Saint Augustin — La Cité de Dieu — Livre XXII: Bonheur des Saints. (complet) Table des Matières.

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Message  ROBERT. Lun 10 Aoû 2015, 9:24 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap VIII, a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE VIII. (fin)

DES MIRACLES QUI ONT ÉTÉ FAITS POUR QUE

LE MONDE CRUT EN JÉSUS-CHRIST ET

QUI N’ONT PAS CESSÉ DEPUIS QU’IL Y CROIT.




(fin) Cet accident étonna tout le monde, et plusieurs en furent touchés. Il s’en trouva qui voulurent le relever; mais d’autres les en empêchèrent, et dirent qu’il valait mieux attendre la fin de son sommeil. Tout à coup le jeune homme se releva sur ses pieds sans trembler, car il était guéri, examinant tous ceux qui le regardaient. Qui put s’empêcher alors de rendre grâces à Dieu ? Toute l’église retentit de cris de joie, et l’on courut promptement à moi pour me dire l’événement, à l’endroit où j’étais assis, prêt à m’avancer vers le peuple. Ils venaient l’un sur l’autre, le dernier m’annonçant cette nouvelle, comme si je ne l’avais point apprise du premier. Tandis que je me réjouissais et rendais grâces à Dieu, le jeune homme guéri entra lui-même avec les autres, et se jeta à mes pieds; je l’embrassai et le relevai. Nous nous avançâmes vers le peuple, l’église étant toute pleine, et l’on n’entendait partout que ces mots: Dieu soit béni ! Dieu soit béni ! Je saluai le peuple, et il recommença encore plus fort les mêmes acclamations.



Enfin, comme chacun eut fait silence, on lut quelques leçons de l’Ecriture. Quand le moment où je devais parler fut venu, je fis un petit discours, selon l’exigence du temps et la grandeur de cette joie, aimant mieux qu’ils goûtassent l’éloquence de Dieu dans une œuvre si merveilleuse, que dans mon propre discours. Le jeune homme dîna avec nous, et nous raconta en détail l’histoire de son malheur et celle de ses frères, de ses sœurs et de sa mère. Le lendemain, après le sermon, je promis au peuple de lui en lire le récit, au jour suivant1. Le troisième jour donc après le dimanche de Pâques, comme on faisait la lecture promise2, je fis mettre le frère et la sœur sur les degrés du lieu où je montais pour parler, afin qu’on pût les voir. Tout le peuple les regardait attentivement, l’un dans une attitude tranquille, l’autre tremblant de tous ses membres. Ceux qui ne les avaient pas vus ainsi apprenaient, par le malheur de la sœur, la miséricorde de Dieu pour le frère. Ils voyaient ce dont il fallait se réjouir pour lui et ce qu’il fallait demander pour elle. Quand on eut achevé de lire la relation, je les fis retirer. Je commençais à faire quelques observations sur cette histoire, lorsqu’on entendit de nouvelles acclamations qui venaient du tombeau du saint martyr. Toute l’assemblée se tourna de ce côté et s’y porta en masse. La jeune fille n’avait pas plus tôt descendu les degrés où je l’avais fait mettre, qu’elle avait couru se mettre en prières auprès du tombeau.



A peine en eut-elle touché les balustres qu’elle tomba comme son frère et se releva parfaitement guérie. Or, comme nous demandions ce qui était arrivé, et d’où venaient ces cris de joie, les fidèles rentrèrent avec elle dans la basilique où nous étions, la ramenant guérie du tombeau du martyr. Alors il s’éleva un si grand cri de joie de la bouche des hommes et des femmes, que l’on crut que les larmes et les acclamations1 ne finiraient point. Palladia fut conduite au même lieu où on l’avait vue un peu auparavant trembler de tous ses membres. Plus on s’était affligé de la voir moins favorisée que son frère, plus on se réjouissait de la voir aussi bien guérie que lui. On glorifiait la bonté de Dieu, qui avait entendu et exaucé les prières qu’on avait à peine eu le temps de faire pour elle. Aussi, il s’élevait de toute part de si grands cris d’allégresse qu’à peine nos oreilles pouvaient-elles les soutenir. Qu’y avait-il dans le cœur de tout ce peuple si joyeux, sinon cette foi du Christ, pour laquelle saint Etienne avait répandu son sang ?




-----------------------------------------------------------


1. Voyez les Sermons de saint Augustin, serm. CCXXI. — 2. Voyez le Sermon CCCXXII. — 1. Voyez le Sermon CCCXXIII.


 
Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Mar 11 Aoû 2015, 1:28 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap IX. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE IX.

TOUS LES MIRACLES OPÉRÉS PAR LES MARTYRS

AU NOM DE JÉSUS-CHRIST SONT AUTANT DE

TÉMOIGNAGES DE LA FOI QU’ILS ONT EUE EN JÉSUS-CHRIST.




A qui ces miracles rendent-ils témoignage, sinon à cette foi qui prêche Jésus-Christ ressuscité et monté au ciel eu corps et en âme ? Les martyrs eux-mêmes ont été les martyrs, c’est-à-dire les témoins de cette foi c’est pour elle qu’ils se sont attiré la haine et la persécution du monde, et qu’ils ont vaincu, non en résistant, mais en mourant. C’est pour elle qu’ils sont morts, eux qui peuvent obtenir ces grâces du Seigneur au nom duquel ils sont morts. C’est pour elle qu’ils ont souffert, afin que leur admirable patience fût suivie de ces miracles de puissance. Car s’il n’était pas vrai que la résurrection de la chair s’est d’abord manifestée en Jésus-Christ et qu’elle doit s’accomplir dans tous les hommes telle qu’elle a été annoncée par ce Sauveur et prédite par les Prophètes, pourquoi les martyrs, égorgés pour cette foi qui prêche la résurrection, ont-ils, quoique morts, un si grand pouvoir ?


En effet, soit que Dieu fasse lui-même ces miracles, selon ce merveilleux mode d’action qui opère des effets temporels du sein de l’éternité, soit qu’il agisse par ses ministres, et, dans ce dernier cas, soit qu’il emploie le ministère des esprits des martyrs, comme s’ils étaient encore au monde, ou celui des anges, les martyrs y interposant seulement leurs prières, soit enfin qu’il agisse de quelque autre manière incompréhensible aux hommes, toujours faut-il tomber d’accord que les martyrs rendent témoignage à cette foi qui prêche la résurrection éternelle des corps.
 



Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Mer 12 Aoû 2015, 11:59 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap X. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE X.

COMBIEN SONT PLUS DIGNES D’ÊTRE HONORÉS LES MARTYRS QUI OPÈRENT

DE TELS MIRACLES POUR QUE L’ON ADORE DIEU, QUE LES DÉMONS QUI NE FONT

CERTAINS PRODIGES QUE POUR SE FAIRE EUX-MÊMES ADORER COMME DES DIEUX.




Nos adversaires diront peut-être que leurs dieux ont fait aussi des miracles. A merveille, pourvu qu’ils en viennent déjà à comparer leurs dieux aux hommes qui sont morts parmi nous. Diront-ils qu’ils ont aussi des dieux tirés du nombre des morts, comme Hercule, Romulus et plusieurs autres qu’ils croient élevés au rang des dieux ? Mais nous ne croyons point, nous, que nos martyrs soient des dieux, parce que nous savons que notre Dieu est le leur; et cependant, les miracles que les païens prétendent avoir été faits par les temples de leurs dieux ne sont nullement comparables à ceux qui se font par les tombeaux de nos martyrs. Ou s’il en est quelques-uns qui paraissent du même ordre, nos martyrs ne laissent pas de vaincre leurs dieux, comme Moïse vainquit les mages de Pharaon1. En effet, les prodiges opérés par les démons sont inspirés par le même orgueil qui les a portés à vouloir être dieux; au lieu que nos martyrs les font, ou plutôt Dieu les fait par eux et à leur prière, afin d’établir de plus en plus cette foi qui nous fait croire, non que les martyrs sont nos dieux, mais qu’ils n’ont avec nous qu’un même Dieu.



Enfin, les païens ont bâti des temples aux divinités de leur choix, leur ont dressé des autels, donné des prêtres et fait des sacrifices; mais nous, nous n’élevons point à nos martyrs des temples comme à des dieux, mais des tombeaux comme à des morts dont les esprits sont vivants devant Dieu. Nous ne dressons point d’autels pour leur offrir des sacrifices, mais nous immolons l’hostie à Dieu seul, qui est notre Dieu et le leur. Pendant ce sacrifice, ils sont nommés en leur lieu et en leur ordre, comme des hommes de Dieu qui, en confessant son nom, ont vaincu le monde; mais le prêtre qui sacrifie ne les invoque point: c’est à Dieu qu’il sacrifie et non pas à eux, quoiqu’il sacrifie en mémoire d’eux; car il est prêtre de Dieu et non des martyrs. Et en quoi consiste le sacrifice lui-même ? C’est le corps de Jésus-Christ, lequel n’est pas offert aux martyrs, parce qu’eux-mêmes sont aussi ce corps.



A quels miracles croira-t-on de préférence ? Aux miracles de ceux qui veulent passer pour dieux, ou aux miracles de ceux qui ne les font que pour établir la foi en la divinité de Jésus-Christ ? A qui se fier?  À ceux qui veulent faire consacrer leurs crimes ou à ceux qui ne souffrent pas même que l’on consacre leurs louanges, et qui veulent qu’on les rapporte à la gloire de celui en qui on les loue ? C’est en Dieu, en effet, que leurs âmes sont glorifiées1. Croyons donc à la vérité de leurs discours et à la puissance de leurs miracles; car c’est pour avoir dit la vérité qu’ils ont souffert la mort,  et c’est la mort librement subie qui leur a valu le don des miracles. Et l’une des principales vérités qu’ils ont affirmées, c’est que Jésus-Christ est ressuscité des morts et qu’il a fait voir, en sa chair l’immortalité de la résurrection qu’il nous a promise au commencement du nouveau siècle ou à la fin de celui-ci.



