Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXIII.Raisons sur lesquelles s’appuient ceux qui refusent à Dieu
la connaissance de chaque chose en particulier.
Troisième raison : L'existence des êtres singuliers n'est pas nécessaire; car ils sont, pour un certain nombre, purement contingents. On ne peut donc en avoir une connaissance certaine que lorsqu'ils existent réellement. En effet, toute connaissance certaine est infaillible. Or, la connaissance du contingent est sujette à l'erreur, puisqu'il s'agit du futur, et qu'il peut très bien arriver le contraire de ce que l'on connaît; car si le contraire était impossible, le contingent deviendrait nécessaire. Nous ne pouvons donc pas avoir des futurs contingents une science véritable, mais seulement une présomption qui repose sur des conjectures. Or, il faut supposer que toute connaissance de Dieu est absolument certaine et complètement infaillible [ch. 61].
D'un autre côté, Dieu ne peut commencer à connaître de nouveau quelque chose, puisqu'il est immuable [ch. 45 in fine, 55 et 56]. D'où il parait résulter qu'il ne connaît pas le singulier contingent.
Quatrième raison...
Dernière édition par Louis le Mar 24 Mai 2022, 6:43 am, édité 1 fois (Raison : Balisage.)
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXIII.Raisons sur lesquelles s’appuient ceux qui refusent à Dieu
la connaissance de chaque chose en particulier.
Quatrième raison: Il est des singuliers qui ont pour cause la volonté. On ne peut connaître l'effet avant qu'il soit produit, si ce n'est dans sa cause; car c'est la seule manière dont il puisse exister avant que d'exister en lui-même. Or, personne ne peut connaître avec certitude les mouvements de la volonté que celui qui veut et qui en est le maître. Il est donc impossible que Dieu ait une connaissance certaine du singulier qui a la volonté pour cause.
Cinquième raison…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXIII.Raisons sur lesquelles s’appuient ceux qui refusent à Dieu
la connaissance de chaque chose en particulier.
La cinquième raison est tirée de l'infinité des singuliers. L'infini, considéré comme tel, est inconnu ; car tout ce qui est connu est en quelque sorte mesuré par les termes de la compréhension du sujet qui connaît. En effet, mesurer est simplement faire que tel objet auquel on applique la mesure soit déterminé. C'est pourquoi l'art, quel qu'il soit, n'admet pas l'infini. Or, les singuliers sont infinis, au moins en puissance. Il semble donc que Dieu ne peut les connaître.
Sixième raison…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXIII.Raisons sur lesquelles s’appuient ceux qui refusent à Dieu
la connaissance de chaque chose en particulier.
La sixième raison repose sur le peu de valeur même des singuliers. De même que l'on apprécie l'excellence d'une science par l'excellence de son objet, de même aussi la vileté de cet objet parait influer sur la vileté de la science. Or, l'intelligence divine est la plus noble de toutes. Donc l'excellence de cette intelligence ne permet pas que Dieu connaisse certains singuliers extrêmement vils.
Septième raison…
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De la connaissance divine.LXIII.Raisons sur lesquelles s’appuient ceux qui refusent à Dieu
la connaissance de chaque chose en particulier.
La septième raison s'appuie sur le vice de quelques singuliers. Puisque l'objet connu est, en quelque manière, dans le sujet qui connaît, et que le mal ne saurait se trouver en Dieu [ch. 39], il semble, qu'on en doit conclure que Dieu ne connaît ni le mal ni la privation, que saisit seule l'intelligence en puissance; car la privation ne peut se trouver que dans la puissance. Il s'ensuit donc que Dieu n'a aucune notion des singuliers qui renferment quelque chose de mauvais ou sont privés de quelque bien.
Chap. LXIV. Ordre qui sera suivi pour les questions relatives à la science de Dieu.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXIV.Ordre qui sera suivi pour les questions relatives à la science de Dieu.
Afin de réfuter cette erreur et de montrer la perfection de la science divine, il est nécessaire de rechercher avec soin la vérité sur chacun des articles qui précèdent, pour écarter tout ce qui lui est opposé.
Nous démontrerons donc que l'intelligence divine connaît :
1º les singuliers;
2º ce qui n'est pas actuellement;
3º les futurs contingents, pour lesquels sa science est infaillible;
4º les mouvements de la volonté;
5º les infinis;
6º les plus vils et les moindres d'entre les êtres ;
7º ce qui est mauvais et toutes les sortes de privations ou de défauts.
Chap. LXV. Dieu connaît les singuliers.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXV.Dieu connaît les singuliers.
Nous avons à prouver d'abord que Dieu ne peut être privé de la connaissance des singuliers (1). En effet :
1° Nous avons établi précédemment que Dieu connaît les êtres distincts de lui en tant qu'il est leur cause [ch. 49]. Or, les choses singulières ne sont que les effets divins subsistants; car Dieu est la cause des choses en ce qu'il les fait exister actuellement Quant aux universaux, ils sont dépourvus de subsistance, mais ils ont leur existence seulement dans les singuliers, ainsi qu'Aristote le prouve dans sa Métaphysique (2). Donc Dieu connaît les choses distinctes de lui, non-seulement d'une connaissance universelle, mais encore d'une manière singulière [ou individuelle].
