Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE VI.
Comment Joseph voulut renvoyer Marie,
et comment Dieu permet que les siens soient dans la tribulation.
(suite)
Joseph interroge alors son épouse sur les circonstances de cette conception glorieuse, et la Vierge s'empresse de satisfaire entièrement à son désir. Il renonce donc à son dessein, et demeure plein de joie avec cette épouse de bénédiction. Dès ce moment surtout, il conçoit pour elle un amour chaste qui surpasse tout ce qu'on pourrait imaginer, et lui prodigue les soins les plus vigilants. La vierge demeure avec lui dans une confiance entière, et ils vivent heureux dans leur pauvreté.
Quant au Seigneur Jésus, il demeure renfermé dans le sein de sa mère jusqu'au neuvième mois, comme les autres enfants; il y demeure dans la paix; il y souffre avec patience et attend le moment prescrit. Compatissez-lui de ce qu'il a voulu descendre à une profondeur d'humilité si étrange. Mais en même temps c'est pour nous un devoir d'ambitionner cette vertu et de ne jamais nous gonfler d'orgueil, en cherchant à nous élever ou en faisant sonner notre réputation , alors que nous voyons le Seigneur de toute majesté ainsi abaissé. Jamais nous ne pourrons lui témoigner dignement notre reconnaissance pour le bienfait de cette longue captivité qu'il endure pour nous.
Montrons-lui au moins par les sentiments de notre âme, que nous le comprenons, et rendons-lui grâces avec tout l'amour possible de ce qu'il a daigné nous choisir de préférence à tant d'autres, pour reconnaître un peu le bienfait qu'il nous a accordé et nous consacrer entièrement à son service. Car c'est là une faveur de sa part, et non la récompense de nos mérites; c'est une faveur extraordinaire qui doit nous être précieuse et mériter toute notre vénération. Ce n'est pas afin de nous punir, c'est pour notre sûreté que nous sommes enfermés et établis dans la religion comme dans une citadelle, à l'abri des dangers. Les flèches empoisonnées de ce monde pervers, les flots tumultueux de cette mer ne peuvent nous y atteindre que par notre témérité. Efforçons-nous donc autant qu'il est en nous, de vaquer à Jésus avec un esprit bien solitaire et bien séparé de toutes les choses caduques, et avec un cœur pur, car la réclusion du corps ne sert de rien, ou du moins de bien peu, si l'on n'y joint celle de l'esprit.
Compatissez aussi à ce même Jésus, de ce qu'il est dans une affliction continuelle. Il y a été depuis le premier instant de sa conception jusqu'à sa mort, car il savait que son Père, l'objet de son souverain amour, était délaissé et déshonoré par les pécheurs enchaînés au culte des idoles; il ressentait une vive douleur en voyant que ces âmes créées à son image, encouraient presque universellement l'éternelle damnation , et cette douleur était telle que les tourments qu'il endura en son corps, ne sauraient lui être comparés. En effet, ce fut pour en détruire la cause qu'il se soumit à ces tourments. Vous voyez combien de mets abondants vous sont offerts ici : Si vous voulez en savourer la douceur, faites-en souvent et avec soin l'objet de vos méditations.
Chapitre VII : De la naissance de Jésus-Christ.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE VII.
De la naissance de Jésus-Christ.
La fin du neuvième mois approchant, il survint un édit de l'empereur qui ordonnait le recensement de tout l'empire (1), et que chacun eût pour cela à se présenter en sa ville natale. Joseph résolut de se rendre à Bethléem, le lieu de sa naissance, et comme il savait que le temps où son épouse devait enfanter était proche, il la conduisit avec lui. Marie entreprend donc encore un long voyage, car Bethléem est à cinq ou six milles de Jérusalem. Ils mènent avec eux un bœuf et un âne, et s'avancent ainsi comme de pauvres marchands qui s'en vont en foire. Arrivés à Bethléem, comme ils étaient pauvres et que la raison qui les amenait y avait conduit, beaucoup de monde, ils ne purent trouver de maison où loger.
Témoignez votre compassion à Marie, et considérez cette Vierge faible et délicate, à peine âgée de quinze ans, fatiguée par une longue marche, demeurant avec confusion au milieu de cette grande foule, cherchant un lieu pour se reposer et n'en trouvant point.
Tous la refusent, elle et son époux, et ainsi, ils sont forcés de s'acheminer vers un endroit couvert, où les gens du pays avaient coutume de s'abriter en temps de pluie. Joseph, qui était charpentier de son état, en ferma sans doute l'entrée comme il put.
Maintenant, remarquez bien tout ce qui se passe, surtout ce que j'ai intention de vous raconter : c'est la Vierge qui l'a révélé elle-même et fait connaître, selon que je l'ai appris d'un saint religieux de notre ordre, homme tout à fait digne de foi et à qui, je pense, fut faite cette révélation.
L'heure de l'enfantement divin était arrivée : c'était au milieu de la nuit du dimanche. La Vierge se levant, s'appuya contre une colonne qui se trouvait en cet endroit. Joseph était assis, l'âme pleine de tristesse, sans doute, de ce qu'il ne pouvait offrir ce qui était convenable en pareille circonstance. Se levant donc et prenant du foin de la crèche, il l'étendit aux pieds de Marie et se retira d'un autre côté. Alors le Fils du Dieu éternel, sortant du sein de sa Mère sans lui faire ressentir aucune douleur, sans lui faire éprouver aucune lésion, se trouva à l'instant même transporté miraculeusement sur le foin qui était aux pieds de sa Mère. Marie, s'inclinant aussitôt, le recueillit dans ses bras, et, l'embrassant tendrement, le plaça contre son cœur. Instruite par l'Esprit-Saint, elle commenta à laver et à arroser son corps du lait dont le ciel avait rempli ses mamelles avec abondance. Prenant ensuite le voile qui couvrait son front, elle l'en enveloppa et le mit dans la crèche. Aussitôt le bœuf et l'âne, fléchissant le genou, approchèrent leurs têtes au-dessus de la crèche et y répandirent leur haleine, comme si, doués de raison, ils eussent reconnu que cet enfant si pauvrement vêtu, avait besoin d'être réchauffé dans une saison aussi rigoureuse. Sa Mère, se prosternant, l'adora et rendit grâces à Dieu en ces termes : « Je vous rends grâces, ô Seigneur, Père saint, de ce que vous m'avez donné votre Fils ; je vous adore, ô Dieu éternel, et vous aussi, ô Fils du Dieu vivant et mon Fils. » Joseph l'adora de même, et prenant la selle de l'âne il en détacha les coussins, qui étaient de laine ou de bourre, et les mit auprès de la crèche, afin que la Vierge pût s'asseoir. Elle s'y plaça donc et appuya son bras sur la selle elle-même. Ainsi se tenait la Reine du monde, le visage penché sur la crèche, les yeux et le cœur entièrement fixés sur son Fils bien-aimé. Voilà ce que dit la révélation.
Après avoir découvert toutes ces circonstances…
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1. Luc.,2.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE VII.
De la naissance de Jésus-Christ.
(suite)
Après avoir découvert toutes ces circonstances à cet homme dont nous rapportons le récit, la Vierge disparut; mais l'ange demeura et lui raconta des choses merveilleuses, qu'il me redit ensuite, mais que je n'ai pas eu la précaution de retenir, ni d'écrire. — Vous avez vu la naissance de notre Prince adorable, vous avez contemplé l'enfantement de la Reine des cieux, et, dans l'un et l'autre, vous avez pu remarquer la pauvreté la plus rigoureuse, le manque d'une foule de choses de première nécessité. Le Seigneur a retrouvé cette très-haute vertu; elle est la perle de l'Evangile pour l'achat de laquelle il faut tout vendre (1) ; elle est le premier fondement de tout l'édifice spirituel, car l'âme ne saurait monter à Dieu avec le fardeau des choses de la terre. C'est d'elle que le bienheureux François disait : « Vous saurez, mes frères, que la pauvreté est la voie spirituelle du salut, la nourrice de l'humilité et la racine de la perfection. Ses fruits sont nombreux, mais ils sont cachés. »
Ce doit donc être pour nous un grand sujet de confusion de ne pas embrasser cette vertu de toutes nos forces et de demeurer chargés de superfluités, quand le Maître du monde et la Reine, sa mère, l'ont gardée si strictement et avec tant d'amour.
C'est de la pauvreté que saint Bernard a dit : « Elle abondait dans le monde et nul n'en connaissait le prix; c'est pourquoi le Fils de Dieu, épris de passion pour elle, descendit des cieux, afin de la choisir pour son partage et de la rendre chère aux hommes, par l'estime qu'il en ferait. Ornez votre demeure, mais avec l'humilité et la pauvreté : c'est dans ces langes qu'il met ses complaisances, et Marie lui rend témoignage que c'est de telles parures qu'il se plaît à être revêtu. Immolez donc à votre Dieu les abominations de l'Égypte (1). » Ainsi parle saint Bernard. Dans un discours sur la Nativité, qui commence par ces mots : « Béni soit Dieu, qui est notre père, » il s'exprime ainsi : « Enfin le Seigneur a consolé son peuple. Voulez-vous connaître quel est ce peuple ? Le soin du pauvre, Seigneur, a été remis entre vos mains (2) dit l'homme qui est selon le cœur de Dieu; et le Seigneur lui-même s'écrie dans l'Evangile : « Malheur à vous, riches, qui avez votre consolation en ce monde (3) ! » Qu'a-t-il besoin, en effet, de consoler ceux qui ont leurs consolations ?
L'enfance de Jésus-Christ ne console point ceux qui aiment à se répandre en paroles ; ses larmes ne consolent point ceux qui trouvent leur bonheur dans les rires bruyants; les langes de Jésus ne consolent point ceux qui marchent au milieu des parures ; l'étable et la crèche de Jésus, ne consolent point ceux qui ambitionnent les premières places dans les synagogues. C'est aux bergers qui veillent, que la joie de la lumière est annoncée ; c'est pour eux qu'il est dit qu'un Sauveur est né; c'est pour les pauvres, pour ceux qui sont dans la peine, et non pour vous, riches, qui avez votre consolation et vos domaines (1). » Ainsi s'exprime saint Bernard.
