Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’infinité de Dieu.XLIII.Dieu est infini.SUITEEn effet :
1º Tout ce qui est fini quant à sa nature appartient à un certain genre. Or, Dieu n'est en aucun genre [ch. 25]; mais sa perfection renferme les perfections de tous les genres [ch. 28]. Donc il est infini.
2º Tout acte inhérent à un être est terminé par l'être dans lequel il se trouve; car ce qui est dans un être y est suivant le mode du sujet. Donc l'acte qui n'est dans aucun être n'est terminé d'aucune manière. Si la blancheur, par exemple, existait par elle-même, sa perfection ne se tenonnerait en elle qu'autant qu'elle aurait tout ce qu'on peut posséder de la perfection de la blancheur. Or, Dieu est un acte qui n'existe en aucune façon dans un autre, parce qu'il n'est pas une forme attachée à la matière [ch. 26 et 27], Son être n'est pas non plus inhérent à une certaine forme ou à une certaine nature, puisqu'il est à lui-même son être [ch. 21]. Il faut donc conclure qu'il est infini.
3º On trouve parmi les êtres quelque chose seulement à l'état de puissance, comme la matière première; quelque chose à l'état d'acte pur, c'est-à-dire Dieu [ch. 6] ; enfin quelque chose qui est tout à la fois en acte et en puissance : tels sont tous les autres êtres. Or, comme la puissance n'est ainsi dénommée que relativement à l'acte, elle ne peut pas excéder cet acte, ni appliquée à chacun des êtres, ni simplement par elle-même. Si donc la matière première est infinie en tant que potentielle, Dieu, qui est un acte pur, est aussi infini dans son actualité.
4º Un acte est d'autant plus parfait qu'il est moins mélangé de puissance…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’infinité de Dieu.XLIII.Dieu est infini.SUITE
4º Un acte est d'autant plus parfait qu'il est moins mélangé de puissance. C'est pourquoi tout acte mélangé de puissance est limité quant à sa perfection. Celui, au contraire, dans lequel ou ne rencontre aucune espèce de puissance, possède une perfection sans bornes. Or, Dieu est un acte pur, qui n'admet pas de puissance [ch. 16]. Donc il est infini.
5º L'être lui-même, considéré absolument, est infini; car il peut se communiquer à l'infini et d'une infinité de manières. Si donc l'être d'une chose est fini, il est nécessairement limité par une autre chose, qui est en quelque manière sa cause ou son sujet. Or, l'être divin ne peut reconnaître aucune espèce de cause. Il n'existe pas non plus de sujet de cet être, puisque Dieu est à lui-même son être. Donc son être est infini, et par conséquent, il est infini lui-même.
6º Tout être qui possède quelque perfection est d'autant plus parfait qu'il participe à cette perfection d'une manière plus complète. Or, il ne peut se trouver, on ne saurait même imaginer qu'une perfection soit possédée plus complètement que par celui qui est parfait en vertu de son essence, et dont l'être n'est pas différent de sa bonté ; et cet être est Dieu. Donc on ne peut concevoir un être meilleur ni plus parfait que Dieu. Donc il est infini dans sa bonté.
7º Notre intelligence s'étend jusqu'à l'infini…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’infinité de Dieu.XLIII.Dieu est infini.SUITE
7º Notre intelligence s'étend jusqu'à l'infini (4) dans ses conceptions. Nous en avons une preuve en ce que, étant donnée une quantité finie, quelle qu'elle soit, elle peut en concevoir une plus grande. Ce rapport de notre intelligence avec l'infini serait vain s'il n'existait rien d'intelligible qui fût infini. Il est donc nécessaire qu'il y ait un être intelligible infini, et celui-là doit être le plus grand de tous. Or, cet être, nous l'appelons Dieu. Donc Dieu est infini.
8º L'effet ne peut avoir plus d'étendue que sa cause. Or, notre intelligence ne peut venir que de Dieu, cause première de tous les êtres. Donc elle ne peut rien concevoir qui soit plus grand que Dieu. Si donc elle peut concevoir un être plus grand que tout être fini, il en faut conclure que Dieu est infini.
9º L'essence finie ne peut recevoir en elle une vertu infinie; car chacun des êtres agit suivant sa forme, qui est ou son essence ou une partie de cette essence. Or, la vertu désigne le principe de l'action ; et Dieu n'a pas une vertu active finie, puisqu'il meut pendant une durée infinie; ce qui n'appartient qu'à une vertu également infinie, comme nous l'avons démontré [ch. 20]. Donc l'essence de Dieu est infinie (5).
Cet argument est pris dans le sentiment de ceux qui admettent l'éternité du monde. En la rejetant, on ne fait que confirmer davantage l'opinion qui regarde la vertu divine comme infinie. En effet, un agent fait paraître d'autant plus de force dans son action que la puissance qu'il détermine à l'acte en est plus éloignée. Par exemple, il est besoin d'une vertu plus grande pour échauffer l'eau que l'air. Or ce qui n'existe d'aucune façon est infiniment éloigné de l'acte et, dans un certain sens, n'est pas même une puissance. Si donc le monde a été créé après ne l'avoir absolument pas été, la force du créateur est nécessairement infinie.
La même raison sert aussi à prouver cette vérité à ceux qui croient à l'éternité du monde. Ils conviennent, en effet, que Dieu est la cause de la substance du monde, quoiqu'ils la considèrent comme ayant toujours été. Ils expliquent leur pensée en disant que Dieu éternel est la cause du monde, qui a toujours existé, de même que le pied aurait été de toute éternité la cause de l'empreinte qu'il forme, si de toute éternité on l'eût appliqué sur la poussière.
