Le Pape HONORIUS Ier a-t-il été monothélite ?

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Message  Louis Lun 20 Mai 2019, 6:04 am

Louis a écrit:Bonjour,

Voici des extraits d’un livre de Dom Guéranger, abbé de Solesmes et qui s’intitule Défense de l’Église Romaine contre les accusations du R. P. Gratry, Paris, 1870 et qui aide à expliquer pourquoi le Pape Honorius Ier (625-638)  n’a jamais professé le monothélisme et donc qu’il n’a pas été anathématisé comme tel au VIe Concile œcuménique.
     
Bonne lecture,

Bien à vous.

Dès que la publication sera sur TE DEUM, nous insérerons des liens pour en faciliter la lecture.

* La question d'Honorius est difficile…
* Deux questions se présentent ici…
* Sur la seconde question…
* Faisons maintenant l'hypothèse toute gratuite…
* Ce n'est pas tout….
*...sur le fait d'Honorius…
* Mais la justice ne nous fait-elle pas un devoir de revenir sur…
* Je dirai donc que le VIe Concile…
* Saint Léon II répondit…
* Au sujet du Liber diurnus Romanorum Pontificum


Dernière édition par Louis le Mer 29 Mai 2019, 6:21 am, édité 10 fois

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Message  Louis Lun 20 Mai 2019, 6:10 am

.

Le Pape HONORIUS Ier
La question d'Honorius est difficile historiquement, et n'est pas de celles que l’on tranche avec de la passion. Essayons d'en donner une idée à ceux qui ne peuvent l'étudier par eux-mêmes.

Honorius qui monta sur le Saint-Siège en 625, gouverna l'Église durant près de treize ans. Consulté insidieusement par Sergius, patriarche de Constantinople, sur la question de savoir si l'on devait reconnaître en Jésus-Christ une seule volonté ou deux volontés, l'une divine et l'autre humaine, le Pontife qui appréhendait qu'une nouvelle hérésie ne s'élevât à ce sujet dans l'Église, crut pouvoir répondre d'une manière évasive, et manqua l'occasion de redresser les mauvais sentiments du patriarche. Il espérait par cette réserve, ainsi que nous l'apprenons du Pape saint Agathon, l'un de ses successeurs, étouffer dans son foyer une erreur qui pouvait produire de grands ravages. Le trop complaisant Pontife se flattait de n'avoir pas trahi la vérité, du moment que dans sa lettre, il insistait sur les deux natures que la foi reconnaît en Jésus-Christ ; et en effet, deux natures donnent à conclure deux volontés.

Mais ce qu'il n'avait pas prévu arriva. L'hérésie d'une seule volonté (le monothélisme), favorisée par la politique d'Héraclius à qui cette transaction semblait un moyen, bien illusoire d'ailleurs, d'éteindre l'hérésie d'une seule nature (le monophysisme), qui bravait encore les anathèmes du concile de Calcédoine, s'étendit avec la rapidité d'un incendie, propagée qu'elle était par Sergius de Constantinople et par Cyrus d'Alexandrie. Honorius eut à peine le temps de constater la grandeur d'un mal, qu'il eût été de son devoir de combattre dès l'origine avec plus de résolution.

Deux questions se présentent ici…

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Message  Louis Mar 21 Mai 2019, 6:41 am

Le Pape HONORIUS Ier

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Deux questions se présentent ici. Honorius a-t-il enseigné l'erreur dans sa lettre à Sergius? A-t-il, dans cette lettre, parlé comme dit l'École, ex Cathedra?

A la première question, il est aisé de répondre que le Pontife n'a point enseigné l'erreur. La lettre est sous les yeux de tout le monde dans les Actes du VIe Concile. On y voit un homme trop circonspect, il est vrai, qui mesure ses termes avec une précaution exagérée, en un mot qui craint de s'expliquer, de peur que sa parole ne produise une sensation quelconque. C'est la prudence du serpent, sans la simplicité de la colombe. Découvre-t-on sous ces faux-fuyants une erreur contre la foi? Plusieurs l'ont prétendu; mais ils ne sauraient prévaloir contre l'autorité de saint Maxime, docteur contemporain et le plus puissant adversaire du monothélisme. Ce saint abbé qui joint à ses autres mérites l'honneur de la palme du martyre, défend la pureté de la foi d'Honorius et vénère sa mémoire.

