Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCI.Dieu éprouve de l’amour.SUITE
4º L'amour n'implique rien qui répugne à Dieu, ni de la part de l'objet qui en est le bien, ni quant à la manière d'être relativement à l'objet;car l'amour ne diminue pas lorsqu'on possède la chose, mais il augmente, au contraire, parce qu'il y a plus d'affinité entre nous et le bien qui est en notre pouvoir. C'est pour cela que, dans l'ordre physique, le mouvement qui pousse vers la fin augmente d'intensité, en raison de la proximité de cette fin. Quelquefois, cependant, c'est le contraire qui arrive, mais par accident, savoir quand nous apercevons dans l'objet aimé quelque chose qui répugne à l'amour; car, dans ce cas, on l'aime moins lorsqu'on le possède. L'amour ne répugne donc pas à la perfection divine à raison de son espèce. Donc l'amour est en Dieu.
5º Le propre de l'amour est de rapprocher les êtres, ainsi que saint Denys l'enseigne (2). En effet, l'affection de l'être qui aime étant en quelque sorte unie à l'objet aimé, à cause d'une certaine ressemblance ou convenance qui existe entre eux, l'appétit [intellectuel ou la volonté] cherche à perfectionner cette union, en ce sens qu'il veut compléter en acte l'union commencée en affection. C'est pour cela que les amis trouvent surtout leur plaisir à se rencontrer, à vivre et à converser ensemble. Or, Dieu provoque tous les autres êtres a cette union; car en leur donnant l'existence et les autres perfections, il se les unit à lui-même de la manière dont cette union est possible. Donc Dieu s'aime lui-même et aime les autres êtres.
6º Le principe de toute affection est l'amour. En effet, le plaisir et le désir n'ont pour terme qu'un bien aimé; la crainte et la tristesse n'ont aussi pour cause qu'un mal qui est opposé au bien aimé. et toutes les autres affections découlent de celles-là. Or, Dieu connaît le plaisir et la délectation [ch. 90]. Donc il éprouve de l'amour.
On s'imaginera peut-être que Dieu n'aime pas plus un objet qu’un autre, pour cette raison, que si l'intensité et la diminution d'une affection appartiennent à une nature variable, elles ne sauraient convenir proprement à Dieu, qui est complètement immuable. Ensuite, rien de ce qu'on attribue à Dieu par manière d'opération n'est susceptible de plus ou de moins ; car il ne connaît pas plus un être qu'un autre, il ne trouve pas plus de plaisir dans un objet que dans un autre objet.
Il faut savoir que si les autres opérations de l'âme ont un objet unique, l'amour seul paraît se rapporter à deux objets…
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(2) Voir la note précédente. => Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCI.Dieu éprouve de l’amour.SUITE
Il faut savoir que si les autres opérations de l'âme ont un objet unique, l'amour seul paraît se rapporter à deux objets. En effet, lorsque notre intelligence saisit une chose ou que nous éprouvons du plaisir, nous sommes disposés d'une certaine manière relativement à cet objet. Mais l'amour veut quelque chose pour un être; car nous aimons seulement ce à quoi nous voulons du bien, de la manière que nous avons indiquée. C'est pourquoi, si nous souhaitons une chose, il faut dire que nous la désirons simplement et dans le sens propre du mot, mais non que nous l'aimons; car nous nous aimons plutôt nous-mêmes en formant ce souhait, et si nous aimons cette chose, c'est par accident, et non selon la véritable acception du mot. Les autres opérations ne sont donc susceptibles de plus et de moins que si l'on considère la vigueur de l'action: ce qui ne peut convenir à Dieu; car la vigueur de l'action se mesure par la vertu de laquelle elle procède, et toute action divine procède d'une seule et même vertu.
Quant à l'amour, il est susceptible de plus ou de moins en deux sens : d'abord, à raison du bien que nous voulons à quelqu'un ; c'est ce qui nous fait dire que nous aimons davantage celui pour qui nous voulons un bien plus grand ; en second lieu, à raison de la vigueur de l'action : nous affirmons ainsi que nous aimons davantage un être, lors même que nous ne voulons pas pour lui un bien plus considérable, mais un bien égal, seulement avec plus d'ardeur et d'efficacité.
Rien ne s'oppose à ce que Dieu aime un être plus qu'un autre dans le premier sens, c'est-à-dire parce qu'il lui veut un bien plus grand; mais cela ne peut avoir lieu de la seconde manière, pour la même raison qui a été indiquée.
Nous voyons donc, par ce qui vient d'être dit, qu'aucune de nos affections ne peut se trouver en Dieu, à l'exception du plaisir et de l'amour. Mais ils n'ont point en lui le caractère de passion, qu'ils offrent en nous.
Que Dieu éprouve du plaisir et de la délectation, c'est ce que nous pouvons prouver par l'Écriture-Sainte. Nous lisons dans les Psaumes : Vous vous délectez dans vos œuvres jusqu'à la fin [Ps. XV, 11]; et la sagesse divine, qui est Dieu, ainsi que nous l'avons prouvé, dit au livre des Proverbes : Je me délectais tous les jours, me jouant en sa présence ]Sap. VIII, 30]. Nous trouvons aussi ces paroles dans l'Évangile : Il y aura une grande joie, dons le ciel, même pour un seul pécheur qui fera pénitence [Luc, XV, 10].
Le Philosophe dit aussi que « Dieu goûte éternellement une délectation unique et simple » (3).
Il est encore question de l'amour de Dieu dans les livres saints. Il est dit au Deuteronome: Il a aimé les peuples [Deuter. XXXIII.3]; dans Jérémie : Je vous ai aimé d'un amour éternel [Jérém, XXXI, 3] ; et dans l'Évangile de saint Jean : Le Père lui-même vous aime [Joan. XVI, 27].
Certains philosophes ont également enseigné que l'amour de Dieu est le principe des choses, et saint Denys est d'accord avec eux ; car il dit au chapitre quatrième des Noms divins que l'amour de Dieu ne lui a pas permis de demeurer sans rien produire (4).
Il est nécessaire d'observer que si l'Écriture-Sainte attribue à Dieu des passions…
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(3) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — (4) Voir la note 1 de ce chapitre. => Cette note 1 est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCI.Dieu éprouve de l’amour.SUITE
Il est nécessaire d'observer que si l'Écriture-Sainte attribue à Dieu des passions qui répugnent à la perfection divine, à raison de leur espèce, ce n'est pas dans le sens propre, mais dans le sens métaphorique, à cause de la ressemblance des effets ou d'une certaine affection qui a précédé.
