Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
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Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
Bonjour,
Ce qui suit est tiré de La somme théologique de Saint Thomas, par l’abbé Drioux, dans le tout premier tome, et sert d’introduction à tout son ouvrage.
Bonne lecture à tous.
Bien à vous.
A suivre: I. De la Somme de saint Thomas et de ses autres écrits.
Ce qui suit est tiré de La somme théologique de Saint Thomas, par l’abbé Drioux, dans le tout premier tome, et sert d’introduction à tout son ouvrage.
Bonne lecture à tous.
Bien à vous.
INTRODUCTION.(Extraits)
Ce n'est pas une chose nouvelle qu'une traduction de la Somme de saint Thomas. Du vivant même de cet illustre docteur, sa Somme contre les Gentils fut traduite en grec et en hébreu. On croit que ces deux versions furent faites par les soins de saint Raymond de Pennafort qui l'avait engagé à composer cet ouvrage et qui fut sans doute porté à le faire traduire par son zèle pour la conversion des orientaux, afin que les missionnaires d'alors pussent en retirer les plus grands avantages (1).
Les préventions de Maxime Planudes contre les Latins ne l'empêchèrent pas de traduire en grec la Somme théologique. Cette version se voit manuscrite à Rome dans la bibliothèque du Vatican, à Paris dans la bibliothèque nationale, et on la conservait à Venise parmi les manuscrits du cardinal Bessarion.
Marsile Ficin et Démétrius Cydonius ont aussi traduit en grec divers ouvrages du même docteur.
Dom Nicolas Antoine, dans la seconde partie de sa Bibliothèque espagnole (2), et le père Echard, dans le second tome des écrivains de l'ordre des frères prêcheurs (3), parlent d'un auteur anonyme qui a traduit en espagnol la première partie de la Somme.
Plusieurs opuscules de saint Thomas ont été traduits en italien ; mais un de ses éditeurs les plus célèbres, le père Bernard Marie de Rubœis regrette qu'il ne se soit trouvé personne en Italie pour traduire la Somme en langue vulgaire (4).
On possède plusieurs traductions arméniennes de ce chef-d'œuvre, dont la plus complète et la plus récente est celle qui fut publiée à Venise par D. Méchitar, au commencement du dernier siècle.
Les jésuites nous apprennent (5) qu'un missionnaire de leur société, le révérend père Rugli, traduisit en chinois la Somme théologique, et que le révérend père Magaillans traduisit dans la même langue ce que saint Thomas a écrit sur la résurrection des corps.
En France, plusieurs auteurs se sont appliqués à des travaux semblables.
De Marandé a publié en neuf tomes in-12 une traduction de la Somme qu'il a intitulée : La Clef de saint Thomas sur toute sa Somme. Ce n'est pas une traduction littérale. Il abrège arbitrairement certaines parties, et il a bouleversé l'ordre suivi par saint Thomas pour chaque question, en mettant les objections sous le titre d'observations, après le corps des articles ; ce qui produit une confusion inévitable, puisque le plus souvent la manière dont saint Thomas développe le corps des articles, suppose la connaissance des objections qu'il s'est faites préalablement (6).
De Hauteville, docteur en théologie, et chanoine de l'église cathédrale de Saint-Pierre de Genève, a donné aussi une traduction française de la Somme. Mais cette traduction s'écarte encore beaucoup plus du texte que la précédente. Ce n'est qu'un abrégé qui renferme à la vérité toutes les questions traitées par saint Thomas, mais présentées par ordre analytique de manière que chaque article offre une sorte de tableau synoptique destiné à faciliter l'étude de la Somme aux prédicateurs (1).
Le révérend père Griffon, secrétaire général de la congrégation de la Doctrine chrétienne, a composé aussi un abrégé en français de la théologie de saint Thomas par demandes et par réponses ; mais cet abrégé, ne formant que deux volumes in-12, ne peut donner qu'une idée très-incomplète de la science et de la doctrine renfermée dans la Somme (2).
Le père Touron, dans sa Vie de saint Thomas, rapporte que l'auteur des Essais critiques de prose et de poésie, dit en parlant de M. Ville Mareschal : J'ai vu entre ses mains une traduction de la Somme de saint Thomas, dont je le crois auteur, rendue fidèlement et à la lettre, et cependant avec une pureté et des beautés dont le texte ne paraît pas susceptible.
J'ai fait moi-même et j'ai fait faire toutes les recherches possibles pour découvrir si cette traduction avait été imprimée. Je n'ai rien trouvé ni dans les bibliothèques publiques, ni dans les ouvrages bibliographiques, de sorte que je crois que si cette version a existé, elle est restée manuscrite.
Je ne parle pas de la traduction française publiée récemment sous le nom de M. de Genoude. L'ouvrage est resté inachevé, et d'ailleurs l'auteur s'était borné à traduire le corps des articles, sans tenir compte des objections et des réponses.
Souvent même il s'est donné la liberté d'abréger le corps des articles eux-mêmes, et il s'est quelquefois tellement éloigné du texte qu'il n'y a pour ainsi dire aucun rapport entre sa pensée et celle de saint Thomas. C'est ce que l'on remarque principalement dans la dernière partie de son travail (3).
Ainsi on peut donc dire que la Somme de saint Thomas n'a pas encore été jusqu'aujourd'hui traduite intégralement en français.
C'est la tâche que je me suis imposée, et, pour justifier le dessein que j'ai conçu, il me suffira de présenter ici quelques considérations : 1° sur la Somme et les autres écrits théologiques de saint Thomas; 2° sur l'autorité de sa doctrine.
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(1) Touron, Vie de saint Thomas (lib. VI, cap. 9. — (2) Biblioth., p. 269. — (3) Script, ord. prœd. t. II, p. 339. — (4) Vid. edit. Venet. Dissert, I, cap. 8. — (5) Catalogus Patrum societatis Jesu qui in imperio Sinarum fidem propagaveunt. Paris, 1686. — (6) De Marandé a aussi publié en plusieurs volumes in-folio les Morales chrétiennes du Théologien français, ou Paraphrase sur saint Thomas. — (1) Cet ouvrage forme 4 vol. in-4°. Lyon, 1658-1674. — (2) Ce livre a été imprimé à Paris en 1707. — (3) Cette traduction abrégée devait produire deux volumes; il n’y en eu qu’un de publié.
A suivre: I. De la Somme de saint Thomas et de ses autres écrits.
Dernière édition par Louis le Dim 01 Avr 2018, 7:26 am, édité 3 fois (Raison : Extraits de l'intro.; insertions des liens 1º et 2º.)
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Re: Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
I. DE LA SOMME DE SAINT THOMAS ET DE SES AUTRES ÉCRITS.
La Somme de saint Thomas n'était dans la pensée de son auteur qu'un livre élémentaire qu'il destinait à la jeunesse studieuse de son temps, pour lui faciliter l'étude de la science théologique (4). Ce monument n'en est pas moins resté l'œuvre la plus haute et la plus profonde qu'ait produite la scolastique.
Pour bien comprendre le caractère de ce chef-d'œuvre, il est nécessaire de se reporter à la forme qu'avait prise l'enseignement catholique au moyen âge.
Dans les premiers siècles de l'Eglise, les Pères s'étaient exclusivement occupés d'instruire les fidèles par le ministère de la prédication, et de réfuter toutes les erreurs qui mettaient en péril la vraie foi.
Leurs œuvres renferment des explications savantes des saintes Ecritures, des homélies ou des sermons qu'ils adressaient à leur peuple, ou des traités aussi profonds qu'éloquents dans lesquels ils combattaient avec vigueur les hérétiques de leur temps.
Mais parmi cette multitude d'ouvrages on n'en trouve aucun dont l'auteur ait eu la prétention de réunir en un seul corps de doctrines tous les enseignements de la foi.
Origène en eut la pensée, et il le tenta dans son livre des Principes ; mais il n'était pas parti de données certaines et solides, et il échoua dans son entreprise.
Plus tard, saint Jean Damascène fut plus heureux dans son ouvrage qu'il intitula : De la Foi orthodoxe. Mais, quelque remarquable que soit cette synthèse, elle n'a pas le caractère méthodique et précis que l'on admire dans la Somme de saint Thomas. On sent que l'auteur n'a pas écrit pour que son livre servît de texte à l'enseignement des écoles.
Il faut donc arriver jusqu'à la scolastique pour trouver ce genre d'ouvrages, et la gloire particulière de cette époque est d'avoir indiqué la véritable méthode d'après laquelle la théologie ainsi que toutes les sciences doivent être enseignées.
De nos jours (note), où l'on s'est plu à tout remettre en question, on s'est élevé contre la scolastique, et on aurait voulu, pour ainsi dire, la rendre responsable de tous les maux sur lesquels l'Eglise a eu à gémir pendant ces derniers siècles.