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1. Exode VIII. — 1. Psaume XXXIII, 3.

 

Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Jeu 13 Aoû 2015, 10:20 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XI. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.



CHAPITRE XI.

CONTRE LES PLATONICIENS QUI PRÉTENDENT PROUVER,

PAR LE POIDS DES ÉLÉMENTS, QU’UN CORPS TERRESTRE

NE PEUT DEMEURER DANS LE CIEL.




A cette grâce signalée de Dieu, qu’opposent ces raisonneurs dont Dieu sait que les pensées sont vaines2 ? Ils argumentent sur le poids des éléments. Platon, leur maître, leur a enseigné en effet que deux des grands éléments du monde, et les plus éloignés l’un de l’autre, le feu et la terre, sont joints et unis par deux éléments intermédiaires, c’est-à-dire par l’air et par l’eau1. Ainsi, disent-ils, puisque la terre est le premier corps en remontant la série, l’eau le second, l’air le troisième, et le ciel le quatrième, un corps terrestre ne peut pas être dans le ciel. Chaque élément, pour tenir sa place, est tenu en équilibre par son propre poids2. Voilà les arguments dont la faiblesse présomptueuse des hommes se sert pour combattre la toute-puissance de Dieu. Que font donc tant de corps terrestres dans l’air, qui est le troisième élément au-dessus de la terre ? À  moins qu’on ne veuille dire que celui qui a donné aux corps terrestres des oiseaux la faculté de s’élever en l’air par la légèreté de leurs plumes ne pourra donner aux hommes, devenus immortels, la vertu de résider même au plus haut des cieux !



A ce compte, les animaux terrestres qui ne peuvent voler, comme sont les hommes, devraient vivre sous la terre comme les poissons, qui sont des animaux aquatiques et vivent sous l’eau. Pourquoi un animal terrestre ne tire-t-il pas au moins sa vie du second élément, qui est l’eau, et ne peut-il y séjourner sans être suffoqué; et pourquoi faut-il qu’il vive dans le troisième ? Y a-t-il donc erreur ici dans l’ordre des éléments, ou plutôt n’est-ce pas leur raisonnement, et non la nature, qui est en défaut ? Je ne reviendrai pas ici sur ce que j’ai déjà dit au troisième livre3, comme par exemple qu’il y a beaucoup de corps terrestres pesants, tels que le plomb, auxquels l’art peut donner une certaine figure qui leur permet de nager sur l’eau. Et l’on refusera au souverain artisan le pouvoir de donner au corps humain une qualité qui l’élève et le retienne dans le ciel !



Il y a plus, et ces philosophes ne peuvent pas même se servir, pour me combattre, de l’ordre prétendu des éléments. Car si la terre occupe par son poids la première région, si l’eau vient ensuite, puis l’air, puis le ciel, l’âme est au-dessus de tout cela. Aristote en fait un cinquième corps4, et Platon nie qu’elle soit un corps. Or, si elle est un cinquième corps, assurément ce corps est au-dessus de tous les autres; et si elle n’est point un corps, elle les surpasse tous à un titre encore plus élevé. Que fait-elle donc dans un corps terrestre ? que fait la chose la plus subtile, la plus légère, la plus active de toutes, dans une masse si grossière, si pesante et si inerte? Une nature à ce point excellente ne pourra-t-elle pas élever son corps dans le ciel ? Et si maintenant des corps terrestres ont la vertu de retenir les âmes en bas, les âmes ne pourront-elles pas un jour élever en haut des corps terrestres ?



Passons à ces miracles de leurs dieux qu’ils opposent à ceux de nos martyrs, et nous verrons qu’ils nous justifient. Certes, si jamais les dieux païens ont fait quelque chose d’extraordinaire, c’est ce que rapporte Varron d’une vestale qui, accusée d’avoir violé son vœu de chasteté, puisa de l’eau du Tibre dans un crible et la porta à ses juges, sans qu’il s’en répandît une seule goutte1. Qui soutenait sur le crible le poids de l’eau ? Qui l’empêchait de fuir à travers tant d’ouvertures ?  Ils répondront que c’est quelque dieu ou quelque démon. Si c’est un dieu, en est-il un plus puissant que celui qui a créé le monde ? Et si c’est un démon, est-il plus puissant qu’un ange soumis au Dieu créateur du monde ? Si donc un dieu inférieur, ange ou démon, a pu tenir suspendu un élément pesant et liquide, en sorte qu’on eût dit que l’eau avait changé de nature, le Dieu tout-puissant, qui a créé tous les éléments, ne pourra-t-il ôter à un corps terrestre sa pesanteur, pour qu’il habite, renaissant et vivifié. Où il plaira à l’esprit qui le vivifie ?



D’ailleurs, puisque ces philosophes veulent que l’air soit entre le feu et l’eau, au-dessous de l’un et au-dessus de l’autre, d’où vient que nous le trouvons souvent entre l’eau et l’eau, ou entre l’eau et la terre ? Qu’est-ce que les nuées, selon eux ? De l’eau, sans doute; et cependant, ne trouve-t-on pas l’air entre elles et les mers ? Par quel poids et quel ordre des éléments, des torrents d’eau, très impétueux et très abondants, sont-ils suspendus dans les nues, au-dessus de l’air, avant de courir au-dessous de l’air sur la terre ? Et enfin, pourquoi l’air est-il entre le ciel et la terre dans toutes les parties du monde, si sa place est entre le ciel et l’eau, comme celle de l’eau est entre l’air et la terre ?



Bien plus, si l’ordre des éléments veut, comme le dit Platon, que les deux extrêmes, c’est-à-dire le feu et la terre, soient unis par les deux autres qui sont au milieu, c’est-à-dire l’eau et le feu, et que le feu occupe le plus haut du ciel, et la terre la plus basse partie du monde comme une sorte de fondement, de telle sorte que la terre ne puisse être dans le ciel, pourquoi le feu est-il sur la terre ? Car enfin, dans leur système, ces deux éléments, la terre et le feu, le plus bas et le plus haut, doivent se tenir si bien, chacun à sa place, que ni celui qui doit être en bas ne puisse monter en haut, ni celui qui est en haut descendre en bas. Ainsi, puisqu’à leur avis il ne peut y avoir la moindre parcelle de feu dans le ciel, nous ne devrions pas voir non plus la moindre parcelle de feu sur la terre. Cependant le feu est si réellement sur la terre, et même sous la terre, que les sommets des montagnes le vomissent; outre qu’il sert sur la terre aux différents usages des hommes, et qu’il naît même dans la terre, puisque nous le voyons jaillir du bois et du caillou, qui sont sans doute des corps terrestres.



Mais le feu d’en haut, disent-ils, est un feu tranquille, pur, inoffensif et éternel, tandis que celui-ci est violent, chargé de vapeur, corruptible et corrompant1. Il ne corrompt pourtant pas les montagnes et les cavernes, où il brûle continuellement. Mais je veux qu’il soit différent de l’autre, afin de pouvoir servir à nos besoins. Pourquoi donc ne veulent-ils pas que la nature des corps terrestres, devenue un jour incorruptible, puisse un jour se mettre en harmonie avec celle du ciel, comme aujourd’hui le feu corruptible s’unit avec la terre ? Ils ne sauraient donc tirer aucun avantage ni du poids, ni de l’ordre des éléments, pour montrer qu’il est impossible au Dieu tout-puissant de modifier nos corps de telle sorte qu’ils puissent demeurer dans le ciel.



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2. Psaume XCIII, 11. —1. Platon, Timée, trad. française, tome  XI.— 2. Voyez Pline, Hist. nat., livre II, ch. 4. —3. Chap. 18.
4. C’est sans doute sur la foi de Cicéron que saint Augustin attribue à Aristote cette étrange doctrine. Nous trouvons en effet dans les Tusculanes un passage d’où il est naturel de conclure que l’âme n’était pour Aristote qu’un élément plus pur que les autres (Tusc. Qu., lib.5, cap. 10). La vérité est qu’Aristote admettait en effet au-dessous des quatre éléments, reconnus par tonte la physique ancienne, une cinquième substance dont les astres sont formés. Maie jamais ce grand esprit n’a fait de l’âme humaine une substance corporelle. Suivant sa définition si précise et toute sa doctrine si amplement développée dans le beau traité De anima, l’âme est pour lui la forme ou l’énergie du corps, c’est-à-dire son essence et sa vie.— 1. Voyez plus haut, livre X, ch. 16. — 1. Voyez Plotin, Ennead., II, lib. I, cap. 7, 8; lib. II, cap. 11 et alibi.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
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Message  ROBERT. Ven 14 Aoû 2015, 9:46 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XII a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XII.

CONTRE LES CALOMNIES ET LES RAILLERIES DES

INFIDÈLES AU SUJET DE LA RÉSURRECTION DES CORPS.  




Mais nos adversaires nous pressent de questions minutieuses et ironiques sur la résurrection de la chair; ils nous demandent si les créatures avortées ressusciteront; et comme Notre-Seigneur a dit: "En vérité, je vous le déclare, le moindre cheveu de votre tête ne périra pas1; ils nous demandent encore si la taille et la force seront égales en tous, ou si les corps seront de différentes grandeurs. Dans le premier cas, d’où les êtres avortés, supposé qu’ils ressuscitent, prendront-ils ce qui leur manquait en naissant? Et si l’on dit qu’ils ne ressusciteront pas, n’étant pas véritablement nés, la même difficulté s’élève touchant les petits enfants venus à terme, mais morts au berceau.



