L'Église et le Sillon (Marc Sangnier)

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Message  Louis Ven 15 Jan 2016, 7:25 pm


Condamnation du  Sillon

Oui, hélas ! l'équivoque est brisée ; l'action sociale du Sillon n'est plus catholique ; le sillonniste, comme tel, ne travaille pas pour une coterie, et « l'Église, il le dit, ne saurait à aucun titre être bénéficiaire des sympathies que son action pourra susciter ». Étrange insinuation, vraiment ! On craint que l'Église ne profite de l'action sociale du Sillon dans un but égoïste et intéressé, comme si tout ce qui profite à l'Église ne profitait pas à l'humanité ! Étrange renversement des idées : c'est l'Église qui serait la bénéficiaire de l'action sociale, comme si les plus grands économistes n'avaient pas reconnu et démontré que c'est l'action sociale, qui, pour être sérieuse et féconde, doit bénéficier de l'Église. Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l'audace et la légèreté d'esprit d'hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d'établir sur terre, par-dessus l'Église catholique, « le règne de la justice et de l'amour », avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu'ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu'ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises « où ils peuvent ». Quand on songe à tout ce qu'il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l'Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie et l'Esprit de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s'acharner à faire mieux avec la mise en commun d'un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire ? Qu'est-ce qui va sortir de cette collaboration ? Une construction purement verbale et chimérique, où l'on verra miroiter 0pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d'amour, d'égalité et d'exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l'œil fixé sur une chimère.

Nous craignons qu'il n'y ait encore pire. Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut être qu'une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive ; une religion (car le sillonnisme, les chefs l'ont dit, est une religion) plus universelle que l'Église catholique, réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans « le règne de Dieu ».-  « On ne travaille pas pour l'Église, on travaille pour l'humanité. »

Et maintenant, pénétré de la plus vive tristesse, Nous Nous demandons, vénérables Frères, ce qu'est devenu le catholicisme du Sillon. Hélas, lui qui donnait autrefois de si belles espérances, ce fleuve limpide et impétueux a été capté dans sa marche par les ennemis modernes de l'Église et ne forme plus dorénavant qu'un misérable affluent du grand mouvement d'apostasie organisé, dans tous les pays, pour l'établissement d'une Église universelle qui n'aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l'esprit, ni frein pour les passions et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l'oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent.

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Message  Louis Ven 15 Jan 2016, 7:25 pm


Le Sillon et la Révolution

Nous ne connaissons que trop les sombres officines où l'on élabore ces doctrines délétères qui ne devraient pas séduire des esprits clairvoyants. Les chefs du Sillon n'ont pu s'en défendre : l'exaltation de leurs sentiments, l'aveugle bonté de leur coeur, leur mysticisme philosophique, mêlé d'une part d'illuminisme, les ont entraînés vers un nouvel Évangile, dans lequel ils ont cru voir le véritable Évangile du Sauveur, au point qu'ils osent traiter Notre-Seigneur Jésus-Christ avec une familiarité souverainement irrespectueuse et que, leur idéal étant apparenté à celui de la Révolution, ils ne craignent pas de faire entre l'Évangile et la Révolution des rapprochements blasphématoires qui n'ont pas l'excuse d'avoir échappé à quelque improvisation tumultueuse.

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Message  Louis Ven 15 Jan 2016, 7:26 pm


