Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XVIII. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XVIII.
DE L’HOMME PARFAIT, C’EST-À-DIRE DE JÉSUS-CHRIST,
ET DE SON CORPS, C’EST-À-DIRE DE L’ÉGLISE,
QUI EN EST LA PLÉNITUDE.
Pour comprendre ce que dit l’Apôtre, que nous parviendrons tous à l’état d’homme parfait, il faut examiner avec attention toute la suite de sa pensée. Il s’exprime ainsi: "Celui qui est descendu est celui-là même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de consommer toutes choses. Lui-même en a établi quelques-uns apôtres, d’autres prophètes, ceux-ci évangélistes, ceux-là pasteurs et docteurs, pour la consommation des saints, l’œuvre du ministère et l’édifice du corps de Jésus-Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité d’une même foi, à la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme parfait et à la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ, afin que nous ne soyons plus comme des enfants, nous laissant aller à tout vent de doctrine et aux illusions des hommes fourbes qui veulent nous engager dans l’erreur, mais que, pratiquant la vérité par la charité, nous croissions en toutes choses dans Jésus-Christ, qui est la tête. D’où tout le corps bien lié et bien disposé reçoit, selon la mesure et la force de chaque partie, le développement nécessaire pour s’édifier soi-même dans la charité1". Voilà quel est l’homme parfait: la tête d’abord, puis le corps composé de tous les membres, qui recevront la dernière perfection en leur temps.
Chaque jour cependant, de nouveaux éléments se joignent à ce corps, tandis que s’édifie l’Eglise à qui l’on dit: "Vous êtes le corps de Jésus-Christ et ses membres2"; et ailleurs: "Pour son corps qui est l’Eglise3"; et encore: "Nous ne sommes- tous ensemble qu’un seul pain et qu’un seul corps4". C’est de l’édifice de ce corps qu’il est dit ici: "Pour la consommation des saints, pour l’œuvre du ministère et l’édifice du corps de Jésus-Christ". Puis l’Apôtre ajoute ce passage dont il est question: "Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité d’une même foi, à la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme parfait et à la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ"; et le reste, montrant enfin de quel corps on doit entendre cette mesure par ces paroles: "Afin que nous croissions en toutes tout le corps bien lié et bien disposé reçoit, selon la mesure et la force de chaque partie, le développement qui lui convient".
Comme il y a une mesure de chaque partie, il y en a aussi une de tout le corps, composé de toutes ces parties; et c’est la mesure de la plénitude dont il est dit: "A la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ". L’Apôtre fait encore mention de cette plénitude, lorsque, parlant de Jésus-Christ, il dit: "Il l’a établi pour être le chef de toute I ‘Église, qui est son corps et sa plénitude, lui qui consomme tout en tous5".Mais, lors même qu’il faudrait entendre le passage dont il s’agit de la résurrection, qui nous empêcherait d’appliquer aussi à la femme ce qu’il dit de l’homme, en prenant l’homme pour tous les deux, comme dans ce verset du Psaume: "Bienheureux l’homme qui craint le Seigneur6 !" Car assurément les femmes qui craignent le Seigneur sont comprises dans la pensée du Psalmiste.
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1. Éphésiens IV, 10-16. — 2. I Corinthiens XII, 27. — 3. Colossiens I, 24. — 4. I Corinthiens X 17 — 5. Éphésiens I, 22-23. — 6. Psaume CXI, 1.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XIX. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XIX.
TOUS LES DÉFAUTS CORPORELS, QUI, PENDANT CETTE VIE, SONT CONTRAIRES
À LA BEAUTÉ DE L’HOMME, DISPARAÎTRONT À LA RÉSURRECTION,
LA SUBSTANCE NATURELLE DU CORPS TERRESTRE DEVANT SEULE SUBSISTER,
MAIS AVEC D’AUTRES PROPORTIONS D’UNE JUSTESSE ACCOMPLIE.
Est-il besoin de répondre maintenant aux objections tirées des ongles et des cheveux ? Si l’on a bien compris une fois qu’il ne périra rien de notre corps, afin qu’il n’ait rien de difforme, on comprendra aussi aisément que ce qui ferait une monstrueuse énormité sera distribué dans toute la masse du corps, et non pas accumulé à une place où la proportion des membres en serait altérée. Si, après avoir fait un vase d’argile, on le voulait défaire pour en recomposer un vase nouveau, il ne serait pas nécessaire que cette portion de terre qui formait l’anse ou le fond dans le premier vase, les formât aussi dans le second; il suffirait que toute l’argile y fût employée. Si donc les ongles et les cheveux, tant de fois coupés, ne peuvent revenir à leur place qu’en produisant une difformité, ils n’y reviendront pas. Cependant ils ne seront pas anéantis, parce qu’ils seront changés en la même chair à laquelle ils appartenaient, afin d’y occuper une place où ils ne troublent pas l’économie générale des parties. Je ne dissimule pas, au surplus, que cette parole du Seigneur: "Pas un cheveu de votre tête ne périra", ne paraisse s’appliquer plutôt au nombre des cheveux qu’à leur longueur.
C’est dans ce sens qu’il a dit aussi: "Tous les cheveux de votre tête sont comptés1". Je ne crois donc pas que rien doive périr de notre corps de tout ce qui lui était naturel; je veux seulement montrer que tout ce qui en lui était défectueux, et servait à faire voir la misère de sa condition, sera rendu à sa substance transfigurée, le fond de l’être restant tout entier, tandis que la difformité seule périra. Si un artisan ordinaire, qui a mal fait une statue, peut la refondre si bien qu’il en conserve toutes les parties, sans y laisser néanmoins ce qu’elle avait de difforme, que ne faut-il pas attendre, je le demande, du suprême Artisan ? Ne pourra-t-il ôter et retrancher aux corps des hommes toutes les difformités naturelles ou monstrueuses, qui sont une condition de cette vie misérable, mais qui ne peuvent convenir à la félicité future des saints, comme ces accroissements naturels sans doute, mais cependant disgracieux, de notre corps, sans rien enlever pour cela de sa substance ?
Il ne faut point dès lors que ceux qui ont trop ou trop peu d’embonpoint appréhendent d’être au séjour céleste ce qu’ils ne voudraient pas être, même ici-bas. Toute la beauté du corps consiste, en effet, en une certaine proportion de ses parties, couvertes d’un coloris agréable. Or, quand cette proportion manque, ce qui choque la vue, c’est qu’il y a quelque chose qui fait défaut, ou quelque chose d’excessif. Ainsi donc, cette difformité qui résulte de la disproportion des parties du corps disparaîtra, lorsque le Créateur, par des moyens connus de lui, suppléera à ce qui manque ou ôtera le superflu. Et quant à la couleur des chairs, combien ne sera-t-elle pas vive et éclatante en ce séjour où: "Les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur père1 ? Il faut croire que Jésus-Christ déroba cet éclat aux yeux de ses disciples, quand il parut devant eux après sa résurrection; car ils n’auraient pu le soutenir, et cependant ils avaient besoin de regarder leur maître pour le reconnaître.
C’est pour cette raison qu’il leur fit toucher ses cicatrices, qu’il but et mangea avec eux, non par nécessité, mais par puissance. Quand on ne voit pas un objet présent, tout en voyant d’autres objets également présents, comme il arriva aux disciples qui ne virent pas alors l’éclat du visage de Jésus-Christ, quoique présent, et qui pourtant voyaient d’autres choses, les Grecs appellent cet état aorasia mot que les Latins ont traduit dans la Genèse par caecitas, faute d’un autre équivalent. C’est l’aveuglement dont les Sodomites furent frappés, lorsqu’ils cherchaient la porte de Loth sans pouvoir la trouver. En effet, si c’eût été chez eux une véritable cécité, comme celle qui empêche de rien voir, ils n’auraient point cherché la porte pour entrer, mais des guides pour les ramener2.
Or, je ne sais comment, l’affection que nous avons pour les bienheureux martyrs nous fait désirer de voir dans le ciel les cicatrices des plaies qu’ils ont reçues pour le nom de Jésus-Christ, et peut-être les verrons-nous. Ce ne sera pas une difformité dans leur corps, mais une marque d’honneur, qui donnera de l’éclat, non point à leur corps, mais à leur gloire. Il ne faut pas croire toutefois que les membres qu’on leur aura coupés leur manqueront à la résurrection, eux à qui il a été dit: "Pas un cheveu de votre tête ne périra". Mais, s’il est à propos qu’on voie, dans le siècle nouveau, ces marques glorieuses de leur martyre gravées jusque dans leur chair immortelle, on doit penser que les endroits où ils auront été blessés ou mutilés conserveront seulement une cicatrice, en sorte qu’ils ne laisseront pas de recouvrer les membres qu’ils avaient perdus. La foi nous assure, il est vrai, que dans l’autre vie aucun des défauts de notre corps ne paraîtra plus; mais ces marques de vertu ne peuvent être considérées comme des défauts1.
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1. Luc XII, 7. —1. Matthieu XIII, 43. — 2. Comp. saint Augustin, Quaest. in Gen., qu. 42. —1. Comp. saint Jean Chrysostome, Hom., I in SS. Machab., n. 1, et saint Ambroise, lib. 10, in Lucam..
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XX. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XX.
AU JOUR DE LA RÉSURRECTION, LA SUBSTANCE DE
NOTRE CORPS, DE QUELQUE MANIÈRE QU’ELLE
AIT ÉTÉ DISSIPÉE, SERA RÉUNIE INTÉGRALEMENT.
Loin de nous la crainte que la toute-puissance du Créateur ne puisse rappeler, pour ressusciter les corps, toutes les parties qui ont été dévorées par les bêtes, ou consumées par le feu, ou changées en poussière, ou dissipées dans l’air ! Loin de nous la pensée que rien soit tellement caché dans le sein de la nature, qu’il puisse se dérober à la connaissance ou au pouvoir du Créateur ! Cicéron, dont l’autorité est si grande pour nos adversaires, voulant définir Dieu autant qu’il en est capable: "C’est, dit-il, un esprit libre et indépendant, dégagé de toute composition mortelle, qui connaît et meut toutes choses, et qui a lui-même un mouvement. éternel2", Cicéron s’inspire ici des plus grands philosophes3 Hé bien! pour parler selon leur sentiment, peut-il y avoir une chose qui reste inconnue à celui qui connaît tout, ou qui se dérobe pour jamais à celui qui meut tout ? Ceci me conduit à répondre à cette question qui paraît plus difficile que toutes les autres: à qui, lors de la résurrection, appartiendra la chair d’un homme mort, devenue celle d’un homme vivant ?
