Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXIV.
Méditations sur la Passion du Seigneur en général.(suite)
L'un saisit le doux, le tendre, le pieux Jésus ;
un autre le lie,
un autre se lève contre lui,
un autre jette des cris,
un autre le pousse,
un autre le blasphème,
un autre lui crache au visage,
un autre le tourmente,
un autre le promène autour de la troupe,
un autre l'interroge,
un autre cherche contre lui des témoins de mensonge,
un autre s'associe à ces recherches,
un autre rend contre lui un faux témoignage,
un autre l'accuse,
un autre le tourne en dérision,
un autre lui voile les yeux,
un autre frappe sa face vénérable,
un autre lui donne des soufflets,
un autre le conduit à la colonne,
un autre le dépouille,
un autre le bat pendant qu'on le conduit,
un autre s'empare de lui pour le tourmenter d'une manière insultante,
un autre l'attache à la colonne,
un autre se précipite contre lui,
un autre le flagelle,
un autre le couvre de la pourpre par mépris,
un autre le couronne d'épines,
un autre met en sa main un roseau,
un autre prend ce roseau avec fureur pour en frapper sa tête couverte d’épines,
un autre fléchit le genou devant lui par moquerie,
un autre tourne en dérision ces génuflexions,
et autres opprobres dont il est l'objet.
On l'emmène,
on le ramène,
on le couvre de crachats,
on le rejette,
on le tourne et
on le retourne çà et là
comme un insensé,
comme un homme stupide et idiot, et
même comme un voleur et un malfaiteur très-coupable.
Tantôt c'est chez Anne,
tantôt chez Caïphe,
tantôt chez Pilate,
tantôt chez Hérode, et
puis encore chez Pilate ;
et là,
tantôt à l'intérieur,
tantôt au dehors qu'on le conduit et qu'on l'entraîne.
O mon Dieu ! qu'est-ce que tout cela ? Ne vous semble-t-il pas que ce soit une guerre, très-dure, très-amère, une guerre continuelle et formidable ? Mais attendez un peu, et vous verrez des choses plus dures encore…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXIV.
Méditations sur la Passion du Seigneur en général.(suite)
Mais attendez un peu, et vous verrez des choses plus dures encore.
Contre lui sont là, sans se rebuter, les Princes des Prêtres, les Pharisiens, les Anciens du peuple et une foule nombreuse. Tous crient unanimement : Qu'il soit crucifié. Sur ses épaules, déjà meurtries et déchirées, est placée la croix sur laquelle on doit le clouer. De tous côtés accourent en même temps et les habitants de la ville et les étrangers, les grands, la populace, les gens perdus de mœurs. Ils viennent, non pour compatir, mais pour se moquer indignement. Il n'est personne qui le reconnaisse, mais tous, avec fureur, lui jettent de la boue et autres immondices, le tourmentent, et, tandis qu'il porte son fardeau d'ignominie, le font le sujet de leurs plaisanteries. Ceux qui étaient assis à la porte de la ville parlaient contre lui, et ceux qui se gorgeaient de vin, le chantaient avec dérision (1). Il est poussé et tourmenté ; on l'entraîne , on le précipite, et, après avoir été ainsi flagellé, accablé de fatigue, tout brisé et saturé d'opprobres au delà de tout ce qui peut s'imaginer, on ne lui permet pas de se reposer, on ne lui donne aucun sursis ; c'est à peine s'il peut respirer jusqu'à ce qu'il soit parvenu au Calvaire, à ce lieu immonde et fétide. Et toutes ces choses s'accomplissent avec emportement et fureur. C'est au Calvaire seulement qu'on met fin à cette guerre dont nous parlons, et que le repos y succède ; mais ce repos est plus dur encore que la guerre : c'est le crucifiement, c'est le lit de douleur. Voilà quel est son repos.
Vous voyez donc quelle longue et cruelle guerre le Seigneur a eu à souffrir jusqu'à la sixième heure. Les eaux ont véritablement pénétré jusqu'à son âme; il a été environné par des chiens nombreux, terribles, puissants et féroces; il a été assiégé par l'assemblée des méchants, qui ont cruellement aiguisé contre lui, à l'instar d'un glaive à deux tranchants, et leurs langues et leurs mains (1).
Ce qui vient d'être dit semble devoir suffire pour exprimer ce que nous avions à présenter en abrégé touchant la Passion du Seigneur pour les trois premières heures, jusqu'à sexte, c'est-à-dire pour Matines, Prime, et Tierce. Mais ce n'est pas ainsi, ce n'est pas aussi légèrement que nous devons nous occuper de l'amertume si grande et des peines du Sauveur. C'est pourquoi reportez vos yeux sur cet objet et redoublez d'attention, car il nous reste encore à faire de grandes et nombreuses considérations, des méditations profondément émouvantes et pieuses, pourvu, toutefois, que vous vous appliquiez à vous rendre présente à ce qui se passe, selon que je vous l'ai dit. Tout ce que nous venons de voir n'est qu'un aperçu général. Voyons maintenant avec le plus grand soin chaque chose en particulier. Nous ne devons pas nous ennuyer de méditer ce que le Seigneur lui-même ne s'est point ennuyé de souffrir.
Reprenez donc ces méditations depuis le commencement de la Passion…
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1. Ps. 68. — 1. Ps. 68, 21-36.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXV.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ avant Matines.
Reprenez donc ces méditations depuis le commencement de la Passion et poursuivez-les avec ordre jusqu'à la fin. Je ne toucherai qu'un peu chaque sujet selon qu'il me semblera nécessaire ; mais pour vous, vous y appliquerez votre esprit à de plus longs développements, selon qu'il vous plaira et que le Seigneur lui-même vous donnera de le faire. Soyez donc aussi attentive à chaque circonstance que si vous étiez là présente, et considérez votre Sauveur lorsque, sortant de la Cène et ayant terminé son discours, il va dans le jardin avec ses Disciples. Enfin, entrez-y avec lui et remarquez comment il parle à ses Apôtres avec affection, bonté et cordialité, et les exhorte à prier ; comment lui-même, s'avançant un peu plus loin, c'est-à-dire à la distance d'un jet de pierre, il se mit à genoux avec humilité et révérence, et s'adresse à son Père. Arrêtez-vous un peu ici et repassez pieusement en votre âme les merveilles du Seigneur votre Dieu.
Jésus prie maintenant. Nous l'avons vu déjà prier en maintes circonstances, mais alors c'était pour nous qu'il élevait la voix, et comme notre avocat; à cette heure, c'est pour lui-même. Témoignez-lui votre compassion et admirez sa très-profonde humilité. Bien qu'il soit, comme Dieu, coéternel et égal à son Père, il semble oublier sa divinité, il prie comme un homme, il se tient, en sa prière, devant le Seigneur, comme le dernier d'entre son peuple.
Considérez sa parfaite obéissance. Que demande-t-il ? Il prie son Père d'éloigner de lui l'heure de sa mort, c'est-à-dire qu'il lui serait agréable de ne point mourir, si tel était le bon plaisir de son Père; et il n'est pas exaucé; je veux dire selon quelqu'une des volontés qui étaient en lui, car, qu'il y en eût plusieurs alors, c'est ce que je montrerai bientôt. Et ici, compatissez-lui en voyant que son Père veut irrémissiblement qu'il meure, et qu'il ne l'a pas épargné, bien qu'il fût son fils unique, réel et véritable, mais qu'il l'a livré de la sorte pour notre commun salut ; car il a tant aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils unique (1). Quant au Seigneur Jésus, il reçoit ce commandement et l'accomplit avec tout le respect possible.
Voyez maintenant…
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1. Joan., 3.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXV.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ avant Matines.(suite)
Voyez maintenant, en troisième lieu, la charité indicible, tant du Père que du Fils à notre égard, charité vraiment digne de notre compassion, de notre admiration et de nos hommages les plus respectueux. C'est par amour pour nous que cette mort est ordonnée, c'est également par un excès d'amour envers nous qu'elle est endurée.
Le Seigneur Jésus prie donc longuement son Père en lui disant :
« O mon Père! vous qui êtes plein de clémence, je vous supplie d'exaucer ma prière et de ne pas mépriser ma supplication. Regardez-moi favorablement et exaucez-moi, car j'ai été rempli de tristesse dans la pensée de mes misères (1). Mon esprit a été plongé dans l'anxiété, et mon cœur tout pénétré de trouble. Inclinez donc votre oreille sers moi, et soyez attentif à la voix de mes soupirs. Il vous a plu, ô mon Père, de m'envoyer dans le monde pour expier l'injure que vous avez reçue de l'homme. Aussitôt que votre volonté me fut manifestée, je me suis écrié : Je vais l'accomplir ; et comme il est écrit au commencement de votre loi que je ferais votre volonté, ainsi l'ai-je voulu.
« J'ai annoncé votre vérité et votre salut. J'ai été pauvre et dans les peines depuis ma jeunesse en faisant votre volonté, et tout ce que vous m'avez ordonné, je l'ai exécuté. Je suis prêt à accomplir encore ce qui reste.
« Si cependant, ô mon Père, cela est possible, éloignez de moi une amertume aussi effroyable que celle qui m'est préparée par mes ennemis. D'où vient, ô mon Père, d'où vient qu'ils ont contre moi tant de haine, qu'ils forment contre ma personne tant et de si terribles accusations, qu'ils ont résolu, en conséquence, de m'arracher la vie ?