Sans vouloir ici ressusciter une polémique…
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(4) Voyez le prologue ou la préface qu’il a mis lui-même au commencement de son ouvrage.
(note) de Louis: notez que cet ouvrage a été publié il y a 165 ans !
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Re: Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
I. DE LA SOMME DE SAINT THOMAS ET DE SES AUTRES ÉCRITS.(SUITE)
Sans vouloir ici ressusciter une polémique qui s'est assoupie presque entièrement depuis quelques années, je ferai remarquer que ce qui a induit les esprits en erreur, et ce qui produit encore beaucoup de préjugés sur le mouvement littéraire au moyen âge, c'est qu'on a considéré et qu'on considère encore la scolastique comme une science, tandis que ce n'est qu'une méthode.
Voyez en effet comme tous les historiens ont compris son histoire. Ils se sont tous accordés à la diviser en trois âges, dont le premier va de Roscelin à Albert le Grand, le second d'Albert le Grand à Durand de Saint-Pourçain, et le dernier depuis ce docteur jusqu'à la réforme.
Le premier de ces âges est sa période de formation. Or, que remarque-t-on pendant toute cette période? Les esprits se passionnent pour la dialectique; ils s'efforcent de ramener toutes les connaissances qu'ils possèdent à quelques principes généraux, pour les en déduire ensuite par voie de conséquences.
Il put y avoir des excès dans cette fièvre de raisonnement qui prétendait argumenter sur toutes choses, mais en somme les études y gagnèrent.
Pour systématiser toutes les sciences il fallut les approfondir davantage, et en recherchant le rapport logique qui existait entre chaque proposition on fut amené à d'heureux résultats.
La théologie, qui était le but suprême de tous les efforts et de toutes les ambitions, changea tout à coup de face. Au lieu de traiter isolément des divers points de dogme, de discipline ou de morale, on travailla à réunir dans un même ensemble toutes les lumières de l’Écriture et de la tradition, et à en faire un ouvrage unique dont toutes les parties soient rigoureusement enchaînées.
Pierre Lombard fut le premier qui réussit à coordonner ce vaste édifice.
Mais il est à remarquer que tout en appliquant à la théologie une méthode nouvelle, en la soumettant à des procédés logiques, il se tint pour le fond des choses absolument en garde contre toute innovation.
Dans l'exposition des enseignements de la foi, il se fit une règle de n'employer que les expressions consacrées par l'autorité des Pères, et il appela pour ce motif son ouvrage le Livre des Sentences (Liber Sententiarum).
Plusieurs ouvrages parurent sous ce même titre au XIIe siècle. Le cardinal Robert Pullus, Pierre de Poitiers, sont les théologiens qui eurent dans ce genre le plus de célébrité après Pierre Lombard.
On sait que le livre de Pierre Lombard fut, au XIIe et au XIIIe siècle, le texte obligé de toutes les leçons des professeurs de l'Université de Paris. Mais ce qu'on ne sait pas c'est que jusqu'au XIIIe siècle Aristote n'entrait pour rien dans l'enseignement des écoles.
A la vérité son nom est souvent cité par les écrivains antérieurs, mais ils ne connaissaient que ses ouvrages de logique.
Sur la fin du XIIe siècle, Gautier, chanoine régulier de Saint-Victor, s'éleva contre la méthode nouvelle que l'on avait introduite dans la théologie, et composa un traité contre Pierre Abeilard, Gilbert de la Porrée, Pierre Lombard et Pierre de Poitiers, qu'il accuse d'avoir altéré la saine doctrine en l'alliant aux erreurs d'Aristote. Mais il est certain que ces théologiens n'empruntèrent au philosophe de Stagyre que l'art de la dialectique.
Ainsi, le nom d'Aristote ne se trouve pas cité une seule fois dans le livre de Pierre Lombard…
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Re: Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
I. DE LA SOMME DE SAINT THOMAS ET DE SES AUTRES ÉCRITS.(SUITE)
Ainsi, le nom d'Aristote ne se trouve pas cité une seule fois dans le livre de Pierre Lombard. Abeilard, qui se rendit si célèbre par sa passion pour le syllogisme, a laissé des gloses sur l'Introduction de Porphyre, les Catégories, et l'Interprétation; il a quelquefois cité les Réfutations sophistiques et les Topiques, mais il avoue formellement qu'il ne connaît ni la Physique, ni la Métaphysique d'Aristote (1). Jean de Sarrisbury s'étend beaucoup sur tous les écrits du philosophe grec, relatifs à la logique (2), mais il ne dit pas un mot de ses autres ouvrages, ce qui suppose qu'il ne les connaissait pas.
Quand les ouvrages de physique et de métaphysique d'Aristote passèrent en Occident, ils s'y présentèrent d'abord au moyen de traductions arabes-latines accompagnées des commentaires d'Averroës et d'Avicenne. On eut même recours pendant quelque temps aux ouvrages de ce dernier pour y puiser la doctrine péripatéticienne.
On ne tarda pas à voir cette doctrine empoisonnée porter ses fruits. David de Dinant enseigna que tout est un, c'est-à-dire que tous les êtres ont une même essence, une même substance et une même nature ; et Amaury, formulant le même principe, dit que tout est Dieu, et que Dieu est tout. C'était le panthéisme le plus formel.
Le concile de Paris condamna, en 1209, les livres d'Aristote, et les commentaires d'où étaient sorties ces monstrueuses erreurs (3).
En 1215, le légat du Saint-Siège, Robert de Courçon maintint la sentence du concile, mais il fit une exception en faveur des livres de logique (4).
Le pape Grégoire IX publia en 1231 une bulle qui renouvelait les condamnations précédentes et qui interdisait les ouvrages d'Aristote jusqu'à ce qu'ils fussent corrigés (5).
Ainsi jusqu'en 1230, quoi qu'on en ait dit, Aristote n'avait encore exercé d'autre influence sur l'enseignement théologique que celle qui résultait naturellement de son Organon ou de tous ses ouvrages de logique.
Mais de 1230 à 1240 il se fit un changement prodigieux. Son nom se rencontre dans tous les ouvrages de théologie qui furent alors publiés.
Guillaume d'Auvergne, qui fut évêque de Paris et qui mourut en 1248, cite fréquemment la Métaphysique, la Physique, le traité de l'Ame, ceux du Sommeil et de la veille, des Animaux, du Ciel et du Monde, des Météores, les Ethiques, etc. (1). On voit qu'il connaissait presque tous les écrits du philosophe grec.
Par suite des relations que la chrétienté avait avec les Maures d'Espagne il n'avait pas été possible de se défendre contre l'invasion des traductions arabes-latines et de tous les commentaires panthéistes qui les accompagnaient.
Pour combattre l'erreur par ses propres armes on avait senti le besoin d'avoir recours au texte grec lui-même (2), et l'on avait pu satisfaire ce désir d'autant plus facilement que la fondation d'un empire français à Constantinople (3) avait favorisé l'étude du grec en Occident.
On se mit donc à lire Aristote dans sa propre langue, et on s'empressa d'en faire des traductions nouvelles, exemptes de toutes les erreurs que les Arabes y avaient mêlées (4).
Dans le même temps les études théologiques reçurent un nouveau développement.
On trouva le livre des Sentences insuffisant, et l'on se mit à composer sous le nom de Sommes une foule d'ouvrages…
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(1) Ouvrages inédits d’Abeilard, p. 200. Pour les autres parties de la philosophie, Abeilard suit ordinairement les opinions de Platon. — (2) Metalogius, lib. III et IV — (3) A l’égard de cette condamnation, elle n’est pas rapportés de la même manière pour les historiens de cette époque. Le récit de Guillaume le breton, adopté par Launoy, ne s’accorde pas avec ceux de César d’Heisterbach et d’Hugues, le continuateur de la chronique de Robert d’ Auxerre. Mais ce qui coupe court à toute controverse, c’est le texte même du concile publié par D. Martène (Novus Thesaraus anecdotorum, t. IV, p. 166.— (4) Voyez les statuts donnés par ce légat à l’université de Paris. Ap. Bulæum, Hist. Univ. Paris t. III, p. 82. Cf. Launoy, De varia Ariostotelis fortunâ, cap. 6. — (5) Voyez le texte de cette bulle. Ap. Bulæum, loc. cit. p. 142, et Cf. Launoy, ibid., cap. 6.(1) Vid. Guillelmi Arverni Parisiensis episcopi opera omnia. Aureliani, 1674. 2 vol. in-fol. — (2) Plusieurs savants ont prétendu que les docteurs de cette époque ne savaient pas le grec, et que saint Thomas n’avait connu Aristote que par des traductions. Bernard Guyard publia en 1667 une dissertation particulière contre cette assertion. Il suffit de lire les commentaires de saint Thomas pour se convaincre de la connaissance qu’il avait de la langue grecque, puisque à chaque instant il compare les différentes versions entre elles et discute de la valeur propre des expressions qui se trouvent dans l’original.— (3) Ce fut en 1204 que cet empire fut fondé. — (4) Guillaume de Tocco dit formellement que saint Thomas fit faire une nouvelle traduction des œuvres d’Aristote : Quæ sententiæ Aristotelis contineret clarius veritatem. Bolland. , Antverp., 1643, mensis Martii, t. 1, p. 665.