Vous avez pu aussi remarquer en Jésus et en Marie…
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1. Math., 13. — 1. Serm. in vigil. Nativit. — 2. Ps. 9. — 3. Luc., 6. — 1. Serm. in Nativit.
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Louis- Admin
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CHAPITRE VII.
De la naissance de Jésus-Christ.
(suite)
Vous avez pu aussi remarquer en Jésus et en Marie, l'humilité profonde dont ils font preuve en cette naissance. Ils n'ont pas dédaigné l'étable, les animaux, le foin et tout ce qu'il y avait de misérable en cette demeure. Le Seigneur et sa sainte et glorieuse Mère ont observé, avec une perfection consommée, cette vertu dans tous leurs actes, et nous l'ont recommandée. Efforçons-nous donc de l'embrasser avec toute l'ardeur dont nous sommes capables; car sans elle il n'y a point de salut, puisqu'aucune de nos œuvres, avec l'orgueil, ne saurait être agréable à Dieu. Selon saint Augustin : « L'orgueil a fait des Anges des démons, et l'humilité a rendu les hommes semblables aux anges (2). »
Et saint Bernard ajoute : « Quel homme, croyez-vous, choisira-t-on pour occuper la place de l'Ange déchu et exilé? L'orgueil a porté une fois le trouble dans ce royaume ; il en a ébranlé les murs, il en a renversé une partie et une partie non médiocre. Dès lors, cette cité céleste n'aura-t-elle pas en haine et en abomination profonde un semblable fléau? Soyez-en sûrs, mes frères, celui qui n'a point pardonné à l'orgueil des Anges, ne pardonnera pas davantage à l'orgueil des hommes, car il ne saurait être contraire à lui-même (1). » Ainsi parle ce saint.
Vous avez pu remarquer en Jésus et en Marie, mais surtout en Jésus, une extrême affliction de cœur. C'est ainsi qu'en parle saint Bernard : « Le Fils de Dieu devait prendre naissance. Il était en son pouvoir de choisir la saison qui lui conviendrait le mieux ; or, il a choisi le temps le plus rude, surtout pour un enfant et pour le fils d'une mère pauvre, qui avait à peine des langes pour l'envelopper, une crèche pour le coucher. Et cependant dans une si grande nécessité, je ne vois point qu'il soit question de fourrures. »
Plus bas il ajoute : « Jésus-Christ qui assurément ne se trompe point dans ses opérations, a choisi ce qu'il y avait de plus pénible pour la chair. C'est donc le meilleur, c'est donc ce qu'il y a de plus utile, ce qu'il faut choisir de préférence ; et si quelqu'un enseigne ou insinue autre chose, il faut donc se défier de lui comme d'un séducteur. »
Puis il continue un peu plus loin : « Cependant, mes frères, c'est là cet enfant qui fut promis autrefois par Isaïe, cet enfant qui sait réprouver le mal et choisir le bien. C'est donc un mal que la volupté du corps ; c'est donc un bien que ce qui en est le tourment, puisque cet enfant de sagesse, le Verbe enfant, a choisi l'un et réprouvé l'autre (1).»
Ainsi parle saint Bernard. — Allez aussi vous et faites de même, mais avec discrétion toutefois et de façon à ne pas excéder vos forces. Au reste nous pourrons parler ailleurs de ces vertus ; revenons au lieu de la Nativité.
Le Seigneur étant né…
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(2.) Aug. de sing. doct., C. XVIII. — 1. Serm. II. de Verbis Isaïe : Vide Dominum. — 1. Sem. III, in Nativ.
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Louis- Admin
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CHAPITRE VII.
De la naissance de Jésus-Christ.
(suite)
Le Seigneur étant né, les Anges, dont la multitude était présente en ce lieu, adorèrent leur Dieu, puis s'en allèrent aussitôt trouver les bergers, qui restaient environ à un mille de là, leur annoncèrent cette naissance et leur en firent connaître le lieu. Ensuite ils remontèrent au ciel, au milieu des cantiques et des chants de jubilation, et y annoncèrent également ce dont ils avaient été témoins à tous les habitants de la patrie bienheureuse. Toute la cour céleste, transportée de joie, comme en un grand jour de fête, après avoir offert à Dieu ses louanges et ses actions de grâces, vint tout entière, suivant les rangs de sa hiérarchie , pour contempler la face du Seigneur son Dieu, et après lui avoir rendu ses hommages avec le respect le plus profond, ainsi qu'à sa Mère, elle fit retentir, en l'honneur de son Maître, ses chants d'allégresse et ses cantiques d'amour.
Et, en effet, quel est celui de ces esprits qui, ayant appris ce qui venait d'arriver, eût pu demeurer dans le ciel et ne pas aller visiter son Seigneur si humblement établi sur cette terre? Non, un tel orgueil n'eût su trouver place en aucun d'eux. C'est pourquoi l'apôtre s'écrie : « Lorsque le Seigneur eût introduit son premier-né dans le monde, il dit : Que tous les Anges de Dieu l'adorent (1). » Je pense qu'il vous sera agréable de méditer ce que je viens de vous raconter des Anges, de quelque manière que cela ait pu se passer en réalité.
Les bergers vinrent aussi à la crèche, adorèrent le Seigneur, et racontèrent ce que les Anges leur avaient appris. Sa mère, toute pleine de prudence, conservait, en son cœur tout ce qu'ils dirent de lui. Pour eux, ils s'en retournèrent comblés de joie.
Maintenant, fléchissez le genou, c'est assez avoir différé, et adorez le Seigneur votre Dieu ; offrez aussi vos hommages à sa Mère, et saluez respectueusement le saint vieillard Joseph. Approchez ensuite vos lèvres des pieds de l'Enfant-Jésus, couché dans sa crèche, et priez notre Souveraine de vouloir bien vous le présenter ou vous permettre de le prendre vous-même. Placez-le entre vos bras, pressez-le contre votre cœur, contemplez avec empressement son visage, couvrez-le de vos baisers respectueux, et réjouissez-vous en lui avec confiance. Vous pouvez agir ainsi, car il est venu trouver les pécheurs afin d'opérer leur salut; il a demeuré avec eux dans l'humilité, et enfin il s'est donné à eux en nourriture. Ainsi sa bénignité souffrira bien que vous le portiez dans vos bras; elle ne l'imputera pas à la présomption, mais à l'amour. Cependant qu'en tout cela, le respect et la crainte ne vous abandonnent jamais, car il est le saint des saints. Rendez-le ensuite à sa mère et considérez attentivement avec quel soin, quelle sagesse elle s'occupe de ce qui le concerne, le nourrit de son lait, et lui rend tous les autres services dont il a besoin. Venez-lui en aide si vous le pouvez ; trouvez en cela votre bonheur, faites-en votre félicité, souvenez-vous d'y puiser le sujet fréquent de vos méditations; rendez à notre Reine et l'Enfant-Jésus tous les services que vous pouvez, et contemplez souvent cette face sur laquelle les Anges désirent reposer leurs regards (1). Mais cependant que ce soit toujours, ainsi que je vous l'ai dit, avec crainte et respect, de peur que vous ne soyez rejeté; car vous devez vous juger bien indigne de converser avec de tels personnages.
Il faut aussi méditer avec bonheur…
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1. Héb, I. — 1. I Petr. I
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Louis- Admin
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CHAPITRE VII.
De la naissance de Jésus-Christ.
(suite)
Il faut aussi méditer avec bonheur combien grande est la solennité de ce jour.
C'est aujourd'hui que le Christ est né, et ainsi c'est véritablement le jour de la naissance du roi éternel et du Fils de Dieu vivant; c'est aujourd'hui qu'un fils nous a été donné et qu'un enfant nous est né (2);
c'est aujourd'hui que le soleil de justice qui jusqu'alors avait été voilé, a brillé avec éclat; aujourd'hui que le chef des élus de l'Eglise fondée dans le Saint-Esprit, est sorti de sa chambre nuptiale ;
aujourd'hui qu'il nous a montré sa face si longtemps désirée, et qu'il nous est apparu le plus beau des enfants des hommes (3).
C'est aujourd'hui que nous avons entendu cette hymne des anges : Gloire à Dieu au plus haut des cieux... (4) ;
aujourd'hui que la paix a été annoncée aux hommes, ainsi que nous le lisons dans la même hymne;
aujourd'hui, comme le chante l'Eglise partout l'Univers, que les cieux ont eu la douceur du miel, et que la terre a entendu les concerts des Anges.
Aujourd'hui, qu'a apparu pour la première fois la bénignité, ainsi que l'humanité de notre divin Sauveur ;
aujourd'hui que Dieu est adoré sous la ressemblance d'une chair de péché. C'est
aujourd'hui que se sont accomplis ces deux miracles qui surpassent toute intelligence, et que la foi seule peut embrasser : un Dieu qui naît, une vierge qui devient Mère; aujourd'hui que d'autres miracles sans nombre brillent à nos yeux.
Enfin tout ce qui a été dit de l'Incarnation, revêt en ce jour un éclat plus lumineux. Jusqu'alors ce n'était qu'une annonce; c'est aujourd'hui la manifestation. Aussi ayez soin de réunir toutes ces choses dans vos méditations.
C'est donc justement que ce jour est appelé un jour de jubilation, d'allégresse et de joie excessive.
À Rome, dans une taverne nommée la taverne de la Solde, parce que c'était en ce lieu que les soldats se rendaient et dépensaient leur solde dans l'achat des choses dont ils avaient besoin, il sortit de terre une source abondante d’huile, et elle forma pendant tout le jour un large ruisseau. Une couronne, semblable à l'arc-en-ciel, environna le soleil, et fut visible par tout le monde.
À Rome encore, une statue d'or que Romulus avait placée dans son palais, et dont il était prédit qu'elle se tiendrait debout, jusqu'au jour où une vierge enfanterait, tomba aussitôt que Jésus-Christ fut né. C'est en ce lieu que le pape Calixte éleva l'église qu'on appelle maintenant Sainte-Marie, au-delà du Tibre.
Or, le huitième jour l'enfant fut circoncis…
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2. Ps. 9, — 3. Ps, 44. — 4. Luc., 2. — 1. Tit. 3.
A suivre : CHAPITRE VIII. De la Circoncision et des larmes de l'Enfant-Jésus.
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Louis- Admin
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CHAPITRE VIII.
De la Circoncision et des larmes de l'Enfant-Jésus.
