Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
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Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
Premier article (mars 1885)
I. – Nous avons considéré l’Église dans le passé et dans le présent ; il nous reste à la contempler dans l’avenir.
Dieu a voulu que les destinées de l’Église de son Fils unique fussent tracées d’avance dans les Écritures, comme l’avaient été celles de son Fils lui-même ; c’est là que nous irons chercher les documents de notre travail.
L’Église, devant être en tout semblable à Notre Seigneur, subira, avant la fin du monde, une épreuve suprême qui sera une vraie Passion. Ce sont les détails de cette Passion, en laquelle l’Église fera voir toute l’immensité de son amour pour son divin Époux, qui se trouvent consignés dans les écrits inspirés de l’Ancien Testament et du Nouveau. Nous les ferons passer sous les yeux de nos lecteurs.
Nous n’avons l’intention d’épouvanter personne, en traitant un semblable sujet. Nous dirons plus : il nous semble renfermer, à côté de grands enseignements, de grandes consolations.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
II. – C’est assurément un triste spectacle que de voir l’humanité, séduite et affolée par l’esprit du mal, tenter d’étouffer et d’anéantir l’Église sa mère et sa tutrice divine. Mais de ce spectacle sort une lumière qui nous fait apparaître l’histoire tout entière sous son vrai jour.
L’homme s’agite sur la terre ; mais il est mené par des puissances qui ne sont pas de la terre. A la surface de l’histoire, l’œil saisit des bouleversements d’empires, des civilisations qui se font et qui se défont. En dessous, la foi nous fait suivre le grand antagonisme entre Satan et Notre Seigneur ; elle nous fait assister aux ruses et aux violences de l’Esprit immonde, pour rentrer dans la maison de laquelle l’a expulsé Jésus-Christ. A la fin, il y rentrera, et il voudra éliminer Notre Seigneur. Alors les voiles seront déchirés, le surnaturel éclatera partout ; il n’y aura plus de politique proprement dite ; un drame exclusivement religieux se développera et enveloppera l’univers entier.
On peut se demander pourquoi les péripéties de ce drame sont décrites si minutieusement par les écrivains sacrés, alors qu’il n’occupera que peu d’années ? C’est qu’il sera la conclusion de toute l’histoire de l’Église et du genre humain ; c’est qu’il fera ressortir, avec un éclat suprême, le caractère divin de l’Église.
Toutes ces prophéties ont d’ailleurs pour but incontestable de fortifier l’âme des croyants dans les jours de la grande épreuve. Toutes les secousses, toutes les épouvantes, toutes les séductions qui viendront les assaillir, ayant été si exactement prédites, formeront autant d’arguments en faveur de la foi combattue et proscrite. Elle s’affermira en eux, précisément par ce qui devrait la détruire.
Mais nous avons nous-mêmes de grands fruits à retirer de la considération de ces événements étranges et redoutables. Après en avoir parlé, Notre Seigneur dit à ses disciples : Veillez donc et priez, pour que vous soyez trouvés dignes de fuir ces choses qui surviendront dans l'avenir, et de vous tenir debout en présence du Fils de l’homme. (Luc, XXI, 36.)
Ainsi donc, l’annonce de ces événements est un solennel avertissement donné au monde : Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation. (Matt., XXVI, 41.)
Vous ne savez pas quand ces choses arriveront : veillez et priez, pour ne pas être surpris.
Vous savez que dès maintenant la séduction agit sur les âmes, que le mystère d’iniquité fait son œuvre, que la foi est réputée un opprobre (s. Grég.) ; veillez et priez, pour conserver la foi.
Voici l’heure de la nuit, l’heure de la puissance des ténèbres : veillez afin que votre lampe ne s’éteigne pas, priez afin que l’engourdissement et le sommeil ne vous gagnent pas.
Mais plutôt levez vos têtes vers le ciel ; car l’heure de la rédemption approche, car les premières lueurs de l’aube blanchissent déjà la nuit. (Luc, XXI, 28.)
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
III. – Après avoir parlé des enseignements, disons un mot des consolations.
Jamais on n’aura vu le mal plus déchaîné ; et en même temps plus contenu dans la main de Dieu.
L’Église, comme Notre Seigneur, sera livrée sans défense aux bourreaux qui la crucifieront dans tous ses membres ; mais il ne sera pas permis de lui briser les os, qui sont les élus, pas plus qu’à l’agneau pascal étendu sur la croix.
L’épreuve sera limitée, abrégée à cause des élus ; et les élus seront sauvés ; et les élus, ce seront tous les vrais humbles.
Enfin l’épreuve se terminera par un triomphe inouï de l’Église, comparable à une résurrection.
Dans ces temps-là, et même parmi les préludes de la crise suprême, elle verra se convertir les restes des nations. Mais sa plus vive consolation sera le retour des juifs.
Les juifs se convertiront, soit avant soit durant le triomphe de l’Église ; et saint Paul, qui annonce ce grand événement, ne se tient pas de joie en en contemplant les suites.
On le voit, la parole des Psaumes peut s’appliquer ici à l’Église : Suivant la multitude des afflictions qui ont rempli mon cœur, vos consolations, Seigneur, ont réjoui mon âme.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
Deuxième article (avril 1885) - Les signes avant-coureurs
I. – La question de la fin du monde a été agitée dès l’origine de l’Église. Saint Paul avait donné sur ce sujet de précieux enseignements aux chrétiens de Thessalonique ; et comme, malgré ses instructions orales, les esprits ne laissaient pas d’être inquiétés par des prédictions et des rumeurs sans fondement, il leur adresse une lettre très grave pour calmer ces inquiétudes.
« Nous vous en prions avec instance, leur dit-il, mes frères, ne vous laissez pas ébranler dans vos résolutions, ni effrayer légèrement, soit par quelque vision, soit par quelque bruit, soit par une lettre qu’on supposerait venir de nous, comme si le jour du Seigneur était proche. »
« Que personne ne vous trompe en aucune façon ! Car il faut auparavant que vienne l’apostasie, et que se révèle l’homme de péché, le fils de perdition… »
« Ne vous rappelez-vous pas que, tandis que j’étais auprès de vous, je vous disais ces choses ? »
« Et maintenant vous savez ce qui empêche qu’il ne se révèle. Car le mystère d’iniquité fait déjà son œuvre. Que celui qui tient tienne bon, en attendant qu’il soit mis de côté. » (2 Thes., II, 1, 6.)