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Louis- Admin
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I. DE LA SOMME DE SAINT THOMAS ET DE SES AUTRES ÉCRITS.(SUITE)
On trouva le livre des Sentences insuffisant, et l'on se mit à composer sous le nom de Sommes une foule d'ouvrages auxquels on ajouta toutes les questions naturelles et philosophiques que l'on avait soulevées à propos de la philosophie ancienne.
Ainsi Guillaume de Seignelay, Robert de Courçon, Alain de l'Isle, Simon de Tournay, Pierre de Corbeil, Præpositivus, Monéta, Vincent de Beauvais, Alexandre de Halés, Jean de la Rochelle, Albert le Grand et plusieurs autres donnèrent leurs Sommes avant que ne parût celle de saint Thomas (5).
L'idéal qu'on se proposait dans ces divers ouvrages n'était pas facile à réaliser.
Il s'agissait de concevoir un plan assez vaste pour renfermer toutes les questions dogmatiques et morales qui sont du ressort de la théologie. Il fallait assigner à chacune de ces questions la place qui lui convient logiquement, de manière que toutes les parties de l'ouvrage se déduisent rigoureusement les unes des autres et se prêtent ainsi un mutuel appui.
C'était là pour la méthode.
Quant à l'exécution elle exigeait des connaissances universelles. Ainsi il fallait connaître à fond toutes les Écritures pour citer à chaque question les textes qui sont à l'appui des sentiments que l'on embrassait et pour rapporter ceux qui paraissaient les contredire afin de les discuter et d'en établir le véritable sens.
La théologie étant avant tout une science traditionnelle, il était nécessaire, pour ne pas s'égarer, d'avoir approfondi la tradition, c'est-à-dire de savoir les décisions des conciles et des papes et d'avoir lu et médité tous les principaux ouvrages des Pères.
Enfin, selon la remarque de saint Thomas lui-même, il était du devoir du théologien de s'instruire des choses de la nature et de se livrer à l'étude de la philosophie pour faire hommage de toutes les sciences humaines à la science divine et l'enrichir de toutes leurs lumières (1).
L'Ange de l'école se prépara à la composition de sa Somme par l'acquisition préalable de toutes ces connaissances….
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(5) Voyz Bibliothèque des écrivains ecclésiastiques, par Elies Dupin (XIIe siècle). — (1) Voyez ce qu’il dit de l’utilité des sciences naturelles par rapport à la théologie (Sum cont. Gentes, lib. II, cap. 1-4.
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I. DE LA SOMME DE SAINT THOMAS ET DE SES AUTRES ÉCRITS.(SUITE)
L'Ange de l'école se prépara à la composition de sa Somme par l'acquisition préalable de toutes ces connaissances.
Il avait appris par cœur tout l'Ancien et le Nouveau Testament, afin d'avoir toujours présent à l'esprit le texte sacré. Ses commentaires sur le livre de Job, sur la première partie du livre des Psaumes, sur Isaïe et sur Jérémie, sur les quatre Évangiles et sur les Épîtres de saint Paul sont de magnifiques monuments de sa piété et de son érudition. Comme le dit le père Possevin (2), on est surpris de l'attention minutieuse, de l'exactitude et du savoir que supposent tous ses commentaires. Il prend soin d'examiner les différentes versions, de les comparer entre elles, de concilier les passages qui semblent opposés les uns aux autres, soit dans les livres saints, soit dans les ouvrages des Pères ou des autres interprètes de l’Écriture. Ses citations sont si fréquentes et si variées qu'on ne sait comment à une époque où l'imprimerie n'était pas inventée il lui a été possible de lire un aussi grand nombre d'ouvrages.
Comme tous les professeurs de son temps il avait débuté dans l'enseignement de la théologie par une explication des quatre livres du Maître des Sentences. Nous possédons son commentaire où il parle de la nature divine, de la création, de l'incarnation du Verbe, des vertus et des vices, des sacrements de la loi nouvelle et des dernières fins de l'homme. Il n'avait que vingt-cinq ans quand il donna ses leçons sur toutes les principales matières de la science théologique, mais elles parurent si solides et si profondes que la faculté de théologie de Paris regarda dès lors le jeune docteur comme son oracle et comme le prodige de son siècle.
Vers l'an 1260 il commença ses travaux sur Aristote, et il se mit à étudier les sciences naturelles telles qu'elles étaient connues de son temps et toute la philosophie ancienne. Son premier but était de réfuter les disciples d'Averroës qui faisaient, au XIIIe siècle, un si grand abus du nom du philosophe grec. Mais il ne se contenta pas de répondre à leurs difficultés, il voulut encore faire servir à la gloire de la religion toutes les lumières de la sagesse ancienne, et il emprunta à Aristote tout ce qu'il avait de bon, comme autrefois saint Augustin à Platon, pour en enrichir la science sacrée (3). Sixte de Sienne remarque que de tous les docteurs latins il est le premier qui ait osé tenter une entreprise si difficile et qui ait eu la consolation de voir que le succès avait parfaitement répondu à la grandeur de la difficulté et à la droiture de ses intentions. Tous ces nombreux travaux ne l'empêchèrent pas de trouver des loisirs, soit pour répondre aux questions qu'on lui adressait des différentes parties de la chrétienté, soit pour composer des traités spéciaux sur les points qui étaient les plus vivement controversés parmi ses contemporains. Ses opuscules suffiraient à eux seuls pour faire la réputation et pour avoir rempli la carrière de tout autre savant.
Saint Raymond de Pennafort ayant voulu avoir…
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(2) Apparatus sacer, t. II, p. 477 et suiv. ed. 1608. — (3) Voyez ce que dit à ce sujet le P. Touron dans sa Vie de saint Thomas (pag. 451-463). On voit par là que le docteur catholique n’était pas dominé, comme on l’a prétendu, par le sentiment d’Aristote. Il soumet, au contraire, le philosophe païen au joug de la foi, et il le réfute et l’abandonne chaque fois que ses opinions paraissent en opposition avec la doctrine de l’Église.
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Saint Raymond de Pennafort ayant voulu avoir un ouvrage méthodique qu'il pût mettre entre les mains de ses religieux pour les aider à travailler à la conversion des Maures et des juifs répandus alors en Espagne, saint Thomas, sur l'ordre exprès de son général, composa sa Somme contre les Gentils que le père Possevin regarde avec raison comme l'ouvrage le plus parfait et le plus achevé en ce genre qui ait été jamais écrit par aucun auteur ancien ou moderne (1). C'était en quelque sorte le coup d'essai par lequel il préludait à la composition de sa grande Somme théologique.
Il commença cet immense travail en 1265, immédiatement après avoir refusé l'archevêché de Naples. Dans la courte préface qu'il a mise en tête il nous dit les défauts de ses devanciers. Les uns avaient surchargé leur ouvrage de questions, d'articles et d'arguments inutiles ; les autres n'avaient pas suivi dans l'exposition de leur doctrine une marche logique, traitant au hasard les différentes parties de la science selon qu'elles se présentaient à leur esprit ; d'autres enfin étaient tombés dans des redites fatigantes qui rebutaient les élèves et qui jetaient la confusion dans leur esprit (2).
Il sut éviter le premier de ces défauts en dégageant la théologie de toutes ces discussions frivoles qui commençaient déjà à être du goût de l'école. Car en étudiant la Somme on verra qu'il n'y a pas un article qui n'ait son utilité (3), pas un argument qui n'ait sa valeur. Si l'on y rencontre quelques propositions qui n'aient pas par elles-mêmes une grande importance, ce sont des lemmes qui servent à démontrer d'autres propositions fondamentales et qui contribuent ainsi à la solidité de l'ensemble.
II évita le second en procédant d'une façon si rigoureuse, que depuis le commencement de son vaste ouvrage jusqu'à la fin on marche de déductions en déductions d'après des principes constants et invariables. Toutes ses divisions et toutes ses subdivisions sont justifiées par la logique la plus sévère, et il n'est pas possible de trouver un plan qui soit à la fois plus vaste, plus simple et plus naturel. Il embrasse tout, et chaque chose se trouve si parfaitement à sa place qu'on ne pense pas en parcourant ce vaste édifice qu'il soit possible d'assigner un autre ordre aux parties qui le composent (4).
