HOMÉLIE SUR L'ÉVANGILE DU DIMANCHE APRÈS NOEL - Lacordaire, O.P.

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Message  Javier Mer 25 Déc 2019, 5:28 am

HOMÉLIE SUR L'ÉVANGILE DU DIMANCHE APRÈS NOEL

JÉSUS -CHRIST SIGNE DE CONTRADICTION
Préchée le 30 décembre 1849.


Mes Frères ,
Lorsqu'un enfant nous est né, l'un de nos premiers
désirs, désir presque invincible, c'est de tirer
de ses premiers moments un augure de sa destinée.
Il n'est aucun de vous, pères et mères de famille,
qui, après avoir reçu de Dieu ce don excellent
d'un fils, n'ait pesé, pour ainsi dire, dès son berceau
tout l'intervalle de ses années; qui, calculant
sa fortune, sa naissance, le génie de ses parents,
n'ait cherché à prévoir ce qu'il pourra devenir un
jour.


C'est ce qui est arrivé aussi, immédiatement
après la naissance de Notre-Seigneur, et c'est cette
révélation, ce pressentiment de l'avenir, qui nous
est aujourd'hui présenté dans l'Évangile. Il y est
dit que les parents de Notre -Seigneur l'ayant conduit
au Temple, il s'y rencontra un vieillard appelé
Siméon. Après qu'il eut rendu grâce à Dieu de ce
qu'il lui avait été permis avant de mourir de contempler
celui qui devait être la gloire d'Israël et le
salut du monde, se tournant vers sa mère, ce vieillard
lui dit : Celui-ci est posé pour la ruine et la
résurrection d'un grand nombre en Israël, et comme
un signe auquel il sera contredit. — Ecce positus
est hic in ruinam et in resurrectionem multorum,
et in signum cui contradicetur.



Tel est le présage qui fut déposé sur le berceau
du Sauveur Jésus, et celui-là les renfermait tous.
Il se résume en ceci : c'est que cet enfant serait un
signe de contradiction. Le vieillard de l'Évangile
ne pouvait pas dire une chose à la fois plus douloureuse
et plus sublime. Car si la contradiction est
la plus grande douleur de la vie, c'en est aussi le
grand ressort; en sorte que toute souffrance a sa
racine dans la contradiction, et que toute grandeur
y trouve son principe et son commencement.


La contradiction, c'est l'opposition des pensées à
notre pensée, l'opposition des sentiments à notre sentiment,
l'opposition des volontés à notre volonté. Et
comme notre pensée, notre sentiment, notre volonté,
c'est nous-mêmes, c'est notre être, aussi près qu'on
puisse le rencontrer et le toucher, il s'ensuit que
s'opposer à notre pensée, à notre sentiment, à notre
volonté, c'est s'opposer à nous-mêmes autant qu'il
est possible de s'y opposer; et, par conséquent, c'est
nous inspirer de la répulsion, de l'inimitié, car nous
avons horreur de ce qui nous nuit, de ce qui nous
trouble , de ce qui s'oppose au passage de nos sentiments,
de nos pensées et de nos volontés.


À SUIVRE...

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Message  Javier Jeu 26 Déc 2019, 9:31 am

Aussi, mes Frères, c'est cette horreur de la contradiction
qui fait qu'un des usages les plus nobles
de la force humaine c'est de supporter d'être contredit,
et qu'il n'y a rien de si éminent ici-bas, qu'un
esprit, prince ou charbonnier, souffrant autour de
soi la contradiction.
Souvent ce n'est là qu'un effort;
mais on a noté, dans la vie des grands hommes, les
rares moments où ils ont pu être contredits au
milieu de leur domination et de leur majesté. On a
dit : une fois, deux fois, trois fois, ils ont été assez
grands pour subir la contradiction.


La contradiction nous coûte, en effet, à un tel
degré, que toute notre vie est occupée à l'éviter.