Nous disons à cause de la ressemblance des effets; car il arrive quelquefois que la volonté cherche à produire un effet indiqué par l'ordre de la sagesse, et vers lequel cependant un autre se trouve incliné par une passion défectueuse. Un juge, par exemple, inflige une punition par principe de justice, et l'homme irrité fait la même chose par colère.
Si donc nous disons que Dieu est irrité, c'est que l'ordre de sa sagesse le porte à vouloir punir quelqu'un, selon le sens de cette parole des Psaumes: Lorsque sa colère s'allumera tout-à-coup [Ps. II, 3].
Nous appelons Dieu miséricordieux, parce qu'il délivre les hommes de leurs misères par sa bonté, de même que nous le faisons quand nous sommes mus par la passion de la miséricorde. C'est ce qui fait dire au Psalmiste : Le Seigneur est. compatissant et miséricordieux ; il est patient et sa miséricorde est très étendue [Ps. CII, 8].
Nous disons qu'il se repent, parce que, selon l'ordre éternel et immuable de sa providence, il rétablit ce qu'il avait détruit auparavant, ou bien il détruit ce qu'il avait fait; et ceux qui sont poussés par le repentir agissent de la même manière. C'est pourquoi il est écrit au livre de la Genèse: Je me repens d'avoir fait l'homme [Gen. VI, 6-7]. Mais il ne faut pas prendre ces paroles à la lettre, ainsi que nous le voyons par cet autre passage : Celui qui triomphe en Israël ne se laissera pas apaiser, et.il n'éprouvera aucun regret qui le fléchisse [l Reg. XV, 29].
Nous avons dit, en second lieu, que l'Écriture attribue à Dieu ces passions, à cause de la ressemblance d'une affection précédente ; car l'amour et le plaisir qui sont en Dieu sont le principe de toutes les affections: l'amour comme principe moteur, et le plaisir comme fin. C'est pour cela que ceux qui punissent dans un accès de colère se réjouissent, comme ayant atteint leur fin. Si donc, on affirme que Dieu ressent de la tristesse, ce n'est qu'en tant qu'il survient quelque chose de contraire à ce qu'il aime et approuve, de même que nous nous attristons de ce qui nous arrive contre notre gré. Nous en avons une preuve dans cette parole d'Isaïe : Le Seigneur a vu, et le mal a paru à ses yeux, parce qu'il n'y a plus de justice. Dieu a vu qu'il n'y a plus d'hommes, et il a été saisi de douleur de ce que personne ne s'oppose à ces maux [Isai. LIX,15,16].
Tout ce qui précède renverse l'erreur de certains Juifs qui attribuaient à Dieu la colère,, la tristesse, le repentir et toutes les passions semblables, en prenant ces termes à la lettre, et ne faisant aucune distinction entre les expressions que l'Écriture emploie dans leur sens propre et son langage métaphorique.
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(4) Voir la note 1 de ce chapitre. => Cette note 1 est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
Chap. XCII. Comment les vertus sont en Dieu.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCII.Comment les vertus sont en Dieu.
Ce que nous avons dit jusqu'ici nous amène à exposer comment on doit attribuer les vertus à Dieu.
Son être étant universellement parfait [ch. 28], parce qu'il renferme en lui, en quelque sorte, les perfections de tous les êtres, sa bonté doit comprendre aussi en elle d'une certaine manière les bontés de tous les êtres [ch. 40]. Or, la vertu est une sorte de bonté; car c'est elle qui fait dire de l'homme vertueux qu'il est bon, et de ses œuvres qu'elles sont bonnes. Donc la bonté divine doit renfermer, de la manière qui lui est propre, toutes les vertus. C'est pourquoi aucune d'elles n'est en Dieu, comme en nous, à l'état d'habitude. En effet :
1º Dieu ne peut être bon à raison de quelque chose qui lui soit ajouté, mais à raison de son essence, puisqu'il est absolument simple. Il n'agit pas non plus au moyen de quelque chose qui est ajouté à son essence, puisque son action est son être [ch. 45]. Donc il n'y a en Dieu aucune vertu habituelle; mais tonte vertu est son essence.
2º L'habitude est un acte imparfait qui tient, pour ainsi dire, le milieu entre la puissance et l'acte; et c'est ce qui fait comparer ceux qui ont cette habitude à des hommes endormis. Or, l'acte qui est en Dieu est absolument parfait. Donc son acte ne ressemble pas à l'habitude et à la science, mais à l'action de considérer, qui est un acte dernier et parfait.
3º L'habitude perfectionne la puissance. Or, Dieu n'a rien en puissance; mais il possède tout en acte. Donc il ne peut y avoir en lui aucune habitude.
4º L'habitude appartient au genre de l'accident, et Dieu est complètement étranger à l'accident [ch. 23]. Donc il n'y a en Dieu aucune vertu habituelle; mais tout rentre dans son essence.
Comme il y a des vertus humaines qui règlent la vie de l'homme; comme aussi l'homme a une double vie, la vie contemplative et la vie active, les vertus qui se rapportent à la vie active, en tant qu'elles la perfectionnent, ne peuvent s'attribuer à Dieu; car la vie active de l'homme consiste dans l'usage des biens corporels ; c'est pourquoi les vertus règlent la vie active en nous faisant faire un bon usage de ces biens. Or, ces biens ne peuvent convenir à Dieu. Donc il en est de même de ces vertus, en tant qu'elles règlent la vie présente.
5º Ces vertus perfectionnent les mœurs des hommes relativement à la vie civile; c'est pourquoi elles ne paraissent…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCII.Comment les vertus sont en Dieu.SUITE
5º Ces vertus perfectionnent les mœurs des hommes relativement à la vie civile; c'est pourquoi elles ne paraissent pas avoir une grande utilité pour ceux qui participent peu à la vie civile. Elles doivent donc, à plus forte raison, être étrangères à Dieu, dont la vie est loin de ressembler à celle de l'homme.
Parmi les vertus qui se rapportent à la vie active, il y en a qui modèrent nos passions ; et on ne peut prêter celles-là à Dieu, car les vertus qui concernent les passions se spécifient par ces mêmes passions, comme par leurs objets propres. C'est pourquoi la tempérance diffère de la force, en ce que la première a trait à ce qui excite la concupiscence, et la seconde à la crainte et à l'audace, or, il n'y a aucune passion en Dieu [ch. 89]. Donc tes vertus ne peuvent se trouver en lui.
6º Ces mêmes vertus n'ont pas leur siège dans la partie intellectuelle de l'âme, mais dans la partie sensitive, qui est la seule où puissent exister les passions, ainsi que le pense Aristote (1). Or, Dieu n'a pas de partie sensitive, mais seulement une intelligence. Donc ces vertus ne peuvent être en lui, même selon leurs propres raisons.