Or, le huitième jour l'enfant fut circoncis. Deux grandes choses eurent lieu en ce jour. L'une, c'est que le nom de Salut qui avait été imposé à l'enfant dès l'éternité, annoncé par l'Ange avant qu'il fût conçu dans le sein de sa mère, a été déclaré et manifesté au monde, car on lui donna le nom de Jésus. Or, Jésus veut dire Sauveur, ce qui est un nom au-dessus de tout nom, et il n'est pas, dit l'apôtre saint Pierre, d'autre nom en qui nous puissions trouver le salut (1). La seconde chose, c'est qu'aujourd'hui, le Seigneur a pour la première fois répandu son sang pour nous. Il a voulu sans tarder souffrir pour nous, lui qui n'avait point commis le péché ; pour nous, il a voulu dès ce jour commencer à en porter la peine. Témoignez-lui donc votre compassion et pleurez avec lui, car sans doute que ses larmes auront coulé en cette occasion. Dans nos solennités, nous devons nous réjouir beaucoup en vue de notre salut; mais nous devons aussi compatir et nous attrister profondément en vue des angoisses et des douleurs de Jésus.
Vous avez vu quelle affliction et quelle détresse il eut à souffrir dans sa naissance. Or, entre autres choses qui y contribuèrent, il y eut celle-ci : sa mère, voulant le coucher dans la crèche, fut obligée de mettre sous sa tête une pierre qu'elle plaça sans doute sous le foin. J'ai appris cette circonstance d'un de nos frères qui a vu cette pierre, et pour en conserver le souvenir, elle a été fixée dans le mur en ce lieu-là. Vous croyez bien que Marie eût préféré un oreiller, si elle en eût eu un à sa disposition; mais, comme elle n'avait rien autre chose, elle se servit de cette pierre avec amertume de cœur. Je vous ai dit aussi que Jésus a versé son sang en ce jour : en effet, sa chair reçut une incision à l'aide d'un couteau de pierre. N'y a-t-il pas lieu de lui compatir? Oui sans doute, et vous devez également compatir à sa mère. L'enfant Jésus a donc pleuré aujourd'hui à cause de la douleur qu'il ressentit en sa chair, car il avait un corps véritable et passible comme le reste des hommes. Mais tandis qu'il pleurait, croyez-vous que sa mère ait pu contenir ses propres larmes? Elle pleura donc aussi ; et son fils, qui reposait dans son sein, voyant ses larmes, étendait ses petites mains vers sa bouche, les passait sur son visage, comme si par ces signes il l'eût priée de modérer sa douleur, car il voulait que celle qu'il aimait si tendrement, cessât de verser des larmes.
De son côté, Marie…
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1. Act., 4.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE VIII.
De la Circoncision et des larmes de l'Enfant-Jésus.
(suite)
De son côté, Marie, dont les entrailles étaient si profondément émues par la douleur et les pleurs de son fils, le consolait par ses caresses et ses paroles. Comme une personne pleine de sagesse, elle comprenait ses désirs, bien qu'il ne parlait pas encore, et elle lui disait : « Mon fils, si vous voulez que je cesse de pleurer, veuillez cesser aussi de votre côté, car je ne saurais me contenir en voyant vos larmes ». Et par compassion pour sa mère, le fils arrêtait ses sanglots. Alors la mère essuyait ses yeux et les yeux de son fils: elle appuyait son visage contre le sien, l'allaitait et le consolait par tous les moyens qui étaient en son pouvoir. Ainsi faisait-elle toutes les fois qu'il pleurait, ce qui lui arrivait peut-être comme aux autres enfants, pour montrer les misères de la nature humaine qu'il avait prise, et pour se cacher, afin de n'être point connu du démon.
En effet, l'Eglise chante de lui : « Enfant, il pousse des gémissements dans l'étroite demeure de la crèche où il est placé ». Aujourd'hui la circoncision corporelle a cessé, et nous avons le baptême dont la grâce est plus considérable et la peine moindre. Mais nous devons porter la circoncision spirituelle, et rejeter tout ce qui est superflu. C'est là, du reste ce que la pauvreté recommande, car l'homme vraiment pauvre a véritablement en soi la circoncision de l'esprit, et selon saint Bernard : « L'apôtre nous l'enseigne en peu de mots, quand il nous dit : Ayant la nourriture et le vêtement, contentons-nous de ces choses (1) ». La circoncision de l'esprit doit aussi exister dans tous les sens de notre corps, dans la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat, le toucher. Usons donc en tout d'une grande réserve, mais surtout dans nos paroles.
Le besoin de parler est un vice détestable et odieux, qui déplaît à Dieu et aux hommes ; aussi devons-nous être circoncis en notre langage, c'est-à-dire parler peu et utilement. Causer beaucoup est un signe de légèreté : c'est pourquoi le silence a été établi dans les communautés.
Saint Grégoire dit à ce sujet : « Celui-là sait parler selon la vérité, qui a bien appris à se taire ; car la pratique du silence est comme la nourriture d'une bonne conversation (1). » Et ailleurs, il s'exprime ainsi : « Ceux dont l'esprit est léger, seront précipités dans leurs paroles ; car ce qu'une conscience légère conçoit, la langue se hâte de le répandre avec plus de légèreté encore (2). »
Saint Bernard traite aussi le même sujet dans un discours sur l'Épiphanie, qui commence par ces mots dans les œuvres du Seigneur : « Pour ce qui regarde la langue, dit-il, qui ne sait combien de fois elle nous a souillés par de vains entretiens et des mensonges, par des médisances et des adulations, par des paroles de malice ou de jactance. C'est pourquoi nous avons besoin de la cinquième urne de Cana, le silence, qui est le gardien de la religion et dans lequel réside notre force (3).» Et ailleurs: « L'oisiveté est la mère des frivolités et la marâtre des vertus; parmi les séculiers, ces frivolités ne sont que des paroles sans portée ; dans la bouche des prêtres, ce sont des blasphèmes. Si des plaisanteries nous arrivent, sans doute il faut les supporter, mais ne jamais les redire. Vous avez consacré votre bouche à l'Évangile, il ne vous est plus permis de l'ouvrir maintenant à de telles choses (4). »
Le treizième jour, l'Enfant-Jésus se manifesta aux nations…
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1. Tim.,6. — 1. In Ezech., hom.. XI. — 2. Moral., lib. V. c. 2. — 3. Serm. in Dom. I, post oct Epiph. — 4. De consid., lib. III t. 13.
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CHAPITRE IX.
De l'Épiphanie ou manifestation du Seigneur.
Le treizième jour, l'Enfant-Jésus se manifesta aux nations, c'est-à-dire aux Mages qui étaient gentils. Remarquez, touchant ce jour, que c'est à peine si vous trouverez une fête qui soit autant solennisée par l'Eglise et dont le nom revienne aussi souvent dans les antiennes, les répons, les leçons et tout ce qui tient à cette solennité ; non qu'elle soit plus grande que les autres, mais parce qu'en ce jour le Seigneur Jésus a fait de belles et grandes choses, surtout en faveur de son Eglise. D'abord, c'est aujourd'hui qu'il l'a reçue en la personne des Mages, car l'Eglise a été assemblée d'entre les nations. En effet, au jour de sa naissance, il s'est montré aux Juifs en la personne des bergers, et ils n'ont point reçu le Verbe à l'exception d'un petit nombre; mais en ce jour il apparaît aux nations, et c'est parmi elles, que se recrute l'Eglise des élus. Aussi la fête d'aujourd'hui est-elle proprement la fête de l'Eglise et des fidèles chrétiens.
En second lieu, c'est aujourd'hui que l'Eglise a été prise par Jésus pour épouse, et lui a été véritablement unie par le Baptême qu'il a voulu recevoir après avoir accompli sa vingt-neuvième année. C'est pourquoi on chante avec allégresse : Aujourd'hui l'Église a été unie à l'Époux céleste, etc. (1). En effet, c'est dans le Baptême, que l'âme devient l'épouse de Jésus-Christ, baptême qui tire sa vertu de celui du Sauveur, et l'assemblée des âmes ainsi régénérée, s'appelle l'Eglise.
En troisième lieu, c'est aujourd'hui qu'un an après son baptême, le Seigneur fit son premier miracle aux noces de Cana (2), ce que l'on peut adapter également à l'Eglise et aux noces spirituelles. Il semble que c'est encore en ce jour qu'il fit le miracle de la multiplication des pains et des poissons (3) ; mais l'Eglise ne s'occupe que des trois premiers faits que nous venons d'indiquer, et non de ce dernier. Vous voyez donc combien est vénérable ce jour que le Seigneur a choisi pour des œuvres si magnifiques et si dignes d'admiration. Aussi l'Eglise, considérant tous les bienfaits prodigieux que son Epoux répand sur elle aujourd'hui, et voulant se montrer reconnaissante, fait éclater sa joie, se livre à l'allégresse et à la jubilation, et déploie toute sa magnificence afin de célébrer un tel jour.
Parlons donc du premier sujet de cette fête…
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1. Antienne de Laudes. — 2 Joan., 2. — 3. Joan., 6.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE IX.
De l'Épiphanie ou manifestation du Seigneur.
(suite)
Parlons donc du premier sujet de cette fête, car les autres viendront à leur tour, selon l'ordre de la vie de Jésus-Christ. Et même sur ce point, je veux dire sur l'arrivée des Mages vers le Sauveur, mon intention n'est pas de vous rappeler les explications et les enseignements divers que les Saints nous ont donnés avec tant de soin. Ainsi, comment ces sages vinrent-ils d'Orient à Jérusalem? Que se passa-t-il entre eux et Hérode? Comment furent-ils conduits par l'étoile? Pourquoi firent-ils de semblables présents? Vous pouvez lire tout cela dans l'Evangile et dans les explications des Saints.
Pour moi, je me propose ici, comme dans les autres actes de la vie de Jésus, selon que je vous l'ai dit en commençant, de toucher seulement quelques points en nous aidant des images offertes par l'imagination, et que l'âme perçoit diversement selon que les faits se sont réellement accomplis, ou que nous pouvons croire qu'ils ont du s'accomplir. Quant aux explications, j'ai résolu de m'y livrer rarement, tant à cause de mon insuffisance, qu'à cause des longueurs qu'une semblable méthode entraînerait. Tenez-vous donc présente au mystère qui nous occupe, et considérez-en bien toutes les circonstances, car ainsi que je vous l'ai dit ailleurs, c'est en cela que consiste tout le secret de ces méditations.
