Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
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Or, vous devez savoir qu'il y a trois sortes de contemplation. Les deux principales sont pour les parfaits et la troisième pour les imparfaits. Pour les parfaits, c'est la contemplation de la majesté de Dieu et la contemplation de la cour céleste. Pour les imparfaits, c'est la contemplation de l'humanité de Jésus-Christ, et c'est elle que je m'applique à décrire en cet ouvrage. C'est par là qu'il vous faut commencer si vous voulez arriver à ce qui est plus grand ; autrement, loin de vous élever, vous retournerez plutôt en arrière : voyez donc combien vous est nécessaire l'enseignement de ce livre, puisque jamais vous ne pourrez concevoir l'espérance d'atteindre, par votre esprit, à ce qu'il y a de sublime en Dieu, si vous ne vous exercez avec soin et longtemps à cette sorte de contemplation. Voici comment sur ce sujet parle saint Bernard (1) :
« Il y a deux sortes de contemplation : l'une qui se rapporte à l'état, la félicité et la gloire de la cité d'en haut. C'est dans l'exercice ou le repos de cette contemplation que vit la multitude immense de ses célestes habitants. L'autre regarde la majesté, l’éternité et la divinité du roi suprême. Pour l'une, il faut traverser la muraille; pour l'autre, creuser dans le rocher. Mais plus celle-ci offre de difficultés à vos efforts, plus ce que vous pouvez en extraire renfermera de suavité. »
« Or, l'Eglise entière ne saurait entreprendre de percer le rocher, car il n'est pas donné à tous de pénétrer les secrets de la volonté divine, ni de sonder les profondeurs de Dieu. C'est pourquoi une demeure est offerte non-seulement dans le creux de la pierre, mais dans l'enfoncement de la muraille. Ainsi, les parfaits, à qui la pureté de la conscience permet d'oser, et la capacité de l'intelligence de pouvoir contempler et pénétrer les mystères de la sagesse divine, les parfaits, dis-je, habitent dans le creux de la pierre. Pour les autres, ils font leur séjour dans l'enfoncement de la muraille. Impuissants par eux-mêmes à creuser le rocher, ou du moins s'en jugeant incapables, ils perceront avec bonheur la muraille, ils contempleront en esprit la gloire des saints. »
« S'il se trouve quelqu'un à qui il soit impossible d'atteindre jusque-là, alors proposez-lui, sans difficulté, Jésus, et Jésus crucifié, afin qu'il puisse aussi habiter au milieu des ouvertures de la pierre; mais sans qu'il lui en coûte aucune peine et sans qu'il se soit fatigué à la creuser. Ce fut l'ouvrage des Juifs : il entrera en possession des travaux de ceux qui furent infidèles, afin d'être fidèle; il n'a à redouter aucun refus, car on l'invite à entrer : Entrez, dit le Prophète, dans les trous de la pierre, et cachez-vous dans les ouvertures de la terre pour vous mettre à couvert de la terreur du Seigneur et de la gloire de sa majesté (1). La terre est montrée toute ouverte à l'âme encore infirme et sans vigueur, afin qu'elle puisse s'y cacher jusqu'à ce qu'elle ait recouvré et accru ses forces, jusqu'à ce qu'elle soit capable de se creuser par elle-même, c'est-à-dire par son énergie et sa pureté , une ouverture dans le rocher, et de pénétrer ainsi jusqu'à l'intérieur du Verbe divin.
« Si, par la terre qui est ouverte…
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1. Serm., 62 sup. cant. — 1. Isaïe 2.
CHAPITRE L.
Des trois espèces de contemplation.
Des trois espèces de contemplation.
Or, vous devez savoir qu'il y a trois sortes de contemplation. Les deux principales sont pour les parfaits et la troisième pour les imparfaits. Pour les parfaits, c'est la contemplation de la majesté de Dieu et la contemplation de la cour céleste. Pour les imparfaits, c'est la contemplation de l'humanité de Jésus-Christ, et c'est elle que je m'applique à décrire en cet ouvrage. C'est par là qu'il vous faut commencer si vous voulez arriver à ce qui est plus grand ; autrement, loin de vous élever, vous retournerez plutôt en arrière : voyez donc combien vous est nécessaire l'enseignement de ce livre, puisque jamais vous ne pourrez concevoir l'espérance d'atteindre, par votre esprit, à ce qu'il y a de sublime en Dieu, si vous ne vous exercez avec soin et longtemps à cette sorte de contemplation. Voici comment sur ce sujet parle saint Bernard (1) :
« Il y a deux sortes de contemplation : l'une qui se rapporte à l'état, la félicité et la gloire de la cité d'en haut. C'est dans l'exercice ou le repos de cette contemplation que vit la multitude immense de ses célestes habitants. L'autre regarde la majesté, l’éternité et la divinité du roi suprême. Pour l'une, il faut traverser la muraille; pour l'autre, creuser dans le rocher. Mais plus celle-ci offre de difficultés à vos efforts, plus ce que vous pouvez en extraire renfermera de suavité. »
« Or, l'Eglise entière ne saurait entreprendre de percer le rocher, car il n'est pas donné à tous de pénétrer les secrets de la volonté divine, ni de sonder les profondeurs de Dieu. C'est pourquoi une demeure est offerte non-seulement dans le creux de la pierre, mais dans l'enfoncement de la muraille. Ainsi, les parfaits, à qui la pureté de la conscience permet d'oser, et la capacité de l'intelligence de pouvoir contempler et pénétrer les mystères de la sagesse divine, les parfaits, dis-je, habitent dans le creux de la pierre. Pour les autres, ils font leur séjour dans l'enfoncement de la muraille. Impuissants par eux-mêmes à creuser le rocher, ou du moins s'en jugeant incapables, ils perceront avec bonheur la muraille, ils contempleront en esprit la gloire des saints. »
« S'il se trouve quelqu'un à qui il soit impossible d'atteindre jusque-là, alors proposez-lui, sans difficulté, Jésus, et Jésus crucifié, afin qu'il puisse aussi habiter au milieu des ouvertures de la pierre; mais sans qu'il lui en coûte aucune peine et sans qu'il se soit fatigué à la creuser. Ce fut l'ouvrage des Juifs : il entrera en possession des travaux de ceux qui furent infidèles, afin d'être fidèle; il n'a à redouter aucun refus, car on l'invite à entrer : Entrez, dit le Prophète, dans les trous de la pierre, et cachez-vous dans les ouvertures de la terre pour vous mettre à couvert de la terreur du Seigneur et de la gloire de sa majesté (1). La terre est montrée toute ouverte à l'âme encore infirme et sans vigueur, afin qu'elle puisse s'y cacher jusqu'à ce qu'elle ait recouvré et accru ses forces, jusqu'à ce qu'elle soit capable de se creuser par elle-même, c'est-à-dire par son énergie et sa pureté , une ouverture dans le rocher, et de pénétrer ainsi jusqu'à l'intérieur du Verbe divin.
« Si, par la terre qui est ouverte…
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1. Serm., 62 sup. cant. — 1. Isaïe 2.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE L.
Des trois espèces de contemplation.(suite)
« Si, par la terre qui est ouverte, nous entendons celle qui a dit : Ils ont percé mes pieds et mes mains (2), il n'y aura plus à douter en aucune façon du prompt rétablissement de l'âme blessée qui y aura fixé sa demeure. Car où trouvera-t-on, pour guérir les plaies de l'âme, pour purifier les yeux de l'esprit, où trouvera-t-on un remède aussi efficace que la méditation continuelle des plaies sacrées de Jésus-Christ? Mais jusqu'à ce que cette âme soit parfaitement purifiée et guérie, je ne vois pas comment il lui serait possible de s'entendre adresser ces paroles : « Montrez-moi votre face; que votre voix vienne frapper mes oreilles (3). « Comment, en effet, oserait-elle montrer son visage et élever la voix, alors qu'il lui est recommandé de se cacher : « Mettez-vous à couvert dans l'ouverture de la terre, lui dit le Prophète. Pourquoi? Parce que son visage ne respire aucune beauté et n'offre rien qui puisse attirer les regards. Elle ne sera donc pas un objet digne d'être vu, tant qu'elle ne sera pas apte à voir elle-même. »
« Mais lorsque, par un long séjour dans l'ouverture de la terre, elle aura tellement avancé la guérison de son regard intérieur qu'elle sera devenue capable, elle aussi, de contempler à découvert la gloire de Dieu; alors, ce qu'elle verra, elle l'exprimera sans crainte, car sa voix et les traits de son visage seront pleins de grâce. Elle sera nécessairement agréable, cette face qui pourra demeurer fixée sur la clarté de Dieu. Elle ne saurait arriver jusque-là si elle n'était brillante, si elle n'était pure, ou plutôt si elle n'était transformée en l'image de la clarté même qu'elle contemple ; autrement, sa difformité, frappée d'une splendeur si inconnue, la ferait reculer en arrière. Lors donc que la pureté de l'âme lui permettra de fixer ses regards sur la clarté sans tache, l'Époux aussi désirera contempler sa face, et par conséquent entendre sa voix. »
Vous voyez combien il vous est nécessaire de méditer la vie de Jésus-Christ, puisque, d'après les enseignements que vous venez d'entendre, si vous ne vous purifiez dans cette méditation, vous n'arriverez jamais à ce qu'il y a d'élevé en Dieu. Il faut donc vous y exercer avec le plus grand soin et sans interruption.