Le Sillon et l'Évangile

Nous voulons attirer votre attention, vénérables Frères, sur cette déformation de l'Évangile et du caractère sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu et Homme, pratiquée dans le Sillon et ailleurs. Dès que l'on aborde la question sociale, il est de mode, dans certains milieux, d'écarter d'abord la divinité de Jésus-Christ, et puis de ne parler que de sa souveraine mansuétude, de sa compassion pour toutes les misères humaines, de ses pressantes exhortations à l'amour du prochain et à la fraternité. Certes, Jésus nous a aimés d'un amour immense, infini, et il est venu sur terre souffrir et mourir pour que, réunis autour de lui dans la justice et l'amour, animés des mêmes sentiments de charité mutuelle, tous les hommes vivent dans la paix et le bonheur. Mais, à la réalisation de ce bonheur temporel et éternel, il a mis, avec une souveraine autorité, la condition que l'on fasse partie de son troupeau, que l'on accepte sa doctrine, que l'on pratique la vertu et qu'on se laisse enseigner et guider par Pierre et ses successeurs. Puis, si Jésus a été bon pour les égarés et les pécheurs, il n'a pas respecté leurs convictions erronées, quelque sincères qu'elles parussent ; il les a tous aimés pour les instruire, les convertir et les sauver. S'il a appelé à lui pour les soulager, ceux qui peinent et qui souffrent, ce n'a pas été pour leur prêcher la jalousie d'une égalité chimérique. S'il a relevé les humbles, ce n'a pas été pour leur inspirer le sentiment d'une dignité indépendante et rebelle à l'obéissance. Si son coeur débordait de mansuétude pour les âmes de bonne volonté, il a su également s'armer d'une sainte indignation contre les profanateurs de la maison de Dieu, contre les misérables qui scandalisent les petits, contre les autorités qui accablent le peuple sous le poids de lourds fardeaux sans y mettre le doigt pour les soulever. Il a été aussi fort que doux ; il a grondé, menacé, châtié, sachant et nous enseignant que souvent la crainte est le commencement de la sagesse et qu'il convient parfois de couper un membre pour sauver le corps. Enfin, il n'a pas annoncé pour la société future le règne d'une félicité idéale, d'où la souffrance serait bannie ; mais, par ses leçons et par ses exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et du bonheur parfait au ciel : la voie royale de la croix. Ce sont là des enseignements qu'on aurait tort d'appliquer seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel ; ce sont des enseignements éminemment sociaux, et ils nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose qu'un humanitarisme sans consistance et sans autorité.

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Message  Louis Ven 15 Jan 2016, 7:27 pm


Devoirs des Évêques

Pour vous, vénérables Frères continuez activement l'oeuvre du Sauveur des hommes par l'imitation de sa douceur et sa force. Inclinez-vous vers toutes les misères ; qu'aucune douleur n'échappe à votre sollicitude pastorale ; qu'aucune plainte ne vous trouve indifférents. Mais aussi, prêchez hardiment leurs devoirs aux grands et aux petits ; il vous appartient de former la conscience du peuple et des pouvoirs publics. La question sociale sera bien près d'être résolue lorsque les uns et les autres, moins exigeants sur leurs droits mutuels, rempliront plus exactement leurs devoirs.

De plus, comme dans le conflit des intérêts, et surtout dans la lutte avec des forces malhonnêtes, la vertu d'un homme, sa sainteté même ne suffit pas toujours à lui assurer le pain quotidien, et que les rouages sociaux devraient être organisés de telle façon que, par leur jeu naturel, ils paralysent les efforts des méchants et rendent abordable à toute bonne volonté sa part légitime de félicité temporelle, Nous désirons vivement que vous preniez une part active à l'organisation de la société dans ce but. Et à cette fin, pendant que vos prêtres se livreront avec ardeur au travail de la sanctification des âmes, de la défense de l'Église, et aux œuvres de charité proprement dites, vous en choisirez quelques-uns, actifs et d'esprit pondéré, munis des grades de docteur en philosophie et en théologie et possédant parfaitement l'histoire de la civilisation antique et moderne, et vous les appliquerez aux études moins élevées et plus pratiques de la science sociale, pour les mettre, en temps opportun, à la tête de vos œuvres d'action catholique. Toutefois, que ces prêtres ne se laissent pas égarer, dans le dédale des opinions contemporaines, par le mirage d'une fausse démocratie ; qu'ils n'empruntent pas à la rhétorique des pires ennemis de l'Église et du peuple un langage emphatique plein de promesses aussi sonores qu'irréalisables. Qu'ils soient persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d'hier ; que, de tous temps, l'Église et l'État, heureusement concertés, ont suscité dans ce but des organisations fécondes ; que l'Église, qui n'a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances compromettantes, n'a pas à se dégager du passé et qu'il lui suffit de reprendre, avec le concours des vrais ouvriers de la restauration sociale, les organismes brisés par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien qui les a inspirés, au nouveau milieu créé par l'évolution matérielle de la société contemporaine : car les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires ni novateurs, mais traditionalistes.