2º On connaît nécessairement une chose par cela même que l'on connaît les principes qui constituent son essence. Ainsi, étant donnée la connaissance de l'âme raisonnable et de tel corps, on connaît l'homme. Quant à l'essence d'un être singulier, elle est constituée d'une matière déterminée et d'une forme individualisée. Par exemple, l'essence de Socrate se compose de ce corps et de cette âme, et l'essence de l'homme universel, du corps et de l'âme. C'est ce que nous voyons encore au livre de la Métaphysique (3). C'est pourquoi, de même que ces éléments entrent dans la définition de l'homme universel, de même aussi ceux-là devraient être compris dans la définition de Socrate, s'il pouvait être défini (4).
Quiconque donc connaît la matière et ce qui la détermine, ainsi que la forme qui s'individualise en elle, celui-là ne peut manquer de connaître le singulier. Or, la science de Dieu s'étend jusqu'à la matière, aux accidents qui l'individualisent et aux formes qu'elle revêt. En effet, comme connaître pour lui est son essence, il doit connaître tout ce qui est contenu en quelque manière, dans son essence, qui renferme comme dans leur origine première toutes les choses qui ont l'être, à quelque degré que ce soit, puisqu'il est le principe premier et universel de l'existence, et que la matière et l'accident ne sont pas en dehors de ces choses ; car la matière est l'être en puissance, et l'accident l'être qui existe dans un autre. Donc Dieu n'est aucunement privé de la connaissance dos singuliers.
3° On ne connaît la nature du genre qu'autant que l'on connaît aussi…
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(1) Voir la note du chap. 63 => Tous les arguments qui suivent sont extraits des écrits d'Averrhoès et d'Avicenne. — Les singuliers ne signifient autre chose dans ce chapitre que les faits ou êtres individuels. — (2), (3) Ces notes sont libellée en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.— (4) On ne peut définir le singulier ou l'individuel, parce qu'il ne comporte pas le genre et la différence qui entrent nécessairement dans la définition.
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De la connaissance divine.LXV.Dieu connaît les singuliers.SUITE
3° On ne connaît la nature du genre qu'autant que l'on connaît aussi ses différences premières et ses propriétés [ou capacités passives]. Par exemple, on ne connaît pas parfaitement la nature du nombre si l'on ignore qu'il est pair ou impair. Or, l'universel et le singulier sont les différences ou les propres passions de l'être. Si donc Dieu, en connaissant son essence, connaît parfaitement la nature commune de l'être, il doit avoir aussi une science parfaite de l'universel et du singulier. Or, de même qu'il n'aurait pas une science parfaite de l'universel, s'il connaissait seulement la nature universelle, sans connaître aussi un être universel, tel que l'homme ou l'animal; de même aussi il n'aurait pas une science parfaite du singulier, si elle ne comprenait que la raison de la singularité, sans s'étendre à tel ou tel être singulier. Donc Dieu connaît nécessairement les êtres singuliers.
4º Si Dieu est son être même, il est également son intelligence en acte, comme nous l'avons prouvé [ch. 45]. Or, il est nécessaire, par cela seul qu'il est lui-même son être, que toutes les perfections de l'existence se trouvent réunies en lui comme dans la source première de l'existence [ch. 28]. Donc sa connaissance étant la source d'où dérivent les autres, elle doit avoir la perfection propre à toute connaissance. Or, il n'en serait pas ainsi si elle ne comprenait pas la notion des singuliers, notion qui fait toute la perfection de certaines intelligences. Il est donc impossible que Dieu soit privé de la connaissance des singuliers..
5º Lorsque plusieurs facultés sont disposées respectivement dans un certain ordre, la plus élevée embrasse un…
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5º Lorsque plusieurs facultés sont disposées respectivement dans un certain ordre, la plus élevée embrasse un plus grand nombre d'objets, et cependant elle est une. Celle qui lui est inférieure s'étend à un nombre moins considérable, et pourtant elle se multiplie par rapport à chacun d'eux. L'imagination et l'un des sens peuvent nous servir d'exemples. En effet, la seule puissance de l'imagination comprend tous les objets que saisissent les cinq sens, et d'autres encore. Or, la faculté de connaître est plus grande en Dieu que dans l'homme. Donc tout ce que l'homme connaît au moyen de ses diverses facultés ou organes, comme l'intelligence, l'imagination et les sens, Dieu le voit par son intelligence une et simple. Donc il connaît les singuliers que nous saisissons par les sens et l'imagination.
6º L'intelligence divine n'arrive pas, comme la nôtre, à connaître les objets par les objets; mais sa connaissance est plutôt la cause et la mesure ries êtres, ainsi que nous le démontrerons plus loin [liv.II, ch. 24]. Par conséquent, la connaissance qu'il a des créatures est, pour ainsi dire, une connaissance pratique. Or, la connaissance pratique n'est parfaite qu'autant qu'elle s'étend jusqu'aux singuliers; car sa fin est l'opération dont les singuliers sont le terme. Donc la connaissance que Dieu possède des créatures s'étend jusqu'aux singuliers.