Vous avez vu qu'il y a trois sortes de contemplations : celle de l'humanité de Jésus-Christ, celle de la cour céleste et celle de la majesté divine. Or, vous devez savoir que dans chacune d'elles il y a deux ravissements de l'âme : le ravissement intellectuel et le ravissement affectif. Saint Bernard en parle ainsi (1) : « Comme il y a deux ravissements dans la contemplation bienheureuse, l'un de l'intelligence et l'autre de l'affection, l'un de lumière et l'autre de ferveur, l'un de connaissance et l'autre de dévotion, sans aucun doute l'affection pieuse, l'amour brillant du cœur, l'infusion de la sainte dévotion et le zèle ardent dont l'esprit est dévoré, ne sauraient sortir d'ailleurs que des celliers où l'Époux a renfermé son vin. »
Saint Bernard dit donc touchant cette première sorte de contemplation…
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2. Ps. 21. — 3. Cant. 2. — 1. Serm., 49.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LI.
De la contemplation de l'humanité de Jésus-Christ.
Saint Bernard dit donc touchant cette première sorte de contemplation (2) : « Il y a en nous deux choses qu'il faut purifier : l'intelligence et la volonté; l'intelligence, afin qu'elle connaisse ; la volonté, afin qu'elle veuille. L'intelligence, dis-je, est abaissée alors qu'elle se répand sur une foule d'objets, lorsqu'elle néglige de se recueillir en une seule et unique méditation, qui est formée à l'image de cette cité dont toutes les parties ont une parfaite union entre elles. Quant aux affections qui subissent l'influente d'un corps corrompu par des passions diverses, elles ne sauraient jamais être apaisées, pour ne pas dire guéries, si la volonté ne cherche un seul objet, ne tend à un seul objet…
« Mais Jésus-Christ illumine l'intelligence, Jésus-Christ purifie la volonté ; car le Fils de Dieu est venu, et il a fait de si grands et de si nombreux miracles, afin de détourner notre intelligence de toutes les choses de ce monde, et afin que notre pensée ne fût occupée que des merveilles dont il est l'auteur, et qu'il nous a offertes comme un sujet inépuisable. Vraiment il a laissé à notre intelligence des espaces immenses à parcourir, et le torrent de pensées qu'ils renferment est d'une profondeur insondable. En effet, qui peut suffire à se représenter comment le Dieu de l'univers nous a prévenus, comment il est venu à nous, comment il nous a secourus, comment cette majesté sans pareille a voulu mourir pour nous donner la vie, être esclave pour nous faire rois, être dans l'exil pour nous ramener à la patrie, et s'abaisser jusqu'aux œuvres les plus humiliantes pour nous établir sur toutes choses ? »
« (1) D'où nous viendra la vérité au milieu de si épaisses ténèbres? D'où naîtra la charité en ce siècle pervers, en ce monde qui a été placé tout entier sous la puissance du malin esprit ? Pensez-vous qu'il y aura quelqu'un pour éclairer notre intelligence, pour enflammer noire cœur? Oui, sans doute, si nous nous convertissons à Jésus-Christ, afin qu'il enlève le voile étendu sur nos cœurs.»
Mon bien-aimé est pour moi comme un bouquet de myrrhe ; il demeurera sur mon sein...
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2. Serm., 3 de Asc. Dom. — 1. Serm. 6 de Ascens. Dom.
Dernière édition par Louis le Lun 24 Oct 2016, 10:57 am, édité 1 fois (Raison : orthographe)
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LI. De la contemplation de l'humanité de Jésus-Christ.(suite)
« (1) Mon bien-aimé est pour moi comme un bouquet de myrrhe ; il demeurera sur mon sein. Pour moi, mes frères, au commencement de ma conversion, afin de remplacer les mérites dont je savais bien être dépourvu, je me suis appliqué à former, et j'ai pris soin de placer sur mon cœur ce bouquet composé de toutes les peines et de toutes les amertumes de mon Seigneur. Ce sont d'abord les privations de son enfance, ensuite les travaux de ses prédications, les fatigues de ses courses, les veilles de ses prières, les tentations de son jeûne, les larmes de sa compassion, les embûches de la part de ses ennemis, les dangers de la part des faux frères, les injures, les crachats, les soufflets, les moqueries, les reproches, les clous et autres choses semblables que nous savons tous avoir été produites en abondance par la forêt évangélique et pour le salut du genre humain…
« Je me suis dit que méditer ces choses, c'était la sagesse par excellence. C'est là que j'ai placé pour moi la perfection de la justice, là que j'ai vu la plénitude de la science, les richesses du salut, l'abondance des mérites. C'est là que j'ai puisé tantôt le breuvage salutaire de l'amertume, tantôt l'onction suave de la consolation. C'est là ce qui me relève dans l'adversité, me contient dans la prospérité, sert de guide infaillible à mes pas, tandis que je m'avance dans le chemin royal de cette vie parmi les tristesses et la joie, ce qui chasse loin de moi les dangers qui me menacent de tous côtés. Ce sont ces choses qui me rendent favorable le Juge de ce monde, en me montrant doux et humble celui qui est formidable aux puissances, en me faisant voir non-seulement facile à apaiser, mais facile à imiter, celui qui est inaccessible aux principautés, terrible envers les rois de la terre. Voilà pourquoi ces choses sont l'objet fréquent de mes discours, ainsi que vous le savez; pourquoi elles sont continuellement en mon cœur, ainsi que Dieu en est témoin; pourquoi elles sont si familières à mes écrits, ainsi qu'on le voit pourquoi ma philosophie la plus sublime et la plus subtile est de connaître Jésus et Jésus crucifié. »
Contentez-vous de ces paroles de saint Bernard pour ce qui regarde la contemplation de l'humanité du Seigneur ; car tout ce livre se rapporte à ce même sujet. Sachez cependant que la vie active ne doit point marcher avant cette sorte de contemplation, car elle a pour objet des choses corporelles, c'est-à-dire les actions de Jésus-Christ selon son humanité. C'est pour cela qu'on l'offre comme plus facile, non-seulement à ceux qui sont plus parfaits, mais encore aux plus grossiers. Ensuite, en cette contemplation, nous nous purifions de nos vices, nous nous remplissons de vertus comme en la vie active, et ainsi elle concourt avec cette vie. Lors donc qu'on dit que la vie active doit précéder la vie contemplative, il faut l'entendre de ses autres espèces qui ont pour objet la contemplation de la cour céleste et de la majesté suprême, ce qui est réservé à ceux-là seulement qui sont parfaits. Aussi cette première sorte de contemplation serait-elle plus justement et mieux nommée méditation sur l'humanité de Jésus-Christ, que contemplation. Voyons maintenant ce qu'enseigne saint Bernard sur les deux autres espèces de contemplation dont nous avons parlé.
C'est ainsi que ce saint s'exprime touchant la contemplation de la cour céleste : ...
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1. Serm. 43 sup. cant.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LII.
De la contemplation de la cour céleste.
C’est ainsi que ce saint s'exprime touchant la contemplation de la cour céleste :
« (1) Il sera permis à chacun de nous, même pendant le temps de cette vie mortelle, de visiter tantôt les Patriarches, tantôt de saluer les Prophètes, de nous mêler au sénat des Apôtres, de nous unir aux chœurs des Martyrs, tantôt de parcourir, dans toute la joie de notre âme, les rangs et les demeures des vertus bienheureuses en commençant par le dernier des Anges pour nous élever jusqu'aux Chérubins et aux Séraphins, selon que notre dévotion nous y portera. Ceux vers qui nous nous sentirons entraînés davantage par l'Esprit-Saint qui se communique à chacun de nous dans la mesure qu'il juge convenable, ceux-là, dis-je, si nous nous arrêtons et si nous frappons, ouvriront sans retard. »
« (1) Heureux celui dont la pensée est toujours en présence du Seigneur, et qui repasse en son cœur, par une méditation diligente, les félicités inépuisables de la droite de Dieu. Que pourra-t-il rencontrer de pénible, alors que son âme sera profondément convaincue que les souffrances de ce temps ne sont point dignes d'entrer en comparaison avec la gloire à venir? Que pourra-t-il désirer en ce siècle pervers, lui dont l'œil voit sans cesse les biens du Seigneur dans la terre des vivants, dont le regard contemple sans interruption les récompenses éternelles? Qui m'accordera que, nous levant tous ensemble et que placés dans les cieux, il nous soit donné de voir le bonheur immense que le Seigneur nous prépare?... Que l'âme puisse demeurer au milieu des félicités, alors que le corps ne saurait le pouvoir encore, quel bien plus précieux, ou plutôt à quoi donner le nom de bien en comparaison de ce bien?... Quel est celui d'entre vous qui, pensant en soi-même à cette vie future, c'est-à-dire à la joie, à l'allégresse, à la béatitude et à la gloire des enfants de Dieu; quel est celui, dis-je, qui, repassant en soi de telles choses avec une conscience paisible, ne s'écrie aussitôt dans l'abondance de la suavité qu'il éprouve : Seigneur, il nous est bon d'être ici (2) ? Non pas sans doute dans ce pèlerinage d'amertume où notre corps nous enchaîne, mais dans cette méditation salutaire et suave où notre cœur est appliqué. Qui me donnera des ailes comme à la colombe, et je m'envolerai et je goûterai le repos (1).»
« Je vous en conjure, mes frères…
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1. Serm. 62 sup. cant. — 1. Serm. 4 de Asc. Dom. — 2. Mat., 17. — 1.Ps. 54.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LII. De la contemplation de la cour céleste.(suite)
« Je vous en conjure, mes frères, que vos cœurs ne soient point appesantis par les soins du siècle; déchargez, je vous en supplie, ces cœurs du lourd fardeau des pensées terrestres.... Édifiez en eux, non-seulement les tentes des Patriarches et des Prophètes, mais tous les palais, toutes les demeures de cette céleste cour, imitant l'esprit de celui qui les parcourait en immolant dans le tabernacle du Seigneur une hostie de louanges, et en chantant ce cantique : « Que vos tabernacles me sont chers, Seigneur Dieu des vertus ; mon âme soupire après les parvis du Seigneur ; elle est presque en défaillance par l'ardeur de ce désir (2) ».
