Marthe et Marie. (R.P. GROU, S.J.)
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Marthe et Marie. (R.P. GROU, S.J.)
Marthe et Marie.
(R.P. GROU, S.J.) MANUEL DES AMES INTÉRIEURES, 1885
Rien n'est plus digne d'attention que ce que l'Évangile nous
apprend touchant les deux sœurs Marthe et Marie. Il est certain
que Marthe représente la vie active, c'est-à-dire la vie où, par
ses propres efforts, par son propre travail, on s'empresse de
témoigner à Dieu son amour; et que Marie est l'image de la
vie contemplative, où l'on s'étudie à se tenir en repos, pour
donner lieu en nous à l'action de Dieu, et où l'on n'opère que
par le mouvement et sous la direction de Dieu.
Les deux soeurs reçoivent Jésus-Christ dans leur maison ;
toutes deux l'aiment, toutes deux veulent lui marquer leur amour;
mais elles s'y prennent d'une manière bien différente. Marthe
ne pense qu'à exercer la charité envers le Sauveur et à lui
préparer un repas. Son soin est digne de louange ; mais elle
y met beaucoup d'activité, beaucoup d'empressement :
elle s'agite, elle s'inquiète : elle apprête différents mets,
tandis qu'un seul eût suffi. Marie, de son côté,
ne se donne aucun mouvement pour bien traiter Jésus-Christ ;
mais elle s'asseoit à ses pieds pour être nourrie de sa parole.
L'occupation de la première est tout extérieure, tout en
action; celle de la seconde est tout intérieure, tout en
silence et en repos. L'une veut donner au Sauveur,
l'autre veut recevoir de lui; l'une lui présente de grand
cœur tout ce qu'elle a, l'autre se donne elle-même.
Marthe, persuadée qu'elle fait plus pour Jésus-Christ que sa sœur,
et que celle-ci devrait quitter les pieds du Sauveur pour venir à
son aide, se plaint à lui de ce qu'elle la laisse servir seule,
et le prie de lui dire de l'aider. Elle croyait que Marie était oisive,
et que son repos et son silence n'avaient rien qui dût plaire à Jésus-Christ.
Mais que lui répond-il ? Marthe, Marthe, vous êtes inquiète et vous vous empressez pour beaucoup de choses : cependant une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point ôtée.
Pesons cette réponse : l'instruction qu'elle renferme est bien propre à modérer l'activité et à réduire la multiplicité, qui sont les deux grands défauts de la dévotion. Il était dans l'ordre que les hôtesses de Jésus-Christ lui préparassent à manger, mais il ne lui fallait qu'un repas frugal. Un seul mets suffisait aux besoins de la nature, et Marthe croirait manquer au Sauveur si elle ne lui apprêtait un grand nombre de mets. Voilà le défaut de la multiplicité. Il fallait apprêter ce repas frugal paisiblement, et sans perdre le repos intérieur; et Marthe s'empresse, s'agite, se trouble. Voilà le défaut de l'activité. Marthe préférait son occupation à celle de sa sœur. Jésus-Christ la redresse encore là-dessus, et lui apprend que le choix de Marie est le meilleur. Il lui apprend encore que les œuvres extérieures, les œuvres de charité, quoique bonnes eu elles-mêmes, quoique commandées, ne sont que pour la vie présente, et cesseront avec celle-ci; au lieu que le repos de la contemplation ne passera jamais, et qu'après avoir commencé sur la terre, il continuera avec plus de perfection dans l'éternité.
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Re: Marthe et Marie. (R.P. GROU, S.J.)
Dans une autre occasion, lorsque Jésus vint pour ressusciter Lazare, Marthe, instruite de sa venue, et toujours active, court à sa rencontre. Marie reste au logis; elle attend, pour en sortir, que sa sœur lui dise que le maître l'appelle. Marthe agit de son propre mouvement; Marie attend, pour agir, que Jésus-Christ la mette en mouvement.
Tirons de tout ceci des règles sûres pour diriger notre jugement et notre conduite en matière de dévotion.
1º Les bonnes œuvres, eussent-elles pour objet Jésus-Christ lui-même, et une chose aussi nécessaire que la nourriture, sont en elles-mêmes d'une moindre valeur que l'oraison et le repos de la contemplation. Par conséquent, il faut en général préférer l'oraison à l'action et y donner beaucoup plus de temps. Par l'oraison j'entends ici tous les exercices de piété dont l'âme est l'objet immédiat.
2º Quand les œuvres extérieures qui regardent le prochain ne sont pas de nécessité absolue, il ne faut tellement les multiplier qu'elles prennent sur nos prières et sur nos exercices intérieurs. On a beau alléguer le zèle et la charité : le zèle doit être réglé, et la charité doit commencer par nous-même.