7º Le premier mobile reçoit le mouvement d'un moteur, qui l'imprime par le moyen de l'intelligence et d'une…
Dernière édition par Louis le Jeu 22 Sep 2022, 7:15 am, édité 1 fois (Raison : Insertion d'un lien.)
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7º Le premier mobile reçoit le mouvement d'un moteur, qui l'imprime par le moyen de l'intelligence et d'une sorte de désir ou d'appétit [ch. 44]. Or, aucun moteur ne pourrait être cause du mouvement, au moyen de son intelligence, s'il ne connaissait pas le mobile comme susceptible d'être mû quant au lieu, c'est-à-dire en tant qu'il est actuellement dans tel lieu, et par conséquent en ce qu'il est singulier. Donc l'intelligence qui est le moteur ou la cause du premier mobile connaît ce mobile comme singulier. Ou ce moteur est Dieu, et notre proposition est prouvée; ou bien c'est un être inférieur à Dieu, et si son intelligence peut connaître le singulier par sa propre vertu, ce qui est impossible à la nôtre, l'intelligence de Dieu le pourra aussi et à plus forte raison.
8º L'agent est plus noble que le sujet et le résultat de l'action, de même que l'acte est plus noble que la puissance…
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8º L'agent est plus noble que le sujet et le résultat de l'action, de même que l'acte est plus noble que la puissance. Donc la forme, qui occupe un degré inférieur, ne peut, en devenant active, produire sa ressemblance dans un degré plus élevé qu'elle-même, tandis que la forme supérieure peut, par son action, produire sa ressemblance dans un degré inférieur. Par exemple, parmi les formes inférieures corruptibles, il y en a qui sont produites par les vertus incorruptibles des astres. Mais une vertu corruptible ne peut produire une forme incorruptible.
Or, toute connaissance est le résultat de l'assimilation du sujet de la connaissance et de l'objet. Il y a cependant cette distinction à faire, que l'assimilation vient dans la connaissance humaine de l'action qu'exercent sur les facultés intellectuelles les objets sensibles, tandis qu'elle se fait, au contraire, dans la connaissance divine, parce que la forme de l'intelligence divine agit sur les objets connus. Donc, comme la forme de l'objet sensible s'individualise par sa matérialité, elle ne peut engendrer la ressemblance de sa singularité, de telle sorte qu'elle soit complètement immatérielle; mais elle arrive seulement jusqu'aux facultés qui empruntent le secours des organes matériels.
Pour ce qui regarde l'intelligence, elle se fait par la vertu de cette intelligence, qui agit en tant qu'elle est totalement affranchie de la matière; et ainsi la ressemblance de la singularité de la forme sensible ne peut parvenir jusqu'à l'intelligence humaine. Mais la ressemblance de la forme de l'intelligence divine s'étendant jusqu'aux moindres des êtres que sa causalité atteint, elle parvient aussi à la singularité de la forme sensible et matérielle. Donc l'intelligence divine peut connaître les singuliers, ce qui est impossible à l'intelligence humaine.
9º La…
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9º La négation de cette proposition amènerait cette conséquence qu'Aristote oppose à Empédocle, pour réfuter sa doctrine, savoir que Dieu serait le plus ignorant des êtres [capables de science], s'il ignorait les singuliers; que les hommes eux-mêmes connaissent (1).
La vérité que nous venons de démontrer repose sur l'autorité de la Sainte-Écriture, qui s'exprime en ces termes : Aucune créature n'est invisible à ses yeux [Hébr. IV, 13]; et l'Ecclésiastique repousse l'erreur contraire par ces paroles : Ne dites pas : Je me cacherai aux regards de Dieu, et qui se souviendra de moi dans les hauteurs qu'il habite [Eccl. XVI,16]?
Les raisons que nous avons données prouvent bien que l'objection qui a été rapportée ne conclut pas légitimement; car, bien que le milieu dans lequel l'intelligence divine connaît soit immatériel, il est cependant la ressemblance de la matière et de la forme, de même qu'il est le principe productif de toutes les deux.
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
Chap. LXVI. Dieu connaît ce qui n’est pas.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXVI.Dieu connaît ce qui n’est pas.
Nous avons à établir, en second lieu, que Dieu connaît même ce qui n'est pas. En effet :
1º D'après ce que nous avons dit précédemment [ch. 61], la science divine est aux choses qui en sont l'objet comme les choses que notre science peut atteindre sont à cette science (1). Or, l'objet que peut atteindre notre science a toujours la faculté d'être connu, indépendamment de la connaissance que nous en avons; mais la réciproque ne serait pas exacte. Donc la science de Dieu doit être, par rapport aux êtres distincts de lui, telle qu'elle s'étende même à ce qui n'est pas.
2º La connaissance de l'intelligence divine est, par rapport aux créatures, comme la connaissance de l'artisan relativement aux produits de son art, puisque Dieu est la cause des êtres par sa science. Or, l'artisan connaît, en vertu de la connaissance qu'il possède de son art, même les œuvres qu'il n'a pas encore exécutées; car les formes de l'art passent de sa science dans la matière extérieure pour la création de l'ouvrage. C'est pourquoi rien ne s'oppose à ce que la science de l'ouvrier comprenne même les formes qui ne sont pas encore réalisées extérieurement. Donc rien n'empêche également que Dieu connaisse ce qui n'est pas.