Ainsi la fin du monde n’arrivera pas, sans que se révèle un homme effroyablement méchant et impie, que saint Paul qualifie en l’appelant l’homme de péché, le fils de perdition. Et celui-ci à son tour ne se manifestera qu’après une apostasie générale, et après la disparition d’un obstacle providentiel sur lequel l’Apôtre avait renseigné de vive voix ses fidèles.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
II. – De quelle apostasie saint Paul veut-il parler ? Il ne s’agit pas d’une défection partielle ; car il dit d’une manière absolue, l’apostasie. On ne peut l’entendre, hélas ! que de l’apostasie en masse des sociétés chrétiennes, qui socialement et civilement renieront leur baptême ; de la défection de ces nations que Jésus-Christ, suivant l’énergique expression de saint Paul, a rendues Con-corporelles à son Église. (Eph., III, 6.) Seule, cette apostasie rendra possible la manifestation, et la domination de l’ennemi personnel de Jésus-Christ, en un mot de l’Antéchrist.
Notre Seigneur a dit : Pensez-vous que le Fils de l’homme, à sa venue, trouvera la foi sur la terre ? (Luc, XVIII, 8.) Le divin Maître voyait la foi décliner, dans le monde vieillissant. Ce n’est pas que les vents du siècle puissent faire vaciller cet inextinguible flambeau, mais les sociétés, enivrées du bien-être matériel, le repoussent comme importun.
Tournant le dos à la foi, le monde s’en va dans les ténèbres, et il devient le jouet des illusions du mensonge. Il prend pour des lumières de trompeurs météores. Il irait jusqu’à prendre pour les premiers feux du jour les rougeurs de l’incendie.
Reniant Jésus-Christ, il faut qu’il tombe bon gré mal gré dans les griffes de Satan si bien nommé le prince des ténèbres. Il ne peut rester neutre ; il ne peut se créer une indépendance. Son apostasie le met directement sous la puissance du diable et de ses suppôts.
Le docte Estius, étudiant le texte de l’Apôtre, dit que cette apostasie a commencé en Luther et en Calvin. C’est le point de départ. Depuis elle a fait un chemin effrayant. Aujourd’hui elle tend à se consommer. Elle s’appelle la Révolution, qui est l’insurrection de l’homme contre Dieu et son Christ. Elle a pour formule le laïcisme, qui est l’élimination de Dieu et de son Christ.
C’est ainsi que nous voyons les sociétés secrètes, investies de la puissance publique, s’acharner à déchristianiser la France, en lui enlevant un à un tous les éléments surnaturels dont quinze siècles de foi l’avaient imprégnée. Ces sectaires n’ont qu’un but : sceller l’apostasie définitive, et préparer les voies à l’homme de péché.
Il appartient aux chrétiens de réagir, de toutes les énergies dont ils disposent, contre cette œuvre abominable ; et pour cela de faire rentrer Jésus-Christ dans la vie privée et publique, dans les mœurs et dans les lois, dans l’éducation et dans l’instruction. Il y a longtemps, hélas ! qu’en tout cela Notre Seigneur n’est plus ce qu’il devrait être, à savoir tout. Il y a longtemps que règne une demi-apostasie. Comment par exemple, depuis que l’instruction est paganisée, aurions-nous pu former autre chose que des demi-chrétiens ?
En travaillant dans le sens directement opposé à la Franc-Maçonnerie, les chrétiens retarderont l’avènement de l’homme de péché ; ils ménageront à l’Église la paix et l’indépendance dont elle a besoin, pour saisir et convertir le monde qui s’ouvre devant elle.
Toute la lutte de l’heure présente est donc concentrée là : laisserons-nous, oui ou non, nous baptisés, se consommer l’apostasie qui amènera à bref délai l’Antéchrist ?
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
III. – L’Apôtre parle, en termes pour nous énigmatiques, d’un obstacle qui s’oppose à l’apparition de l’homme de péché « Que celui qui tient, dit-il, tienne bon, jusqu’à ce qu’il soit mis de côté. »
Par ce tenant, les plus anciens Pères grecs et latins entendent presque unanimement l’empire romain. Conséquemment ils expliquent ainsi saint Paul : Tant que subsistera l’empire romain, l’Antéchrist ne paraîtra pas.
Des interprètes plus récents répugnent à cette glose ; ils n’admettent pas que le sort de l’Église semble lié à celui d’un empire ; mais ils cherchent vainement une autre explication qui soit satisfaisante.
Nous avouons ingénument que la pensée des anciens interprètes ne nous paraît pas si méprisable, pourvu que nous l’entendions avec une certaine ampleur.
Remarquons que saint Paul, en annonçant aux fidèles une apostasie alors que la conversion du monde était à peine ébauchée, avait dû leur donner une vue de tout l’avenir de l’Église. Il leur avait fait connaître que les nations se convertiraient, qu’il se formerait des sociétés chrétiennes, puis que ces sociétés perdraient la foi. Il leur avait montré sans aucun doute l’empire romain transformé, un pouvoir chrétien surgissant à la place d’un pouvoir païen, l’autorité des Césars passant à des mains baptisées qui s’en serviraient pour étendre le royaume de Jésus-Christ. Et il avait pu dès lors ajouter : Tant que durera cet état de choses, soyez tranquilles, l’Antéchrist ne paraîtra pas.
Le sens de l’Apôtre, entendu largement, serait donc celui-ci : Tant que la domination du monde restera entre les mains baptisées de la race latine, l’ennemi de Jésus-Christ ne se montrera pas.
Remarquons, comme corollaire de cette interprétation, que les francs-maçons s’opposent avant tout et par-dessus tout à la restauration du pouvoir chrétien. Qu’un prince s’annonce comme chrétien, tous les moyens sont mis en œuvre pour se débarrasser de lui. C’est ce qu’il ne faut à aucun prix ([1]).