Supposez, en effet, qu’un malheureux, pressé par la faim, mange de la chair d’un homme mort, et c’est là une extrémité que nous rencontrons quelquefois dans l’histoire et dont nos misérables temps1 fournissent aussi plus d’un exemple, peut-on soutenir avec quelque raison que toute cette substance ait disparu par les sécrétions et qu’il ne s’en soit assimilé aucune partie à la chair de celui qui s’en est nourri, alors que l’embonpoint qu’il a recouvré montre assez quelles ruines il a réparées par ce triste secours ?
Mais j’ai déjà indiqué plus haut le moyen de résoudre cette difficulté; car toutes les chairs que la faim a consommées se sont évaporées dans l’air, et nous avons reconnu que la toute-puissance de Dieu en peut rappeler tout ce qui s’y est évanoui. Cette chair mangée sera donc rendue à celui en qui elle a d’abord commencé d’être une chair humaine, puisque l’autre ne l’a que d’emprunt, et c’est comme un argent prêté qu’il doit rendre. La sienne, que la faim avait amaigrie, lui sera rendue par celui qui peut rappeler à son gré tout ce qui a disparu; et alors même qu’elle serait tout à fait anéantie et qu’il n’en serait rien resté dans les plus secrets replis de la nature, le Dieu tout-puissant saurait bien y suppléer par quelque moyen. La Vérité ayant déclaré que "pas un cheveu de votre tête ne périra", il serait absurde de penser qu’un cheveu ne puisse se perdre, et que tant de chairs dévorées ou consumées par la faim pussent périr.
De toutes ces questions que nous avons traitées et examinées selon notre faible pouvoir, il résulte que les corps auront, à la résurrection, la même taille qu’ils avaient dans leur jeunesse, avec la beauté et la proportion de tous leurs membres. Il est assez vraisemblable que, pour garder cette proportion, Dieu distribuera dans toute la masse du corps ce qui, placé en un seul endroit, serait disgracieux, et qu’ainsi il pourra même ajouter quelque chose à notre stature. Que si l’on prétend que chacun ressuscitera dans la même stature qu’il avait à la mort, à la bonne heure, pourvu qu’on bannisse toute difformité, toute faiblesse, toute pesanteur, toute corruption, et enfin tout autre défaut contraire à la beauté de ce royaume, où les enfants de la résurrection et de la promesse seront égaux aux anges de Dieu, sinon pour le corps et pour l’âge, au moins pour la félicité.
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2. Tusculanes, Lib. I, cap. 27. — 3. La définition de Cicéron peut, en effet, s’appliquer à merveille au dieu d’Anaxagore et de Platon, et même au dieu d’Aristote, pourvu qu’on entende par le mouvement éternel qu’elle attribue au Moteur suprême, non pas un mouvement sensible et matériel, mais l’invisible mouvement de la Pensée éternelle se repliant éternellement sur elle-même pour contempler sa propre essence. —1. Allusion à la famine qui désola Rome, quand elle fut assiégée en 409 par Alaric. Voyez les affreux détails rapportés par Sozomène (Hist. eccles., lib. IX, cap. 8) et par saint Jérôme (Epist. XVI ad Principiam).
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXI. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXI.
DU CORPS SPIRITUEL EN QUI SERA RENOUVELÉE
ET TRANSFORMÉE LA CHAIR DES BIENHEUREUX.
Tout ce qui s’est perdu des corps vivants ou des cadavres après la mort sera dès lors rétabli avec ce qui est demeuré dans les tombeaux, et ressuscitera en un corps nouveau et spirituel, revêtu d’incorruptibilité et d’immortalité. Mais alors même que, par quelque fâcheux accident ou par la cruauté de mains ennemies, un corps humain serait entièrement réduit en poudre, et que, dissipé en air et en eau, il ne se trouverait pour ainsi dire nulle part, il ne pourra néanmoins être soustrait à la toute-puissance du Créateur, et pas un cheveu de sa tête ne périra. La chair devenue spirituelle sera donc soumise à l’esprit; mais ce sera une chair néanmoins, et non un esprit, tout comme quand l’esprit devenu charnel a été soumis à la chair, il reste un esprit, et non pas une chair. Nous avons donc de cela ici-bas une expérience qui est un effet de la peine du péché.
En effet, ceux-là n’étaient pas charnels selon la chair, mais selon l’esprit, à qui l’Apôtre disait: "Je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des personnes qui sont encore charnelles 1". Et l’homme spirituel, en cette mortelle vie, ne laisse pas d’être encore charnel selon le corps, et de voir en ses membres une loi qui résiste à la loi de son esprit. Mais il sera spirituel, même selon le corps, lorsque la chair sera ressuscitée et que cette parole de saint Paul se trouvera accomplie: "Le corps est semé animal, et il ressuscitera spirituel 2", Or, quelles seront les perfections de ce corps spirituel ? Comme nous n’en avons pas encore l’expérience, j’aurais peur qu’il n’y eût de la témérité à en parler. Toutefois, puisqu’il y va de la gloire de Dieu de ne pas cacher la joie qu’allume en nous l’espérance, et que le Psalmiste, dans les plus violents transports d’un saint et ardent amour, s’écrie: "Seigneur, j’ai aimé la beauté de votre maison ! 1 " tâchons, avec son aide, de conjecturer, par les grâces qu’il fait aux bons et aux méchants en cette vie de misère, combien doit être grande celle dont nous ne pouvons parler dignement, faute de l’avoir éprouvée.
Je laisse à part ce temps où Dieu créa l’homme droit; je laisse à part la vie bienheureuse de ce couple fortuné dans les délices du paradis terrestre, puisqu’elle fut si courte que leurs enfants n’eurent pas le bonheur de la goûter. Je ne parle que de cette condition misérable que nous connaissons, en laquelle nous sommes, qui est exposée à une infinité de tentations, ou, pour mieux dire, qui n’est qu’une tentation continuelle, quelques progrès que nous fassions dans la vertu. Hé bien ! qui pourrait compter encore tous les témoignages que Dieu y donne aux hommes de sa bonté ?
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1. I Corinthiens III, 1. — 2. Romains VII, 23. — 1. Psaume XXV, 8.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXII. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXII. (à suivre.)
DES MISÈRES ET DES MAUX DE CETTE VIE, QUI SONT DES PEINES
DU PÉCHÉ DU PREMIER HOMME, ET DONT ON NE PEUT ÊTRE
DÉLIVRÉ QUE PAR LA GRÂCE DE JÉSUS-CHRIST.
Que toute la race des hommes ait été condamnée dans sa première origine, cette vie même, s’il faut l’appeler une vie, le témoigne assez par les maux innombrables et cruels dont elle est remplie. En effet, que veut dire cette profonde ignorance où naissent les enfants d’Adam, principe de toutes leurs erreurs, et dont ils ne peuvent s’affranchir sans le travail, la douleur et la crainte ? Que signifient tant d’affections vaines et nuisibles d’où naissent les cuisants soucis, les inquiétudes, les tristesses, les craintes, les fausses joies, les querelles, les procès, les guerres, les trahisons, les colères, les inimitiés, les tromperies, la fraude, la flatterie, les larcins, les rapines, la perfidie, l’orgueil, l’ambition, l’envie, les homicides, les parricides, la cruauté, l’inhumanité, la méchanceté, la débauche, l’insolence, l’impudence, l’impudicité, les fornications, les adultères, les incestes, les péchés contre nature de l’un et de l’autre sexe, et tant d’autres impuretés qu’on n’oserait seulement nommer: sacrilèges, hérésies, blasphèmes, parjures, oppression des innocents, calomnies, surprises, prévarications, faux témoignages, jugements injustes, violences, brigandages, et autres malheurs semblables que ne saurait embrasser la pensée, mais qu remplissent et assiègent la vie ?
Il est vrai que ces crimes sont l’œuvre des méchants; mais ils ne laissent pas de venir tous de cette ignorance et de cet amour déréglé, comme d’une racine que tous les enfants d’Adam portent en eux en naissant. Qui en effet, ignore dans quelle ignorance manifeste chez les enfants, et dans combien de passions qui se développent au sortir même de l’enfance, l’homme vient au monde ! Certes, si on le laissait vivre à sa guise et faire ce qui lui plairait, il n’est pas un des crimes que j’ai nommés, sans parler de ceux que je n’ai pu nommer, où on ne le vît se précipiter.
Mais, par un conseil de la divine Providence, qui n’abandonne pas tout à fait ceux qu’elle a condamnés, et qui, malgré sa colère, n’arrête point le cours de ses miséricordes 1, la loi et l’instruction veillent contre ces ténèbres et ces convoitises dans lesquelles nous naissons. Bienfait inestimable, mais qui ne s’opère point sans peines et sans douleurs. Pourquoi, je vous le demande, toutes ces menaces que l’on fait aux enfants, pour les retenir dans le devoir ? Pourquoi ces maîtres, ces gouverneurs, ces férules, ces fouets, ces verges dont l’Ecriture dit qu’il faut souvent se servir envers un enfant qu’on aime, de peur qu’il ne devienne incorrigible et indomptable 2 ? Pourquoi toutes ces peines, sinon pour vaincre l’ignorance et réprimer la convoitise, deux maux qui avec nous entrent dans le monde ? D’où vient que nous avons de la peine à nous souvenir d’une chose, et que nous l’oublions sans peine; qu’il faut beaucoup de travail pour apprendre, et point du tout pour ne rien savoir; qu’il en coûte tant d’être diligent, et si peu d’être paresseux? Cela ne dénote-t-il pas clairement à quoi la nature corrompue se porte par le poids de ses inclinations, et de quel secours elle a besoin pour s’en relever? La paresse, la négligence, la lâcheté, la fainéantise, sont des vices qui fuient le travail, tandis que le travail même, tout bienfaisant qu’il puisse être, est une peine.
Mais outre les peines de l’enfance, sans lesquelles rien ne peut s’apprendre de ce que veulent les parents, qui veulent rarement quelque chose d’utile, où est la parole capable d’exprimer, où est la pensée capable de comprendre toutes celles où les hommes sont sujets et qui sont inséparables de leur triste condition ? Quelle appréhension et quelle douleur ne nous causent pas, et la mort des personnes qui nous sont chères, et la perte des biens, et les condamnations, et les supercheries des hommes, et les faux soupçons, et toutes les violences que l’on peut avoir à souffrir, comme les brigandages, les captivités, les fers, la prison, l’exil, les tortures, les mutilations, les infamies et les brutalités, et mille autres souffrances horribles qui nous accablent incessamment ? A ces maux ajoutez une multitude d’accidents (à suivre) …
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1. Psaume LXXVI, 10, — 2. Ecclésiastique XXX, 12.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXII. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXII. (suite)
DES MISÈRES ET DES MAUX DE CETTE VIE, QUI SONT DES PEINES
DU PÉCHÉ DU PREMIER HOMME, ET DONT ON NE PEUT ÊTRE
DÉLIVRÉ QUE PAR LA GRÂCE DE JÉSUS-CHRIST.