Mais, même dans l'opinion précédente, il faut conclure que la vertu de Dieu est infinie; car qu'il ait tout créé dans le temps, comme nous le croyons, ou de toute éternité, ainsi que d'autres le prétendent, il n'est rien qu'il n'ait fait lui-même, puisqu'il est le principe universel de l'existence; et ainsi il a tout produit sans matière ni puissance préexistante (6). Il faut prendre la puissance ou la vertu active dans une proportion exacte avec la puissance ou vertu passive; car plus la puissance passive est grande, ou plus on la conçoit grande, et plus doit être grande la puissance active qui la détermine à l'acte. Puis donc qu'une vertu finie produit un certain effet, la puissance [passive] de la matière étant supposée d'abord, il s'ensuit que la vertu de Dieu, qui ne présuppose aucune puissance, n'est pas finie, mais infini ; et par conséquent son essence est aussi infinie.
10º La durée d'une chose est d'autant plus longue que sa cause est plus efficace…
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(4) Le terme d'infini ne signifie pus autre chose ici que l'indéfini.— (5) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.— (6) Par ce terme de puissance, il faut entendre un être qui a la puissance passive ou l'aptitude d'être soumis à telle action.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’infinité de Dieu.XLIII.Dieu est infini.SUITE
10º La durée d'une chose est d'autant plus longue que sa cause est plus efficace. Donc ce qui a une durée infinie doit avoir reçu l'être d'une cause dont l'efficacité est infinie. Or, la durée de Dieu est infinie; car nous avons prouvé qu'il est éternel [ch. 15]. Donc, puisqu'il ne reconnaît pas d'autre cause de son être que lui-même, il est nécessairement infini.
La Sainte-Écriture rend témoignage à celle vérité lorsqu'elle dit : Le Seigneur est grand et au-dessus de toute louange, et sa grandeur n'a pas de bornes [Ps. CXLIV 3].
Elle se trouve aussi appuyée par les écrits des plus anciens philosophes, qui ont tous regardé l'infini comme premier principe des choses, contraints qu'ils étaient, en quelque sorte, par la vérité même, de professer cette doctrine.
En effet, ignorant quel terme il convient d'employer, ils considéraient ce principe infini ou comme une quantité discrète [ou discontinue]: par exemple, Démocrite, qui enseigna que les atomes infinis sont les principes des choses, et Anaxagore, qui les remplaça par une infinité de parties similaires (7); ou bien comme une quantité continue : tels sont ceux qui prirent pour ce principe universel un élément ou un certain corps infini à l'état de chaos.
Mais les recherches des philosophes qui parurent après eux ont prouvé qu'il n'y a pas de corps infini, et qu'il doit nécessairement exister un premier principe infini en quelque manière. Il faut en conclure que ce premier principe n'est ni un corps, ni une vertu résidant en un corps.
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(7) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
Chap. XLIV. Dieu est intelligent.
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De l’intelligence divine.XLIV.Dieu est intelligent.
On peut, à l'aide des démonstrations précédentes, prouver que Dieu est intelligent. Eu effet :
1º Nous avons établi plus haut [ch. 13] que, lorsqu'il s'agit des êtres qui impriment le mouvement et de ceux qui le reçoivent, on ne peut remonter jusqu'à l'infini; mais que tous les mobiles doivent se rapporter à un premier être unique qui se meut lui-même. Or, l'être qui se donne à lui-même le mouvement se meut en désirant un objet et le saisissant; car ceux-là seulement se meuvent eux-mêmes qui ont la faculté de mouvoir sans être mus. La partie motrice, dans le premier être, qui se meut lui-même, doit donc désirer et saisir ; et dans le mouvement qui résulte du désir et de l'appréhension, l'être qui désire et appréhende est tout à la fois moteur et sujet du mouvement. Quant à l'objet désiré et appréhendé, il imprime le mouvement, mais sans être mû (1).
Lors donc que l'être qui est le premier de tous les moteurs, et que nous appelons Dieu, est un moteur qui n'est mû d'aucune manière, il est au moteur qui fait partie de l'être qui se meut lui-même comme l'objet désirable est au sujet du désir, en ne le considérant pas, cependant, comme objet d'un appétit sensuel; car l'appétit sensuel ne se porte pas vers le bien absolu, mais vers tel bien particulier, puisque les sens ne peuvent rien saisir que d'une manière particulière. Ce qui est, au contraire, bon et désirable absolument, passe avant ce qui est bon et désirable seulement comme tel et actuellement.
Le premier moteur ne peut donc être désirable qu'en tant qu'il est saisi par l'intelligence; et par conséquent, le moteur qui se porte vers lui doit être intelligent. Donc, à plus forte raison, le premier objet désirable sera nécessairement intelligent, puisque l'être qui se porte vers lui est actuellement intelligent, par cela seul qu'il lui est uni comme à un être intelligible. Donc Dieu est intelligent, dans la supposition que le premier être qui est mû se meut lui-même, ainsi que l'ont prétendu les philosophes (2).
2º On arrivera à la même conséquence si l'on fait rapporter tous les mobiles, non-seulement à un premier être qui…
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — (2) N.D.L.R Ce passage est libellé en latin. Sur demande nous le publierons. Bien à vous. — Il est bon pour l'intelligence de ce paragraphe de se reporter au [chap. 23], où les mêmes idées sont exposées avec plus de développement.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLIV.Dieu est intelligent.SUITE
2º On arrivera à la même conséquence si l'on fait rapporter tous les mobiles, non-seulement à un premier être qui se meut lui-même, mais aussi à un moteur complètement immobile. En effet, le premier moteur est le principe universel du mouvement; il faut donc, puisque tout moteur meut à raison d'une certaine forme à laquelle il tend en imprimant le mouvement, que la forme à raison de laquelle le premier moteur produit le mouvement soit la forme universelle et le bien universel. Or, la forme universelle n'existe que dans l'intelligence. Donc le premier moteur, qui est Dieu, est intelligent.