Donc le pouvoir politique chrétien est ce qui empêcherait la secte d’arriver à son but.
D’un autre côté, les races latines sont vouées à exercer dans le monde une influence catholique, ou bien à abdiquer. Leur mission est de servir à la diffusion de l’Évangile ; et leur existence politique est liée à cette mission. Du jour où elles y renonceraient par l’apostasie complète, elles seraient annihilées ; et l’Antéchrist, surgissant probablement en Orient, les foulerait facilement aux pieds ([2]).
Ici encore il incombe aux chrétiens d’agir sur l’esprit public, de faire reprendre aux gouvernements les traditions chrétiennes, en dehors desquelles il n’y a que décadence pour les nations européennes et spécialement pour notre pauvre patrie.
– (1) Le P. Deschamps donne de curieux détails sur la haine vivace que la franc-maçonnerie porte aux représentants du pouvoir chrétien. En une certaine épreuve, l’initié reçoit cette devise énigmatique : L. D. P. Or cette devise est à double sens. Dans le premier, elle signifie : Liberté de penser. C’est la révolte contre Dieu. Dans le second : Lilia destrue pedibus. Foule aux pieds les lis : c’est le renversement des monarchies chrétiennes
– (2) C’est la tradition des premiers âges de l’Église, consignée dans Lactance, qu’un jour l’empire du monde retournera en Asie : Imperium in Asiam revertetur.
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Javier- Nombre de messages : 4271
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
Troisième article (mai 1885) - L’homme de péché
I. – Il est dans les choses possibles, bien que l’apostasie soit fort avancée, que les chrétiens, par un effort généreux, fassent reculer les meneurs de la déchristianisation à outrance, – et procurent ainsi à l’Église des jours de consolation et de paix avant la grande épreuve. Ce résultat, nous l’espérons, non pas des hommes, mais de Dieu, non tant des efforts que des prières.
Dans cet ordre d’idées, quelques pieux auteurs attendent, après la crise présente, un triomphe de l’Église, quelque chose comme un jour des Rameaux, dans lequel cette Mère serait saluée par les longs cris d’amour des fils de Jacob, réunis aux nations dans l’unité d’une même foi. Nous nous associons volontiers à ces espérances, qui visent un fait formellement annoncé par les prophètes, et dont nous reparlerons en son lieu.
Quoi qu’il en soit, ce triomphe, si Dieu nous l’accorde, ne sera pas de longue durée. Les ennemis de l’Église, un moment étourdis, reprendront leur œuvre satanique avec un redoublement de haine. On peut se représenter l’état de l’Église alors, comme tout semblable à l’état de Notre Seigneur durant les jours qui ont précédé sa Passion.
Le monde sera profondément agité, comme l’était le peuple juif rassemblé pour les fêtes pascales. Il y aura des rumeurs immenses, chacun parlant de l’Église, les uns pour dire elle est divine, les autres elle ne l’est pas. Elle sera en butte aux attaques les plus insidieuses de la libre-pensée ; mais jamais elle n’aura mieux réduit au silence ses contradicteurs, en pulvérisant leurs sophismes.
Bref, le monde sera mis en face de la vérité ; il sera frappé en plein visage par le rayonnement divin de l’Église mais il détournera la tête, et dira : Je n’en veux pas !
Ce mépris de la vérité, cet abus des grâces amèneront la révélation de l’homme de péché. L’humanité aura voulu ce maître immonde : elle l’aura. Et par lui se produira une séduction d’iniquité, une efficace d’erreur (c’est ainsi que Bossuet traduit saint Paul) qui punira les hommes d’avoir rejeté et haï la Vérité.
En parlant ainsi, nous ne faisons pas d’imagination, nous suivons l’Apôtre. D’après lui, en effet, toute séduction d’iniquité agira « sur ceux qui périssent, comme n’ayant pas reçu l’amour de la Vérité qui les eût sauvés. C’est pour cette raison que Dieu leur enverra une efficace d’erreur, afin qu’ils croient au mensonge ; et ainsi seront jugés ceux qui n’auront pas cru à la vérité, mais qui auront consenti à l’iniquité ». (2 Thes., II, 11, 12.)
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
II. – Quand l’homme de péché paraîtra, ce sera donc, comme dit saint Paul, en son temps ; c’est-à-dire à un moment où le corps des méchants, endurci contre les traits de la grâce, rendu compact et intraitable par l’obstination de sa malice, réclamera cette tête.
Elle surgira, et Satan fera éclater en elle toute l’étendue de sa haine contre Dieu et les hommes.
L’homme de péché, l’Antéchrist, sera un homme, un simple voyageur vers l’éternité. Quelques auteurs ont soupçonné en lui une incarnation du démon ; cette imagination est sans fondement. Le diable n’a pas la puissance de prendre et de s’unir la nature humaine, de singer l’adorable mystère de l’Incarnation du Verbe.
Les Pères pensent unanimement qu’il sera juif d’origine. Ils ajoutent même qu’il sera de la tribu de Dan, se fondant sur ce que cette tribu n’est pas nommée dans l’Apocalypse comme fournissant des élus au Seigneur. Saint Augustin fait écho à cette tradition, dans son livre des Questions sur Josué. Elle est rendue fort vraisemblable par ce fait que la franc-maçonnerie est d’origine juive, que les juifs en tiennent les fils dans le monde entier ; ce qui donne à croire que le chef de l’empire antichrétien sera un juif. Les juifs, d’ailleurs qui ne veulent pas reconnaître Jésus-Christ, attendent toujours leur Messie. Notre Seigneur leur disait : Je suis venu au nom de mon Père et vous ne me recevez pas : si un autre vient en son nom propre, vous le recevrez. (Joan., V, 43.) Par cet autre, les Pères entendent communément l’Antéchrist.