Enfin il a évité le troisième en se contentant de renvoyer, chaque fois qu'il le faut, aux principes qu'il a émis. Il était si maître de sa pensée et de sa matière qu'il n'oublie rien de ce qu'il a précédemment écrit. A la façon des géomètres il rappelle d'un mot les propositions antérieures sur lesquelles repose sa démonstration, et il fait ainsi avancer l'esprit du connu à l'inconnu.
Sa méthode est uniforme…
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(1) Opus absolutissimum quo reliquos omnes qui eâ de re scripsêre, veteres et recentiores anteivit Appar. Sacer. T. II, p. 478. — (2) Vid. Prolog. 1a part.— (3) Pour justifier cette assertion, j’ai indiqué en note, d’après la grande édition du Cardinal Cajetan, le profit que l’on pouvait retirer de chaque article. — (4) Ceux qui étudient la théologie dans les traités élémentaires qui existent actuellement désirent souvent un plan général qui comprenne la science entière et qui indique le rapport logique de toutes ses parties. Je ne crois pas qu’on puisse rien faire de plus parfait que la Somme de saint Thomas. Le plan est donc tout trouvé; il suffit de s’en bien pénétrer.
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Re: Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
I. DE LA SOMME DE SAINT THOMAS ET DE SES AUTRES ÉCRITS.(SUITE)
Sa méthode est uniforme. Il expose avant tout les objections ou les difficultés qui viennent d'abord à l'esprit, ou les fausses lueurs qui se manifestent à la raison aussitôt qu'elle aborde un problème nouveau, parce qu'il est en effet dans notre nature de ne pas apercevoir immédiatement la vérité quand on nous propose une question à laquelle nous n'avons pas réfléchi. Nous ne découvrons dans le principe que de vagues apparences qui sont le plus souvent trompeuses. Ce n'est que par la réflexion que notre pensée s'affermit et que nous saisissons dans toute sa plénitude la vérité que nous cherchions.
L'illustre docteur place donc après les difficultés ou les objections la solution vraie du problème qu'il s'est posé ; il l'appuie de témoignages et d'arguments solides, et s'il est nécessaire il revient aux difficultés qui se sont d'abord présentées, et il dissipe en y répondant tout ce qu'elles avaient de faux et de trompeur.
L'uniformité de cette marche ôte à son ouvrage quelques agréments extérieurs. Mais si l'on réfléchit que dans sa pensée chaque article n'était qu'un texte sommaire destiné à être développé, commenté par un maître ; ce qui paraissait un défaut sera au contraire considéré comme un mérite, parce que, quand il s'agit d'enseigner, l'expérience est là pour prouver qu'on ne peut pas être trop clair, trop précis, trop méthodique, et qu'il y a avantage à procéder toujours de la même manière. L'intelligence de l'élève saisit plus parfaitement la pensée du maître, et sa mémoire la retient plus facilement.
Aussi tous les hommes les plus distingués n'ont-ils jamais eu qu'une voix pour louer le plan de la Somme et pour reconnaître que saint Thomas avait réellement découvert la meilleure méthode d'enseignement.
Maintenant si nous examinons le fond de l'ouvrage, tout le monde reconnaîtra qu'il n'est pas possible de trouver une connaissance plus profonde des saintes Écritures, des Pères de l’Église, des décisions des conciles et des papes, de la philosophie ancienne et de toutes les sciences naturelles (1). Sur toutes les questions les plus difficiles il connaît le pour et le contre qu'offrent ces sources si diverses, il discute avec une précision admirable tous les faits, tous les témoignages et tous les raisonnements.
Saint Paul est parmi les écrivains sacrés celui qu'il cite le plus souvent, mais il n'en connaît pas moins les autres, et la Bible presque entière se trouve citée dans son ouvrage.
Parmi les Pères il a une prédilection marquée pour saint Augustin, mais il n'en rapporte pas moins les témoignages de saint Basile, de saint Ambroise, de saint Grégoire et de tous les autres docteurs, soit qu'ils paraissent contraires au sentiment qu'il soutient, soit qu'ils le confirment.
Aristote est le philosophe ancien qu'il suit de préférence, mais on voit qu'il n'ignore pas la doctrine des platoniciens, des stoïciens et des autres grandes écoles de la Grèce. Il a lu Cicéron, et il sait retirer de son meilleur ouvrage philosophique (2) les vérités les plus élevées qu'il renferme.
La raison est entre ses mains l'instrument docile de la foi, et il la manie avec tant de force et de sûreté que dans cette vaste synthèse il ne lui est pas échappé un mot que l'orthodoxie ait contredit. Sa pensée a constamment fait autorité dans toute l’Église catholique, comme nous allons le voir.
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(1) Nous ne voulons pas dire qu’il n’ait partagé sur ce point les erreurs de son temps; mais en approfondissant les différentes opinions qu’il émet sur les sciences naturelles, on sera peut-être surpris, comme je l’ai été moi-même, que ces erreurs ne soient plus graves ni plus nombreuses. — (2) Les Tusculanes sont l’ouvrage de Cicéron qu’il cite le plus souvent.
A suivre : II. De l’autorité de la doctrine de saint Thomas.
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Re: Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.
De son vivant saint Thomas reçut de ses contemporains les témoignages les plus éclatants à l'égard de l'étendue et de la solidité de sa science.
Tous les souverains pontifes qui occupèrent le siège de saint Pierre depuis le moment où il commença à enseigner jusqu'à sa mort l'honorèrent tout particulièrement de leur considération et de leur estime. Alexandre IV écrivit au chancelier de l’Église de Paris le 3 mars 1256 pour le féliciter d'avoir accordé la licence à un sujet si recommandable par les trésors de science et de doctrine que Dieu avait mis en lui. Urbain IV le chargea de composer un traité sur les erreurs des Grecs, et il le chérissait si particulièrement qu'il voulait toujours l'avoir près de lui partout où il allait. Clément IV lui offrit l'archevêché de Naples et lui donna plusieurs autres marques de confiance. L'université de Paris ayant été divisée à propos de la question des accidenta eucharistiques, tous les docteurs résolurent de s'en rapporter au jugement de saint Thomas, et il traita si parfaitement cette question difficile qu'ils se rangèrent tous de son avis, persuadés qu'on ne pouvait ni mieux concevoir la difficulté, ni l'expliquer plus clairement.
Quand il s'agit de convoquer le second concile de Lyon, le pape Grégoire X adressa un bref particulier à saint Thomas d'Aquin, qu'il regardait avec raison comme le premier docteur de son siècle. On espérait beaucoup de ses lumières pour convaincre les Grecs de schisme et d'hérésie, et les ramener à l'unité. Mais ce grand homme mourut sur ces entrefaites (1).
Tout le monde catholique apprit sa mort avec une immense douleur. L'université de Paris écrivit au chapitre général de l'ordre de Saint-Dominique en 1274 pour avoir les cendres de celui qu'elle regardait à juste titre comme son ornement et sa gloire. « Si l’Église honore avec raison, disait-elle , les reliques des saints, n'est-il pas aussi conforme a la bienséance et à la piété que nous soyons les dépositaires du corps de cet incomparable docteur, afin que la vue de son tombeau produise à jamais dans le cœur de ceux qui viendront après nous, les mêmes sentiments d'estime et de vénération que l'excellence de ses ouvrages a fait naître depuis longtemps dans nos esprits (2). »
Le concert de louanges qui s'était élevé jusqu'alors avec unanimité autour de son nom ne l'empêcha pas toutefois d'être en butte aux attaques de l'envie. Le 7 mars 1276 Etienne Tempier, évêque de Paris, publia à l'instigation de quelques docteurs un décret par lequel il condamnait plus de deux cents propositions, dont quelques-unes se trouvent dans saint Thomas (3).
Cet événement ayant été connu en Allemagne, Albert le Grand, qui était évêque de Ratisbonne, partit immédiatement de Cologne pour se rendre à Paris. Il était octogénaire. Malgré son grand âge il pria les docteurs de s'assembler , et monta en chaire pour prononcer en leur présence l'éloge de son immortel disciple, en disant qu'il était prêt à défendre tous les ouvrages du saint docteur et à montrer qu'ils étaient tout resplendissants de vérité et de sainteté (4).