3° Il n'est aucune série de moteurs dans laquelle celui qui imprime le mouvement au moyen de l'intelligence devienne l'instrument d'un autre qui produit le même effet sans intelligence; mais c'est plutôt le contraire qui a lieu. Or, tous les moteurs qui sont dans le monde sont au premier moteur, qui est Dieu, comme des instruments par rapport au principal agent. Donc, puisqu'il se trouve dans le monde un grand nombre de moteurs qui agissent au moyen de l'intelligence, il ne peut se faire que le premier moteur meuve sans intelligence. Donc Dieu est nécessairement intelligent.
4º Un être est intelligent en ce qu'il n'est pas composé de matière, et la preuve en est que l'esprit saisit les formes…
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De l’intelligence divine.XLIV.Dieu est intelligent.SUITE
4º Un être est intelligent en ce qu'il n'est pas composé de matière, et la preuve en est que l'esprit saisit les formes comme actuelles en faisant abstraction de la matière. C'est pourquoi l'intelligence a pour objet l'universel et non le particulier [ou individu], parce que la matière est le principe de l'individualité. Or, les formes saisies par l'intelligence comme actuelles font une même chose avec l'intelligence qui les saisit actuellement (3). Si donc l'intelligence saisit les formes comme actuelles, parce qu'elles sont indépendantes de la matière, il doit exister quelque chose qui soit intelligent à raison de son immatérialité. Or, nous avons démontré [ch. 17 et 20] que Dieu est parfaitement immatériel. Donc il est intelligent.
5º II ne manque à Dieu aucune des perfections qui se trouvent dans les êtres de tout genre [ch. 28]; et cependant, il ne s'ensuit pas qu'il soit composé [ch. 18]. Or, parmi tontes les perfections dont un être est susceptible, la plus grande, c'est d'être doué d'intelligence; car par elle il devient pour ainsi dire tout, et il a en lui les perfections de tous les autres. Donc Dieu est intelligent.
6° Tout ce qui tend à une fin déterminée détermine soi-même…
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(3) Pour bien comprendra cette proposition, il est bon de remarquer que la forme intellectuelle ne devient pas une même chose avec l'intelligence qui la saisit actuellement, en ce sens qu'elle se change en sa substance, si l'on peut employer ce terme, ou en une partie de sa substance, mais en ce qu'elle en est la forme; en sorte que de la réunion de ces doux choses résulte l'intelligence en acte, de même que du corps et de l'âme unis ensemble résulte l'homme agissant de la manière qui lui est propre, sans que pour cela l'âme devienne le corps. Cette comparaison, cependant, comme toute comparaison, ne doit pas être prise trop absolument (Franc, de Sylv., Comment.). On peut ajouter que les formes intelligibles sont actuellement saisies par l'intelligence, en ce sens que cette dernière est, on quelque manière, modifiée par elles, en sorte qu'il n'y a plus de distinction réelle entre l'intelligence et ces formes, mais seulement une distinction de raison.
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De l’intelligence divine.XLIV.Dieu est intelligent.SUITE
6° Tout ce qui tend à une fin déterminée détermine soi-même cette fin, ou bien elle lui est déterminée par un autre; car sans cela il ne tendrait pas vers celle-ci de préférence à celle-là.
Tous les êtres de la nature ont des fins déterminées; car ce n'est pas le hasard qui les rend utiles chacun à sa manière, puisque, s'il en était ainsi, ils ne resteraient pas les mêmes toujours, ou du moins dans la plupart des cas, mais ils n'offriraient que rarement tel caractère, ce qui arrive quand le hasard produit quelque chose.
Comme ils ne choisissent pas eux-mêmes leur fin, puisqu'ils ignorent ce que c'est qu'une fin, il faut qu'elle leur soit déterminée par un autre, et que cet autre soit l'auteur de la nature. C'est celui qui donne l'être à tout et qui existe nécessairement par lui-même, l'être que nous appelons Dieu [ch. 13 et 37]. Or, il lui serait impossible de déterminer une fin sans intelligence. Donc Dieu est intelligent.
7 º Tout ce qui est imparfait dérive de quelque chose de parfait ; car…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLIV.Dieu est intelligent.SUITE
7º Tout ce qui est imparfait dérive de quelque chose de parfait ; car ce qui est parfait naturellement est avant les autres êtres imparfaits, de même que l'acte précède la puissance. Or, les formes des choses particulières sont imparfaites par cela seul qu'elles existent d'une manière particulière, et non selon toute l'étendue de leur raison. Elles doivent donc dériver de quelques formes parfaites, et qui ne sont pas à l'état de parties. Ces formes ne peuvent être que celles que l'intelligence saisit, puisqu'il ne s'en rencontre aucune dans son universalité, sinon dans l'intelligence. Par conséquent, elles doivent être aussi intelligentes, si elles ont une subsistance réelle; car elles ne seraient capables d'aucune opération sans être dans cet état. Donc Dieu, qui est le premier acte subsistant, et duquel tous les autres êtres dérivent, est nécessairement intelligent.
Chap. XLV. L’intelligence de Dieu est son essence.
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De l’intelligence divine.XLV.L’intelligence de Dieu est son essence.