« O Père saint, si j'ai fait ce dont ils m'accusent, si l'iniquité a souillé mes mains, si j'ai rendu à mes ennemis le mal pour le mal, il est juste que je succombe sous leurs efforts, que je sois sans force en leur présence (2). Mais tout ce qui vous a été agréable, je me suis appliqué à le faire en tout temps. Pour eux, ils m'ont rendu le mal pour le bien ; ils ont répondu à mon amour par la haine (3). Ils ont corrompu mon disciple et ils l'ont mis à leur tête pour consommer ma ruine. Ils lui ont compté trente pièces d'argent en récompense de ce qu'il ferait contre moi, et voilà le prix auquel ils m'ont évalué!
« Oh ! je vous en prie…
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1. Ps. 54. — 2. Ps. 7. — 3. Ps. 108.
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Louis- Admin
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.CHAPITRE LXXV.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ avant Matines.(suite)
« Oh ! je vous en prie, mon Père, éloignez de moi ce calice. Cependant si vous jugez qu'il doive en être autrement, que votre volonté se fasse et non la mienne (1). Mais levez-vous, ô mon Père, pour me venir en aide ; hâtez-vous de me secourir, car alors même, ô Père bien-aimé, qu'ils m'auraient méconnu comme votre Fils, au moins la vie innocente que j'ai menée parmi eux, les bienfaits dont je les ai comblés, auraient dû empêcher leur cruauté contre moi. Car rappelez-vous que je me suis tenu en votre présence pour vous parler en leur faveur, pour détourner d'eux votre indignation. Hélas ! doit-on rendre le mal pour le bien ? Ils ont creusé une fosse pour m'y faire périr, ils m'ont préparé la mort la plus ignominieuse (2). Vous le voyez, ô mon Dieu; ne gardez pas le silence; ne vous retirez pas de moi; car la tribulation est proche, et il n'est personne qui me vienne en aide. Les voici en votre présence, ceux qui me persécutent, ceux qui en veillent à ma vie. Mon cœur n'attend plus que l'opprobre et l'affliction (3).»
Alors le Seigneur Jésus revenant à ses Apôtres, les éveille et les excite à prier. Ensuite il retourne une seconde, puis une troisième fois à sa prière, et il prie en trois lieux différents, éloignés les uns des autres d'un jet de pierre, non tel qu'il pourrait être si l'on déployait toute la force de son bras, mais connue on peut se figurer la distance d'une pierre jetée sans effort, ou comme encore nous voyons la longueur de nos maisons. Je le tiens d'un de nos frères qui a visité ces lieux, et l'on voit encore, en ces divers endroits, des vestiges d'églises qui y furent bâties autrefois.
Revenant donc à la prière une seconde et une troisième fois, le Seigneur tint le même langage et ajouta : « Mon Père, puisque vous l'avez décrété ainsi, puisqu'il faut que je subisse irrémissiblement le supplice de la croix, que votre volonté soit faite. Mais je vous recommande ma Mère bien-aimée et mes Disciples, que j'ai gardés moi-même jusqu'à ce jour. Mon Père, soyez leur gardien à cette heure (1).» Et tandis qu'il prolonge sa prière, voilà qu'au milieu de cette agonie ou de ce combat, son sang très-précieux s'échappant de son corps, à la manière d'une sueur abondante, coule jusque sur la terre.
Considérez-le maintenant et voyez dans quelle angoisse son âme est plongée. Remarquez aussi, comme remède à votre impatience, que le Seigneur prie par trois fois avant de recevoir une réponse de son Père.
Or, tandis que la prière de Jésus…
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1. Mat., 26. — 2 Jer., 18. — 3. Ps. 68. — 1. Joan., 17.
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Louis- Admin
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.CHAPITRE LXXV.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ avant Matines.(suite)
Or, tandis que la prière de Jésus se prolongeait ainsi dans l'amertume, voilà que l'Ange du Seigneur, le Prince de la milice céleste, Michel, se tient à ses côtés, le fortifiant et lui disant :
« Je vous salue, ô Jésus, mon Dieu! J'ai offert votre prière et votre sueur de sang à votre Père en présence de toute la cour bienheureuse, et nous prosternant tous, nous l'avons supplié d'éloigner de vous ce calice. Mais votre Père nous a répondu : « Jésus, mon Fils bien-aimé, sait que la rédemption du genre humain que nous désirons si vivement ne peut s'accomplir convenablement sans effusion de sang. C'est pourquoi, s'il veut le salut des âmes, il faut qu'il subisse la mort pour elles. Que choisissez-vous donc? »
Alors le Seigneur répond à l'Ange : « Je veux, sans hésiter, le salut des âmes, et ainsi je préfère, pour sauver ces âmes que mon Père a créées à son image, la mort à une vie qui n'opérerait pas leur salut. »
Et l'Ange reprend : « Ranimez-vous donc et agissez avec courage, car il convient à celui qui est grand d'agir magnifiquement; à celui qui est magnanime, de supporter ce qu'il y a de plus difficile. Les peines passeront bien vite et la gloire leur succédera éternellement. Votre Père a dit qu'il serait toujours avec vous, qu'il gardera votre Mère et vos Disciples, et qu'il vous les rendra sans qu'ils aient eu rien à souffrir. »
Et l'humble Seigneur reçoit avec respect et humilité cet encouragement de sa créature, se considérant connue un peu abaissé au-dessous des Anges, tandis qu'il est dans cette vallée de ténèbres. Il s'attristait comme homme, et c'est ainsi qu'il remercie l'Ange, ainsi qu'il est fortifié par ses paroles et qu'il le prie de le recommander à son Père et à la cour céleste. Il se lève donc de la prière pour la troisième fois, tout trempé de son sang. Contemplez-le s'essuyant le visage, ou peut-être le lavant dans le torrent. Regardez avec respect son affliction profonde et compatissez du fond de votre cœur. Assurément rien de ce que nous venons de voir n’eût pu lui arriver s'il n'eût été en proie à la violence d'une immense douleur.
Les savants et les interprètes disent que le Seigneur Jésus a prié son Père, moins par crainte des souffrances, que par miséricorde pour un peuple qui se rendrait ainsi plus coupable, et parce qu'il portait compassion aux Juifs dont sa mort cruelle allait causer la ruine. En effet, ils devaient s'abstenir de le faire mourir, et parce qu'il était un d'entre eux, et parce qu'il était soumis à leurs lois, et parce qu'il les comblait des bienfaits les plus insignes alors qu'il priait pour leur salut, disant à son Père : « Je ne refuse pas de mourir pour que la multitude des Gentils vienne à la foi ! Mais si les Juifs doivent être plongés dans l'aveuglement pour que les autres voient la lumière, que votre volonté s'accomplisse et non la mienne. »
Il y eut alors en Jésus-Christ quatre volontés : la volonté de la chair, qui ne voulait la mort en aucune façon; la volonté des sens, qui murmurait et craignait; la volonté de la raison, qui obéissait et consentait à tout; car selon Isaïe : « Il a été offert parce qu'il l'a voulu lui-même (1)» Enfin il y eut en lui la volonté de la Divinité, et c'est elle qui commandait, elle qui dictait la sentence. Comme donc il était vraiment homme, en cette qualité il était plongé dans une angoisse extrême. Aussi compatissez-lui du fond de votre âme; considérez et remarquez soigneusement tous les actes et tous les sentiments qui règnent dans le cœur du Seigneur votre Dieu.
Il vient donc à ses Apôtres et leur dit : « Dormez maintenant et reposez-vous. » Et ils dormirent quelque temps en cet endroit ; mais le bon Pasteur veillait à la garde de son troupeau. O amour immense ! Vraiment il a aimé les siens jusqu'à la fin, puisque sous le poids d'une pareille agonie il veille encore à leur repos. Il voyait de loin ses ennemis qui venaient avec des flambeaux et des armes; et cependant il n'éveilla ses Apôtres que lorsqu'ils furent proches et même tous près d'eux, et c'est alors seulement qu'il leur dit : « C'est assez, levez-vous, car voilà que celui qui doit me trahir approche. »
Pendant qu'il parlait encore…
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1. Is. 53.
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Louis- Admin
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.CHAPITRE LXXV.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ avant Matines.(suite)
Pendant qu'il parlait encore, l'infâme Judas, ce mercenaire abominable, arriva devant eux et l'embrassa. On dit que c'était la coutume du Seigneur Jésus, lorsqu'il envoyait quelque part ses Disciples, de les recevoir par un baiser à leur retour, et qu'ainsi ce fut en employant ce signe que le traître le livra. Il précédait les autres, et en arrivant il embrassa son Maître, comme s'il eût voulu lui dire : « Je ne fais point partie de cette troupe armée, mais en revenant je vous donne le baiser suivant l'usage et je vous dis : « Salut, Maître (1). »
Considérez bien attentivement le Seigneur et fixez vos regards sur lui. Voyez avec quelle patience et quelle bénignité il reçoit les embrassements et les baisers de Judas, de ce traître infortuné dont, peu d'instants auparavant, il avait lavé les pieds et qu'il avait sustenté de la nourriture la plus précieuse; comment il se laisse prendre, lier, frapper et conduire avec brutalité comme un malfaiteur et comme un homme impuissant à se défendre; comment il compatit à ses Disciples qui viennent de prendre la fuite et errent çà et là.