Quant aux passions auxquelles les vertus se rapportent, il en est qui inclinent l'appétit vers quelque bien corporel qui produit la délectation dans les sens: telles sont la nourriture, la boisson et les plaisirs de la chair. Les vertus qui combattent la concupiscence excitée par ces choses sont : la sobriété, la chasteté et, dans le sens le plus étendu, la tempérance et la continence. C'est pourquoi, comme Dieu est totalement étranger aux délectations corporelles, les vertus en question ne peuvent proprement lui convenir, puisqu'elles sont relatives aux passions; et l'Écriture ne les attribue jamais à Dieu, même par métaphore, parce qu'il est impossible de saisir en lui quelque ressemblance de ces vertus causée par une ressemblance d'effets.
II y a d'autres passions conformes à l'inclination de l'appétit qui se porte vers quelque bien spirituel, telles que l'honneur, la domination, la victoire, la vengeance et antres choses semblables. Les vertus relatives à leurs espèces et aux appétits qu'elles excitent sont : la force, la grandeur d'âme, la mansuétude et autres vertus du même genre, qui ne peuvent exister en Dieu, si l'on prend ces termes dans le sens propre, parce qu'elles sont en rapport avec les passions. Cependant, l'Écriture les lui attribue dans le sens métaphorique, à raison d'une ressemblance d'effets. C'est ainsi qu'il est dit au livre des Rois : Personne n'est fort comme notre Dieu [I Reg II, 2]; et dans le prophète Sophonie : Recherchez le Seigneur, qui est juste et plein de douceur[Sophon. II, 3].
Chap. XCIII. Il y a en Dieu les vertus relatives aux actions.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCIII.Il y a en Dieu les vertus relatives aux actions.
Il y a aussi des vertus qui règlent la vie active de l’homme et ne se rapportent pas aux passions, mais aux actions, par exemple, la vérité, la justice, la libéralité, la magnificence, la prudence, l'art. Or :
1º Comme toute vertu se spécifie d'après son objet ou sa matière, et que les actions qui sont la matière ou l'objet de ces vertus ne répugnent pas à la perfection divine, les vertus elles-mêmes n'ont rien qui les rende incompatibles avec la perfection divine, à raison de leur espèce propre.
2º Les vertus de ce genre sont, en quelque sorte, des perfections de la volonté et de l'intelligence, qui sont les principes des opérations exemptes de passion. Or, la volonté et l'intelligence de Dieu ne manquent d'aucune perfection. Donc Dieu n'est pas non plus privé de ces vertus.
3º La raison propre de tout ce qui procède de Dieu pour arriver à l'être est dans l'intelligence divine [ch. 66]. Or, l'art est la raison de la chose qui doit être faite, existant dans l'esprit de celui qui la fait. C'est pourquoi le Philosophe dit que l'art est la raison exacte de ce qui peut être fait (1). Donc l'art existe proprement en Dieu. Aussi est-il dit au livre de la Sagesse : C'est la sagesse, architecte de toute chose, qui, m'a instruit [Sap. VII, 21].
4º La volonté de Dieu est déterminée à l'une des choses qui sont distinctes de lui par sa connaissance [ch. 82]. Or, la connaissance qui dispose la volonté à agir est la prudence; car, selon Aristote, la prudence est la raison exacte de ce qu'il faut exécuter (2). Donc la prudence est en Dieu. C'est ce qui fait dire à Job : En lui sont la sagesse et la force [Job, XII, 13].
5º Nous avons démontré…
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(1), (2) Ces notes sont libellée en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCIII.Il y a en Dieu les vertus relatives aux actions.SUITE
5º Nous avons démontré [ch. 83] que Dieu, par cela même qu'il veut une chose, veut aussi ce qui est nécessaire à cette chose. Or, ce qui est nécessaire à la perfection d'une chose lui est dû. Donc Dieu a la justice, dont le propre est de distribuer à chacun ce qui lui revient. Nous trouvons, en effet, cette parole dans les Psaumes : Le Seigneur est juste et il aime la justice [Ps. X, 8].
6º Ainsi que nous l'avons prouvé [Ch. 74 et 75], la fin dernière, pour laquelle Dieu veut toute chose, ne dépend en aucune manière de ce qui existe relativement à la fin, ni quant à l'être, ni quant à une certaine perfection. C'est pourquoi, s'il veut communiquer sa bonté à un être, ce n'est pas pour en recevoir quelque accroissement, mais parce que cette communication lui convient comme à la source de la bonté.
Or, donner, non dans le but de retirer quelque avantage du don que l'on fait, mais à cause de la bonté elle-même et de la convenance qu'il y a à donner, est un acte de libéralité, au sentiment du Philosophe (3).
Donc Dieu est libéral au plus haut degré, et, comme le dit Avicenne, il est le seul qui mérite d'être appelé véritablement libéral; car tout agent autre que lui désire retirer ou retire en effet de son action quelque bien, qui est la fin de cette action. Los livres saints prouvent la libéralité de Dieu; car le Psalmiste dit : Lorsque vous ouvrirez votre main, tous les êtres seront remplis des effets de votre bonté [Ps. CIII, 28]; et l'apôtre saint Jacques : II donne à tous abondamment, et il n'en fait pas le reproche [Jacob, I, 5].
7° Il faut nécessairement que tout ce qui reçoit l'être de Dieu lui…
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(3) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCIII.Il y a en Dieu les vertus relatives aux actions.SUITE
7° Il faut nécessairement que tout ce qui reçoit l'être de Dieu lui ressemble par l'existence et la bonté, et aussi en ce que sa propre raison se trouve dans l'intelligence divine [ch. 54]. Or, la vérité, considérée comme vertu, demande, selon que l'enseigne le Philosophe, que chacun se montre tel qu'il est dans ses paroles et ses actions (4). Donc la vertu de vérité est en Dieu. C'est pourquoi l'apôtre saint Paul dit : Dieu est véritable [Rom. III, 4] ; et nous lisons aussi dans les Psaumes : Toutes vos voies sont la vérité [Ps. CXVIII, 151].
On ne peut attribuer à Dieu les vertus relatives aux actions des inférieurs à l'égard de leurs supérieurs, comme l'obéissance, l'adoration ou autres devoirs semblables que les supérieurs ont le droit d'exiger.