De ce que Dieu est intelligent, il résulte que son intelligence est son essence. En effet :
1° Concevoir est l'acte d'un être intelligent qui est en lui, sans passer dans rien qui lui soit extrinsèque, comme l'échauffement, par exemple, passe dans l'objet échauffé. En effet, l'être intelligible n'est modifié d'aucune manière, parce qu'il est conçu ; mais l'être intelligent est perfectionné, parce qu'il conçoit. Or, tout ce qui est en Dieu est l'essence divine. Donc concevoir est pour Dieu l'essence divine, et l'être divin est Dieu lui-même ; car Dieu est tout à la fois son essence et son être.
2º Concevoir est à l'intelligence comme l'être est à l'essence. Or, l'être de Dieu est son essence [ ch. 22]. Donc concevoir, pour Dieu, est son intelligence. L'intelligence divine est l'essence de Dieu; autrement elle serait pour lui un accident. Donc concevoir est l'essence de Dieu.
3º L'acte second est plus parfait que l'acte premier (1) : par exemple, considérer une chose, c'est plus que la connaître simplement. Or, la science ou l'intelligence de Dieu est son essence même, s'il est intelligent, comme nous l'avons prouvé dans le chapitre précédent. Puisque aucune perfection ne lui convient par participation, mais par essence [ch. 22 et 23], si l'action de considérer les choses n'est pas son essence, il y aura donc quelque chose de plus noble et de plus parfait que son essence ; et ainsi sa perfection et sa bonté ne seront pas infinies, et par conséquent, il ne sera pas le premier des êtres.
4º Concevoir est l'acte d'un être intelligent. Si donc Dieu est intelligent et n'est pas lui-même son intelligence, il sera par rapport à elle comme la puissance est à l'acte ; et par conséquent, il y aura en Dieu puissance et acte : ce qui est impossible, d'après ce que nous avons établi [ch.16 et 27].
5º Toute substance a pour fin son opération particulière. Si donc l'opération de Dieu est autre chose que la substance divine, la fin pour laquelle il existe sera aussi quelque chose de différent de lui-même ; et par suite Dieu ne sera pas sa propre bonté, puisque le bien de chaque chose est sa fin. Si, au contraire, la conception divine est l'être divin, il en résulte comme conséquence nécessaire que son intelligence est simplement éternelle, invariable, et existe seulement en acte, de même que tout ce qu'on a prouvé appartenir à l'être divin. Dieu n'est donc pas intelligent en puissance; il ne commence pas de nouveau à concevoir quelque chose; il ne survient en lui aucun changement ni aucune composition lorsque son intelligence saisit un objet.
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(1) L'acte premier est l'être ou l'existence qui donne l'actualité à une chose. L'acte second est l'opération qui ajoute l'activité à l'actualité
Chap. XLVI. Dieu ne connaît par aucun autre moyen que son essence.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLVI.Dieu ne connaît par aucun autre moyen que son essence.
Il est évident, d'après ce qui vient d'être établi [ch. 45], que l'intelligence divine ne saisit rien au moyen d'une espèce intelligible autre que son essence. En effet :
1º L'espèce intelligible est le principe formel de l'opération intellectuelle, de même que la forme de tout agent est le principe de l'opération qui lui est propre. Or, en Dieu, l'opération intellectuelle est son essence [ch. 45]. Si donc l'intelligence divine connaissait au moyen d'une espèce intelligible autre que son essence, une autre chose serait aussi le principe et la cause de l'essence divine ; ce qui contredit les vérités précédemment démontrées.
2º L'intelligence connaît actuellement au moyen d'une espèce intelligible, de même que les sens éprouvent actuellement la sensation au moyen d'une espèce sensible. L'espèce intelligible est donc à l'intelligence comme l'acte est à la puissance. Par conséquent, si l'intelligence divine comprenait au moyen d'une espèce intelligible différente d'elle-même, elle serait en puissance par rapport à quelque chose; ce qui est impossible [ch.16 et 17].
3º L'espèce intelligible qui se trouve dans l'intelligence en dehors de son essence a un être [esse] accidentel ; ce qui fait que notre science doit être mise au nombre des accidents. Or, Dieu ne peut souffrir aucun accident [ch. 23]. Donc il n'y a dans son intelligence aucune espèce qui soit en dehors de l'essence divine elle-même.
4º L'espèce intelligible est la ressemblance d'un objet saisi par l'intelligence…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLVI.Dieu ne connaît par aucun autres moyen que son essence.SUITE
4º L'espèce intelligible est la ressemblance d'un objet saisi par l'intelligence. Si donc il y a dans l'intelligence divine une espèce intelligible en dehors de son essence, ce sera la ressemblance d'un objet saisi par elle, et cette ressemblance sera ou celle de l'essence divine ou celle d'une autre chose.
Ce ne peut être celle de l'essence divine, parce que alors elle ne serait plus intelligible par elle-même, mais elle le deviendrait par le moyen de cette espèce. Il ne peut pas davantage se trouver dans l'intelligence divine et en dehors de son essence une autre espèce qui soit la ressemblance d'un objet différent; car cette espèce serait imprimée dans l'intelligence ou par l'intelligence elle-même, ou par un autre être.
Or, elle ne peut pas l'être par l'intelligence, parce que la même chose serait active et passive, et l'on aurait un agent qui ferait passer, non sa propre ressemblance, mais une ressemblance étrangère, dans le sujet passif; et alors tout agent ne produirait pas quelque chose de semblable à lui-même.
Cette espèce ne peut pas davantage être imprimée par un autre être dans l'intelligence de Dieu; car on arriverait à un agent qui serait avant lui. Il est donc impossible qu'il y ait dans l'intelligence divine une espèce intelligible en dehors de son essence.
5º Concevoir pour Dieu, c'est son être [ch. 45]. Si donc il concevait au moyen d'une espèce qui ne fût pas son essence, il existerait en vertu d'une chose distincte de son essence: ce qui est impossible. Donc il ne conçoit pas au moyen d'une espèce qui ne soit pas son essence.