Gilles Colonne, de l'ordre des ermites de Saint-Augustin, déploya alors le plus grand zèle pour la défense de saint Thomas…
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(1) Il mourut le 7 mars 1274, dans la quarante-huitième année de son âge, d’après Tholomée de Luques, Barthélemi de Capoue et Jacques de Viterbe, ses contemporains et ses amis (Boll., p. 714 note 83).— (2) Cette lettre a été conservée manuscrite dans la bibliothèque de Saint-Victor à Paris, et se trouve dans l’Histoire de l’université de Duboulay (t. III, p. 408). — (3) Fleury, Hist. Ecclés. (t. XVIII, lib. LXXXVII, p. 230). — (4) Bolland. T. I Martii, p. 714.
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II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.(SUITE)
Gilles Colonne, de l'ordre des ermites de Saint-Augustin, déploya alors le plus grand zèle pour la défense de saint Thomas, dont il avait suivi les leçons pendant plus de treize années (5). Godefroy Desfontaines s'éleva aussi avec beaucoup de force contre le décret de l'évêque de Paris, parce qu'il craignait qu'il n'éloignât quelques étudiants des livres de saint Thomas, et qu'il ne les privât par là même des secours qui pouvaient le plus contribuer à leurs progrès. « Car, dit-il, après la doctrine des saints Pères, celle de Thomas d'Aquin, nous ne craignons pas de le dire, sans faire tort à personne, doit être considérée comme la plus utile et la plus approuvée (1). »
Jacques de Viterbe, archevêque de Naples, disait : « Je crois fermement et sur ma conscience que notre Sauveur, pour instruire les fidèles, pour éclairer le monde et l'Eglise universelle, a envoyé d'abord saint Paul, ensuite saint Augustin, enfin de nos jours Thomas d'Aquin, après lequel je ne crois pas qu'il viendra de semblable docteur jusqu'à la fin des siècles.....Quoique ses écrits, ajoutait-il, aient été attaqués et vivement censurés par des personnes d'un grand poids, l'autorité de sa doctrine n'en a point souffert, elle est au contraire devenue tous les jours plus grande et plus respectée dans tous les lieux et jusque dans les pays barbares (2). »
Jean XXII, qui le canonisa en 1323, dit dans un discours qu'il prononça à son sujet, qu'il était prouvé « que Dieu avait opéré par l'entremise de son glorieux serviteur au moins trois cents miracles, que d'ailleurs il avait fait autant de miracles qu'il avait écrit d'articles (3). »
Dans une autre occasion, le même pontife adressant la parole aux cardinaux, leur dit : « Thomas d'Aquin a lui seul répandu plus de lumières dans l'Eglise que tous les autres savants, et il est certain que quiconque cherchera dans ses écrits les trésors des sciences, fera bien plus de progrès dans une année d'étude, qu'il n'en ferait dans tout le cours de sa vie par la lecture des autres auteurs (4). »
Deux ans après la canonisation du saint docteur, en 1325, Etienne de Borret, évêque de Paris, révoqua et annula le décret de son prédécesseur à l'instigation du souverain pontife Jean XXII, à la sollicitation du chapitre de Notre-Dame et de l'avis de tous les docteurs et bacheliers de l'université. L'évêque et les docteurs disaient dans ce décret que cet Ange de l'école n'avait jamais rien enseigné, dicté ou écrit qui ne fût conforme à la doctrine de la foi et à la règle des bonnes mœurs. Et plus loin ils ajoutaient que ce grand homme avait été pendant sa vie, comme il est encore après sa mort, « la lumière éclatante de l'Eglise universelle, l'ornement du clergé, la source féconde où les docteurs puisent les trésors de la science, le miroir très-pur où sont représentés les sentiments de l'université de Paris, le flambeau à la faveur duquel tous ceux qui entrent dans les voies de la vie et dans les écoles de la saine doctrine, découvrent la lumière et la vérité (5). »
Le pape Clément VI, en sa qualité de docteur, avait prononcé deux discours à la louange de saint Thomas, l'un en 1323 en présence de Jean XXII, et l'autre à Paris en présence de toute l'université assemblée dans l'église des Dominicains de la rue Saint-Jacques, en 1324 (6). Ayant été promu au souverain pontificat, il publia le 6 février 1344 une bulle par laquelle il accorda des indulgences à tous les fidèles qui communieront dans les églises des Dominicains le jour de la fête de ce saint docteur, dont il compare la science à la lumière du soleil qui éclaire le monde, et au glaive spirituel qui détruit les vices et les erreurs entre les mains des hommes puissants en œuvres et en paroles (7).
Nous avons dit que Marsile Ficin, Démétrius Cydonius et Maxime Planudes avaient traduit en grec la Somme de l'illustre docteur et quelques autres de ses écrits….
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(5) Guillaume de la Marre ayant publié un ouvrage intitulé : Correctorium fratris Thomæ, les théologiens l’appelèrent par dérision le Corrupteur du frère Thomas (Corruptorium fratris Thomæ), et l’on croit que ce fut Gilles Colonne qui réfuta ce libelle dans un excellent écrit qu’il intitula : Le Correcteur corrigé. — (1) Voyez Echard, Script. Ord Prœdic. t. I, p. 296. — (2) Bolland. t. I, p. 714, note 83. — (3) Bullarium ord. Prœdic. t. II, p. 163, note 22. — (4) Bolland. Ibid. p. 682. — (5) Ce décret est rapport tout entier dans la Vie de saint Thomas du P. Touron (p. 642-644). Il se trouve aussi dans Duboulay (Hist. univ. Paris, cap. VI, p. 204). — (6) Voyez le P. Touron, p. 747. — (7) Bullarium ord. Prœdic. t. II, p. 226.
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II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.(SUITE)
Nous avons dit que Marsile Ficin, Démétrius Cydonius et Maxime Planudes avaient traduit en grec la Somme de l'illustre docteur et quelques autres de ses écrits. Tout attaché qu'était Planude aux erreurs des Orientaux, il ne put contenir son admiration pour saint Thomas ; et il écrivit de sa main à la fin de la traduction qu'il avait faite de la Somme : Ce sage, admirable en tout point, n'a d'autre défaut que d'être Latin (1).
Le pape Innocent VI prononça en 1360, dans un discours qu'il fit à la louange de saint Thomas, ces remarquables paroles : « La doctrine de ce saint docteur, plus que toute autre (la canonique seule exceptée), a toute la propriété de l'expression, l'ordre et l'arrangement des matières et la vérité des principes, en sorte que celui qui s'y attache fidèlement ne s'écarte jamais du sentier de la vérité, tandis que celui qui ose la combattre doit toujours craindre de tomber dans l'erreur (2). » A l'occasion de la translation des reliques du saint docteur à Toulouse, le pape Urbain V adressa, le 31 août 1368, une bulle à l'archevêque, à l'université, à tous les docteurs clercs ou laïcs, tant de la ville de Toulouse que de la province. Après leur avoir recommandé de rendre à ces reliques des honneurs proportionnés à la sublimité de la science dont le Seigneur avait enrichi son serviteur, il leur dit : « Nous voulons aussi et nous vous ordonnons par ces présentes de suivre toujours fidèlement et de répandre avec zèle, selon votre pouvoir, la doctrine du même saint Thomas comme pure, véritable et catholique (3). »
Dans les conciles de Pise, de Constance et de Bâle, saint Thomas fut représenté par des docteurs de son ordre. Le général des dominicains assista, avec huit théologiens pénétrés de la doctrine de saint Thomas, au concile de Pise; Louis de Valladolid, Jean de Podomitis et plusieurs autres dominicains se distinguèrent au concile de Constance, et les noms de Jean de Raguse, de Nicolas Jacquier, d'Henri Kalteisen sont inscrits avec éloge dans les actes du concile de Bâle. Le célèbre chancelier Gerson fit d'ailleurs paraître l'estime toute particulière qu'il avait pour le saint docteur, dans un discours qu'il prononça au concile de Bâle. « Que nos adversaires, dit-il, se gardent bien de préférer leurs idées aux sentiments et à la doctrine de saint Thomas et des autres saints docteurs dont l'autorité est si respectée dans l'Eglise qu'il n'est point permis de combattre ce qu'ils enseignent d'un commun accord (4). »
Au concile de Florence (1438), un dominicain, Jean de Mont-Noir (5), ayant été choisi pour être le théologien des Latins, il ne fit usage contre les Grecs que des arguments qui se trouvent dans la première partie de la Somme de saint Thomas et dans son Opuscule contre les erreurs des Grecs. Il réfuta si victorieusement Marc d'Ephèse, qu'un grand nombre d'orientaux ouvrirent les yeux à la lumière. Ils reconnurent tous qu'ils devaient la vérité au génie de saint Thomas, et ils se prirent pour lui d'une admiration si profonde qu'ils firent traduire en grec plusieurs de ses ouvrages. Le cardinal Bessarion l'appelait, avec autant d'esprit que de justesse, le plus savant d'entre les saints, et le plus saint d'entre les savants (6).