Quoique l’Antéchrist soit nommé l’homme de péché, le fils de perdition, il ne faut pas croire qu’il sera voué au mal, comme fatalement et irrémissiblement. Il recevra des grâces, il connaîtra la vérité, il aura un ange gardien. Il sera mis en voie de parvenir au salut, il ne se perdra que par sa faute. Toutefois saint Jean Damascène n’hésite pas à dire qu’il sera, dès sa naissance impure, tout imprégné des souffles de Satan. Et il est à croire que, dès l’âge de raison, il entrera en rapports si constants et si étroits avec l’esprit des ténèbres, il se portera au mal avec une telle opiniâtreté, qu’il ne laissera pénétrer dans son âme aucune lumière surnaturelle, aucune grâce d’en haut. Il restera immuablement rebelle à tout bien.
C’est ce qui lui vaudra le nom d’homme de péché. Il poussera le péché à son comble, en ne faisant de toute sa vie qu’un long acte de révolte contre Dieu ; par cette constante application au mal, il atteindra un raffinement d’impiété auquel aucun homme n’est jamais parvenu.
La qualification de fils de perdition, qui lui est commune avec Judas, veut dire que sa perte éternelle est prévue de Dieu, voulue de Dieu, en punition de son épouvantable malice, à ce point qu’elle est inscrite dans les Écritures et comme enregistrée d’avance. Il est probable – et c’est la pensée de saint Grégoire – que le monstre connaîtra, à une lumière sortie des gouffres de l’enfer, le sort qui l’attend, qu’il renoncera à toute espérance pour haïr Dieu plus à son aise, qu’il se fixera dès cette vie dans l’irrémédiable obstination des damnés. Et il réalisera ainsi le nom terrible de fils de perdition.
Il sera de la sorte vraiment l’Antéchrist, à savoir l’antipode de Notre Seigneur. Jésus-Christ était élevé au-dessus des atteintes du péché ; lui se mettra en dehors des atteintes de la grâce, par un abandon de tout son être à l’esprit du mal. Jésus-Christ se portait à son Père de tous les élans d’une nature divinisée et soustraite aux influences mauvaises : lui se portera au mal de tous les élans d’une nature profondément viciée et qui renoncera même à l’espérance.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
III. – Étant ainsi diamétralement opposé à Notre Seigneur, il fera des œuvres en opposition directe avec les siennes.
Il sera pour Satan un organe de choix, un instrument de prédilection.
De même que Dieu, envoyant son Fils au monde, l’a revêtu de la puissance de faire des miracles, et même de rendre la vie aux morts, ainsi Satan, passant un pacte avec l’homme de péché, lui communiquera le pouvoir de faire de faux miracles. C’est pourquoi saint Paul dit que « son avènement aura lieu suivant l’opération de Satan, avec déploiement de puissance, de signes et de prodiges menteurs ». Notre Seigneur n’a fait que des miracles de bonté, il a refusé de faire des prodiges de pure ostentation ; l’Antéchrist s’y complaira, et les peuples, par un juste jugement de Dieu, se laisseront prendre à ses jongleries.
Il est clair, d’après ce qui précède, que l’Antéchrist se présentera au monde comme le type le plus complet de ces faux prophètes qui fanatisent les masses, et qui les entraînent à tous les excès sous le prétexte d’une réforme religieuse. A ce point de vue, Mahomet semble être son vrai précurseur. Mais il le dépassera immédiatement en scélératesse, en habileté, comme aussi par la plénitude de son pouvoir satanique.
Nous étudierons dans un prochain article les origines et les développements de sa puissance, ainsi que les phases de la guerre d’extermination qu’il déchaînera contre l’Église de Jésus-Christ.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
Quatrième article (juin 1885) - L’Empire de l’Antéchrist - Vision du prophète Daniel
I. – Une nuit, le prophète Daniel eut une vision formidable. Tandis que les quatre vents du ciel se combattaient sur une vaste mer, il vit surgir du milieu des flots, quatre bêtes monstrueuses.
C’étaient une lionne, un ours, un léopard à quatre têtes, puis je ne sais quel monstre d’une force prodigieuse, ayant des dents et des ongles de fer, et dix cornes sur le front.
Il fut révélé au prophète que ces quatre bêtes signifiaient quatre empires qui s’élèveraient successivement sur les flots mouvants de l’humanité.
Or, tandis que Daniel considérait avec épouvante la quatrième bête, il vit une petite corne naître au milieu des dix autres, en abattre trois, et grandir par-dessus toutes ; et cette corne avait comme des yeux d’homme, et une bouche qui tenait de grands discours ; et elle faisait la guerre aux saints du Très-Haut, et elle l’emportait sur eux.
Le prophète demanda le sens de cette vision étrange. Il lui fut répondu que les dix cornes représentaient dix rois ; que la petite corne était un roi qui finirait par dominer sur toute la terre avec une puissance inouïe.
« Il vomira, lui fut-il dit, des blasphèmes contre Dieu, il broiera sous ses pieds les saints du Très-Haut ; il pensera pouvoir changer les temps et les lois ; et tout lui sera livré pendant un temps, deux temps, et la moitié d’un temps. » (Dan., VII.)
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
II. – Par ce roi, tous les interprètes entendent l’Antéchrist.
Quelle est la bête sur laquelle surgit, au temps marqué, cette corne d’impiété ? c’est la Révolution, par laquelle on entend tout le corps des impies, obéissant à un moteur occulte, et s’insurgeant contre Dieu : la Révolution, puissance à la fois satanique et bestiale, satanique comme animée d’un esprit infernal, bestiale comme livrée à tous les instincts de la nature dégradée. Elle a des dents et des ongles de fer : car elle forge des lois despotiques, au moyen desquelles elle broie la liberté humaine. Elle cherche à s’emparer des rois et des gouvernements, qui doivent passer un pacte avec elle. Quand paraîtra l’Antéchrist, elle aura dix rois à son service, comme dix cornes sur le front. L’Antéchrist, nous dit Daniel, paraîtra comme une petite corne ; il aura des commencements obscurs. Il ne sera pas issu de famille royale ; ce sera un Mahomet, un Mahdi, qui s’élèvera peu à peu par la hardiesse de ses impostures, secondées de toute la complicité du diable.