Louis: A titre d’information complémentaire, nous nous permettons d’insérer ici  la réfutation du saint abbé Maxime, Martyr, contre Pyrrhus  qui, lui,  fut anathématisé comme professant le monothélisme  au VIe Concile œcuménique , IIIe de Constantinople. (Tiré des Œuvres de Saint Alphonse de Liguori) :

XII. Puisque nous avons dit un mot de la discussion que Pyrrhus eut en Afrique avec le saint abbé Maxime, sur le point controversé d'une ou deux volontés ou opérations à admettre en Jésus-Christ, rappelons ici avec quelle force le savant abbé réfuta son adversaire.

Pyrrhus disait : Si Jésus-Christ est un, il voulait donc comme veut une seule personne, et il n'avait conséquemment qu'une seule volonté.

— Maxime répondit : Dites-moi, Pyrrhus, Jésus-Christ est certainement un , mais est-il à la fois Dieu et homme?

— Qui le nie, répliqua Pyrrhus? Il est vrai Dieu et vrai homme.

— Si donc, reprit le saint, Jésus est vrai Dieu et vrai homme, il voulait et comme Dieu et comme homme, et par conséquent en deux manières, et non en une seule, malgré son unité de personne. Car le Christ étant de deux natures, devait vouloir et opérer selon les deux natures, puisque ni l'une ni l'autre n'était privée de volonté ou d'action. Or si Jésus-Christ voulait et opérait conformément aux natures qui lui étaient propres, comme il en avait deux, il est nécessaire de dire qu'il avait deux volontés naturelles et deux opérations essentielles. Ensuite, comme ses deux natures ne faisaient pas de lui deux personnes, ainsi les volontés et les opérations qui convenaient essentiellement à ses deux natures ne faisaient pas non plus de lui deux personnes.

— Pyrrhus répliqua : Mais il est impossible qu'il n'y ait pas autant de personnes qu'il y a de volontés.

— Vous dites, Pyrrhus, reprit alors Maxime, qu’autant il y a de volontés, autant il y a de personnes qui veulent; mais si votre raisonnement était juste, on pourrait dire réciproquement qu'autant il y a de personnes, autant il y a de volontés. Et s'il en était ainsi, il faudrait dire, comme le faisait Sabellius, qu'il n'y a en Dieu qu'une personne, puisqu'en lui, ou dans les trois personnes divines, il n'y a qu'une volonté ; ou bien encore, comme le voulait Arius, que comme il y a en Dieu trois personnes, il y a aussi en lui trois volontés, trois natures, puisque, comme l'enseignent les Pères, le nombre des volontés implique autant de natures distinctes. Il n'est donc pas vrai, dit saint Maxime, que la pluralité de volontés emporte celle des personnes ; ce qui est vrai, c'est qu'en Jésus-Christ, où se trouvent réunies les deux natures, il y a conséquemment deux volontés, malgré l'unité de personne.

— Pyrrhus fit encore quelques autres objections; mais saint Maxime les réduisit en poudre à mesure qu'il les soulevait, de sorte que l'adversaire convaincu confessa que Maxime avait raison, et promit alors d'aller à Rome se jeter aux pieds du pape, comme il le fit en présentant au pape la cédule de sa rétractation ; mais il retomba bientôt dans son erreur, ainsi que nous l'avons dit plus haut…

On répond aisément aux passages de la lettre de ce Pape que quelques auteurs gallicans ont voulu incriminer, et il ne manque pas de théologiens de leur école qui aient défendu la pleine orthodoxie de la lettre à Sergius. Je citerai Noël Alexandre qui ne sera pas suspect ; auquel j'ajouterai Witasse, Tournely, Régnier, dont les noms sont d'une haute considération en Sorbonne (1).