Le cardinal de Cusa ayant été envoyé par le pape Nicolas V en Allemagne, avec le titre de légat...
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(1) Ces paroles sont rapportées par le P. Echard (Script. ord Prœd. t. I, p. 346). — (2) Presque tous les théologiens thomistes rapportent ces paroles, pour donner du poids à leurs sentiments. — (3) Bullarium ord. Prœdic. t. II, p. 258. — (4) Labbe, Conc., t. XII, p. 873, 875, 877, 883. — (5) Voyez le continuateur de Fleury, t. XXII, lib. LVIII.— (6) Voyez le P. Touron, p. 663.
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II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.(SUITE)
Le cardinal de Cusa ayant été envoyé par le pape Nicolas V en Allemagne, avec le titre de légat, pour ranimer l'esprit de science et de piété dans le clergé de cette partie du monde chrétien, tint un concile à Cologne en 1452, où il publia plusieurs sages règlements, lesquels on parmi remarque celui-ci :
« Nous approuvons avec éloge, et nous voulons qu'on lise dans les synodes diocésains ce que saint Thomas a écrit sur la Foi et les Sacrements, et que de plus il soit ordonné à tous les curés d'avoir et d'étudier avec application la partie de la Somme théologique du saint Docteur qui traite des sacrements (1). »
Pic de la Mirandole, dont la science a toujours passé pour un prodige, écrivait à un dominicain, Paul Gentili : « Je vous conjure très-instamment de m'envoyer vos remarques sur l'ouvrage de Jean Capreolus; car, étant aussi affectionné que je le suis à la doctrine de saint Thomas, dont les écrits font toujours mes délices, je ne puis qu'estimer beaucoup les auteurs qui prennent la défense de ses livres contre la malignité de ceux qui osent les calomnier (2). »
On sait que Henri VIII, dans son livre contre Luther, et que l'évêque de Rochester, le cardinal Jean Fischer, dans sa réfutation du même hérésiarque, firent surtout usage des principes et de la doctrine de saint Thomas. « Je m'en sert d'autant plus volontiers, disait Fischer, que je sais que l'impiété de Luther ne peut supporter la sainteté de cet excellent docteur (3). »
Erasme, qui ne prodiguait pas la louange, surtout aux écrivains scolastiques, rend cependant à saint Thomas le plus glorieux témoignage : « Thomas d'Aquin, dit-il, est un grand homme dans quelque siècle qu'on le place. De tous les théologiens modernes il n'en est aucun, à mon avis, qui puisse aller de pair avec lui, soit pour l'exactitude dans tout ce qu'il traite, soit pour la justesse et l'élévation du génie, soit enfin pour la solidité de la doctrine (4). »
Au concile de Trente, on rendit à saint Thomas des honneurs jusqu'alors inouïs. Au milieu de la grande salle où le concile s'assemblait on voyait sa Somme de théologie, sur une même table, à côté de la Bible. Le saint docteur fut, avec saint Augustin, l'âme de cette grande assemblée. Les décrets qu'elle rendit sur la justification, sur la grâce, le libre arbitre, et sur tous les autres points de dogme et de morale, ne sont, comme le dit Bossuet, qu'un tissu des paroles de l'Ange de l'école. .Tous les prélats lisaient assidûment ses ouvrages, et chaque fois qu'il s'agissait de rendre une décision, on s'assurait avant tout de sa conformité avec la doctrine de saint Thomas.
A l'occasion des décrets qui se rapportent à la communion sous les deux espèces, l'archevêque de Grenade ayant cité un endroit de la Somme qui paraissait en opposition avec les paroles d'un décret, on ajourna immédiatement sa promulgation et on la renvoya à la session suivante qu'on ne tint que deux mois après, c'est-à-dire lorsque l'on eut résolu toutes les difficultés et éclairci tous les doutes (5).
Jérôme Wielmus, un des prélats du concile, composa pendant sa célébration un traité sur les écrits de saint Thomas, où l'on remarque ces paroles : « Parmi les Pères qui se trouvent en fort grand nombre dans ce concile général, dans le temps même que nous écrivons ceci, on n'en connaît aucun qui ne se fasse un devoir de religion, lorsqu'il s'agit des dogmes et de la doctrine de la foi, de se conformer en tout aux sentiments de saint Thomas ; en sorte qu'on peut dire que ce grand docteur, le prince des théologiens, n'est ni moins consulté, ni moins suivi que les anciens Pères de l'Eglise (6). »
Le théologien de Philippe II, Jean Gallia, de Burgos, faisant l'éloge du saint docteur, le 7 mars 1563, en présence des Pères du concile, disait : …
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(1) Labbe, Conc., t. XIII, p. 1378 et 1379. — (2) Echard (Script. ord Prœd., t. 1, p. 180. — (3) Fisher, Conf. Libri de capt. Babylonicâ. — (4) Erasme, Annot. in cap. I, epist. ad. Rom. et lib. I contra Æcolampad. cap. II. — (5) Voyez Hist. council., trad. Cardin. Pallavic. Lib. XVII, cap. XI. — (6) Hieronymus Wielmus, Episc. Argoliensis, lib. I De scriptis S. Thomæ.
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II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.(SUITE)
Le théologien de Philippe II, Jean Gallia, de Burgos, faisant l'éloge du saint docteur, le 7 mars 1563, en présence des Pères du concile, disait : …
« Saint Thomas n'a pu se trouver pendant sa vie dans un concile général, mais il vit encore après sa mort, il est présent au milieu de vous par les trésors spirituels de sa doctrine qu'il vous a laissés comme un riche héritage, et c'est en ce sens qu'on peut assurer que depuis qu'il n'est plus il ne s'est pas tenu de concile dans l’Église où le saint docteur n'ait assisté, où il n'ait été consulté. Sans parler des autres, pourquoi ne publierions-nous pas à sa louange ce que nous voyons, ce que nous entendons tous les jours, ce que nous avons sous les yeux? Faites attention à ce qui se passe dans vos assemblées. Parmi ce grand nombre de savants et respectables docteurs dont les lumières font tant d'honneur à l’Église en est-il quelqu'un qui opine sans appuyer son avis de celui de saint Thomas et qui ne se serve de son autorité comme d'une pierre précieuse pour donner de l'éclat à son discours et plus de poids à son suffrage? Dans le plus secret du sanctuaire où les Pères traitent avec tant d'exactitude et de dignité les plus importantes matières de la religion, combien de fois le saint docteur n'est-il pas consulté ? S'il s'élève quelque doute, quelque difficulté, quelque partage dans les sentiments ou dans la manière d'expliquer les mêmes vérités, saint Thomas n'est-il pas toujours comme l'arbitre de la dispute et sa doctrine comme la pierre de touche qui détermine le choix? N'est-ce pas au sentiment du saint docteur que vous faites profession de vous en tenir? De sorte que quiconque est assuré d'avoir saint Thomas pour soi, ne craint point que la décision du concile soit jamais contraire à son avis (1). » D'après ce témoignage il n'est pas étonnant que le catéchisme du concile composé par ordre de Pie IV soit tout rempli de la doctrine de saint Thomas, et qu'on y trouve souvent des textes entiers de la Somme fondus dans le corps de l'ouvrage.
Le pape Pie V, dont tout le monde chrétien vénère la sainteté, publia ce catéchisme en 1566, et l'année suivante il plaça saint Thomas parmi les docteurs de l’Église. Le saint pontife motive ainsi cet insigne honneur : « Puisque, par un effet de la providence du Tout-Puissant, plusieurs hérésies qui s'étaient élevées depuis la mort du Docteur angélique se trouvent confondues ou entièrement dissipées par la force et la vérité de sa doctrine ; ce qu'on avait souvent vu par le passé et ce qui a paru en dernier lieu très-clairement dans les décrets du concile de Trente ; nous ordonnons que la fête de ce saint docteur, par les mérites duquel le monde chrétien est délivré tous les jours de tant de pernicieuses erreurs, sera solennisée à l'avenir avec plus de célébrité et de dévotion, c'est-à-dire de la même manière qu'on célèbre les fêtes des quatre saints docteurs de l’Église (2). »
Le célèbre Estius cite perpétuellement saint Thomas dans ses Commentaires sur l’Écriture sainte et dans sa Théologie (3). Le savant Suarez le place au même rang que les premiers docteurs de l’Église (4). Baronius l'appelle le théologien par excellence et le prince des théologiens, et il dit qu'il serait difficile de rapporter les éloges donnés par tous les écrivains à sa science profonde et à son éminente sainteté (5). Le P. Possevin, qui avait examiné le mérite de tous les auteurs ecclésiastiques, dit que saint Thomas a éclairé l’Église par sa doctrine, que sa Somme est un chef-d'œuvre, et qu'il ne faut pas attendre que ceux qui viendront après lui produisent quelque chose de plus sublime, de plus profond, de plus concis (6).