En effet, nous ne pouvons pas dire que ceux qui n’ont pas été seulement engendrés, mais régénérés par le baptême, ne ressusciteront pas.   De plus, ils demandent de quelle stature seront les corps dans cette égalité de tous: s’ils ont tous la longueur et la largeur de ceux qui ont été ici les plus grands, où plusieurs prendront-ils ce qui leur manquait sur terre pour atteindre à cette hauteur? Autre question: si, comme dit l’Apôtre, nous devons parvenir à "la plénitude de l’âge de Jésus-Christ2"; si, selon le même Apôtre, "Dieu nous a prédestinés pour être rendus conformes à l’image de son Fils3"; si, en d’autres termes, le corps de Jésus-Christ doit être la mesure de tous ceux qui seront dans son royaume, il faudra, disent-ils, retrancher de la stature de plusieurs hommes. Et alors comment s’accomplira cette parole: "Que le moindre cheveu de votre tête ne périra pas" ? Et au sujet des cheveux mêmes, ne demandent-ils pas encore si nous aurons tous ceux que le barbier nous a retranchés?



Mais dans ce cas, de quelle horrible difformité ne serions-nous pas menacés ! Car ce qui arrive aux cheveux ne manquerait pas d’arriver aux ongles. Où serait donc alors la bienséance, qui doit avoir ses droits en cet état bienheureux plus encore que dans cette misérable vie ? Dirons-nous que tout cela ne reviendra pas aux ressuscités ? Tout cela périra donc; et alors, pourquoi prétendre qu’aucun des cheveux de notre tête ne périra ? Mêmes difficultés sur la maigreur et l’embonpoint: car si tous les ressuscités sont égaux, les uns ne seront plus maigres, et les autres ne seront plus gras. Il y aura à retrancher aux uns, à ajouter aux autres. Les uns gagneront ce qu’ils n’avaient pas, les autres perdront ce qu’ils avaient.



On ne soulève pas moins d’objections au sujet de la corruption et de la dissolution des corps morts, dont une partie s’évanouit en poussière et une autre s’évapore dans l’air; de plus, les uns sont mangés par les bêtes, les autres consumés par le feu; d’autres tombés dans l’eau par suite d’un naufrage ou autrement, se corrompent et se liquéfient. Comment croire que tout cela puisse se réunir pour reconstituer un corps ?



— Ils se prévalent encore des défauts qui viennent de naissance ou d’accident; ils allèguent les enfantements monstrueux, et demandent d’un air de dérision si les corps contrefaits ressusciteront dans leur même difformité.  Répondons-nous que la résurrection fera disparaître tous ces défauts ? Ils croient nous convaincre de contradiction par les cicatrices du Sauveur que nous croyons ressuscitées avec lui. Mais voici la question la plus difficile: A qui doit revenir la chair d’un homme, quand un autre homme affamé en aura fait sa nourriture ?  Cette chair s’est assimilée à la substance de celui qui l’a dévorée et a rempli les vides qu’avait creusés chez lui la maigreur. On demande donc si elle retournera au premier homme qui la possédait, ou à celui qui s’en est nourri. C’est ainsi que nos adversaires prétendent livrer au ridicule la foi dans la résurrection, sauf à promettre à l’âme, avec Platon, une vicissitude éternelle de véritable misère et de fausse félicité1, ou à soutenir avec Porphyre qu’après diverses révolutions à travers les corps, elle verra la fin de ses misères, non en prenant un corps immortel, mais en restant affranchie de toute espèce de corps.




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1. Luc, XXI, 18. — 2. Ephésiens IV, 13. — 3. Romains VIII, 29.
1. Nous avons fait remarquer plus haut, que Platon n’admet qu’avec réserve la doctrine pythagoricienne de la métempsycose, et que, dans le Phèdre le Gorgias, le Timée, la République et le Phédon, il annonce expressément aux âmes justes une immortalité de bonheur au sein de la divinité.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Sam 15 Aoû 2015, 1:27 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XIII. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XIII.

SI LES ENFANTS AVORTÉS, ÉTANT COMPRIS AU NOMBRE

DES MORTS, NE LE SERONT PAS AU NOMBRE DES RESSUSCITÉS.




Je vais répondre, avec l’aide de Dieu, aux objections que j’ai mises dans la bouche de nos adversaires. Je n’oserai nier, ni assurer que les enfants avortés, qui ont vécu dans le sein de leur mère et y sont morts, doivent ressusciter. Cependant je ne vois pas pourquoi, étant du nombre des morts, ils seraient exclus de la résurrection. En effet, ou bien tous les morts ne ressusciteront pas, et il y aura des âmes qui demeureront éternellement sans corps, comme celles qui n’en ont eu que dans le sein maternel; ou bien, si toutes les âmes humaines reprennent les corps qu’elles ont eus, en quelque lieu qu’elles les aient laissés, je ne vois pas de raison pour exclure de la résurrection les enfants même qui sont morts dans le sein de leur mère. Mais à quelque sentiment qu’on s’arrête, tout au moins faut-il leur appliquer, s’ils ressuscitent, ce que nous allons dire des enfants déjà nés.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…

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Message  ROBERT. Dim 16 Aoû 2015, 10:58 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XIV. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XIV.

SI LES ENFANTS RESSUSCITERONT AVEC LE MÊME

CORPS QU’ILS AVAIENT À L’ÂGE OÙ ILS SONT MORTS.




Que dirons-nous donc des enfants, sinon qu’ils ne ressusciteront pas dans l’état de petitesse où ils étaient en mourant ? Ils recevront, en un instant, par la toute-puissance de Dieu, l’accroissement auquel ils devaient parvenir avec le temps. Quand Notre-Seigneur a dit: "Pas un cheveu de votre tête ne périra1"; il a entendu que nous ne perdrons rien de ce que nous avions, mais non pas que nous ne gagnerons rien de ce qui nous manquait. Or, ce qui manque à un enfant qui meurt, c’est le développement complet de son corps. Il a beau être parfait comme enfant, la perfection de la grandeur corporelle lui manque, et il ne l’atteindra que parvenu au terme de sa croissance. On peut dire en un sens que, dès qu’il est conçu, il possède tout ce qu’il doit acquérir: il le possède idéalement et en puissance, mais non en fait, de même que toutes les parties du corps humain sont contenues dans la semence, quoique plusieurs manquent aux enfants déjà nés, les dents, par exemple, et autres parties analogues.


C’est dans cette raison séminale de la matière qu’est renfermé tout ce qu’on ne voit pas encore, tout ce qui doit paraître un jour. C’est en elle que l’enfant, qui sera un jour petit ou grand, est déjà grand ou petit. C’est par elle enfin qu’à la résurrection des corps, nous ne perdrons rien de ce que nous avions ici-bas; et dussent les hommes ressusciter tous égaux et avec une taille de géants, ceux qui l’ont eue n’en perdront rien, puisque Jésus-Christ a dit: Aucun cheveu de votre-tête ne périra; et, quant aux autres, l’admirable Ouvrier qui a tiré toutes choses du néant ne sera pas en peine de suppléer à ce qui leur manque1.



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1. Luc, XXI, 18. —1. Comp. saint Augustin, Enchiridion, n. 23; De Gen. ad litt., lib. III, 23.





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Message  ROBERT. Lun 17 Aoû 2015, 11:15 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XV. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XV.

SI LA TAILLE DE JÉSUS-CHRIST SERA LE MODÈLE DE LA TAILLE

DE TOUS LES HOMMES, LORS DE LA RÉSURRECTION.




Il est certain que Jésus-Christ est ressuscité avec la même stature qu’il avait à sa mort, et ce serait se tromper que de croire qu’au jour de la résurrection générale, il prendra, pour égaler les plus hautes statures, une grandeur charnelle qu’il n’avait pas, quand il apparut à ses disciples sous la forme qui leur était connue. Maintenant, dirons-nous que les plus grands doivent être réduits à la mesure du Sauveur? Mais alors il serait beaucoup retranché du corps de plusieurs, ce qui va contre cette parole divine: "Pas un cheveu de votre tête ne périra". Reste donc à dire que chacun prendra la taille qu’il avait dans sa jeunesse, bien qu’il soit mort vieux, ou celle qu’il aurait dû prendre un jour, si la mort ne l’eût prévenu.



Quant à cette mesure de l’âge parfait de Jésus-Christ, dont parle l’Apôtre2, ou bien il ne faut pas l’entendre à la lettre et dire que la mesure parfaite de ce chef mystique trouvera son accomplissement dans la perfection de ses membres; ou, si nous l’entendons de la résurrection des corps, il faut croire que les corps ne ressusciteront ni au-dessus, ni au-dessous de la jeunesse, mais dans l’âge et dans la force où nous savons que Jésus-Christ était arrivé. Les plus savants même d’entre les païens ont fixé la plénitude de la jeunesse à l’âge de trente ans environ1, après lequel l’homme commence à être sur le retour et incline vers la vieillesse. Aussi l’Apôtre n’a-t-il pas dit: A la mesure du corps ou de la stature; mais: A la mesure de l’âge parfait de Jésus-Christ.



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2. Ephésiens IV, 13. — 1. C’est en effet l’opinion d’Hippocrate et celle de Varron, d’après Cennorinus, De die natali, cap. 14. Comp. Aulu-Gelle, Noct. att., lib. X, cap. 28.





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Message  ROBERT. Mar 18 Aoû 2015, 12:49 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XVI. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XVI.

COMMENT IL FAUT ENTENDRE QUE LES SAINTS SERONT

RENDUS CONFORMES À L’IMAGE DU FILS DE DIEU.




Et quand l’Apôtre parle de ces "prédestinés qui seront rendus conformes à l’image du  Fils de Dieu2", on peut fort bien entendre qu’il s’agit de l’homme intérieur. C’est ainsi qu’il est dit dans un autre endroit: "Ne vous conformez point au siècle, mais réformez-vous par un renouvellement de votre esprit3 ". C’est par la même partie de notre être que nous devons réformer pour n’être pas conformes au siècle, que nous deviendrons conformes au Fils de Dieu. On peut encore entendre cette parole dans ce sens que, Dieu-lui-même s’étant rendu conforme à nous, quand il a pris la condition mortelle, de même nous lui serons conformes par l’immortalité, ce qui a rapport aussi à la résurrection des corps.