Sur la seconde question, je répondrai que la lettre d'Honorius à Sergius n'a rien de…
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(1) Monseigneur l'évêque de Grenoble, ayant eu l'occasion d'énoncer son avis sur la lettre d'Honorius à Sergius, l'absout formellement du reproche d'hétérodoxie. Mgr Héfélé, dans sa critique très-sévère des lettres à Sergius et à Cyrus, reproche à ce Pape d'avoir intercepté la vraie formule de la doctrine orthodoxe, et accepté maladroitement celle qui exprimait l'idée monothélite, mais il finit par conclure : « Et cependant Honorius n'a pas émis d'hérésie sur ce point ; il a « seulement manqué de clarté, et il n'a pas su tirer les véritables « conséquences des principes qu'il a posés. » Traduction du Correspondant du 10 janvier 1870.

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Message  Louis Mer 22 Mai 2019, 6:53 am

Le Pape HONORIUS

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Sur la seconde question, je répondrai que la lettre d'Honorius à Sergius n'a rien de commun avec une définition apostolique. Sergius consulte le Pape sur la question qui agitait l'Orient, et dans laquelle il cherchait à compromettre le Siège apostolique.

Honorius, après avoir exprimé clairement la foi sur les deux natures, s'applique à réfuter ceux qui diraient que dans le Christ la volonté humaine aurait pu être en contradiction avec la volonté divine, ou encore qu'il y aurait eu dans le Christ, comme dans l'homme tombé, un penchant qui l'eût incliné du côté opposé au bien.

Amené enfin à répondre directement à la lettre captieuse de Sergius, il refuse de s'expliquer, sous prétexte que la question est subtile et du ressort des grammairiens, par lesquels il entend les philosophes. Il cherche à arrêter toute controverse sur le sujet des deux volontés dans le Christ, en imposant le silence, et déclarant que son intention est que l'on ne dise ni une volonté, ni deux volontés.

Plus tard, il essaie d'appliquer cette mesure dans une lettre dont il ne nous reste que des fragments, et qu'il adressa à Cyrus d'Alexandrie et à saint Sophrone de Jérusalem.

Je le demande, quand un homme refuse de s'expliquer sur une question qu'on lui propose, a-t-on le droit de dire qu'il a manifesté son sentiment ? Honorius a-t-il enseigné qu'il n'y a dans le Christ qu'une seule volonté? Nul ne pourrait le dire, sans calomnier ce Pontife. A-t-il enseigné que l'on ne doit pas reconnaître dans le Christ deux volontés? le prétendre, serait tout aussi injuste. Il n'y a donc qu'une seule conclusion à tirer de la lettre à Sergius; c'est qu'Honorius n'a rien voulu décider, et qu'il n'a rien décidé en effet.

J'amènerai un rapprochement historique. A la suite des célèbres Congrégations de Auxiliis, Paul V finit par laisser les thomistes et les molinistes dans la liberté de suivre le sentiment respectif de leur école ; leur intimant seulement la défense de se traiter réciproquement d'hérétiques. Dira-t-on que Paul V, dans cette occasion, ait rendu une définition dans un sens ou dans un autre? La situation est la même pour Honorius. Il a eu tort, sans doute, de croire qu'en imposant le silence sur la question des deux volontés, il éteindrait une controverse dont il ne voyait pas l'importance, et qui devait enfanter une hérésie formidable; mais la faute qu'il a commise ne consiste pas dans ce qu'il a enseigné ; elle est tout entière en ce que, mis en demeure d'enseigner, il a refusé de le faire, cherchant à étouffer la controverse, au lieu de la résoudre.

(…)

Faisons maintenant l'hypothèse toute gratuite…

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Message  Louis Jeu 23 Mai 2019, 5:37 am

Le Pape HONORIUS

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Faisons maintenant l'hypothèse toute gratuite que ce Pontife eût voulu faire de cette lettre privée à Sergius une décrétale dogmatique pour fixer la doctrine dans l'Église. A quels caractères, je le demande, les fidèles auraient-ils reconnu dans ce document une règle de foi? Les termes de la lettre indiquent-ils soit directement, soit indirectement, qu'il s'agisse de terminer une controverse par un acte décisif, en sorte que l'on puisse dire avec saint Augustin, « la cause est finie? » Les opposants à cette définition d'un nouveau genre, sont-ils frappés d'excommunication par le Pontife? Ces conditions qui feraient sortir la lettre du caractère d'écrit privé pour l’élever à l'importance de loi générale, ces conditions auxquelles est soumis le Concile œcuménique lui-même, quand il veut obtenir l'obéissance de la foi, font ici totalement défaut. Concluons donc une seconde fois qu'Honorius n'a point rendu une définition doctrinale.