(suite) A ces maux ajoutez une multitude d’accidents auxquels les hommes ne contribuent pas: le chaud, le froid, les orages, les inondations, les foudres, la grêle, les tremblements de terre, les chutes de maison, les venins des herbes, des eaux, de l’air ou des animaux, les morsures des bêtes, ou mortelles ou incommodes, la rage d’un chien, cet animal naturellement ami de l’homme, devenu alors plus à craindre que les lions et les dragons, et qui rend un homme qu’il a mordu plus redoutable aux siens que les bêtes les plus farouches. Que ne souffrent point ceux qui voyagent sur mer et sur terre ? Qui peut se déplacer sans s’exposer à quelque accident imprévu ? Un homme qui se portait fort bien, revenant chez lui, tombe, se rompt la jambe et meurt 1. Le moyen d’être, en apparence, plus en sûreté qu’un homme assis dans sa chaise ! Héli tombe de la sienne et se tue 2. Quels accidents les laboureurs, ou plutôt tous les hommes, ne craignent-ils pas pour les biens de la campagne, tarit du côté du ciel et de la terre que du côté des animaux? Ils ne sont assurés de la moisson que quand elle est dans la grange, et toutefois nous en savons qui l’ont perdue, même quand elle y était, par des tempêtes et des inondations. Qui se peut assurer sur son innocence d’être à couvert des insultes des démons, puisqu’on les voit quelquefois tourmenter d’une façon si cruelle les enfants nouvellement baptisés, que Dieu, qui le permet ainsi, nous apprend bien par là à déplorer la misère de cette vie et à désirer la félicité de l’autre ?
Que dirai-je des maladies, qui sont en si grand nombre que même les livres des médecins ne les contiennent pas toutes ? La plupart des remèdes qu’on emploie pour les guérir sont autant d’instruments de torture, si bien qu’un homme ne peut se délivrer d’une douleur que par une autre. La soif n’ai-elle pas contraint quelques malheureux à boire de l’urine ? la faim n’a-t-elle pas porté des hommes, non seulement à se nourrir de cadavres humains qu’ils avaient rencontrés, mais à tuer leurs semblables pour les dévorer ? N’a-t-on pas vu des mères, poussées par une faim exécrable, plonger le couteau dans le sein de leurs enfants ? Le sommeil même, qu’on appelle proprement repos 1, combien est-il souvent inquiet, accompagné de songes terribles et affreux, qui effraient l’âme et dont les images sont si vives qu’on ne les saurait distinguer des réalités de la veille ? En certaines maladies, ces visions fantastiques tourmentent même ceux qui veillent, sans parler des illusions dont les démons abusent les hommes en bonne santé, afin de troubler du moins les sens de leurs victimes, s’ils ne peuvent réussir à les attirer à leur parti.
Il n’y a que la grâce du Sauveur Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu, qui nous puisse délivrer de l’enfer de cette misérable vie. C’est ce que son nom même signifie: car Jésus veut dire Sauveur. Et nous lui devons demander surtout qu’après la vie actuelle, il nous délivre d’une autre encore plus misérable, qui n’est pas tant une vie qu’une mort. Ici-bas, bien que nous trouvions de grands soulagements à nos maux dans les choses saintes et dans l’intercession des saints, ceux qui demandent ces grâces ne les obtiennent pas toujours; et la Providence le veut ainsi, de peur qu’un motif temporel ne nous porte à suivre une religion qu’il faut plutôt embrasser en vue de l’autre vie, où il aura plus de mal. C’est pour cela que la grâce aide les bons au milieu des maux, afin qu’ils les supportent d’autant plus constamment qu’ils ont plus de foi. Les doctes du siècle prétendent que la philosophie y fait aussi quelque chose , cette philosophie que les dieux, selon Cicéron, ont accordée dans sa pureté à un petit nombre d’hommes 1. "Ils n’ont jamais fait, dit-il, et ne peuvent faire un plus grand présent aux hommes 2 ."
Cela prouve que ceux mêmes que nous combattons ont été obligés de reconnaître en quelque façon que la grâce de Dieu est nécessaire pour acquérir la véritable philosophie. Et si la véritable philosophie, qui est l’unique secours contre les misères de la condition mortelle, a été donnée à un si petit nombre d’hommes, voilà encore une preuve que ces misères sont des peines auxquelles les hommes ont été condamnés. Or, comme nos philosophes tombent d’accord que le ciel ne nous a pas fait de don plus précieux, il faut croire aussi qu’il n’a pu venir que du vrai Dieu, de ce Dieu qui est reconnu comme le plus grand de tous par ceux-là mêmes qui en adorent plusieurs.
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1. Comp. Pline, Hist. nat., lib. VII, cap. 54. — 2. I Rois, IV, 18. —1. Repos, en latin quies, ce qui donne occasion à saint Augustin d’établir entre la quiétude naturelle du sommeil et son inquiétude trop fréquente une antithèse difficile à traduire en français. —1. Où est ce mot, de Cicéron ? Je n’ai pu le découvrir; mais il y a dans le De finibus (livre V, cap. 21) une pensée analogue. —2. Cicéron s’exprime ainsi dans les Académiques (livre I, ch. 2), répétant une pensée de Platon qui se trouve dans le Timée (pag. 47 A, B). Voici le passage : "La vue est pour nous, à mon sentiment, la cause du plus grand bien; car personne n’aurait pu discourir, comme nous le faisons, sur l’univers, sans avoir contemplé les astres, le soleil et le ciel. C’est l’observation du jour et de la nuit, ce sont les révolutions des mois et des années, qui ont produit le nombre, fourni la notion du temps, et rendu possible l’étude de l’univers. Ainsi, nous devons à la vue la philosophie elle-même, le plus noble présent que le genre humain ait jamais reçu et puisse jamais recevoir de la munificence des dieux (trad. de M. Cousin, tome XII, p. 148)".
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
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AUX BONS INDÉPENDAMMENT DE CELLES QUI
LEUR SONT COMMUNES AVEC LES MÉCHANTS.
Outre les maux de cette vie qui sont communs aux bons et aux méchants, les bons ont des traverses particulières à essuyer dans la guerre continuelle qu’ils font à leurs passions. Les révoltes de la chair contre l’esprit sont tantôt plus fortes, tantôt moindres, mais elles ne cessent jamais; de sorte que, ne faisant jamais ce que nous voudrions 3, il ne nous reste qu’à lutter contre toute concupiscence mauvaise, autant que Dieu nous en donne le pouvoir, et à veiller continuellement sur nous-mêmes, de crainte qu’une fausse apparence ne nous trompe, qu’un discours artificieux ne nous surprenne, que quelque erreur ne s’empare de notre esprit, que nous ne prenions un bien pour un mal, ou un mal pour un bien, que la crainte ne nous détourne de faire ce qu’il faut, que la passion ne nous porte à faire ce qu’il ne faut pas, que le soleil ne se couche sur notre colère 1, que la peine ne nous entraîne à rendre le mal pour le mal, qu’une tristesse excessive ou déraisonnable ne nous accable, que nous ne soyons ingrats pour un bienfait reçu, que les médisances ne nous troublent, que nous ne portions des jugements téméraires, que nous ne soyons accablés de ceux que l’on porte contre nous, que le péché ne règne en notre corps mortel en secondant nos désirs, que nous ne fassions de nos membres des instruments d’iniquité pour le péché 2, que notre œil ne suive ses appétits déréglés, qu’un désir de vengeance ne nous entraîne, que nous n’arrêtions nos regards ni nos pensées sur des objets illégitimes, que nous ne prenions du plaisir à entendre quelque parole outrageuse ou déshonnête, que nous ne fassions ce qui n’est pas permis, quoique nous en soyons tentés, que, dans cette guerre pénible et pleine de dangers, nous ne nous promettions la victoire par nos propres forces, ou que nous cédions à l’orgueil de nous l’attribuer au lieu d’en faire honneur à celui dont l’Apôtre dit: "Grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ 3"; et ailleurs: "Nous demeurons victorieux au milieu de tous ces maux par la grâce de celui qui nous a aimés 4".
Sachons pourtant que, quelque résistance que nous opposions aux vices et quelque avantage que nous remportions sur eux, tant que nous sommes dans ce corps mortel, nous ne pouvons manquer de dire à Dieu: "Remettez-nous nos dettes 5" Mais dans ce royaume où nous demeurerons éternellement, revêtus de corps immortels, nous n’aurons plus de guerre ni de dettes, comme nous n’en aurions jamais eu, si notre nature était demeurée dans sa première pureté . Ainsi cette guerre même, où nous sommes si exposés et dont nous désirons être délivrés par une dernière victoire, fait partie des maux de cette vie, qui, ainsi que nous venons de l’établir par le dénombrement de tant de misères, a été condamnée par un arrêt divin.
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3. Galates V, 17. — 1. Ephésiens IV, 26. — 2. Romains IX, 12-13. — 3. I Corinthiens XV, 57. — 4. Romains VIII, 37 — 5. Matthieu VI, 12.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIV. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXIV. (à suivre...)
DES BIENS DONT LE CRÉATEUR A REMPLI CETTE VIE,
TOUTE EXPOSÉE QU’ELLE SOIT À LA DAMNATION.
Cependant, il faut louer la justice de Dieu dans ces misères mêmes qui affligent le genre humain; car de quelle multitude de biens sa bonté n’a-t-elle pas aussi rempli cette vie ! D’abord, il n’a pas voulu arrêter, même après le péché, l’effet de cette bénédiction qu’il a répandue sur les hommes, en leur disant: "Croissez et multipliez et remplissez la terre 1", La fécondité est demeurée dans une race justement condamnée; et bien que le péché nous ait imposé la nécessité de mourir, il n’a pas pu nous ôter cette vertu admirable des semences, ou plutôt cette vertu encore plus admirable qui les produit, et qui est profondément enracinée et comme entée dans la substance du corps. Mais dans ce fleuve ou ce torrent qui emporte les générations humaines, le mal et le bien se mêlent toujours: le mal que nous devons à notre premier père, le bien que nous devons à la bonté du Créateur.
Dans le mal originel, il y a deux choses: le péché et le supplice; et il y en a deux autres dans le bien originel: la propagation et la conformation. J’ai déjà parlé suffisamment de ce double mal, je veux dire du péché, qui vient de notre audace, et du supplice, qui est l’effet du jugement de Dieu. J’ai dessein maintenant de parler des biens que Dieu a communiqués ou communique encore à notre nature, toute corrompue et condamnée qu’elle est. En la condamnant, il ne lui a pas ôté tout ce qu’il lui avait donné: autrement, elle ne serait plus du tout; et, en l’assujettissant au démon pour la punir, il ne s’est pas privé du pouvoir qu’il avait sur elle, puisqu’il a toujours conservé son empire sur le démon lui-même qui d’ailleurs ne subsisterait pas un instant sans celui qui est l’être souverain et le principe de tous les êtres.