Ainsi, à peine avons-nous franchi l'enfance, à peine
nos passions et nos idées s'éveillent-elles ensemble,
que nous cherchons des amis dans cette jeunesse
qui est autour nous, qui est du même rang que
nous, qui est du même avenir probable que nous.
Que faisons-nous? Nous cherchons des sympathies,
c'est-à-dire que dans ces deux ou trois cents jeunes
gens qui composent le cortège de notre adolescence,
nous cherchons à rencontrer une âme, non pas
deux, mais une âme qui soit sympathique à la
notre, qui pense avec nous, qui sente avec nous,
qui veuille avec nous.
Et nous nous faisons tous
cette illusion et ce charme d'avoir au moins rencontré
cette âme entre seize et vingt ans. Nous
croyons la découvrir sur un front, dans le sourire
de deux lèvres qui se rapprochent d'une certaine
manière en nous regardant, car les lèvres regardent
bien mieux encore que les yeux ; nous nous imaginons
que nous avons enfin trouvé quelqu'un qui
aura cette admirable prédestination commune avec
la nôtre, de marcher côte à côte dans la vie,
et nous
nous figurons que ce compagnon de notre existence
ne pensera, ne sentira, ne voudra jamais autrement
que nous.
Nous nous donnons la main, nous appelons
cela une amitié, nous la saluons des noms les
plus mémorables que nous trouvons dans l'histoire.
Nous applaudissons ces deux êtres rencontrés, qui,
comme deux arbres jumeaux, plantés dans la même
terre, sous le même ciel, imprégnés des mêmes
rosées, croissent ensemble sans se surpasser jamais,
rameaux contre rameaux, feuillage contre feuillage,
se penchant et se relevant à la même heure , au
même souffle, au môme pressentiment, à la même
culture, à la même floraison; et nous nous-flattons
que nous traverserons ainsi notre destinée. Mais,
hélas! à peine avons -nous vécu, à peine avons nous
franchi ces étroites Thermopyles de la jeunesse,
à peine nous trouvons-nous en face de cette
armée immense, incalculable, qui était les Perses
pour les Grecs, et qui, pour nous, est le monde
avec toutes ses amertumes et ses longs désenchantements;
à peine, dis-je, avons-nous franchi ces
étroites Thermopyles de notre bien-aimée jeunesse,
que déjà nous commençons à nous écarter les uns
des autres,
et il est bien peu d'hommes qui, arrivés
aux cheveux blancs, puissent retrouver au coin
de leur feu celui qui fut leur ami, pensant, sentant
et voulant à l'unisson.


À SUIVRE...
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Message  Javier Ven 27 Déc 2019, 9:16 am

Comme un voyageur qui a franchi, dans une longue
marche, colline sur colline, arrive au sommet d'une
montagne après avoir laissé çà et là sur sa route
ceux qui l'accompagnaient, et se, trouvant seul en
présence d'une nature immense, regarde et aperçoit
dans la vallée des arbres brisés par la tempête ou
la vieillesse; ainsi, arrivés au faîte de la vie, nous
regardons autour de nous et nous nous trouvons
seuls. Au loin, dans le vallon, nous apercevons
au-dessous de nous les amitiés dévastées, les concordes
évanouies, les générosités aimables et réciproques
qui ont péri dans le chemin et ne se rencontreront
jamais plus. Et, l'oeil attristé, le coeur
grave, nous regardons, nous montons lentement
ces derniers et glacés sommets de l'existence qui
seraient la plus misérable des choses si Dieu n'était
pas au bout, Dieu en qui s'éteignent toutes les
contradictions, en qui se trouvent éternellement
vivantes et fleuries toutes les harmonies, toutes les
beautés que nous voyons sur la terre.