Vous pouvez aussi considérer la douleur de ces mêmes Apôtres; comment ils se retirent à contre-cœur en poussant des gémissements et des soupirs, semblables à des orphelins que la terreur a glacés. Leur douleur s'augmente de plus en plus en voyant leur Seigneur traité si indignement, ces chiens furieux l'entraîner comme une victime, et lui, comme un agneau plein de mansuétude, les suivre sans résistance
Regardez comment ces scélérats le conduisent à la hâte et avec inquiétude, depuis le torrent qui coule vers les hauteurs contre Jérusalem. Il a les mains liées derrière le dos; il marche dépouillé de sa tunique, vêtu d'une façon humiliante, la tête découverte, le corps incliné par la fatigue, et on le fait avancer avec une célérité impitoyable. Lorsqu'on le présente aux Princes des Prêtres, Anne et Caïphe, et aux Anciens du peuple, qui étaient assemblés, ces hommes tressaillent comme un lion qui a saisi sa proie. Ils le soumettent à un examen, se procurent de faux témoins propres à le faire condamner, crachent sur sa face très-auguste, lui voilent les yeux, le frappent à coups de poings, le soufflettent en lui disant : « Prophétise qui t'a frappé ». Ils lui font subir des opprobres sans nombre qu'il endure sans jamais perdre patience.
Considérez-le en toutes ces choses, et témoignez-lui votre compassion.
Enfin, les Anciens…
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1. Mat., 26.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXV.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ avant Matines.(suite)
Enfin, les Anciens se retirèrent après l'avoir fait mettre dans une prison souterraine qui se trouvait en ces lieux et qu'on peut voir encore, ou du moins ses traces ; on l'y enchaîna à une colonne de pierre dont une partie fut brisée dans la suite, et que l'on montre encore, ainsi que je le tiens d'un de nos frères qui l'a vue. Ils enfermèrent aussi avec lui quelques hommes armés pour le garder plus sûrement, et ceux-ci le tourmentèrent pendant tout le reste de la nuit par leurs moqueries et leurs insultes.
Regardez donc comment ces téméraires et ces infâmes se répandent en injures contre lui. « Te croyais-tu meilleur et plus sage que nos Princes ? Quelle folie était la tienne ? Tu ne devais pas ouvrir la bouche contre eux. Comment as-tu osé agir comme tu as fait ? Maintenant ta sagesse se montre au grand jour; te voilà venu où tes semblables ont coutume d'arriver. Tu mérites la mort et, sans aucun doute, tu la subiras. » Telles étaient les insultes que lui adressaient tour à tour ces misérables durant toute la nuit, sans parler de tout ce qu'ils lui firent souffrir.
Que croyez-vous, en effet, que peuvent dire et faire de pareils hommes? Aussi est-il soumis, sans retenue ni respect, aux opprobres les plus humiliants et les plus indignes. Mais voyez-le maintenant : il garde le silence, plein de modestie et de patience; il est comme s'il avait été surpris en crime flagrant; il tient ses regards fixés vers la terre. Compatissez-lui du plus profond de votre cœur. O Seigneur ! en quelles mains êtes-vous tombé ? Combien grande est votre patience! Vraiment cette heure est l'heure des ténèbres.
C'est ainsi qu'il demeure debout, lié à cette colonne jusqu'au matin. Cependant Jean s'en va trouver Marie, notre Souveraine, et ses compagnes qui étaient réunies dans la maison de Madeleine, où elles avaient fait la Pâque, et leur raconte tout ce qui est arrivé au Seigneur et à ses Apôtres. Alors ce fut en cette maison des pleurs, des gémissements et des cris indicibles. Contemplez ces saintes personnes et compatissez-leur ; elles sont dans l'affliction la plus vive et dans la douleur la plus extrême sur leur bien-aimé Seigneur, car elles voient bien et elles croient, sans aucun doute, que l'heure de sa mort est arrivée.
Enfin, Marie se retire dans un coin et se met en prière.« Père très-vénérable, s'écrie-t-elle, Père très-pieux, Père rempli de miséricorde, je vous recommande mon très-cher Fils. Ne soyez point cruel à son égard, Vous qui êtes bon pour tous les hommes. Père éternel, Jésus, mon Fils, mourra-t-il? Cependant il n'a fait aucun mal. O Père juste ! vous voulez la rédemption du genre humain, mais, je vous en supplie, qu'elle se fasse d'une autre façon, car tout est possible à votre volonté. Je vous en conjure donc, ô Père très-saint ! qu'il vous plaise que Jésus, mon Fils, ne meure pas; délivrez-le des mains des pécheurs et rendez-le-moi. Quant à lui, par obéissance et par respect pour vous, il ne fait rien pour se tirer du danger. Il s'est abandonné lui-même, et il est au milieu de ses ennemis comme un homme impuissant et sans force. Mais vous, Seigneur, venez-lui en aide. »
Telles étaient les prières et autres semblables que notre Souveraine répandait de toute son âme, de toutes ses forces et au milieu d'une amertume de cœur sans limites. Ayez pour elle de la compassion en la voyant dans une telle affliction.
Or, le matin, de très-bonne heure...
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.CHAPITRE LXXVI.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ pour l'heure de Prime.
Or, le matin, de très-bonne heure, les Princes des Prêtres et les Anciens du peuple revinrent et firent lier au Seigneur les mains derrière le dos, en lui disant : « Viens avec nous, voleur; viens avec nous au tribunal ; c'est aujourd'hui que tes maléfices vont trouver fin ; c'est tout à l'heure que ta sagesse va apparaître. » Et ils le conduisirent à Pilate. Pour lui, il les suivait comme un coupable, bien qu'il fût un Agneau plein d'innocence.
Lors donc que les saintes femmes et sa Mère, en la compagnie de Jean, car elles aussi étaient sorties de grand matin, lorsque, dis-je, ces saintes personnes l'eurent rencontré au coin d'une rue, il est impossible de dire de quelle douleur elles fuient saisies en le voyant conduit par une si grande multitude d'une façon si indigne et si barbare. Cette rencontre fut, de part et d'autre, la cause d'une affliction immense. Car le Seigneur éprouvait une peine cuisante par la compassion qu'il portait aux siens et surtout à sa Mère, et il savait que toutes ces personnes ressentaient de son état une amertume telle qu'elle était suffisante pour leur causer la mort. Considérez donc et regardez attentivement chaque chose, car tout est propre ou plutôt rien ne saurait être plus propre à inspirer la compassion.
(1) Il est donc conduit à Pilate et ces femmes le suivent de loin, car il leur est impossible de l'approcher. On l’accuse sur une foule de points, et Pilate l'envoie à Hérode. Or, Hérode qui désirait vivement le voir à cause de ses miracles, en fut dans la joie ; mais il ne put obtenir de lui ni miracle, ni parole. Le considérant donc comme un fou, il le fit vêtir, par dérision, d'une robe blanche, et le renvoya à Pilate. Et ainsi voyez comment il est traité par tout le monde, non-seulement comme un malfaiteur, mais comme un insensé. Quant à lui, il supportait tout avec une patience inaltérable. Considérez-le aussi tandis qu'on le mène et qu'on le ramène; considérez-le s'avançant la tête baissée avec modestie, écoutant les cris, les injures, les mépris de cette multitude, recevant peut-être des coups de pierre et les souillures d'autres immondices. Considérez aussi sa Mère et ses Disciples qui se tiennent au loin et le suivent dans l'accablement d'un chagrin inénarrable.
L'ayant ramené à Pilate, ces chiens furieux…
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1. Luc., 23.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXVI.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ pour l'heure de Prime.(suite)
L'ayant ramené à Pilate, ces chiens furieux poursuivent leurs accusations avec une audace et une constance infatigables. Quant à Pilate, ne trouvant en lui aucune cause de mort, il faisait ses efforts pour le délivrer. Il dit donc : « Je le châtierai et je le renverrai.» O Pilate! tu châties ton Seigneur! Tu agis sans discernement, car il ne mérite ni la mort, ni les fouets. Que ta conduite serait plus sage si tu la corrigeais selon qu'il le désire ! Il ordonna qu'on le flagellât très-cruellement.
Le Seigneur est donc dépouillé ; on l'attache à une colonne et on le flagelle de diverses manières. Lui, jeune, bien fait, plein de modestie, le plus beau des enfants des hommes (1), se tient nu aux yeux de tous les spectateurs. Cette chair très-innocente, délicate, très-pure et brillante de beauté reçoit les coups douloureux et sanglants de ces infâmes. Ce corps, la fleur de toute chair et de toute la nature humaine, est couvert de coups et de blessures. De toutes parts coule son sang royal. On ajoute plaie sur plaie, meurtrissure sur meurtrissure; on renouvelle, on rend plus profonde sa douleur jusqu'à ce qu'enfin les bourreaux et ceux qui les surveillaient étant fatigués, on ordonne de le détacher. Or la colonne à laquelle il fut lié porte les traces de son sang, ainsi qu'on le lit dans plusieurs histoires. Considérez-le ici soigneusement et longtemps ; et si vous n'éprouvez aucune compassion, croyez bien que vous avez un cœur de rocher. C'est alors que fut accompli ce que dit Isaïe : « Nous l'avons vu, et il n'avait plus aucune forme. Nous l'avons regardé comme un lépreux, comme un homme que Dieu a frappé (1). »
O Seigneur Jésus ! quel fut l'audacieux, quel fut le téméraire qui vous dépouilla : Quels furent les hommes plus audacieux: encore qui vous lièrent? Quels furent ces hommes dont l'audace passe toute limite, qui vous flagellèrent si cruellement? O soleil de justice! vous avez voilé vos rayons, et les ténèbres se sont faites; elles ont eu la puissance en main, elles vous ont surpassé en puissance. C'est votre amour et notre iniquité qui vous ont rendu si faible. Que maudite soit cette iniquité si affreuse qui vous plonge dans un tel tourment !