3º Dieu connaît par son essence les êtres distincts de lui, en tant qu'il est la ressemblance de ce qui procède de lui [ch. 54]. Or, comme la perfection de l'essence divine est infinie [ch. 45], et que l'être et la perfection des créatures sont limités, l'universalité des créatures ne peut égaler la perfection de l'essence divine. Donc la faculté qu'elle possède de se rendre présentes les choses s'étend à un nombre d'êtres beaucoup plus considérable que celui réellement existant. Donc, si Dieu connaît d'une manière complète sa vertu et la perfection de son essence, sa connaissance s'étend non-seulement à ce qui est, mais encore à ce qui n'est pas.
4º Notre intelligence, en vertu de l'opération qui lui découvre la quiddité ou l'essence d'une chose, peut connaître…
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(1) C’est-à-dire que la science divine est cause des êtres que Dieu connaît, tandis que les objets que nous connaissons sont la cause de notre science.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXVI.Dieu connaît ce qui n’est pas.SUITE
4º Notre intelligence, en vertu de l'opération qui lui découvre la quiddité ou l'essence d'une chose, peut connaître même ce qui n'est pas actuellement. Par exemple, elle peut comprendre l'essence du cheval ou du lion, lors même que ces animaux auraient cessé d'exister jusqu'au dernier. Or, l'intelligence divine, de même que celle qui sait de quoi se compose l'essence, connaît non-seulement les définitions, mais encore tout ce que l'on peut énoncer [ch. 59]. Donc elle peut avoir aussi la science de ce qui n'est pas.
5º On peut connaître un effet dans sa cause, même avant qu'il soit produit. Ainsi, l'astronome découvre qu'une éclipse aura lieu en observant les mouvements des corps célestes. Or, Dieu, connaît toutes choses par leur cause; car en se connaissant lui-même comme la cause de tout ce qui existe, il voit aussi les autres êtres comme ses effets [ch. 49]. Donc il n'est pas impossible qu'il connaisse ce qui n'est pas encore.
6º Il n'y a pas plus de succession dans la connaissance de Dieu que dans son être même …
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De la connaissance divine.LXVI.Dieu connaît ce qui n’est pas.SUITE
6º Il n'y a pas plus de succession dans la connaissance de Dieu que dans son être même. Il demeure donc tout entier, toujours et en même temps; et c'est en cela que consiste son éternité, tandis que la durée du temps n'est autre chose que la succession du moment qui précède et de celui qui suit. L'éternité est donc à toute la durée du temps dans la même proportion que l'indivisible au continu. Il ne s'agit pas de cet indivisible qui est le terme du continu sans se trouver avec chacune de ses parties, tel qu'est un seul moment du temps, mais de l'indivisible qui existe en dehors du continu et coexiste avec chacune de ses parties. Tel est le point par rapport à tel ou tel continu. En effet, comme le temps ne s'étend pas au-delà du mouvement, l'éternité, qui est en dehors de tout mouvement, n'a rien de commun avec le temps; et parce que l'être de ce qui est éternel ne finit jamais, l'éternité est présente à toute durée temporelle ou à chaque instant du temps.
Le cercle peut nous servir d'exemple. Le point qui entre dans la circonférence, quoiqu'il soit indivisible, ne coexiste pas en même temps avec les autres points par sa position; car la continuité de la circonférence résulte de l'ordre des positions, tandis que le centre, qui ne fait pas partie de la circonférence, est directement opposé à tous les points qui la composent.
Donc tout ce qui existe dans chaque partie du temps coexiste avec ce qui est éternel, et lui est, pour ainsi dire, présent, quoique passé au futur relativement à une autre fraction du temps. Or, rien ne peut coexister comme présent avec l'éternité, à moins qu'elle ne soit prise dans son entier, puisqu'elle n'a pas de durée successive. Donc l'intelligence divine voit dans son éternité comme présent tout ce qui se fait pendant la durée entière du temps; et cependant ce qui arrive dans une fraction du temps n'a pas toujours existé. Donc Dieu connaît ce qui, selon le cours du temps, n'est pas encore arrivé.
Il est clair, d'après ces raisons, que la science de Dieu comprend même ce qui n'existe pas …
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Chap. LXVII. Dieu connaît, parmi les singuliers, les futurs contingents.De la connaissance divine.LXVI.Dieu connaît ce qui n’est pas.SUITE
Il est clair, d'après ces raisons, que la science de Dieu comprend même ce qui n'existe pas. Cependant sa science ne saisit pas sous le même rapport tout ce qui n'est pas; car Dieu connaît seulement comme possible, en vertu de sa puissance, ce qui n'existe pas dans le présent, n'a pas été dans le passé, et ne doit pas être dans l'avenir. Il ne voit donc pas ces choses comme existant en elles-mêmes de quelque manière, mais comme existant seulement dans la puissance divine. C'est ce qui fait dire à quelques auteurs que Dieu ne les connaît que d'une science de simple intelligence.
Quant aux choses qui sont présentes, passées ou futures par rapport à nous, Dieu les voit dans sa puissance, dans leurs propres causes et en elles-mêmes, et cette connaissance s'appelle science de vision.