L'amitié n'est pas le seul effort que nous fassions
pour éviter la contradiction, car entre amis on est
simplement d'homme à homme, de sexe à sexe, de
coeur semblable à coeur semblable. Dieu nous avait
pétris dès le commencement de manière à nous
assurer, au moins dans un être, la sympathie. Il
avait tiré de notre propre poitrine un être semblable
à nous, égal à nous, et cependant différent de nous,
plus humble ou du moins plus modeste, plus calme,
plus serein, plus sensible, plus dévoué, plus capable
de s'oublier, incapable des hautes affaires
par sa simplicité même, n'ayant pas à se jeter
devant noire chemin parce que sa carrière était
tout autre et sacrée, destiné seulement à devenir,
comme l'appelle énergiquement et justement l'Écriture,
la compagne de l'homme. L'homme s'unit à
cet être différent de lui, qui ne peut pas se trouver
sur son chemin; il cherche dans cette multitude de
créatures, il en cherche une qui lui paraisse plus
sympathique à sa propre existence, à sa fortune, à
sa naissance, à ses goûts, à ses penchants, à son
coeur; il s'étudie, il dit : « Je ne suis plus jeune, je
n'ai plus rien à attendre de l'être qui est de mon
sexe, mais il y en a un autre. »
Il cherche autour de
lui et croit le rencontrer; il se donne aux pieds des
autels, à la face de Dieu, il s'écrie: « Maintenant,
amitié, ambition, gloire, fortune, naissance, tout
est terminé, je vous donne tout; vous vous donnez
à moi, moi à vous; vous et moi, deux ensemble,
c'est l'univers, c'est l'humanité. »
On se dit cela dans
un jour, dans une heure, dans un enthousiasme
qui n'a pas d'égal, et on descend de l'autel pour
entrer dans la vie, jeune, nouveau, ressuscité,
comme ces insectes qui, sortis enfin de leur enveloppe,
arrivent à la lumière, à la chaleur, et se
posent sur des fleurs.


Hélas! quelle lumière! quelle chaleur! quelles
fleurs ! Qu'est-ce que nous trouvons la plupart du
temps? Chose horrible ! au foyer domestique, dans
cet être si bien préparé , où Dieu a mis tout l'esprit
possible et en même temps tout le coeur imaginable,
hélas! là même, la lutte, la contradiction plus
inévitable désormais, plus profonde, plus intime.
Poitrine contre poitrine, main dans la main, esprit
dans l'esprit, à toujours, du matin au soir, du
soleil qui se couche au soleil qui se lève, au lieu
de l'harmonie , la contradiction; les goûts qui se
heurtent, les sentiments qui s'excommunient, les
volontés qui se livrent des batailles intestines, et,
comme le disait un historien romain, des guerres
plus que civiles. C'est là le terme auquel cette sainte
et divine institution du mariage aboutit trop souvent;
et cependant, parmi les exaltations de l'âme,
il n'en est pas de plus vraies que celles qui sortent
de cette union bénie, ratifiée, consacrée, et que
Dieu avait faite pour être l'harmonie,
s'il est possible
ici-bas de trouver l'harmonie.



Éprouvé dans l'amitié, éprouvé dans le mariage,
dans la famille, l'homme, à quarante ans, s'éveille
pour vivre d'une autre vie. Voulant disposer de la
vie du sentiment, il cherche une vie plus forte,
plus énergique et qui le remplisse tout entier. Il
s'empare du gouvernement de la chose publique, et
comme on n'est rien seul, on cherche un parti; on
le trouve dans les idées et dans les opinions qu'on
a reçues de ses ancêtres, de ses lectures, de ses
propres méditations; on se donne à ce parti et on
dit : " Là du moins nous éviterons la contradiction ;
là du moins , non plus deux êtres ensemble , mais
des phalanges d'esprits ensemble, nous marcherons
en commun, nous accomplirons nos destinées,
non plus privées, mais publiques. »



Hélas ! on n'a pas marché cinq ou six ans de la
sorte, après avoir disposé de toute la puissance
possible, que des événements, des changements
d'hommes et de choses rompent tous ces liens que
nous avons tissus. Les partis se disloquent, les
hommes qui s'estimaient ne s'estiment plus, ou s'il
y a encore de l'estime, c'est une estime douloureuse
qui fait rencontrer un ennemi dans celui
qu'on ne peut s'empêcher de respecter et qui la
rend ainsi plus poignante au coeur.



À SUIVRE...
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Message  Javier Sam 28 Déc 2019, 12:52 pm

Et enfin on arrive au fond de la vie. L'homme est
alors désabusé de tout. Se retirant en soi-même, il
pourrait écrire sur son tombeau, comme cet homme
qui avait été mêlé aux affaires publiques et dont
nous lisons sur le marbre la dernière pensée, dans
le coin d'une église de Rome: « Ci-gît qui, après
s'être mêlé des affaires de tous , a fini par recon-
naître qu'elles étaient pleines de difficultés et
d'amertume, et qui heureusement, avant sa fin,
a vécu pour Dieu et pour lui-même. »