Ce n'est pas tout….

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Message  Louis Ven 24 Mai 2019, 6:26 am

Le Pape HONORIUS

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Ce n'est pas tout. Il s'est écoulé quarante ans depuis la mort d'Honorius jusqu'à la tenue du VIe Concile qui devait condamner avec tant d'éclat le monothélisme. Durant cet intervalle rempli par les progrès de cette hérésie, quel mouvement remarquons-nous dans l'Église? Voit-on les évêques orthodoxes tentés d'abonder dans le sens de la nouvelle secte? Les voit-on la ménager sous prétexte que le silence aurait été prescrit à son égard ? Loin de là, le soulèvement des prélats catholiques est à son comble.

De toutes parts, ils appellent du secours, et ce secours, où vont-ils le réclamer? Auprès du Pontife romain, dont ils sollicitent avec instance la décision sur les deux volontés dans le Christ.

C'est saint Sophrone de Jérusalem, et son premier suffragant Étienne de Dora, ce sont les métropolitains de la Numidie, de la Byzacène, de la Mauritanie ; c'est Victor de Carthage, Sergius de Chypre, Théodore, abbé de Saint-Sabbas, au nom des moines grecs, Thalassius, au nom des moines arméniens, George, au nom de ceux de Cilicie. Toutes ces lettres qui arrivent au saint Pape Martin Ier et sont insérées dans les Actes de son Concile de Rome, témoignent de la foi la plus vive dans l'infaillibilité du successeur de Pierre, et implorent avec ardeur la condamnation du monothélisme (1).

Dans toutes ces lettres, pas la moindre mention d'Honorius, ni de la défense qu'il eût faite de parler tant d'une volonté, que de deux volontés. Partout la même confiance dans l'inviolable fidélité du Siège de Rome à la vraie foi, partout la conviction que ce Siège n'a pas encore prononcé sur la question. Dix années déjà sont pourtant écoulées depuis la mort d'Honorius. Que conclure de ces faits irrécusables, sinon que la lettre d'Honorius à Sergius est demeurée inconnue dans l'Église, en sa qualité d'écrit privé, ou que si elle s'est répandue dans une certaine mesure, personne n'a reconnu dans cette pièce les caractères d'un jugement apostolique.

…sur le fait d'Honorius…

(...)
______________________________________________________

(1) J'ai donné plusieurs fragments de ces lettres dans la Monarchie pontificale.

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Message  Louis Sam 25 Mai 2019, 6:41 am

Le Pape HONORIUS

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(…) sur le fait d'Honorius, je commence par convenir avec le R. P. Gratry, que je suis du nombre de ceux qui admettent la condamnation d'Honorius par le VIe Concile (1) : nous n'aurons donc pas de controverse sur ce point.

(…)

Ainsi donc, selon le R. P. Gratry et selon moi très-indigne, le VIe Concile s'est bien véritablement écrié : « Anathème à Sergius hérétique ! Anathème à HONORIUS hérétique ! Anathème à Pyrrhus hérétique ! » En doit-on conclure que c'en est fait de la doctrine de l'infaillibilité du Pontife romain? Non, et c'est ici que je me sépare du R. P. Gratry.

S'il est quelque chose de démontré, c'est qu'Honorius n'a point enseigné à l'Église le monothélisme, c'est que sa lettre à Sergius, et pour le fond et pour la forme, est totalement dépourvue des caractères d'une définition doctrinale. Ce n'est donc point comme Pape qu'Honorius a été anathématisé par le VIe Concile; ce ne peut être que comme docteur privé. Le Pape peut-il enseigner l'erreur comme docteur privé? La plupart des docteurs ultramontains en conviennent. Que nous fait donc la condamnation d'Honorius comme docteur privé? Rien, absolument rien. Elle ne touche pas même la doctrine de l'infaillibilité du Pape enseignant l'Église ex Cathedra, intimant aux fidèles que telle vérité doit être crue comme faisant partie du dépôt de la révélation, et frappant d'anathème les rebelles à la sentence.