En effet, Dieu ne voit pas seulement l'être qu'ont dans leurs causes les créatures qui ne sont pas encore pour nous, mais encore celui qu'elles ont en elles-mêmes, parce que son éternité est présente, en vertu de son indivisibilité, à toute la durée du temps. Et cependant Dieu connaît l'être de chaque chose au moyen de son essence; car cette essence peut être représentée par beaucoup d'êtres qui ne sont pas, ne seront pas dans l'avenir et n'ont jamais été. Elle est comme la forme première de la vertu de chaque cause, puisque c'est par elle que les effets préexistent dans leurs causes; et l'être que toute chose possède en elle-même provient de cette essence, qui en est comme le type. Donc Dieu connaît les choses qui ne sont pas, en ce qu'elles ont l'être de quelque manière, soit dans sa puissance, soit dans leurs causes, soit en elles-mêmes; ce qui ne répugne pas à la nature de la science.
Aux raisons que nous venons d'apporter, nous pouvons ajouter encore l'autorité de la Sainte-Écriture. Nous y lisons ces paroles: Dieu connaît tous les êtres avant qu'il soient créés, et les voit lorsqu'ils sont formés [Eccl. XXIII, 29]. Je t'ai connu avant de t'avoir formé dans le sein de ta mère [Jérém. I, 5].
Il est donc clair que rien ne nous oblige à dire, comme l'ont fait quelques-uns, que Dieu connaît les singuliers d'une manière générale, parce qu'il les connaît seulement dans leurs causes universelles, comme celui qui connaîtrait une éclipse, non comme telle éclipse déterminée, mais seulement comme un phénomène qui résulte de l'opposition de certains astres; car nous avons démontré [ch. 55] que la science divine comprend les singuliers, tels qu'ils sont en eux-mêmes.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXVII.Dieu connaît, parmi les singuliers, les futurs contingents.
Ce qui précède prouve déjà, en partie, que Dieu connaît infailliblement, de toute éternité, les contingents singuliers, sans que pour cela ils cessent d'être contingents. En effet :
1º Le contingent n'empêche la certitude de la connaissance que s'il est futur, et non s'il est présent; car, en tant que futur, il peut n'être pas; et par conséquent la connaissance de celui qui estime qu'il sera un jour peut-être fausse, puisqu'il se trompera si ce qu'il pense devoir arriver n'arrive pas. Au contraire, parce qu'une chose est présente, il est impossible qu'elle ne soit pas dans le moment actuel. Cependant, elle peut n'être pas dans l'avenir ; mais cela ne regarde le contingent que comme futur, et non comme présent. C'est pourquoi il ne manque rien à la certitude du témoignage du sens, lorsqu'une personne en voit courir une autre, quoique cette action soit contingente. Donc toute connaissance qui a pour objet le contingent, en tant que présent, peut être certaine. Or, l'intelligence divine voit de toute éternité, comme présente, chacune des choses qui se passent dans le cours du temps, ainsi que nous l'avons établi [ch. 66]. Donc rien ne s'oppose à ce que Dieu connaisse, dès l'éternité, les contingents, d'une connaissance infaillible.
2º Le contingent et le nécessaire diffèrent par la manière dont chacun d'eux est renfermé dans sa cause; car le contingent est dans sa cause de telle sorte qu'il peut en sortir pour exister ou y rester, tandis qu'il est impossible que le nécessaire ne soit pas produit par sa cause. Mais en tant qu'ils sont tous deux en eux-mêmes, il n'y a entre eux aucune différence quant à l'être qui est le fondement du vrai, parce qu'il n'y a pas dans le contingent, considéré comme étant en lui-même, l'être et le non-être, mais l'être seul, quoique le contingent puisse n'être pas dans l'avenir. Or, l'intelligence divine connaît éternellement les choses, non-seulement quant à l'être qu'elles ont dans leurs causes, mais encore quant à l'être qu'elles ont en elles-mêmes. Donc il ne répugne pas de dire que Dieu connaît éternellement les contingents d'une manière infaillible.
3º La cause nécessaire produit certainement son effet. Il en est de même de la cause contingente complète…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la connaissance divine.LXVII.Dieu connaît, parmi les singuliers, les futurs contingents.SUITE
3º La cause nécessaire produit certainement son effet. Il en est de même de la cause contingente complète, si elle ne rencontre point d'obstacle. Or, puisque Dieu connaît tout [ch. 50], sa science ne comprend pas seulement les causes des contingents; mais elle s'étend encore aux obstacles qui peuvent les empêcher d'agir. Donc Dieu sait avec certitude si les contingents sont ou ne sont pas.
4º L'effet ne dépasse jamais la perfection de la cause; mais il reste quelquefois en deçà. C'est pourquoi; comme la connaissance est produite en nous par les objets, nous avons quelquefois, de ce qui est nécessaire, une connaissance qui n'a elle-même aucune nécessité, mais une simple probabilité. Or, si les objets sont pour nous la cause de la connaissance que nous en avons la connaissance divine est, au contraire, la cause des êtres, qu'elle comprend. Donc on peut dire que Dieu connaît nécessairement ce qui est contingent en soi.