Chap. XLVII. Dieu se connaît parfaitement par lui-même.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLVII.Dieu se connaît parfaitement par lui-même.
Nous voyons encore, d'après les mêmes principes, que Dieu se connaît parfaitement lui-même. En effet :
1º Puisque l'intelligence se porte au moyen de l'espèce intelligible vers l'objet qu'elle saisit, la perfection de l'opération intellectuelle dépend de deux choses. La première, c'est que l'espèce intelligible soit absolument conforme à l'objet que l'intelligence perçoit; la seconde, qu'elle soit parfaitement unie à l'intelligence. Et cela se fait d'autant mieux que l'intelligence possède à un plus haut degré la propriété de connaître. Or, l'essence divine, qui est l'espèce intelligible au moyen de laquelle l'intelligence de Dieu conçoit, est absolument la même chose que Dieu, et il y a identité complète entre elle et l'intelligence divine. Donc Dieu se connaît très parfaitement lui-même.
2º Un être matériel devient intelligible lorsqu'on le considère en faisant abstraction de la matière et de ses propriétés. Donc ce qui est par sa nature distinct de la matière, et existe sans aucune de ses propriétés, est intelligible aussi par sa nature. Or, tout être intelligible est saisi par l'intelligence en tant qu'il est un actuellement avec le principe intelligent. Dieu est intelligent, comme nous l'avons prouvé [ch. 44]. Donc, puisqu'il est parfaitement immatériel et complètement un avec lui-même, il se connaît aussi au plus haut degré.
3º Un objet est perçu par l'intelligence en tant que l'intelligence en acte et l'objet actuellement saisi par elle sont une même chose. Or, l'intelligence divine est toujours en acte, puisqu'il n'y a rien en Dieu d'imparfait et à l'état de puissance. L'essence de Dieu est parfaitement intelligible en elle-même [ch. 45]. Donc, comme l'intelligence et l'essence divines sont une même chose [ch. 46], il en faut conclure que Dieu se connaît parfaitement lui-même. En effet, Dieu est à la fois et son intelligence et son essence.
4º Tout ce qui est dans un être à l'état intelligible est connu par cet être. …
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLVII.Dieu se connaît parfaitement par lui-même.SUITE
4º Tout ce qui est dans un être à l'état intelligible est connu par cet être. Or, l'essence divine est en Dieu à cet état; car l'être naturel de Dieu et son être intelligible sont une seule et même chose, puisque son être est son intelligence. Donc Dieu connaît son essence, et par conséquent, il se connaît lui-même, par la raison qu'il est lui-même son essence.
5º Les actes de l'intelligence se distinguent, de même que les actes des autres puissances de l'âme, par leurs objets. L'opération de l'intelligence sera d'autant plus parfaite qu'il y aura plus de perfection dans l'être intelligible. Or, le plus parfait des êtres intelligibles est l'essence divine, puisque c'est aussi l'acte le plus parfait et la vérité première. L'opération de l'intelligence divine est également la plus noble de toutes, puisque c'est l'être divin lui-même [ch. 45]. Donc Dieu se connaît lui-même parfaitement.
6º Les perfections de tous les êtres se trouvent éminemment en Dieu. Or, entre toutes les perfections des créatures, la plus grande est de connaître Dieu: puisque la nature intellectuelle l'emporte sur les autres, sa perfection est de connaître, et le plus noble des êtres intelligibles est Dieu. Donc Dieu se connaît éminemment lui-même.
Cette vérité se trouve confirmée par l'autorité divine; car l'Apôtre dit que l’esprit de Dieu pénètre même les profondeurs de l'essence divine [I Cor. II, 10].
XLVIII. Dieu se connaît seulement lui-même premièrement par lui-même.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLVIII.Dieu se connaît seulement lui-même premièrement par lui-même.
Il est clair, par ce qui vient d'être prouvé, que Dieu ne connaît que lui-même premièrement et par lui-même. En effet :
1° L'intelligence connaît seulement d'abord et par lui-même l'être par l'espèce duquel elle connaît; car l'opération doit être proportionnée à la forme qui en est le principe. Or, ce que Dieu connaît n'est autre chose que son essence [ch. 46]. Donc ce qu'il connaît premièrement et par soi-même n'est autre chose que lui-même.
2º Il est impossible de connaître en même temps plusieurs êtres premièrement et par eux-mêmes; car une opération unique ne saurait se terminer en même temps à plusieurs objets. Dieu se connaît lui-même [ch. 47]. Si donc il connaît autre chose que lui premièrement et par soi-même, son intelligence transportera nécessairement son attention de lui-même à un autre être. Cet être sera moins noble que lui, et, par conséquent, l'intelligence divine subira un changement qui la dégradera; ce qui est impossible.
3º Les opérations de l'intelligence se distinguent les unes des autres par leurs objets. Si donc Dieu se connaît et connaît encore autre chose que lui-même comme objet principal, il y aura en lui plusieurs opérations intellectuelles. Son essence sera donc divisée en plusieurs parties, ou bien il y aura en lui une opération intellectuelle qui ne sera pas sa substance. Or, l'un et l'autre ont été démontrés impossibles [ch.44 et 45]. Donc l'intelligence de Dieu ne connaît premièrement et par soi-même rien autre chose que son essence.
4º L'intelligence, en tant qu'elle diffère de l'objet qu'elle saisit, est eu puissance par rapport à lui.…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLVIII.Dieu se connaît seulement lui-même premièrement par lui-même.SUITE
4º L'intelligence, en tant qu'elle diffère de l'objet qu'elle saisit, est eu puissance par rapport à lui. Si donc Dieu connaît premièrement et par lui-même un être distinct de lui, il s'ensuit qu'il est en puissance relativement à quelque chose qui n'est pas lui; ce qu'on ne peut admettre [ch. 16].