De ces deux biens qui se répandent du sein de sa bonté, comme d’une source féconde, sur la nature humaine, même corrompue et condamnée, le premier, la propagation, fut le premier don que Dieu accorda à l’homme en le bénissant, lorsqu’il fit les premiers ouvrages du monde, dont il se reposa le septième jour. Pour la conformation, il la lui donne sans cesse par son action continuellement créatrice 1. S’il venait à retirer à soi sa puissance efficace, ses créatures ne pourraient aller au delà, ni accomplir la durée assignée à leurs mouvements mesurés, ni même conserver l’être qu’elles ont reçu. Dieu a donc créé l’homme de telle façon qu’il lui a donné le pouvoir de se reproduire, sans néanmoins l’y obliger; et s’il a ôté ce pouvoir à quelques-uns, en les rendant stériles, il ne l’a pas ôté au genre humain. Toutefois, bien que cette faculté soit restée à l’homme, malgré son péché, elle n’est pas telle qu’elle aurait été, s’il n’avait jamais péché. Car depuis que l’homme est déchu par sa désobéissance de cet état de gloire où il avait été créé, il est devenu semblable aux bêtes 2 et engendre comme elles, gardant toujours en lui cependant cette étincelle de raison qui fait qu’il est encore créé à l’image de Dieu.
Mais si la conformation ne se joignait pas à la propagation, celle-ci demeurerait oisive et ne pourrait accomplir son ouvrage. Dieu en effet avait-il besoin pour peupler la terre que l’homme et la femme eussent commerce ensemble ? Il lui suffisait de créer plusieurs hommes comme il avait créé le premier. Et maintenant même, le mâle et la femelle pourraient s’accoupler, et n’engendreraient rien, sans l’action créatrice de Dieu. De même que l’Apôtre a dit de l’institution spirituelle qui forme l’homme à la piété et à la justice: "Ce n’est ni celui qui plante, ni celui qui arrose, qui est quelque chose, mais Dieu, qui donne l’accroissement 3"; ainsi l’on peut dire que ce n’est point l’homme, dans l’union conjugale, qui est quelque chose, mais Dieu qui donne l’être; que ce n’est point la mère, bien qu’elle porte son fruit dans son sein et le nourrisse, qui est quelque chose, mais Dieu qui donne l’accroissement. Lui seul, par l’action qu’il exerce maintenant encore, fait que les semences se développent, et sortent de ces plis secrets et invisibles qui les tenaient cachées, pour exposer à nos yeux les beautés visibles que nous admirons. Lui seul, liant ensemble par des nœuds admirables la nature spirituelle et la nature corporelle ….(à suivre…)
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1. Genèse I, 28.— 1. Jean, VI, 17. — 2. Psaume XLVIII, 13. — 3. I Corinthiens III, 7.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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à suivre…
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIV. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXIV. (suite)
DES BIENS DONT LE CRÉATEUR A REMPLI CETTE VIE,
TOUTE EXPOSÉE QU’ELLE SOIT À LA DAMNATION.
(suite) Lui seul, liant ensemble par des nœuds admirables la nature spirituelle et la nature corporelle, l’une pour commander, l’autre pour obéir, compose l’être animé, ouvrage si grand et si merveilleux, que non seulement l’homme, qui est un animal raisonnable, et par conséquent plus noble et plus excellent que tous les animaux de la terre, mais la moindre petite mouche ne peut être attentivement considérée sans étonner l’intelligence et faire louer le Créateur.
C’est donc lui qui a donné à l’âme humaine cet entendement où la raison et l’intelligence sont comme assoupies dans les enfants, pour se réveiller et s’exercer avec l’âge, afin qu’ils soient capables de connaître la vérité et d’aimer le bien, et qu’ils acquièrent ces vertus de prudence, de force, de tempérance et de justice nécessaires pour combattre les erreurs et les autres vices, et pour les vaincre par le seul désir du Bien immuable et souverain. Que si cette capacité n’a pas toujours son effet dans la créature raisonnable, qui peut néanmoins exprimer ou seulement concevoir la grandeur du bien renfermé dans ce merveilleux ouvrage du Tout-Puissant ? Outre l’art de bien vivre et d’arriver à la félicité immortelle, art sublime qui s’appelle la vertu, et que la seule grâce de Dieu en Jésus-Christ donne aux enfants de la promesse et du royaume, l’esprit humain n’a-t-il pas inventé une infinité d’arts qui font bien voir qu’un entendement si actif, si fort et si étendu, même en les choses superflues ou nuisibles, doit avoir un grand fonds de bien dans sa nature, pour avoir pu y trouver tout cela ?
Jusqu’où n’est pas allée l’industrie des hommes dans l’art de former des tissus, d’élever des bâtiments, dans l’agriculture et la navigation ? Que d’imagination et de perfection dans ces vases de toutes formes, dans cette multitude de tableaux et de statues ! Quelles merveilles ne se font pas sur la scène, qui semblent incroyables à qui n’en a pas été témoin ! Que de ressources et de ruses pour prendre, tuer ou dompter les bêtes farouches ! Combien de sortes de poisons, d’armes, de machines, les hommes n’ont-ils pas inventées contre les hommes mêmes !
Combien de secours et de remèdes pour conserver la santé ! Combien d’assaisonnements et de mets pour le plaisir de la bouche et pour réveiller l’appétit ! Quelle diversité de signes pour exprimer et faire agréer ses pensées, et au premier rang, la parole et l’écriture ! Quelle richesse d’ornements dans l’éloquence et la poésie pour réjouir l’esprit et pour charmer l’oreille, sans parler de tant d’instruments de musique, de tant d’airs et de chants ! Quelle connaissance admirable des mesures et des nombres ! Quelle sagacité d’esprit dans la découverte des harmonies et des révolutions des globes célestes ! Enfin, qui pourrait dire toutes les connaissances dont l’esprit humain s’est enrichi touchant les choses naturelles, surtout si on voulait insister sur chacune en particulier, au lieu de les rapporter en général ?
Pour défendre même des erreurs et des faussetés, combien les philosophes et les hérétiques n’ont-ils pas fait paraître d’esprit ? car nous ne parlons maintenant que de la nature de l’entendement qui sert d’ornement à cette vie mortelle, et non de la foi et de la vérité par lesquelles on acquiert la vie immortelle. Certes une nature excellente, ayant pour auteur un Dieu également juste et puissant, qui gouverne lui-même tous ses ouvrages, ne serait jamais tombée dans ces misères, et de ces misères n’irait point (les seuls justes exceptés) dans tous les tourments éternels, si elle n’avait été corrompue originairement dans le premier homme, d’où sont sortis tous les autres, par quelque grand et énorme péché.
Si nous considérons notre corps même, bien qu’il meure comme celui des bêtes, qui l’ont souvent plus robuste que nous, quelle bonté et quelle providence de Dieu y éclatent de toutes parts ? Les organes des sens et les autres membres n’y sont-ils pas tellement disposés, sa forme et sa stature si bien ordonnées, qu’il paraît clairement avoir été fait pour le service et le ministère d’une âme raisonnable ? L’homme n’a pas été créé courbé vers la terre, comme les animaux sans raison; mais sa stature droite et élevée l’avertit de porter ses pensées et ses désirs vers le ciel 1.
D’ailleurs cette merveilleuse vitesse donnée à la langue et à la main pour parler et pour écrire, et pour exécuter tant de choses, ne montre-t-elle pas combien est excellente l’âme qui a reçu un corps si bien fait pour serviteur ? Que dis-je ? Et quand bien même le corps n’aurait pas besoin d’agir, les proportions en sont observées avec tant d’art et de justesse, qu’il serait difficile de décider si, dans sa structure, Dieu a eu plus d’égard à l’utilité qu’à la beauté. Au moins n’y voyons-nous rien d’utile qui ne soit beau tout à la fois: ce qui nous serait plus évident encore, si nous connaissions les rapports et les proportions que toutes les parties ont entre elles, et dont nous pouvons découvrir quelque chose par ce que nous voyons au dehors. Quant à ce qui est caché… (à suivre…)
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1. On se souvient du vers célèbre d’Ovide et de ce beau passage de Platon dans le Timée: "Quant à celle de nos âmes qui est la plus puissante en nous (le nous : la raison), voici ce qu’il en faut penser: c’est que Dieu, l’a donnée [à]chacun de nous comme un génie; nous disons qu’elle habite le lieu le plus élevé de notre corps, parce que nous pensons avec raison qu’elle nous élève de la terre vers le ciel, notre patrie, car nous sommes une plante du ciel et non de la terre. Dieu, en élevant notre tête, et ce qui est pour nous comme la racine de notre être, vers le lieu où l’âme a été primitivement engendrée, dirige ainsi tout le corps (trad. de M. Cousin, tome XII, p. 239)".
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIV. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXIV. (fin)
DES BIENS DONT LE CRÉATEUR A REMPLI CETTE VIE,
TOUTE EXPOSÉE QU’ELLE SOIT À LA DAMNATION.
(fin) Quant à ce qui est caché, comme l’enlacement des veines, des nerfs, des muscles, des fibres, personne ne le saurait connaître. En effet, bien que les anatomistes aient disséqué des cadavres, et quelquefois même se soient cruellement exercés sur des hommes vivants 1 pour fouiller dans les parties les plus secrètes du corps humain, et apprendre ainsi à les guérir, toutefois, comment aucun d’entre eux aurait-il trouvé cette proportion admirable dont nous parlons, et que les Grecs appellent harmonie, puisqu’ils ne l’ont pas seulement osé chercher ? Si nous pouvions la connaître dans les entrailles, qui n’ont aucune beauté apparente, nous y trouverions quelque chose de plus beau et qui satisferait plus notre esprit que tout ce qui flatte le plus agréablement nos yeux dans la figure extérieure du corps.
Or, il y a certaines parties dans le corps qui ne sont que pour l’ornement et non pas pour l’usage, comme les mamelles de l’homme, et la barbe, qui n’est pas destinée à le défendre, puisque autrement les femmes, qui sont plus faibles, devraient en avoir. Si donc il n’y a aucun membre, de tous ceux qui paraissent, qui n’orne le corps autant qu’il le sert, et s’il y en a même qui ne sont que pour l’ornement et je pense que l’on comprend aisément que, dans la structure du corps, Dieu a eu plus d’égard à la beauté qu’à la nécessité. En effet, le temps de la nécessité passera, et il en viendra un autre, où nous ne jouirons que de la beauté de nos semblables, sans aucune concupiscence: digne sujet de louanges envers le Créateur, à qui il est dit dans le psaume: "Vous vous êtes revêtu de gloire et de splendeur 2 !"