« Et vous aussi, mes frères, parcourez en offrant une victime de ferveur et de dévotion, et visitez en esprit ces demeures élevées et nombreuses qui sont dans la maison de notre Père. Prosternez humblement vos cœurs devant le trône de Dieu et de l'Agneau. Offrez avec respect vos supplications à tous les ordres des Anges. Saluez l'assemblée des Patriarches, l'armée des Prophètes, le sénat des Apôtres. Contemplez les couronnes des Martyrs, brillantes de fleurs empourprées. Admirez les chœurs des Vierges répandant au loin le parfum des lis. Et, autant que le permet la faiblesse de votre cœur, prêtez une oreille attentive aux suaves accords du cantique nouveau : « Je me suis souvenu de ces choses, dit le Prophète, et j'ai répandu mon âme au-dedans de la demeure; car j'ai l'espérance que je passerai dans le lieu du tabernacle admirable, que j'irai jusqu'en la maison de mon Dieu (1). »
Telles sont les paroles de saint Bernard, et qu'elles nous suffisent pour ce qui regarde la contemplation de la cité céleste.
Arrivons maintenant à la contemplation la plus élevée…
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2. Ps. 83. — 1. Ps. 41.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LIII.
De la contemplation de la majesté divine,
et en même temps de quatre sortes de contemplation.
Arrivons maintenant à la contemplation la plus élevée, à laquelle je crois que bien peu atteignent : je veux dire la contemplation du Seigneur. Écoutons avec respect ce qu'en dit saint Bernard, afin qu'une fois introduits à cette sorte d'exercice, nous tentions, si Dieu daigne le permettre, d'en recueillir quelque fruit délicieux. Ce saint s'exprime donc ainsi en parlant des compagnons de l'Époux, c'est-à-dire des Anges qui s'écrient : Nous vous ferons des chaînes d'or marquetées d'argent.
« (2) L'or, c'est l'éclat de la divinité, c'est la sagesse qui brille du haut des cieux. Ces ouvriers célestes à qui ce ministère a été confié, s'engagent à fabriquer avec cet or certains objets brillants ornés de variétés, et à les entrelacer aux oreilles intérieures de l'âme. Pour moi, je ne pense pas qu'il s'agisse d'autre chose que de composer certaines images spirituelles, et d'offrir aux regards de l'âme contemplative les sens les plus purs de la sagesse divine qui y sont enfermés, afin qu'elle voie en énigme et comme en un miroir (1) ce qu'elle ne peut encore considérer face à face. Ce sont des choses divines que nous exprimons, des choses inconnues à celui qui n'en a point fait l'épreuve; car nous racontons comment, dans un corps mortel, sous le règne de la foi, alors que la substance de cette lumière éclatante et cachée n'a pas encore été manifestée, la contemplation de la vérité sans tache peut quelquefois tellement nous faire sentir ses effets, ou du moins quelques-uns de ses effets, qu'il soit permis à plusieurs d'entre nous à qui cette faveur a été donnée d'en haut, de s'écrier avec l'Apôtre : Maintenant, je connais en partie; et encore : Nous connaissons en partie, nous prophétisons en partie (2).
« Mais lorsque, subitement et avec la rapidité de l'éclair, quelque chose de plus divin brille aux regards de l'âme ravie, aussitôt, soit pour adoucir l'éclat de cette splendeur trop lumineuse, soit afin de nous en faciliter l'enseignement aux autres, aussitôt, et je ne sais comment, naissent en l'esprit certaines images des choses inférieures, adaptées aux sens alors divinement pénétrés. A l'aide de ces images, ce rayon splendide et sans tache de la vérité, se trouvant comme ombragé, devient plus tolérable à l'âme elle-même et plus facile à comprendre à celui à qui on voudra le faire connaître. Je pense cependant que de pareilles images sont formées en nous par l'entremise des saints Anges, de même que les images opposées et mauvaises sont en nous, sans aucun doute, l'œuvre des Anges pervers. »
Heureuse l'âme qui s'applique à creuser…
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2. Serm. 4 sup. cant. — 1. I Cor., 13. — 2. I Cor., 13.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LIII.
De la contemplation de la majesté divine,
et en même temps de quatre sortes de contemplation.
(suite)
« (1) Heureuse l'âme qui s'applique à creuser fréquemment dans la muraille, mais plus heureuse encore celle qui creuse dans la pierre même! Il est permis, sans doute, de creuser cette pierre, mais il est besoin pour cela que le regard de l'âme soit plus pur, que son désir soit vraiment plus intense, que les fruits de sa sainteté soient plus exquis. Quel est celui qui sera capable d'arriver jusque-là ? Celui qui a dit : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu; il était en Dieu dès le commencement (2). Ne vous semble-t-il pas que Jean se soit plongé dans les profondeurs mêmes du Verbe, et que des secrets de son cœur il ait tiré comme une moelle sacrée de sa sagesse la plus intime ? »
« Mais plus vous creusez difficilement dans la pierre, plus ce qu'il vous est donné d'en extraire vous offre de suavité. Ne craignez pas les menaces que l'Écriture adresse aux scrutateurs de la majesté divine ; apportez seulement à ce travail un œil pur et simple, vous ne serez point opprimé par sa gloire, mais vous serez admis à la contempler, à moins que vous ne cherchiez votre gloire à vous, et non celle de Dieu. Mais alors ce n'est pas la gloire de Dieu qui vous opprime, c'est la vôtre; car tandis que vous vous abaissez vers elle, il ne vous est point permis de lever en haut votre tête appesantie par la cupidité. Rejetant donc de côté cette vaine gloire, scrutons sans inquiétude les secrets de la pierre où se trouvent cachés les trésors de la sagesse et de la science. Peut-être conservez-vous encore quelque appréhension ; mais écoutez la pierre elle-même qui vous dit : Ceux qui travaillent en moi ne pécherons pas (1). — Ah ! qui me donnera des ailes comme à la colombe, et je prendrai mon vol, et je goûterai le repos (2). C'est là qu'il a trouvé le repos, celui qui est doux et simple, tandis que l'homme trompeur, superbe et soupirant après la vaine gloire, est dans l'oppression. »
« Il n'est pas opprimé celui qui n'est point un scrutateur de la majesté, mais de la volonté de Dieu. Quant à la majesté, il est bien vrai que parfois il ose arrêter ses regards sur son éclat, mais c'est entraîné par l'admiration et non pour la sonder. Si quelquefois il lui arrive, dans son extase, d'être ravi en cette majesté, c'est que le doigt du Seigneur est là ; c'est sa bonté qui élève l'homme et non la témérité de l'homme qui le pousse à pénétrer insolemment les profondeurs de Dieu. Lorsque l'Apôtre ne rappelle ses ravissements que pour excuser ce qu'il vient de dire, quel autre sur la terre osera s'enfoncer, appuyé sur ses seuls efforts, dans le secret terrible de cette majesté suprême, et, comme un contemplateur hors de saison, s'élancer dans ces mystères redoutables ?
« Je pense donc que les scrutateurs de la majesté divine, représentés comme des envahisseurs, ne sont pas ceux qui sont ravis par elle, mais ceux qui veulent l'atteindre de force. Aussi sont-ils opprimés par sa gloire. C'est donc une chose redoutable de scruter la majesté de Dieu, mais s'enfoncer dans la recherche de sa volonté, c'est un exercice aussi sûr que pieux. Pourquoi n'emploierais-je pas toute mon activité à approfondir le secret glorieux de sa volonté, dès lors que je sais que c'est un devoir pour moi de lui obéir en tout? Elle est douce, la gloire qui n'a point d'autre source que la contemplation de la suavité même de Dieu, que la vue des trésors de sa bonté, de ses miséricordes innombrables. Enfin, nous l'avons vue, cette gloire, gloire digne de la grandeur du Fils unique du Père (1), et tout ce que nos yeux en ont contemplé était plein de bénignité et vraiment paternel. »
« Non, une pareille gloire ne saurait m'opprimer…
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1. Serm. 62 in cant. — 2. Joan., 1— 1. Eccl., 24. — 2. Ps. 54. —1. Joan., 1.
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Louis- Admin
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LIII.
De la contemplation de la majesté divine,
et en même temps de quatre sortes de contemplation.
(suite)
« Non, une pareille gloire ne saurait m'opprimer, quand même je fixerais sur elle toute l'ardeur de mes regards; et même j'imprimerai en elle la trace de mes efforts ; car, contemplant sans voile cette gloire de Dieu, nous sommes transformés en la même image et nous avançons de clarté en clarté par l'illumination de l'Esprit du Seigneur (1).
« Or, nous sommes transformés en lui lorsque nous devenons conformes à lui. Loin donc de moi l'audace d'établir cette conformité en la gloire de sa majesté, plutôt qu'en une humble soumission à sa volonté. Ma gloire, la voici : c'est de pouvoir entendre un jour dire de moi : J'ai trouvé un homme selon mon cœur (2). Le cœur de l'Époux, c'est le cœur de son Père, et quel est-il? Soyez miséricordieux, dit-il, comme votre Père qui est dans les Cieux est miséricordieux lui-même (3). Telle est la beauté qu'il désire contempler lorsqu'il dit à son Église : Montrez-moi votre face, (4) ; beauté de douceur et de mansuétude. C'est cette beauté qu'elle élève en toute confiance vers la pierre à qui elle est semblable. Approchez-vous de lui, dit le Prophète, et soyez éclairés de sa lumière, et votre visage ne sera point couvert de confusion (5).
Comment, en effet, la confusion viendrait-elle sur celle qui est humble, de la part de celui qui est humble lui-même, sur celle qui est sainte, de la part de celui qui est la piété même, sur celle qui respire la modestie, de la part de celui qui est plein de mansuétude ? Non, la face sans tache de l'Épouse ne concevra pas plus d'effroi de la pureté de la pierre, que la vertu n'en conçoit de la vertu, que la lumière n'en conçoit de la lumière. »
« Marthe et Marie représentent les deux voies…
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1. II Cor., 3. — 2. I Reg., 13. — Act., 13. — 3. Luc., 6. — 4. Cant., 2. — 5. Ps., 33.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LIII.