— Si quelques-unes des vertus mentionnées plus haut ont pour objet des actes imparfaits, elles ne peuvent non plus convenir à Dieu quant à ces actes. On peut prendre pour exemple la prudence, considérée comme l'action de délibérer et de réfléchir mûrement. En effet, la délibération, ainsi que nous le voyons par Aristote, est une sorte de recherche (5). Or, la connaissance divine n'est le résultat d'aucune recherche [ch. 57]. Donc il ne convient pas à Dieu de délibérer. C'est ce qui fait dire à Job : A qui avez-vous donné conseil ? Est-ce à celui qui est dépourvu de sagesse [Job, XXVI, 3]? et à Isaïe : Avec qui a-i-il tenu conseil, et qui l'a instruit [Isaïe, XL, 14] ?
Rien cependant n'empêche d'affirmer que Dieu a cette prudence qui n'est autre que l'acte de juger ce qui a été discuté et de choisir parmi les choses jugées. On dit quelquefois que Dieu tient conseil, ou parce qu'il y a en lui un secret semblable à celui qui enveloppe ordinairement les délibérations, et c'est par ressemblance que l'on donne le nom de conseil à ce qui est caché dans la sagesse divine, ainsi que l'exprime ce passage d'Isaïe dans une traduction différente de celle que nous suivons : Que votre ancien conseil devienne véritable [Isaïe, XXV, 1] (6); ou bien parce qu'il vient en aide à ceux qui tiennent conseil, car on peut instruire sans raisonnement de l'intelligence ceux qui cherchent quelque chose.
De même, la justice que l'on reconnaît à Dieu…
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(5) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — (6) C'est-à-dire se révèle par son accomplissement. On lit dans la Vulgate : « Domine Deus meus es tu, exaltabo te, et confitebor nomini tuo : quoniam fecisti mirabilia, cogitationes antiquas fidèles, amen (Isai. XXV, 1).
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCIII.Il y a en Dieu les vertus relatives aux actions.SUITE
De même, la justice que l'on reconnaît à Dieu exclut tout échange, puisqu'il ne peut rien recevoir d'aucun être, selon cette parole de l'épitre aux Romains : Qui lui a donné le premier pour recevoir ensuite [Rom. XI, 35] ? et cette autre de Job : Qui m'a donné d'abord afin que je lui rende [Job, XLI, 2] ? Nous disons pourtant, par similitude, que nous donnons quelque chose à Dieu, en ce sens qu'il accepte nos présents. Il n’y a donc point pour lui de justice commutative, mais seulement une justice distributive. C'est pourquoi saint Denys dit qu'on loue Dieu à cause de sa justice, parce qu'il distribue ses biens en proportion du mérite de chacun (7), conformément à ce passage de l'Évangile : Il a donné à chacun selon sa propre vertu (Matth. XXV, 15].
II faut observer que les actions auxquelles les vertus en question se rapportent ne dépendent aucunement de la condition humaine, quant à leurs raisons; car ce n'est pas seulement l'homme, mais tout être doué d'intelligence, qui peut juger de ce qu'il faut faire, donner ou distribuer quelque chose. Cependant, en les limitant aux choses humaines, elles sont en quelque sorte spécifiées par elles, de même qu'une certaine courbure du nez détermine l'espèce des camus. Ces vertus donc, en tant qu'elles règlent la vie active de l'homme et qu'on leur fixe pour terme les choses humaines, ont trait à ces actions, et elles ne peuvent convenir à Dieu en ce sens.
Si cependant on prend ces actions dans leur généralité, on pourra les adapter aux choses divines. Par exemple, l'homme distribue les biens qui sont à l'usage de l'homme, tels que l'argent et les honneurs, et Dieu de son côté distribue tout ce qu'il y a de bon dans l'univers.
Ces vertus ont donc en Dieu beaucoup plus d'étendue que dans l'homme; car si la justice de l'homme se borne à la vie civile ou domestique, la justice de Dieu s'étend à tout ce que contient l'univers. C'est ce qui fait que les vertus divines sont les types des nôtres, puisque les êtres qui sont limités et n'existent que comme particuliers sont seulement les ressemblances des êtres absolus, et il en est d'eux comme de la lumière d'une lampe comparée à celle du soleil. Pour les autres vertus qui ne conviennent pas proprement à Dieu, elles n'ont pas leurs types dans sa nature, mais seulement dans la sagesse divine, qui comprend les raisons propres de tous les êtres; et il en est de même de tout ce qui se rattache aux corps.
Chap. XCIV. Dieu a les vertus contemplatives.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCIV.Dieu a les vertus contemplatives.
Il est hors de doute que les vertus contemplatives conviennent à Dieu au plus haut degré. En effet :
1º Si la sagesse consiste dans la connaissance des causes les plus élevées, ainsi que le Philosophe l'enseigne au commencement de sa Métaphysique (1); si Dieu se connaît principalement lui-même et ne connaît rien qu'en se connaissant comme cause première de tout ce qui existe [ch. 46], c'est à lui surtout évidemment qu'appartient la sagesse. C'est pourquoi Job dit : Il est sage dans son cœur [Job, IX, 4] et l'Ecclésiastique : Toute sagesse vient du Seigneur Dieu, et elle a toujours été avec lui [Eccl. I, l]. Le Philosophe dit encore dans le même ouvrage que la sagesse est la propriété de Dieu, et non de l'homme (2).
2° Si la science est la connaissance d'une chose par sa cause propre, et si Dieu connaît l'ordre de toutes les causes et de tous les effets, et par là même les causes propres de chaque chose [65 et 67], il est clair que la science se trouve proprement en lui. Cependant cette science n'est pas le résultat du raisonnement, comme la nôtre, qui s'acquiert par voie de démonstration. Aussi est-il dit au livre des Rois : Dieu est le Seigneur des sciences [I Reg. II, 3].
3º Si la connaissance immatérielle de certaines choses existe sans raisonnement de l'intelligence, et si Dieu a une connaissance semblable de tous les êtres [ch. 50], il est certainement intelligent, ainsi que Job le proclame en disant : Il a en lui le conseil et l'intelligence [Job, XII, 13).
Ces vertus qui sont en Dieu sont les types des nôtres, de même que le parfait est le type de l'imparfait.
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(1), (2) Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
Chap. XCV. Dieu ne peut vouloir le mal.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCV.Dieu ne peut vouloir le mal.
Ce qui précède nous servira à prouver que Dieu ne peut pas vouloir le mal. En effet :
1º La vertu d'un être réel est celle selon laquelle l'agent opère comme il faut. Or, toute opération de Dieu est l'opération d'une vertu, puisque sa vertu est son essence [ch. 92]. Donc il ne peut vouloir le mal.