Le Seigneur étant détaché de la colonne, on le conduit ainsi nu, ainsi flagellé, par la maison, pour qu'il recueille ses vêtements, que ceux qui l'avaient dépouillé avaient jetés de côté et d'autre. Considérez-le dans cette peine horrible et tremblante d'une façon pitoyable, car il faisait froid, comme le dit l'Évangile. Lorsqu'il veut se couvrir de ces vêtements, quelques-uns des plus impies s'y opposent en disant à Pilate : « Seigneur, cet homme s'est dit roi; revêtons-le et couronnons-le à la royale. » Alors prenant un manteau de soie rouge et dégoûtant, ils l'en couvrent et lui mettent sur la tête une couronne d'épines. Regardez-le donc en ces diverses circonstances et en chacun de ses tourments; il se soumet à tout; il endure tout ce qu'ils veulent lui faire souffrir. Il reçoit la pourpre, il porte sur sa tête la couronne d'épines, il tient en sa main le roseau, et pendant qu'ils fléchissent le genou et le saluent comme roi, il se tait et garde le silence avec une patience inaltérable.
Considérez-le maintenant…
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1. Ps. 44. — 1. Is. 53.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXVI.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ pour l'heure de Prime.(suite)
Considérez-le maintenant dans l'amertume de votre cœur. Voyez surtout sa tête couverte d'épines, que l'on frappe sans cesse avec le roseau. Voyez son cou qui s'affaisse sous le poids d'une douleur incroyable, alors qu'on le meurtrit sans pitié. Les épines perçaient cruellement sa tête vénérable; son corps était couvert du sang qui en ruisselait. O malheureux ! comme cette tête royale que vous frappez à cette heure vous apparaîtra terrible un jour !
Or, ils se moquaient de lui comme d'un roi qui veut régner et qui ne le saurait faire.
Pour lui, il endure tout de leur barbarie poussée à l'excès. Mais ce n'était pas assez d'avoir rassemblé toute la cohorte; afin d'augmenter sa confusion, ils le conduisirent devant Pilate et devant tout le peuple après en avoir fait l'objet de leurs dérisions; et ainsi il parait couvert d'un vêtement de pourpre et portant en tête la couronne d'épines.
Pour Dieu, regardez comment il se tient la tête baissée devant cette multitude qui vocifère et qui crie : Crucifiez-le ; devant cette foule qui ajoute à ses cris les insultes et les moqueries, comme si elle eût possédé une sagesse plus grande que la sienne, et qui déclare combien il a été insensé d'avoir agi comme il a fait contre les Princes des Prêtres et les Pharisiens qui l'ont fait revêtir de la sorte et qui le conduisent à une telle fin. Ainsi ce ne sont pas seulement les douleurs et les tourments, mais les opprobres qu'il reçoit de leur part.
Toute la multitude du peuple…
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXVII.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ
pour l'heure de Tierce.
Toute la multitude du peuple Juif demande donc que Jésus soit crucifié, et ainsi il est condamné à mort par Pilate, son juge infortuné. On ne se rappelle plus ses bienfaits ni ses miracles; on n'est point touché de son innocence, et, ce qui semble cruel, on ne recule point en arrière en considération des peines qu'on lui a déjà fait subir. Mais les Princes des Prêtres et les Anciens du peuple sont au comble de la joie en voyant leurs projets pervers mis à exécution. Ils font l'objet de leurs dérisions et de leurs moqueries de celui qui est le Dieu véritable et éternel, et ils pressent sa mort. On le ramène donc à l'intérieur du palais, on le dépouille de la pourpre ; il demeure nu en présence de tout le monde et on lui permet de reprendre ses vêtements.
Arrêtez ici votre attention et considérez le corps du Sauveur en ses diverses parties. Et afin de lui compatir plus intimement, afin de trouver en même temps une nourriture abondante à votre âme, détournez un peu les yeux de sa divinité, regardez seulement l’humanité, et vous verrez un jeune homme plein de beauté, de noblesse, d'innocence, d'amabilité, mais déchiré tout entier par la flagellation, tout couvert de sang et de plaies. Vous le verrez recueillant ses vêtements dispersés ça et là et s'en revêtant avec modestie, honte et confusion, en la présence de ses bourreaux qui se moquent de lui, et il vous semblera le plus faible des hommes, un homme abandonné de Dieu et privé de tout secours. Regardez-le avec attention et laissez-vous toucher de compassion, de pitié ; il ramasse ses vêtements l'un après l'autre et s'en revêt en présence de ces misérables.
Revenez ensuite à la Divinité et considérez cette immense, éternelle, incompréhensible et toute-puissante majesté incarnée qui s'incline humblement, s'abaisse jusqu'à terre, relève ses vêtements, s'en couvre avec honte et confusion, comme s'il n'était que le plus vil des hommes, et même un esclave devenu la possession de ceux qui sont présents et qu'on punit et châtie pour quelque faute. Considérez-le donc attentivement et admirez son humilité. Vous pouvez également, en lui exprimant la pitié que ces récits vous inspirent, le contempler lié à la colonne et flagellé avec une aussi horrible barbarie.
Après avoir repris ses vêtements on le conduit dehors pour ne point différer sa mort plus longtemps; et alors on place sur ses épaules le bois vénérable de la croix, bois long, gros et pesant, que l'Agneau plein de mansuétude reçoit et porte sans murmurer. C'est un sentiment appuyé sur plusieurs ouvrages, que la croix du Seigneur avait quinze pieds de hauteur. Sans tarder on le conduit, on le presse, on l'accable d'opprobres, de la manière que je vous ai dit plus haut en la méditation pour l'heure de Matines. Or, on le fait sortie avec ses compagnons, c'est-à-dire avec deux voleurs. Voilà sa société. O bon Jésus! de quelle confusion vous couvrent ces amis! On vous associe des voleurs ! Et pourtant, en imposant à vos épaules de porter la croix, on vous traite d'une façon plus humiliante encore, et l'on ne dit rien de semblable pour les voleurs eux-mêmes. Ainsi non-seulement il a été mis au rang des scélérats, selon la parole d’Isaïe (1), mais il a été regardé comme le plus indigne entre les voleurs. O Seigneur! Votre patience est vraiment ineffable !
Considérez donc bien comment il s'avance…
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1. Is. 53.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXVII.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ
pour l'heure de Tierce.(suite)
Considérez donc bien comment il s'avance, courbé sous sa croix, et comme il est hors d'haleine. Compatissez-lui autant que vous le pourrez, en voyant ses angoisses si nombreuses et les insultes qui recommencent contre lui.
Et comme sa mère vraiment accablée d'amertume ne pouvait l'approcher ni le voir à cause de la multitude immense qui s'était rassemblée là, elle s'en alla avec saint Jean et ses compagnons par un autre chemin plus court afin de devancer la foule, et d'arriver jusqu'à lui.
Or, lorsque après avoir passé la porte de la ville elle se trouva à sa rencontre, au débouché de plusieurs rues, et qu'elle le vit chargé d'un bois si énorme (ce qu'elle n'avait point aperçu jusqu'à ce moment), elle faillit perdre la vie de douleur et devint incapable de prononcer une parole. Le Seigneur ne put, de son côté, rien lui dire non plus, parce qu'il était pressé par ceux qui le conduisaient à grande hâte à la mort. Cependant ayant fait encore quelques pas il se tourne vers les femmes qui pleuraient, et leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais sur vous (1)… et le reste comme il est rapport; plus longuement dans l'Évangile.
On voit encore, en ces deux endroits, les traces d'églises qui y furent construites pour conserver aux hommes le souvenir de ces faits, selon que je le tiens d'un de nos frères qui y est allé. Le même frère m'a dit aussi que la montagne du Calvaire était éloignée de la porte de la ville, comme notre monastère l'est de la porte de Saint-Germain. Le chemin parcouru par le Seigneur portant sa croix était donc d'une longueur excessive. Aussi, lorsqu'il se fut avancé encore un peu, il se trouva tellement fatigué et abattu, que, ne pouvant plus porter sa Croix, il la déposa. Mais ces hommes pervers, ne voulant point différer sa mort dans la crainte que Pilate ne révoquât la sentence, car il avait montré la volonté de le renvoyer, ces hommes, dis-je, forcèrent un autre de la porter à sa place, et, après que Jésus eut été ainsi déchargé, ils le conduisirent au Calvaire, lié comme un voleur.
Maintenant, je vous le demande, tout ce que vous venez de méditer de ses souffrances à Matines, Prime et Tierce, et cela en dehors de son crucifiement, ne vous semble-t-il pas renfermer les douleurs les plus acerbes et les plus amères, aussi bien que les horreurs les plus étonnantes? Je suis persuadé, sans aucun doute, que tous ces motifs sont de nature, non-seulement à produire la compassion, mais encore à causer une vive peine. Je crois donc que c'est assez vous avoir parlé de ce qui a rapport à ces trois heures. Voyons à présent ce qui s'est passé au crucifiement et à la mort, c'est-à-dire à la sixième et à la neuvième heure. Ensuite nous verrons ce qui arriva après la mort, c'est-à-dire à l'heure de vêpres et de complies.
Le Seigneur Jésus, conduit par les impies, arriva enfin à…
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1. Luc., 23.
Dernière édition par Louis le Sam 24 Déc 2016, 4:44 pm, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXVIII.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ
pour l'heure de Sexte.
Le Seigneur Jésus, conduit par les impies, arriva enfin à la montagne immonde du Calvaire, où vous pouvez considérer les ouvriers d'iniquité s'empressant d'agir de tous côtés selon la malice de leur cœur. Fixez tous les regards de votre esprit sur ce qui se passe comme si vous y étiez réellement en personne ; représentez-vous avec le plus grand soin tout ce qui se fait contre votre Seigneur, et tout ce qu'il dit et fait lui-même. Voyez des yeux de votre âme l'un qui plante la croix, un autre qui prépare les clous et les marteaux, un autre qui dispose une échelle et les autres instruments, un autre qui règle tout ce qu'on doit faire, un autre, enfin, qui dépouille le Sauveur, car on le dépouille encore. Il apparaît nu pour la troisième fois en présence de cette multitude, et l'on renouvelle ses blessures en arrachant ses vêtements collés à sa chair.