Si l’on veut expliquer ces paroles par la forme sous laquelle les corps ressusciteront, cette conformité, aussi bien que la mesure dont parle l’Apôtre, ne regardera que l’âge, et non pas la taille. Chacun donc ressuscitera aussi grand qu’il était ou qu’il aurait été dans sa jeunesse, et quant à la forme, il importera peu que ce soit celle d’un vieillard ou d’un enfant, puisque ni l’esprit ni le corps ne seront plus sujets à aucune faiblesse. Si donc on s’avisait de soutenir que chacun ressuscitera dans la même conformation des membres qu’il avait à sa mort, il n’y aurait pas lieu à s’engager contre lui dans une laborieuse discussion.


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2. Romains  VIII, 29. — 3. Romains. XII, 2.



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Message  ROBERT. Mar 18 Aoû 2015, 12:56 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XVII. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XVII.

SI LES FEMMES, EN RESSUSCITANT,

GARDERONT LEUR SEXE.




De ces paroles: "Jusqu’à ce que nous par« venions tous à l’état d’homme parfait, à la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ", et de celles-ci: "Rendus conformes à l’image du Fils de Dieu", quelques-uns ont conclu1que les femmes ne ressusciteront point dans leur sexe, mais dans celui de l’homme, parce que Dieu a formé l’homme seul du limon de la terre, et qu’il a tiré la femme de l’homme. Pour moi, j’estime plus raisonnable de croire à la résurrection de l’un et de l’autre sexe. Car il n’y aura plus alors cette convoitise qui nous cause aujourd’hui de la confusion. Aussi bien, avant le péché, l’homme et la femme étaient nus, et ils n’en rougissaient pas. Le vice sera donc retranché de nos corps, mais leur nature subsistera. Or, le sexe de la femme n’est point en elle un vice; c’est sa nature. D’ailleurs, il n’y aura plus alors ni commerce charnel ni enfantement, et la femme sera ornée d’une beauté nouvelle qui n’allumera pas la convoitise désormais disparue, mais qui glorifiera la sagesse et la bonté de Dieu, qui a fait ce qui n’était pas, et délivré de la corruption ce qu’il a fait. Il fallait, au commencement du genre humain, qu’une côte fût tirée du flanc de l’homme endormi pour en faire une femme; car c’est là un symbole prophétique de Jésus-Christ et de son Eglise.



Ce sommeil d’Adam2 était la mort du Sauveur3, dont le côté fut percé d’une lance sur la croix, après qu’il eut rendu l’esprit; il en sortit du sang et de l’eau4, lesquels figurent les sacrements, sur lesquels l’Eglise est "édifiée"; aussi l’Ecriture s’est-elle servie de ce mot: car elle ne dit pas que Dieu forma ou façonna la côte du premier homme, mais qu’il "l’édifia en femme5", d’où vient que l’Apôtre appelle l’Eglise l’édifice du corps de Jésus-Christ6. La femme est donc la créature de Dieu aussi bien que l’homme, mais elle a été faite de l’homme, pour consacrer l’unité, et elle en a été faite de cette manière pour figurer Jésus-Christ et l’Eglise. Celui qui a créé l’un et l’autre sexe les rétablira tous deux. Aussi Jésus-Christ lui-même quand les Sadducéens, qui niaient la résurrection, lui demandèrent auquel des sept frères appartiendrait la femme qui les avait tous eus pour maris l’un après l’autre, chacun voulant, selon le précepte de la loi, perpétuer la postérité de son frère: "Vous vous trompez leur dit-il, faute de connaître les Ecriture et le pouvoir de Dieu1".



Et loin de dire comme c’était le moment: Que me demandez–vous ? Celle dont vous me parlez sera plus une femme, mais un homme, il ajouta: "Car à la résurrection on ne se mariera point et où n’épousera point; mais tous seront comme les anges de Dieu dans le ciel2". Ils seront en effet égaux aux anges pour l’immortalité et la béatitude, mais non quant au corps, ni quant à la résurrection, dont les anges n’ont pas eu besoin, parce qu’ils n’ont pas pu mourir. Notre-Seigneur a donc dit qu’il n’y aura point de noces à la résurrection, mais non pas qu’il n’y aura point de femmes; et il l’a dit en une occasion où la réponse naturelle était: Il n’y aura point de femmes, s’il avait prévu qu’il ne devait point y en avoir. Bien plus, il a déclaré que la différence des sexes subsisterait, en disant: "On ne s’y mariera point", ce qui regarde les femmes, et: "On n’y épousera point", ce qui regarde les hommes. Aussi celles qui se marient ici-bas, comme ceux qui y épousent, seront à la résurrection; mais ils n’y feront point de telles alliances.


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1. C’était le sentiment d’Origène, comme nous l’apprend saint Jérôme dans sa lettre à Pammachius. — 2. Genèse II, 21. — 3. Comp. saint Augustin, De Gen. contra Man., n. 37.— 4. Jean, XIX, 34. — 5. Genèse II, 22. — 6. Éphésiens IV, 13. — 1. Matthieu XXII, 29. — 2. Matthieu XXII, 30.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Mer 19 Aoû 2015, 12:38 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XVIII. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XVIII.

DE L’HOMME PARFAIT, C’EST-À-DIRE DE JÉSUS-CHRIST,

ET DE SON CORPS, C’EST-À-DIRE DE L’ÉGLISE,

QUI EN EST LA PLÉNITUDE.  




Pour comprendre ce que dit l’Apôtre, que nous parviendrons tous à l’état d’homme parfait, il faut examiner avec attention toute la suite de sa pensée. Il s’exprime ainsi: "Celui qui est descendu est celui-là même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de consommer toutes choses. Lui-même en a établi quelques-uns apôtres, d’autres prophètes, ceux-ci évangélistes, ceux-là pasteurs et docteurs, pour la consommation des saints, l’œuvre du ministère et l’édifice du corps de Jésus-Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité d’une même foi, à la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme parfait et à la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ, afin que nous ne soyons plus comme des enfants, nous laissant aller à tout vent de doctrine et aux illusions des hommes fourbes qui veulent nous engager dans l’erreur, mais que, pratiquant la vérité par la charité, nous croissions en toutes choses dans Jésus-Christ, qui est la tête. D’où tout le corps bien lié et bien disposé reçoit, selon la mesure et la force de chaque partie, le développement nécessaire pour s’édifier soi-même dans la charité1". Voilà quel est l’homme parfait: la tête d’abord, puis le corps composé de tous les membres, qui recevront la dernière perfection en leur temps.



Chaque jour cependant, de nouveaux éléments se joignent à ce corps, tandis que s’édifie l’Eglise à qui l’on dit: "Vous êtes le corps de Jésus-Christ et ses membres2"; et ailleurs: "Pour son corps qui est l’Eglise3"; et encore: "Nous ne sommes- tous ensemble qu’un seul pain et qu’un seul corps4".  C’est de l’édifice de ce corps qu’il est dit ici: "Pour la consommation des saints, pour l’œuvre du ministère et l’édifice du corps de Jésus-Christ". Puis l’Apôtre ajoute ce passage dont il est question: "Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité d’une même foi, à la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme parfait et à la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ"; et le reste, montrant enfin de quel corps on doit entendre cette mesure par ces paroles: "Afin que nous croissions en toutes tout le corps bien lié et bien disposé reçoit, selon la mesure et la force de chaque partie, le développement qui lui convient".



Comme il y a une mesure de chaque partie, il y en a aussi une de tout le corps, composé de toutes ces parties; et c’est la mesure de la plénitude dont il est dit: "A la mesure de la plénitude de l’âge de Jésus-Christ". L’Apôtre fait encore mention de cette plénitude, lorsque, parlant de Jésus-Christ, il dit: "Il l’a établi pour être le chef de toute I ‘Église, qui est son corps et sa plénitude, lui qui consomme tout en tous5".Mais, lors même qu’il faudrait entendre le passage dont il s’agit de la résurrection, qui nous empêcherait d’appliquer aussi à la femme ce qu’il dit de l’homme, en prenant l’homme pour tous les deux, comme dans ce verset du Psaume:  "Bienheureux l’homme qui craint le Seigneur6 !" Car assurément les femmes qui craignent le Seigneur sont comprises dans la pensée du Psalmiste.




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1. Éphésiens  IV, 10-16. — 2. I Corinthiens XII, 27. — 3. Colossiens I, 24. — 4. I Corinthiens X 17 — 5. Éphésiens I, 22-23. — 6. Psaume CXI, 1.




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Message  ROBERT. Jeu 20 Aoû 2015, 11:20 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XIX. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.

CHAPITRE XIX.


TOUS LES DÉFAUTS CORPORELS, QUI, PENDANT CETTE VIE, SONT CONTRAIRES

À LA BEAUTÉ DE L’HOMME, DISPARAÎTRONT À LA RÉSURRECTION,

LA SUBSTANCE NATURELLE DU CORPS TERRESTRE DEVANT SEULE SUBSISTER,

MAIS AVEC D’AUTRES PROPORTIONS D’UNE JUSTESSE ACCOMPLIE.  





