêmes et à la cause qu'ils embrassent avec tant de générosité.

Au milieu de tout ce qui s'est dit et s'est écrit depuis trois semaines, j'ai admiré les nobles élans d'un généreux patriotisme. Cependant, pour être sincère, je dois avouer que j'ai déploré bien des élans, qui, dans mon humble opinion, ne sont pas l'écho du même sentiment ou du moins ne révèlent pas la prudence extrême qui s'impose au vrai patriote dans les crises de l'histoire d'une nation.

Les querelles de races et surtout de religions, sont des instruments bien dangereux à manier; surtout dans un pays où des hommes d'origines et de croyances différentes sont en relations journalières. Il en est des différentes nationalités un peu comme des partis politiques. Chacun se contente de voir les bonnes aspirations auxquelles il tend, sans tenir compte de celles des autres: tout comme on ferme les yeux sur ses propres défauts, pour les ouvrir démesurément sur ceux d'autrui.

Un retour sincère sur soi-même finirait par convaincre que l'égoïsme personnel est ordinairement la cause de l'égoïsme national, comme de l'égoïsme politique. Ceci ne veut pas dire qu'il faut s'oublier soi-même ou les siens, jusqu'à ne plus ressentir ni essayer de faire taire l'injure, quand elle nous est prodiguée.

ELÉMENT ANGLAIS


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Message  Louis Ven 06 Jan 2023, 6:57 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

ELÉMENT ANGLAIS

Puisque nous en sommes à ce sujet, je ne surprendrai personne en disant que nos compatriotes d'origine anglaise qui nous accusent de susceptibilité excessive, agissent et écrivent souvent comme si nous n'étions pas capables de ressentir les affronts qu'on veut nous infliger.

Il estime foule de Canadiens-Anglais qui n'ont jamais vu l'Europe, et sur lesquels le mot French fait une telle impression, que le "fair play britannique" disparaît complètement. Par exemple, et j'en appelle au bon sens anglais, les injures et insinuations qui ont été dites et écrites contre les missionnaires français catholiques, contre la population canadienne-française, contre nos soldats canadiens-français, à l'occasion des troubles et autres malheurs qui ont éprouvé le pays, tout cela n'est-il pas d'une absurdité qui n'est égalée que par l'injustice qui s'y manifeste ?

Il n'a fallu rien moins que les tortures endurées par nos généreux missionnaires et même l'effusion du sang de deux d'entre eux, pour faire taire les calomnies qu'on leur prodiguait, en les accusant d'être des fauteurs de rébellion et de déloyauté. Pourtant on devrait le savoir, ces crimes sont énergiquement condamnés par la Sainte Eglise Catholique, depuis bientôt vingt siècles, et cela, non-seulement, quand ses enfants ont comme nous l'avantage de vivre sous la protection de lois sages et équitables, mais bien encore, lorsqu'ils ont été les martyrs de la cruauté des tyrans.

Quant à notre origine française, elle est assez noble pour que ceux qui ne la partagent pas dussent la respecter. Nous pouvons nous consoler à la pensée que ceux qui nous vilipendent  tant, ne nous connaissent point. Faisons-nous connaître, non par les criailleries et les chants séditieux dans la rue, mais en forçant ceux mêmes qui ne parlent pas notre langue (malheureusement pour eux et pour nous, ils sont trop nombreux) à étudier l'histoire du Canada, non-seulement l'époque héroïque du régime français, mais bien aussi depuis la conquête. Notre histoire est toute enrichie de faits honorables pour nous; aucun Anglais de bon sens ne peut étudier cette histoire, sans voir se dissiper au moins une partie des préjugés que lui et les siens caressent avec complaisance.

C'est l'étude de cette histoire, qui, dès 1847, inspirait au London Times, la réflexion suivante :

"Qu'est-ce qui nous a conservé le Canada, jusqu'à ce jour ? Ce n'est rien de ce qui lui est venu de ce pays. Ce ne sont point ses affinités politiques. Ce n'est pas la sollicitude de races. Ce n'est pas la communauté des institutions. Ce n'est pas la force des armes, c'est à l'origine française du Canada que nous devons qu'il soit nôtre. Les habitudes sociales ont prévalu contre les antipathies nationales, et son régime primitif de seigneurs, de prêtres et d'habitants nous a été fidèle, à nous leurs récents conquérants, lorsque notre propre chair et notre propre sang nous abhorraient et nous chassaient du sol."

Je remercie un ami qui n'est pas d'origine française, de m'avoir communiqué cet article, je prie mes autres amis non français de vouloir bien la lire.

AUX CANADIENS-FRANÇAIS


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Message  Louis Sam 07 Jan 2023, 6:53 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

AUX CANADIENS-FRANÇAIS

A mes nationaux je dirai: "Soyons fidèles à notre histoire."

On s'irrite de ce que, non content d'avoir pendu Riel en réalité, on a voulu avant et après le pendre en effigie. Je ne chercherai pas à pallier cet acte indigne.

J'ai eu bien honte, quand à Winnipeg on a fait passer le lieutenant-gouverneur de la province et le général Middleton sous un échafaud de fantaisie, dressé à la place d'un arc de triomphe.

Le regret éprouvé dans cette circonstance n'a pas diminué celui que j'ai ressenti, quand j'ai appris qu'en maints endroits de la province de Québec, on avait dressé des échafauds et des bûchers, pour y simuler l'exécution d'hommes publics, dont on n'est pas obligé d'approuver tous les actes, mais auxquels on doit le respect que commandent les hautes positions qu'ils occupent.

