DANS TES COURS (La Vocation à la Vie Religieuse) anglais/français)

DANS TES COURS (La Vocation à la Vie Religieuse)


Par Louis Vignat SJ 1907



ANALYSE DU CONTENU

(Reproduit de "Les Études")


I. "Jésus-Christ et la vie religieuse."

-Notre Seigneur s'oppose, comme antidote à la triple concupiscence du monde, aux trois vœux substantiels de religion. Ces vœux constituent un état de vie : la vie religieuse. Cet état a Jésus-Christ pour auteur, pour l'avoir établi par Son exemple et Son enseignement, Il a rendu possible notre faiblesse par le versement de Son sang au Calvaire.

II. "L'appel de Jésus-Christ."

Le plus souvent, la vocation est l'action ordinaire du Saint-Esprit qui nous pousse à embrasser le bien et nous pousse même vers le bien supérieur. Ce mouvement surnaturel de la grâce est maintenant plus, maintenant moins, plus vivant ; maintenant plus, maintenant moins, persistant. Elle doit être contrôlée par une autorité extérieure. Le Saint-Esprit incite et excite ; l'Église approuve et met à exécution. C'est le confesseur qui agit en cela au nom de l'Église, mais il doit être un confesseur prudent et expérimenté.

III. "Comment l'appel divin se manifeste."

-La première raison de devenir religieux est d'assurer son salut à tout prix. Ensuite, l'amour de Dieu nous pousse à imiter la vie de Jésus -Christ. Parfois, le désir de faire le meilleur usage de sa vie et de la passer au service de la justice manifeste l'appel divin. Le vide des joies humaines, les épreuves et les difficultés de la vie sont aussi des moyens dont se sert la bonté divine. Enfin, le bon exemple et la grâce d'une bonne retraite déterminent les vocations.

IV. "La lutte pour une vocation."

-Pour correspondre à l'appel de Dieu, il faut surmonter les difficultés de répugnance, d'angoisse, de doute et d'appréhension déraisonnable qui découlent de l'appel de Dieu. Les obstacles, mis en travers du chemin par même les familles chrétiennes, doivent être éliminés. Le cœur, aussi bien que l'esprit, doit se défendre - ce dernier en se libérant des sophismes, toujours réfutés, mais toujours renouvelés ; le premier en sectionnant les cordes d'une tendresse trop naturelle.

Dans ces brèves pages, l'auteur n'avait pas l'intention de dispenser les théologiens de lire le traitement de cette question par des auteurs comme saint Thomas, Suárez, Platus, Lessius et saint Alphonse de Liguori, mais en résumant ainsi l'enseignement des maîtres, il a rendu un grand service à ceux qui cherchent leur propre vocation et qui liront donc ces conseils avec grand profit.

L.G.

NOTE PRÉFÉRENTIELLE

"Si tu veux être parfait, va vendre ce que tu as, et donne aux pauvres et viens me suivre", 1 le message spécial de la Sagesse éternelle à une âme de prédilection - c'est la vérité évangélique dont "Dans tes cours" nous ferait un exposé.

C'est pour signaler dans l'Apocalypse un mandat biblique pour l'appel spécial, pour donner une idée précise de sa nature, pour décrire certaines des nombreuses formes de sa manifestation à l'âme individuelle - pour dire un mot d'avertissement aux imprudents au milieu des difficultés de la lutte en suivant fidèlement l'invitation du Sauveur à une vie religieuse exprimée avec amour ineffable, que le Père Vignat, prêtre savant de la Compagnie de Jésus, a écrit cette brochure. C'est d'autant plus opportun qu'il apparaît comme un rayon de lumière qui guide dans l'obscurité, la tempête inquiétante qui plane maintenant sur la chère vieille France, quand les flèches de Satan ont été dirigées contre l'Église et avec une violence particulière contre son adorable enfant, les Religieux.  Jamais un tel livret n'a été plus utile que maintenant pour aider avec son acarien à diriger les nombreuses vocations qui se manifestent de toutes parts en France -la Mère des Missionnaires- ainsi que dans d'autres pays, preuve éclatante que "l'Église persécutée est l'Église triomphante".