La corne en effet qui le représente est très différente des autres. Elle a des yeux comme des yeux d’hommes ; car le nouveau roi est un voyant, un faux prophète. Elle a une bouche disant de grands mots ; car il s’impose non moins par l’éclat de la parole et la séduction des promesses, que par la force des armes et les ruses de la politique.
Tout le monde aura bientôt les regards tournés vers l’imposteur, dont les trompettes d’une presse complaisante célébreront les hauts faits. Sa popularité portera ombrage à plusieurs des souverains apostats, qui se partageront alors l’empire de la bête révolutionnaire. Il s’ensuivra une lutte gigantesque, dans laquelle, suivant Daniel, l’Antéchrist abattra trois de ses rivaux.
A ce moment tous les peuples, fanatisés par ses prodiges et ses victoires, l’acclameront comme le sauveur de l’humanité. Et les autres rois n’auront d’autre ressource que de lui faire leur soumission.
Ce sera le commencement d’une crise terrible pour l’Église de Dieu. Car la corne d’impiété, parvenue au faîte de la puissance, fera la guerre aux saints et prévaudra contre eux.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
III. – Il est probable que, durant toute cette première période qui pourra durer de longues années, l’homme de péché affectera des airs de modération hypocrite.
Juif, il se présentera aux juifs comme le Messie attendu, comme le restaurateur de la loi de Moïse ; il essaiera de tourner en sa faveur les mystérieuses prophéties d’Isaïe et d’Ézéchiel ; il rebâtira, au dire de plusieurs Pères, le temple de Jérusalem. Les Juifs, au moins en partie, éblouis par ses faux miracles et son faste insolent, le recevront, lui le faux Christ ; et ils mettront à son service la haute finance, toute la presse, et les loges maçonniques du monde entier.
Il est très croyable aussi que l’Antéchrist ménagera, pour s’élever, tous les partisans des fausses religions. Il s’annoncera comme plein de respect pour la liberté des cultes, une des maximes et un des mensonges de la bête révolutionnaire. Il dira aux bouddhistes, que lui-même est un Bouddha ; aux musulmans, que Mahomet est un grand prophète. Il n’est même rien d’impossible à ce que le monde musulman accepte le faux messie des juifs comme un nouveau Mahomet.
Qu’en savons-nous ? Peut-être ira-t-il jusqu’à dire, en son hypocrisie, pareil à Hérode son précurseur, qu’il veut adorer Jésus-Christ. Mais ce ne sera qu’une dérision amère. Malheur aux chrétiens qui supportent sans indignation que leur adorable Sauveur soit mis, pêle-mêle avec Bouddha et Mahomet, dans je ne sais quel panthéon de faux Dieux !
Tous ces artifices, pareils aux caresses du cavalier qui veut monter en selle, gagneront insensiblement le monde à l’ennemi de Jésus-Christ ; mais une fois affermi sur les étriers, il fera jouer le frein et les éperons ; et la plus épouvantable tyrannie pèsera sur l’humanité.
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Javier- Nombre de messages : 4271
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
IV. – Saint Paul nous fait connaître d’un seul trait toute l’extrémité de cette tyrannie, la plus odieuse qui fut et qui sera jamais.
L’homme de péché, dit-il, le fils de perdition, l’impie, « se posera en adversaire, s’élèvera au-dessus de tout ce qu’on nomme Dieu ou de ce qu’on honore comme Dieu, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, comme Dieu lui-même ». (2 Th., II, 4.)
Daniel l’avait prédit avant saint Paul. « Il ne comptera pour rien le Dieu de ses Pères ; il se plongera dans les débauches ; il n’aura cure d’aucun Dieu, il se dressera contre tout. » (Dan., XI, 17.)
Ainsi, quand l’Antéchrist aura asservi le monde, quand il aura placé partout ses lieutenants et ses créatures, quand il pourra faire jouer à son profit tous les ressorts d’une centralisation poussée à son comble : il lèvera le masque, il proclamera que tous les cultes sont abolis, il se donnera comme le Dieu unique, et, sous les peines les plus affreuses et les plus infamantes, voudra forcer tous les habitants de la terre à adorer, à l’exclusion de toute autre, sa propre divinité.
C’est là que viendra aboutir la fameuse liberté des cultes, dont on fait tant d’étalage ; la promiscuité des erreurs exige logiquement cette conclusion.
Tandis qu’il était sur la terre, l’adorable Jésus, doux et humble de cœur, ne s’est jamais proposé à l’adoration de ses apôtres, lui qui était Dieu ; tout au contraire, il s’est mis à genoux devant eux, en leur lavant les pieds. L’Antéchrist, monstre d’impiété et d’orgueil, se fera adorer, lui, par l’humanité affolée et séduite ; elle aura choisi ce maître, de préférence au premier.
Et qu’on ne pense pas que le piège sera grossier ! N’oublions pas, dit saint Grégoire, que le monstre disposera de la puissance du diable pour faire de faux prodiges : au lieu qu’au commencement les miracles étaient du côté des martyrs, ils sembleront alors être du côté des bourreaux. Il y aura un éblouissement, un vertige. Seuls les vrais humbles, affermis en Dieu, démêleront le mensonge et échapperont à la tentation.
Mais où l’Antéchrist établira-t-il son nouveau culte ? Saint Paul dit dans le temple de Dieu ; saint Irénée, presque contemporain des apôtres, précise davantage, et dit dans le temple de Jérusalem qu’il fera rebâtir. Ce sera le centre de l’horrible religion. Saint Jean d’ailleurs nous fait connaître que l’image du monstre sera proposée partout à l’adoration des hommes. (Ap., XIII, 24.)
Alors bouddhisme, mahométisme, protestantisme, etc., seront supprimés et abolis. Mais il va sans dire que la fureur du monde se dirigera contre Notre Seigneur et son Église. Il fera cesser le culte public ; il enlèvera, dit Daniel, le sacrifice perpétuel. On ne pourra plus célébrer la sainte messe que dans les cavernes et les lieux cachés. Les églises profanées ne présenteront aux regards que l’abomination dans la désolation, à savoir l’image du monstre élevée sur les autels du vrai Dieu. (Daniel, passim.) Il y a eu un essai de tout cela dans la Révolution française.