C'est alors que Marie voit pour la première fois son Fils semblable à un captif, et, comme tel, prêt à subir une mort barbare. Elle en conçoit une tristesse qui passe toute mesure, et elle est couverte de confusion en l'apercevant totalement dépouillé, car on ne lui a pas même laissé ses vêtements de dessous. Elle s'élance donc d'un trait, s'approche de son Fils, l'embrasse et enveloppe sa nudité du voile qui couvrait sa tête. Oh! dans quelle amertume son âme est plongée ! Je ne crois pas qu'elle ait pu alors lui adresser une parole. S’il lui eût été libre de faire plus, sans doute la volonté ne lui eût pas manqué, mais elle était dans l'impossibilité de lui venir davantage en aide. Car il est arraché de ses mains avec fureur au pied même de la Croix.
Considérez soigneusement comment cette croix est disposée; deux échelles sont dressées, l'une par derrière, au bras droit, l'autre au bras gauche, et les infâmes y montent avec les clous et les marteaux. On place en avant une autre échelle qui atteint l'endroit où doivent être attachés les pieds. Observez maintenant chaque chose. Le Seigneur Jésus est forcé de monter vers la croix, au moyen de cette petite échelle, et il se soumet sans résistance ni contradiction à tout ce qu'ils veulent. Lors donc qu'il est arrivé à la croix, il se tourne, ouvre ses bras royaux, étend ses mains pleines de beauté et les offre à ses bourreaux. Il regarde le ciel et dit à son Père :
« Enfin me voici en ce lieu, ô mon Père; vous avez voulu m'humilier jusqu'au supplice de la croix pour l'amour et le salut du genre humain. Je l'accepte de grand cœur, et je m'offre pour ceux que vous m'avez donnés et que vous avez voulu rendre mes frères. Acceptez donc aussi, vous, mon Père, ce sacrifice, et désormais soyez facile à apaiser par amour pour moi. Effacez les taches anciennes dont tous les hommes sont souillés; éloignez-les d'eux ; c'est pour eux que je m'offre à vous, ô mon Père. »
Cependant celui qui est derrière la croix saisit la main droite et la cloue fortement au bois. Ensuite celui qui est à l'autre extrémité prend la main gauche, la tire et l'étend autant qu'il le peut, y place un clou, le frappe et l'enfonce dans la croix. Puis il descend et l'on écarte les échelles. Le Seigneur demeure suspendu de toute la pesanteur de son corps, qui l'entraîne en bas, et il n'est soutenu que par les clous qui lui transpercent les mains. Alors un troisième arrive et le tire par les pieds de toutes ses forces; et après qu'il a été ainsi étendu, un autre vient et les lui perce au moyen d'un clou énorme.
Il y en a pourtant qui croient…
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXVIII.
Méditation sur la Passion de Jésus-Christ
pour l'heure de Sexte.(suite)
Il y en a pourtant qui croient que ce n'est point de cette manière que le Seigneur fut crucifié, mais que la croix demeura couchée sur le sol, et qu'après qu'il y eut été attaché, on l'éleva et on la fixa en terre. Si cela vous plaît mieux, voyez de quelle façon on le prend pour le plus vil des misérables, comme on le renverse avec fureur sur la croix, comme on saisit ses bras et comme après les avoir étendus avec violence, on les cloue cruellement à la croix. Contemplez de la même manière ce qui se passe pour ses pieds que l'on tire sans pitié le plus qu'il est possible.
Voilà le Seigneur Jésus crucifié, et il est étendu sur la croix avec une telle violence, que tous ses ossements pourraient être comptés, ainsi qu'il s'en plaint lui-même par le Prophète (1). Des ruisseaux de son sang vénérable coulent de ses cruelles blessures, et il est dans une gêne telle qu'il ne peut faire aucun mouvement, si ce n'est de la tête. Ces trois clous soutiennent tout le poids de son corps; il endure les douleurs les plus atroces, il est dans l'affliction au delà de tout ce qu'on peut dire, de tout ce qu'un peut imaginer. Il est suspendu entre les deux voleurs. De toutes parts, des peines; de toutes parts, des opprobres, des injures. Car, malgré son oppression, on ne lui épargne aucune insulte ; les uns le blasphèment en disant : « Va ! toi qui détruis le temple de Dieu! » d'autres en s'écriant : « Il ne peut se sauver lui-même ; » et d'autres outrages sans nombre, comme ces paroles : « S'il est le Fils de Dieu, qu'il descende de la croix, afin que nous croyions en lui !!! » Quant aux soldats qui le crucifièrent, ils partagèrent ses vêtements sous ses yeux.
Et tout cela se fait, tout cela se dit en présence de sa Mère abreuvée de tristesse. La compassion qu'elle porte à son Fils accroît la douleur de sa Passion, et réciproquement. Elle était suspendue avec lui sur la croix, et elle eût mieux aimé mourir avec lui que de vivre plus longtemps. De toutes parts, ce sont des angoisses. On pourrait sentir ces tourments, mais les raconter est chose totalement impossible. La Mère se tenait auprès de la croix de son Fils, ayant derrière elle la croix d'un voleur; elle ne détournait point ses yeux de dessus son Fils ; elle souffrait de chacun de ses tourments, et elle priait son Père de toute l'ardeur de son âme.« Mon Père, Dieu éternel, disait-elle, il vous a plu que mon Fils fût crucifié ; ce n'est plus le temps de vous le redemander. Mais voyez dans quelle agonie son âme est plongée. Je vous en conjure, adoucissez sa peine, s'il vous plaît. Mon Père, je vous recommande mon Fils. »
Le Fils priait de même pour sa Mère, et disait silencieusement en son cœur :« Mon Père, vous voyez en quelle affliction est ma Mère. C'est moi qui dois être crucifié et non pas elle ; cependant elle est avec moi sur la Croix. C'est assez que j'y sois, moi qui suis chargé des péchés de tout le peuple; mais pour elle, elle ne mérite rien de semblable. Voyez sa désolation ; durant tout le jour, elle a été oppressée par la douleur (1). Je vous la recommande; rendez-lui donc ses peines tolérables. »
Il y avait aussi auprès de la Croix Jean et Madeleine, et les deux sœurs de la Mère de Jésus : Marie, mère de Jacques, et Salomé et peut-être plusieurs autres encore. Tontes ces personnes, surtout Madeleine, la bien-aimée Disciple de Jésus, pleuraient amèrement sans pouvoir se consoler de leur tendre Seigneur et Maître, et compatissaient à Jésus, à sa Mère et à elles-mêmes. Leur douleur se renouvelait sans cesse, car leur compassion était entretenue par les injures et les outrages qui venaient ajouter un nouveau tourment à la Passion du Seigneur.
Le Seigneur, suspendu à la Croix…
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1. Ps. 21. — 1. Thren., 2.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXIX.
Méditation sur la Passion du Seigneur
pour l'heure de None.
Le Seigneur, suspendu à la Croix, n'y demeura pas oisif jusqu'au moment où son âme sortit de son corps ; mais il y fit et enseigna des choses d'une grande utilité pour nous. Ainsi, il prononça sept paroles que nous trouvons écrites dans l'Évangile. La première fut dans l'acte même de son crucifiement, lorsqu'il pria son Père pour ses bourreaux en disant : « Mon Père, pardonner-leur, car ils ne savent ce qu'ils font (1). » Cette parole nous est la preuve d'une grande patience et d'un grand amour, et, en même temps elle exprime une charité ineffable.
La seconde parole fut à sa Mère, lorsqu'il dit : « Femme, voilà votre fils ; » et à Jean : « voilà votre mère (2)» Il ne lui donne pas le nom de mère, de peur que la tendresse de son amour si ardent n'augmente sa douleur.
La troisième fut au larron pénitent, lorsqu'il lui répondit : « Vous serez aujourd'hui avec moi dans le Paradis (3). »
La quatrième fut : « Eli, Eli, lamma sabacthani ! C'est-à-dire : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'avez-vous abandonné (4) ? » C'est comme s'il eût dit : « Mon Père, vous avez tant aimé le monde, qu'en me sacrifiant pour lui, vous semblez m'avoir abandonné. »
La cinquième fut lorsqu'il dit : « J'ai soif (1). » Cette parole fut, pour sa Mère, les Saintes femmes et Jean, la cause d'une grande compassion, et, pour ces barbares, la source d'une grande joie. Car, bien qu'on puisse expliquer cette soif du salut des âmes qu'il désirait avec ardeur, cependant il eut soif véritablement, car l'effusion de son sang l'avait desséché et rendu tout brûlant. Et, comme ces hommes cruels ne pouvaient plus imaginer comment il serait possible de lui nuire davantage, ils saisirent avec empressement cette nouvelle occasion de le tourmenter. C'est pourquoi ils lui offrirent à boire du vinaigre mêlé de fiel. Maudite soit leur fureur, parce qu'elle fut opiniâtre, et qu'ils s'acharnèrent contre lui autant qu'il fut en eux !