Que dire de tant d’autres choses également belles et utiles qui remplissent l’univers et dont la bonté de Dieu a donné l’usage et le spectacle à l’homme, tout condamné qu’il soit à tant de peines et à tant de misères ? Parlerai-je de ce vif éclat de la lumière, de la magnificence du soleil, de la lune et des étoiles, de ces sombres beautés des forêts, des couleurs et des parfums des fleurs, de cette multitude d’oiseaux si différents de chant et de plumage, de cette diversité infinie d’animaux dont les plus petits sont les plus admirables ? Car les ouvrages d’une fourmi et d’une abeille nous étonnent plus que le corps gigantesque d’une baleine. Parlerai-je de la mer, qui fournit toute seule un si grand spectacle à nos yeux, et des diverses couleurs dont elle se couvre comme d’autant d’habits différents, tantôt verte, tantôt bleue, tantôt pourprée ?
Combien même y a-t-il de plaisir à la voir en courroux, pourvu que l’on se sente à l’abri de ses flots ? Que dire de cette multitude de mets différents qu’on a trouvés pour apaiser la faim, de ces divers assaisonnements que nous offre la libéralité de la nature contre le dégoût, sans recourir à l’art des cuisiniers, de cette infinité de remèdes qui servent à conserver ou à rétablir la santé, de cette agréable vicissitude des jours et des nuits, de ces doux zéphyrs qui tempèrent les chaleurs de l’été, et de mille sortes de vêtements que nous fournissent les arbres et les animaux ? Qui peut tout décrire ?
Et si je voulais même étendre ce peu que je me borne à indiquer, combien de temps ne me faudrait-il pas ? Car il n’y a pas une de ces merveilles qui n’en comprenne plusieurs. Et ce ne sont là pourtant que les consolations de misérables condamnés et non les récompenses des bienheureux; quelles seront donc ces récompenses ? Qu’est-ce que Dieu donnera à ceux qu’il prédestine à la vie, s’il donne tant ici-bas à ceux qu’il a prédestinés à la mort ? De quels biens ne comblera-t-il point en la vie bienheureuse ceux pour qui il a voulu que son Fils unique souffrît tant de maux et la mort même en cette vie mortelle et misérable? Aussi l’Apôtre, parlant de ceux qui sont prédestinés au royaume céleste. "Que ne nous donnera-t-il point, dit-il, après n’avoir pas épargné son propre Fils, et l’avoir livré à la mort pour nous tous 1 ?"
Quand cette promesse sera accomplie, quels biens n’avons-nous pas à espérer dans ce royaume, ayant déjà reçu pour gage la mort d’un Dieu ? En quel état sera l’homme lorsqu’il n’aura plus de passions à combattre et qu’il sera dans une paix parfaite avec lui-même ? Ne connaîtra-t-il pas certainement toutes choses sans peine et sans erreur, lorsqu’il puisera la sagesse de Dieu à sa source même ? Que sera son corps, lorsque, parfaitement soumis à l’esprit dont il tirera une vie abondante, il n’aura plus besoin d’aliments ? Il ne sera plus animal, mais spirituel, gardant, il est vrai, la substance de la chair, mais exempt désormais de toute corruption charnelle.
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1. Celse fait honneur aux célèbres médecins Hérophile et Erasistrate d’avoir pratiqué des vivisections sur des criminels condamnés à mort (De Medic, paef., page 11 de l’édition de Paris, 1823 ).—2. Psaume CIII, 1. —1. Romains VIII, 32.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXV. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXV.
DE L’OBSTINATION DE QUELQUES INCRÉDULES QUI NE VEULENT PAS CROIRE
À LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR, ADMISE AUJOURD’HUI, SELON LES
PRÉDICTIONS DES LIVRES SAINTS, PAR LE MONDE ENTIER.
Les plus fameux philosophes conviennent avec nous des biens dont l’âme heureuse jouira; ils combattent seulement la résurrection de la chair et la nient autant qu’ils peuvent. Mais le grand nombre de ceux qui y croient a rendu imperceptible le nombre de ceux qui la nient; et les savants et les ignorants, les sages du monde et les simples se sont rangés du côté de Jésus-Christ, qui a fait voir comme réel dans sa résurrection ce qu’une poignée d’incrédules trouve absurde. Le monde a cru ce que Dieu a prédit, et cette foi même du monde a été aussi prédite, sans qu’on en puisse attribuer la prédiction aux sortilèges de Pierre, puisqu’elle l’a précédé de tant d’années 1. Celui qui a annoncé ces choses est le même Dieu devant qui tremblent toutes les autres divinités; je l’ai déjà dit et je ne suis pas fâché de le répéter; car ici Porphyre est d’accord avec moi, lui qui cherche dans les oracles mêmes de ses dieux des témoignages à l’honneur de notre Dieu, et va jusqu’à lui donner le nom de Père et de Roi.
Or, gardons-nous d’entendre ce que Dieu a prédit comme l’entendent ceux qui ne partagent pas avec le monde cette foi du monde qu’il a prédite. Et pourquoi en effet ne pas l’entendre plutôt comme l’entend le monde dont la foi même a été prédite ? En effet, s’ils ne veulent l’entendre d’une autre manière que pour ne pas faire injure à ce Dieu à qui ils rendent un témoignage si éclatant, et pour ne pas dire que sa prédiction est vaine, n’est-ce pas lui faire une plus grande injure encore de dire qu’il la faut entendre autrement que le monde ne la croit, puisque lui-même a annoncé, loué, accompli la foi du monde ? Pourquoi ne peut-il pas faire que la chair ressuscite et vive éternellement? Est-ce là un mal et une chose indigne de lui ?
— Mais nous avons déjà amplement parlé de sa toute-puissance qui a fait tant de choses incroyables. Voulez-vous savoir ce que ne peut le Tout-Puissant ? Le voici: il ne peut mentir. Croyez donc ce qu’il peut en ne croyant pas ce qu’il ne peut. Ne croyant pas qu’il puisse mentir, croyez donc qu’il fera ce qu’il a promis, et croyez-le comme l’a cru le monde dont il a prédit la foi. Maintenant, comment nos philosophes montrent-ils que ce soit un mal ? Il n’y aura là aucune corruption, par conséquent, aucun mal du corps. D’ailleurs, nous avons parlé de l’ordre des éléments et des autres objections que l’on a imaginées à ce sujet, et nous avons fait voir, au treizième livre, combien les mouvements d’un corps incorruptible seront souples et aisés, à n’en juger que par ce que nous voyons maintenant, lorsque notre corps se porte bien, quoique sa santé actuelle la plus parfaite ne soit pas comparable à l’immortalité qu’il possédera un jour. Que ceux qui n’ont pas lu ce que j’ai dit ci-dessus, ou qui ne veulent pas s’en souvenir, prennent la peine de le relire.
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1. Sur les prétendus sortilèges de saint Pierre, voyez plus haut, livre XVIII, ch. 53.
https://messe.forumactif.org/t6638p30-saint-augustin-la-cite-de-dieu-livre-xxii-bonheur-des-saints#119863
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Dernière édition par ROBERT. le Dim 13 Déc 2015, 3:48 pm, édité 1 fois (Raison : ajout d'un lien en bas de page.)
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXVI. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXVI.
OPINION DE PORPHYRE SUR LE SOUVERAIN BIEN.
Mais, disent-ils, Porphyre assure qu’une âme, pour être heureuse, doit fuir toute sorte de corps 1. C’est donc en vain que nous prétendons que le corps sera incorruptible, si l’âme ne peut être heureuse qu’à condition de fuir le corps. J’ai déjà suffisamment répondu à cette objection, au livre indiqué. J’ajouterai ceci seulement: si les philosophes ont raison, que Platon, leur maître, corrige donc ses livres, et dise que les dieux fuiront leurs corps pour être bienheureux, c’est-à-dire qu’ils mourront, lui qui dit qu’ils sont enfermés dans des corps célestes et que néanmoins le dieu qui les a créés leur a promis qu’ils y demeureraient toujours, afin qu’ils pussent être assurés de leur félicité, quoique cela ne dût pas être naturellement.
Il renverse en cela du même coup cet autre raisonnement qu’on nous oppose à tout propos: qu’il ne faut pas croire à la résurrection de la chair, parce qu’elle est impossible. En effet, selon ce même philosophe, lorsque le Dieu incréé a promis l’immortalité aux dieux créés, il leur a dit qu’il faisait une chose impossible. Voici le discours même que Platon prête à Dieu: "Comme vous avez commencé d’être, vous ne sauriez être immortels ni parfaitement indissolubles; mais vous ne serez jamais dissous, et vous ne connaîtrez aucune sorte de mort, parce que la mort ne peut rien contre ma volonté, laquelle est un lien plus fort et plus puissant que ceux dont vous fûtes unis au moment de votre naissance 1".
Après cela, on ne peut plus douter, que, suivant Platon, le Dieu créateur des autres dieux ne leur ait promis ce qui est impossible. Celui qui dit: Vous ne pouvez à la vérité être immortels, mais vous le serez, parce que je le veux, — que dit-il autre chose, sinon: Je ferai que vous serez ce que vous ne pouvez être ? Celui-là donc ressuscitera la chair et la rendra immortelle, incorruptible et spirituelle, qui, selon Platon, a promis de faire ce qui est impossible. Pourquoi donc s’imaginer encore que ce que Dieu a promis de faire, ce que le monde entier croit sur sa parole, est impossible, surtout lorsqu’il a aussi promis que le monde le croirait ? Nous ne disons pas qu’un autre dieu le doive faire que celui qui, selon Platon, fait des choses impossibles.
Il ne faut donc pas que les âmes fuient toutes sortes de corps pour être heureuses, mais il faut qu’elles en reçoivent un incorruptible. Et en quel corps incorruptible est-il plus raisonnable qu’elles se réjouissent, que dans le corps corruptible où elles ont gémi ? Ainsi elles n’auront pas ce désir que Virgile leur attribue, d’après Platon, de vouloir de nouveau retourner dans les corps 2, puisqu’elles auront éternellement ces corps, et elles les auront si bien qu’elles ne s’en sépareront pas, même pendant le plus petit espace de temps.
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1. Cette opinion de Porphyre est amplement discutée plus haut, livre X, ch. 30 et suivants, livre XIII, ch. 16 et suivants.
1. Voyez plus haut, livre XIII, ch. 16, la traduction puis complète de ce passage de Platon, et les notes. —2. Virgile, Enéide, livre VI, v. 751.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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à suivre…
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXVII. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXVII.
DES OPINIONS CONTRAIRES DE PLATON ET DE PORPHYRE,
LESQUELLES LES EUSSENT CONDUITS À LA VÉRITÉ,
SI CHACUN D’EUX AVAIT VOULU CÉDER QUELQUE CHOSE À L’AUTRE.