Dans ces jardins féconds et immenses de l'Église - notre chère Amérique - l'esprit de la religion s'est enraciné fermement et a mis en avant une croissance vigoureuse dans les nombreuses phases de la vie catholique et religieuse. C'est pourquoi je salue ce petit ouvrage dans sa version anglaise et son nouveau titre " Dans tes cours '', l'œuvre d'un jésuite américain enseignant dans l'archidiocèse. Bien que je bénisse volontiers ses efforts, je recommande avec joie et sincérité ce livre au public catholique et non catholique, et particulièrement aux jeunes de notre pays qui sont désireux de connaître et d'étudier, et peut-être d'écouter, l'appel du Maître.

J. Card. GIBBONS.
Baltimore, Md. 1er mai 1907.

1. Saint Matthieu xix. 17.

DÉLÉGATION APOSTOLIQUE,                                            
            États-Unis d'Amérique.
                                                                 

1811 Rue Biltmore,
Washington, D. C..,
Avril le 19, 1907.

Révérend et cher Monsieur :

"DANS TES COURTS ", traduction du petit bijou du Père Vignat sur l'appel du Christ à une vie religieuse, déjà approuvés par vos Supérieurs, ne peuvent manquer d'être d'un grand service pour les jeunes anglophones qui, dans leurs doutes et leurs aspirations, cherchent la lumière et des conseils sur ce sujet très important. de la vocation.

Son traitement des sources de la vie religieuse dans la révélation, la nature et la manifestation d'un appel à une telle vie, et la lutte de l'âme pour céder à l'obéissance à la voix du Seigneur est particulièrement difficile. opportun et utile en ces jours pratiques, où les hommes donnent si peu à Dieu et à la religion.

Son traitement des sources de la vie religieuse dans la révélation, la nature et la manifestation d'un appel à une telle vie, et la lutte de l'âme pour céder à l'obéissance à la voix du Seigneur est particulièrement difficile. opportun et utile en ces jours pratiques, où les hommes donnent si peu à Dieu et à la religion.

C'est pourquoi, tout en louant votre zèle et en bénissant vos efforts,  je recommande sincèrement "Dans Vos Cours" à tous ceux qui veulent se faire une idée précise de la Vocation à la Religion, et en particulier à ces jeunes dont les cœurs reçoivent la première impression de cette voix calme et douce du Maître.


Priant Dieu de répandre sur vous Ses grâces les plus choisies, je demeure

D. FALCONIO,

Délégué apostolique.

                                               

RÉVÉREND MATTHEW L. FORTIER, S.J.

''DANS TES COURS"


CHAPITRE I. JÉSUS-CHRIST ET LA VIE RELIGIEUSE.

Seule une idée très superficielle de la vie religieuse serait formée par un inquisiteur qui ne devrait pas fixer d'emblée son attention sur le mystère de l'Incarnation elle-même et ses conséquences incalculables. "Le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous." 1

C'est un fait d'une importance capitale. Ce n'est autre que la Sagesse éternelle qui s'humilie, même à la petitesse de la nature humaine, pour enseigner les hommes avec Ses propres lèvres divines. C'est la vie de Dieu fait de l'homme, de la crèche au calvaire, un idéal de sainteté que le plus ambitieux de la grandeur morale peut s'efforcer de réaliser, bien qu'il ne puisse jamais atteindre pleinement sa perfection.

Plus que cela : par Sa mort sur la croix, Jésus, au prix de Son propre sang, nous élève à une sorte d'égalité avec Lui-même. Aux yeux de Dieu, les chrétiens en état de grâce ne sont plus des serviteurs, mais des amis, 2 des frères de Jésus-Christ, 3 des fils adoptifs de Dieu, 4 des temples du Saint-Esprit, 5 participant à la nature divine. 6 Ce don, comme une semence divine, 7 transforme notre nature en une nature nouvelle, 8 destinée à croître continuellement, sous le souffle de la grâce et l'influence des sacrements, voire à la pleine fleur du bonheur éternel. Dans le mystère de l'Incarnation, c'est bien la nature divine qui se déverse sur le monde. La vie de Notre-Seigneur, son enseignement et ses dons élèvent l'homme au-dessus de tout ce que la raison humaine aurait pu concevoir. Puisque Dieu nous a tant aimés, et nous a enrichis de tant de dons, mais il faut peu d'élévation d'esprit et de noblesse de cœur pour nous mettre hors de la vanité avec ce simple moyen honnête, ou même l'équilibre entre des extrêmes opposés sur lesquels les sages d'autrefois avaient l'habitude de se faire du panache.