La sixième parole fut : « Tout est consommé (2). »
Comme s'il eût dit : mon Père, j'ai accompli parfaitement le commandement que j'ai reçu de vous. Commandez à votre Fils tout ce qu'il vous plaira : je suis disposé à accomplir jusqu'au bout tout ce qui peut s'offrir, car je suis prêt à subir tous les tourments (3). Mais tout ce qui a été écrit de moi est consommé. Si telle est votre volonté, mon Père, rappelez-moi à vous maintenant.
Et son Père lui répondit : « Venez mon Fils bien-aimé, vous avez bien fait toute chose, je ne veux point prolonger davantage vos souffrances. Venez et je vous recevrai en mon sein, je nous presserai entre mes bras. »
Dès lors il commença à languir à la manière des mourants, tantôt fermant, tantôt ouvrant les yeux, et à incliner la tête tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, ses forces l'abandonnant tout-à-fait.
Enfin il ajouta une septième parole en jetant un grand cri et en versant des larmes : « Mon Père, dit-il, je remets mon esprit entre vos mains (1). »
Et en prononçant ces mots il rendit l'esprit, et baissant sa tête sur sa poitrine, devant son Père, comme pour lui rendre grâces de ce qu'il le rappelait, il lui remit son âme. A ce cri le centurion qui était là se convertit, et dit en voyant qu'il avait expiré en poussant un tel cri : Il était vraiment le Fils de Dieu (2).» En effet les autres hommes au moment de leur mort sont impuissants à crier; aussi il crut en lui. Or ce cri fut tel qu'il fut entendu jusqu'au fond des enfers.
Oh ! en quel état se trouvait…
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1. Luc., 23. — 2. Joan., 10. — 3. Mat., 27. — 4. Id., id. — 1. Joan., 19. — 2. Id., id — 3. Ps. 57. — 1. Luc., 23. — 2. Mat., 27.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXIX.
Méditation sur la Passion du Seigneur
pour l'heure de None.(suite)
Oh ! en quel état se trouvait l'âme de Marie, lorsqu'elle voyait son Fils si péniblement s'affaiblir, languir, pleurer et mourir? Je crois qu'elle était absorbée dans la multitude de ses angoisses et rendue comme insensible, ou bien qu'elle était demi-morte en ce moment beaucoup plus que lorsqu'elle se trouva à sa rencontre pendant qu'il portait sa croix. Mais que faisait Madeleine, la fidèle et bien-aimée Disciple ? Que faisait Jean, chéri entre tous les autres? Que faisaient les deux sœurs de notre Souveraine ? Ou plutôt que pouvaient faire toutes ces saintes personnes remplies d'amertume, abreuvées de douleurs, enivrées d'absinthe ? Toutes elles versaient des larmes irrémédiables.
Voilà donc le Seigneur suspendu et mort sur la croix. Toute la foule se retire ; mais sa Mère accablée de tristesse demeure en la compagnie de ces quatre personnes. Elles viennent se placer auprès de la croix, contemplent leur bien-aimé, et attendent que le ciel leur vienne en aide pour avoir son corps et lui donner la sépulture.
Pour vous, si vous avez bien contemplé votre Seigneur, vous pouvez remarquer que, depuis l'extrémité des pieds jusqu'à la tête, il n'y a rien en lui qui soit sans blessures ; qu'il n'est en son corps aucun membre, aucun sens, qui n'ait éprouvé l'affliction ou la souffrance la plus extrême. Je vous ai retracé selon ma faiblesse et selon qu'il m'a paru convenir pour le moment à votre peu de capacité, ce qui est arrivé à la sixième et à la neuvième heure touchant le crucifiement et la mort du Sauveur. De votre côté attachez-vous à toutes ces choses avec dévotion, fidélité et sollicitude. — Maintenant parlons de ce qui a suivi sa mort.
Pendant que Marie, notre vénérable Souveraine…
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXX.
De l'ouverture du côté de Jésus.
Pendant que Marie, notre vénérable Souveraine, Jean, Madeleine et les deux sœurs de la Mère de Jésus demeuraient assis tous ensemble au pied de la Croix, les yeux fixés sans interruption sur le Seigneur ainsi suspendu, ainsi crucifié entre deux voleurs, ainsi nu, brisé par les tourments, mort et abandonné de tous, voilà que des hommes armés viennent en grand nombre de la ville au Calvaire. Ils étaient envoyés afin de rompre les jambes à ceux qui avaient été crucifiés, de hâter leur mort, et de les ensevelir, pour que leurs corps ne demeurassent point en croix pendant le grand jour du Sabbat.
Alors Marie et tous les autres se lèvent, regardent et voient ces hommes qui s'approchent. Ils ne savent ce dont il peut s'agir; leur douleur se renouvelle, leur crainte et leur effroi s'accroissent. Marie, surtout, est remplie de frayeur; elle se tourne vers son Fils mort et lui dit :« Mon Fils bien-aimé, pourquoi ces hommes reviennent-ils? Que veulent-ils vous faire de plus? Ne vous ont-ils pas mis à mort ? Mon Fils, je pensais qu'ils s'étaient rassasiés contre vous. Mais, je le vois bien, ils vous poursuivent encore après votre mort. Mon Fils, je ne sais que faire ; je n'ai pu vous défendre de la mort; cependant je viendrai et je me tiendrai à vos pieds auprès de votre Croix. Mon Fils, priez votre Père de les apaiser; pour moi, je ferai ce que je pourrai. »
Et tous cinq s'en vont en pleurant et se placent auprès de la Croix du Seigneur Jésus.
Or, ces hommes arrivent avec fureur et grand bruit, et, voyant que les voleurs vivent encore, ils leur brisent les jambes, achèvent de les faire mourir, les détachent de leurs croix et les jettent précipitamment dans la première fosse qui s'offre. Ils reviennent ensuite vers Jésus, mais Marie craignant qu'ils ne traitent de même son Fils, et percée de douleur jusqu'au plus profond de son cœur, songe à recourir aux armes qui lui sont propres, c'est-à-dire à l'humilité, qui était innée en elle.
Se mettant donc à genoux, les bras croisés sur sa poitrine, la voix brisée par la douleur, elle leur parle ainsi :« O vous que j'appelle mes frères! je vous en conjure au nom du Dieu Très-Haut, veuillez ne pas m'affliger davantage en la personne de mon Fils bien-aimé. C'est moi qui suis sa Mère infortunée, et vous savez, mes frères, que jamais je ne vous ai offensés, que jamais vous ne reçûtes de moi la moindre injure. Si mon Fils a paru opposé à vos projets, vous vous en êtes vengés par sa mort. Pour moi, je vous pardonne toute injure, toute offense, la mort même de mon Fils. Accordez-moi au moins cette grâce que je vous demande, de ne point rompre ses membres, et permettez-moi de l'ensevelir sans de nouvelles blessures. Il n'y a aucun motif de lui briser les jambes, car vous voyez bien qu'il est mort et que c'en est fait de lui. Il y a une heure déjà qu'il est sorti de ce monde. »
Or, Jean, Madeleine et les sœurs…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXX.
De l'ouverture du côté de Jésus.(suite)
Or, Jean, Madeleine et les sœurs de la Mère du Seigneur étaient à genoux avec elle et tous pleuraient amèrement. O ma Reine! que faites-vous ! Vous demeurez aux pieds des scélérats les plus infâmes ; vous priez des hommes inexorables. Croyez-vous fléchir, par la pitié, des barbares et des impies, et, par votre humilité, des cœurs remplis d'orgueil? L'humilité est en abomination aux superbes ; vous vous fatiguez en vain. En effet, l'un d'entre eux, nommé Longin, alors impie et orgueilleux, mais dans la suite chrétien, martyr et saint, Longin, méprisant leurs prières et leurs supplications, et agitant de loin sa lance, ouvrit, par une blessure énorme, le côté droit du Seigneur Jésus, et il en sortit du sang et de l'eau.
Alors Marie tomba demi-morte dans les bras de Madeleine; mais Jean, poussé par sa douleur, reprenant courage, s'élève contre eux et leur dit :« Hommes infâmes, pourquoi commettre cette impiété ? Ne voyez-vous pas qu'il est mort? Vous voulez donc aussi faire mourir sa Mère de douleur? Retirez-vous, car c'est nous qui l'ensevelirons. »
Alors il plut à Dieu qu'ils s'en allassent. Marie est rappelée à elle, et, se relevant comme une personne qui sort du sommeil, elle demande ce qu'on a fait de son Fils bien-aimé. On lui répond qu'on ne lui a rien fait de plus. Ensuite elle soupire, se livre à l'angoisse, et, regardant son Fils chéri, elle est altérée par une douleur mortelle.
Voyez-vous combien de fois elle a subi la mort en ce jour? Autant de fois sans doute que son Fils a été l'objet d'un nouvel outrage. Aussi a-t-elle vraiment ressenti tout ce que lui avait prédit Siméon, lorsqu'il lui dit : « Pour vous, un glaive transpercera, votre âme (1). » Aujourd'hui, le glaive de cette lance a vraiment percé le corps du Fils et l'âme de la Mère.
Cependant tous reviennent se placer de nouveau au pied de la Croix, ne sachant ce qu'ils doivent faire. Ils ne peuvent descendre le corps ni l'ensevelir, car ils n'ont pas la force suffisante, et ils ne possèdent aucun des instruments nécessaires pour le détacher de la Croix. Ils n'osent point se retirer et le laisser en cet état ; d'un autre côté, ils ne sauraient demeurer longtemps, car la nuit approche. Vous voyez dans quel tourment ils sont plongés. O Dieu miséricordieux! comment permettez-vous que celle qui vous est chère entre tous, celle qui est le miroir du monde et le repos de nos cœurs, soit ainsi dans la tribulation? Il serait bien temps qu'il lui fût donné de respirer un peu.