Platon et Porphyre ont aperçu chacun certaines vérités qui peut-être en auraient fait des chrétiens, s’ils avaient pu se les communiquer l’un à l’autre. Platon avance que les âmes ne peuvent être éternellement sans corps, de sorte que celles même des sages retourneront à la vie corporelle, après un long espace de temps 1. Porphyre déclare que lorsque l’âme parfaitement purifiée sera retournée au Père, elle ne reviendra jamais aux misères de cette vie. Si Platon avait persuadé à Porphyre cette vérité, que sa raison avait conçue, que les âmes mêmes des hommes justes et sages retourneront en des corps humains; et si Porphyre eût fait part à Platon de cette autre vérité, qu’il avait établie, que les âmes des saints ne reviendront jamais aux misères d’un corps corruptible, je pense qu’ils auraient bien vu qu’il s’ensuit de là que les âmes doivent retourner dans des corps, mais dans des corps immortels et incorruptibles.
Que Porphyre dise donc avec Platon: elles retourneront dans des corps; que Platon dise avec Porphyre: elles ne retourneront pas à leur première misère. Ils reconnaîtront alors tous deux qu’elles retourneront en des corps où elles ne souffriront plus rien. Ce n’est autre chose que ce que Dieu a promis, savoir l’éternelle félicité des âmes dans des corps immortels. Et maintenant, une fois accordé que les âmes des saints retourneront en des corps immortels, je pense qu’ils n’auraient pas beaucoup de peine à leur permettre de retourner en ceux où ils ont souffert les maux de la terre, et où ils ont religieusement servi Dieu pour être délivrés de tout mal.
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1. Encore une fois, Platon n’enseigne pas cela, et il enseigne même tout le contraire dans le Phèdre, le Gorgias, le Phédon, le Timée et la République.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXVIII. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXVIII.
COMMENT PLATON, LABÉON ET MÊME VARRON AURAIENT
PU VOIR LA VÉRITÉ DE LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR,
S’ILS AVAIENT RÉUNI LEURS OPINIONS EN UNE SEULE.
Quelques-uns des nôtres, qui aiment Platon à cause de la beauté de son style et de quelques vérités répandues dans ses écrits, disent qu’il professe à peu près le même sentiment que nous sur la résurrection. Mais Cicéron, qui en touche un mot dans sa République, laisse voir que le célèbre philosophe a plutôt voulu se jouer que dire ce qu’il croyait véritable. Platon, en effet, introduit dans un de ses dialogues un homme ressuscité qui fait des récits conformes aux sentiments des Platoniciens 1. Labéon 2 rapporte aussi que deux hommes morts le même jour se rencontrèrent dans un carrefour, et qu’ensuite, ayant reçu l’ordre de retourner dans leur corps, ils se jurèrent une parfaite amitié, qui dura jusqu’à ce qu’ils moururent de nouveau.
Mais ces sortes de résurrections sont comme celles des personnes que nous savons avoir été de nos jours rendues à la vie, mais non pas pour ne plus mourir, Varron rapporte quelque chose de plus merveilleux dans son traité: De l’origine du peuple romain. Voici ses propres paroles: "Quelques astrologues ont écrit que les hommes sont destinés à une renaissance qu’ils appellent palingénésie, et ils en fixent l’époque à quatre cent quarante ans après la mort. A ce moment, l’âme reprendra le même corps qu’elle avait auparavant ".
Ce que Varron et ces astrologues, je ne sais lesquels, car il ne les nomme point, disent ici, n’est pas absolument vrai, puisque, lorsque les âmes seront revenues à leurs corps, elles ne les quitteront plus; mais au moins cela renverse-t-il beaucoup d’arguments que nos adversaires tirent d’une prétendue impossibilité. En effet, les païens qui ont été de ce sentiment n’ont donc pas estimé que des corps évaporés dans l’air, ou écoulés en eau, ou réduits en cendre et en poussière, ou passés dans la substance soit des bêtes, soit des hommes, ne puissent être rétablis en leur premier état.
Si donc Platon et Porphyre, ou plutôt ceux qui les aiment et qui sont actuellement en vie, tiennent que les âmes purifiées retourneront dans des corps, comme le dit Platon, et que néanmoins elles ne reviendront point à leurs misères, comme le veut Porphyre, c’est-à-dire s’ils tiennent ce qu’enseigne notre religion, qu’elles rentreront dans des corps où elles demeureront éternellement sans souffrir aucun mal, il ne leur reste plus qu’à dire avec Varron qu’elles retourneront aux même corps qu’elles animaient primitivement, et toute la question de la résurrection sera résolue.
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1. Voyez à la fin de la République de Platon, livre X, le mythe d’Er l’Arménien.
2. Sur Labéon, voyez plus haut, livre II, ch. 11.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIX. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXIX. (à suivre…)
DE LA NATURE DE LA VISION PAR LAQUELLE LES
SAINTS CONNAÎTRONT DIEU DANS LA VIE FUTURE.
Voyons maintenant, autant qu’il plaira à Dieu de nous éclairer, ce que les saints feront dans leurs corps immortels et spirituels, alors que leur chair ne vivra plus charnellement, mais spirituellement. Pour avouer avec franchise ce qui en est, je ne sais quelle sera cette action, ou plutôt ce calme et ce repos dont ils jouiront. Les sens du corps ne m’en ont jamais donné aucune idée, et quant à l’intelligence, qu’est-ce que toute la nôtre, en comparaison d’un si grand objet ? C’est au séjour céleste que règne "cette paix de Dieu, qui", comme dit l’Apôtre, "surpasse tout entendement 1": quel entendement, sinon le nôtre, ou peut-être même celui des anges ?
Mais elle ne surpasse pas celui de Dieu. Si donc les saints doivent vivre dans la paix de Dieu, assurément la paix où ils doivent vivre surpasse tout entendement. Qu’elle surpasse le nôtre, il n’en faut point douter; mais si elle surpasse même celui des anges, comme il semble que l’Apôtre le donne à penser, qui dit tout n’exceptant rien, il faut appliquer ses paroles à la paix dont jouit Dieu, et dire que ni nous, ni les anges même ne la peuvent connaître comme Dieu la connaît. Ainsi elle surpasse tout autre entendement que le sien.
Mais de même que nous participerons un jour, selon notre faible capacité, à cette paix, soit en nous-mêmes, soit en notre prochain, soit en Dieu, en tant qu’il est notre souverain bien, ainsi les anges la connaissent aujourd’hui autant qu’ils en sont capables, et les hommes aussi, mais beaucoup moins qu’eux, tout avancés qu’ils soient dans les voies spirituelles. Quel homme en effet peut surpasser celui qui a dit: "Nous connaissons en partie, et en partie nous devinons, jusqu’au jour où le parfait s’accomplira 2"; et ailleurs: "Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et en énigme; mais alors nous verrons face à face 3".
C’est ainsi que voient déjà les saints anges, qui sont aussi appelés nos anges, parce que, depuis que nous avons été délivrés de la puissance des ténèbres et transportés au royaume de Jésus-Christ, après avoir reçu le Saint-Esprit pour gage de notre réconciliation, nous commençons à appartenir à ces anges avec qui nous posséderons en commun cette sainte et chère Cité de Dieu, sur laquelle nous avons déjà écrit tant de livres. Les anges de Dieu sont donc nos anges, comme le Christ de Dieu est notre Christ. Ils sont les anges de Dieu, parce qu’ils ne l’ont point abandonné; et ils sont nos anges, parce que nous commençons à être leurs concitoyens. C’est ce qui a fait dire à Notre-Seigneur: "Prenez bien garde de ne mépriser aucun de ces petits; car je vous assure que leurs anges voient sans cesse la face de mon Père dans le ciel 1".
Nous la verrons, nous aussi, comme ils la voient, mais nous ne la voyons pas encore de cette façon, d’où vient cette parole de l’Apôtre, que j’ai rapportée: "Nous ne voyous maintenant que dans un miroir et en énigme; mais alors nous verrons face à face". Cette vision nous est réservée pour récompense de notre foi, et saint Jean parle ainsi: "Lorsqu’il paraîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est 2". Il est clair que dans ces passages, par la face de Dieu, on doit entendre sa manifestation, et non cette partie de notre corps que nous appelons ainsi 3 .
C’est pourquoi quand on me demande ce que feront les saints dans leur corps spirituel, je ne dis pas ce que je vois, mais ce que je crois, suivant cette parole du psaume: "J’ai cru, et c’est ce qui m’a fait parler 4". Je dis donc que c’est dans ce corps qu’ils verront Dieu; mais de savoir s’ils le verront par ce corps, comme maintenant nous voyons le soleil, la lune, les étoiles elles autres objets sensibles, ce n’est pas une petite question. Il est dur de dire que les saints ne pourront alors ouvrir et fermer les yeux quand il leur plaira, mais il est encore plus dur de dire que quiconque fermera les yeux ne verra pas Dieu. Si Elisée, quoique absent de corps, vit son serviteur Giézi qui prenait, se croyant inaperçu, des présents de Naaman le Syrien que le Prophète avait guéri de la lèpre 5, à combien plus forte raison les saints verront-ils toutes choses dans ce corps spirituel, non seulement ayant les yeux fermés, mais même étant corporellement absents !
Ce sera alors le temps de cette perfection dont parle l’Apôtre, quand il dit: "Nous connaissons en partie et en partie nous devinons; mais quand le parfait sera arrivé, le partiel sera aboli". Pour montrer ensuite par une sorte de comparaison combien cette vie, quelque progrès qu’on y fasse dans la vertu, est différente de l’autre: "Quand j’étais enfant, dit-il, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant; mais lorsque je suis devenu homme, je me suis défait de tout ce qui tenait de l’enfant. Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et en énigme, mais alors nous verrons face à face. Je ne connais maintenant qu’en partie, mais je connaîtrai alors comme je suis connu 1". Si donc en cette vie, où la connaissance des plus grands prophètes… ( à suivre…)
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1. Philippiens IV, 7. — 2. I Corinthiens XIII, 9-10. — 3. I Corinthiens XIII, 12.—1. Matthieu XVIII, 10. — 2. I Jean III, 2. —3. Comparez une belle lettre de saint Augustin sur la vision de Dieu (Epist. CXLVII) et les Rétractations, lib. II, cap. 41.— 4. Psaume CXV, 10. — 5. IV Rois, V, 8-27. — 1. I Corinthiens XIII, 11-12.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIX. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXIX. (suite 1)
DE LA NATURE DE LA VISION PAR LAQUELLE LES
SAINTS CONNAÎTRONT DIEU DANS LA VIE FUTURE.