Est-il besoin de répondre maintenant aux objections tirées des ongles et des cheveux ? Si l’on a bien compris une fois qu’il ne périra rien de notre corps, afin qu’il n’ait rien de difforme, on comprendra aussi aisément que ce qui ferait une monstrueuse énormité sera distribué dans toute la masse du corps, et non pas accumulé à une place où la proportion des membres en serait altérée. Si, après avoir fait un vase d’argile, on le voulait défaire pour en recomposer un vase nouveau, il ne serait pas nécessaire que cette portion de terre qui formait l’anse ou le fond dans le premier vase, les formât aussi dans le second; il suffirait que toute l’argile y fût employée. Si donc les ongles et les cheveux, tant de fois coupés, ne peuvent revenir à leur place qu’en produisant une difformité, ils n’y reviendront pas. Cependant ils ne seront pas anéantis, parce qu’ils seront changés en la même chair à laquelle ils appartenaient, afin d’y occuper une place où ils ne troublent pas l’économie générale des parties. Je ne dissimule pas, au surplus, que cette parole du Seigneur: "Pas un cheveu de votre tête ne périra", ne paraisse s’appliquer plutôt au nombre des cheveux qu’à leur longueur.



C’est dans ce sens qu’il a dit aussi: "Tous les cheveux de votre tête sont comptés1". Je ne crois donc pas que rien doive périr de notre corps de tout ce qui lui était naturel; je veux seulement montrer que tout ce qui en lui était défectueux, et servait à faire voir la misère de sa condition, sera rendu à sa substance transfigurée, le fond de l’être restant tout entier, tandis que la difformité seule périra. Si un artisan ordinaire, qui a mal fait une statue, peut la refondre si bien qu’il en conserve toutes les parties, sans y laisser néanmoins ce qu’elle avait de difforme, que ne faut-il pas attendre, je le demande, du suprême Artisan ? Ne pourra-t-il ôter et retrancher aux corps des hommes toutes les difformités naturelles ou monstrueuses, qui sont une condition de cette vie misérable, mais qui ne peuvent convenir à la félicité future des saints, comme ces accroissements naturels sans doute, mais cependant disgracieux, de notre corps, sans rien enlever pour cela de sa substance ?



Il ne faut point dès lors que ceux qui ont trop ou trop peu d’embonpoint appréhendent d’être au séjour céleste ce qu’ils ne voudraient pas être, même ici-bas. Toute la beauté du corps consiste, en effet, en une certaine proportion de ses parties, couvertes d’un coloris agréable. Or, quand cette proportion manque, ce qui choque la vue, c’est qu’il y a quelque chose qui fait défaut, ou quelque chose d’excessif. Ainsi donc, cette difformité qui résulte de la disproportion des parties du corps disparaîtra, lorsque le Créateur, par des moyens connus de lui, suppléera à ce qui manque ou ôtera le superflu. Et quant à la couleur des chairs, combien ne sera-t-elle pas vive et éclatante en ce séjour où: "Les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur père1 ?  Il faut croire que Jésus-Christ déroba cet éclat aux yeux de ses disciples, quand il parut devant eux après sa résurrection; car ils n’auraient pu le soutenir, et cependant ils avaient besoin de regarder leur maître pour le reconnaître.



C’est pour cette raison qu’il leur fit toucher ses cicatrices, qu’il but et mangea avec eux, non par nécessité, mais par puissance. Quand on ne voit pas un objet présent, tout en voyant d’autres objets également présents, comme il arriva aux disciples qui ne virent pas alors l’éclat du visage de Jésus-Christ, quoique présent, et qui pourtant voyaient d’autres choses, les Grecs appellent cet état aorasia mot que les Latins ont traduit dans la Genèse par caecitas, faute d’un autre équivalent. C’est l’aveuglement dont les Sodomites furent frappés, lorsqu’ils cherchaient la porte de Loth sans pouvoir la trouver. En effet, si c’eût été chez eux une véritable cécité, comme celle qui empêche de rien voir, ils n’auraient point cherché la porte pour entrer, mais des guides pour les ramener2.



Or, je ne sais comment, l’affection que nous avons pour les bienheureux martyrs nous fait désirer de voir dans le ciel les cicatrices des plaies qu’ils ont reçues pour le nom de Jésus-Christ, et peut-être les verrons-nous. Ce ne sera pas une difformité dans leur corps, mais une marque d’honneur, qui donnera de l’éclat, non point à leur corps, mais à leur gloire. Il ne faut pas croire toutefois que les membres qu’on leur aura coupés leur manqueront à la résurrection, eux à qui il a été dit: "Pas un cheveu de votre tête ne périra". Mais, s’il est à propos qu’on voie, dans le siècle nouveau, ces marques glorieuses de leur martyre gravées jusque dans leur chair immortelle, on doit penser que les endroits où ils auront été blessés ou mutilés conserveront seulement une cicatrice, en sorte qu’ils ne laisseront pas de recouvrer les membres qu’ils avaient perdus. La foi nous assure, il est vrai, que dans l’autre vie aucun des défauts de notre corps ne paraîtra plus; mais ces marques de vertu ne peuvent être considérées comme des défauts1.



------------------------------------------------------------------------


1. Luc XII, 7. —1. Matthieu XIII, 43. — 2. Comp. saint Augustin, Quaest. in Gen., qu. 42. —1. Comp. saint Jean Chrysostome, Hom., I in SS. Machab., n. 1, et saint Ambroise,  lib. 10, in Lucam..




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Message  ROBERT. Ven 21 Aoû 2015, 10:30 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XX. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XX.

AU JOUR DE LA RÉSURRECTION, LA SUBSTANCE DE

NOTRE CORPS, DE QUELQUE MANIÈRE QU’ELLE

AIT ÉTÉ DISSIPÉE, SERA RÉUNIE INTÉGRALEMENT.      




Loin de nous la crainte que la toute-puissance du Créateur ne puisse rappeler, pour ressusciter les corps, toutes les parties qui ont été dévorées par les bêtes, ou consumées par le feu, ou changées en poussière, ou dissipées dans l’air ! Loin de nous la pensée que rien soit tellement caché dans le sein de la nature, qu’il puisse se dérober à la connaissance ou au pouvoir du Créateur ! Cicéron, dont l’autorité est si grande pour nos adversaires, voulant définir Dieu autant qu’il en est capable: "C’est, dit-il, un esprit libre et indépendant, dégagé de toute composition mortelle, qui connaît et meut toutes choses, et qui a lui-même un mouvement. éternel2", Cicéron s’inspire ici des plus grands  philosophes3 Hé bien! pour parler selon leur sentiment, peut-il y avoir une chose qui reste inconnue à celui qui connaît tout, ou qui se dérobe pour jamais à celui qui meut tout ? Ceci me conduit à répondre à cette question qui paraît plus difficile que toutes les autres: à qui, lors de la résurrection, appartiendra la chair d’un homme mort, devenue celle d’un homme vivant ?


Supposez, en effet, qu’un malheureux, pressé par la faim, mange de la chair d’un homme mort, et c’est là une extrémité que nous rencontrons quelquefois dans l’histoire et dont nos misérables temps1 fournissent aussi plus d’un exemple, peut-on soutenir avec quelque raison que toute cette substance ait disparu par les sécrétions et qu’il ne s’en soit assimilé aucune partie à la chair de celui qui s’en est nourri, alors que l’embonpoint qu’il a recouvré montre assez quelles ruines il a réparées par ce triste secours ?



Mais j’ai déjà indiqué plus haut le moyen de résoudre cette difficulté; car toutes les chairs que la faim a consommées se sont évaporées dans l’air, et nous avons reconnu que la toute-puissance de Dieu en peut rappeler tout ce qui s’y est évanoui. Cette chair mangée sera donc rendue à celui en qui elle a d’abord commencé d’être une chair humaine, puisque l’autre ne l’a que d’emprunt, et c’est comme un argent prêté qu’il doit rendre. La sienne, que la faim avait amaigrie, lui sera rendue par celui qui peut rappeler à son gré tout ce qui a disparu; et alors même qu’elle serait tout à fait anéantie et qu’il n’en serait rien resté dans les plus secrets replis de la nature, le Dieu tout-puissant saurait bien y suppléer par quelque moyen. La Vérité ayant déclaré que "pas un cheveu de votre tête ne périra", il serait absurde de penser qu’un cheveu ne puisse se perdre, et que tant de chairs dévorées ou consumées par la faim pussent périr.



De toutes ces questions que nous avons traitées et examinées selon notre faible pouvoir, il résulte que les corps auront, à la résurrection, la même taille qu’ils avaient dans leur jeunesse, avec la beauté et la proportion de tous leurs membres. Il est assez vraisemblable que, pour garder cette proportion, Dieu distribuera dans toute la masse du corps ce qui, placé en un seul endroit, serait disgracieux, et qu’ainsi il pourra même ajouter quelque chose à notre stature. Que si l’on prétend que chacun ressuscitera dans la même stature qu’il avait à la mort, à la bonne heure, pourvu qu’on bannisse toute difformité, toute faiblesse, toute pesanteur, toute corruption, et enfin tout autre défaut contraire à la beauté de ce royaume, où les enfants de la résurrection et de la promesse seront égaux aux anges de Dieu, sinon pour le corps et pour l’âge, au moins pour la félicité.



---------------------------------------------------


2. Tusculanes,  Lib. I, cap. 27. — 3. La définition de Cicéron peut, en effet, s’appliquer à merveille au dieu d’Anaxagore et de Platon, et même au dieu d’Aristote, pourvu qu’on entende par le mouvement éternel qu’elle attribue au Moteur suprême, non pas un mouvement sensible et matériel, mais l’invisible mouvement de la Pensée éternelle se repliant éternellement sur elle-même pour contempler sa propre essence. —1. Allusion à la famine qui désola Rome, quand elle fut assiégée en 409 par Alaric. Voyez les affreux détails rapportés par Sozomène (Hist. eccles., lib. IX, cap. 8) et par saint Jérôme (Epist. XVI ad Principiam).




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Message  ROBERT. Sam 22 Aoû 2015, 1:37 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXI. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XXI.

DU CORPS SPIRITUEL EN QUI SERA RENOUVELÉE

ET TRANSFORMÉE LA CHAIR DES BIENHEUREUX.