Cependant ils voient plusieurs personnes qui s'en viennent par le chemin…
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1. Luc, 2.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXXI.
Méditation pour l'heure de Vêpres.
Cependant ils voient plusieurs personnes qui s'en viennent par le chemin. C'étaient Joseph d'Arimathie et Nicodème, amenant avec eux quelques uns de leurs gens. Ils arrivaient munis d'instruments pour descendre le corps de la croix, apportaient avec eux environ cent livres de myrrhe et d'aloès, et ils venaient pour ensevelir le Seigneur. Aussitôt tous se lèvent, saisis d'une crainte terrible. O Dieu ! combien grande est l'affliction de ce jour !
Mais Jean regardant attentivement, dit : « Je reconnais parmi ces hommes, Joseph et Nicodème. » Alors Marie, reprenant ses forces, s'écrie : « Béni soit notre Dieu, qui nous envoie un secours! Il s'est souvenu de nous et ne nous a pas abandonnés. Mon Fils, allez à leur rencontre. »
Jean s'en va donc promptement à leur rencontre, et, arrivé vers eux, ils s'embrassent en versant des larmes abondantes sans pouvoir prononcer une parole pendant plus d'une heure, par l'excès de leur compassion, de leurs sanglots et de leur amertume.
Ensuite ils se dirigent vers la croix. Joseph demande quelles sont les personnes qui se trouvent là avec Marie, et où sont les autres Disciples. Jean lui nomme les personnes présentes; quant aux Disciples, il ne peut donner sur eux aucun renseignement, car aucun d'eux n'a paru en ce lieu aujourd'hui. Nicodème s'informe aussi de ce qui s'est passé, par rapport au Seigneur, et Jean lui fait le récit de tout.
Or, lorsqu'ils furent proches du Calvaire, ils se mirent à genoux et adorèrent le Seigneur en versant des larmes. Enfin arrivés là, ils furent reçus avec respect par Marie et ses compagnes à genoux et inclinées jusqu'à terre. Eux de leur côté se prosternèrent également en pleurant amèrement, et ils demeurèrent en cette position pendant une heure.
Enfin Marie leur dit : « Vous faites bien de garder le souvenir de votre Maître, car il vous aimait tendrement ; et je vous avoue qu'à votre arrivée une lumière nouvelle a semblé se lever pour moi ; car nous ne savions ce que nous devions faire. Que le Seigneur vous récompense! »
Et eux répondent : «Nous déplorons de tout notre cœur tout ce qui a été fait contre notre Maître. Les impies ont prévalu contre le Juste. Nous l'eussions de grand cœur arraché à une injustice si criante, s'il eût été en notre pouvoir de le faire. Au moins nous rendrons à notre Seigneur et Maître cette faible marque de notre amour.»
Se levant donc, ils se disposent à descendre de la croix le corps de Jésus.
Pour vous, considérez soigneusement...
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXXI.
Méditation pour l'heure de Vêpres.(suite)
Pour vous, considérez soigneusement et avec attention de quelle manière ils agissent, selon que je vous l'ai dit plus haut. On dresse deux échelles aux extrémités opposées de la croix; Joseph monte sur celle qui est au côté droit et s'efforce d'arracher le clou de la main du Seigneur. Mais il éprouve une grande résistance, car le clou est gros et long, et il est profondément enfoncé dans la croix. Aussi semble-t-il impossible de le tirer sans presser fortement la main ; mais ce n'est pas de la part de Joseph de la violence, car il agit avec amour et le Seigneur agrée tout ce qu'il fait. Ce clou arraché, Jean fait signe à Joseph de le lui remettre afin que Marie ne le voie point.
Ensuite Nicodème tire celui de la main gauche et le remet de même à Jean. Après il descend et va au clou qui retenait les pieds. Pendant ce temps-là Joseph soutenait le corps de Jésus. Heureux Joseph qui a mérité de serrer dans ses bras le corps du Seigneur ! Marie alors prend avec respect la main droite qui pendait et la porte à sa bouche ; elle la considère et la baise avec des larmes ineffables et des soupirs douloureux.
Enfin le clou des pieds étant arraché, Joseph descend un peu, et tous reçoivent le corps du Seigneur et le déposent à terre. Marie reçoit la tête et les épaules sur son sein, Madeleine les pieds, ces pieds où autrefois elle avait trouvé une grâce si immense; les autres l'environnent et tous poussent sur lui de grands gémissements; tous le pleurent avec une amertume très-profonde, comme on pleure un fils unique.
Quelque temps après, comme la nuit approchait, Joseph…
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXXII.
Pour l'heure de Complies
Quelque temps après, comme la nuit approchait, Joseph prie Marie de lui permettre d'envelopper le corps dans un linceul et de l'ensevelir. Mais elle s'y opposait et disait : « Je vous en prie, mes amis, ne m'enlevez pas sitôt mon Fils, ou ensevelissez-moi avec lui. » Or, elle pleurait avec des larmes irrémédiables. Elle contemplait les blessures des mains et du côté, tantôt l'une, tantôt l'autre ; elle considérait le visage et la tête du Sauveur, fixait ses regards sur les piqûres des épines, sur sa barbe arrachée violemment, sur sa face souillée de crachats et de sang, sur sa tête sans cheveux, et elle ne pouvait se rassasier de pleurer ni détourner les yeux.
On lit dans quelque récit que le Seigneur révéla à une âme dévote, qu'on lui avait coupé les cheveux et arraché la barbe ; mais les Évangélistes n'ont pas tout écrit. En effet, qu'on lui ait coupé les cheveux, et comment cela s'est fait, je ne saurais le montrer par l'Écriture; mais je pourrais prouver qu'on lui arracha violemment la barbe, car Isaïe, parlant en la personne du Seigneur, dit (1) : « J'ai abandonné mon corps à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui n'arrachaient la barbe. »
Aussi sa mère considérait tout cela et voulait le voir longuement. Cependant, l'heure pressant, Jean lui dit : « Je vous en prie, ma mère, soumettons-nous à la volonté de Joseph et de Nicodème; permettons-leur de tout disposer et d'ensevelir le corps de Notre Seigneur, car trop de retard pourrait leur attirer quelque accusation calomnieuse de la part des Juifs.
A cette parole, pleine de reconnaissance, guidée par la discrétion, et en même temps se souvenant qu'elle avait été confiée à Jean par son Fils, Marie ne s'opposa pas davantage, et, bénissant ce même Fils, elle voulut bien qu'on le disposât et qu'on l'ensevelît.
Alors Jean, Nicodème et les autres, commencèrent à envelopper le corps et à l'appareiller avec des linges, comme c'est l'usage chez les Juifs. Sa Mère cependant tenait toujours la tête dans son sein ; elle se réserva le soin de cette partie de l'ensevelissement, et Madeleine celui des pieds. Lors donc qu'après avoir entièrement disposé les jambes, on en fut arrivé là, Madeleine s'écria : « Je vous en prie, laissez-moi me charger de ses pieds, auprès desquels j'ai obtenu miséricorde. » Étant laissée libre, elle tint ces pieds embrassés et semblait défaillir de douleur. Elle les avait autrefois arrosés des pleurs de son repentir ; mais dans ce moment elle les lava bien plus largement dans des ruisseaux de larmes arrachées à sa douleur et à sa compassion. Elle voyait ces pieds ainsi déchirés, transpercés, desséchés et sanglants, et elle pleurait très-amèrement.
Et, comme la Vérité a rendu d'elle ce témoignage, qu'elle aima beaucoup, de même elle pleura beaucoup, surtout en ce dernier devoir rendu à son Maître et Seigneur ainsi affligé, ainsi flagellé, ainsi déchiré de blessures, ainsi mort, ainsi réduit au néant. C'est à peine si son âme pouvait demeurer en son corps, tant sa douleur était immense ; d'ailleurs, vous pouvez bien penser que si elle en eût eu le pouvoir, elle serait morte volontiers aux pieds de son Seigneur. Elle ne voyait point de remède à son angoisse ; elle n'était point accoutumée à rendre à Jésus de semblables services; et celui qu'elle lui rend en ce moment, c'est pour la première et la dernière fois. En le rendant, son âme s'oppresse d'amertume, car elle ne peut faire ni autant qu'elle voudrait, ni comme il conviendrait. Elle désirerait laver le corps tout entier, l'oindre, et tout disposer de la manière la plus parfaite; mais ce n'est ni le lieu, ni le temps. Ne pouvant rien de plus, ni autrement, elle fait tout ce qui est en son pouvoir. Elle lave au moins les pieds de ses larmes, elle les essuie pieusement, les embrasse, les couvre de ses baisers, les enveloppe, les arrange avec soin, selon qu'elle peut et qu'elle sait le mieux convenir.
Le corps étant donc ainsi disposé, ils regardent Marie afin qu'elle veuille bien terminer, et ils recommencent à pleurer...
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1. Is. 50.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXXII.
Pour l'heure de Complies(suite)
Le corps étant donc ainsi disposé, ils regardent Marie afin qu'elle veuille bien terminer, et ils recommencent à pleurer. Alors voyant quelle ne peut différer plus longtemps, elle pose son visage sur celui de son Fils bien-aimé et s'écrie :
« O mon Fils ! Je vous tiens mort contre mon sein. La séparation faite par votre mort est bien dure; nous avons conversé ensemble autrefois avec tant de bonheur et de joie!
« Nous avons vécu au milieu des hommes sans trouble et sans injure de notre part, bien qu'on vous ait fait mourir comme un coupable, ô mon très-doux Fils ! Je vous ai servi fidèlement, ô mon Fils, et vous m'avez servie de même. Mais dans ce combat si douloureux votre Père n'a point voulu vous venir en aide, et moi, je ne l'ai pu. Vous vous êtes abandonné vous-même, par amour pour le genre humain, que vous avez voulu racheter.