De la contemplation de la majesté divine,
et en même temps de quatre sortes de contemplation.(suite)
« (1) Marthe et Marie représentent les deux voies suivies par ceux qui aiment la pauvreté. Il en est dont la sollicitude, s'unissant à Marthe, prépare deux mets au Seigneur Jésus : la correction de leurs actes empreinte du sel de la contrition, et le travail de la piété accompagné de l'assaisonnement de la dévotion. Mais ceux qui, avec Marie, vaquent à Dieu seul, considérant ce qu'il est dans le monde, ce qu'il est dans les hommes, ce qu'il est dans les Anges, ce qu'il est en lui-même, ce qu'il est dans les réprouvés, ceux-là reconnaissent que Dieu est le soutien et le gouverneur du monde, le libérateur et l'aide des hommes, la nourriture et la gloire des Anges, le principe et la fin de lui-même, la terreur et l'effroi des réprouvés. Ils le contemplent admirable en ses créatures, aimable dans les hommes, désirables dans les Anges, incompréhensible en lui-même, terrible dans les réprouvés. » Telles sont les paroles de saint Bernard.
Or, dans la contemplation de la majesté divine, nous agissons de quatre manières dont le même saint Bernard parle ainsi :
« (2) Il y a quatre sortes de contemplation : la première et la principale consiste à admirer la Majesté suprême. Elle veut pour cela un cœur purifié, afin que, le trouvant libre de tout vice, déchargé de tout péché, elle puisse l'élever facilement vers les hauteurs célestes et le tenir de temps à autre livré à l'admiration et suspendu au moins pendant quelques instants par l'étonnement et l'extase. »
« La seconde sorte de contemplation est nécessaire à la première : c'est celle qui considère les jugements de Dieu. En effet, tandis que cette vue terrible frappe avec véhémence l'esprit de celui qui s'y arrête, elle met le vice en fuite, fonde la vertu, initie à la sagesse et conserve l'humilité. »
« La troisième sorte de contemplation s'occupe ou plutôt se repose dans le souvenir des biens reçus, et, pour ne pas laisser ingrat celui qu'un pareil souvenir remplit, elle le pousse à l'amour de son bienfaiteur. »
« La quatrième, laissant dans l'oubli les choses passées, se repose dans la seule attente des biens promis, et, comme elle, embrasse l'éternité, car les biens promis sont éternels, elle nourrit la patience et donne la force à la persévérance. »
Ainsi s'exprime saint Bernard, et contentons-nous, pour le moment, de ces enseignements touchant la contemplation de la majesté de Dieu.
Après nous être entretenus de l'exercice de l'une et l'autre vie…
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1. Serm. 4 de Var. — 2. De Consid., I. 5, c. ult.
Dernière édition par Louis le Lun 31 Oct 2016, 7:20 am, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LIV.
Manière de vivre dans la vie active. — Excellents passages de saint Bernard sur ce sujet.
Après nous être entretenus de l'exercice de l'une et l'autre vie, c'est-à-dire de la première partie de la vie active et de la vie contemplative, ainsi que des espèces ces diverses de cette dernière, il nous reste à voir quelle règle il nous faut tenir pour y arriver plus facilement et la posséder plus efficacement. Vous devez donc savoir que la première partie de la vie active demande que l'on demeure avec les autres, de même que la contemplation exige la solitude; il faut habiter au milieu de ses frères, parce qu'on arrive plus promptement, par ce moyen, au but qu'on se propose. En effet, parmi les autres on rougit des vices auxquels on est sujet et de la privation des vertus qu'on ne possède pas; et ainsi, on se corrige en ces deux points, ce qui n'arriverait pas dans la solitude, car on n'y ferait nulle attention; vous ne trouveriez personne pour vous reprendre, personne qui vous fit rougir.
En outre, dans la vie commune, on profite des corrections qui sont faites aux autres et des bons exemples qu'ils donnent ; car naturellement on s'applique à éviter les défauts que l'on voit repris et qui déplaisent dans les uns, et à acquérir les vertus que l'on entend louer et que l'on aime dans les autres. C'est donc ainsi qu'il vous faut agir, tant que vous serez dans la vie active , si vous voulez prudemment découvrir et éviter les défauts qui sont en vous et dans les autres, selon qu'il vous a été dit plus haut en plusieurs endroits, surtout en traitant de l'exercice de la vie active.
Méditez avec soin ce qui vous a été enseigné alors touchant les vertus et les vices, et efforcez-vous de vous y conformer. Pensez de quelle manière vous devez vous examiner vous-même et considérer les vertus des autres, les imiter, tirer de là sujet de vous humilier et d'être toujours dans la crainte en voyant que vous ne possédez rien de semblable.
Voici ce que vous enseigne saint Bernard :
« (1) Ce n'est pas sans raison que depuis hier et même plus longtemps, je me suis trouvé envahi par une langueur d'âme, par un affaiblissement d'esprit et par une inertie inaccoutumée en toutes mes facultés. Je marchais bien ; mais voilà qu'une pierre d'achoppement s'est rencontrée sur mon passage, je l'ai heurtée et je suis tombé. L'orgueil a été trouvé vivant en moi, et le Seigneur s'est détourné dans sa colère de son serviteur. C'est de là que sont venus la stérilité de mon âme et le manque de dévotion que je ressens. Comment mon cœur s'est-il desséché? comment s'est-il épaissi comme le lait? Comment est-il devenu comme une terre sans eau ? Me voilà impuissant à verser des larmes, tant est grande la dureté de ce cœur! Je ne trouve plus mes méditations accoutumées. Où est cet enivrement de l'esprit? où est cette sérénité, cette paix de l'âme, cette joie dans le Saint-Esprit? Au lieu de tout cela, je me trouve paresseux pour le travail des mains, engourdi dans les veilles, prompt à la colère, persévérant dans la haine, facile aux exigences de ma langue et de mon palais, lent et sans pensée aucune pour la prédication. Hélas! le Seigneur a visité toutes les montagnes qui m'environnent, il ne s'est point approché de moi...
« Je vois l'abstinence étonnante de l'un, la patience admirable de l'autre…
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1. Serm. (45 ?).
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LIV.
Manière de vivre dans la vie active. — Excellents passages de saint Bernard sur ce sujet.
(suite)
« Je vois l'abstinence étonnante de l'un, la patience admirable de l'autre, l'humilité profonde et la mansuétude de celui-ci, la miséricorde et la douceur de celui-là; j'en vois quelques-uns ravis fréquemment dans leur contemplation, d'autres qui frappent et pénètrent dans les cieux par l'instance de leurs prières, et d'autres enfin qui brillent au milieu de nous par d'autres vertus. Je les considère tous, dis-je, pleins de ferveur, pleins de dévotion, unanimes en Jésus-Christ dans l'abondance des dons célestes et de la grâce; ils sont des montagnes vraiment spirituelles que le Seigneur a visitées et que l'Époux se plaît à parcourir. Pour moi, qui ne trouve en mon cœur rien de semblable, comment me regarder, sinon comme une des montagnes de Gelboé, que celui qui visite toutes les autres avec tant de bénignité, a passée dans sa colère et son indignation?
« Mes petits enfants, cette pensée abaisse l'orgueil des yeux ; elle attire en nous la grâce, elle prépare la voie aux visites de l'Époux... Je veux que vous ne vous épargniez pas, que vous vous accusiez vous-mêmes toutes les fois que vous découvrirez que la grâce s'est affaiblie en vous, même presque insensiblement, et lorsque la vertu commence à languir… C'est ainsi que doit agir l'homme qui se considère soi-même avec attention, qui sonde ses voies et ses occupations et qui redoute en toutes choses que le vice de l'orgueil ne trouve à se glisser en son cœur. J'ai appris dans la vérité que rien n'était aussi efficace pour mériter, conserver et recouvrer la grâce, que de se tenir en tout temps devant Dieu sans concevoir des pensées superbes, et dans la crainte. Heureux l'homme qui est toujours tremblant (1) ! »
« Apprenez à vous commander à vous-même…
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1. Prov., 28.
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.CHAPITRE LIV.
Manière de vivre dans la vie active. — Excellents passages de saint Bernard sur ce sujet.
(suite)
« (2) Apprenez à vous commander à vous-même, à régler votre vie, à composer l'ensemble de votre conduite, à vous juger. Apprenez à vous accuser vous-même auprès de vous-même, à vous condamner souvent, et à ne jamais vous laisser aller impuni. Que la justice soit assise pour vous juger, que devant elle se tienne votre conscience coupable, et qu'elle soit elle-même votre accusatrice. Personne ne vous aime plus tendrement, personne ne vous jugera plus fidèlement que vous. Le matin, faites-vous rendre compte de la nuit qui vient de se passer, et prenez vos précautions pour le jour qui commence. Le soir arrivé, exigez le rapport de toute la journée et prenez vos mesures pour la nuit qui survient.