Le cardinal du Perron dut à l'étude de la Somme sa conversion, parce…
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(1) Ce discours a été imprimé tout entier dans les actes du concile. Labbe, t. XIV, p.1565. — (2) Bullar. ord . Prœd., t. V, p. 155. — (3) Comment. in Ep. B. Judæ. — (4) Suarez, De gratiâ, t. I, proleg. VI, c. 6. — (5) Baronii Martyr Rom. note ad. 7 Mart. — (6) Apparatus sacr., t. I, p. 477 et 479.
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II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.(SUITE)
Le cardinal du Perron dut à l'étude de la Somme sa conversion, parce qu'il y trouva la réfutation de toutes les erreurs dans lesquelles sa naissance l'avait engagé, et il fit publiquement l'éloge du saint docteur dans le discours qu'il prononça à l'assemblée des Etats-Généraux du royaume, convoquée à Paris en 1615 (1).
Dans un éloge en vers recueilli par le père Labbé parmi les éloges de cinquante Pères ou docteurs de l’Église, le poète s'écrie : « Thomas apporta du ciel sur la terre le flambeau de la théologie. Sa Somme est un abrégé de toute la religion : il y a réuni tout ce qu'il importe d'enseigner ou d'apprendre, et y a renfermé le savoir des Jérôme, des Augustin, des Ambroise, des Grégoire avec son propre savoir. Quiconque entend bien saint Thomas possède tous les autres docteurs, et possédât-on tous les autres docteurs, il y aurait encore à profiter avec saint Thomas (2). »
Le cardinal Noris, qui a si parfaitement approfondi les écrits de saint Augustin, reconnaît que saint Thomas est le meilleur interprète de l'évêque d'Hippone (3). Le cardinal Pallavicin, l'auteur de l'Histoire du concile de Trente, écrivait à un dominicain, au P. Vincent Préti, en lui envoyant un de ses ouvrages : « Vous lirez dans cet ouvrage plus souvent que dans mes ouvrages précédents le nom de saint Thomas, parce que je trouve aujourd'hui un si grand plaisir à le consulter et à apprendre toujours de lui, que la lecture de tout autre théologien me rebute bientôt : ce n'est pas que je ne trouve dans les écrits des autres auteurs bien des choses qui méritent d'être sues; mais je ne doute nullement que si le même temps que j'ai mis à les examiner, je l'avais employé à lire les ouvrages de saint Thomas, je n'eusse fait de plus grands progrès et de plus heureuses découvertes (4). »
Bossuet s'était nourri tout particulièrement de la doctrine de l'Ange de l'école. Ses traités du Libre arbitre, de la Concupiscence, de l'Amour de Dieu nécessaire pour être justifié dans le sacrement de pénitence, et ses ouvrages philosophiques, ne sont souvent qu'une magnifique exposition des principes de ce grand docteur. Parmi les nombreux témoignages qu'il lui rend en une foule de circonstances, nous nous contenterons de rapporter celui-ci : « Saint Thomas, à vrai dire, n'est autre chose dans le fond, et surtout dans les matières de la prédestination et de la grâce, que saint Augustin réduit à la méthode de l'école. C'est même pour avoir été le disciple de saint Augustin qu'il s'est acquis dans l’Église un si grand nom, comme le pape Urbain V l'a déclaré dans la bulle de la translation de ce saint, où il met sa grande louange, en ce que, suivant les vestiges de saint Augustin, il a éclairé par sa doctrine l'ordre des Frères prêcheurs et l’Église universelle (5). »
Le cardinal d'Aquino, un des hommes les plus savants qu'ait produits l'ordre de saint Benoît au XVIIe siècle, disait : « Je crois avoir beaucoup avancé lorsque je puis m'assurer de bien connaître le sentiment de saint Thomas qui, par la netteté et la pénétration de son esprit angélique, répand une lumière admirable sur les matières les plus obscures, et nous rend ainsi intelligibles les sens les plus cachés dans les livres des saints Pères, surtout de saint Augustin. Je ne parle que de ce que j'ai éprouvé moi-même, continue le même auteur, et je ne doute nullement que plusieurs autres n'aient été aussi convaincus par leur propre expérience, que dans la lecture des ouvrages de saint Augustin, en s'arrêtant à la seule lettre, l'esprit se trouve d'abord accablé par un grand nombre de difficultés et comme perdu au milieu d'un labyrinthe dont il ne voit point d'issue ; mais toutes les difficultés disparaissent; on en découvre avec plaisir la véritable solution, dès que par une étude sérieuse on s'est une fois assuré du sentiment du Docteur angélique, dont la doctrine est l'explication et le précis de celle de saint Augustin (1). »
Fleury, qui ne prodigue pas les louanges aux écrivains scolastiques, a cependant rendu à saint Thomas ce témoignage : …
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(1) Œuvres du cardinal du Perron in-folio, p. 612 et 613. — (2) Elogia quinquaginta veterum Ecclesiæ Patrum, etc. Edit. Leyde, 1674. — (3) Noris vindiciæ August. p. 27, in-fol. — (4) Pallavicinus, De virtute et sacramento pœnitentiæ, lib. VII. — (5) Défense de la tradition et des saints Pères, lib. V, cap. 24, édit. de Versailles. — (1) Théolog. t. III, prolég. 2.
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II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.(SUITE)
Fleury, qui ne prodigue pas les louanges aux écrivains scolastiques, a cependant rendu à saint Thomas ce témoignage : « A ne compter, dit-il, que les ouvrages qui sont certainement de saint Thomas, il est surprenant qu'il ait pu les composer dans l'espace d'environ vingt ans, depuis son doctorat jusqu'à sa mort. On sait, par le rapport fidèle de son compagnon et de ceux qui écrivaient sous lui, qu'il dictait dans sa chambre à trois écrivains et quelquefois à quatre sur différentes matières en même temps. Sa Somme théologique est le corps de théologie le plus parfait, tant pour le fond de la doctrine que pour la méthode (2). »
L'abbé Duguet est encore plus expressif: « On peut, dit-il, partager également son temps en deux et en donner une partie à saint Thomas. C'est un auteur qui n'écrit pas purement, mais clairement ; il décide, il propose la suite des dogmes d'une manière admirable. Toute sa doctrine est liée, ses principes sont suivis, et toutes ses conclusions se tiennent par un enchaînement merveilleux. Qu'il ait dit un mot dans un endroit, il s'en souvient cent pages après ; c'est pourquoi il est important de bien savoir ses principes. Les renvois qui sont aux marges sont d'un grand secours pour trouver au besoin les questions précédentes, sur lesquelles il fonde ce qu'il enseigne dans les suivantes. Il faut donc l'étudier avec soin et dans les premiers temps. On ne peut être bon théologien sans l'avoir lu. Le fond de sa théologie est pour l’Écriture dans l'Évangile de saint Jean et les Épîtres de saint Paul, et pour les Pères dans saint Augustin. Mais ce qui est sans suite dans l’Écriture et les saints Pères, saint Thomas l'a mis en ordre et en a fait un enchaînement qui sert infiniment pour arranger tout ce qu'on ne pourrait pas rapporter aisément en sa place. Il faut donc se faire avec lui un squelette de théologie qu'on remplira ensuite des saints Pères. Il y a peu de théologiens. On trouve assez de gens habiles sur une matière et d'autres sur une autre ; mais il y en a peu qui aient une idée de théologie entière, et c'est ce qu'on trouve en saint Thomas (3).»
La plus grande lumière de l’Église au XVIIIe siècle, le pape Benoît XIV, ayant voulu présider le chapitre général des dominicains qu'il avait convoqué à Rome pour le 3 juillet 1756, prononça un magnifique discours à la louange de l'ordre qu'il affectionnait beaucoup. Arrivé à saint Thomas il s'exprima en ces termes : « Il pourrait se faire que de tant de faits qui honorent votre ordre quelqu'un eût échappé à notre mémoire ; mais ce qui est certain, c'est que dans aucun temps nous ne saurions oublier le prince des théologiens, l'Ange de l'école, le Docteur de l’Église, la grande lumière de votre ordre, saint Thomas d'Aquin, dont une foule de papes, nos prédécesseurs, a autorisé la doctrine par les plus beaux éloges. Et nous-même, dans les livres que nous avons composés sur différentes matières, après avoir examiné et saisi le sentiment de l'Ange de l'école, nous n'avons jamais manqué de suivre avec plaisir un docteur qui commandait notre respect autant que notre admiration; et nous reconnaissons ingénument que s'il y a quelque chose de bon dans nos écrits, tout l'honneur en doit revenir à un si grand maître (4). »
Si, après avoir recueilli les témoignages des grands hommes…
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(2) Hist. ecclés. t. XVIII, p. 64, 176 et 179 — (3) Lettre de l’abbé Duguet, t. IX, let. XXIII, édit. de 1738. — (4) Ex exemplari Romano ann. 1756.