(suite) Si donc en cette vie, où la connaissance des plus grands prophètes ne mérite pas plus d’être comparée à celle que nous aurons dans la vie future, qu’un enfant n’est comparable à un homme fait, Elisée tout absent qu’il était, vit son serviteur qui prenait des présents, dirons-nous que, lorsque le parfait sera arrivé et que le corps corruptible n’appesantira plus l’âme, les saints auront besoin pour voir des yeux dont le prophète Elisée n’eut pas besoin ? Voici comment ce Prophète parle à Giézi, selon la version des Septante: "Mon esprit n’allait-il pas avec toi, et ne sais-je pas que Naaman est sorti de son char au-devant de toi et que tu as accepté de l’argent ?". Ou comme le prêtre Jérôme traduit sur l’hébreu: "Mon esprit n’était-il pas présent, quand Naaman est descendu de son char pour aller au-devant de toi 2 ?"
Le Prophète dit qu’il vit cela avec son esprit, aidé sans doute surnaturellement d’en haut; à combien plus forte raison, les saints recevront-ils cette grâce du ciel, lorsque Dieu sera tout en tous 3 ! Toutefois les yeux du corps auront aussi leur fonction et seront à leur place, et l’esprit s’en servira par le ministère du corps spirituel. Bien que le prophète Elisée n’ait pas eu besoin de ses yeux pour voir son serviteur absent, ce n’est pas à dire qu’il ne s’en servit point pour voir les objets présents, qu’il pouvait néanmoins voir aussi avec son esprit, bien qu’il fermât ses yeux, comme il en vit qui étaient loin de lui. Gardons-nous donc de dire que les saints ne verront pas Dieu en l’autre vie les yeux fermés, puisqu’ils le verront toujours avec l’esprit.
La question est de savoir s’ils le verront aussi avec les yeux du corps, quand ils les auront ouverts. Si leurs yeux, tout spirituels qu’ils seront dans leur corps spirituel, n’ont pas plus de vertu que n’en ont les nôtres maintenant, il est certain qu’ils ne leur serviront point à voir Dieu. Ils auront donc une vertu infiniment plus grande, si, par leur moyen, on voit cette nature immatérielle qui n’est point contenue dans un lieu limité, mais qui est tout entière partout.
Quoique nous disions en effet que Dieu est au ciel et sur la terre, selon ce qu’il dit lui-même par le Prophète: "Je remplis le ciel et le terre 1"; il ne s’ensuit pas qu’il ait une partie de lui-même dans le ciel et une autre sur la terre mais il est tout entier dans le ciel et tout entier sur la terre, non en divers temps, mais à la fois, ce qui est impossible à toute nature corporelle. Les yeux des saints auront donc alors une infiniment plus grande vertu, par où je n’entends pas dire qu’ils auront la vue plus perçante que celle qu’on attribue aux aigles ou aux serpents; car ces animaux, quelque clairvoyants qu’ils soient, ne sauraient voir que des corps, au lieu que les yeux des saints verront même des choses incorporelles.
Telle était peut-être cette vertu qui fut donnée au saint homme Job, quand il disait à Dieu: "Auparavant je vous entendais, mais à cette heure mon œil vous voit; c’est pourquoi je me suis méprisé moi-même; je me suis comme fondu devant vous, et j’ai cru que je n’étais que cendre et que poussière 2". Au reste, ceci se peut très bien entendre des yeux de l’esprit dont saint Paul dit: "Afin qu’il éclaire les yeux de votre cœur 3". Or, que Dieu se voie de ces yeux-là, c’est ce dont ne doute aucun chrétien qui accepte avec foi cette parole de notre Dieu et maître: "Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu 4 !" mais il reste toujours à savoir si on le verra aussi des yeux du corps, et c’est ce que nous examinons maintenant.
Nous lisons dans l’Evangile: "Et toute chair verra le salut de Dieu 5"; or, il n’y a aucun inconvénient à entendre ce passage comme s’il y avait: Et tout homme verra le Christ de Dieu qui a été vu dans un corps, et qui sera vu sous la même forme, quand il jugera les vivants et les morts. — En effet, que le Christ soit le salut de Dieu, cela se justifie par plusieurs témoignages de l’Ecriture, mais singulièrement par ces paroles du vénérable vieillard Siméon, qui, ayant pris Jésus enfant entre ses bras, s’écria: "C’est maintenant, Seigneur, que vous pouvez laisser aller en paix votre serviteur, selon votre parole, puisque mes yeux ont vu votre salut 1".
Quant à ce passage de Job, tel qu’il se trouve dans les exemplaires hébreux: "Je verrai Dieu dans ma chair 2", il faut croire sans doute que Job prophétisait ainsi la résurrection de la chair; mais il n’a pas dit pourtant: Je verrai Dieu par ma chair. Et quand il l’aurait dit, on pourrait l’entendre de Jésus-Christ, qui est Dieu aussi, et qu’on verra dans la chair et par le moyen de la chair. Mais maintenant, en l’entendant de Dieu même… (à suivre…)
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2. IV Rois V, 26. — 3. I Corinthiens XV, 28. —1. Jérémie XXIII, 24. — 2. Job, XLII, 5-6, selon les Septante. — 3. Ephésiens I, 18. — 4. Matthieu V,8. — 5. Luc III, 6.—1. Luc, II, 29-30 ; —2. Job XIX, 26.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIX. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXIX. (fin)
DE LA NATURE DE LA VISION PAR LAQUELLE LES
SAINTS CONNAÎTRONT DIEU DANS LA VIE FUTURE.
(fin). Mais maintenant, en l’entendant de Dieu même, on peut fort bien l’expliquer ainsi: "Je verrai Dieu dans ma chair" c’est-à-dire, je serai dans ma chair, lorsque je verrai Dieu. De même ce que dit l’Apôtre: "Nous verrons face à face 3" ne nous oblige point à croire que nous verrons Dieu par cette partie du corps où sont les yeux corporels, lui que nous verrons sans interruption par les yeux de l’esprit. En effet, si l’homme intérieur n’avait aussi une face, l’Apôtre ne dirait pas: "Mais nous, contemplant à face dévoilée la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, allant de clarté en clarté, comme par l’esprit du Seigneur 4".
Nous n’entendons pas autrement ces paroles du psaume: "Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés, et vos faces ne rougiront point 5". C’est par la foi qu’on approche de Dieu, et il est certain que la foi appartient au cœur et non au corps. Mais comme nous ignorons jusqu’à quel degré de perfection doit être élevé le corps spirituel des bienheureux, car nous parlons d’une chose dont nous n’avons point d’expérience et sur laquelle l’Ecriture ne se déclare pas formellement, il faut de toute nécessité qu’il nous arrive ce qu’on lit dans la Sagesse: "Les pensées des hommes sont chancelantes, et leur prévoyance est incertaine 6".
Si cette opinion des philosophes que les objets des sens et de l’esprit sont tellement partagés que l’on ne saurait voir les choses intelligibles par le corps, ni les corporelles par l’esprit, si cette opinion était vraie, assurément nous ne pourrions voir Dieu par les yeux d’un corps, même spirituel. Mais la saine raison et l’autorité des Prophètes se jouent de ce raisonnement. Qui, en effet, serait assez peu sensé pour dire que Dieu ne connaît pas les choses corporelles ? Et cependant il n’a point de corps pour les voir. Il y a plus: ce que nous avons rapporté d’Elisée ne montre-t-il pas clairement qu’on peut voir les choses corporelles par l’esprit, sans avoir besoin du corps ? Quand Giézi prit les présents de Naaman, le fait se passa corporellement; et cependant le Prophète ne le vit pas avec les yeux du corps, mais par l’esprit.
De plus, puisqu’il est constant que les corps se voient par l’esprit, pourquoi ne se peut-il pas faire que la vertu d’un corps spirituel soit telle qu’on voie même un esprit par ce corps ? Car Dieu est esprit. D’ailleurs, si chacun connaît par un sentiment intérieur, et non par les yeux du corps, la vie qui l’anime, il n’en est pas de même pour la vie de nos semblables: nous la voyons par le corps, quoique ce soit une chose invisible. Comment discernons-nous les corps vivants de ceux qui ne le sont pas, sinon parce que nous voyons en même temps et les corps et la vie que nous ne saurions voir que par le corps ? Mais la vie sans le corps se dérobe aux yeux corporels.
C’est pourquoi il est possible et fort croyable que dans l’autre vie nous verrons de telle façon les corps du ciel nouveau et de la terre nouvelle que nous y découvrirons Dieu présent partout, non comme aujourd’hui, où ce qu’on peut voir de lui se voit, en quelque sorte, par les choses créées, comme dans un miroir et en énigme 1, et d’une façon partielle 2, et plus par la foi qu’autrement, mais comme nous voyons maintenant la vie des hommes qui se présentent à nos yeux. Nous ne croyons pas qu’ils vivent; nous le voyons.
Alors donc, ou bien les yeux du corps seront tellement perfectionnés qu’on verra Dieu avec leur aide, comme on le voit par l’esprit, supposition difficile ou même impossible à justifier par aucun témoignage de l’Ecriture, ou bien, ce qui est plus aisé à comprendre, Dieu nous sera si connu et si sensible que nous le verrons par l’esprit au dedans de nous, dans les autres, dans lui-même, dans le ciel nouveau et dans la terre nouvelle, en un mot, dans tout être alors subsistant. Nous le verrons même par le corps dans tout corps, de quelque côté que nous jetions les yeux. Et nos pensées aussi deviendront visibles; car alors s’accomplira ce que dit l’Apôtre: "Ne jugez point avant le temps, jusqu’à ce que le Seigneur vienne, et qu’il porte la lumière dans les plus épaisses ténèbres, et qu’il découvre les pensées des cœurs; et chacun alors recevra de Dieu la louange qui lui est due 1".
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3. I Corinthiens XIII, 12. – 4. II Corinthiens III, 18. – 5. Psaume XXXIII, 6. – 6. Sagesse IX, 41. — 1. Romains I, 20. — 2. I Corinthiens XIII, 12.
1. I Corinthiens IV, 5.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXX. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXX. (à suivre…)
DE L’ÉTERNELLE FÉLICITÉ DE LA CITÉ
DE DIEU ET DU SABBAT ÉTERNEL.