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Message  Louis Ven 15 Jan 2016, 7:27 pm


Appel à la soumission

Cette oeuvre éminemment digne de votre zèle pastoral, Nous désirons que, loin d'y faire obstacle, la jeunesse du Sillon , dégagée de ses erreurs, y apporte dans l'ordre et la soumission convenables un concours loyal et efficace.

Nous tournant donc vers les chefs du Sillon, avec la confiance d'un Père qui parle à ses enfants, Nous leur demandons pour leur bien, pour le bien de l'Église et de la France, de vous céder leur place. Nous mesurons, certes, l'étendue du sacrifice que Nous sollicitons d'eux, mais Nous les savons assez généreux pour l'accomplir, et, d'avance, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont nous sommes l'indigne représentant, Nous les en bénissons. Quant aux membres du Sillon , Nous voulons qu'ils se rangent par diocèses pour travailler, sous la direction de leurs évêques respectifs, à la régénération chrétienne et catholique du peuple, en même temps qu'à l'amélioration de son sort. Ces groupes diocésains seront, pour le moment, indépendants les uns des autres : et afin de bien marquer qu'ils ont brisé avec les erreurs du passé, ils prendront le nom de Sillons catholiques, et chacun de leurs membres ajoutera à son titre de  sillonniste, le même qualificatif de catholique. Il va sans dire que tout sillonniste catholique restera libre de garder par ailleurs ses préférences politiques, épurées de tout ce qui ne serait pas entièrement conforme, en cette matière, à la doctrine de l'Église. Que si, vénérables Frères, des groupes refusaient de se soumettre à ces conditions, vous devriez les considérer comme refusant par le fait de se soumettre à votre direction ; et, alors, il y aurait à examiner s'ils se confinent dans la politique ou l'économie pure, ou s'ils persévèrent dans leurs anciens errements. Dans le premier cas, il est clair que vous n'auriez pas plus à vous en occuper que du commun des fidèles ; dans le second, vous devriez agir en conséquence, avec prudence, mais avec fermeté. Les prêtres auront à se tenir totalement en dehors des groupes dissidents et se contenteront de prêter le secours du saint ministère individuellement à leurs membres, en leur appliquant au tribunal de la Pénitence les règles communes de la morale relativement à la doctrine et à la conduite. Quant aux groupes catholiques, les prêtres et les séminaristes s'abstiendront de s'y agréger comme membres, car il convient que la milice sacerdotale reste au-dessus des associations laïques, même les plus utiles et animées du meilleur esprit.

Telles sont les mesures pratiques par lesquelles Nous avons cru nécessaire de sanctionner cette Lettre sur le Sillon et les sillonnistes. Que le Seigneur veuille bien, nous l'en prions du fond de l'âme, faire comprendre à ces hommes et à ces jeunes gens les graves raisons qui l'ont dictée, qu'il leur donne la docilité du cœur, avec le courage de prouver, en face de l'Église, la sincérité de leur ferveur catholique ; et à vous, Vénérables Frères, qu'il vous inspire pour eux, puisqu'ils sont désormais vôtres, les sentiments d'une affection toute paternelle.

C'est dans cet espoir, et pour obtenir ces résultats si désirables, que Nous vous accordons de tout coeur, ainsi qu'à votre clergé et à votre peuple, la Bénédiction apostolique.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 25 août 1910, la huitième de Notre Pontificat.


PIE X, PAPE.


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Message  ROBERT. Sam 16 Jan 2016, 10:54 am

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Merci Louis.
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