Cette grande douleur de la contradiction, qui
nous accompagne partout et que je n'ai dépeinte
qu'avec des traits affaiblis , devait être aussi la destinée
du Sauveur du monde. Il devait être l'image
et le centre de toutes nos douleurs, et, par suite, il
devait recevoir plus de contradiction que qui que
ce soit au monde. De son vivant on l'a traité d'imposteur,
d'instrument du démon. C'est au nom du
démon qu'on l'accuse de démence, qu'il est traité
de fou et conduit devant les princes de ce monde,
revêtu d'une robe qui indiquait que les vainqueurs
et les dominateurs de la terre ne le regardaient
que comme un fou sans conséquence. Imposteur, fou,
instrument de la puissance de ténèbres, c'est ainsi
que Notre-Seigneur a été traité et qu'il l'est encore
dans la suite des âges. Les uns expliquent le succès
étrange de sa vie comme étant d'un vil imposteur,
les autres comme étant d'un homme en démence
qui a réussi par hasard, les autres comme étant
d'un instrument d'une puissance que ceux-ci appelleront
bonne, ceux-là mauvaise, mais sans reconnaître,
en faisant cet aveu, la véritable mission de
Notre-Seigneur.


Il a dû souffrir tout cela et il le souffre encore
aujourd'hui. Il est contredit parmi vous, comme on
est contredit par ses amis. Jésus-Christ est contredit
par les siens, comme on est contredit par son
épouse et son époux. Jésus- Christ est contredit
par ceux qui sont de son Église, il est contredit
par ceux qui combattent pour lui, qui sont de
son parti. Ainsi, dans l'amitié, dans le mariage et
dans les partis, il trouve, comme le trouvent les
hommes, des esprits qui combattent ses pensées,
ses sentiments, ses volontés.



En est- il parmi vous qui ne contredisent jamais
Jésus-Christ? Pouvez -vous vous en flatter? Ne lui
faites-vous pas contradiction en lisant l'Évangile?
Ne vous arrive-t-il pas bien souvent de dire :
« Qu'est-ce que cela et quelle valeur cela a-t-il?
Pourquoi nous demande- t-on telle ou telle chose?
Est-ce sagesse? est-ce raison? »
Voilà comment il
est facile de contredire Notre-Seigneur. Et si, prenant
ses enseignements un à un dans l'Evangile,
vous vous demandez sérieusement : « Voyons, est-ce
que je crois cela ? »
Par exemple cette parole :
Bienheureux les pauvres ! pouvez-vous affirmer que
vous la croyez? Mes Frères, si vous la croyiez,
est-ce que vous aimeriez autant la fortune? Est-ce
que vous aimeriez autant vos aises? Est-ce que
vous aimeriez autant d'occuper l'appartement le
plus magnifique que vous pouvez? Est-ce que vous
n'auriez pas une autre idée que celle qui consiste
à dire : « Voilà un homme qui a fait fortune,
il est bien heureux? »
Est-ce que vous éprouveriez
un sentiment de jalousie en rentrant dans votre
petite chambre, si vous avez le bonheur insigne
d'avoir une petite chambre? En rentrant dans cette
petite chambre, vous dites-vous : " Je suis heureux
d'avoir une petite chambre; je sors de ces palais
où j'ai vu la futilité, de ces palais habités par des
hommes tristes qui ne connaissent pas Dieu ou
qui le connaissent mal, tandis que moi j'habite,
comme Notre-Seigneur, comme son père nourricier,
le charpentier Joseph, une petite chambre? »
Est-ce
là le véritable fond de votre pensée? Vous le voyez,
vous contredisez Notre-Seigneur à propos de ces
paroles : « Bienheureux les pauvres ! » Vous dites :
« C'est une vérité poétique, je ne sais pas ce que ça
veut dire, je l'admets; »
mais, en définitive, vous
n'en croyez pas un seul mot. Je sais bien qu'il n'y
en a que deux, Beati pauperes, mais vous ne croyez
ni le premier ni le dernier.