1 St. Jean, I-14
2 St Jean, XV-15.
3 St. Matt., XII, 49-50.
4 I Ep. St. Jean, III-1.
5 I Ep. Cor., VI-19.
6 II Ep. de St Pierre, I-4.
7 I Ep. de St Jean, III-9.
8. II Ep. Cor., V-17.

Jésus appelle tous ses disciples - c'est-à-dire tous les chrétiens - à être parfaits. 1

Maintenant, la perfection chrétienne est charité. Jésus lui-même a dit que dans l'amour de Dieu et de notre prochain sont contenus toute la loi et les prophètes. 2 Plus on aime Dieu, plus on avance vers la perfection.

La charité, et par conséquent la perfection, admettent les degrés. Le premier, qui est nécessaire pour le salut, est l'observation des commandements. "Si vous m'aimez, gardez mes commandements'' ; 3 et c'est un amour qui peut parfois exiger beaucoup du chrétien. Il doit être prêt à sacrifier tout, même la vie, plutôt que d'offenser Dieu mortellement en transgressant gravement un seul commandement. Mais la charité peut s'élever plus haut. Le véritable amour de Dieu ne se contente pas d'obéir à ses commandements ; il cherche par tous les moyens à accomplir son bon plaisir ; il oublie ses propres intérêts pour s'occuper uniquement de ceux de Jésus-Christ ; il consacre sa vie à son service, prêt à la dépenser et à la perdre pour son honneur et sa gloire, pour "un amour supérieur à ce que nul n'a pour ses amis, pour donner sa vie". 4

1. St. Matt., V-48.
2. St. Matt., XXII-40.
3. St. Jean, XIV-15.
4. St. Jean, XV-13.

L'amour de Dieu est donc l'idéal même de la perfection et de la vie chrétienne.
Or, cet amour, même dans son degré le plus bas, est-il l'observance des commandements, facilement maintenu en vie sans même un échec occasionnel ? Surtout, est-il facile de porter cet amour au renoncement à soi prêché par Jésus-Christ ? Hélas ! "L'esprit est bien disposé, mais la chair est faible." 1

Dieu n'est pas perçu par nos sens. Bien qu'intimement et mystérieusement présents à chacun d'entre nous, Il ne s'impose pas à notre connaissance.  Comme nous sommes rapides à l'oublier ! Les choses des sens, d'autre part, se présentent sans cesse pour séduire le cœur, pour l'attirer et le captiver par mille cordes de désir et de plaisir. Comment aimer Dieu de tout son cœur quand il est entièrement pris par les choses de la terre ? Le semeur divin passe et jette la semence de son amour sur une bonne terre, qui semble en effet bien préparée ; mais les soucis de la vie et de la richesse, comme les épines, grandissent et étouffent le bon grain. 2 "Là où est ton trésor, là aussi est ton coeur", 3 dit Jésus. Si le cœur est abandonné aux richesses, au luxe, au réconfort, il ne peut être consacré à Dieu, car, poursuit Notre-Seigneur, "Nul ne peut servir deux maîtres :  Dieu et Mammon." 4 Les bonnes choses de ce monde sont le premier obstacle à l'amour de Dieu.

1 St. Matt., XXVI-41.
2 St. Luc., VIII-7-11.
3 Matt., VI-21.
4 Matt., VI-24.

Un deuxième obstacle que nous portons en nous - une inclination, à savoir, au plaisir et à la jouissance des sens. Il y a des plaisirs que Dieu bénit dans un mariage légitime ; mais même ceux-ci divisent les affections. "Celui qui est avec une femme, dit saint Paul dans son discours franc et non étudié, est soucieux des choses du monde, comment il peut plaire à sa femme: et il est divisé. Et la femme célibataire et la vierge pensent aux choses du Seigneur, afin qu'elle soit sainte dans son corps et dans son esprit. Mais celle qui est mariée pense aux choses du monde, comment elle peut plaire à son mari." 2

Si tel est le cas des plaisirs licites, que dire de ceux qui ne le sont pas ? La nature animale que nous portons en nous, si nous ne faisons que relâcher les rênes ou la traiter avec trop de délicatesse, se rebellera et revendiquera sa proie. Plus on s'y soumet, plus on en demande. C'est ainsi que tant de chrétiens, nourris pendant des années du Pain eucharistique, comme le fils prodigue, s'éloignent pour gaspiller, loin de Dieu, la meilleure substance de leur jeunesse.