5º La nécessité répugne dans l'effet dont la cause est contingente; car un effet peut avoir une cause éloignée, et il y a pour le dernier effet une cause prochaine et une cause éloignée. Si donc la cause prochaine est contingente, son effet devra être aussi contingent, bien que la cause éloignée soit nécessaire. Par exemple, quoique le mouvement du soleil soit nécessaire, les plantes ne portent pas nécessairement des fruits, et cela vient des causes intermédiaires contingentes. Or, quoique la science de Dieu soit la cause des choses qu'elle connaît, elle est cependant leur cause éloignée. Donc la contingence des objets connus ne répugne pas à la nécessité de la science, puisqu'il se trouve qu'il y a des causes intermédiaires contingentes.
6º La science de Dieu ne serait ni vraie ni parfaite si les choses n'arrivaient pas conformément à la connaissance…
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De la connaissance divine.LXVII.Dieu connaît, parmi les singuliers, les futurs contingents..SUITE
6º La science de Dieu ne serait ni vraie ni parfaite si les choses n'arrivaient pas conformément à la connaissance qu'il en a. Or, comme Dieu connaît tout l'être dont il est le principe, il connaît chaque effet, non-seulement en lui-même, mais encore relativement à chacune de ses causes prochaines. La relation qui existe entre les effets et leurs causes prochaines, c'est qu'ils résultent d'une manière contingente de ces causes. Dieu connaît donc que quelque chose arrive, et que cela arrive d'une manière contingente. Donc la certitude et la vérité de la science divine ne détruisent pas la contingence des êtres.
Nous voyons maintenant comment on peut réfuter l'objection qui prétend que la connaissance des contingents répugne en Dieu. — En effet, les changements qui surviennent dans les êtres, qui existent postérieurement à d'autres, ne font subir aucune variation à ceux qui les ont précédés, puisqu'il arrive que les premières causes nécessaires produisent des effets éloignés qui sont contingents. Il n'en est pas de même pour Dieu que pour nous. Les choses qu'il connaît ne sont pas antérieures à sa science, mais viennent après elle. Il ne résulte donc pas de ce que l'objet de la science divine peut varier [,] que cette science puisse être fausse ou variable sous quelque rapport que ce soit. Une telle conséquence est donc erronée. Mais, parce que la connaissance que nous avons de ce qui est variable est variable elle-même, il nous semble que toute connaissance doit être nécessairement soumise à la même loi.
Lorsque nous disons : Dieu connaît, ou Dieu a connu tel futur, nous supposons un certain milieu entre la science…
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De la connaissance divine.LXVII.Dieu connaît, parmi les singuliers, les futurs contingents.SUITE
Lorsque nous disons : Dieu connaît, ou Dieu a connu tel futur, nous supposons un certain milieu entre la science divine et l'objet qu'elle connaît. Ce milieu est le temps de la parole; et ce que l'on représente comme connu par Dieu est futur relativement à ce temps, mais non à la science divine qui, existant dans un seul instant, qui est l'éternité, est présente à tout. Si, par rapport à cette science, on fait abstraction du temps pendant lequel on parle, on ne peut plus dire que tel être est connu comme n'existant pas, et il n'y a pas lieu à demander s'il peut ne pas exister; mais on affirmerait que Dieu le connaît, comme le voyant dans son essence; ce qui ne permet pas de poser la question qui précède, parce qu'il est impossible que ce qui est n'existe pas dans le moment présent. Si donc nous nous trompons, cela vient de ce que le temps où nous parlons coexiste avec l'éternité; et cela est vrai même du temps passé, que nous désignons en disant que Dieu a connu. C'est ce qui nous fait juger de l'éternité comme du temps passé ou présent par rapport au futur, et de là vient l'erreur quant à l'accident.
Si Dieu connaît chaque chose, en ce sens que tout lui est présent, ce qu'il connaît sera nécessaire. Par exemple, il est nécessaire que Socrate s'assied parce qu'on le voit s'asseoir. Il n'y a pas ici de nécessité absolue ou, comme quelques-uns le prétendent, de nécessité de [conséquent]; mais il faut admettre une condition ou une simple nécessité de conséquence. Ainsi, cette conditionnelle est nécessaire : Si on le voit assis, il est assis. Si donc on change la proposition conditionnelle en catégorique, en disant : Ce que l'on voit s'asseoir s'assied nécessairement, il est clair qu'en l'appliquant au sujet en question et la prenant dans le sens composé, elle est vraie; mais elle est fausse dans le cas où on l'entendrait de la chose et dans le sens divisé. C'est pourquoi ceux qui s'appuient sur les raisons que nous avons rapportées et sur d'autres semblables, pour nous prouver que la science de Dieu ne s'étend pas aux contingents, tombent dans une erreur qui a sa source dans la composition et la division (1).
La doctrine que nous venons de défendre est conforme à l'Écriture-Sainte. Il est dit de la sagesse divine : Elle connaît, avant qu'ils arrivent , les signes et les prodiges, ainsi que les événements qui remplissent le temps et les siècles [Sap. VIII, 8]. Rien n'est caché à ses yeux; il voit depuis les siècles et jusque dans les siècles [Eccl. XXXIX, 24, 25]. Je vous ai prédit cela d''avance; je vous ai fait connaître ces événements avant qu'ils arrivassent [Isai. XLVIII, 5].