C’est ici que la main de Dieu se fera sentir. Il abrégera ces jours de suprême angoisse. Cette persécution, qui fera vaciller les colonnes du ciel, ne durera qu’un temps, deux temps et la moitié d’un temps, à savoir trois ans et demi.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
Cinquième article (juillet 1885) - Les prédicateurs de l’Antéchrist - Vision de saint Jean
I. – Les livres saints, qui entrent en tant de détails sur l’Homme de péché, nous font connaître un agent mystérieux de séduction qui lui soumettra la terre. Cet agent, à la fois un et multiple, est selon saint Grégoire, une sorte de corps enseignant qui propagera partout les doctrines perverses de la Révolution.
L’Antéchrist aura ses lieutenants et ses généraux ; il possédera une armée innombrable. On ose à peine entendre, au pied de la lettre, le chiffre que saint Jean nous donne en parlant de sa seule cavalerie (Ap., IX, 16) ([3]). Mais il aura surtout à son service de faux prophètes comme lui, des illuminés du diable, des docteurs de mensonges ; ennemi personnel de Jésus-Christ, il singera le divin Maître, en s’entourant d’apôtres à rebours.
Parlons donc, d’après saint Jean, de ces docteurs impies, que nous nommerons avec saint Grégoire les prédicateurs de l’Antéchrist.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
II. – Saint Jean, au chapitre XIII de son Apocalypse, décrit une vision toute semblable à celle de Daniel. Il voit surgir de la mer un monstre unique, réunissant en lui-même par une horrible synthèse tous les caractères des quatre bêtes aperçues par le prophète. Ce monstre ressemble au léopard ; il a les pieds de l’ours, la gueule du lion ; il a sept têtes et dix cornes.
Il représente l’empire de l’Antéchrist, formé de toutes les corruptions de l’humanité. Il représente l’Antéchrist lui-même qui est le nœud de tout cet assemblage violent de membres incohérents et disparates. On croit voir l’imposteur, avec le cortège de chrétiens apostats, de musulmans fanatisés, de juifs illuminés, qui le suivra partout.
Or, tandis que saint Jean considérait cette Bête, il vit une des têtes comme frappée de mort ; puis la plaie mortelle fut guérie. Et toute la terre s’émerveilla après la Bête. Les interprètes voient là un des faux prodiges de l’Antéchrist ; un de ses principaux lieutenants, ou peut-être lui-même, paraîtra blessé grièvement, on le croira mort, quand soudain, par un artifice diabolique, il se dressera plein de vie. Cette imposture sera célébrée par tous les journaux, ce jour-là fort crédules ; et l’enthousiasme ira jusqu’au délire.
« Alors, continue saint Jean, les hommes adorèrent le dragon qui donna cette puissance à la Bête ; et ils adorèrent la Bête, en disant : Qui est semblable à elle, et qui pourra la combattre ? »
Ainsi le diable sera publiquement adoré, ainsi que l’Antéchrist ; et ce ne sera pas un culte double, le premier étant adoré dans le second. Saint Jean nous fait assister ensuite à la persécution contre l’Église.
« Et il fut donné à la Bête une bouche disant de grands mots et des blasphèmes ; et elle eut puissance d’agir durant 42 mois. »
Ceci est la parole même de Daniel, et désigne le temps de la persécution arrivée à son paroxysme. 42 mois, cela fait juste trois ans et demi.
« Et elle ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu, blasphèmes à son nom, à son tabernacle, à ceux qui habitent dans le ciel. »
« Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Et elle reçut puissance sur toute tribu, langue, peuple et nation. »
« Et tous ceux qui habitent la terre l’adorèrent, hormis ceux dont les noms sont écrits au livre de vie de l’Agneau, qui a été tué dès l’origine du monde. »
« Si quelqu’un a des oreilles, qu’il entende ! »
« Qui sera conduit en captivité, ira en captivité ; qui tombera sous le glaive, ne pourra échapper au glaive. Là se montreront la patience et la foi des saints. » (XIII, 3-11.)
C’est ainsi que l’apôtre bien-aimé décrit la terrible persécution. A toutes les menaces se joindront toutes les séductions ; il en résultera un fanatisme délirant qui jettera le monde entier aux pieds de la Bête. Mais tous les assauts de l’enfer échoueront devant « la patience et la foi des saints ».
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
III. – Saint Jean nous peint ensuite le grand agent de séduction qui pliera les esprits des hommes au culte de la Bête.
« Je vis, dit-il, s’élever de terre une autre Bête ; elle avait deux cornes comme celles de l’Agneau, et elle parlait comme le dragon. »
« Et elle exerçait toute la puissance de la première Bête, en sa présence ; et elle fit en sorte que toute la terre et ses habitants adorèrent cette Bête, dont la plaie mortelle avait été guérie. »
« Et elle fit de grands prodiges, jusqu’à faire descendre le feu du ciel en terre, en présence des hommes. »
« Et elle séduisit les habitants de la terre par les prodiges qu’il lui fut donné de faire, leur persuadant de fabriquer l’image de la Bête qui avait reçu la blessure du glaive et avait survécu. »
« Et il lui fut donné d’animer l’image de la Bête, de manière à la faire parler ; et de forcer tous les hommes, sous peine de mort, à adorer la Bête. »
« Et elle fera porter à tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, un caractère à la main droite ou au front ; en sorte que nul ne puisse acheter ou vendre, qu’il n’ait ce caractère, soit le nom de la Bête, soit le chiffre de son nom. »
« Ici est la sagesse. Que quiconque a reçu l’intelligence, suppute le chiffre de la Bête. C’est un nombre d’hommes, et ce nombre est 666. » (Ap., XIII, 11-18.)
Telle est la seconde partie de la prophétie de saint Jean. Saint Grégoire interprète ce mystérieux passage en ce sens que, comme nous l’avons dit, l’Antéchrist aura son collège de prédicateurs et d’apôtres à rebours. Et ces docteurs de mensonge seront quelque chose comme nos savants modernes, doublés d’un magicien ou d’un spirite.