« Elle est dure, pénible outre mesure, cette rédemption dont je me réjouis à cause du salut des hommes. Mais j'éprouve sur vos douleurs, sur votre mort, une affliction sans limites, en me rappelant que vous n'avez jamais péché, et que, sans cause aucune, vous avez terminé votre vie par un supplice si honteux et si amer. C'en est donc fait ; notre union est détruite, ô mon Fils !
« Il faut que je me sépare de vous maintenant. Je vais vous ensevelir, moi, votre Mère abreuvée de douleurs. Mais ensuite où irai-je ? Je vous ensevelirais bien plus volontiers, si, en quelque lieu que vous fussiez, il m'était permis d'y être avec vous. Mais puisque je ne le puis faire de corps, au moins je m'ensevelirai d'esprit avec vous ; le tombeau qui recevra votre corps, renfermera mon âme; je vous l'abandonne; je vous la recommande, ô mon Fils! Combien est poignante cette séparation ! »
Alors, de l'abondance de ses larmes, elle lave la figure de son Fils beaucoup plus que Madeleine n'avait lavé ses pieds. Ensuite, elle essuie cette face de Jésus, baise sa bouche et ses yeux, enveloppe sa tête dans un suaire particulier et l'ajuste avec le plus grand soin : enfin, elle le bénit de nouveau.
Aussitôt tous se prosternent et l'adorent; et, ayant baisé ses pieds, ils le prennent et le portent au tombeau. Marie tenait la tête et les épaules, Madeleine les pieds, et les autres soutenaient le corps par le milieu. Il y avait un sépulcre proche le lieu du crucifiement, à la distance de la longueur de notre église environ. Ils l'y déposèrent respectueusement et à genoux, en versant des pleurs, poussant des sanglots et des soupirs sans cesse réitérés.
Ensuite, sa Mère le bénit encore, l'embrassa et demeura penchée sur son Bien-Aimé. Mais, l'ayant relevée, ils placèrent une grande pierre à l'entrée du tombeau.
Bède dit de ce tombeau « que c'était une demeure d'une forme ronde, taillée dans le rocher, d'une hauteur qu'un homme, en levant la main, pouvait atteindre à peine. L'entrée était à l'orient, et au nord se trouvait l'endroit où fut placé le corps du Seigneur. Ce dernier lieu faisait partie du rocher même et avait sept pieds de longueur. »
Joseph, voulant revenir à la ville…
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXXIII.
Méditation après Complies.
Joseph, voulant revenir à la ville après avoir ainsi accompli ce devoir, dit à Marie : « Ma Mère, je vous en prie pour Dieu et pour l'amour de votre Fils et mon Maître, qu'il vous plaise de venir en ma maison. Je sais que vous n'avez point de demeure à vous ; veuillez vous servir de la mienne comme si elle vous appartenait, car tout ce que je possède est à vous. »
Nicodème fit les mêmes offres. Oh ! quel sujet de compassion ! la Reine du ciel n'a pas où reposer sa tête, et, dans les jours de son deuil et de sa viduité, il faut la retirer sous un toit étranger. Oui, ces jours sont vraiment les jours de sa viduité, car le Seigneur Jésus était pour elle un fils et un époux, un père et une mère; il était tout son bien, et, par sa mort, elle perdit tout. Elle est vraiment veuve et abandonnée; elle n'a point de demeure pour s'y retirer.
S'inclinant donc humblement à l'offre de Joseph et le remerciant, elle lui répond qu'elle a été confiée à Jean. Comme ils continuaient leurs prières, Jean leur répondit qu'il voulait la conduire sur la montagne de Sion, en la maison où leur Maître avait fait la Cène la veille avec ses Apôtres, et que c'était là qu'il avait intention de demeurer avec elle. Alors ces hommes, s'inclinant devant Marie, et ayant adoré le Sépulcre, s'en allèrent.
Marie, Jean et les saintes femmes demeurèrent assis contre le Sépulcre, selon que le dit l'Évangile. Cependant la nuit approchait ; alors Jean dit à Marie : « Il n'est pas convenable de rester ici trop longtemps et de rentrer de nuit dans la ville; c'est pourquoi, s'il vous plaît, ma Mère, retirons-nous. »
Aussitôt Marie se lève, et, fléchissant les genoux, elle embrasse le Sépulcre, puis s'écrie : « Mon Fils, je ne puis rester plus longtemps avec vous; je vous recommande à votre Père. » Et élevant les yeux au ciel, elle ajoute avec larmes et avec un grand sentiment d'amour : « Père éternel, je vous recommande mon Fils et mon âme que je laisse ici. »
Alors ils se mirent en marche pour s'en aller ; mais lorsqu'ils furent arrivés à la Croix, Marie se prosterna et l'adora en disant : « C'est ici que mon Fils s'est reposé ; voilà son sang précieux. » Et tous firent de même après elle, car vous pouvez bien vous imaginer que ce fut elle qui la première adora la Croix.
Ils s'avancèrent ensuite vers la ville…
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LXXXIII.
Méditation après Complies.(suite)
Ils s'avancèrent ensuite vers la ville ; mais, durant le chemin, Marie regardait souvent en arrière. Arrivés à l'endroit au delà duquel ils ne pouvaient plus voir le sépulcre ni la croix, elle se retourna, s'inclina, et, se mettant à genoux là, elle l'adora très-pieusement ; et tous firent de même.
A l'approche de la ville, les sœurs de Marie la couvrirent, comme une veuve, d'un voile qui lui cachait presque tout le visage, et elles marchaient devant elle. Elle les suivait dans une profonde tristesse, ayant à ses côtés Jean et Madeleine.
Madeleine voulant, à l'entrée de la ville, se diriger par la rue qui conduisait à sa maison et les y amener avec elle, s'y prit à l'avance et dit : « Ma Mère, je vous en prie pour l'amour de notre Maître, allons à notre maison, nous y serons mieux. Vous savez combien lui-même y venait volontiers ; elle est à vous, et tout ce que je possède vous appartient; je vous en conjure, venez. » Et tous recommencèrent à pleurer.
Or, Marie gardant le silence et portant ses regards vers Jean, Madeleine fit au Disciple bien-aimé la même prière. Mais Jean répondit : « Il est plus convenable que nous allions jusqu'à la montagne de Sion, d'autant plus que c'est ce que nous avons dit à nos amis ; mais vous, venez plutôt avec nous. » Alors Marie ajouta : « Vous savez bien que j'irai partout où elle ira, et que je ne l'abandonnerai jamais. »
A leur entrée dans la ville accourent de toutes parts des vierges et d'excellentes dames qui viennent s'unir à Marie du plus loin qu'elles l'aperçoivent, et la consolent le long du chemin; mais aussitôt éclatent de nouveaux gémissements. Les hommes de bien aussi qui se trouvaient sur son passage éprouvaient pour elle une grande compassion, et, touchés jusqu'aux larmes, ils disaient : « Certainement une grande injustice a été commise aujourd'hui par nos Princes contre le Fils de cette femme, et Dieu a opéré de grands prodiges en sa faveur. Qu'ils tremblent pour ce qu'ils ont fait.»
Or, lorsqu'on fut arrivé à la maison, Marie se tourna vers les personnes qui l'avaient accompagnée, les remercia et les salua avec affection et reconnaissance. Elles, de leur côté, s'inclinèrent et se mirent à genoux; et alors recommencèrent les gémissements les plus amers. Marie entra ensuite dans la maison, suivie de Madeleine et de ses deux sœurs. Pour Jean, demeurant sur le seuil, il pria toutes ces bonnes personnes de retourner en leurs demeures, parce qu'il se faisait tard, et, les ayant remerciées, il ferma la porte.
Alors Marie, parcourant des yeux cette maison, disait :
« O mon très-doux Fils, où êtes-vous, car je ne vous vois plus ici ? O Jean, où est mon Fils ? O Madeleine, où est votre Père, lui qui vous aimait si tendrement ? O mes sœurs bien-aimées, où est notre Fils ? Celui qui était notre joie, notre douceur, la lumière de nos yeux, s'est retiré de nous ; il s'en est retiré au milieu d'une angoisse extrême ; vous en avez été témoins.
« Et ce qui accroît encore ma douleur, c'est de l'avoir vu se séparer de nous tout couvert de blessures, accablé d'amertume, desséché par la soif, brisé, oppressé et violenté, sans que nous ayons pu le secourir de rien ; c'est de voir que tous l'ont abandonné, et que son Père, le Dieu Tout-puissant, n'ait point voulu lui venir en aide.
« Et avec quelle promptitude toutes ces choses se sont accomplies, vous le savez! Jamais condamnation contre l'homme même le plus scélérat ne fut si précipitée ni si foudroyante. O mon Fils ! cette nuit-là même vous avez été pris, à la troisième heure condamné, à la sixième crucifié et vous êtes mort! O mon Fils! Combien amère est votre séparation, combien amer le souvenir d'une mort aussi honteuse ! »
Enfin Jean, la priant de modérer sa douleur, la consola.
Pour vous, si vous voulez leur donner une preuve de votre amour, vous saurez sans doute obéir à Marie, la servir, la consoler, la fortifier, afin qu'elle prenne un peu de nourriture et qu'elle engage les autres à en faire autant, car tous sont encore à jeun; et ensuite, ayant reçu la bénédiction de votre reine et de tous ceux qui sont présents, vous vous retirerez.
Or, le matin du jour du sabbat…
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