Ces trois rois vinrent donc accompagnés d'une grande multitude et d'une suite honorable. Les voilà en présence de l'étable où est né le Seigneur Jésus. Sa mère entend du bruit et du mouvement, et elle prend l'enfant dans ses bras. Les Mages entrent dans la petite demeure, se mettent à genoux, et adorent avec respect l'Enfant-Jésus, leur Seigneur. Ils lui rendent leurs hommages comme à un roi ; ils l'adorent comme leur Maître suprême.
Voyez combien grande fût leur foi. Qu'y avait-il qui les portât à croire que ce petit enfant, si pauvrement vêtu, trouvé avec une mère si pauvre, dans un lieu si abject, sans société, sans entourage, sans rien qui sentît sa splendeur; qu'y avait-il, dis je, qui les portât à croire qu'un tel enfant fût roi, qu'il fût le vrai Dieu? Et cependant ils ont cru l'un et l'autre. Il fallait que nous eussions de tels chefs et de tels commencements. Ils se tiennent donc à genoux en présence de Jésus, s'entretiennent avec sa Mère, soit par interprète, soit par eux-mêmes, car c'étaient des sages et peut-être connaissaient-ils la langue hébraïque. Ils s'informent de tout ce qui a rapport à cet enfant. La Vierge le leur raconte, et ils ajoutent une foi entière à ses paroles. Remarquez bien comme ils parlent et écoutent avec respect et attention.
Considérez aussi notre Souveraine : elle est émue dans ses paroles, ses yeux sont abaissés vers la terre, et elle n'ouvre la bouche qu'avec confusion, car elle ne trouve aucune joie dans les conversations ; elle n'aime point à être exposée aux regards des hommes. Le Seigneur cependant, lui donna le courage nécessaire en cette grande occasion ; car ces rois représentaient l'Eglise universelle qui devait être formée des nations.
Contemplez aussi l'Enfant-Jésus : il ne parle pas encore, mais il montre une maturité et une gravité qui annoncent qu'il comprend ; il regarde avec bénignité ces rois, et eux trouvent en lui un bonheur ineffable, bonheur causé tant par la lumière qui remplit leur esprit, car il les instruit intérieurement et les illumine, que par le spectacle qu'ils ont sous les yeux, spectacle du plus beau des enfants des hommes (1).
Enfin, après avoir goûté une profonde consolation, ils lui offrent à lui-même de l'or, de l'encens et de la myrrhe (2). Ils ouvrent leurs trésors, en tirent quelque étoffe ou quelque tapis, l'étendent à ses pieds, et chacun d'eux verse dessus ces trois présents en grande quantité, mais surtout de l'or. En effet, il ne leur eût pas été nécessaire d'ouvrir leurs trésors, s'il ne se fût agi que d'une légère offrande ; ils auraient pu facilement la prendre des mains de leurs chambellans. Ensuite ils baisèrent les pieds de l'enfant avec respect et dévotion. Qui sait si cet enfant, plein de sagesse, afin de les consoler davantage et de les affermir dans son amour, ne leur offrit pas sa main même à baiser? Toujours est-il qu'il imprima sur eux son signe et qu'il les bénit. S'inclinant donc et lui faisant leurs adieux, ils se retirèrent comblés d'une grande joie, et s'en retournèrent en leur pays par un autre chemin.
Que pensez-vous que l'on fit de cet or, qui était d'un prix si considérable ?...
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1. Ps.44. — 2. Mat.,2.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
A suivre : CHAPITRE X. Du séjour de Marie auprès de la Crèche.CHAPITRE IX.
De l'Épiphanie ou manifestation du Seigneur.
(suite)
Que pensez-vous que l'on fit de cet or, qui était d'un prix si considérable ? Notre Souveraine le garda-t-elle par devers soi, ou le mit-elle en dépôt? S'en servit-elle pour acheter des maisons, des champs et des vignes ? Loin de nous une telle pensée : celle qui aime la pauvreté ne s'inquiète pas de pareilles choses. Pleine d'un zèle ardent et courageux pour cette vertu, comprenant la volonté de son fils qui l'instruisait intérieurement et lui manifestait sa pensée par des signes extérieurs, car il détournait peut-être les yeux de cet or et semblait le traiter avec mépris, Marie distribua en peu de jours le tout aux pauvres, et se délivra de l'embarras, soit de garder ce fardeau, soit de le porter où elle allait. Aussi elle avait si bien dépensé tout ce qu'elle avait reçu, que lorsqu'elle se présenta au temple, elle n'eut pas même de quoi acheter un agneau, afin de l'offrir pour son fils, et qu'elle dût se borner à présenter deux colombes. Ainsi, il est raisonnable de croire que l'offrande des Mages fut considérable et que Marie, par amour pour la pauvreté, la distribua aux pauvres qu'elle chérissait tendrement.
Vous voyez l'éloge de la pauvreté, et vous pouvez la considérer dans ces deux circonstances. D'abord, l'Enfant-Jésus reçut l'aumône comme un pauvre et sa mère aussi. En second lieu, non-seulement ils ne s'inquiétaient point d'acquérir ou d'amasser, mais ils ne voulaient pas même garder ce qui leur était donné, tant l'amour de la pauvreté effective allait s'augmentant en eux.
Mais n'avez-vous rien remarqué touchant l'humilité ? Si nous y faisons bien attention, nous découvrons ici toute la profondeur de cette vertu. Il y en a qui se réputent vils et abjects dans leur âme et ne s'élèvent pas à leurs propres yeux ; mais ils ne veulent point paraître tels aux yeux des autres ; ils ne souffrent point d'être vilipendés ou tournés en dérision par eux, et ils verraient avec peine que leur bassesse et leurs défauts fussent connus et devinssent l'objet des mépris de leurs frères. Ce n'est pas ainsi qu'agit en ce jour l'Enfant-Jésus, le Seigneur de toutes choses : il a voulu que sa bassesse fût connue des siens et des autres, et non pas d'un petit nombre, ni de personnages d'un faible rang ; mais des grands et de la multitude, c'est-à-dire des rois et de ceux qui les accompagnaient. Et cela dans un temps et des circonstances où il y avait beaucoup à craindre; car les Mages, étant venus pour reconnaître le roi des Juifs, qu'ils pensaient bien aussi être un Dieu, pouvaient douter en le voyant dans une telle abjection, s'ils ne se retireraient pas sans foi et sans dévotion , se regardant comme des insensés qu'une illusion avait séduits. Mais cet amant de l'humilité ne laissa point échapper l'occasion de nous en donner l'exemple, de peur que, sous prétexte de quelque bien apparent, nous ne fissions défaut à cette vertu, et aussi afin que nous apprissions à paraître volontiers vils et abjects aux yeux des autres.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE X.
Du séjour de Marie auprès de la Crèche.
Les Mages étant donc partis pour retourner en leur pays, et, toutes leurs offrandes étant distribuées, la Reine du monde se tient encore auprès de la crèche avec l'Enfant-Jésus et son père nourricier, le saint vieillard Joseph, et elle demeure patiemment en ce lieu, attendant le quarantième jour, comme si elle eût été une femme ordinaire et l'Enfant-Jésus un homme commun, qui fût astreint à l'observation de la loi; mais, ne voulant d'aucune prérogative qui les distinguât, ils observaient la loi comme le reste des hommes.
Ce n'est pas ainsi qu'agissent plusieurs qui, vivant en communauté, exigent pour eux des distinctions, veulent par ce moyen se faire remarquer et être considérés comme étant d'un rang plus honorable : une vraie humilité ne s'accommode point de tout cela.
Marie demeurait donc là, attendant le jour où il lui serait permis d'entrer dans le temple. Elle y demeurait pleine de vigilance et toute dévouée à la garde de son Fils bien-aimé. O Dieu ! avec quelle sollicitude et quel empressement elle s'occupait de tout ce qui le concernait, afin qu'il ne manquât de rien dans les plus petites choses ! Avec quelle révérence, quelle précaution, quelle crainte elle le touchait et fléchissait les genoux quand elle le prenait dans sa couche et l'y replaçait, à la pensée qu'il était son Dieu et son Seigneur!
Mais aussi, avec quelle joie, quelle confiance, quelle autorité maternelle elle le serrait dans ses bras, le couvrait de baisers, l'étreignait doucement contre son cœur, prenait en lui son bonheur en se souvenant qu'il était son fils ! Combien de fois considérait-elle, avec attention et amour, son visage et chaque partie de son corps sacré !
Avec quel soin, quelle attention elle enveloppait de langes ses membres délicats ! Si elle était la plus humble, elle était aussi la plus prudente des créatures. Aussi, dans tous les devoirs et dans tous les services qu'elle lui rendait, qu'il fut éveillé ou qu'il sommeillât, déployait-elle le plus grand soin, et non-seulement dans son enfance, mais alors même qu'il fût devenu plus grand. Oh ! avec quel bonheur elle le nourrissait de son lait ! Il est impossible qu'elle n'ait pas ressenti en allaitant un tel fils, une félicité inconnue aux autres mères. Quant à saint Joseph, saint Bernard dit qu'il croit que l'Enfant-Jésus lui souriait fréquemment, alors qu'il le tenait sur ses genoux.
Marie demeure donc auprès de la crèche; demeurez-y avec elle, et réjouissez-vous souvent avec le divin Enfant, car une vertu sort de lui. Toute âme fidèle, et surtout toute personne consacrée à Dieu, devrait, depuis la naissance du Seigneur jusqu'à sa présentation, visiter au moins une fois par jour la Reine des cieux auprès de la crèche, rendre ses hommages à l'enfant et à sa mère , et méditer amoureusement leur pauvreté, leur humilité et leur bénignité.
A suivre : CHAPITRE XI. De la purification de la bienheureuse Vierge.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XI.
De la purification de la bienheureuse Vierge.