2 I Ep. à Cor., VII-33-34.

Un dernier obstacle à l'amour de Dieu, et peut-être le plus grand, car il émane d'une source supérieure et plus immatérielle, c'est la fierté. L'homme prête si facilement une oreille attentive à la vieille tentation du Paradis terrestre : "Vous serez comme des dieux." 1 Il veut être sa propre règle de conduite, compter sur les lumières de sa propre raison, ne faire que sa propre volonté et tout céder à ses désirs. Il entre ainsi inévitablement en collision avec la loi inflexible de Dieu, et sa charité, si elle n'est pas complètement détruite, est toujours affaiblie.

Jésus-Christ savait tout cela. Et dans Sa divine sagesse, Il avait calculé l'étendue de l'influence de ces trois obstacles. Ainsi, à tous ceux qui aspirent à la perfection chrétienne, c'est-à-dire à la persévérance et à l'avancement dans l'amour de Dieu, il donne et conseille, sans toutefois l'imposer, un moyen aussi efficace que radical.

Avez-vous mis votre cœur sur des choses plus élevées ; est-ce votre ambition d'aimer Dieu, comme Il mérite d'être aimé ? Ah alors ! âme de mon choix, suivez-moi ; comme moi, embrassez une vie de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. La pauvreté vous libérera des dangers de la richesse ; la chasteté vous protégera des attaques trompeuses et insouciantes des sens ; l'obéissance vous abritera du péril de l'orgueil. Et, notez-le bien, ce ne sont pas quelques actes isolés, pour ainsi dire, accomplis en passant, que Notre-Seigneur Jésus-Christ conseille. Il désire un engagement irrévocable dans un état de vie permanent. "Aucun homme qui met la main à la charrue, et qui regarde en arrière, n'est digne du royaume de Dieu." 2 "Si tu es parfait, dit-il au jeune homme, va vendre ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel, et viens à ma suite". 3


1 Gen., III-5.
2 Saint Luc, IX-62.
3 St. Matt., XIX-21.

Il n'est évidemment pas question de reprendre des marchandises une fois vendues ou données. Il propose aux disciples une chasteté telle que, d'après les termes mêmes qu'il emploie, il ne peut admettre aucune révocation. 1 S'il nous invite à le suivre sur le chemin de l'obéissance, il prend soin de nous faire savoir que, devant nous, il a été obéissant jusqu'à la mort. 2 Ce sont les raisons pour lesquelles la pratique des conseils évangéliques implique un engagement durable. Il ne peut y avoir de vie religieuse, telle que Jésus-Christ l'a conçue, sans abandon de soi à Dieu. Les vœux doivent nécessairement entrer en jeu pour transformer le meilleur des désirs et le plus excellent des résolutions en un état de vie permanent.

De tels faits et réflexions conduisent clairement à la conclusion que les racines de la vie religieuse sont profondément enracinées dans l’Évangile lui-même. Elle jaillit de l’Évangile comme l'un des fruits les plus choisis de l'enseignement du Christ. 3

Que la vie religieuse disparaisse et que l'Église reste mutilée et non couronnée. Elle n'accomplirait plus pleinement sa mission, puisqu'elle cesserait d'enseigner à l'humanité à garder et à pratiquer ce que le Christ a enseigné.


1 St. Matt., XIX-12.
2 Ép. à Phil, II-8.
3 "Les ordres religieux, comme chacun le sait, tirent leur origine et leur raison d'être de ces sublimes conseils de l'Évangile, que notre divin Rédempteur a adressés, tout au long des siècles, à ceux qui veulent atteindre la perfection chrétienne". (Lettre de Léon XIII au Cardinal Richard, 23 décembre 1900.)

C'est pourquoi les médecins catholiques pensent que la vie religieuse, dans toute son essence, durera aussi longtemps que l'Église elle-même. Comme l'Église, bien que dans un sens différent, elle a le Christ pour fondateur. Il l'a fondée par son enseignement et par son exemple.