Tout ce qui s’est perdu des corps vivants ou des cadavres après la mort sera dès lors rétabli avec ce qui est demeuré dans les tombeaux, et ressuscitera en un corps nouveau et spirituel, revêtu d’incorruptibilité et d’immortalité. Mais alors même que, par quelque fâcheux accident ou par la cruauté de mains ennemies, un corps humain serait entièrement réduit en poudre, et que, dissipé en air et en eau, il ne se trouverait pour ainsi dire nulle part, il ne pourra néanmoins être soustrait à la toute-puissance du Créateur, et pas un cheveu de sa tête ne périra. La chair devenue spirituelle sera donc soumise à l’esprit; mais ce sera une chair néanmoins, et non un esprit, tout comme quand l’esprit devenu charnel a été soumis à la chair, il reste un esprit, et non pas une chair. Nous avons donc de cela ici-bas une expérience qui est un effet de la peine du péché.



En effet, ceux-là n’étaient pas charnels selon la chair, mais selon l’esprit, à qui l’Apôtre disait: "Je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des personnes qui sont encore charnelles 1". Et l’homme spirituel, en cette mortelle vie, ne laisse pas d’être encore charnel selon le corps, et de voir en ses membres une loi qui résiste à la loi de son esprit. Mais il sera spirituel, même selon le corps, lorsque la chair sera ressuscitée et que cette parole de saint Paul se trouvera accomplie: "Le corps est semé animal, et il ressuscitera spirituel 2", Or, quelles seront les perfections de ce corps spirituel ? Comme nous n’en avons pas encore l’expérience, j’aurais peur qu’il n’y eût de la témérité à en parler. Toutefois, puisqu’il y va de la gloire de Dieu de ne pas cacher la joie qu’allume en nous l’espérance, et que le Psalmiste, dans les plus violents transports d’un saint et ardent amour, s’écrie: "Seigneur, j’ai aimé la beauté de votre maison ! 1 " tâchons, avec son aide, de conjecturer, par les grâces qu’il fait aux bons et aux méchants en cette vie de misère, combien doit être grande celle dont nous ne pouvons parler dignement, faute de l’avoir éprouvée.



Je laisse à part ce temps où Dieu créa l’homme droit; je laisse à part la vie bienheureuse de ce couple fortuné dans les délices du paradis terrestre, puisqu’elle fut si courte que leurs enfants n’eurent pas le bonheur de la goûter. Je ne parle que de cette condition misérable que nous connaissons, en laquelle nous sommes, qui est exposée à une infinité de tentations, ou, pour mieux dire, qui n’est qu’une tentation continuelle, quelques progrès que nous fassions dans la vertu. Hé bien ! qui pourrait compter encore tous les témoignages que Dieu y donne aux hommes de sa bonté ?


----------------------------------------------------


1. I Corinthiens III, 1. — 2. Romains VII, 23. — 1. Psaume  XXV, 8.




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Message  ROBERT. Dim 23 Aoû 2015, 10:50 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXII. a écrit:


LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.

CHAPITRE XXII. (à suivre.)

DES MISÈRES ET DES MAUX DE CETTE VIE, QUI SONT DES PEINES

DU PÉCHÉ DU PREMIER HOMME, ET DONT ON NE PEUT ÊTRE

DÉLIVRÉ QUE PAR LA GRÂCE DE JÉSUS-CHRIST.  




Que toute la race des hommes ait été condamnée dans sa première origine, cette vie même, s’il faut l’appeler une vie, le témoigne assez par les maux innombrables et cruels dont elle est remplie. En effet, que veut dire cette profonde ignorance où naissent les enfants d’Adam, principe de toutes leurs erreurs, et dont ils ne peuvent s’affranchir sans le travail, la douleur et la crainte ? Que signifient tant d’affections vaines et nuisibles d’où naissent les cuisants soucis, les inquiétudes, les tristesses, les craintes, les fausses joies, les querelles, les procès, les guerres, les trahisons, les colères, les inimitiés, les tromperies, la fraude, la flatterie, les larcins, les rapines, la perfidie, l’orgueil, l’ambition, l’envie, les homicides, les parricides, la cruauté, l’inhumanité, la méchanceté, la débauche, l’insolence, l’impudence, l’impudicité, les fornications, les adultères, les incestes, les péchés contre nature de l’un et de l’autre sexe, et tant d’autres impuretés qu’on n’oserait seulement nommer: sacrilèges, hérésies, blasphèmes, parjures, oppression des innocents, calomnies, surprises, prévarications, faux témoignages, jugements injustes, violences, brigandages, et autres malheurs semblables que ne saurait embrasser la pensée, mais qu remplissent et assiègent la vie ?



Il est vrai que ces crimes sont l’œuvre des méchants; mais ils ne laissent pas de venir tous de cette ignorance et de cet amour déréglé, comme d’une racine que tous les enfants d’Adam portent en eux en naissant. Qui en effet, ignore dans quelle ignorance manifeste chez les enfants, et dans combien de passions qui se développent au sortir même de l’enfance, l’homme vient au monde ! Certes, si on le laissait vivre à sa guise et faire ce qui lui plairait, il n’est pas un des crimes que j’ai nommés, sans parler de ceux que je n’ai pu nommer, où on ne le vît se précipiter.



Mais, par un conseil de la divine Providence, qui n’abandonne pas tout à fait ceux qu’elle a condamnés, et qui, malgré sa colère, n’arrête point le cours de ses miséricordes 1, la loi et l’instruction veillent contre ces ténèbres et ces convoitises dans lesquelles nous naissons. Bienfait inestimable, mais qui ne s’opère point sans peines et sans douleurs. Pourquoi, je vous le demande, toutes ces menaces que l’on fait aux enfants, pour les retenir dans le devoir ? Pourquoi ces maîtres, ces gouverneurs, ces férules, ces fouets, ces verges dont l’Ecriture dit qu’il faut souvent se servir envers un enfant qu’on aime, de peur qu’il ne devienne incorrigible et indomptable 2 ?  Pourquoi toutes ces peines, sinon pour vaincre l’ignorance et réprimer la convoitise, deux maux qui avec nous entrent dans le monde ? D’où vient que nous avons de la peine à nous souvenir d’une chose, et que nous l’oublions sans peine; qu’il faut beaucoup de travail pour apprendre, et point du tout pour ne rien savoir; qu’il en coûte tant d’être diligent, et si peu d’être paresseux? Cela ne dénote-t-il pas clairement à quoi la nature corrompue se porte par le poids de ses inclinations, et de quel secours elle a besoin pour s’en relever? La paresse, la négligence, la lâcheté, la fainéantise, sont des vices qui fuient le travail, tandis que le travail même, tout bienfaisant qu’il puisse être, est une peine.



Mais outre les peines de l’enfance, sans lesquelles rien ne peut s’apprendre de ce que veulent les parents, qui veulent rarement quelque chose d’utile, où est la parole capable d’exprimer, où est la pensée capable de comprendre toutes celles où les hommes sont sujets et qui sont inséparables de leur triste condition ? Quelle appréhension et quelle douleur ne nous causent pas, et la mort des personnes qui nous sont chères, et la perte des biens, et les condamnations, et les supercheries des hommes, et les faux soupçons, et toutes les violences que l’on peut avoir à souffrir, comme les brigandages, les captivités, les fers, la prison, l’exil, les tortures, les mutilations, les infamies et les brutalités, et mille autres souffrances horribles qui nous accablent incessamment ? A ces maux ajoutez une multitude d’accidents (à suivre) …
 


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1. Psaume LXXVI, 10, — 2. Ecclésiastique  XXX, 12.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Lun 24 Aoû 2015, 11:12 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXII. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XXII. (suite)

DES MISÈRES ET DES MAUX DE CETTE VIE, QUI SONT DES PEINES

DU PÉCHÉ DU PREMIER HOMME, ET DONT ON NE PEUT ÊTRE

DÉLIVRÉ QUE PAR LA GRÂCE DE JÉSUS-CHRIST.  




(suite)  A ces maux ajoutez une multitude d’accidents auxquels les hommes ne contribuent pas: le chaud, le froid, les orages, les inondations, les foudres, la grêle, les tremblements de terre, les chutes de maison, les venins des herbes, des eaux, de l’air ou des animaux, les morsures des bêtes, ou mortelles ou incommodes, la rage d’un chien, cet animal naturellement ami de l’homme, devenu alors plus à craindre que les lions et les dragons, et qui rend un homme qu’il a mordu plus redoutable aux siens que les bêtes les plus farouches. Que ne souffrent point ceux qui voyagent sur mer et sur terre ? Qui peut se déplacer sans s’exposer à quelque accident imprévu ? Un homme qui se portait fort bien, revenant chez lui, tombe, se rompt la jambe et meurt 1. Le moyen d’être, en apparence, plus en sûreté qu’un homme assis dans sa chaise ! Héli tombe de la sienne et se tue 2. Quels accidents les laboureurs, ou plutôt tous les hommes, ne craignent-ils pas pour les biens de la campagne, tarit du côté du ciel et de la terre que du côté des animaux? Ils ne sont assurés de la moisson que quand elle est dans la grange, et toutefois nous en savons qui l’ont perdue, même quand elle y était, par des tempêtes et des inondations. Qui se peut assurer sur son innocence d’être à couvert des insultes des démons, puisqu’on les voit quelquefois tourmenter d’une façon si cruelle les enfants nouvellement baptisés, que Dieu, qui le permet ainsi, nous apprend bien par là à déplorer la misère de cette vie et à désirer la félicité de l’autre ?