Le quarantième jour étant arrivé, selon qu'il était marqué dans la loi (1), Marie sortit avec l'enfant et Joseph, et ils allèrent de Bethléem à Jérusalem, qui en est à cinq ou six milles, afin de paraître devant le Seigneur et de se conformer aux prescriptions de Moïse (2). Allez, vous aussi, avec eux ; aidez-les à porter l'enfant, et regardez attentivement tout ce qui se dit et se fait; car tout respire la dévotion la plus tendre. — Ils conduisent donc au temple du Seigneur, celui qui est le Seigneur du temple. Lorsqu'ils furent entrés, ils achetèrent deux tourterelles, ou deux petits de colombes, afin de les offrir pour lui en sacrifice, ainsi qu'il se pratiquait pour les pauvres. Comme leur indigence était grande, nous devons croire qu'ils choisirent deux petits de colombes, car le prix en était moins élevé, et c'est pour cela que la loi les mentionne en dernier lieu. L'Évangéliste ne parle point de l'agneau, parce que c'était l'offrande des riches.
Ce fut alors que le juste Siméon vint dans le temple, conduit par l'Esprit-Saint, afin d'y voir le Christ du Seigneur, selon qu'il lui avait été promis. Il arrive à la hâte, et dès qu'il est en sa présence, l'Esprit prophétique le lui fait connaître ; il se jette aussitôt à genoux et l'adore dans les bras de sa mère. L'enfant bénit le vieillard, et, regardant sa mère, il s'incline, montrant ainsi qu'il veut aller à lui, ce que Marie comprit, bien que surprise, et elle le présenta à Siméon. Celui-ci, le recevant dans ses bras avec transport et respect, se leva en bénissant Dieu et s'écriant : « C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez mourir en paix votre serviteur, selon la parole que vous lui en avez donnée (1) ». Ensuite il prophétisa la passion du Sauveur.
Anne la prophétesse survint aussi, et, ayant adoré l'Enfant, elle parlait de lui comme le vieillard. Pour Marie, admirant toutes ces choses, elle les conservait précieusement dans son cœur. Alors l'Enfant-Jésus tendant les bras vers sa mère, lui est rendu, et ensuite tous s'avancent vers l'autel, en l'ordre que l'on voit représenté aujourd'hui par la procession qui se fait dans le monde entier. Ces deux vieillards vénérables, Joseph et Siméon, marchent les premiers se tenant par la main et tressaillant d'une joie et d'un bonheur inénarrables. Ils chantent : « Louez le Seigneur parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde s'étend dans tous les siècles (1). Le Seigneur est fidèle en toutes ces paroles (2). C'est ici qu'est notre Dieu, c'est ici qu'il est pour l'éternité ; c'est lui qui régnera sur nous dans tous les siècles. — O Dieu ! nous avons reçu votre miséricorde au milieu de votre temple (3) . » Marie suit, portant Jésus, notre Roi, et Anne l'accompagne, se tenant à côté d'elle, pleine d'une joie respectueuse, et louant le Seigneur avec une allégresse indicible.
C'est donc de ces personnes que se compose cette procession. Ils sont en petit nombre, mais ils représentent de grandes choses ; car il y a parmi eux toutes les conditions de la vie : des hommes, des femmes, des vieillards, des enfants, des vierges et des veuves. Lorsqu'ils furent arrivés à l'autel, la mère de Jésus se mit à genoux avec respect, et offrit son Fils bien-aimé à Dieu, son père, en disant : « Recevez, ô Père très-bon ! votre Fils unique, que je vous offre selon le commandement de votre loi, parce qu'il est le premier-né de sa Mère. Mais je vous prie, ô Père excellent, de vouloir bien me le rendre. » Et se levant, elle le déposa sur l'autel.
O Dieu ! quelle offrande est celle-ci !...
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1. Levit. 12. — 2. Luc., 2. — 1. Luc., 2. — 1. Ps. 117. — 2 Ps. 144 . — 3. Ps. 47.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XI.
De la purification de la bienheureuse Vierge.
(suite)
O Dieu ! quelle offrande est celle-ci ! Il n'y en a pas eu de semblable depuis le commencement des siècles ; il n'y en aura jamais. Considérez bien chaque chose : l'Enfant-Jésus demeure couché sur l'autel comme un enfant ordinaire; il jette un regard tranquille sur sa mère et les autres, et attend avec humilité et patience ce qui doit avoir lieu. Les prêtres s'approchent, et le Seigneur de toutes choses est racheté comme un esclave au prix de cinq sicles, qui était le prix commun. Le sicle était une monnaie du temps. Joseph les ayant payés au Grand-Prêtre, la Mère reprit avec joie son Fils. Elle reçut aussi des mains de Joseph, les oiseaux dont nous avons parlé, afin de les offrir ; alors, se mettant à genoux et les tenant dans sa main, les yeux élevés et attachés au ciel, elle dit : « Recevez, ô Père très-clément, cette offrande, ce faible présent, ce premier don que votre petit Enfant vous offre aujourd'hui de sa pauvreté. » L'Enfant-Jésus, étendant ses mains vers les oiseaux, levait aussi les yeux au ciel, et, bien qu'il ne parlât pas encore, il les offrait avec sa mère par ses mouvements ; et ensuite on les déposa sur l'autel.
Vous avez vu quels sont ceux qui offrent; la Mère et le Fils. Un tel sacrifice, bien que chétif en apparence, a-t-il pu être repoussé? Non sans doute ; mais il fut porté par la main des Anges dans la cour céleste, accepté avec amour, et toute l'assemblée bienheureuse en tressaillit de joie. La Vierge sainte partit ensuite de Jérusalem et alla visiter Élisabeth, désirant voir Jean encore une fois, avant que de s'éloigner de ces contrées. Allez aussi avec elle, sans jamais l'abandonner, partout où elle ira, et aidez-la à porter l'Enfant-Jésus. Lors donc qu'elle fut arrivée vers sa cousine, ce fut une grande fête surtout à cause de leurs enfants. Ces enfants étaient aussi l'un pour l'autre l'objet d'une joie mutuelle, et Jean, comme s'il eût été déjà doué d'intelligence, témoignait de son respect pour Jésus. Recevez aussi dans vos bras Jean-Baptiste, car cet enfant est grand en présence du Seigneur, et demandez qu'il vous bénisse. — Après être demeurés quelques jours, ils se retirèrent dans l'intention de se diriger sur Nazareth. Maintenant, si vous voulez, d'après ce que nous avons dit, vous instruire dans l'humilité et la pauvreté, vous le pouvez facilement en considérant, et cette oblation, et ce rachat, et cette soumission à la loi.
A suivre: Chapitre XII. De la fuite du Seigneur en Égypte.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XII.
De la fuite du Seigneur en Égypte.
Lors donc qu'ils s'avançaient vers Nazareth, ne sachant rien des desseins de Dieu sur ce retour, et ignorant qu'Hérode se préparait à faire mourir l'Enfant, l'Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et lui dit de fuir en Egypte avec l'Enfant et sa mère, parce qu'Hérode voulait enlever la vie à l'Enfant (1). Joseph se réveillant, et éveillant ensuite Marie, lui raconta ce qu'il venait d'apprendre. Se levant aussitôt, elle voulut partir sans retard, car ses entrailles avaient été ébranlées à cette nouvelle, et elle craignait de se rendre coupable de la moindre négligence en ce qui concernait la vie de son fils. Ils se mirent donc aussitôt en route au milieu de la nuit, et se dirigèrent du côté de l'Egypte.
Considérez et méditez ce qui vient d'être dit et ce que nous allons dire tout à l'heure. Voyez comment ils emportent l'Enfant-Jésus au milieu de son sommeil; témoignez-leur votre compassion et apportez ici toute l'attention dont vous êtes capable, car vous trouverez à considérer beaucoup d'excellentes choses. — D'abord, remarquez comment Notre Seigneur reçoit en sa personne, tantôt ce qui peut réjouir, tantôt ce qui est un sujet d'affliction ; et lorsqu'il vous arrivera quelque chose de semblable, ne vous montrez point impatiente ; car à côté de la montagne, vous rencontrerez la vallée. Voilà que dans sa nativité, Jésus-Christ est glorifié comme un Dieu par les bergers, et peu de jours après, il est circoncis comme un pécheur. Les Mages viennent ensuite et lui rendent les plus grands hommages ; et néanmoins il demeure dans l'étable au milieu des animaux; il pleure comme ferait l'enfant d'un homme ordinaire. Il est présenté au temple ; Siméon et Anne l'exaltent avec éclat; et maintenant l'Ange lui annonce qu'il faut fuir en Egypte. Vous pourrez encore tirer le même enseignement de beaucoup d'autres endroits de sa vie, et les rapporter à notre instruction.
Lors donc que vous éprouvez la consolation, attendez la tribulation ; et lorsque vous avez la tribulation, croyez que la consolation est peu éloignée. Ainsi nous ne devons ni nous laisser élever par l’une, ni nous laisser abattre par l'autre; car le Seigneur nous donne des consolations, afin de ranimer notre espérance et nous empêcher de nous éloigner de la voie ; il nous donne des tribulations pour nous conserver dans l'humilité, afin que, connaissant notre misère, nous demeurions toujours dans la crainte. Pensons donc qu'en ces circonstances, notre Sauveur a agi ainsi pour notre instruction, et en même temps pour n'être pas reconnu par le démon.
Considérez ensuite, par rapport aux bienfaits et aux consolations de Dieu, que celui qui en est favorisé, ne doit point se préférer à celui qui en est privé, et que celui qui en est privé, ne doit point laisser son âme s'abattre, ni porter envie à celui qui en est comblé. Je parle ainsi, parce que les entretiens de l'Ange avaient lieu avec Joseph et non avec Marie, quoiqu'il fût de beaucoup inférieur à elle. Sachez aussi, que celui qui reçoit ces faveurs, bien qu'il ne les reçoive pas suivant ses désirs, ne doit point se montrer ingrat ni murmurer, puisque Joseph, qui était si grand aux yeux de Dieu, ne jouit des entretiens de l'Ange qu'en songe, et non dans la plénitude de sa raison.
Remarquez, en troisième lieu…
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1. Mat., 2.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XII.
De la fuite du Seigneur en Égypte.