Oh ! mes chers compatriotes, veuillez en croire ceux qui parmi nous pensent sérieusement ! Des actes comme ceux que je viens d'indiquer ne peuvent pas grandir un peuple.

Encore une fois, recourez aux moyens constitutionnels tant que vous voudrez, mais n'imprimez pas à notre état social les commotions qui peuvent rendre la vie désagréable pour nous ou pour les autres. Nous sommes catholiques et, dans nos relations sociales, nous devons nous rappeler ce qu'a dit un homme illustre: " l'Eglise Catholique est la plus grande école du respect;" respect pour l'autorité et pour ceux qui la représente, respect pour tous, même pour ceux qui ne comprennent pas l'obligation de ce devoir.

Dans le cercle rétréci d'une famille, où il y a communauté entière d'idées, de sentiments, d'intérêts, on trouve hélas ! beaucoup de divergences. Comment oser espérer que dans un pays aussi vaste que le nôtre, où il y a une si grande différence de nationalités et multiplicité de provinces, comment espérer de pouvoir nous harmoniser, à moins que chacun soit prêt à faire la part de sacrifice qui peut être exigée de lui ? Somme tout, nous devons en convenir, la Providence nous a fait un sort plus heureux que nous nous ne pouvions naturellement l'attendre. Nos institutions ont de l'ampleur et de la souplesse; l'atmosphère que nous respirons est en général pleine de liberté. Sans doute, tout autour de nous n'est pas perfection, mais rien ne s'oppose à ce que nous travaillons avec énergie à ce perfectionnement, pourvu que nous ne dépassions pas les limites circonscrites par le devoir.

La majorité n'a aucun droit de nous opprimer, aussi quoique nous ne soyons que la minorité, tout le monde est frappé de la position que nous avons pu nous faire.

Défions-nous des exagérations, défions-nous d'un isolement qui, à un point de vue, pourrait nous flatter, mais qui certainement peut conduire à des conséquences que les vrais amis du pays ne pourraient que déplorer.

Veuillez croire que ce que je dis ici coule d'une plume tenue par une main tremblante d'émotion. C'est pour nous, isolés dans l'extrême Nord-Ouest, que vous luttez dans la province de Québec; c'est de vous, en maintes circonstances, que nous avons imploré secours et appui; c'est encore au milieu de vous, que se trouve, aujourd'hui mon si vénérable et si aimé collègue Mgr Grandin; c'est à vous qu'il tend la main, en faveur des pauvres ruines de la Saskatchewan, et je sais que votre main généreuse n'est jamais fermée. C'est vous qui m'avez encouragé, honoré, soutenu par vos sympathies quand j'ai eu la douleur de traverser les plus éprouvés de ma carrière. Je comprends que vous aurez peut-être raison de me dire, qu'au lieu d'avoir l'air de donner une leçon, je devrais m'estimer trop heureux et me contenter de vous remercier.

Pardonnez-moi, mes amis, si j'ai trop pris les allures d'une vie passée dans l'extrême Nord-Ouest. Je puis me taire avec ceux que je ne connais pas ou dont je me méfie mais je ne puis dissimuler, quand je parle à ceux que j'aime et en qui j'ai confiance. Puisque vous vous intéressez à Manitoba et au Nord-Ouest, j'ai la certitude que ce que je viens de dire, au lieu de vous blesser vous arrivera comme l'écho affaibli, mais sincère, d'une voix autorisée.

BONNE ENTENTE  A MANITOBA

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Message  Louis Dim 08 Jan 2023, 6:58 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

BONNE ENTENTE  A MANITOBA

L'entrée en Confédération dans la province de Manitoba s'est faite dans des conditions très alarmantes pour la paix et le contentement de ses habitants.

Le danger était trop imminent pour que je ne le visse pas. Secondé par le dévouement intelligent de mon clergé appuyé par les hommes influents du pays et par les amis si distingués qui nous venaient de la province de Québec, nous nous sommes mis à l'œuvre, unis dans une communauté d'idées et de moyens. Nous avons fait taire bien des susceptibilités, étouffé bien des ressentiments, fermé les yeux et les oreilles à bien des provocations, et obtenu une entente telle que les troubles du Nord-Ouest, cette année, n'ont pas provoqué au milieu de notre peuple la moindre agitation regrettable, malgré la douleur amère qu'ils nous ont causée.

Je dois à la justice d'ajouter que nous n'avons pas été les seuls artisans de la bonne entente. Des hommes influents de nationalité et de croyances différentes des nôtres ont fait comme nous, et avec nous ont contribué à amener un ordre de chose, que personne n'avait d'abord pu espérer.

AMNISTIE

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Message  Louis Lun 09 Jan 2023, 6:43 am



MGR ALEXANDRE TACHÉ

AMNISTIE

Avant de prendre congé de vous, encore un mot qui, bien sûr, ira à vos sympathies comme aux miennes. Sans doute qu'il ne nous est pas possible de rendre la vie aux morts ; mais il nous est peut-être possible de rendre la liberté aux prisonniers. Demandons grâce pour tous les prisonniers politiques, demandons grâce pour tous les Métis que l'insurrection a conduits au pénitencier, à la prison ou à l'exil. Demandons grâce pour les pauvres Sauvages qui ont pris part à ce mouvement insurrectionnel, sans tremper leurs mains dans le sang des victimes du meurtre ou de l'assassinat.

Je crois pouvoir assurer que cet acte de clémence, au lieu de provoquer des divergences d'opinions, rencontrera l'assentiment des hommes raisonnables de toutes les nationalités et de toutes les croyances.

† ALEX., Arch. de Saint-Boniface.

SAINT-BONIFACE, 7 décembre 1885.— (Du Manitoba)

FIN.

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