2º La volonté ne se porte jamais vers le mal, si ce n'est lorsqu'il y a erreur de la raison, au moins dans l'élection d'un objet particulier; car l'objet de la volonté étant le bien appréhendé, la volonté ne peut se porter vers le mal qu'autant qu'il lui sera proposé comme bien; ce qui ne peut arriver que par erreur. Or, il ne peut y avoir d'erreur dans la connaissance divine [ch. 61]. Donc la volonté de Dieu ne peut tendre au mal.
3º Dieu est le souverain bien [ch. 41]. Or, le souverain bien ne souffre aucune association avec le mal, de même que la chaleur portée au plus haut degré n'admet aucun mélange de froid (1). Donc la volonté divine ne peut se tourner vers le mal.
4º Puisque le bien est la raison constitutive de la fin, le mal ne peut être l'objet de la volonté qu'autant qu'elle s'éloigne de sa fin. Or, la volonté divine ne peut s'éloigner de sa fin, puisque Dieu ne peut rien vouloir qu'en se voulant lui-même [ch. 76]. Donc Dieu ne peut vouloir le mal, et sa nature veut qu'en lui le libre arbitre n'ait d'action que dans la sphère du bien.
C'est le sens de ce passage du Deutéronome : Dieu est fidèle, et exempt d'iniquité [Deuter. XXXII, 4]; et de cet autre d'Habacuc : Vos yeux sont purs et vous empêchent de voir le mal, et vous ne pouvez regarder l'iniquité [Habac. I, 13].
Ainsi se trouve réfutée l'erreur des Juifs;, qui prétendent dans leur Talmud que Dieu pèche quelquefois et se purifie de son péché ; et celle des Lucifériens, qui enseignent que Dieu a péché en précipitant Lucifer.
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(1) Le froid est pris ici, selon l'acception vulgaire, pour un être positif, tandis que dans la réalité il n'est autre chose que la négation ou l'absence du calorique,
Chap. XCVI. Dieu ne hait rien.
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Louis- Admin
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCVIDieu ne hait rien.
Il résulte de ce qui vient d'être dit que Dieu ne peut haïr quoi que ce soit. En effet:
1º De même que le bien est l'objet de l'amour, de même le mal est celui de la haine; car nous voulons du bien à ceux que nous aimons et du mal à ceux que nous haïssons. Si donc la volonté de Dieu ne peut se porter vers le mal [ch. 95] il est impossible qu'il ait de la haine pour quelque chose.
2º La volonté de Dieu se porte vers des objets qui sont distincts de lui [ch. 75], puisqu’en voulant et aimant son être et sa bonté, il veut que cette bonté se répande autant qu'il est possible par la communication de sa ressemblance. Donc ce que Dieu veut pour les êtres distincts de lui, c'est qu'il y ait en eux la ressemblance de sa bonté. Or, le bien de chaque chose consiste dans la participation à la ressemblance divine; car toute bonté qui n'est pas la bonté première n'est qu'une certaine ressemblance de cette bonté. Donc Dieu veut le bien de tout ce qui existe. Donc il ne hait rien.
3º C'est du premier être que découle l'existence de tous les autres. Si donc Dieu a de la haine pour quelque chose de ce qui existe, il veut que cela ne soit pas, puisque être est le bien de chaque chose. Il veut, par conséquent, la non-existence de son action, puisque cet objet arrive à l'être médiatement ou immédiatement par elle. Nous avons, en effet, démontré [ch. 83] que si Dieu veut quelque chose, il veut aussi, par là même, ce qui est nécessaire à l'existence de cette chose. Or, cela est évidemment impossible, si tout arrive à l'être par sa volonté, parce que dans ce cas, l'action qui produit les choses doit être volontaire. Il en est de même s'il est naturellement cause des êtres (1); mais s'il se complaît dans sa nature, il doit avoir aussi pour agréable tout ce que sa nature demande. Donc Dieu n'éprouve de la haine pour aucune nature.
4º Ce qui se trouve naturellement dans toutes les créatures actives se trouve principalement et nécessairement dans le premier agent. Or, tous les agents aiment, chacun en la manière qui lui est propre, leurs productions envisagées comme telles: par exemple, les parents aiment leurs enfants, les poètes leurs compositions et les ouvriers leurs ouvrages. Donc, à plus forte raison, Dieu ne hait aucune chose, puisqu'il est la cause de tout ce qui existe.
Cette doctrine est conforme à celle de l'Écriture…
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(1) C'est-à-dire, si Dieu produit les êtres comme les renfermant éminemment dans son essence, qui est l'Être.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la volonté divine.XCVIDieu ne hait rien.SUITE
Cette doctrine est conforme à celle de l'Écriture, qui dit à Dieu : Vous aimez tout ce qui est, et vous ne haïssez rien de ce que vous avez fait [Sap. XI, 25].
On dit cependant que Dieu hait quelque chose, par ressemblance, et cela peut arriver de deux manières :
D'abord parce que Dieu, en aimant une chose et en voulant l'existence de son bien, veut la non-existence de ce qui est opposé au bien, c'est-à-dire du mal. C'est pourquoi nous disons que Dieu hait ce qui est mauvais, de même que nous disons que nous avons de la haine pour ce que nous voudrions ne pas exister, selon cette parole de Zacharie: Que personne d'entre vous ne pense le mal, contre son ami, dans son cœur. Gardez-vous d'aimer le serment trompeur; car je hais toutes ces choses, dit le Seigneur [Zach. VIII, 17]. Or, ces choses ne sont pas des effets tels que celles qui subsistent, et qui seules sont proprement l'objet de la haine ou de l'amour.
La seconde manière dont Dieu peut concevoir de la haine, c'est lorsqu'il veut un bien plus grand qui ne peut exister sans la privation d'un moindre bien; et l'on dit alors qu'il a de la haine, tandis qu'il serait plus vrai de dire qu'il aime davantage. S'il veut, par exemple, le bien de la justice ou de l'ordre universel, qui demande pour pouvoir exister la punition ou la destruction de certains êtres, on dira que Dieu a de la haine pour les êtres qu'il veut punir ou détruire; et cette manière de s'exprimer revient à celle de Malachie, qui dit : J'ai eu de la haine pour Esaü [Malach., I, 3]; et à ce passage des Psaumes: Vous haïssez tous ceux qui commettent l'iniquité; vous perdrez tous ceux qui profèrent le mensonge. Dieu a en abomination l'homme sanguinaire et trompeur [Ps. V, 7].
De la vie divine…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la vie divine.XCVIIDieu est vivant.