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Re: Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.(SUITE)
Si après avoir recueilli les témoignages des grands hommes nous jetons un coup d'œil sur les universités, nous verrons que toutes se sont fait une gloire d'imiter celle de Paris dans son attachement à la doctrine de saint Thomas. Les universités de Salamanque et d'Alcala durent toute leur réputation à des docteurs de l'université de Paris qui étaient de fervents disciples de saint Thomas. D'après un décret du 9 juin 1627, l'université de Salamanque exigea de tous ses docteurs un serment solennel par lequel ils s'engageaient à n'enseigner que la pure doctrine de saint Thomas et de saint Augustin. François Silvius, la gloire de l'université de Douai, se faisait un mérite d'avoir puisé tous ses ouvrages dans ces deux docteurs (1). Alexandre VII et Innocent XII adressèrent deux brefs aux docteurs de l'université de Louvain pour les féliciter de ce qu'ils faisaient profession de suivre ces excellents maîtres, et les engagèrent à ne s'en départir jamais. « Tant que votre université, leur écrivait Innocent XII, aura pour guides ces maîtres de la doctrine, elle sera assurée de combattre toujours avec succès pour la gloire et l'édification de l'Eglise contre les ennemis de la foi, et vous vous rendrez en même temps dignes de recevoir de jour en jour de plus grandes marques de l'affection du Saint-Siège et de notre charité paternelle (2). »
Le zèle des universités de Bologne, de Naples, de Padoue et de Turin n'est pas moins connu. Les unes, dit le père Touron, après l'avoir choisi pour leur docteur et leur maître, ont voulu l'avoir encore pour patron, et les autres renouvellent chaque année leur engagement par la loi inviolable qui les oblige à publier ses vertus et à lui payer un tribut annuel de louanges (3).
Les universités d'Allemagne, restaurées pour la plupart par les soins des dominicains, s'attachèrent aussi à la doctrine de saint Thomas. Et quand la foi eut pénétré dans le Nouveau-Monde, le pape Innocent XI publia une bulle le 23 juillet 1681 pour la fondation d'une université à Quito, où il disait : « Nous approuvons la fondation de quatre chaires, à condition que les professeurs qui en seront pourvus enseigneront la doctrine de saint Thomas, si conforme à la tradition des saints Pères et aux décrets de l'Eglise universelle (4). Le même pape donna plusieurs autres bulles pour l'établissement de différentes universités dans le Pérou et le Mexique, mais aux mêmes conditions. Innocent XII autorisa par une bulle l'établissement d'une université dans la ville de la Havane, aux Indes occidentales, pour qu'on y enseignât la doctrine de l'Ange de l'école (5).
La plupart des ordres religieux rivalisèrent d'ardeur sous ce rapport avec les universités (6). Les Frères de la Mercy ajoutèrent à leur constitution un règlement par lequel il était enjoint d'enseigner la doctrine de saint Thomas pour parvenir aux grades dans leur ordre. Les chanoines séculiers de Saint-Augustin, qu'on appelle en Italie la congrégation de Latran, prirent la même décision, et ils ordonnèrent à tous leurs professeurs de théologie de s'attacher au système de saint Thomas, parce que, disaient-ils, il l'emporte sur tous les autres théologiens de l'école, soit par l'ordre et la méthode, soit par la clarté, la pureté et la solidité de la doctrine.
Les chanoines réguliers de la Congrégation de France, ayant fait un règlement pour les études dans l'assemblée générale tenue dans la célèbre abbaye de Sainte-Geneviève à Paris, en 1650, veulent que les professeurs de théologie n'expliquent que saint Thomas, qu'ils en lisent le texte et qu'ils le commentent suivant l'ordre et la méthode qu'il a suivis dans sa Somme.
D'après les statuts des Carmes…
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(1) Sylvii Opera, t. V, p. 121 — (2) Bullarium. ord . Prœd., t. VII, p. 498. — (3) Vie de saint Thomas, p. 647. — (4) Bullar. ord . Prœd., t. VI, p. 559 et 560. — (5) Les papes qui ont rendu témoignage à la doctrine de saint Thomas, sont : Alexandre IV, Alexandre VII, Benoît XIII, Benoît XIV, Clément IV, Clément VI, Clément VIII, Clément X, Clément XI, Clément XII, Clément XIII, Grégoire X, Innocent V, Innocent VI, Innocent X, Innocent XI, Innocent XII, Innocent XIII, Jean XXII, Martin V, Nicolas V, Paul V, Pie II, Pie IV, Pie V, Sixte IV, Sixte V, Urbain IV, Urbain V. — (6) Voyez à ce sujet la Vie de saint Thomas du P. Touron, liv. V, cap. 11.
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Re: Connaissez-vous vraiment le Docteur Angélique?
II. DE L'AUTORITÉ DE LA DOCTRINE DE SAINT THOMAS.(SUITE)
D'après les statuts des Carmes de la province réformée de Touraine, leurs professeurs devaient lire et expliquer en trois ans toute la Somme.
Les minimes, dans le chapitre général tenu à Barcelone en 1661, choisirent également saint Thomas pour le Docteur et l'Ange de leur école. Les servites et les hiéronymites firent de même.
Les fondateurs de la congrégation de l'Oratoire, saint Philippe de Néry et le cardinal de Bérulle, lisaient assidûment saint Thomas et communiquèrent à leurs disciples l'inviolable attachement qu'ils avaient pour sa doctrine. Nous ne parlerons ici que du P. Thomassin, qui cite souvent saint Thomas, en disant qu'il ne voit pas qu'on puisse ajouter à la force et à la lumière de sa doctrine (1), et du P. Morin, qui dans son traité de la Pénitence dit que de tous les théologiens qui ont traité cette matière il n'en est aucun qui ait écrit aussi excellemment que saint Thomas, qu'il a dissipé et mis en poudre les futiles raisons des anciens scolastiques et s'est attaché à la pratique des premiers et des plus beaux siècles de l’Église (2).
Dans les constitutions des jésuites, il est ordonné qu'on enseignera en théologie l'Ancien et le Nouveau Testament et la doctrine scolastique de saint Thomas. Une assemblée générale de la compagnie, tenue en 1594, fit une loi à tous les professeurs qui enseigneraient la théologie scolastique de suivre la doctrine de saint Thomas comme la plus solide, la plus sûre, la plus approuvée et la plus conforme aux constitutions (3). Un autre décret de la même assemblée, dressé après un mûr examen, porte ce qui suit : « Que tous nos professeurs regardent saint Thomas comme leur propre docteur, et qu'ils soient obligés de suivre sa théologie scolastique, soit parce que nos constitutions nous le commandent et que le souverain pontife Clément VIII nous a fait savoir qu'il le souhaitait ainsi, soit parce que, selon nos statuts, il doit y avoir dans la société un système de doctrine et qu'on n'en saurait trouver aujourd’hui un autre plus solide ou plus sûr que celui de saint Thomas, que tout le monde regarde avec raison comme le prince des théologiens (4). »
On sait que les dominicains ne se sont jamais séparés de celui qui est après leur fondateur leur plus grande gloire, et qu'ils se sont plu à enseigner sa doctrine dans les universités de Paris, de Toulouse, d'Oxford, de Cambridge, de Bologne, de Rome, de Naples, de Cologne, en un mot dans toutes les chaires du monde catholique.
Il était donc vrai de dire, avec le P. Annat, le général de la congrégation de la Doctrine chrétienne, que par toute la terre, les théologiens dans les écoles, les prédicateurs dans les chaires, les directeurs de conscience dans les tribunaux, les religieux de presque tous les ordres dans leurs cloîtres, les ecclésiastiques de tous les rangs, toutes les congrégations, tous les collèges, toutes les facultés de théologie, tout le monde, en un mot, combattait sous les étendards du Docteur angélique, pour confondre l'erreur, pour dissiper les ennemis de la religion et de l’Église (5). »
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(1) Thomassin, Discipline de l’Église, t. III, p. 924, edit. 1725. — (2) Morinus, De, pœnitentiâ, p. 774, édit. 1694. — (3) Doctrinam sancti Thomæ in Theologia scolasticâ tamquàm solidiorem, recentiorem, magis approbatum et consentaneam constitutionibus sequendam esse à professoribus congreg. V, cap. 41. — (4) Voyez le texte dans le P. Touron, p. 657. — (5) In apparatu ad positivam theologiam, p. 496.
FIN.
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