Mais la justice ne nous fait-elle pas un devoir de revenir sur…
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(1) J'ai accepté cette condamnation dans mon opuscule de la Monarchie pontificale.

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Message  Louis Dim 26 Mai 2019, 7:06 am

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Mais la justice ne nous fait-elle pas un devoir de revenir sur ce qui a été précédemment exposé, et de nous demander à nous-mêmes si réellement Honorius, comme homme privé, a été hérétique? Les seules pièces de conviction qui aient été alléguées contre lui dans le Concile, sont sa lettre à Sergius et les fragments d'une autre à Cyrus et à Sophronius. Ces documents témoignent-ils d'une doctrine hérétique chez Honorius?

Nous avons vu que saint Maxime, contemporain et le principal docteur dans la question du monothélisme, honorait la mémoire de ce Pape. Il est même allé jusqu'à dire que ses lettres avaient été altérées par les auteurs de la secte. Nous avons ces lettres, et la première est dans son entier.

Qu'en pensent les juges compétents? Je l'ai dit plus haut ; Monseigneur de Grenoble et Mgr Héfélé, qui est au moins impartial, les absout d'hérésie NOTE (1). Noël Alexandre, Witasse, Tournély, Régnier, auxquels il faut joindre le savant Thomassin, enseignent qu'on en peut défendre la teneur au point de vue de l'orthodoxie.

Je cite les théologiens de l'école française qui me reviennent à la mémoire, et je  n'allègue aucun auteur d'au-delà des monts. En présence d'une telle situation, l'anathème du VIe Concile d'un côté, les textes d'Honorius de l'autre, textes pris dans les Actes même de ce Concile, j'en viens à me demander : Honorius, comme homme privé, a-t-il été ce qu'en bonne théologie on appelle un hérétique?

En émettant un tel doute, je sais bien à quoi je m'expose. Le R. P. Gratry qui lance l'excommunication contre Monseigneur de Westminster, ne m'épargnera certainement pas, moi simple prélat inférieur. N'importe; j'oserai lui dire que s'il est vrai qu'on trouve dans les Actes du VI[/sup]e[/sup] Concile l'anathème lancé à plusieurs fois contre Honorius hérétique, il n'en a pas moins été permis en tout temps de penser et de dire qu'Honorius n'a pas enseigné l'hérésie. J'en donnerai la raison aux lecteurs du R. P. Gratry (…)

Je dirai donc que le VIe Concile…

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Message  Louis Lun 27 Mai 2019, 6:19 am

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Je dirai donc que le VIe Concile étant du nombre de ceux qui n'ont pas été présidés par le Pape en personne, ne pouvait avoir sa valeur de Concile qu'autant qu'il obtiendrait pour ses décrets la confirmation apostolique, et dans la mesure seulement où s'étendrait cette confirmation. Le décret que le Concile avait publié dans sa XVIIIe et dernière Session sur la question des deux volontés en Jésus-Christ reproduisait la doctrine des deux lettres du Pape saint Agathon, l'une à l'empereur Constantin Pogonat, l'autre au Concile lui-même ; mais préalablement ce décret signalait comme auteurs de la nouvelle hérésie Théodore, évêque de Pharan, Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre, évêques de Constantinople, Honorius, Pape de l'ancienne Rome, avec Cyrus d'Alexandrie. Venaient ensuite les souscriptions, puis les acclamations où figuraient les anathèmes, entre autres celui qui était commun à Sergius et à Honorius.