(suite)
Remarquez, en troisième lieu, comment le Seigneur permet que les siens soient soumis aux persécutions et aux tribulations. C'était alors une tribulation bien grande pour Marie et Joseph, de voir qu'on cherchât l'Enfant pour le mettre à mort. Que pouvaient-ils apprendre de plus triste? C'était aussi pour eux une peine bien vive que cette fuite : car, bien qu'ils sussent que Jésus était le Fils de Dieu, leur sensibilité pouvait cependant être ébranlée, et ils pouvaient dire : « Seigneur Dieu tout-puissant, qu'est-il besoin que votre Fils prenne la fuite? Ne pouvez-vous le défendre en ces lieux? » C'était encore pour eux un sujet d'affliction, d'être obligés d'aller dans un pays éloigné et inconnu, par des chemins difficiles, pour eux surtout qui étaient si peu propres à voyager : Marie à cause de sa jeunesse, Joseph à cause de son âge avancé; et l'Enfant lui-même qu'ils devaient emporter, n'avait que deux mois. Il fallait demeurer dans une terre étrangère ; ils étaient pauvres et ne possédaient rien. Ce sont autant de sujets de douleur. Vous donc, lorsque vous êtes dans la tribulation, prenez patience, et ne vous attendez pas que Jésus vous fera une grâce qu'il s'est refusée à lui-même, et qu'il a refusée à sa Mère.
Quatrièmement, méditez sur la bénignité du Seigneur. Vous voyez combien promptement il est en butte à la persécution et forcé de fuir la terre où il a reçu le jour, et comme il cède à la fureur de celui qu'il est en sa puissance de perdre en un instant. C'est là une humilité profonde et une patience insigne; car il ne voulût ni rendre à son persécuteur le mal qu'il en recevait, ni lui faire de la peine, mais seulement se soustraire à ses embûches par la fuite.
Ainsi sommes-nous tenus de ne point opposer de résistance à ceux qui nous font des reproches, nous reprennent, nous persécutent, mais de les supporter avec patience, de céder à leurs emportements, et, qui plus est, de prier pour eux, comme le Seigneur nous l'enseigne ailleurs en son Évangile (1). — Le maître fuyait donc devant le serviteur, et, qui plus est, devant le serviteur du démon ; sa mère, jeune et d'une délicatesse extrême, le portait en la société de saint Joseph, vieillard fort avancé en âge. Ils se dirigeaient vers l'Egypte par un chemin sauvage, obscur, rempli de branchages, rude et désert, par un chemin d'une longueur considérable. On dit que les courriers mettent de douze à quinze jours à le parcourir ; pour Marie et Joseph, il fallut peut-être deux mois et plus; car ils allèrent; dit-on, par le désert que les enfants d'Israël traversèrent, et où ils demeurèrent durant quarante ans. Mais comment faisaient-ils pour porter de quoi vivre, eux ? Où trouvaient-ils à se retirer durant la nuit? Comment prenaient-ils leur repos? Les habitations sont rares en ce désert.
Montrez-leur donc votre compassion, car ils endurent une fatigue longue, pénible et difficile, tant pour eux que pour l'Enfant. Accompagnez-les et aidez-les à porter Jésus, et rendez-lui tous les services qu'il est en votre pouvoir de lui rendre. Nous ne devrions pas regarder comme une peine de faire pénitence pour nous-mêmes, quand nous voyons de tels personnages se soumettre si souvent pour nous à des fatigues aussi considérables.
Quant à ce qui se passa dans le désert et durant le voyage…
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(1) Matt., 5.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XII.
De la fuite du Seigneur en Égypte.
(suite)
Quant à ce qui se passa dans le désert et durant le voyage, je ne m'y arrête pas; parce que nous n'avons aucun récit authentique sur ce sujet. Lors donc qu'ils entrèrent en Egypte; toutes les idoles de cette contrée tombèrent à la renverse, selon qu'il avait été prédit par Isaïe (1). Arrivés à une ville appelée Héliopolis, ils y louèrent une maison, et y demeurèrent pendant sept ans, comme des étrangers et des voyageurs, dans la pauvreté et la gêne.
Mais ici se présente un sujet de réflexion tout-à-fait fait beau, pieux et propre à porter à la compassion. Remarquez bien ce qui suit. Pendant un si long temps, où trouvaient-ils de quoi soutenir leur vie? Comment vivaient-ils? Était-ce en mendiant? On lit de Marie qu'elle gagnait ce qui était nécessaire à son entretien et à celui de son fils, à l'aide de son fuseau et de son aiguille. Ainsi la reine du monde, véritable amante de la pauvreté, s'occupait à filer et à coudre. Jésus et Marie aimèrent la pauvreté avec passion et sous tous les aspects, ils lui gardèrent jusqu'à la mort une fidélité inviolable.
Mais la Vierge allait-elle, elle-même, par les maisons demandant du travail et de quoi gagner sa vie? Sans doute, car il fallait bien que l'on sût dans le voisinage, qu'elle s'employait à de tels travaux; autrement, elle eût manqué d'ouvrage, et les femmes de l'endroit ne pouvaient le deviner.
Mais lorsque Jésus arriva à l'âge d'environ cinq ans, se chargeait-il lui-même des commissions de sa mère? Allait-il demander pour elle l'ouvrage qu'elle devait confectionner? Il devait en être ainsi, car elle n'avait pas d'autre serviteur. Reportait-il l'ouvrage une fois terminé, et en demandait-il le prix de la part de sa mère? L'enfant-Jésus, le Fils du Dieu très-haut, ne rougissait-il pas de pareilles choses, et sa mère n'était-elle point confuse de l'envoyer ainsi ? Mais qu'était-ce, lorsque reportant l'ouvrage et en demandant le prix, quelque femme superbe, querelleuse et emportée, lui répondait par des injures, prenait l'ouvrage, mettait l'enfant à la porte sans le payer, et qu'ainsi il s'en revenait à la maison les mains vides?
Oh! combien d'outrages cuisants les étrangers ont à dévorer! Et le Seigneur n'était pas venu pour s'y soustraire, mais bien pour s'y soumettre. Qu'était-ce donc encore, si, rentrant à la maison et souffrant de la faim, comme il arrive aux enfants, il demandait du pain alors que sa mère n'avait pas de quoi lui en donner? Ces choses et autres semblables ne déchirèrent-elles pas profondément les entrailles de Marie? Elle consolait son Fils par ses paroles et cherchait à satisfaire ses besoins, selon qu'elle le pouvait ; elle retranchait même ce qui était nécessaire à sa nourriture, afin de le conserver pour lui.
Vous pouvez méditer ce que je viens de vous exposer et autres sujets semblables, touchant l'enfance de Jésus; je n'ai fait que vous les indiquer. Pour vous, étendez-les et attachez-vous-y selon que vous le jugerez à propos. Soyez petite avec le petit Enfant-Jésus, et ne dédaignez pas de faire sur lui des considérations si humbles et qui peuvent sembler puériles. Car toutes ces choses donnent de la dévotion, augmentent l'amour, allument la ferveur, excitent la compassion, confèrent la pureté et la simplicité, alimentent la force de l'humilité et de la pauvreté, entretiennent la familiarité avec Jésus, établissent la conformité entre nous et lui, et élèvent notre espérance.
Nous sommes impuissants, il est vrai, à atteindre ce qui est sublime; mais ce qui est insensé en Dieu est plus sage que toute la sagesse des hommes, ce qui est faible en lui l'emporte en puissance sur toutes les forces de la terre. La méditation de pareils sujets semble aussi être de nature à abaisser notre orgueil, à affaiblir notre cupidité, à confondre notre curiosité. Voyez-vous que de biens en découlent? Soyez donc, comme je vous l'ai dit, petite enfant avec ce petit enfant; croissez à mesure que vous le verrez croître, mais pourtant en vous conservant toujours dans l'humilité ; suivez-le partout où il ira, et contemplez sa face en tout temps.
Mais n'avez-vous pas remarqué aussi dans ce qui a été dit…
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1. Is. 19.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XII.
De la fuite du Seigneur en Égypte.
(suite)
Mais n'avez-vous pas remarqué aussi dans ce qui a été dit, combien fut laborieuse la pauvreté de ces saints personnages? Combien elle était de nature à leur causer de la confusion? S'il leur fallait chercher leur vie dans le travail de leurs mains, que dirons-nous de leurs vêtements? Que dirons-nous des objets de leur ménage, des lits et autres choses qui sont nécessaires dans une maison? Avaient-ils deux fois le même objet? Possédaient-ils quelque chose de superflu, quelque chose de remarquable? Tout cela est contraire à la pauvreté, et quand même il eût été en son pouvoir de le posséder, la Vierge, cette vraie amante de la pauvreté, n'en eût point voulu.
Mais au moins notre Souveraine, en travaillant de son aiguille ou autrement, ne confectionnait-elle point par charité pour les autres, quelque objet rare et curieux? Loin d'elle une pareille occupation ; qu'ils s'emploient à des travaux semblables, ceux qui ne s'inquiètent nullement de perdre leur temps! Elle ne pouvait dans une pauvreté aussi extrême consumer le sien en frivolités, et l'eût-elle pu, qu'elle ne l'eût point fait. C'est là un vice très-dangereux, et surtout de nos jours. Voulez-vous savoir comment?
Remarquez premièrement que le temps qui est accordé pour louer le Seigneur, est employé contre lui-même en des futilités ; car un travail rare, prend beaucoup plus de temps qu'il ne convient, et c'est déjà un grand mal.
En second lieu, une pareille occupation devient un motif de vaine gloire pour celui qui s'y consacre. Oh ! combien de fois il regarde, passe et repasse en son esprit, alors même qu'il est loin de son travail, alors qu'il devrait être appliqué à louer Dieu, quelle belle œuvre il est en train d'exécuter ; et par là, il se répute quelque chose, il veut être considéré de même.
C'est, en troisième lieu, une cause d'orgueil, car c'est par un aliment semblable que le feu de la superbe se nourrit et s'embrase de plus en plus. De même que ce qui est ordinaire et grossier entretient l’humilité, ainsi des travaux recherchés entretiennent l'orgueil.
Quatrièmement, c'est une occasion à l'âme de s'éloigner de Dieu, « car, dit saint Grégoire, le cœur se détache d'autant plus de l'amour supérieur qu'il se délecte en l'amour inférieur (1) . »
Cinquièmement, c'est une nourriture pour la concupiscence des yeux, une des trois auxquelles se rattachent tous les péchés qui sont dans le monde. Car les curiosités ne servent à rien autre chose qu'à repaître dans la suite vainement les regards. Or, autant de fois l'œil se nourrit vainement et se délecte en de semblables objets, autant de fois celui qui en est l'auteur et celui qui en fait usage se rendent coupables.