5º L'objet connu perfectionne l'intelligence; car l'intelligence est parfaite en tant qu'elle connaît actuellement, et elle connaît en ce qu'elle devient une même chose avec l'objet qu'elle saisit. Si donc Dieu connaît premièrement un être distinct de lui, sa perfection viendra de quelque chose qui sera distinct de lui et plus parfait que lui; ce qui ne peut être.
6º La science de l'être intelligent se compose d'un grand nombre d'objets connus. Si donc Dieu connaît principalement et par elles-mêmes beaucoup de choses, il en résulte que sa science est composée, et, par conséquent, ou l'essence divine est composée, ou la science est un accident pour Dieu: deux conclusions qui répugnent également [ch.18 et 23]. Donc ce que Dieu connaît premièrement et par soi-même n'est autre chose que sa substance.
7º L'opération intellectuelle se spécifié et s'ennoblit par son objet, qui est ce que l'intelligence connaît premièrement et par soi-même. Si donc Dieu connaissait par lui-même et premièrement un être différent de lui, son opération intellectuelle serait spécifiée et ennoblie par quelque chose qui ne serait pas lui; ce qui est impossible, puisque son opération est son essence [ch. 45]. Donc il ne peut se faire que ce que Dieu connaît premièrement et par soi-même soit autre que lui.
Chap. XLIX. Dieu connaît d’autres êtres que lui-même.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLIX.Dieu connaît d’autres êtres que lui-même.
De ce que Dieu se connaît premièrement et essentiellement, il faut conclure qu'il connaît aussi les autres êtres distincts de lui. En effet :
1º La connaissance de l'effet peut très bien s'acquérir par la connaissance de sa cause; c'est ce qui fait dire que nous savons une chose quand nous en découvrons la cause. Or, Dieu est, en vertu de son essence, la cause de l'existence des autres êtres. Donc, puisqu'il connaît parfaitement son essence, on est obligé d'admettre qu'il connaît aussi les autres êtres.
2º La ressemblance de chaque effet préexiste en quelque manière dans sa cause, puisque tout agent produit un être semblable à lui. Or, tout ce qui est dans un être s'y trouve conformément au mode d'existence de cet être. Si donc Dieu est la cause de quelque chose, comme il est intellectuel de sa nature, la ressemblance de l'effet qu'il produit sera en lui d'une manière intelligible. Or, tout être connaît ce qui est en lui d'une manière intelligible. Donc Dieu connaît véritablement les êtres qui sont distincts de lui.
3º Celui qui connaît parfaitement une chose connaît aussi ce qu'on peut réellement lui attribuer et ce qui lui…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.XLIX.Dieu connaît d’autres êtres que lui-même.SUITE
3º Celui qui connaît parfaitement une chose connaît aussi ce qu'on peut réellement lui attribuer et ce qui lui convient selon sa nature. Or, il convient à Dieu, d'après sa nature, d'être la cause des autres êtres. Si donc il se connaît parfaitement, il se connaît comme cause ; ce qui implique nécessairement une certaine connaissance de l'effet, qui est distinct de lui, puisque rien n'est cause de soi-même. Donc Dieu connaît d'autres êtres que lui-même.
Les deux conclusions précédentes nous font voir que Dieu se connaît premièrement et essentiellement, et qu'il aperçoit les autres êtres, pour ainsi dire, dans son essence. Saint Denis enseigne expressément cette doctrine, lorsqu'il dit dans son livre des Noms divins : « Dieu ne descend pas dans chaque chose par la vision; mais il connaît tous les êtres en ce qu'ils sont contenus dans leurs causes, » et plus loin : « La divine sagesse, en se connaissant elle-même, connaît aussi les autres être » (1).
Ce sentiment paraît conforme à l'Écriture, qui dit en parlant de Dieu : Le Seigneur a regardé du haut de son sanctuaire (Ps. CI, 20), comme s'il voyait de lui-même, dans son élévation, tous les autres êtres.
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
Chap. L. Dieu connaît tous les êtres en particulier.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.L.Dieu connaît tous les êtres en particulier.
Certains auteurs (1) ont prétendu que Dieu ne connaît les créatures que d'une manière générale, c'est-à-dire seulement en tant qu'elles sont des êtres, parce qu'il connaît la nature de l'existence essendi par la connaissance qu'il a de lui-même. Il reste donc à prouver que Dieu connaît tous les êtres en tant qu'ils sont distincts les uns des autres, connaissance qui comprend tout ce qui constitue chacun d'eux.
1º Pour démontrer cette proposition, il faut supposer que Dieu est la cause de tout ce qui existe: vérité qu'on peut déduire déjà de ce qui précède et dont l'évidence paraîtra mieux encore plus tard [liv.II, ch. 15].
Ce principe admis, il ne peut donc se trouver dans aucun être rien dont Dieu ne soit la cause médiate ou immédiate. Or, la cause étant connue, on connaît aussi l'effet. Donc on peut connaître tout ce qui se trouve dans quelque être que ce soit, si l'on connaît Dieu et toutes les causes intermédiaires entre, lui et les êtres. Or, Dieu se connaît lui-même et connaît en même temps toutes ces causes intermédiaires.