« Avec cette sévérité, il ne vous sera pas libre de vous écarter de la droite ligne. Distribuez à chaque heure ses exercices selon la règle de votre institut; au temps marqué pour les exercices spirituels, donnez les exercices spirituels ; aux moments désignés pour ce qui est temporel, donnez ce qui est temporel. En tout cela, que l'esprit rende si bien tout ce qu'il doit à Dieu, et le corps tout ce qu'il doit à l'esprit, que si quelque chose a été omis, ou négligé, ou bien se trouve entaché d'imperfection quant à la manière , au lieu , au temps, rien ne demeure impuni ou sans une juste réparation. »
« (1) Combien j'admire, croyez-le bien, combien je vénère en mon cœur, combien j'embrasse dans l'ardeur de ma charité ceux qui, vivant comme s'ils ignoraient les hommes au milieu desquels ils sont, arrêtent leurs regards sur un, deux, ou plusieurs qu'ils voient marcher dans une plus grande ferveur d'esprit, les distinguent entre tous les autres, et, alors qu'eux-mêmes l'emportent peut-être sur ceux qu'ils observent ainsi, se les proposent cependant sans cesse comme des modèles, et ont toujours devant les yeux leurs saints élans vers le Seigneur, leurs œuvres corporelles ou même leurs exercices spirituels. »
« Malheur à moi, me dit un jour un des nôtres, car j'ai remarqué durant nos veilles un religieux en qui j'ai compté trente vertus, dont une à peine se trouve en moi, si toutefois il y en a même une seule. Et cependant ce religieux dont il me parlait n'en possédait peut-être aucune qui s'élevât au degré où l'humilité qui causait cette sainte jalousie était montée. Que le fruit que vous retirerez de ce discours soit donc de vous appliquer à considérer toujours ce qu'il y a de plus élevé dans les autres ; car c'est en cela que consiste la plénitude de l'humilité. Peut-être en quelque point vous semblera-t-il que vous avez été favorisé d'une grâce plus considérable que quelqu'un d'entre vos frères; mais si vous êtes rempli d'une sainte émulation, il vous sera facile de vous juger en beaucoup de choses inférieures aux autres.
« Qu'aurez-vous à prétendre, en effet…
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2. Epist. ad frac, de m. De. — 1. Serm. I de Altit. et humil. cord.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LIV.
Manière de vivre dans la vie active. — Excellents passages de saint Bernard sur ce sujet.
(suite)
« Qu'aurez-vous à prétendre, en effet, quand vous pourriez jeûner plus que celui-ci, si de son côté il vous surpasse en patience, s'il est plus avancé que vous dans l'humilité, s'il l'emporte par la charité? Pourquoi vous bercer durant tout le jour en la folle pensée de ce que vous croyez posséder? Soyez plutôt inquiet de savoir ce qui vous manque; car c'est là ce qui vous est le plus avantageux. »
Telles sont les paroles de saint Bernard.
Vous voyez combien c'est une chose grande de se considérer et de s'examiner soi-même, et en même temps de considérer et d'examiner les autres, afin de tourner leurs bons exemples à notre avantage. Exercez-vous donc beaucoup à cette pratique pendant que vous êtes dans la vie active, en remplissant toujours avec soin les devoirs de la charité, de l'humilité et de la piété. Mais, sur toute chose, soyez fidèle à la méditation de la vie de Jésus-Christ et à l'oraison, car c'est par là que vous serez illuminée d'une manière admirable touchant les vertus et les vices ; par là, plus que par aucun autre exercice, que vous avancerez dans la pureté de l'âme, à laquelle vous devez tendre de toutes vos forces, comme je vous l'ai dit en vous parlant du jeûne du Seigneur. Et si vous avez bien compris les passages que je vous ai apportés sur la contemplation, vous devez savoir que plus l'on désire arriver à une contemplation élevée, plus il faut se fortifier en la pureté du cœur.
Or, l'âme se purifie par la méditation de la vie de Jésus-Christ et surtout de sa Passion, ainsi que vous l'avez vu plus haut par les extraits du discours soixante-douzième de saint Bernard sur le Cantique des cantiques. Elle se purifie encore dans l'oraison qui est voisine et proche de la contemplation ; et ce que l'oraison obtient par un travail pénible, la contemplation le savoure dans un repos délicieux. Voilà ce que j'avais à vous dire sur la manière de vivre dans la vie active.
Mais dans la vie contemplative…
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.CHAPITRE LV.
Manière de vivre dans la vie contemplative.
Mais dans la vie contemplative, il faut se conduire autrement et d'une manière bien différente. Le contemplatif doit vaquer à Dieu seul et demeurer dans la solitude, au moins celle de l'esprit, comme vous avez pu le remarquer plus haut, lorsque je vous ai entretenu du jeûne du Seigneur. Il n'a donc rien à voir dans les choses communes, ni dans celles qui lui sont propres; rien touchant le prochain, quant aux services corporels qui regardent le temps présent, mais seulement par la prière, par la dévotion et la compassion ; rien non plus dans ce qui concerne sa propre personne. Il doit, sans tarder, rejeter tout derrière lui et demeurer, afin de pouvoir s'occuper de Dieu seul, comme insensible et comme mort, à moins que la nécessité n'exige qu'il n'en soit autrement que ses désirs ne le voudraient. C'est dans le repos qu'il doit apprendre cette sorte de sagesse, ainsi que je vous l'ai dit en citant le sermon quarantième de saint Bernard sur les Cantiques. Il faut qu'il agisse le moins possible et qu'il se taise, à l'exemple de Marie, de quelque manière qu'on l'interpelle; quelque réitérées que soient ces interpellations, qu'à son exemple, il laisse le Seigneur répondre et agir pour lui, et qu'il remette toutes choses aux soins charitables de sa providence. Mais plutôt écoutez saint Bernard traitant ce sujet avec son éloquence habituelle :
« (1) Marthe, en agissant, nous offre, dit-il, l'exemple d'une personne qui travaille parfaitement. Mais pour Marie, tandis qu'elle demeure assise, tandis qu'elle est dans le silence et qu'interpellée, elle ne répond rien, elle nous présente l'image du contemplatif. Elle est tellement appliquée de toute l'ardeur de son âme à la parole de Dieu, que, repoussant tout le reste, elle puise à longs traits le seul bien qu'elle aime, la connaissance de ce qui est divin ; et, ravie intérieurement dans la contemplation ineffable des joies de son Dieu, elle est devenue comme étrangère à ce qui est extérieur.
« Ne nous étonnons pas si nous entendons celui qui travaille et agit parfaitement murmurer, contre son frère qui se tient dans le repos, puisque nous lisons dans l'Évangile que Marthe a fait la même chose contre Marie. Mais vous ne trouvez nulle part que Marie ait murmuré contre Marthe en refusant de se mêler à son travail. Elle n'eût pu convenablement s'adonner à ces deux choses à la fois; elle n'eût pu satisfaire aux soins extérieurs et vaquer intérieurement à l'amour de la sagesse ; car c'est de cette sagesse qu'il est écrit : « Celui qui agit peu, l'acquerra (1). C'est pourquoi Marie s'assied et se tient immobile; elle ne veut point interrompre le repos de son silence, dans la crainte de perdre la douceur délectable de sa contemplation, surtout lorsqu'elle entend son Dieu lui dire intérieurement : Tenez-vous dans le repos, et voyez combien le Seigneur est plein de suavité. »
« Croyez-vous qu'en cette demeure qui reçoit Jésus…
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1. Serm., 5. — 1. Eccl., 38.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LV.
Manière de vivre dans la vie contemplative.(suite)
« (2) Croyez-vous qu'en cette demeure qui reçoit Jésus, l'accent du murmure puisse se faire entendre? Heureuse la maison, bienheureuse à jamais la communauté où c'est Marthe qui se plaint de Marie ! Il eût été tout-à-fait indigne, tout-à-fait blâmable que Marie eût élevé la voix contre Marthe. Mais où lisez-vous que Marie se soit plaint que sa sœur la laissât seule en son exercice ? Loin, loin de celui qui s'emploie à vaquer à Dieu seul, de soupirer après la vie des frères servants. Marthe semble toujours ne pouvoir se suffire à elle-même et être au-dessous de sa tâche ; c'est pourquoi elle désire vivement se décharger sur les autres en partie. Mais voyez la prérogative de Marie : en toute occasion, elle a un avocat. Le pharisien s'indigne, Marthe se plaint, les Disciples mêmes murmurent; partout Marie garde le silence, et le Seigneur parle pour la défendre. »
« Que Marie se tienne donc dans le repos et qu'elle voie combien le Seigneur est suave. Qu'elle voie, dis-je, quelle dévotion de l'âme, quelle tranquillité de l'esprit elle doit posséder pour s'asseoir aux pieds de Jésus, pour tenir son cœur toujours en sa présence, pour recevoir les paroles qui sortent de sa bouche, lui dont l'amour est si délectable et le langage si plein de douceur. La grâce est répandue sur ses lèvres, dit le Prophète, et il l'emporte en beauté sur les enfants des hommes (1), et même sur toute la gloire des Anges.
« Réjouis-toi et rends grâces, ô Marie ! de ce que tu as choisi la meilleure part ; car bienheureux sont les yeux qui voient ce que tu vois ; bienheureuses les oreilles qui méritent d'entendre ce qu'il t'est donné d'entendre. Oui! tu es bienheureuse, toi qui perçois dans le silence le murmure du souffle divin, dans ce silence où il est si avantageux à l'homme d'attendre le Seigneur. Sois simple, non seulement d'une simplicité sans arrière pensée, mais d'une simplicité qui rejette la multitude des occupations, afin qu'il puisse converser avec toi, celui dont la voix est pleine de charmes et le visage brillant d'un éclat glorieux. Évite seulement de commencer à abonder en ton propre sens et de vouloir être sage plus qu'il ne faut, de peur qu'en poursuivant la lumière tu ne viennes, sous l'illusion du démon du midi, à tomber dans les ténèbres. »
Telles sont les paroles de saint Bernard.
Vous comprenez par là que l'homme contemplatif doit tout mettre de côté, et les occupations, et les exercices corporels. Tout cela est directement opposé à sa vocation, et un des plus graves empêchements qu'il puisse rencontrer; tout cela multiplie les obstacles sur son chemin, et non-seulement lorsqu'il est livré à ces occupations, mais encore lorsqu'il en est sorti. D'abord c'est l'inquiétude et l'anxiété d'esprit, qu'il conçoit sur ce qu'il a fait et sur ce qu'il a à faire; ensuite ce sont les imaginations et les fantômes qui se forment en son âme et qui s'opposent grandement à la contemplation.
Voyons maintenant quels sont les empêchements que rencontre la contemplation…
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2. Serm. 3 de Assump. Virg. — 1. Ps. 44.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LVI.