Il faut nécessairement conclure de tout ce qui a été démontré jusqu'ici que Dieu est vivant. En effet :
1º Nous avons prouvé que Dieu est doué d'intelligence et de volonté [44 et 72]. Or, connaître par l'intelligence et vouloir sont des opérations qui n'appartiennent qu'à l'être vivant. Donc Dieu est vivant.
2º On attribue la vie à certains êtres parce qu'ils paraissent mus par eux-mêmes et non par un autre. C'est ce qui nous fait dire, par similitude, que les êtres qui semblent se mouvoir par eux-mêmes et dont les moteurs sont inconnus du vulgaire ont la vie. Telle est, par exemple, l'eau vive d'une source qui coule, et non celle d'une citerne ou d'un marais stagnant; tel encore le vif-argent [mercure], en qui l'on croit voir un certain mouvement. Mais les êtres mus par eux-mêmes sont ceux-là seulement qui se meuvent en eux-mêmes, parce qu'ils sont composés du moteur et du sujet du mouvement, comme sont les êtres animés. C'est pourquoi nous n'attribuons qu'à eux la vie dans le sens propre de ce mot. Tous les autres ont un moteur extérieur qui les engendre, éloigne l'obstacle ou les pousse.
Et parce que les opérations sensibles ne se font pas sans mouvement, il faut reconnaître encore l'existence de la vie dans tout ce qui se porte soi-même à ses opérations propres, bien que ce soit sans mouvement. C'est pourquoi connaître, désirer et sentir sont des actions qui ont la vie pour principe. Or, c'est à Dieu surtout qu'il appartient d'opérer par lui-même et non avec le secours d'un autre, puisqu'il est la première cause agissante. Donc c'est aussi à lui qu'il appartient surtout de vivre.
3º L'être divin comprend toute la perfection de l'existence [ch. 28]. Or, vivre est en quelque sorte une existence parfaite; c'est pour cela que, dans l'ordre des êtres, on préfère ceux qui ont la vie à ceux qui en sont privés. Aussi l'être divin est la vie; donc Dieu est vivant.
Cette vérité s'appuie sur le témoignage des livres saints ; car le Seigneur lui-même nous dit : Je lèverai mu main vers le ciel et je dirai: Je vis éternellement [Deuter. XXXII, 40] ; et dans les Psaumes : Mon cœur et ma chair se sont réjouis dans le Dieu vivant [Ps. LXXXIII, 3].
Chap. XCVIII. Dieu est sa propre vie.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la vie divine.XCVIIIDieu est sa propre vie.
Une autre conséquence à tirer, c'est que Dieu est sa propre vie. En effet :
1º La vie de l'être vivant est le vivre même, pris dans une certaine abstraction, de même que la course, quant à la chose, n'est autre que courir. Or, vivre est l'être de ce qui est vivant, comme on le voit par le Philosophe (1); car si l'on dit que l'animal est vivant parce qu'il est doué d'une âme par laquelle il a un être [esse] d'une forme qui lui est propre, vivre ne peut être autre chose que tel être [esse] provenant de telle forme. Or, Dieu est lui-même son être [ch. 22]. Donc il est aussi son vivre et sa vie.
2º Connaître par l'intelligence, c'est pour lui vivre, en quelque manière, ainsi que l'enseigne Aristote (2); car connaître est un acte de l'être vivant. Or, Dieu est son intelligence en acte [ch. 45]. Donc il est aussi son vivre et sa vie.
3º Si Dieu n'était pas sa vie propre, comme il est vivant [ch. 97], il s'ensuivrait qu'il ne serait vivant qu'en participant à la vie. Or, tout ce qui est par participation doit être rapporté à un être qui est par lui-même. Donc Dieu se rapporterait à un être antérieur à lui et par lequel il vivrait; ce qui est impossible, comme nous l'avons prouvé [ch. 13].
4º Si Dieu est vivant [ch. 97], il doit avoir la vie en lui. Si donc il n'est pas lui-même sa propre vie, il y aura en lui quelque chose qui ne sera pas lui-même ; et par conséquent, il sera composé : conclusion dont nous avons démontré la fausseté [ch. 18]. Donc Dieu est sa vie. Nous lisons en effet en saint Jean : Je suis la vie [Joan. XIV, 6].
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(1), (2) Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
Chap. XCIX. La vie de Dieu est éternelle.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la vie divine.XCIX.La vie de Dieu est éternelle.
Il est évident, d'après cela, que la-vie de Dieu est éternelle. En effet:
1º Aucun être ne cesse de vivre qu'en se séparant de la vie. Or, rien ne peut être séparé de soi-même; car il n'y a séparation que lorsque deux objets sont divisés entre eux. Il est donc impossible que Dieu cesse de vivre, puisqu'il est lui-même sa vie [ch. 98].
2º Tout ce qui existe pendant un temps et n'existe pas pendant un autre temps existe en vertu d'une cause; car rien ne se fait passer soi-même du non-être à l'être, puisque ce qui n'est pas encore ne peut agir. Or, la vie de Dieu ne reconnaît aucune cause, non plus que son être. Donc il n'est pas vivant pendant un temps et privé de vie pendant un autre temps; mais il vit toujours. Donc sa vie est éternelle.
3º Dans toute action, l'agent subsiste le même, bien que l'action puisse être transitoire et successive. Ainsi, dans le mouvement, le mobile reste le même [en tant que mobile], dans toute la durée du mouvement, quelles qu'en soient les variations. Donc, quand l'action se confond avec l'agent lui-même, il n'y a rien de successif ni de transitoire; mais tout subsiste en même temps. Or, en Dieu, l'action de connaître et de vivre, c'est Dieu lui-même [ch. 45 et 98]. Donc la vie de Dieu n'admet pas de succession; mais elle est tout entière en même temps. Donc elle est éternellement la même.
4º Dieu est complètement immuable [ch 13]. Or, l'être dont la vie commence ou finit, ou bien renferme quelque succession, est muable; car sa vie commence par la génération et finit par la corruption, et la succession est le résultat d'un certain mouvement. Donc Dieu n'a pas commencé à vivre, sa vie ne finira pas et elle n'est assujettie à aucune succession. Donc sa vie est éternelle. C'est ce que le Seigneur nous apprend lui-même dans le Deutéronome en disant : Je vis éternellement [Deuter. XXXII, 40]; et nous lisons encore dans la première épître de saint Jean : Celui-ci est le vrai Dieu et la vie éternelle [I Joan. V, 20].
De la béatitude divine...
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la béatitude divine.C.Dieu est heureux.