Il se connaît lui-même : nous l'avons prouvé [ch. 47]. Par cela même qu'il se connaît lui-même, il connaît ce qui procède immédiatement de lui. En connaissant ce qui procède immédiatement de lui, il connaît aussi ce qu'il produit médiatement; et il en est ainsi de tontes les causes intermédiaires, jusqu'à l'effet le plus éloigné. Donc Dieu connaît tout ce qu'il y a dans un être. Or, cette connaissance est particulière et complète, puisqu'elle comprend tout ce que cet être a de commun avec les autres et ce qui lui est propre. Donc Dieu connaît particulièrement les êtres en tant qu'ils sont, distincts les uns des autres.
2º Tout ce qui agit par l'intelligence connaît son œuvre selon sa…
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(1) Parmi ces auteurs sont Avicenne (Métaphys.VIII 6)) et Averrhoès (Comment, in XII Metaphys.).
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.L.Dieu connaît tous les êtres en particulier.SUITE
2º Tout ce qui agit par l'intelligence connaît son œuvre selon sa raison particulière, parce que la connaissance de l'être producteur détermine la forme de celui qui est produit. Or, Dieu est la cause des créatures par son intelligence, puisque être et concevoir sont pour lui une même chose, et tout être agit selon qu'il est actuellement. Donc il connaît son effet particulièrement et le distingue des autres.
3º On ne peut attribuer au hasard la distinction des êtres, puisqu'elle est soumise à un ordre invariable. Donc elle doit provenir de l'intention réelle d'une certaine cause, et d'une cause qui n'agit pas par nécessité de nature; car la nature est déterminée à une seule chose, et, par conséquent, l'intention d'un être qui agit par la nécessité de sa nature ne peut s'étendre à plusieurs choses en tant qu'elles sont distinctes.
Reste donc à dire que la distinction des êtres résulte de l'intention d'une cause douée de connaissance. Or, il semble qu'à l'intelligence seule il appartient de considérer la distinction des êtres. C'est ce qui fait dire à Anaxagore que le principe de la distinction est l'intelligence (2).
La distinction universelle de tous les êtres ne peut venir de l'une des causes secondes, parce que toutes ces causes appartiennent à l'universalité des effets, qui sont distincts entre eux. C'est donc à la cause première, qui est par elle-même distincte de toutes les autres, qu'il appartient de vouloir la distinction des êtres créés. Donc Dieu les connaît comme distincts les uns des autres.
4º Tout ce que Dieu connaît, il le connaît parfaitement; …
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(2) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.L.Dieu connaît tous les êtres en particulier.SUITE
4º Tout ce que Dieu connaît, il le connaît parfaitement; car il possède toute perfection, puisqu'il est l'être absolument parfait [ch. 28]. Or, un objet connu d'une manière générale seulement ne l'est pas parfaitement, puisqu'on ignore ce qui importe le plus en lui, savoir les perfections dernières qui complètent son être propre. C'est pourquoi une chose ainsi connue l'est plutôt en puissance qu'en acte. Si donc, par cela même qu'il connaît son essence, Dieu connaît tout d'une manière générale, il doit connaître aussi chaque chose on particulier.
5º Celui qui connaît une certaine nature connaît par eux-mêmes les accidents de cette nature. Or, les accidents de l'être, considéré comme être, ont par eux-mêmes l'unité et la multiplicité, selon la doctrine du Philosophe (3). Si donc Dieu, en connaissant l'essence ou la nature, connaît en général la nature de l'être, il s'ensuit qu'il connaît aussi la multitude. Or, on ne peut connaître la multitude que par le moyen de la distinction. Donc Dieu connaît les êtres en tant qu'ils sont distincts les uns des autres.
6º Si quelqu'un connaît parfaitement une certaine nature universelle, il sait aussi le degré dans lequel elle peut être possédée, de même que celui qui connaît la blancheur sait qu'elle est susceptible de plus et de moins. Or, les différentes manières d'exister produisent différents degrés dans les êtres. Si donc Dieu, en se connaissant, connaît la nature universelle de l'être, et non d'une manière imparfaite, puisqu'il est exempt de toute imperfection [ch. 28], il doit connaître également tous les degrés des êtres ; et ainsi il connaîtra en particulier les créatures, qui sont distinctes de lui.
7° En connaissant parfaitement un être, on connaît tout ce qu'il renferme…
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(3) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.L.Dieu connaît tous les êtres en particulier.SUITE
7º En connaissant parfaitement un être, on connaît tout ce qu'il renferme. Or, Dieu se connaît parfaitement lui-même. Donc il connaît tout ce qui est en lui-même quant à la puissance active. Or, tous les êtres, selon la forme qui leur est propre, sont en lui, quant à la puissance active, puisqu'il est le principe de tout ce qui existe. Donc il connaît tous les êtres en particulier.
8º Quiconque connaît une nature sait si elle est communicable. En effet, on ne connaîtrait pas parfaitement la nature de l'animal, si l'on ignorait qu'elle peut se communiquer à plusieurs êtres. Or, la nature divine peut se communiquer par ressemblance. Donc Dieu sait en combien de manières les traits de la divine essence peuvent se reproduire dans les êtres divers. La diversité des formes vient de ce que les êtres imitent de diverses manières l'essence divine. C'est ce qui fait dire au Philosophe que la forme naturelle est quelque chose de divin. Donc Dieu connaît les êtres selon les formes qui leur sont propres.
9º Les hommes et les autres créatures douées de la faculté de connaître distinguent les unes des autres, dans leur multitude, les choses qu'ils connaissent. Si donc Dieu connaît les êtres sans les distinguer, il faudra dire qu'il est complètement privé de sagesse, ainsi que cela résulte de l'opinion de ceux qui ont prétendu que Dieu ignore la lumière que nous voyons tous, opinion qu'Aristote déclare inadmissible dans son Traité de l'Ame et dans sa Métaphysique (4).