Des quatre empêchements de la contemplation.
Voyons maintenant quels sont les empêchements que rencontre la contemplation. Ces empêchements sont au nombre de quatre, dont saint Bernard parle ainsi :
« (1) Si par hasard il arrive à certain moment que quelqu'un d'entre nous soit ravi et caché de telle sorte dans le secret de la contemplation, dans ce sanctuaire de Dieu, qu'il n'y soit inquiété ou troublé ni par la faiblesse de ses sens, ni par des soins poignants, ni par le remords de ses fautes, ni par le torrent plus difficile à éloigner, des vaines imaginations corporelles, celui-là revenu à nous pourra se glorifier et dire : Le roi m'a introduit dans le secret de sa demeure. »
Ainsi parle saint Bernard.
Le premier empêchement est donc la faiblesse des sens, c'est-à-dire du corps. L'âme, en effet, est tellement unie au corps que s'il soutire en quelqu'une de ses parties ou en quelqu'un de ses sens une incommodité notable, elle ne saurait trouver de joie dans la contemplation. Ainsi le temps de la maladie n'est pas un temps favorable à cet exercice, à moins que le Seigneur n'intervienne par une faveur spéciale. Il en est de même lorsque le corps est en proie à une faim violente, ou à une soif dévorante, ou à un froid trop rigoureux ou à quelqu'autre souffrance semblable.
Le second empêchement, qualifié de soins poignants, s'entend de la sollicitude des embarras et des occupations; et ce que nous avons rapporté dans le chapitre précédent, pourrait suffire pour éclaircir ce point. Le même saint Bernard, exposant dans un long discours les empêchements de la contemplation, dit entre autres choses : « (1) De même que la poussière tombant dans l'œil corporel, est un obstacle à la vue, ainsi la sollicitude des choses terrestres obscurcit l'œil de l'intelligence et l'empêche de contempler la vraie lumière. »
Le troisième empêchement s'appelle la faute qui engendre le remords, ou autrement le péché. Or, cela peut arriver de deux manières : d'abord lorsque le péché existe dans l'âme ; en second lieu, lorsqu'il y a été, et, qu'étant détruit par la contrition et la confession, il revient néanmoins en la mémoire.
L'un et l’autre sont un obstacle à la contemplation, selon que saint Bernard l'exprime au même endroit, où il dit : « De même que les ténèbres empêchent la vue du corps, ainsi le péché, lorsqu'il réside dans l'âme, lui devient un obstacle en la rendant ténébreuse. Et comme pour la contemplation l'âme a besoin de la pureté et de la beauté, elle ne peut en cet état y trouver aucun accès. De même, ajoute-t-il, que le sang ou l'humeur venant à s'épaissir et à couler dans les yeux, empêche l'exercice de la vue, ainsi le péché, lorsqu'il revient en la mémoire, influe sur l'âme, devient un obstacle à son regard.»
Vous devez donc, au temps de la contemplation…
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1. Serm. 23 in cant. — 1.Serm. 5 de Assumpt.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LVI.
Des quatre empêchements de la contemplation.
(suite)
Vous devez donc, au temps de la contemplation, prendre garde de ne point penser à vos péchés. Sans doute, il nous faut en tout temps nous regarder comme des pécheurs, mais il est nécessaire, lorsque nous voulons nous livrer à la contemplation, de ne point nous arrêter d'une manière distincte sur aucun de nos péchés ; et à ce sujet saint Bernard s'exprime ainsi :
« (1) Nous trouvons la contemplation de Marie dans ceux qui, par une longue suite de temps, ont pu s'avancer, aidés de la grâce de Dieu , vers quelque chose de meilleur et de plus délicieux, lorsque, déjà pleins de confiance en la miséricorde, ils ne s'inquiètent pas tant de repasser dans leur âme le triste souvenir de leurs péchés, que de méditer avec assurance la loi du Seigneur le jour et la nuit, et d'y puiser un bonheur insatiable. Parfois aussi le voile qui couvre leurs yeux venant à s'écarter, ils contemplent la gloire de l'Epoux avec une félicité ineffable ; ils sont transformés en son image et ils s'avancent de clarté en clarté conduits par l'Esprit du Seigneur.»
Le quatrième empêchement consiste dans les vains fantômes des images corporelles, et c'est là le plus difficile à vaincre. Voilà pourquoi la solitude est tant recommandée dans cet état. Il faut que le contemplatif soit muet, sourd et aveugle ; il faut qu'en voyant, il ne voie pas ; qu'en écoutant, il n'entende point, et qu'il ne trouve pas son plaisir à parler; c'est-à-dire qu'il doit être tellement étranger aux choses passagères et tellement uni à Dieu, que, soit qu'il entende, soit qu'il voie, soit qu'il converse, sa course n'en éprouve aucun ralentissement ; c'est-à-dire encore, qu'il doit fuir toutes ces choses, et, si la nécessité le contraint de s'y mêler, s'efforcer de n'en point rapporter les images en son âme ; car c'est en ces occasions qu'elles font en nous leur entrée comme par une porte ouverte à leur impétuosité.
Aussi le contemplatif ne doit pas, comme l'homme de la vie active, observer les actions des autres, de peur que son esprit n'y trouve sujet à de vaines imaginations. A plus forte raison devez-vous vous éloigner de tout entretien avec les personnes du siècle, quelque unie que vous puissiez être avec elles, ainsi que je vous en ai avertie plusieurs fois. Cependant si, de temps à autre, l'obéissance, la nécessité, la charité, ou même le besoin de vous récréer vous portent à entreprendre ou à faire quelque chose, acquittez-vous-en fidèlement; mais n'y attachez pas tellement votre volonté, n'y prenez pas un plaisir tel que l'image s'en imprime en votre âme, de peur que, voulant ensuite vaquer à Dieu seul, ce ne vous soit un empêchement.
C'est ainsi que s'exprime saint Bernard sur ce sujet :
« Quelquefois il faut travailler des mains…
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1. Serm. 57 sup. cant.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LVI.
Des quatre empêchements de la contemplation.(suite)
« (1) Quelquefois il faut travailler des mains, selon l'ordre que l'on en reçoit, mais ce n'est pas tant pour réjouir l'esprit pendant quelques instants que pour conserver et nourrir en lui le goût des choses spirituelles. Que notre âme trouve donc en cet exercice un moment de repos, et non pas un sujet de dissipation; et, lorsqu'il nous faudra rentrer en nous-mêmes, qu'il nous soit facile de nous retirer promptement de ces occupations sans éprouver la résistance d'une volonté qui s'attache, sans ressentir la contagion d'un plaisir qui se forme ou d'une imagination qui se remplit de fantômes. L'homme n'a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme. De même les exercices spirituels ne sont pas subordonnés aux corporels, mais ceux qui sont corporels aux spirituels.
« Ainsi, comme après la création de l'homme un aide lui fut préparé, semblable à lui et de sa propre substance, de même, bien que les exercices corporels soient nécessaires pour aider les exercices spirituels, cependant ils ne paraissent devoir leur être profitables que lorsqu'il y a entre eux ressemblance et affinité ; comme, par exemple, méditer pour écrire et écrire ce qu'on devra lire ensuite. Les exercices du dehors épuisent souvent aussi l'esprit, mais quelquefois de telle sorte que dans l'accomplissement plus pénible des travaux manuels, là où le corps éprouve une peine plus considérable, l'on arrive à la contrition et à l'humilité du cœur. Cette grande fatigue, en effet, fait naître souvent en nous l'ardeur d'une dévotion plus intense. Cependant le serviteur fidèle et prudent, toujours attentif à son repos intérieur, dispose son travail et ne s'y dissipe pas, mais par lui il croît de plus en plus dans le recueillement; car il n'a pas tant devant les yeux ce qu'il fait, que ce qu'il se propose. En agissant, ses yeux demeurent toujours fixés sur la fin de toute consommation. »
Vous voyez avec quelle vigilance il vous faut prendre garde de ne point embarrasser votre esprit dans des travaux manuels. Je sais, en effet, quels obstacles ils offriraient à votre contemplation par les inquiétudes qu'ils font naître. Mais contentons-nous de ce que nous venons de dire sur ces empêchements.
Vous pouvez comprendre clairement, par tout cela, combien nuisible est cette curiosité qui s'arrête à tout, affecte l'âme entière et la remplit d'inquiétudes et de souillures; combien déplorable est la cupidité, l'application à amasser des trésors, et par conséquent combien précieuse est la pauvreté qui conserve en tout temps l'âme pure et libre en la présence de Dieu. Au reste, ne vous laissez pas ébranler par ce que je vous ai déjà dit, que le contemplatif ne s'occupe pas de ce qui concerne le prochain ; car il est tout appliqué à Dieu, et il l'emporte sur l'homme actif dans l'amour qu'il lui porte; tandis que l'homme actif l’emporte sur le contemplatif par l'amour qu'il a pour le prochain.
Voici comment saint Bernard parle en cette occasion…
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1. Epist. ad frat. de mont. Dei.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LVI.
Des quatre empêchements de la contemplation.(suite)
Voici comment saint Bernard parle en cette occasion : « (1) Je dis que, par la grâce de Dieu qui est en nous, nous possédons, nous aussi, des figuiers et des vignes. Les figuiers sont ceux dont les mœurs sont plus douces et plus suaves ; les vignes, au contraire, ceux dont l'esprit est plus rempli de ferveur. Celui qui, au milieu de nous, agit en union et en paix, celui qui, non content de vivre sans contestation au milieu de ses frères, s'efforce encore de se montrer plein d'amabilité envers tous en embrassant tous les devoirs de la charité, pourquoi serait-il inconvenant de dire que celui-là nous tient la place du figuier ?...