Que dirai-je des maladies, qui sont en si grand nombre que même les livres des médecins ne les contiennent pas toutes ? La plupart des remèdes qu’on emploie pour les guérir sont autant d’instruments de torture, si bien qu’un homme ne peut se délivrer d’une douleur que par une autre. La soif n’ai-elle pas contraint quelques malheureux à boire de l’urine ? la faim n’a-t-elle pas porté des hommes, non seulement à se nourrir de cadavres humains qu’ils avaient rencontrés, mais à tuer leurs semblables pour les dévorer ?  N’a-t-on pas vu des mères, poussées par une faim exécrable, plonger le couteau dans le sein de leurs enfants ? Le sommeil même, qu’on appelle proprement repos 1, combien est-il souvent inquiet, accompagné de songes terribles et affreux, qui effraient l’âme et dont les images sont si vives qu’on ne les saurait distinguer des réalités de la veille ? En certaines maladies, ces visions fantastiques tourmentent même ceux qui veillent, sans parler des illusions dont les démons abusent les hommes en bonne santé, afin de troubler du moins les sens de leurs victimes, s’ils ne peuvent réussir à les attirer à leur parti.



Il n’y a que la grâce du Sauveur Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu, qui nous puisse délivrer de l’enfer de cette misérable vie. C’est ce que son nom même signifie: car Jésus veut dire Sauveur. Et nous lui devons demander surtout qu’après la vie actuelle, il nous délivre d’une autre encore plus misérable, qui n’est pas tant une vie qu’une mort. Ici-bas, bien que nous trouvions de grands soulagements à nos maux dans les choses saintes et dans l’intercession des saints, ceux qui demandent ces grâces ne les obtiennent pas toujours; et la Providence le veut ainsi, de peur qu’un motif temporel ne nous porte à suivre une religion qu’il faut plutôt embrasser en vue de l’autre vie, où il aura plus de mal. C’est pour cela que la grâce aide les bons au milieu des maux, afin qu’ils les supportent d’autant plus constamment qu’ils ont plus de foi. Les doctes du siècle prétendent que la philosophie y fait aussi quelque chose , cette philosophie que les dieux, selon Cicéron, ont accordée dans sa pureté à un petit nombre d’hommes 1.  "Ils n’ont jamais fait, dit-il, et ne peuvent faire un plus grand présent aux hommes 2 ."


Cela prouve que ceux mêmes que nous combattons ont été obligés de reconnaître en quelque façon que la grâce de Dieu est nécessaire pour acquérir la véritable philosophie. Et si la véritable philosophie, qui est l’unique secours contre les misères de la condition mortelle, a été donnée à un si petit nombre d’hommes, voilà encore une preuve que ces misères sont des peines auxquelles les hommes ont été condamnés.  Or, comme nos philosophes tombent d’accord que le ciel ne nous a pas fait de don plus précieux, il faut croire aussi qu’il n’a pu venir que du vrai Dieu, de ce Dieu qui est reconnu comme le plus grand de tous par ceux-là mêmes qui en adorent plusieurs.


----------------------------------------------------


1. Comp. Pline, Hist. nat., lib. VII, cap. 54. — 2. I Rois, IV, 18. —1. Repos, en latin quies, ce qui donne occasion à saint Augustin d’établir entre la quiétude naturelle du sommeil et son inquiétude trop fréquente une antithèse difficile à traduire en français. —1. Où est ce mot, de Cicéron ? Je n’ai pu le découvrir; mais il y a dans le De finibus (livre V, cap. 21) une pensée analogue. —2. Cicéron s’exprime ainsi dans les Académiques (livre I, ch. 2), répétant une pensée de Platon qui se trouve dans le Timée (pag. 47 A, B).   Voici le passage : "La vue est pour nous, à mon sentiment, la cause du plus grand bien; car personne n’aurait pu discourir, comme nous le faisons, sur l’univers, sans avoir contemplé les astres, le soleil et le ciel. C’est l’observation du jour et de la nuit, ce sont les révolutions des mois et des années, qui ont produit le nombre, fourni la notion du temps, et rendu possible l’étude de l’univers. Ainsi, nous devons à la vue la philosophie elle-même, le plus noble présent que le genre humain ait jamais reçu et puisse jamais recevoir de la munificence des dieux (trad. de M. Cousin, tome XII, p. 148)".




Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques, gras, et
soulignés ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Mar 25 Aoû 2015, 11:04 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIII. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XXIII.

DES MISÈRES DE CETTE VIE QUI SONT PROPRES

AUX BONS INDÉPENDAMMENT DE CELLES QUI

LEUR SONT COMMUNES AVEC LES MÉCHANTS.    




 Outre les maux de cette vie qui sont communs aux bons et aux méchants, les bons ont des traverses particulières à essuyer dans la guerre continuelle qu’ils font à leurs passions. Les révoltes de la chair contre l’esprit sont tantôt plus fortes, tantôt moindres, mais elles ne cessent jamais; de sorte que, ne faisant jamais ce que nous voudrions 3, il ne nous reste qu’à lutter contre toute concupiscence mauvaise, autant que Dieu nous en donne le pouvoir, et à veiller continuellement sur nous-mêmes, de crainte qu’une fausse apparence ne nous trompe, qu’un discours artificieux ne nous surprenne, que quelque erreur ne s’empare de notre esprit, que nous ne prenions un bien pour un mal, ou un mal pour un bien, que la crainte ne nous détourne de faire ce qu’il faut, que la passion ne nous porte à faire ce qu’il ne faut pas, que le soleil ne se couche sur notre colère 1, que la peine ne nous entraîne à rendre le mal pour le mal, qu’une tristesse excessive ou déraisonnable ne nous accable, que nous ne soyons ingrats pour un bienfait reçu, que les médisances ne nous troublent, que nous ne portions des jugements téméraires, que nous ne soyons accablés de ceux que l’on porte contre nous, que le péché ne règne en notre corps mortel en secondant nos désirs, que nous ne fassions de nos membres des instruments d’iniquité pour le péché 2, que notre œil ne suive ses appétits déréglés, qu’un désir de vengeance ne nous entraîne, que nous n’arrêtions nos regards ni nos pensées sur des objets illégitimes, que nous ne prenions du plaisir à entendre quelque parole outrageuse ou déshonnête, que nous ne fassions ce qui n’est pas permis, quoique nous en soyons tentés, que, dans cette guerre pénible et pleine de dangers, nous ne nous promettions la victoire par nos propres forces, ou que nous cédions à l’orgueil de nous l’attribuer au lieu d’en faire honneur à celui dont l’Apôtre dit: "Grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ 3"; et ailleurs: "Nous demeurons victorieux au milieu de tous ces maux par la grâce de celui qui nous a aimés 4".



Sachons pourtant que, quelque résistance que nous opposions aux vices et quelque avantage que nous remportions sur eux, tant que nous sommes dans ce corps mortel, nous ne pouvons manquer de dire à Dieu:  "Remettez-nous nos dettes 5" Mais dans ce royaume où nous demeurerons éternellement, revêtus de corps immortels, nous n’aurons plus de guerre ni de dettes, comme nous n’en aurions jamais eu, si notre nature était demeurée dans sa première pureté . Ainsi cette guerre même, où nous sommes si exposés et dont nous désirons être délivrés par une dernière victoire, fait partie des maux de cette vie, qui, ainsi que nous venons de l’établir par le dénombrement de tant de misères, a été condamnée par un arrêt divin.



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3. Galates V, 17. —  1. Ephésiens IV, 26. — 2. Romains IX, 12-13. — 3. I Corinthiens XV, 57. — 4. Romains VIII, 37 — 5. Matthieu  VI, 12.





Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…

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Message  ROBERT. Mer 26 Aoû 2015, 10:27 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIV. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XXIV. (à suivre...)

DES BIENS DONT LE CRÉATEUR A REMPLI CETTE VIE,

TOUTE EXPOSÉE QU’ELLE SOIT À LA DAMNATION.      




Cependant, il faut louer la justice de Dieu dans ces misères mêmes qui affligent le genre humain; car de quelle multitude de biens sa bonté n’a-t-elle pas aussi rempli cette vie ! D’abord, il n’a pas voulu arrêter, même après le péché, l’effet de cette bénédiction qu’il a répandue sur les hommes, en leur disant: "Croissez et multipliez et remplissez la terre 1", La fécondité est demeurée dans une race justement condamnée; et bien que le péché nous ait imposé la nécessité de mourir, il n’a pas pu nous ôter cette vertu admirable des semences, ou plutôt cette vertu encore plus admirable qui les produit, et qui est profondément enracinée et comme entée dans la substance du corps. Mais dans ce fleuve ou ce torrent qui emporte les générations humaines, le mal et le bien se mêlent toujours: le mal que nous devons à notre premier père, le bien que nous devons à la bonté du Créateur.



Dans le mal originel, il y a deux choses:  le péché et le supplice; et il y en a deux autres dans le bien originel: la propagation et la conformation. J’ai déjà parlé suffisamment de ce double mal, je veux dire du péché, qui vient de notre audace, et du supplice, qui est l’effet du jugement de Dieu.  J’ai dessein maintenant de parler des biens que Dieu a communiqués ou communique encore à notre nature, toute corrompue et condamnée qu’elle est. En la condamnant, il ne lui a pas ôté tout ce qu’il lui avait donné: autrement, elle ne serait plus du tout; et, en l’assujettissant au démon pour la punir, il ne s’est pas privé du pouvoir qu’il avait sur elle, puisqu’il a toujours conservé son empire sur le démon lui-même qui d’ailleurs ne subsisterait pas un instant sans celui qui est l’être souverain et le principe de tous les êtres.