Vous contredisez donc Notre-Seigneur. Et quand
il triomphe parmi vous, dans vos enfants, dans ces
enfants que vous aimez avec idolâtrie, et certes il
est facile de le concevoir, quelle conduite est la
vôtre? Vos enfants veulent se donner à Dieu pour
avoir une petite chambre, pour n'avoir que deux
habits, et seulement afin d'en changer lorsque l'un
n'est plus propre à porter, vous éprouvez une douleur
amère, vous épuisez toutes les ressources de
l'imagination, de la tendresse et de l'empire pour
détourner leur àme de se consacrer à Jésus- Christ,
c'est-à-dire de pratiquer cette parole: « Bienheureux
les pauvres! bienheureux ceux qui pleurent, ceux
qui souffrent persécution! »



À SUIVRE...
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Message  Javier Lun 30 Déc 2019, 7:55 am

Il y a dans les familles une effroyable contradiction
contre ceux qui veulent accomplir l'Evangile, se
donner à Dieu, et en se donnant à Dieu se donner à
leurs frères et au genre humain. Et si l'Église ne se
recrute pas, si elle est pauvre, pauvre en esprits,
pauvre en caractères, pauvre en sentiments, pauvre,
quoique riche de sa pauvreté même et de la grâce
que Dieu lui a faite, étant abandonnée par tous, de
trouver des gloires et des vertus qui peuvent en imposer
au monde et lui prêtent un plus durable appui
que celui de ces grands et riches esprits qui veulent
gouverner le monde et y réussissent avec le succès
que vous avez sous les yeux; eh bien! dis-je, si
l'Église est dans cet état, ne croyez pas que les
vocations font défaut, et que Dieu parle moins aux
coeurs. Non, mais autrefois, entrer dans l'Église,
c'était entrer dans un corps éclairé, éminent; c'était
entrer dans un corps puissant , être sur le chemin
des abbayes, des évêchés, des bénéfices, des honneurs;
aujourd'hui, c'est être sur le chemin d'une
cure de campagne avec 800 francs de rente et les
plantes de son jardin. Et cela, mes Frères, est cause
que ces mêmes familles, ambitieuses comme elles
étaient, contredisent le Christ. Elles donnaient autrefois
leurs enfants à Dieu ; elles ne les lui donnent plus
maintenant, parce qu'elles n'admettent pas que le
pauvre est bienheureux, que le sacerdoce est la plus
haute dignité qui puisse être conférée; parce qu'elles
n'admettent pas ce que nos pères avaient compris,
savoir : que la plus grande faveur que Dieu puisse
faire, c'est de demander un enfant à un père, à une
mère, afin que, sortant des murs étroits de la famille,
il devienne le père ou la mère d'une multitude d'àmes
qui, le voyant un jour entrer dans le Paradis, se presseront
à la porte et lui diront: « Mon père, ma mère ! »



Vous ne croyez plus rien de tout cela. Vous croyez
à l'argent, aux plaisirs; vous croyez à la dignité
humaine, vous croyez à la terre, mais vous ne
croyez pas au Christ qui a été percé et mis en Croix
sur un morceau de bois au Calvaire; vous ne croyez
pas aux plaies de cette chair qui a été victime pour
vous : c'est là pourtant l'Évangile, c'est la vérité,
c'est la charité, c'est la félicité, non pas seulement
de l'avenir, mais du présent. Non, j'en jure, vous
ne le croyez pas.



Donc, vous contredisez la Croix. L'avez -vous
même dans votre chambre? l'avez -vous derrière le
rideau de votre lit? l'avez-vous dans un tiroir, sous
tous vos papiers? Non. On passe dans une foule de
maisons chrétiennes, on y cherche en vain l'image
de l'ami véritable, de l'homme-Dieu qui a été crucifié
pour nous; on y trouve le portrait des parents,
des amis, des indifférents souvent, d'une foule de
gens qui ne sont rien ; mais quant à l'image de Jésus-
Christ, vous faites tellement de la contradiction
contre sa Croix, qu'à part dans l'église où vous
venez la chercher, vous avez horreur de la voir.
Vous êtes comme Louis XIV, qui, voyant chez
Mme de Maintenon un cadre magnifique dans lequel
cette femme célèbre avait cherché à dérober dans
cette gloire de l'or l'image du crucifié, lui dit :
« Voilà une image bien sérieuse dans un ornement
bien frivole, je vous conseille de la faire ôter. »

Vous ne pouvez pas entendre le conseil de Louis XIV,
car le Christ n'est pas même chez vous, dans votre
maison. Pourrais -je croire qu'il est dans voire
coeur? Vous contredisez donc Jésus-Christ tous les
jours dans vos pensées, dans vos sentiments, dans
vos volontés.