« Mais ceux à qui nous donnons le nom de vignes, nous apparaissent plus sévères qu'aimables. Ils agissent avec un esprit brûlant de ferveur, ils sont zélés pour la discipline, reprennent le vice avec vigueur, et peuvent justement s'écrier avec le Prophète : « N'ai-je pas haï ceux qui vous haïssaient ? Et ne séchais-je point de douleur à la vue de vos ennemis (2) ? Ou bien encore : Le zèle de votre maison m'a dévoré (3) ! Pour moi, il me semble que les uns sont plus avancés dans l'amour du prochain, et les autres plus élevés dans l'amour de Dieu. »
Vous voyez que les contemplatifs, à qui il appartient surtout d'avoir du zèle pour la gloire de Dieu, sont préférés aux hommes de la vie active en ce qui concerne l'amour divin. Cependant, il faut l'entendre avec discrétion, car le contemplatif ne met jamais de côté l'amour du prochain, mais seulement c'est à Dieu qu'il s'applique principalement, et au prochain secondairement, alors même que celui-ci est la cause de sa détermination.
Il est tout-à-fait nécessaire, en effet, que celui qui est nouveau et qui commence à entrer dans la voie de la contemplation, vaque à Dieu seul le plus strictement possible, et qu'il demeure dans la solitude d'esprit et même dans celle du corps, autant qu'il le peut, jusqu'à sembler, par amour pour Dieu, négliger la gloire de Dieu, se négliger soi-même et le prochain, puisque la nature même de la solitude demande qu'il en soit ainsi, surtout quand la visite de l'Époux et ses fréquentes apparitions viennent y répandre la joie. S'il agissait d'une manière différente, il pourrait aisément perdre racine ; mais lorsqu'il est devenu parfait et qu'il a grandi dans un long exercice de la contemplation, alors il est plein d'un zèle courageux pour les intérêts de Dieu et pour le salut des âmes, comme vous l'avez vu dans le discours dix-huitième de saint Bernard sur les Cantiques, rapporté dans ce traité lorsque j'ai montré comment la vie contemplative précède la seconde partie de la vie active.
Cependant, lorsque la nécessité devient urgente, le contemplatif, quel qu'il soit, quel que soit son degré d'avancement, doit interrompre son repos par amour pour le prochain. Aussi le même saint Bernard s'écrie-t-il à cette occasion :
« (1) Qui doute que l'homme appliqué à l'oraison ne s'entretienne avec Dieu? Combien de fois cependant, la charité nous en faisant un précepte, sommes-nous détournés et éloignés de cet exercice par ceux qui ont besoin de notre secours ou de nos consolations ? Combien de fois ce doux repos cède-t-il, par tendresse, la place au tumulte des affaires? Combien de fois une conscience sage met-elle de côté les saints Livres pour se fatiguer au travail des mains? Combien de fois, même pour l'administration des choses terrestres, regardons-nous comme un devoir de surseoir aux saintes solennités du sacrifice divin ? C'est l'ordre renversé, mais la nécessité ne connaît point de lois. »
Vous avez vu dans le passage de saint Bernard cité an chapitre précédent, que…
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1.Serm. 60 sup. cant. — 2. Ps. 138. — 3. Ps. 63. — 1. Serm. 50 sup. cant.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LVII.
La vie contemplative mérite la préférence sur la vie active.
Vous avez vu dans le passage de saint Bernard cité an chapitre précédent, que le contemplatif l'emporte dans l'amour de Dieu sur celui qui mène la vie active : d’où il semble que l'on doit conclure que la vie contemplative mérite la préférence sur la vie active. Voici donc comment le même saint nous en parle :
« (1) D'où vient, mes frères, qu'il est dit que Marie a choisi la meilleure part? S'il lui vient à l'esprit de juger inférieur à la contemplation le travail trop ardent de Marthe, comment pourrons-nous lui adresser cette parole que nous avons coutume d'employer contre elle : L'iniquité de l'homme vaut mieux que les bienfaits de la femme (1)? Comment appliquer cette autre parole du Seigneur (2) : Si quelqu'un me sert, mon Père le comblera d'honneur ? Ou bien encore cette autre (3) : Que celui qui voudra être le plus grand parmi vous, soit votre serviteur? Enfin, quelle consolation trouvera celle qui travaille, si, comme pour lui faire injure, on exalte la part de sa sœur? Pour moi, je pense qu'il faut, en cette circonstance, choisir une de ces deux explications : le choix de Marie est loué, parce que c'est vraiment la part que nous devons préférer en tout, autant qu'il est en notre pouvoir ; ou bien il faut dire qu'elle a été parfaite en l'une et l'autre part, qu'elle n'a point précipité son choix d'un côté plutôt que d'un autre, mais qu'elle s'est tenue prête à obéir à son Maître, quelque fût son commandement.
« En effet, qui est fidèle comme David, qui sort et qui rentre selon l'ordre de son roi? Il s'écrie (4) : Mon coeur est prêt, non pas une fois seulement, mais il est prêt autant qu'il le faudra, et à vaquer à vous, Seigneur, et à servir le prochain. C'est là, assurément, la part la meilleure qui ne saurait être enlevée; c'est là l'esprit le meilleur, qui ne subira aucun changement de quelque côté que vous l'appeliez. Car celui qui aura bien servi, se sera acquis un degré excellent; celui qui aura bien vaqué à Dieu seul, un meilleur encore; et celui qui aura été parfait dans l'une et l'autre de ces choses, l'emportera sur tous les autres.
« J'ajoute encore, si cependant il est permis de concevoir de Marthe un soupçon pareil : Ne semble-t-elle pas juger sa sœur comme une personne oisive, alors qu'elle demande qu'elle lui vienne en aide ? Mais il est véritablement charnel, et il ne comprend en aucune façon les choses qui sont selon l'esprit de Dieu, celui qui ose accuser d'oisiveté l'âme qui jouit de ce repos. Qu'il apprenne donc que c'est là la meilleure part, celle qui demeurera éternellement. Ne doit-on pas regarder comme vraiment ignorante une âme qui, sans expérience aucune de la contemplation divine, veut pénétrer dans une région où cet exercice fait le travail, l'occupation unique et la vie de tous ceux qui l'habitent? »
« Il y a deux choses dans l'intention qui est appelée la face de l'âme…
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1. Serm. 3 de Assump. Virgin. — 1. Eccl. 42. — 2. Joan., 12. — 3. Mat., 20. — 4. Ps. 56.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LVII.
La vie contemplative mérite la préférence sur la vie active.(suite)
« (1) Il y a deux choses dans l'intention qui est appelée la face de l'âme, et elles sont requises nécessairement. Ce sont : l'objet de l'action et sa cause, c'est-à-dire ce que vous vous proposez, et ce pourquoi vous vous le proposez. C’est, sans aucun doute, par ces deux choses qu'on juge de la beauté ou de la difformité de l'âme...
« Or, s'appliquer à autre chose qu'à Dieu, mais à cause de Dieu, ce n'est pas seulement l'occupation de Marie, mais aussi celle de Marthe. Loin de moi d'avancer que celle qui en est là ait quelque difformité, bien que je n'affirme pas qu'elle soit arrivée à la perfection de la beauté. En effet, celle qui est encore pleine de sollicitude et de tourments pour plusieurs objets, ne saurait s'empêcher de porter l'empreinte au moins légère de la poussière soulevée par ses actions terrestres.
« Cependant, elle pourra la secouer promptement et sans embarras, au moins à l'heure du saint repos, si son intention est pure, si le regard de sa conscience est toujours fixé sur Dieu. Ainsi, chercher Dieu seul à cause de lui seul, c'est donc là véritablement posséder, dans toute leur beauté, les deux parties du visage brillant d'une intention parfaite; c'est là ce qui est propre et spécial à l’Épouse, ce qui lui donne la prérogative singulière de s'entendre dire avec justice : Vos joues ont la beauté de la tourterelle. »
« (1) La solitude et la réclusion sont des noms qui expriment la misère, mais la cellule ne doit, en aucune manière, être une prison ; elle est la demeure de la paix, une porte fermée ; elle n'est point un séjour ignoré, mais une habitation silencieuse et sans tumulte. En effet, celui avec qui Dieu réside n'est jamais moins seul que lorsqu'il est seul ; car c'est alors qu'il jouit librement de son bonheur ; alors qu'il s'appartient pour goûter Dieu en soi et jouir de soi-même en Dieu; alors qu'au flambeau de la vérité et dans le calme d'un cœur pur, sa conscience se dévoile d'elle-même sans nuage à ses yeux, et que sa mémoire se pénètre et s'impressionne de Dieu ; alors que son intelligence est illuminée, et que sa volonté jouit du bien qu'elle possède, ou que le défaut de la fragilité humaine se découvre sans réserve. Ainsi, ayant fixé votre demeure dans les cieux, selon la règle de votre institut, plutôt que dans vos cellules, ayant rejeté le siècle sans partage, vous vous êtes renfermés tout entiers avec Dieu… Vaquer à Dieu seul, ce n'est pas de l'oisiveté, mais l'affaire des affaires. »
Vous voyez donc, par tous ces passages, que la vie contemplative mérite la préférence sur la vie active. Je vous en ai cité encore bien d'autres en cet ouvrage, d'où vous pouvez conclure la même chose, aussi bien que de ce que je vous ai dit plus haut dans le chapitre qui a pour titre: Comment le Seigneur prit la fuite quand la foule voulut le faire roi, le tout tiré du discours XXXIIe de saint Bernard sur les Cantiques.
Maintenant, laquelle de ces deux vies renferme le plus de mérite ?...
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1. Serm. 40 sup. cant. — 1. Epist. ad frat. de mont. Dei.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LVII.