Ils auront l’apparence de l’Agneau. Ils singeront les maximes évangéliques de paix, de concorde, de liberté, de fraternité humaine ; et sous ces dehors, ils propageront l’athéisme le plus éhonté.
Ils auront l’apparence de l’Agneau. Ils se donneront comme des agents de persuasion, respectueux pour les consciences ; et puis ils feront mourir dans les tourments ceux qui refuseront de les écouter.
« Leurs auditeurs, dit fortement saint Grégoire, ce seront tous les réprouvés ; leur tactique, dit-il encore, consistera à proclamer que le genre humain, durant les âges de foi, était plongé dans les ténèbres ; et ils salueront l’avènement de l’Antéchrist comme l’apparition du jour et le réveil du monde. » (Mor. in Job. lib. XXXIII.)
Ces prédications seront appuyées par de faux prodiges. Instruits par le diable et son suppôt de secrets naturels encore inconnus, les missionnaires de l’Antéchrist épouvanteront et séduiront les multitudes par toute espèce de sortilèges ; ils feront descendre le feu du ciel, et parler les images de l’Antéchrist qu’ils auront érigées.
Mais ce n’est pas tout. Ils forceront les hommes, sous peine de mort, à adorer ces images parlantes. Ils les obligeront à porter, à la main droite ou au front, le chiffre du monstre. Et quiconque n’aura pas ce chiffre ne pourra ni acheter ni vendre.
Là se montre l’effroyable raffinement de la persécution suprême. Celui qui ne portera pas l’estampille du monstre sera par là même hors-la-loi, hors-la-société, passible de mort.
Mais ne voyons-nous pas dès à présent se dessiner quelque essai de cette tyrannie ?
Que sont tous ces maîtres de l’enseignement sans Dieu, sinon les précurseurs de l’Antéchrist ? La Révolution veut avoir son corps enseignant, chargé officiellement de déchristianiser la jeunesse, et d’imprimer au front de tous, petits et grands, pauvres et riches, l’estampille du Dieu-État. L’enseignement obligatoire et laïque n’a pas d’autre but. Déjà on prépare des lois pour interdire l’entrée des carrières publiques à quiconque n’aura pas reçu la griffe des écoles de l’État. Le jour où passeront ces lois abominables, on pourra prendre le deuil de la liberté humaine. Nous entrerons sous une tyrannie sombre, étouffante, infernale. L’Antéchrist pourra venir.
Nous voulons l’espérer, la conscience publique est trop chrétienne encore pour supporter une pareille torture. Aussi cherche-t-on, par tous les moyens possibles, à l’endormir. D’ailleurs, que les croyants se consolent ! Toutes ces extrémités ne serviront, dans les desseins de Dieu, qu’à faire éclater la patience et la foi des saints. C’est ce que nous verrons au chapitre suivant.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
Sixième article (août 1885) - L’Église durant la tourmente
I. – Saint Grégoire le Grand, en ses lumineux commentaires sur Job, ouvre les aperçus les plus profonds sur toute l’histoire de l’Église. Il est visiblement animé lui-même de cet esprit prophétique répandu dans toutes les Écritures.
Il contemple l’Église, à la fin des âges, sous la figure de Job humilié et souffrant, exposé aux insinuations perfides de sa femme et aux critiques amères de ses amis ; lui devant qui autrefois les vieillards se levaient, et les princes faisaient silence !
L’Église, dit maintes fois le grand pape, vers le terme de son pèlerinage, sera privée de tout pouvoir temporel ; on cherchera à lui enlever tout point d’appui sur la terre.
Mais il va plus loin encore, et il déclare qu’elle sera dépouillée de l’éclat même qui provient des dons surnaturels. « La puissance des miracles, dit-il, sera retirée, la grâce des guérisons enlevée, la prophétie aura disparu, le don d’une longue abstinence sera diminué, les enseignements de la doctrine se tairont, les prodiges miraculeux cesseront. Ce n’est pas à dire qu’il n’y aura plus rien de tout cela ; mais tous ces signes n’éclateront pas ouvertement et sous mille formes comme aux premiers âges. Ce sera même l’occasion d’un merveilleux discernement. Dans cet état humilié de l’Église, grandira la récompense des bons, qui s’attacheront à elle purement en vue des biens célestes ; quant aux méchants, ne voyant plus en elle aucun attrait temporel, ils n’auront rien à déguiser, ils se montreront tels qu’ils sont. » (Mor, 1. XXXV)
Quelle parole formidable : les enseignements de la doctrine se tairont ! Saint Grégoire proclame ailleurs que l’Église aime mieux mourir que se taire. Elle parlera donc : mais son enseignement sera entravé, sa voix couverte ; mais plusieurs qui devraient crier sur les toits n’oseront plus le faire par crainte des hommes.
Et ce sera l’occasion d’un discernement redoutable.
Saint Grégoire revient souvent sur cette donnée, qu’il y a dans l’Église trois catégories de personnes : les hypocrites ou les faux chrétiens, les faibles et les forts. Or, en ces moments d’angoisses, les hypocrites lèveront le masque, et manifesteront leur secrète apostasie ; les faibles, hélas ! périront en grand nombre, et le cœur de l’Église en saignera ; enfin plusieurs forts eux-mêmes, trop confiants en leur force, tomberont comme les étoiles du ciel.
En dépit de toutes ces tristesses poignantes, l’Église ne perdra ni le courage ni la confiance. Elle sera soutenue par la promesse du Sauveur, consignée dans les Écritures, que ces jours seront abrégés à cause des élus. Sachant que les élus seront sauvés quand même, elle se vouera, dans le plus fort de la tourmente, au sauvetage des âmes avec une énergie infatigable.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
II. – Malgré l’affreux scandale de ces temps de perdition, il ne faut pas penser en effet que les petits et les faibles seront nécessairement perdus. La voie du salut restera ouverte, et le salut sera possible à tous. L’Église aura des moyens de préservation proportionnés à la grandeur du péril. Et ceux-là seulement, parmi les petits, tomberont sous la serre de l’oiseau de proie, qui auront quitté les ailes de leur mère.