De plus, la contradiction est, en même temps que
la grande douleur de l'âme, la grande consolation
de la vie.


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Message  Javier Jeu 02 Jan 2020, 11:10 am

C'est la contradiction qui illumine la pensée.
Qu'est-ce qui fait l'orateur? qu'est-ce qui fait l'écrivain?
qu'est-ce qui fait ces génies qui éclatent çà
et là au milieu de nous? C'est la rencontre de la
contradiction sur leur chemin. On est au milieu
d'un siècle abâtardi dans ses mollesses et cependant
plein d'un orgueil démesuré; on vit dans un temps
d'esclaves, d'eunuques, dans un temps où se pavanent
toutes sortes d'illustrations, comme il s'en
trouva à la porte des empereurs de Constantinople
pendant trois ou quatre siècles, jusqu'à ce que les
barbares et l'islamisme fussent venus pour les remplacer;
on vit dans un siècle indigne. Mais si quelqu'un,
s'élevant au-dessus de lui, le foulant à ses
pieds, se met, philosophe ou chrétien, à lui dire ses
vérités, à le regarder en face et lui dire : « Je ne
veux rien de toi , je n'attend rien de toi , passe ton
chemin, va-t'en. Du haut de la montagne où la vérité
philosophique ou chrétienne m'a placé, je me
considère plus grand que toi, puisque tu passes, et
que moi je suis maître du temps, puisque je puis
te parler et te dire qui tu es : »
voilà une grandeur !


Il y a des hommes qui ont donné ce spectacle
dans leur temps; il y en a peut-être quelques-uns,
très rares, qui le donnent de nos jours : je dis très
rares, car quel est celui qui, aujourd'hui, ne flatte
pas son siècle dans le sens de ses idées, de ses
crimes ou de ses passions? Quel est celui qui se
tient au milieu, qui dit la vérité à ceux qui s'appellent
l'ordre, et à ceux qui s'appellent le désordre?
Quel est celui qui, se mettant avec le Christ pour
prophétiser à toutes les créatures, leur dit la vérité
toute simple, la vérité toute nue, leur dit le salut tel
qu'il est? Où est-il, celui-là? Il y en a peut-être,
mais les voyez-vous? Ah! si on doit les voir, ce sera
dans des temps meilleurs que les nôtres; ce sera la
postérité qui se lèvera sur notre tombeau, et qui,
découvrant cette génération couchée par terre, verra
se lever dans la lumière de l'avenir quelques ombres
entrevues çà et là, et sur lesquelles tombera un
rayon de gloire parce qu'ils auront vécu de la vérité
et qu'ils l'auront confessée. Et, de même que le
Christ ne rougit pas de ceux qui l'ont confessé, de
même aussi la postérité ne rougit pas de l'amitié de
ceux qui ont eu le courage de se conduire de manière
à attendre ses jugements , sans se soucier des jugements
do leurs contemporains.



Voilà ce qui naît de la contradiction, les grands
génies, et aussi les sentiments ardents, généreux, et
les volontés énergiques.



Eh bien! comme le Christ devait être la force de
l'esprit par excellence, la force de la charité par
excellence, la force de la volonté par excellence, il
était juste, il était bon, il était divin qu'il rencontrât
la plus haute, la plus universelle, la plus irréconciliable
contradiction.
Il l'a trouvée de son temps;
la contradiction l'a mené au Calvaire. Il l'a trouvée
hier, il la trouve aujourd'hui, il la trouvera demain.
Hier, on lui disait encore qu'il était un imposteur,
un fou, un instrument du démon; on le lui dit
aujourd'hui. Si vous-mêmes vous ne lui dites pas
hautement ces insultes qui sont les dernières et les
plus outrageantes, vous les lui dites du moins audessous,
dans une région inférieure. Vous lui dites
des choses moins fortes , mais c'est comme les choses
que l'on dit dans l'amitié, au foyer domestique;
elles ne font pas tant de bruit que la contradiction
du dehors, mais comme elles sont amères, comme
elles sont poignantes! Une âme qui se confesse à
Jésus-Christ, qui communie avec lui, et le contredit
de la sorte, ah! il n'y a pas de parole d'ami ni
d'époux qui puisse être plus triste à dire que celle-là.