La vie contemplative mérite la préférence sur la vie active.(suite)
Maintenant, laquelle de ces deux vies renferme le plus de mérite ? C'est le secret de Dieu. Pour moi, je serais porté à croire que celui qui est embrasé d'un amour plus ardent mérite davantage. Mais il me semble que c'est dans la contemplation que l'on s'enflamme par-dessus tout en l'amour. C'est, en effet, une grande chose de contempler Dieu, de jouir de Dieu, de converser avec Dieu, de connaître sa volonté ; et tous ces biens sont le partage de l'homme contemplatif. C'est par eux qu'il a un avant-goût des récompenses de la patrie, quoique ce bonheur soit rare et imparfait. Aussi, les saints semblent-ils s'accorder en ce point : que la vie contemplative est une source plus abondante de mérites que la vie active. Mais quoiqu'il en soit, le Seigneur veut être servi selon ces deux vies. De même que les membres divers d'un même corps ne remplissent pas tous les mêmes fonctions, de même c'est la volonté de Dieu que les nombreux enfants de son Église s'appliquent à le servir de diverses manières; et puis le même Esprit n'est pas donné à tous, mais à l'un est donné le don d'une haute sagesse, à l'autre le don de la science, etc…
(1) Que chacun donc demeure dans la vocation en laquelle il a été appelé; que celui qui est apte à la contemplation s'applique à la contemplation ; que celui qui est porté à s'employer au service du prochain, s'exerce en ce ministère. Si le Seigneur a dit de Marie qu'elle a choisi la meilleure part, il a demandé aussi à Pierre comme un gage de son amour, qu'il prît soin de ses brebis, et il a insisté par trois fois sur cette même chose; et c'est en ce sens qu'il faut entendre les paroles suivantes de saint Bernard :
« (1) Que Marthe reçoive donc le Seigneur en sa maison, puisque c'est à elle que le soin de la maison est confié : qu'ils reçoivent aussi Jésus-Christ, tous ceux qui sont associés à Marthe en ces fonctions; qu'ils le reçoivent chacun selon la qualité de son ministère ; qu'ils le servent et lui prêtent leurs secours en ses membres , celui-ci en soignant ses frères malades , celui-là en s'occupant des pauvres, cet autre en recevant les voyageurs et les hôtes qui nous arrivent ; et, tandis qu'ils sont tout entiers aux sollicitudes de ces emplois divers, que Marie voie comment elle doit vaquer au Seigneur, et qu'elle goûte combien il est plein de suavité. »
Et vous donc, puisque votre état l'exige, adonnez-vous de toutes vos forces à la vie contemplative, après avoir fait marcher en avant cette partie de la vie active par laquelle on y parvient. Réjouissez-vous et rendez grâces au Seigneur Jésus de ce qu'il vous a appelée à cette part qu'il a nommée la meilleure.
Quoique j'aie indiqué plus haut, en divers endroits…
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1. I Cor., 12. — 1. Serm. 3 de Assumpt. Virg.
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.CHAPITRE LVIII.
Le contemplatif se reporte pour trois raisons et la vie active;
et ensuite que la foi sans les œuvres est une foi morte.
Quoique j'aie indiqué plus haut, en divers endroits, que le contemplatif doit vaquer à Dieu seul et laisser tout le reste, sachez que cela n'est vrai qu'en général, mais non en toute circonstance; car il y a trois causes qui le rappellent pour un temps des joies de la contemplation et le ramènent à la vie active.
La première cause, c'est le salut des âmes, comme je vous l'ai dit en vous montrant comment la vie contemplative précède la seconde partie de la vie active. Saint Bernard dit encore à ce sujet :
« (1) Levez-vous, ma bien-aimée, mon Épouse, et venez. L'Époux fait éclater la grandeur de son affection en multipliant les termes de l'amour ; car cette répétition est l'expression de sa tendresse. Et lorsqu'il sollicite de nouveau sa Bien-Aimée à travailler à ses vignes, il nous montre quelle est sa sollicitude pour le salut des âmes, car vous savez que par ses vignes, on entend les âmes... Cependant, si je m'en souviens bien, il n'a, dans tout le cours du livre, appelé l'Épouse de son nom d’épouse, qu'au moment où il l'invite à aller aux vignes et à s'approcher du vin de la charité. »
L'Épouse, connaissant donc la volonté de son Époux, sa passion pour le salut des âmes, sort pour un temps, c'est-à-dire lorsque cela est nécessaire pour opérer ce salut, et revient ensuite à sa contemplation.
Un autre motif qui fait interrompre la contemplation, c'est le devoir pressant de notre charge; ainsi lorsque le supérieur est contraint de s'appliquer à ce qui concerne les besoins de ceux qui lui sont soumis, c'est alors qu'il doit mettre de côté la contemplation.
Saint Bernard, parlant de lui-même à ses religieux, qui parfois l'assiégeaient avec trop d'importunité, s'exprime ainsi sur ce point :
« (1) Il est assez rare que j'aie un moment pour me reposer des visites qui me surviennent… Je m'arrête donc pour ne pas donner aux faibles un exemple d'impatience; car ils sont les enfants du Seigneur, ils croient en lui, et je ne souffrirai pas qu'ils aient à recevoir de ma part aucun scandale. Non, je n'userai pas du pouvoir que j'ai en cette occasion; mais qu'ils se servent de moi encore plus, selon leur bon plaisir; qu'ils obtiennent le salut, c'est tout ce que je demande. Ils m'épargneront en ne me ménageant pas ; et c'est en cela que je trouverai mon repos, s'ils ne craignent pas de m'inquiéter toutes les fois qu'ils en auront besoin. J'aurai pour eux autant de bénignité que je le pourrai, et c'est en eux que je servirai mon Dieu avec une charité réelle, tant que je vivrai. Je ne chercherai pas ce qui concerne mes intérêts, mais les intérêts d'un grand nombre, et je n'arrêterai pas ma pensée sur ce qui n'est avantageux qu'à moi seul. Je ne demande qu'une chose : c'est que mon ministère devienne agréable et profitable à mes frères ; et peut-être qu'ainsi je pourrai, au jour mauvais, trouver miséricorde aux yeux de leur Père. »
Le même saint faisant allusion aux deux motifs que nous venons d'énoncer…
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1. Serm. 61 sup. cant. — 1. Serm. 52 sup. cant.
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Re: Méditations sur la Vie de Jésus-Christ, par S. Bonaventure.
.CHAPITRE LVIII.
Le contemplatif se reporte pour trois raisons et la vie active;
et ensuite que la foi sans les œuvres est une foi morte.(suite)
Le même saint faisant allusion aux deux motifs que nous venons d'énoncer, s'exprime ainsi : « (1) Je vous parle d'après l'expérience que j'en ai faite. S'il m'arrive de trouver que quelques-uns d'entre vous aient profité de mes avis, alors je n'éprouve aucun regret d'avoir préféré à mon repos et à ma tranquillité le soin que mon discours m'a demandé.
« Ainsi, par exemple, lorsqu'après l'entretien nous voyons celui qui était impatient changé en un homme doux, celui qui était orgueilleux devenu plein d'humilité, et celui qui était pusillanime se remplir de résolution; lorsqu'on reconnaît que celui qui était doux, humble et courageux, a pris de l'accroissement dans cette même grâce, et qu'il est meilleur qu'il n'était auparavant; lorsque ceux qui s'étaient attiédis et languissaient pleins de torpeur et de nonchalance, pour tout exercice spirituel, semblent s'être réveillés et ranimés au contact de la parole enflammée du Seigneur; lorsque ceux qui, ayant abandonné les eaux vives de la sagesse, s'étaient creusés dans leur volonté propre des citernes impuissantes à retenir les eaux, et qui pour cela même murmuraient dans l'appesantissement de leur cœur à chaque ordre qu'ils recevaient, car ils ne trouvaient en eux-mêmes aucun des rafraîchissements de la piété ; lorsque ceux-là, dis-je, sous la rosée de la parole, sous l'influence de cette pluie que le Seigneur a réservée dans sa volonté pour son héritage, montrent qu'ils ont refleuri dans les œuvres de l'obéissance, dans la soumission et le dévouement de leur volonté en tout; oui, je vous l'assure, lorsqu'il en est ainsi, la tristesse ne saurait avoir accès en mon âme; je ne regrette point d'avoir interrompu l'exercice d'une contemplation délectable.
« En me voyant environné de telles fleurs et de tels fruits de piété, je m'arrache sans murmure aux embrassements inféconds de Rachel, afin que Lia, me fasse abonder et jouir de vos progrès. Il y a longtemps que la charité, qui ne cherche pas son propre avantage, m'a persuadé sans difficulté de ne jamais préférer ce qui peut m'être agréable à votre utilité. Prier, lire, écrire, méditer et tous les autres gains que l'on trouve dans les exercices spirituels, j'ai tout regardé comme une perte à cause de vous. »
La troisième cause qui nous porte à interrompre la contemplation, c'est que l'Époux se retirant suivant sa coutume, l'âme n'éprouve plus ses consolations accoutumées; car l'Époux s'en va et revient selon sa volonté, ainsi que je vous l'ai dit au chapitre XXXV. Lorsqu'il se retire, l'âme devient donc languissante de désir, et elle met tous ses efforts à le rappeler, en s'écriant avec l'Épouse des cantiques : « Revenez, ô mon bien-aimé. » S'il ne se rend pas à ses invitations, elle appelle à son secours les compagnons de l'Époux, c'est-à-dire les Anges, et elle dit : « Je vous conjure, ô filles de Jérusalem si vous voyez mon bien-aimé, de lui annoncer que je languis d'amour (1). »
Mais si alors même il ne daigne pas revenir, l'âme, connaissant la volonté de son époux, se reporte à la vie active, afin de produire au moins de la sorte des fruits pour son bien-aimé; car il ne convient pas que le contemplatif soit indolent. C'est alors que l'Épouse s'écrie : « Soutenez-moi avec des fleurs; fortifiez-moi avec des fruits odorants, car je languis d'amour (2). »
Saint Bernard s'exprime ainsi sur ce sujet :…
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1. Serm. 51 sup. cant. —1. Cant. 5. — 2. Cant. 2.
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