Quels seront ces moyens de préservation ? Les Écritures ne nous laissent pas sans indication à ce sujet ; et nous pouvons sans témérité formuler quelques conjectures.
L’Église se souviendra de l’avertissement donné par Notre Seigneur pour les temps de la prise de Jérusalem, et applicable, du consentement des interprètes, à la dernière persécution.
« Quand vous verrez l’abomination de la désolation, prédite par le prophète Daniel, debout dans le lieu saint (que celui qui lit, comprenne !), alors que ceux qui sont en Judée s’enfuient vers les montagnes… Priez afin que votre fuite n’ait pas lieu en hiver, ni le jour du Sabbat ! Car il y aura une grande tribulation, telle qu’il n’y en a pas eu depuis l’origine du monde, et qu’il n’y en aura jamais. Et si ces jours n’étaient pas abrégés, nul ne serait sauvé ; mais ils seront abrégés à cause des élus. » (Matth., XXIV, 15, 23.)
Conformément à ces instructions du Sauveur, l’Église mettra en sûreté par la fuite les petits du troupeau ; elle leur ménagera des retraites inaccessibles, où la dent de la Bête ne les atteindra pas.
On peut se demander comment il y aura des retraites inaccessibles, alors que la terre sera percée et sillonnée de voies de communication. Il faut répondre que Dieu pourvoira lui-même à la sécurité des fugitifs. Saint Jean nous fait entrevoir cette action de la Providence.
Au chapitre XII de l’Apocalypse, il nous présente une femme vêtue du soleil et couronnée d’étoiles ; c’est l’Église. Cette femme souffre les douleurs de l’enfantement ; car l’Église enfante à Dieu des élus, parmi de grandes souffrances. Devant elle se tient un grand dragon roux, image du diable et de ses continuelles embûches. Mais la femme s’enfuit dans la solitude, en un lieu préparé par Dieu lui-même, et là elle est nourrie durant 1260 jours (V, 6). Ces 1260 jours, qui font 3 ans et demi, indiquent le temps de la persécution de l’Antéchrist, comme il est manifeste par les autres passages de l’Apocalypse. Donc, durant ce temps, l’Église, en la personne des faibles, s’enfuira dans la solitude ; et Dieu lui-même prendra soin de la tenir cachée et de la nourrir.
La fin du même chapitre contient des détails sur cette fuite. Il est donné à la femme deux grandes ailes d’aigle, pour la transporter au désert. Le dragon cherche à la poursuivre ; et sa gueule vomit contre elle de l’eau comme un fleuve. Mais la terre vient en aide à la femme et absorbe le fleuve. Ces paroles énigmatiques désignent quelque grande merveille que Dieu fera paraître en faveur de son Église ; la rage du dragon viendra expirer à ses pieds.
Cependant, tandis que les faibles prieront en sûreté dans une solitude mystérieuse, les forts et les vaillants engageront une lutte formidable, en présence du monde entier, avec le dragon déchaîné.
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Re: Le drame de la fin des temps - Père Emmanuel (1885-1886)
III. – Il est hors de doute en effet qu’il y aura, dans les derniers âges, des saints d’une vertu héroïque. Au commencement, Dieu a donné à son Église les Apôtres, qui ont abattu l’empire idolâtrique, et qui l’ont fondée et cimentée elle-même dans leur sang. A la fin, il lui donnera des enfants et des défenseurs, qu’on peut dire non moins saints et non moins grands.
Saint Augustin s’écrie, en pensant à eux : « En comparaison des saints et des fidèles qui seront alors, que sommes-nous ? Car, pour les mettre à l’épreuve, le diable sera déchaîné, lui que nous ne combattons qu’au prix de mille dangers, maintenant qu’il est lié. Et toutefois, ajoute-t-il, il est à croire qu’aujourd’hui même le Christ a des soldats assez prudents et assez forts, pour pouvoir au besoin déjouer avec sagesse les embûches, et subir avec patience les assauts de leur ennemi même déchaîné. » (De Civ. Dei, XX, 8.)
Saint Augustin se demande ensuite : Y aura-t-il encore des conversions, en ces temps de perdition ? Baptisera-t-on encore les enfants, malgré les prohibitions du monstre ? Les saints d’alors auront-ils la puissance d’arracher des âmes à la gueule du dragon furieux ? Le grand Docteur répond affirmativement à toutes ces questions. Sans doute les conversions seront plus rares, mais elles n’en seront que plus éclatantes. Sans doute, en règle générale, il faut que Satan soit lié pour qu’on puisse le dépouiller (Mat., XI, 29) ; mais, en ces jours, Dieu se plaira à montrer que sa grâce est plus forte que le fort lui-même, en son plus furieux déchaînement.
Chacun remarquera combien ces données sont consolantes.
Mais quels seront les saints des derniers âges ? Parmi eux nous aimons à penser qu’il y aura des soldats. L’Antéchrist sera un conquérant, il commandera des armées ; il trouvera devant lui des Légions thébaines, des héros de cette lignée glorieuse et indomptable qui a les Macchabées pour ancêtres, et qui compte dans ses rangs les Croisés, les paysans de la Vendée et du Tyrol, enfin les Zouaves pontificaux. Ces soldats, il pourra les écraser sous le poids de ses hordes innombrables ; il ne les fera pas fuir.
Mais l’Antéchrist sera surtout un imposteur ; par conséquent il rencontrera comme adversaires principalement des apôtres armés du crucifix. Comme la persécution dernière revêtira l’aspect d’une séduction, ceux-ci uniront à la patience des martyrs la science des docteurs. Notre Seigneur les fit voir un jour à sainte Thérèse, tenant en main des glaives lumineux.
A la tête de ces phalanges intrépides, apparaîtront deux envoyés extraordinaires de Dieu, deux géants de sainteté, deux survivants des anciens âges ; nous avons nommé Hénoch et Élie, dont nous parlerons à l’article suivant.
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