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(1) Voyez la note 2 du ch. 59, p. 193. => (2) Par composition et division, il faut entendre le sens composé et le sens divisé. Le sens d'une proposition est composé quand elle affirme une chose sans condition, c'est-à-dire quand elle unit le sujet et l'attribut absolument. Il est divisé lorsque cette proposition indique au moyen d'un adverbe la manière dont s'accordent ensemble les deux extrêmes qui sont le sujet et l'attribut. De là cette distinction dont l'usage est si fréquent: Cette proposition est vraie dans le sens divisé, elle est fausse dans le sens composé.
Chap. LXVIII. Dieu connaît les mouvements de la volonté.
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De la connaissance divine.LXVIII.Dieu connaît les mouvements de la volonté.
Nous avons maintenant à démontrer que Dieu connaît les pensées de l'esprit et sonde les désirs du cœur, et cela en sa qualité de cause première, puisqu'il est lui-même le principe universel de l'existence. En effet :
1º Parce que Dieu connaît son essence, il connaît aussi tout ce qui existe, de quelque manière que ce soit [ch. 49]. Or, il y a un certain être dans l'âme, et un autre dans ce qui existe en dehors de l'âme. Donc Dieu en connaît toutes les différences et ce qu'elles comprennent. Or, c'est un être existant dans l'âme que ce qui est dans la volonté ou dans la pensée. Donc Dieu connaît ce qui est dans la pensée et dans la volonté.
2º Dieu connaît les créatures en vertu de la connaissance qu'il a de son essence, de même que la connaissance de la cause fait connaître l'effet. Donc, en connaissant son essence, Dieu connaît tous les êtres auxquels s'étend sa causalité. Or, elle s'étend aux opérations de l'intelligence et de la volonté. En effet, chaque chose agissant en vertu de la forme qui lui est propre et qui détermine sa manière d'être, le principe et la source de tout l'être, d'où découle également toute forme, doit nécessairement être aussi le principe de toute opération, puisque les effets produits par les causes secondes remontent jusqu'aux premières. Donc Dieu connaît toutes les pensées et les affections de l'âme.
3° L'être de Dieu étant le premier et, par conséquent, la cause de tous les autres, son opération intellectuelle doit être aussi la première et, par conséquent, la cause de toutes les autres. De même donc que, par la connaissance qu'il a de son être, ou par l'acte de son intelligence, Dieu connaît l'être de chaque chose, ainsi, en connaissant son intelligence et sa volonté il connaît également toutes les pensées et toutes les déterminations.
4º Dieu connaît les choses, non-seulement en ce qu'elles sont en elles-mêmes, mais encore en …
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De la connaissance divine.LXVIII.Dieu connaît les mouvements de la volonté.SUITE
4º Dieu connaît les choses, non-seulement en ce qu'elles sont en elles-mêmes, mais encore en ce qu'elles sont dans leurs causes [ch. 66]; car il sait quelle est la relation de la cause et de son effet. Or, les ouvrages d'art sont dans les ouvriers, par le moyen de leur intelligence et de leur volonté, comme les choses naturelles sont dans leurs causes à raison de la vertu propre à ces causes. Car, de même que les choses naturelles s'assimilent leurs effets par leurs vertus actives, ainsi l'ouvrier crée, par son intelligence, la forme qui assimile l'ouvrage à son art; et il en est de même de tout ce qui se fait d'après un dessein prémédité. Donc Dieu connaît les pensées et les volontés.
5º Dieu ne connaît pas moins les substances intellectuelles que les substances qui tombent sous les sens et que nous connaissons nous-mêmes, puisque les substances intellectuelles sont plus susceptibles d'être connues, parce qu'elles sont davantage en acte. Or, Dieu connaît, et nous connaissons aussi les modifications et les inclinations des substances sensibles. Donc, puisque les pensées de l'âme sont le résultat d'une certaine modification qu'elle subit, et qu'une affection est en quelque sorte pour elle une inclination qui la porte vers un objet [car nous donnons à l'inclination naturelle le nom d'appétit naturel], Dieu doit connaître les pensées et les affections du cœur.
Cette doctrine s'appuie sur l'autorité des saints livres, qui parlent ainsi : Dieu sonde les cœurs et les reins [Ps. VII, 10]. L'enfer et la perdition sont devant le Seigneur; combien plus les cœurs des enfants des hommes [Prov. XV, 11]. Il n'était pas nécessaire que personne lui rendit témoignage touchant un homme; car il savait ce qui est dans l'homme [Joan. II, 25].
Le domaine que la volonté a sur ses actes et qui lui donne le pouvoir de vouloir ou de ne vouloir pas, exclut la détermination d'une puissance à une seule chose et la coaction de la cause qui agit extérieurement. Cependant, il n'exclut pas l'influence de la cause supérieure, de qui elle a reçu l'être et la faculté d'agir. Ainsi demeure toujours la causalité dans la cause première, qui est Dieu, par rapport aux mouvements de la volonté ; et par conséquent, Dieu peut connaître ces opérations en se connaissant lui-même.
Chap. LXIX. Dieu connaît les infinis.