L'Écriture-Sainte nous enseigne la même vérité. Il est dit, en effet : Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient très bonnes [Gen. I, 31]. Et encore : Aucune créature n'est invisible en sa présence, mais tout est sans voile et à découvert devant ses yeux [Hébr. IV, I3].
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(4) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
Chap. LI. De quelle manière la multitude des êtres est dans l’intelligence divine, qui les connaît.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.LI.De quelle manière la multitude des êtres est dans l’intelligence divine, qui les connaît.
De peur qu'on ne s'imagine qu'il y a composition dans l'intelligence divine à cause de la multitude des êtres qu'elle connaît, nous allons rechercher comment ces êtres ainsi connus sont en nombre.
1º Il ne faut pas envisager cette multitude comme si tous les objets qui la composent et que saisit l'intelligence avaient une existence distincte en Dieu. En effet, ou ils seraient une même chose avec l'essence divine, et alors l'essence de Dieu serait multiple: conséquence dont la fausseté a été démontrée par plusieurs raisons [ch. 31] ou bien ils seraient ajoutés à cette essence; d'où il résulterait qu'il y aurait quelque accident en Dieu; ce qui est absolument impossible [ch. 23].
2º On ne saurait admettre, non plus, que ces formes intelligibles existent par elles-mêmes, ainsi que Platon paraît le supposer, lorsque, en traitant des idées, il veut éviter les inconvénients précédemment signalés (1). En effet, les formes des choses qui sont dans la nature ne peuvent exister sans matière, puisqu'on ne les conçoit pas sans elle. Lors même qu'on le prétendrait, cela n'autoriserait pas à dire que Dieu connaît la multitude; car comme les formes en question sont en dehors de l'essence de Dieu, si Dieu ne pouvait connaître sans elles la multitude des êtres, ce qui est nécessairement requis pour la perfection de son intelligence, il s'ensuivrait que sa perfection, quant à l'intelligence, dépendrait d'un autre. Elle en dépendrait aussi quant à l'être, puisque son être est son intelligence: conclusion dont le contraire a été prouvé [ch. 40].
3º Puisque Dieu est la cause de tout ce qui est en dehors de son essence, comme nous le prouverons plus loin [liv.II, ch. 15], si les formes en question sont en dehors de lui, elles doivent le reconnaître comme cause. Or, Dieu est cause des êtres par son intelligence [liv.II, ch.23 et 24]. Donc, selon l'ordre naturel, Dieu doit connaître ces êtres intelligibles avant qu'ils soient intelligibles. Donc il n'a pas connaissance de la multitude, parce qu'un grand nombre d'êtres intelligibles existent par eux-mêmes en dehors de lui.
4º L'intelligible en acte est l'intelligence en acte, de même que...
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
Dernière édition par Louis le Jeu 22 Sep 2022, 7:06 am, édité 1 fois (Raison : Insertion du lien du Livre II, ch. 23 et 24.)
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.LI.De quelle manière la multitude des êtres est dans l’intelligence divine, qui les connaît.SUITE
4° L'intelligible en acte est l'intelligence en acte, de même que le sensible [actuel] est le sens en acte. Mais quand on distingue l'intelligible de l'intelligence, ils sont tous deux en puissance. C'est ce qui paraît clairement aussi pour les sens. En effet, la vue ne voit pas actuellement; ce qui est visible n'est pas non plus vu actuellement, à moins que la vue ne soit affectée par une espèce visible, en sorte que le visible et la vue ne fassent plus qu'un. Si donc l'intelligible pour Dieu est en dehors de son intelligence, il en faudra conclure que son intelligence est en puissance. Il en sera de même de l'intelligible, et il faudra qu'un autre être le détermine à l'acte; ce qui est impossible, puisque cet être serait avant lui.
5º Ce qui est connu doit se trouver dans l'être intelligent. Donc il ne suffit pas de dire que les formes des choses existent par elles-mêmes en dehors de l'intelligence divine, pour que Dieu connaisse la multitude des êtres; mais il est nécessaire qu'elles soient dans l'intelligence divine elle-même.
Chap. LII. Raisons qui prouvent que la multitude des intelligibles n’est que dans l’intelligence divine.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’intelligence divine.LII.Raisons qui prouvent que la multitude des intelligibles n’est que dans l’intelligence divine.
On ne peut évidemment, pour les mêmes raisons, dire que la multitude des intelligibles, dont on vient de parler, est dans une intelligence autre que celle de Dieu, dans celle d'une âme, par exemple, d'un ange ou d'un autre être spirituel.
Il en résulterait d'abord que l'intelligence divine dépendrait, quant à son opération, d'une autre intelligence qui lui serait postérieure; ce qui est impossible. En effet, de même que les choses qui subsistent en elles-mêmes viennent de Dieu, de même aussi, ce que ces choses reçoivent en elles vient de lui. C'est pourquoi l'intelligence divine, par le moyen de laquelle Dieu devient cause, doit nécessairement agir préalablement pour que ces intelligibles se trouvent dans l'une des intelligences dont l'existence est postérieure à la sienne.
Il résulterait en second lieu que l'intelligence divine serait en puissance, puisque ses intelligibles ne lui seraient pas unis; car chaque chose ayant un être propre a aussi une opération particulière. Il ne peut donc se faire que, parce qu'une intelligence est disposée à agir, une autre réalise l'opération intellectuelle; mais cela appartient à l'intelligence dans laquelle se trouve cette disposition, de même que tout être existe par son essence propre, et non par celle d'un autre.
Donc on ne peut prétendre que la première des intelligences connaît la multitude, parce qu'il y a une multitude d'intelligibles dans une intelligence secondaire.
Chap. LIII. Comment la multitude des objets de l’intelligence divine est en Dieu.
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