3º Lors même que les œuvres extérieures sont indispensables, et que la volonté de Dieu y est expresse, il faut tâcher de s'en acquitter sans sortir du repos intérieur; en sorte que dans l'action l'âme continue d'être unie à Dieu, et qu'elle ne perde point un certain recueillement qui doit l'accompagner partout. Comme cela est d'une pratique assez difficile, et n'est propre qu'aux âmes avancées, tous les maîtres de la vie spirituelle recommandent aux commençants de donner le moins qu'ils pourront à l'action, et de s'appliquer davantage à l'oraison. Un temps viendra où l'oraison leur étant devenue, pour ainsi dire, naturelle, ils pourront, si Dieu le juge à propos, agir beaucoup au dehors, sans perdre le repos du dedans.
4° Par rapport même aux exercices intérieurs, l'activité, qui a sa source dans l'amour-propre, est toujours mauvaise, et l'on ne saurait trop la réprimer, pour se laisser dominer par la grâce. Que faisait Marie? Elle était assise ; son corps était dans une situation fixe et tranquille; elle était en silence. Jésus-Christ parlait; elle l'écoutait de toute l'attention de son cœur. Il n'est pas dit qu'elle parlât à Jésus-Christ, ni qu'elle l'interrompît; elle se tenait devant lui comme un disciple devant son maître ; elle recevait ses leçons, et les laissait pénétrer doucement dans son âme. Voilà le modèle de la parfaite oraison, où l'âme ne cherche point à s'exhaler en réflexions et en sentiments, mais où elle écoute celui qui l'instruit sans aucun bruit de paroles. Quand Dieu nous a fait la grâce de nous appeler à ce genre d'oraison, il n'en faut jamais sortir pour quelque prétexte que ce soit, de distraction, de sécheresse, d'ennui , de tentation; mais il y faut persévérer, il faut dévorer toutes les peiner qui s'y rencontrent, et être persuadé qu'on fait beaucoup, qu'on fait tout ce que Dieu veut que nous fassions, lors même qu'on croit ne rien faire et perdre le temps. Il faut un grand courage, et prendre beaucoup sur soi-même, pour marcher constamment dans le désert d'une oraison nue, obscure, vide de pensées et d'affections : aussi, c'est cette oraison qui avance le plus notre mort à nous-mêmes, et notre vie eu Dieu.
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Re: Marthe et Marie. (R.P. GROU, S.J.)
5° L'activité engendre la multiplicité, et le repos conduit à l'unité, à cette unité dont Jésus-Christ relève la nécessité. L'activité accumule les pratiques : elle embrasse tous les genres de dévotion. Elle passe sans cesse d'un acte à un autre; elle s'agite, se tourmente, et ne croit jamais avoir assez fait. Le repos nous concentre en Dieu et nous fixe à une seule chose : à l'écouter dans l'oraison; et, hors de l'oraison, à accomplir sa volonté dans le moment présent, sans s'inquiéter du passé ni de l'avenir. En sorte que l'âme n'a jamais qu'un seul objet, et qu'elle ne se livre jamais aux choses extérieures, moins occupée de son action que de la volonté de Dieu, qui est son motif et sa fin.
6° Elle apprend ainsi à ne point séparer l'occupation de Marie de celle de Marthe, et à les subordonner de manière que l'une ne nuise point à l'autre. Elle ne néglige aucun des devoirs de son état, même ceux de bienséance ; mais elle met à la tête de tous ses devoirs l'union inséparable avec Dieu, la dépendance continuelle de la grâce. Elle rend au prochain tous les services qui dépendent d'elle, mais elle ne s'y porte pas d'elle-même ; elle attend que la Providence lui en présente l'occasion. Elle parle, elle agit en paix sous la direction de la grâce, et elle n'aspire qu'à se retrouver seule avec Dieu.
7° Enfin, même dans les meilleures choses, dans celles qui intéressent le plus la gloire de Dieu, elle ne s'ingère jamais en rien; elle ne fait pas même un pas vers Dieu, si Dieu lui-même ne l'appelle. Elle reste où elle est, comme dit saint François de Sales, parce que son état présent est celui où Dieu la veut, et qu'elle n'en doit sortir que par son ordre.
Que la dévotion serait belle, qu'elle serait glorieuse à Dieu, utile à l'âme, édifiante pour le prochain, respectée du monde même le plus corrompu, si elle se conduisait selon ces règles ! Mais, par malheur, on veut se gouverner soi-même, on se cherche soi-même dans sa dévotion, et c'est ce qui la rend sujette à tant de défauts et de travers.
FIN
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