Après les questions traitées jusqu'ici, il nous reste à prouver que Dieu est heureux. En effet :
1° La béatitude est le bien propre de toute nature intellectuelle. Donc, puisque Dieu est intelligent, son bien propre sera aussi sa béatitude. Il n'y a cependant pas entre lui et son bien propre la relation qui existe entre un être et le bien qu'il ne possède pas encore; car cette relation ne se rencontre que dans une nature muable et qui est en puissance; mais Dieu est comme l'être qui possède actuellement son bien propre. Donc il n'éprouve pas seulement, ainsi que nous, le désir de la béatitude; mais il en a la jouissance. Donc il est heureux.
2º Ce que la nature intellectuelle désire ou veut par-dessus tout, c'est ce qui atteint en elle le plus haut degré de la perfection; et c'est en quoi consiste sa béatitude. Or, ce qui atteint le plus haut degré de la perfection dans chaque être, c'est son opération la plus parfaite; car la puissance et l'aptitude se perfectionnent par l'opération. C'est pourquoi le Philosophe dit que la félicité n'est autre chose qu'une opération parfaite (1).
Or, la perfection d'une opération dépend de quatre choses.
D'abord de son genre ; c'est-à-dire que cette opération doit demeurer dans l'être qui opère. Nous entendons par opération qui demeure dans l'être qui opère celle dont il ne résulte rien autre chose que l'opération elle-même, comme voir et entendre. Les opérations de ce genre perfectionnent les êtres auxquels elles appartiennent, et elles peuvent être extrêmes (2), parce qu'elles ne se rapportent à aucun fait qui soit leur fin. Quant à l'opération ou à l'action qui a pour résultat quelque chose qui est produit et distinct d'elle-même, elle est la perfection, non de celui qui opère, mais de la chose produite, qui est sa fin. C'est ce qui fait qu'une telle opération ne peut être la béatitude ou la félicité d'une nature intellectuelle.
La perfection de l'opération dépend, en second lieu, de son principe, pour appartenir à la puissance la plus élevée. C'est pour cela que la félicité n'est point en nous le produit des sens, mais de l'intelligence perfectionnée par l'habitude (3).
Cette même perfection dépend, en troisième lieu, de l'objet de l'opération. C'est pourquoi la plus grande félicité possible consiste pour nous dans la connaissance de l'être intelligible le plus élevé.
Elle dépend enfin de la forme de l'opération, c'est-à-dire qu'elle doit être faite parfaitement, avec facilité et accompagnée de plaisir.
Telle est l'opération de Dieu; car, d'abord, il est intelligent; son intelligence est la plus haute de toutes les vertus, et elle n'a besoin d'aucune habitude pour devenir parfaite, puisqu'elle l'est en elle-même [ch. 28]. Ensuite, Dieu, qui est le plus élevé des êtres intelligibles, se connaît lui-même parfaitement, sans aucune difficulté et avec le suprême contentement du bonheur. Donc il est heureux.
3° La béatitude apaise toute espèce de désir …
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — [2) C'est-à-dire finales ou terminées dans leur sujet. —)3| Cette proposition : La félicité ne se trouve que dans l'opération de l'intelligence perfectionnée par l'habitude, ne peut être vraie que si on l'entend de la félicité humaine; car notre intelligence étant imparfaite, son opération ne peut se perfectionner que par la répétition des mêmes actes. Pour l'intelligence divine, elle n'a besoin d'aucune habitude pour devenir parfaite, puisqu'elle l'est en elle-même et par elle-même, ou essentiellement, comme saint Thomas le dira bientôt.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Chap. CI. Dieu est sa propre béatitude.De la béatitude divine.C.Dieu est heureux.SUITE
3° La béatitude apaise toute espèce de désir; car, lorsqu'on la possède, il ne reste plus rien à désirer, puisqu'elle est la fin dernière. Celui-là donc doit être heureux qui est parfait quant à tout ce qu'il peut désirer. C'est ce qui fait dire à Boëce que le bonheur est un état parfait, à raison de la réunion de tous les biens (4). Or, telle est la perfection de Dieu, qui renferme toute perfection dans une certaine simplicité [28 et 54]. Donc il est véritablement heureux.
4º Tant qu'un être reste privé de ce qui lui manque, il n'est pas encore heureux, parce que son désir n'est pas encore apaisé. Donc celui qui se suffit à lui-même et ne manque de rien est véritablement heureux. Or, nous avons démontré plus haut [ch. 81] que Dieu n'a pas besoin des autres êtres, puisque sa perfection ne dépend de rien qui lui soit extérieur, et, s'il les veut, ce n'est pas pour lui comme pour une fin et comme lui étant nécessaires, mais parce que cela convient à sa bonté. Donc il est heureux.
5º Nous avons fait voir que Dieu ne peut pas vouloir ce qui est impossible [ch. 84]. Or, il est impossible qu'il survienne en lui quelque chose qu'il n'avait pas auparavant, puisqu'il n'est en puissance sous aucun rapport [ch. 16]. Il a tout ce qu'il veut, et il ne veut rien de mauvais [ch. 95]. Donc il est heureux, dans le sens de ceux qui considèrent comme heureux celui qui a tout ce qu'il veut et qui ne veut aucun mal.
L'Écriture-Sainte affirme que Dieu est heureux; car il est dit dans la première épitre à Timothée: Jésus-Christ que nous montrera en son temps Dieu, qui est heureux et seul puissant [I Tim. VI, 15].
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(4) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Chap. CII. La béatitude divine est très parfaite et surpasse toute autre béatitude.De la béatitude divine.CI.Dieu est sa propre béatitude.
Il est évident maintenant que Dieu est sa propre béatitude. En effet :
1º La béatitude de Dieu consiste dans son opération intellectuelle [ch. 100]. Or, nous avons prouvé que l'intelligence de Dieu en acte est sa substance [ch. 45]. Donc il est lui même sa béatitude.
2º La béatitude étant la fin dernière, elle est ce que tout être doit naturellement avoir, ou ce qu'il veut principalement avoir lorsqu'il la possède. Or, nous avons vu que Dieu veut principalement son essence [ch. 74]. Donc son essence est sa béatitude.
3º Tout ce qu'un être veut, il le veut à raison de sa béatitude; car la béatitude est une chose que l'on ne désire pas à cause d'une autre chose. C'est à elle que se termine le mouvement du désir de celui qui recherche une chose à cause d'une autre ; autrement ce mouvement serait infini. Donc, puisque Dieu veut tous les autres êtres à cause de sa bonté, qui est son essence, comme il est lui-même son essence et sa bonté, il est par conséquent aussi sa propre béatitude.