Donc, en considérant que Jésus -Christ a dû être
contredit, que c'est la marque de sa puissance,
qu'il le sera toujours, prenez cependant, pour ne pas
ajouter à cette triste, mais indispensable nécessité,
pour ajouter au contraire à sa consolation,
prenez
cette résolution de ne jamais le contredire.
Vous ne
l'entendez pas, vous ne le goûtez pas encore, vous
ne le portez pas en vous , mais du moins ne le contredisez
pas.
Pour savoir si vous le contredisez ou
non,
lisez son Évangile, lisez chaque jour cinq versets
de l'Évangile, et dites- vous : « Est-ce que je
crois, est-ce que je pratique cela? »
Et en faisant
ainsi, vous aurez le bonheur de n'être pas un sujet
de tristesse pour votre Rédempteur, pour votre ami
le plus cher et le plus tendre. Vous y trouverez
aussi une bien grande récompense, c'est d'être
affranchi de toutes ces contradictions qu'on rencontre
dans le monde.
Quand on ne contredit pas le Christ,
le Christ ne nous contredit pas; quand on n'est pas
contredit du Christ, on n'est pas contredit de Dieu ;
quand on n'est pas contredit de Dieu , on n'est pas
contredit de sa conscience; quand on n'est pas contredit
de sa conscience ,
on peut être contredit des
hommes, mais on est au-dessus d'eux:
on est comme
sur ces hautes montagnes qui ont au-dessous d'elles
les nuages , les orages et la foudre , et qui sont éclairées
d'une lumière calme et paisible.



À SUIVRE...

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Message  Javier Lun 06 Jan 2020, 4:18 pm

On dit qu'à Constantinople, Arsène, précepteur de
l'un des fils de Théodose le Grand, quitta le palais
et se retira à Scété, en Egypte, où il refusait de
voir les solitaires qui habitaient cette sombre retraite.
L'un d'eux frappa à sa porte et lui demanda :
« Arsène le solitaire, pourquoi ne parlez- vous pas à
vos frères et ne sortez-vous jamais de votre cellule?

Il répondit : « C'est qu'Arsène le solitaire
ayant vécu parmi les hommes, y a trouvé plusieurs
pensées, et que, dans sa cellule, il n'en a trouvé
qu'une seule. Il n'ose pas en franchir le seuil, de
peur qu'au moment où il le passerait il ne rencontrât
ces pensées contradictoires qui, dans les palais
des empereurs , l'ont tellement froissé qu'elles l'ont
conduit ici. Laissez- le donc, mon frère, car vous
êtes une autre pensée que moi ; vous me dites de
sortir, et ma pensée me dit de rester. »



Sans quitter Constantinople, sans aller chez les
solitaires, sans vous enfermer dans une cellule,

vous pouvez trouver cette perle précieuse d'une
pensée unique, Dieu; d'un sentiment unique, Dieu;
d'une volonté unique, Dieu !
Penser comme Dieu,
aimer comme Dieu, vouloir et faire comme Dieu,
cette pensée, ce sentiment, cette volonté unique
vous étant donnés, vous serez affranchis de la grande
douleur de celle vie, qui est la contradiction; et, ce
qui est plus grand encore, c'est que la contradiction
ne sera pas détruite, elle sera au-dessous de vous;
elle vous restera pour vous élever, pour vous donner
une âme énergique.



Que ce soient là mes souhaits pour vous, mes
Frères, du haut de cette chaire, dans celle église,
au pied de ces autels affranchis de la contradiction,
qui ne vous donnent que le vrai et ne vous
parlent que de Dieu! Oui, que ce soient là les
souhaits qui, pour cette année qui s'ouvre, tombent
de mes lèvres après avoir passé par mon coeur, où
ils ont été mis, je l'espère, par la main bénie, pacifique
et adorable de Notre-Seigneur! Donc, pour la
fin de cette année et pour l'année prochaine , au
nom du Christ, je vous souhaite la paix, je vous
donne la paix; puissé-je ajouter vraiment et sans
me tromper : je vous laisse à tous la paix !



FIN
Javier
Javier

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Localisation : Ilici Augusta (Hispania)
Date d'inscription : 26/02/2009

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