Sixièmement, c'est un piège et une ruine pour beaucoup; car ceux qui regardent de telles choses peuvent pécher de plusieurs manières, soit en ayant un mauvais exemple qui les conduise au mal, soit en les contemplant avec plaisir, soit en désirant quelque chose de semblable, soit en jugeant ceux qui en font usage, soit en murmurant, soit en se livrant à la médisance.
Pensez donc combien de fois Dieu peut être offensé…
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1. Hom. XXX, in Evang.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XII.
De la fuite du Seigneur en Égypte.
(suite)
Pensez donc combien de fois Dieu peut être offensé avant que cette curiosité soit détruite ; or, celui qui a prêté ses mains à un tel ouvrage est la cause de tout cela. C'est pourquoi, si je vous priais de faire pour moi de pareils objets, ou si vous saviez certainement que je dusse en faire usage, vous devriez me refuser votre coopération; car on ne doit consentir au péché en aucune façon, et il faut s'abstenir en toute manière de ce qui peut offenser Dieu.
Mais combien donc vous rendez-vous plus coupable si vous agissez ainsi de vous-même, par pure complaisance, plus désireuse de plaire à la créature qu'au Créateur! C'est ainsi que font ceux qui vivent selon le siècle, car de tels objets sont les ornements du monde, et un blasphème contre Dieu.
Mais ce qui m'étonne, c'est que celui qui se propose de vivre avec une conscience pure, ose se prêter aussi à de semblables occupations et se couvrir d'une pareille souillure. Vous voyez combien de maux proviennent d'une telle recherche. Il y a encore quelque chose de pire en une pareille affectation, c'est qu'elle est directement opposée à la pauvreté, et que pardessus tout, elle est l'indice d'une âme légère, vaine et inconstante. — Je me suis étendu longuement sur ces ornements recherchés, mais c'est afin que vous les évitiez. Ayez donc soin de ne vous livrer jamais à de tels travaux, de ne jamais faire usage de semblables objets : de la sorte, vous vous préserverez du contact d'un serpent qui vous donnerait la mort.
Cela ne veut pas dire pourtant, qu'il ne soit jamais permis d'exécuter quelque bel ouvrage surtout en ce qui peut servir au culte divin, mais cependant il faut toujours se tenir souverainement en garde contre toute attache désordonnée, contre toute complaisance intempestive, et en conserver son âme fortement éloignée. Touchant cette recherche, saint Bernard s'exprime ainsi : « Quels profits, je vous demande, rapportent au corps de vains spectacles? Quel avantage confèrent-ils à l'âme? Assurément, vous ne trouverez rien en l'homme qui en retire quelque utilité. C'est une consolation tout-à-fait frivole, vaine et futile, et je ne sais si je pourrais souhaiter quelque chose de plus affligeant que d'avoir toujours selon ses désirs, à celui qui, fuyant la paix d'un repos délectable, trouve son bonheur dans une recherche pleine d'inquiétude (1). »
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1. De Convers., ad cler., c. XII.
Mais revenons à notre Souveraine…
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
A suivre : CHAPITRE XIII. Du retour du Seigneur de l'Égypte.CHAPITRE XII.
De la fuite du Seigneur en Égypte.
(suite)
Mais revenons à notre Souveraine, que nous avons laissée en Égypte. Nous nous sommes éloignés d'elle, afin de flétrir ce vice maudit de la curiosité. Considérez-la dans ses occupations, travaillant de l'aiguille, filant, tissant; et néanmoins elle a le soin le plus vigilant de son fils et du maintien de sa maison; elle est toujours appliquée, autant qu'elle le peut, aux veilles et à la prière. Vous donc, compatissez-lui de tout votre cœur, et remarquez que ce n'est pas du tout gratuitement, que la Reine des cieux en a obtenu l'empire. Il arrivait aussi peut-être que quelques femmes riches et bonnes, voyant sa pauvreté, lui faisaient quelques dons, qu'elle recevait avec humilité et actions de grâces.
En même temps, le saint vieillard Joseph s'emploie de son côté aux travaux de son état. Vous avez donc de toute part matière à une grande compassion. Laissez-vous y aller pendant quelque temps; ensuite demandez la permission de vous retirer après avoir reçu à genoux la bénédiction d'abord de l'Enfant-Jésus, puis de sa mère et de Joseph, et dites-leur adieu en versant des larmes et en leur témoignant la part que vous prenez à leurs peines : ils sont bannis et ils demeurent, sans l'avoir mérité, exilés loin de leur patrie ; et c'est pendant sept ans qu'il leur faudra résider en ce lieu, et y gagner leur vie à la sueur de leur front.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XIII.
Du retour du Seigneur de l'Égypte.
Sept années étant accomplies depuis que le Seigneur était en Egypte, l'Ange apparut en songe à Joseph et lui dit : « Prenez l'enfant et sa mère et allez dans la terre d'Israël, car ceux qui cherchaient la vie de l'enfant sont morts. Il prit donc l'enfant et sa mère et revint dans la terre d'Israël. Lorsqu'il en approchait, ayant appris qu'Archélaüs, fils d'Hérode, régnait en ces lieux, il craignit d'aller jusque-là. Averti de nouveau par l'Ange, il se retira en Galilée, dans la ville de Nazareth (1). » Ce retour eut lieu vers la fête de l'Epiphanie, c'est-à-dire le second jour, comme on le lit dans le martyrologe.
Vous voyez encore ici comment le Seigneur, ainsi que je vous l'ai dit dans le chapitre précédent, se plaît à ne donner que des consolations et des révélations incomplètes, et non aussi entières que notre désir les demanderait. Ce qui se passe en cette circonstance, vous est une preuve nouvelle de cette vérité, car c'est en songe et non ouvertement pendant le réveil qu'ont lieu ces apparitions; ce n'est pas d'un seul coup, mais en deux fois que Joseph apprend où il doit aller. Et la Glose dit que le Seigneur en agit de la sorte, parce que la fréquence de ses visites nous donne une certitude plus grande. Au reste, quelles qu'elles soient, nous devons les regarder comme ayant une grande valeur et en demeurer reconnaissants, car, pour ce qui est de son côté, notre Seigneur fait toujours ce qu'il sait nous être le plus utile.
Maintenant, appliquez-vous à ce retour du Seigneur, et remarquez qu'il y a là un sujet abondant de pieuse méditation. Revenez donc en Egypte pour y visiter l'Enfant-Jésus. Vous le trouverez peut-être hors de la maison, au milieu des autres enfants ; mais aussitôt qu'il vous apercevra, il viendra au-devant de vous, car il est plein de bénignité, d'affabilité et d'empressement. Pour vous, prosternez-vous, baisez ses pieds, prenez-le lui-même dans vos bras, et reposez-vous un peu avec lui ; ensuite il vous dira sans doute : « Nous avons reçu la permission de retourner en notre pays ; c'est demain que nous devons partir d'ici. Vous êtes arrivée à la bonne heure, car vous reviendrez avec nous. » Répondez-lui vivement que vous avez une grande joie d'une telle nouvelle; que vous désirez le suivre partout où il ira; et réjouissez-vous en vous entretenant de la sorte avec lui.
Je vous l'ai déjà dit, de pareilles considérations peuvent sembler puériles à méditer ; mais on en retire un grand profit, et elles nous amènent à des choses plus élevées. Jésus vous conduira ensuite vers sa Mère, et il lui rendra ses hommages avec empressement. Pour vous, fléchissez les genoux, faites-lui une profonde révérence ainsi qu'au saint vieillard Joseph, et reposez-vous avec eux.
Le lendemain matin, vous verrez quelques excellentes femmes, et même quelques hommes venir, afin de les accompagner jusqu'aux portes de la ville, en mémoire du séjour saint et pacifique, qu'ils ont fait au milieu d'eux. En effet, ils avaient annoncé dans le voisinage, plusieurs jours à l'avance, qu'ils allaient partir, car il n'était pas convenable qu'ils sortissent de ce lieu à la dérobée. Il en fut autrement, il est vrai, quand ils vinrent en Égypte ; mais alors, ils craignaient pour la vie de l'Enfant.
Les voilà donc en marche…
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1. Matt., 2.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XIII.
Du retour du Seigneur de l'Égypte.
(suite)
Les voilà donc en marche : Joseph précède avec les hommes, et la Vierge suit de loin avec les femmes. Pour vous, prenez l'Enfant par la main et placez-vous au milieu de cette troupe devant la Mère, car elle ne permet pas que son fils vienne après elle. Lorsqu'ils sont à la porte, Joseph ne souffre pas que ces hommes l'accompagnent plus loin. Alors un d'entre eux, qui était riche, compatissant à leur pauvreté, appelle l'Enfant afin de lui donner quelques deniers pour les dépenses du voyage. L'Enfant rougit de les recevoir; cependant, par amour pour la pauvreté, il tend la main, prend l'argent modestement et remercie. Plusieurs de ceux qui étaient présents lui firent aussi leurs offrandes. Il est appelé ensuite par les femmes qui font de même. La Mère ne rougit pas moins que son Fils; cependant elle remercie humblement. Vous pouvez véritablement leur compatir, en voyant que celui à qui appartient la terre et tout ce qu'elle renferme, a choisi pour lui, pour sa mère et son père nourricier, une misère si rigoureuse et qu'il a vécu dans une si grande détresse. La sainte pauvreté brille en eux du plus vif éclat, et ils nous la montrent toute digne de notre amour et de notre imitation. Enfin, après avoir offert leurs remercîments, ils disent adieu à tout le monde, et se mettent en route.
Mais comment reviendra ce Jésus, cet enfant si tendre encore ? Pour moi, le retour semble encore plus difficile que la venue : quand il vint en Egypte, il était si petit qu'on pouvait le porter; maintenant il est si grand qu'il ne saurait l'être, et si petit qu'il ne saurait marcher lui-même. Mais peut-être quelqu'un de ces hommes excellents lui donna-t-il ou du moins lui prêta-t-il un âne sur lequel il pût revenir. O Enfant charmant et délicat, Roi du ciel et de la terre ! combien vous avez souffert pour nous, et comme vous avez commencé de bonne heure ! C'est bien justement que le prophète s'est écrié en parlant de votre personne : « Je suis pauvre et dans les peines depuis ma plus tendre jeunesse (1). » Vous avez pris sur vous en tout temps la détresse la plus grande, les travaux pénibles et les souffrances du corps ; vous avez eu comme de la haine pour vous à cause de nous. Assurément cette fatigue, dont nous nous occupons en ce moment eût dû suffire pour notre rédemption.