Une lettre écrite par le Concile à saint Agathon et souscrite de tous les Pères demandait à ce Pontife la confirmation du décret conciliaire (1). On lisait dans la première partie de cette lettre que le Concile avait frappé d'anathème Théodore de Pharan, Sergius, Honorius, Cyrus, Paul, Pyrrhus et Pierre, et que cette sentence avait été portée à l'instar de celle qu'Agathon avait prononcée lui-même (2). La lettre de saint Agathon au Concile, insérée dans la IVe Session, flétrissait en effet comme auteurs du monothélisme Théodore de Pharan, Cyrus d'Alexandrie, Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre de Constantinople; mais c'est en vain que l'on chercherait dans cette lettre le nom d'Honorius. Il en est totalement absent (3). J'avoue que cette contradiction m'a toujours semblé étrange et inexplicable.

Saint Agathon étant mort avant que la lettre du Concile lui fût parvenue, il fut remplacé sur le Siège de Rome par saint Léon II.  Aussitôt Constantin Pogonat écrivit à ce nouveau pontife pour lui faire part, au nom du Concile, de tout ce qui s'était fait dans cette assemblée et pour en demander la confirmation. Il est remarquable que la lettre de l'empereur qui est un compte rendu très-complet des opérations du Concile ne contient pas un mot qui se rapporte soit directement, soit indirectement à Honorius.

Saint Léon II répondit par une lettre confirmatoire du Concile adressée à l'empereur…
_______________________________________________________________________________________

(1)  Quam ut iterum per honorabilia vestra rescripta conflrmetis, vestram oramus paternam Sanctitatem. LABBE. Tom. VI, col. 1076.
(2)  Ex sententia per sacras vestras litteras de iis prius lata. Ibid., col. 1073.
(3)  Voir LABBE, ibid., col. 677-692.
 

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Message  Louis Mar 28 Mai 2019, 7:19 am

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Saint Léon II répondit par une lettre confirmatoire du Concile adressée à l'empereur. Dans cette lettre il proclame la parfaite orthodoxie de la définition rendue par les Pères sur la question dogmatique qui avait été l'objet du Concile, il confirme cette définition par l'autorité du Siège apostolique, et assigne à ce Concile le sixième rang parmi les Synodes œcuméniques. Le Pontife passe ensuite aux anathèmes que le Concile avait joints à sa définition, et c'est alors qu'il fait voir en quelle manière il accepte, dans son jugement souverain, la condamnation que le Concile avait portée contre Honorius.

Nous venons de voir que celui-ci avait mêlé dans son décret le nom d'Honorius à ceux de Théodore de Pharan, de Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre de Constantinople, et de Cyrus d'Alexandrie. Saint Léon II n'accepte l'anathème qu'en faisant cesser cette promiscuité, réunissant dans un anathème commun Théodore de Pharan, Cyrus d'Alexandrie, Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre de Constantinople, qui avaient été hérétiques dogmatisans. Quant à Honorius, le Pontife le frappe à son tour, mais il crée pour lui une classe spéciale. « Et aussi Honorius, dit-il, qui  n'a pas fait resplendir de la doctrine apostolique, cette Église apostolique (de Rome) ; mais, par une trahison profane, a laissé la foi qui doit être sans tache exposée à la subversion (1).

Voilà donc le VIe Concile œcuménique, le voilà dans sa teneur véritable ! C'est le suffrage du Pontife romain qui l’a fait œcuménique comme tous les autres ; il est œcuménique en tout ce que le Pontife romain a accepté, et il ne l’est pas dans le reste ; de même que le deuxième Concile ne l'est pas dans les décrets que saint Damase n'accepta pas, de même que le Concile de Calcédoine ne l'est pas dans le fameux Canon que saint Léon le Grand refusa de confirmer.

Le R. P. Gratry doit voir que je suis de bonne composition. Je lui accorde que le VIe Concile a condamné Honorius ; j'admets la condamnation de ce pape comme hérétique par le Concile, au point de vue de l'histoire, parce que maintes fois, dans le cours des Sessions et aussi dans les acclamations, l'Assemblée usa de cette liberté ; mais le vrai VI[/sup]e[/sup] Concile, celui auquel le Pontife romain a donné la forme nécessaire et canonique, celui qui s'impose au respect des fidèles a seulement flétri Honorius comme un gardien infidèle du dépôt de la foi, et non comme ayant été lui-même sectateur de l'hérésie. La justice et la vérité nous interdisent d'aller plus loin.