Il a établi la vie religieuse d'une autre manière encore - par les mérites de son précieux sang. Si, aux jours de Notre-Seigneur, les sages du monde vivant l'avaient entendu proclamer les pauvres bienheureux, conseiller l'abandon de tous les biens ; si, aux disciples qui ne pouvaient même pas comprendre la possibilité du mariage sans divorce, ils avaient entendu Jésus louer la chasteté et une vie plus angélique qu'humaine ; s'ils avaient été présents aux exhortations au renoncement absolu à soi et à la haine de soi, il est certain que ces hommes sages et prudents auraient souri et auraient considéré une telle vie comme une chimère. Mais Jésus était Dieu. Il a esquissé le plan d'une vie parfaite, puis Il a versé Son sang, et de ce sang divin ont jailli des milliers d'hommes et les femmes vouées à la pauvreté volontaire, à la virginité et à l'obéissance. Toutes les lumières qui ont guidé les fondateurs des ordres, toutes les grâces qui ont poussé les hommes et les femmes à entrer dans les monastères et les maisons religieuses, toutes les aides qui assurent leur persévérance, ont été méritées pour eux au Calvaire. Ce n'est pas l'un de leurs moindres efforts, ni l'un de leurs éperons les moins efficaces, que les religieux puissent se dire que l'appel qu'ils ont entendu, que les grâces qui les soutiennent, que la vie même qu'ils mènent, sont sorties du cœur de Jésus sur la croix.

CHAPITRE II - L'APPEL DE JÉSUS-CHRIST


Mais comment Jésus-Christ appelle-t-il les hommes à la vie religieuse ? De quelle voix parvient-il à l'oreille ? Quels signes donne-t-Il de Son invitation
et de Ses désirs ?

Certains appels sont en effet miraculeux. Telle est, par exemple, celle de saint Stanislas qui reçoit l'Enfant-Jésus dans ses bras, des mains mêmes
de la Bienheureuse Vierge Marie, et entendre la Reine du Ciel lui dire d'entrer dans la Compagnie de Jésus.

Mais les faits et les révélations de ce genre sont vraiment très rares. Seuls quelques-uns sont enregistrés dans la vie des plus grands saints. Dieu ne gouverne pas le monde des âmes par miracle, mais par l'action très efficace et pourtant très ordinaire du Saint-Esprit.

Cette action du Saint-Esprit n'est pas une théorie mystique, plus ou moins contestable; c'est un véritable dogme catholique. Que le diable nous tente, aucun chrétien ne peut le nier. Dieu n'exercera-t-il pas aussi une influence sur nous ? Certes, Il nous influence, mais d'une manière diamétralement opposée à celle de Satan. Et comment Satan procède-t-il ? Peut-il nous donner de nouvelles idées, ou nous faire former de nouvelles images sans aucun élément préexistant ? Je ne pense pas que ce soit le cas. Il nous tente d'abord en éveillant notre imagination, par l'association d'idées, de représentations dont les contours sont déjà bien ancrés dans nos mémoires depuis longtemps. Et c'est précisément la raison pour laquelle les passages sensuels dans les livres, les spectacles immoraux, les images indécentes, sont si dangereux. Ils fournissent des armes au diable.

Dieu, d'autre part, nous exhorte à faire le bien d'une manière plus élevée,
non pas en agissant sur notre imagination et par elle sur nos passions, mais sur notre
intellect et notre volonté. Pour ce faire, Il utilise les vérités de la foi que nous
possédons déjà ; Il les illumine, pour ainsi dire, devant les yeux de notre âme, et Il donne à la volonté une saveur plus vive et un enthousiasme plus ardent dans leur poursuite. Une certaine vérité de foi, par exemple, l'amour que Dieu nous porte, que nous connaissons bien depuis longtemps, devient par l'action du Saint-Esprit
dans nos âmes plus lumineux. Jusqu'ici, il nous avait laissés froids et impassibles ; mais maintenant nous sommes profondément touchés par sa considération. Par cette lumière plus forte et plus pénétrante, sous l'action de l'influence de Dieu, nous tirons des conclusions pratiques auxquelles nous n'avions jamais pensé auparavant, et nous sentons enfin en nous le courage de la logique. Le Saint-Esprit ne nous dit rien que nous ne connaissions pas auparavant ; mais Il nous montre ce que nous savons déjà sous une lumière tout à fait nouvelle.