Prenez donc l'Enfant-Jésus et placez-le sur son âne; conduisez-le vous-même fidèlement, et lorsqu'il voudra descendre, recevez-le avec joie dans vos bras, gardez-le quelques instants, au moins jusqu'à ce que sa Mère soit arrivée, car elle marche plus lentement. Alors l'Enfant ira la trouver, et ce sera pour la Mère un grand repos que de recevoir son Fils.
Ils s'avancent donc et marchent à travers le désert par lequel ils sont venus, et, pendant ce voyage, vous pourrez leur compatir, car ils goûtent peu de repos.
Considérez comme ils sont fatigués et abattus…
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1. Ps., 87.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XIII.
Du retour du Seigneur de l'Égypte.
(suite)
Considérez comme ils sont fatigués et abattus par la peine, tant du jour que de la nuit. Arrivés aux confins du désert, ils y trouvèrent Jean-Baptiste, qui avait déjà commencé à faire pénitence, bien qu'il ne fût coupable d'aucun péché. On dit que l'endroit du Jourdain où Jean baptisa, est celui qui fut traversé par les Israélites quand ils vinrent de l'Egypte par ce désert, et que c'est proche de ce lieu, dans le même désert, qu'il fit pénitence. Ainsi, il est possible que l'Enfant-Jésus, passant par là à son retour, l'ait rencontré.
Considérez donc comment il les reçut avec empressement, comment, demeurant quelque temps en ce lieu, ils mangèrent avec lui, les aliments grossiers dont il faisait sa nourriture ; et enfin comment, après avoir puisé ensemble une immense force d'esprit, ils lui dirent adieu. Et vous, à l'arrivée et au départ, mettez-vous à genoux devant Jean-Baptiste, baisez ses pieds, demandez-lui qu'il vous bénisse, et recommandez-vous à lui ; car cet enfant est parfait, et tout à fait admirable dès son berceau. C'est lui qui fut le premier ermite, le principe et la voie de ceux qui veulent pratiquer la vie religieuse. Il fut vierge sans la moindre tache, prédicateur illustre, plus que prophète et martyr glorieux.
La sainte famille, traversant ensuite le Jourdain, arriva à la maison d'Élisabeth, et ce fut pour tous une fête pleine de joie et d'allégresse. C'est en ce lieu que Joseph, apprenant qu'Archélaüs, fils d'Hérode, régnait en Judée, craignit, et qu'averti en songe par l'Ange, il se retira avec Marie et Jésus en la ville de Nazareth.
Voilà que nous avons ramené Jésus de l'Égypte. A son arrivée, accourent les sœurs de Marie et ses autres parents et amis, afin de les visiter. Quant à eux, ils établissent leur séjour à Nazareth, et y mènent une vie pauvre.
Désormais, jusqu'à la douzième année de l'Enfant-Jésus, on ne dit plus rien de lui. On dit pourtant, et c'est une chose vraisemblable, qu'on voit encore la fontaine où le divin Enfant allait puiser de l'eau pour sa mère ; car l'humble Seigneur rendait à Marie de pareils services, attendu qu'elle n'avait point d'autre serviteur que lui.
Vous pouvez aussi vous représenter Jean l'évangéliste, venant dans cette demeure avec sa mère, qui était sœur de la mère de Jésus. Il avait alors cinq ans, car on lit de lui qu'il mourut la soixante-septième année après la Passion du Seigneur et la quatre-vingt-dix-neuvième de son âge; et ainsi, au temps de la Passion, il avait trente et un ans, alors que Jésus en avait trente-trois ou un peu plus. Comme à son retour le Seigneur avait sept ans, Jean devait en avoir cinq. Considérez-les réunis ensemble, et conversant, selon que Dieu vous l'inspirera; car c'est Jean qui, dans la suite, fut le disciple que Jésus aimait d'un amour plus intime.
Lorsque Jésus fut âgé de douze ans…
A suivre : CHAPITRE XIV. Comment l'Enfant-Jésus demeura à Jérusalem.
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CHAPITRE XIV.
Comment l'Enfant-Jésus demeura à Jérusalem.
Lorsque Jésus fut âgé de douze ans, il monta à Jérusalem, selon la coutume et le précepte de cette fête, qui durait huit jours. Ce divin enfant se livre ainsi aux fatigues de longs voyages, et il va pour honorer son Père céleste dans les fêtes qui lui sont consacrées ; car il y a un amour extrême entre le Père et le Fils. Mais celui-ci ressentait une affliction plus grande, une douleur plus acerbe, du déshonneur que son Père recevait des péchés sans nombre qui se commettaient, qu'il n'éprouvait de joie des honneurs qui lui étaient rendus en ce jour, et des pompes extérieures de cette solennité. Le Seigneur de la loi était donc le fidèle observateur de la loi, et il se tenait humblement parmi les autres comme un pauvre ordinaire.
Les jours de la fête étant terminés, et ses parents se retirant, Jésus demeura à Jérusalem. Apportez toute votre attention, et considérez-vous comme présente à tout ce qui se dit et se fait, car il y a là un sujet de méditation tout-à-fait pieux et profitable. Je vous ai déjà dit que Nazareth où le Seigneur demeurait, est à quatorze ou quinze milles environ de Jérusalem. Lors donc que sa Mère et Joseph, s'en retournant par des chemins divers, arrivèrent le soir au lieu où la marche de ce jour se terminait, et où ils devaient passer la nuit, Marie voyant que Joseph était sans Jésus, qu'elle croyait avec lui, lui demande : « Où est l'Enfant? — Je ne le sais pas, répondit Joseph ; il n'est pas revenu avec moi ; je pensais qu'il s'en était retourné avec vous ». Alors Marie, saisie d'une douleur indicible, s'écria avec larmes : « Il n'est point revenu avec moi. Je vois que je n'ai pas bien gardé mon fils ».
Et elle se mit à aller promptement par les maisons, et les parcourut toutes ce soir même, avec la modestie la plus convenable, demandant à chacun s'il n'avait point vu son fils. A peine se sentait-elle, tant la véhémence de sa douleur et l'ardeur de son désir étaient grandes. Joseph la suivait en pleurant. Ne l'ayant point trouvé, jugez vous-même quel repos ils pouvaient prendre, surtout Marie qui l'aimait plus profondément encore. Bien que ses amis cherchassent à fortifier son courage, elle ne pouvait cependant se consoler. En effet que n'était-ce point pour elle que la perte de Jésus? Considérez-la bien et ayez pour elle une compassion profonde, car son âme est dans l'angoisse, et dans une angoisse telle que depuis sa naissance jusqu'à ce jour, elle n'avait jamais rien éprouvé de semblable.
Ne nous troublons donc point quand nous sommes sous le coup des tribulations, puisque le Seigneur n'a pas épargné sa propre mère. Il permet qu'elles arrivent aux siens, et elles sont des signes de son amour. Pour nous, il nous est avantageux de passer par là.
Enfin Marie, se renfermant dans sa chambre…
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
CHAPITRE XIV.
Comment l'Enfant-Jésus demeura à Jérusalem.
(suite)
Enfin Marie, se renfermant dans sa chambre, eut recours à la prière et aux gémissements. Elle s'adressa à Dieu en ces termes :
« O Dieu ! Père éternel, plein de clémence et de bénignité, il vous a plu de me donner votre Fils, mais voilà que je l'ai perdu; je ne sais où il est; daignez me le rendre. O mon Père ! délivrez-moi d'une pareille amertume, et montrez-moi mon Fils. Regardez, ô mon Père ! l'affliction de mon cœur, et non ma négligence ; j'ai agi avec imprudence, mais je l'ai fait sans le savoir. A cause de votre bonté, rendez-le-moi, car je ne puis vivre sans lui.
« O mon Fils bien-aimé ! où êtes-vous? Que vous est-il arrivé? Où avez-vous choisi votre demeure? Êtes-vous retourné dans le ciel vers votre Père? Je sais bien que vous êtes Dieu, que vous êtes le Fils de Dieu; mais comment ne m'auriez-vous pas averti d'un pareil dessein? Seriez-vous tombé dans des embûches qu'on vous aurait tendues? Je sais que vous êtes véritablement homme et né de moi ; je sais que déjà Hérode vous a cherché pour vous faire mourir, et qu'alors je vous portai en Egypte.
« O mon Fils ! que votre Père vous garde de tout malheur ! Indiquez-moi où vous êtes, et j'irai à vous; ou bien, revenez à moi. Pardonnez-moi pour cette fois; car jamais il ne m'arrivera d'avoir la moindre négligence à votre égard. Me suis-je rendue coupable de quelque offense vis-à-vis de vous, ô mon Fils? Pourquoi donc vous êtes-vous retiré de moi? Depuis votre naissance jusqu'à ce jour, je n'ai jamais été séparée de vous; je n'ai jamais pris ni nourriture ni sommeil, éloignée de vous; c'est pour la première fois que j'ai à déplorer votre absence. Me voilà sans vous, et je ne sais comment il a pu en arriver ainsi. Vous savez que vous êtes mon espérance, ma vie, tout mon bien, et que je ne puis être sans vous; indiquez-moi donc où vous êtes, et dites-moi comment je pourrai vous trouver. »
Ainsi durant la nuit, se livrait à l'angoisse sur son Fils bien-aimé, la Mère de Jésus. Le lendemain de grand matin, elle sortit de sa maison avec Joseph, et ils le cherchèrent encore dans les environs, car il y avait plusieurs chemins pour revenir de Jérusalem, de même que pour revenir de Sienne à Pise on peut prendre sa route par Puy-Bonnichi ou par Colle ou d'autres lieux. Le jour suivant, ils parcoururent d'autres chemins, le cherchant parmi leurs parents et leurs amis. Et ne le trouvant point, sa Mère était plongée dans une anxiété si profonde qu'on eût dit qu'elle eût perdu tout espoir, et que rien ne pouvait la consoler.
Enfin le troisième jour, retournant à Jérusalem...
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