4º L'existence de deux souverains biens est impossible; car si l'un était privé d'une chose qui fut en la possession de l'autre, aucun d'eux ne serait le souverain bien; et ce qui prouve que la béatitude est le souverain bien, c'est qu'elle est la fin dernière. Donc la béatitude est une même chose avec Dieu. Donc Dieu est sa propre béatitude.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la béatitude divine.CII.La béatitude divine est très parfaite et surpasse toute autre béatitude.
Ce que nous avons dit précédemment suffit pour nous faire comprendre l'excellence de la béatitude divine. En effet :
1° Plus un être est près de la béatitude, et plus il est parfaitement heureux. C'est pourquoi, si l'on regarde comme heureux celui qui a une certaine espérance de parvenir à la béatitude, sa béatitude ne peut cependant pas être comparée à celle de l'être qui la possède déjà actuellement. Or, l'être qui approche le plus de la béatitude, c'est celui qui est la béatitude elle-même, et nous avons prouvé qu'il en est ainsi de Dieu [ch. 101]. Donc sa béatitude a une perfection singulière.
2º La délectation vient de l'amour [ch. 91], et là où l'amour est plus fort, la délectation causée par la possession de l'objet aimé est aussi plus vive. Or, chaque être, toutes choses égales d'ailleurs, s'aime plus lui-même que ce qui n'est pas lui; et la preuve en est que plus un objet s'approche d'un être, et plus il est aimé naturellement. Dieu se délecte donc davantage dans sa béatitude, qui est lui-même, que les autres êtres qui sont heureux ne se délectent dans la leur, qui n'est pas ce qu'ils sont eux-mêmes. Donc le désir de Dieu est plus satisfait et sa béatitude plus parfaite.
3º Ce qui existe en vertu de l'essence d'un être est plus excellent que ce qu'on lui attribue seulement par participation. Par exemple, la nature du feu se trouve d'une manière plus parfaite dans le feu lui-même que dans les objets qu'il consume. Or, Dieu est heureux en vertu de son essence ; ce qu'on ne saurait affirmer d'aucun autre. En effet, rien de ce qui n'est pas lui ne peut être le souverain bien, ainsi qu'on pourrait le prouver par ce que nous avons dit plus haut [ch. 41]; et, par conséquent, partout où se rencontre un être distinct de lui qui est heureux, il ne l'est nécessairement que par participation. Donc la béatitude divine dépasse toute autre béatitude.
4º La parfaite béatitude consiste dans l'opération de l'intelligence…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la béatitude divine.CII.La béatitude divine est très parfaite et surpasse toute autre béatitude.SUITE
4º La parfaite béatitude consiste dans l'opération de l'intelligence [ch. 100] (1). Or, aucune opération intellectuelle ne peut être mise en comparaison avec celle de Dieu, non-seulement parce qu'il est lui-même son opération subsistante, mais encore parce que, par une opération unique, il se connaît parfaitement lui-même tel qu'il est, et, de plus, il connaît tous les autres êtres bons ou mauvais qui sont et ne sont pas encore.
Au contraire, l'opération intellectuelle des autres êtres doués d'intelligence n'est pas quelque chose de subsistant, mais l'acte d'un être qui subsiste. Personne ne connaît Dieu, qui est le plus élevé de tous les êtres intelligibles, aussi parfaitement qu'il est parfait lui-même, puisque aucun être [esse] n'est parfait comme l'être divin, et rien n'est capable d'une opération plus parfaite que sa substance.
Il n'existe pas non plus d'autre intelligence qui connaisse tout ce que Dieu peut faire, parce que, s'il en était ainsi, elle comprendrait l'essence divine. Il faut encore ajouter que tout ce que les autres intelligences connaissent, elles ne le connaissent pas par une seule et unique opération. Donc Dieu est incomparablement plus heureux que tous les autres êtres.
5º Plus un être s'approche de l'unité, et plus sa bonté et sa vertu sont parfaites. Or, l'opération successive se divise entre les différentes parties du temps. Donc sa perfection ne peut se comparer à la perfection de l'opération, qui est tout entière, en même temps et sans aucune succession, surtout si cette dernière ne passe pas avec le moment où elle est faite, mais demeure éternellement. Or, l'opération par laquelle l'intelligence [de] Dieu connaît est exempte de succession; elle est tout entière en même temps et existe éternellement, tandis que notre opération intellectuelle est soumise à la succession, en tant qu'elle se trouve unie par accident à la continuité et au temps. Donc la béatitude divine surpasse infiniment celle de l'homme, de même que la durée de l'éternité dépasse celle du temps qui s'écoule actuellement.
6º La fatigue et les occupations…
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(1) Voyez la note 1 du ch. 100. => Cette note 1 est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la béatitude divine.CII.La béatitude divine est très parfaite et surpasse toute autre béatitude.SUITE
6° La fatigue et les occupations variées qui interrompent nécessairement la contemplation à laquelle nous pouvons nous livrer pendant cette vie, et en quoi consiste principalement la félicité humaine, si elle peut se rencontrer sur la terre; les erreurs, les incertitudes et les accidents divers auxquels la vie présente est assujétie, nous font bien voir qu'il est impossible de comparer la félicité humaine, surtout celle d'ici-bas, à la béatitude divine.
7º Nous pouvons considérer la béatitude divine comme parfaite, parce qu'elle renferme toutes les béatitudes de la manière la plus complète. Pour ce qui est de la félicité qui se trouve dans la contemplation, Dieu se connaît lui-même et il connaît les autres êtres éternellement et très parfaitement. Quant à ce qui concerne la vie active, c'est à lui qu'appartient le gouvernement, non d'un seul homme, d'une famille, d'une ville, d'un empire, mais de tout l'univers, tandis que le faux bonheur dont on jouit sur la terre n'est, pour ainsi dire, qu'un ombre de cette félicité sans bornes.
En effet, la félicité, au sentiment de Boëce, consiste dans cinq choses, qui sont: le plaisir, la richesse, la jouissance, la dignité et la renommée (2). Or, Dieu trouve en lui-même la délectation par excellence, et il goûte un plaisir universel en voyant tous les biens sans mélange contraire. Il est riche parce qu'il renferme en lui-même absolument tous les biens qui lui sont nécessaires [ch. 41]. Sa puissance consiste dans une vertu infinie, et sa dignité en ce qu'il est le premier des êtres et qu'il les gouverne tous. Enfin ce qui lui tient lieu de renommée, c'est l'admiration de toute intelligence qui le connaît, de quelque manière que ce soit.
A Celui donc qui jouit d'un bonheur auquel nul ne peut prétendre, honneur et gloire dans les siècles des siècles !
Ainsi soit-il !
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(2) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
FIN du Livre PREMIER.
A suivre : LIVRE II.
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