Qu’elle sera heureuse cette vie où tout mal aura disparu, où aucun bien ne sera caché, où l’on n’aura qu’à chanter les louanges de Dieu, qui sera tout en tous ! Car que faire autre chose en un séjour où ne se peuvent rencontrer ni la paresse, ni l’indigence ? Le Psalmiste ne veut pas dire autre chose, quand il s’écrie: "Heureux ceux qui habitent votre maison, Seigneur ! Ils vous loueront éternellement 2". Toutes les parties de notre corps, maintenant destinées à certains usages nécessaires à la vie, n’auront point d’autre emploi que de concourir aux louanges de Dieu. Toute cette harmonie du corps humain dont j’ai parlé et qui nous est maintenant cachée, se découvrant alors à nos yeux avec une infinité d’autres choses admirables, nous transportera d’une sainte ardeur pour louer hautement le grand Ouvrier. Je n’oserais déterminer quels seront les mouvements de ces corps spirituels; mais, à coup sûr, mouvement, altitude, expression, tout sera dans la convenance, en un lieu où rien que de convenable ne se peut rencontrer. Un autre point assuré, c’est que le corps sera incontinent où l’esprit voudra, et que l’esprit ne voudra rien qui soit contraire à la dignité du corps, ni à la sienne. Là régnera la véritable gloire, loin de l’erreur et de la flatterie. Là le véritable honneur, qui ne sera pas plus refusé à qui le mérite que déféré à qui ne le mérite pas, nul indigne n’y pouvant prétendre dans un séjour où le mérite seul donne accès.
Là enfin la véritable paix où l’on ne souffrira rien de contraire, ni de soi-même, ni des autres. Celui-là même qui est l’auteur de la vertu en sera la récompense, parce qu’il n’y a rien de meilleur que lui et qu’il a promis de se donner à tous. Que signifie ce qu’il a dit par le prophète: "Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple 1", sinon : Je serai l’objet qui remplira tous leurs souhaits; je serai tout ce que les hommes peuvent honnêtement désirer, vie, santé, nourriture, richesses, gloire, honneur, paix, en un mot tous les biens, afin que, comme dit l’Apôtre: "Dieu soit tout en tous 2". Celui-là sera la fin de nos désirs, qu’on verra sans fin, qu’on aimera sans dégoût, qu’on louera sans lassitude: occupation qui sera commune à tous, ainsi que la vie éternelle.
Au reste, il n’est pas possible de savoir quel sera le degré de gloire proportionné aux mérites de chacun. Il n’y a point de doute pourtant qu’il n’y ait en cela beaucoup de différence. Et c’est encore un des grands biens que cette Cité, que l’on n’y portera point envie à ceux que l’on verra au-dessus de soi, comme maintenant les anges ne sont point envieux de la gloire des archanges. L’on souhaitera aussi peu de posséder ce qu’on n’a pas reçu, quoiqu’on soit parfaitement uni à celui qui a reçu, que le doigt souhaite d’être l’œil, bien que l’œil et le doigt entrent dans la structure du même corps. Chacun donc y possédera tellement son don, l’un plus grand, l’autre plus petit, qu’il aura en outre le don de n’en point désirer de plus grand que le sien. Et il ne faut pas s’imaginer que les bienheureux… (à suivre…)
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2. Psaume LXXXIII, 5. — 1. Lévitique XXVI, 12. — 2. I Corinthiens XV, 28.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXX. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXX. (suite)
DE L’ÉTERNELLE FÉLICITÉ DE LA CITÉ
DE DIEU ET DU SABBAT ÉTERNEL.
(suite ) Et il ne faut pas s’imaginer que les bienheureux n’auront point de libre arbitre, sous prétexte qu’ils ne pourront plus prendre plaisir au péché; ils seront même d’autant plus libres qu’ils seront délivrés du plaisir de pécher pour prendre invariablement plaisir à ne pécher point. Le premier libre arbitre qui fut donné à l’homme, quand Dieu le créa droit, consistait à pouvoir ne pas céder au péché et aussi à pouvoir pécher. Mais ce libre arbitre supérieur, qu’il doit recevoir à la fin, sera d’autant plus puissant qu’il ne pourra plus pécher, privilège qu’il ne tiendra pas de lui-même, mais de la bonté de Dieu.
Autre chose est d’être Dieu, autre chose est de participer de Dieu. Dieu, par nature, ne peut pécher; mais celui qui participe de Dieu reçoit seulement de lui la grâce de ne plus pouvoir pécher. Or, cet ordre devait être gardé dans le bienfait de Dieu, de donner premièrement à l’homme un libre arbitre par lequel il pût ne point pécher, et ensuite de lui en donner un par lequel il ne puisse plus pécher: le premier pour acquérir le mérite, le second pour recevoir la récompense.
Or, l’homme ayant péché lorsqu’il l’a pu, c’est par une grâce plus abondante qu’il est délivré, afin d’arriver à cette liberté où il ne pourra plus pécher. De même que la première immortalité qu’Adam perdit en péchant consistait à pouvoir ne pas mourir, et que la dernière consistera à ne pouvoir plus mourir, ainsi la première liberté de la volonté consistait à pouvoir ne pas pécher, la dernière consistera à ne pouvoir plus pécher. De la sorte, l’homme ne pourra pas plus perdre sa vertu que sa félicité. Et il n’en sera pourtant pas moins libre: car dira-t-on que Dieu n’a point de libre arbitre, sous prétexte qu’il ne saurait pécher ? Tous les membres de cette divine Cité auront donc une volonté parfaitement libre, exempte de tout mal, comblée de tout bien, jouissant des délices d’une joie immortelle, sans plus se souvenir de ses fautes ni de ses misères, et sans oublier néanmoins sa délivrance, pour n’être pas ingrate envers son libérateur.
L’âme se souviendra donc de ses maux passés, mais intellectuellement et sans les ressentir, comme un habile médecin qui connaît plusieurs maladies par son art, sans les avoir jamais éprouvées. De même qu’on peut connaître les maux de deux manières, par science ou par expérience, car un homme de bien connaît les vices autrement qu’un libertin, on peut aussi les oublier de deux matières. Celui qui les a appris par science ne les oublie pas de la même manière que celui qui les a soufferts; car celui-là les oublie en abdiquant sa connaissance, et celui-ci en dépouillant sa misère. C’est de cette dernière façon que les saints ne se souviendront plus de leurs maux passés. Ils seront exempts de tous maux, sans qu’il leur en reste le moindre sentiment; et toutefois, par le moyen de la science qu’ils posséderont au plus haut degré, ils ne connaîtront pas seulement leur misère passée, mais aussi la misère éternelle des damnés.
En effet, s’ils ne se souvenaient pas d’avoir été misérables, comment, selon le Psalmiste, chanteraient-ils éternellement les miséricordes de Dieu 1? or, nous savons que cette Cité n’aura pas de plus grande joie que de chanter ce cantique à la gloire du Sauveur qui nous a rachetés par son sang. Là cette parole sera accomplie: "Tenez-vous en repos, et reconnaissez que je suis Dieu 2" Là sera vraiment le grand sabbat qui n’aura point de soir, celui qui est figuré dans la Genèse, quand il est dit: "Dieu se reposa de toutes ses œuvres le septième jour, et il le bénit et le sanctifia, parce qu’il s’y reposa de tous les ouvrages qu’il avait entrepris 3".
En effet, nous serons nous-mêmes le septième jour, quand nous serons remplis et comblés de la bénédiction et de la sanctification de Dieu. Là nous nous reposerons, et nous reconnaîtrons que c’est lui qui est Dieu, qualité souveraine que nous avons voulu usurper, quand nous avons abandonné Dieu pour écouter cette parole du séducteur: "Vous serez comme des dieux 4"; d’autant plus aveugles que nous aurions eu cette qualité en quelque sorte, par anticipation et par grâce, si nous lui étions demeurés fidèles au lieu de le quitter 5. Qu’avons-nous fait en le quittant, que mourir misérablement ?... (à suivre…)
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1. Psaume LXXXVIII, 2. — 2. Psaume XLV, 11. — 3. Genèse II, 2-3. — 4. Genèse III, 5. — 5. Psaume LXXXIX, 9.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, gras et
soulignés ajoutés.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXX. a écrit:
LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.
CHAPITRE XXX. (fin)
DE L’ÉTERNELLE FÉLICITÉ DE LA CITÉ
DE DIEU ET DU SABBAT ÉTERNEL.
(fin). Qu’avons-nous fait en le quittant, que mourir misérablement ? Mais alors, rétablis par sa bonté et remplis d’une grâce plus abondante, nous nous reposerons éternellement et nous verrons que c’est lui qui est Dieu; car nous serons pleins de lui et il sera tout en tous. Nos bonnes œuvres mêmes, quand nous les croyons plus à lui qu’à nous, nous sont imputées pour obtenir ce sabbat; au lieu que, si nous venons à nous les attribuer, elles deviennent des œuvres serviles, puisqu’il est dit du sabbat: "Vous n’y ferez aucune oeuvre servile 6" ; d’où cette parole qui est dans le prophète Ezéchiel: "Je leur ai donné mes sabbats comme un signe d’alliance entre eux et moi, afin qu’ils apprissent que je suis le Seigneur qui les sanctifie 7" . Nous saurons cela parfaitement, quand nous serons parfaitement en repos et que nous verrons parfaitement que c’est lui qui est Dieu.
Ce sabbat paraîtra encore plus clairement, si l’on compte les âges, selon l’Ecriture, comme autant de jours, puisqu’il se trouve justement le septième. Le premier âge, comme le premier jour, se compte depuis Adam jusqu’au déluge; le second, depuis le déluge jusqu’à Abraham; et, bien que celui-ci ne comprenne pas une aussi longue durée que le premier, il comprend autant de générations, depuis Abraham jusqu’à Jésus-Christ. L’évangéliste Matthieu compte trois âges qui comprennent chacun quatre générations: un d’Abraham à David, l’autre de David à la captivité de Babylone, le troisième de cette captivité à la naissance temporelle de Jésus-Christ. Voilà donc déjà cinq âges. Le sixième s’écoule maintenant et ne doit être mesuré par aucun nombre certain de générations, à cause de cette parole du Sauveur: "Ce n’est pas à vous de connaître les temps dont mon Père s’est réservé la disposition 1". Après celui-ci, Dieu se reposera comme au septième jour, lorsqu’il nous fera reposer en lui, nous qui serons ce septième jour.
Mais il serait trop long de traiter ici de ces sept âges. Qu’il suffise de savoir que le septième sera notre sabbat, qui n’aura point de soir, mais qui finira par le jour dominical, huitième jour et jour éternel, consacré par la résurrection de Jésus-Christ et figurant le repos éternel, non-seulement de l’esprit, mais du corps. C’est là que nous nous reposerons et que nous verrons, que nous verrons et que nous aimerons, que nous aimerons et que nous louerons. Voilà ce qui sera à la fin sans fin. Et quelle autre fin nous proposons-nous que d’arriver au royaume qui n’a point de fin ?
Il me semble, en terminant ce grand ouvrage, qu’avec l’aide de Dieu je me suis acquitté de ma dette. Que ceux qui trouvent que j’en ai dit trop ou trop peu, me le pardonnent; et que ceux qui pensent que j’en ai dit assez en rendent grâces, non à moi, mais à Dieu avec moi. Ainsi soit-il !
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6. Deutéronome V, 14. – 7. Ézéchiel XX, 12. — 1. Actes I, 7.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, gras et
soulignés ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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