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De la connaissance divine.LXIX.Dieu connaît les infinis.
L'ordre des questions nous amène à prouver que Dieu connaît les infinis. En effet :
1º Dieu, en se connaissant comme cause de toute chose, connaît des êtres distincts de lui [ch. 49]. Or, il est la cause des infinis, s'il y a des êtres infinis, puisqu'il est la cause de tout ce qui existe. Donc il peut connaître les infinis.
2º Dieu connaît parfaitement sa puissance [47 et 49]. Et une puissance ne peut être parfaitement connue si l'on ne connaît aussi tous les objets qu'elle peut atteindre, puisque c'est par eux qu'on peut en apprécier l'étendue. Or, la puissance de Dieu étant infinie, elle s'étend jusqu'aux infinis [ch. 43]. Donc Dieu connaît les infinis.
3º Si la science de Dieu s'étend à tout ce qui existe de quelque manière que ce soit [ch. 66], il doit connaître non-seulement l'être en acte, mais encore l'être en puissance. Or, l'infini est dans les choses naturelles en puissance, quoiqu'il ne s'y trouve pas en acte, ainsi que le démontre le Philosophe (1). Donc Dieu connaît les infinis, de même que l'unité, principe du nombre, connaîtrait les espaces infinies des nombres, si elle connaissait tout ce qui est en elle à l'état de puissance; car l'unité est tout nombre en puissance.
4º Dieu connaît par son essence et comme dans un type moyen les êtres distincts de lui…
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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4º Dieu connaît par son essence et comme dans un type moyen les êtres distincts de lui. Or, sa perfection étant infinie [ch. 43], il peut se faire qu'il forme sur ce type des infinis qui auront des perfections infimes, parce que ni l'un d'eux ni plusieurs réunis ne peuvent égaler la perfection du type, et par conséquent, il sera toujours possible qu'un être formé sur ce modèle l'imite d'une manière nouvelle. Donc rien ne s'oppose a ce que Dieu connaisse les infinis par son essence (2).
5º L'être de Dieu est son opération intellectuelle. Si donc son être est infini [ch. 43], son opération intellectuelle est également infinie. Or, il y a la même proportion entre l'infini et l'infini qu'entre le fini et le fini. Donc, puisque notre opération intellectuelle, qui est finie, peut saisir le fini, celle de Dieu, qui est infinie, pourra comprendre l'infini.
6º L'intelligence, qui connaît le plus grand des êtres intelligibles, ne connaît pas moins complètement, mais plutôt dans un degré plus parfait, ceux qui sont moindres, comme l'enseigne Aristote (3). Et cela vient de ce que l'excellence de l'intelligible n'altère pas l'intelligence, mais au contraire la perfectionne. Mais si l'on prend des êtres infinis, soit de la même espèce, par exemple, des hommes infinis; soit d'espèces infinies, lors même que plusieurs d'entre eux ou même tous, sans exception, seraient infinis sous le rapport de la quantité, si cela était possible, l'infinité de leur universalité serait moindre que celle de Dieu. En effet, chacun d'eux et tous ensemble auraient un être reçu et limité à telle espèce ou à tel genre. Ainsi, il serait fini à un certain point de vue, et par conséquent, il s'éloignerait de l'infinité de Dieu, qui est simplement infini [ch. 43]. Donc, puisque Dieu se connaît parfaitement lui-même, il n'y a aucune répugnance à ce qu'il connaisse aussi la somme des infinis.
7º L'intelligence découvre d'autant plus de choses au moyen…
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(2) Il faut entendre, par les infinis, dont il est ici question, des êtres dont le nombre peut se multiplier sans connaître de bornes réelles, parce que la puissance de Dieu ne saurait être limitée. Leurs perfections infinies sont également des perfections qui sont toujours susceptibles de s'accroître, sans jamais égaler la perfection de Dieu. — (3) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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7º L'intelligence découvre d'autant plus de choses au moyen d'une seule, qu'elle connaît avec plus de puissance et de clarté. Il en est de même de toute vertu, qui approche de l'unité à proportion de sa force, Or, l'intelligence divine est infinie en puissance ou en perfection [ch. 43]. Donc elle peut connaître les infinis au moyen d'une seule chose, qui est son essence.
8º L'intelligence divine est simplement parfaite, de même que son essence. Donc aucune des perfections de l'intelligible ne peut lui faire défaut. Or, l'objet pour lequel notre intelligence est en puissance est sa perfection intelligible, et elle est en puissance relativement à toutes les espèces intelligibles qui sont infinies; car les espèces des nombres et des figures sont elles-mêmes infinies. Donc Dieu connaît tous les infinis.
9º Comme notre intelligence a la faculté de connaître les infinis en puissance (car elle peut multiplier à l'infini les espèces des nombres), si l'intelligence divine ne connaissait pas les infinis même actuels, il en résulterait, ou que l'intelligence humaine pourrait connaître plus de choses que l'intelligence divine, ou que l'intelligence divine ne connaîtrait pas en acte tout ce qu'elle peut connaître en puissance: deux conséquences qui sont également impossibles [55 et 56].
10° L'infini répugne à être connu, en ce qu'il répugne à être soumis à une énumération…
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