Au reste, le R. P. Gratry, avec une franchise qui l'honore, après avoir donné trop de place aux anathèmes provisoires contre Honorius, qui courent çà et là dans les Actes du VIe  Concile, finit par insérer loyalement le passage de la lettre confirmatoire de saint Léon II, dans laquelle la question est enfin réduite à ses justes termes. (…)

(...)

Au sujet du Liber diurnus Romanorum Pontificum

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(1) LABBE. Tom. VI, col. 1117.

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Message  Louis Mer 29 Mai 2019, 6:20 am

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(…) Ces emportements l' [n.d.l.r. : le R. P. Gratry] entraînent  à crier outre mesure contre une maladresse de cabinet qui eut lieu au sujet de la publication projetée par Holstenius du Liber diurnus Romanorum Pontificum, publication qui fut arrêtée par la crainte de fournir un argument de plus sur la condamnation d'Honorius. Ceci n'a aucune portée. Il ne s'agit point d'un acte ayant trait au gouvernement de l'Église, comme la publication du bréviaire romain. Donner ou refuser le permis d'imprimer un manuscrit, est une mesure de simple police qui demeure sous la responsabilité de son auteur, et peut être changée demain.

Le Jésuite Garnier publia peu après le Liber diurnus, à Paris, d'après un autre manuscrit. Rome s'en émut-elle? Loin de là, le livre fut bientôt dans toutes ses bibliothèques. Il y a plus, on se vit au moment d'avoir une édition romaine de ce manuscrit qui, un siècle auparavant, avait offusqué quelques particuliers trop méticuleux.

Le Jésuite Zaccaria prépara la publication de l'œuvre d'Holstenius ; d'autres travaux l'empêchèrent d'exécuter ce projet, du moins complètement ; mais il publia, avec imprimatur, les variantes du manuscrit du Vatican pour servir de complément à l'édition du P. Garnier.

Cet incident d'histoire littéraire très-connu, mais raconté de nouveau avec d'intéressants détails par M. de Rozière dans la Revue du droit français, n'a rien de commun avec les actes du Saint-Siège, et le R. P. Gratry aurait dû se souvenir que si la censure de la presse à Rome fit un faux pas dans l'affaire du Liber diurnus, elle s'était montrée d'une équité parfaite, en 1608, sous Paul V, en autorisant l'édition des Conciles, puisque lui-même trouve moyen de citer cette édition romaine à l'appui de la condamnation d'Honorius (1).

Le Liber diurnus est, à mon humble avis, le plus fort argument que l'on puisse faire valoir en faveur de l'anathème porté contre l'infortuné Pontife ; mais on ne doit pas perdre de  vue que sur la liste des noms flétris dans la formule du Liber diurnus, celui d'Honorius s'y trouve accompagné d'une clause qui le sépare des hérétiques, et le donne seulement pour fauteur de l'hérésie par sa négligence.

Que le septième et le huitième Conciles aient compris le nom d'Honorius dans les personnages proscrits dont on rappelait la suite dans un anathème final, je ne vois pas ce que le R. P. Gratry en peut tirer d'avantage. Le fait est que ce pape a eu à subir le déshonneur d'être désavoué par une longue suite de ses successeurs, dans une formule qu'ils prononçaient en montant sur le Saint-Siège au huitième et au neuvième siècles. A Rome on joignait à son nom une clause explicative ; dans les deux conciles en question, cette clause n'est pas exprimée ; mais tout le monde est à même de connaître en quels termes saint Léon II, dans sa lettre confirmatoire du sixième Concile, consentit à joindre le nom de son prédécesseur à ceux des hérétiques que celui-ci avait eu le tort de ménager.

Le profond respect que témoignèrent les septième et huitième Conciles pour le Siège apostolique dans tous leurs actes, ne permet pas de supposer qu'ils aient joint le nom d'Honorius à leur liste de personnages anathématisés, dans un autre sens que celui de saint Léon II, et cela suffisait bien. (…)
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(1) Page 40.

FIN.

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