De ces deux biens qui se répandent du sein de sa bonté, comme d’une source féconde, sur la nature humaine, même corrompue et condamnée, le premier, la propagation, fut le premier don que Dieu accorda à l’homme en le bénissant, lorsqu’il fit les premiers ouvrages du monde, dont il se reposa le septième jour. Pour la conformation, il la lui donne sans cesse par son action continuellement créatrice 1. S’il venait à retirer à soi sa puissance efficace, ses créatures ne pourraient aller au delà, ni accomplir la durée assignée à leurs mouvements mesurés, ni même conserver l’être qu’elles ont reçu. Dieu a donc créé l’homme de telle façon qu’il lui a donné le pouvoir de se reproduire, sans néanmoins l’y obliger; et s’il a ôté ce pouvoir à quelques-uns, en les rendant stériles, il ne l’a pas ôté au genre humain. Toutefois, bien que cette faculté soit restée à l’homme, malgré son péché, elle n’est pas telle qu’elle aurait été, s’il n’avait jamais péché. Car depuis que l’homme est déchu par sa désobéissance de cet état de gloire où il avait été créé, il est devenu semblable aux bêtes 2 et engendre comme elles, gardant toujours en lui cependant cette étincelle de raison qui fait qu’il est encore créé à l’image de Dieu.



Mais si la conformation ne se joignait pas à la propagation, celle-ci demeurerait oisive et ne pourrait accomplir son ouvrage. Dieu en effet avait-il besoin pour peupler la terre que l’homme et la femme eussent commerce ensemble ? Il lui suffisait de créer plusieurs hommes comme il avait créé le premier. Et maintenant même, le mâle et la femelle pourraient s’accoupler, et n’engendreraient rien, sans l’action créatrice de Dieu. De même que l’Apôtre a dit de l’institution spirituelle qui forme l’homme à la piété et à la justice: "Ce n’est ni celui qui plante, ni celui qui arrose, qui est quelque chose, mais Dieu, qui donne l’accroissement 3"; ainsi l’on peut dire que ce n’est point l’homme, dans l’union conjugale, qui est quelque chose, mais Dieu qui donne l’être; que ce n’est point la mère, bien qu’elle porte son fruit dans son sein et le nourrisse, qui est quelque chose, mais Dieu qui donne l’accroissement. Lui seul, par l’action qu’il exerce maintenant encore, fait que les semences se développent, et sortent de ces plis secrets et invisibles qui les tenaient cachées, pour exposer à nos yeux les beautés visibles que nous admirons. Lui seul, liant ensemble par des nœuds admirables la nature spirituelle et la nature corporelle ….(à suivre…)




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1. Genèse I, 28.— 1. Jean, VI, 17. — 2. Psaume XLVIII, 13. — 3. I Corinthiens III, 7.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
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à suivre…

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Message  ROBERT. Jeu 27 Aoû 2015, 12:01 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIV. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.



CHAPITRE XXIV. (suite)

DES BIENS DONT LE CRÉATEUR A REMPLI CETTE VIE,

TOUTE EXPOSÉE QU’ELLE SOIT À LA DAMNATION.      




(suite) Lui seul, liant ensemble par des nœuds admirables la nature spirituelle et la nature corporelle, l’une pour commander, l’autre pour obéir, compose l’être animé, ouvrage si grand et si merveilleux, que non seulement l’homme, qui est un animal raisonnable, et par conséquent plus noble et plus excellent que tous les animaux de la terre, mais la moindre petite mouche ne peut être attentivement considérée sans étonner l’intelligence et faire louer le Créateur.



C’est donc lui qui a donné à l’âme humaine cet entendement où la raison et l’intelligence sont comme assoupies dans les enfants, pour se réveiller et s’exercer avec l’âge, afin qu’ils soient capables de connaître la vérité et d’aimer le bien, et qu’ils acquièrent ces vertus de prudence, de force, de tempérance et de justice nécessaires pour combattre les erreurs et les autres vices, et pour les vaincre par le seul désir du Bien immuable et souverain. Que si cette capacité n’a pas toujours son effet dans la créature raisonnable, qui peut néanmoins exprimer ou seulement concevoir la grandeur du bien renfermé dans ce merveilleux ouvrage du Tout-Puissant ? Outre l’art de bien vivre et d’arriver à la félicité immortelle, art sublime qui s’appelle la vertu, et que la seule grâce de Dieu en Jésus-Christ donne aux enfants de la promesse et du royaume, l’esprit humain n’a-t-il pas inventé une infinité d’arts qui font bien voir qu’un entendement si actif, si fort et si étendu, même en les choses superflues ou nuisibles, doit avoir un grand fonds de bien dans sa nature, pour avoir pu y trouver tout cela ?



Jusqu’où n’est pas allée l’industrie des hommes dans l’art de former des tissus, d’élever des bâtiments, dans l’agriculture et la navigation ? Que d’imagination et de perfection dans ces vases de toutes formes, dans cette multitude de tableaux et de statues ! Quelles merveilles ne se font pas sur la scène, qui semblent incroyables à qui n’en a pas été témoin ! Que de ressources et de ruses pour prendre, tuer ou dompter les bêtes farouches ! Combien de sortes de poisons, d’armes, de machines, les hommes n’ont-ils pas inventées contre les hommes mêmes !



Combien de secours et de remèdes pour conserver la santé ! Combien d’assaisonnements et de mets pour le plaisir de la bouche et pour réveiller l’appétit ! Quelle diversité de signes pour exprimer et faire agréer ses pensées, et au premier rang, la parole et l’écriture ! Quelle richesse d’ornements dans l’éloquence et la poésie pour réjouir l’esprit et pour charmer l’oreille, sans parler de tant d’instruments de musique, de tant d’airs et de chants ! Quelle connaissance admirable des mesures et des nombres ! Quelle sagacité  d’esprit dans la découverte des harmonies et des révolutions des globes célestes ! Enfin, qui pourrait dire toutes les connaissances dont l’esprit humain s’est enrichi touchant les choses naturelles, surtout si on voulait insister sur chacune en particulier, au lieu de les rapporter en général ?



Pour défendre même des erreurs et des faussetés, combien les philosophes et les hérétiques n’ont-ils pas fait paraître d’esprit ? car nous ne parlons maintenant que de la nature de l’entendement qui sert d’ornement à cette vie mortelle, et non de la foi et de la vérité par lesquelles on acquiert la vie immortelle. Certes une nature excellente, ayant pour auteur un Dieu également juste et puissant, qui gouverne lui-même tous ses ouvrages, ne serait jamais tombée dans ces misères, et de ces misères n’irait point (les seuls justes exceptés) dans tous les tourments éternels, si elle n’avait été corrompue originairement dans le premier homme, d’où sont sortis tous les autres, par quelque grand et énorme péché.



Si nous considérons notre corps même, bien qu’il meure comme celui des bêtes, qui l’ont souvent plus robuste que nous, quelle bonté et quelle providence de Dieu y éclatent de toutes parts ? Les organes des sens et les autres membres n’y sont-ils pas tellement disposés, sa forme et sa stature si bien ordonnées, qu’il paraît clairement avoir été fait pour le service et le ministère d’une âme raisonnable ? L’homme n’a pas été créé courbé vers la terre, comme les animaux sans raison; mais sa stature droite et élevée l’avertit de porter ses pensées et ses désirs vers le ciel 1.



D’ailleurs cette merveilleuse vitesse donnée à la langue et à la main pour parler et pour écrire, et pour exécuter tant de choses, ne montre-t-elle pas combien est excellente l’âme qui a reçu un corps si bien fait pour serviteur ? Que dis-je ? Et quand bien même le corps n’aurait pas besoin d’agir, les proportions en sont observées avec tant d’art et de justesse, qu’il serait difficile de décider si, dans sa structure, Dieu a eu plus d’égard à l’utilité qu’à la beauté. Au moins n’y voyons-nous rien d’utile qui ne soit beau tout à la fois: ce qui nous serait plus évident encore, si nous connaissions les rapports et les proportions que toutes les parties ont entre elles, et dont nous pouvons découvrir quelque chose par ce que nous voyons au dehors. Quant à ce qui est caché… (à suivre…)




-------------------------------------


1. On se souvient du vers célèbre d’Ovide et de ce beau passage de Platon dans le Timée: "Quant à celle de nos âmes qui est la plus puissante en nous (le nous : la raison), voici ce qu’il en faut penser: c’est que Dieu, l’a donnée  [à]chacun de nous comme un génie; nous disons qu’elle habite le lieu le plus élevé de notre corps, parce que nous pensons avec raison qu’elle nous élève de la terre vers le ciel, notre patrie, car nous sommes une plante du ciel et non de la terre. Dieu, en élevant notre tête, et ce qui est pour nous comme la racine de notre être, vers le lieu où l’âme a été primitivement engendrée, dirige ainsi tout le corps (trad. de M. Cousin, tome XII, p. 239)".  
 



Traduction par M. SAISSET, 1869.
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à suivre…

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Message  ROBERT. Ven 28 Aoû 2015, 11:22 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIV. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


 CHAPITRE XXIV. (fin)

DES BIENS DONT LE CRÉATEUR A REMPLI CETTE VIE,

TOUTE EXPOSÉE QU’ELLE SOIT À LA DAMNATION.      




(fin)  Quant à ce qui est caché, comme l’enlacement des veines, des nerfs, des muscles, des fibres, personne ne le saurait connaître. En effet, bien que les anatomistes aient disséqué des cadavres, et quelquefois même se soient cruellement exercés sur des hommes vivants 1 pour fouiller dans les parties les plus secrètes du corps humain, et apprendre ainsi à les guérir, toutefois, comment aucun d’entre eux aurait-il trouvé cette proportion admirable dont nous parlons, et que les Grecs appellent harmonie, puisqu’ils ne l’ont pas seulement osé chercher ? Si nous pouvions la connaître dans les entrailles, qui n’ont aucune beauté apparente, nous y trouverions quelque chose de plus beau et qui satisferait plus notre esprit que tout ce qui flatte le plus agréablement nos yeux dans la figure extérieure du corps.



Or, il y a certaines parties dans le corps qui ne sont que pour l’ornement et non pas pour l’usage, comme les mamelles de l’homme, et la barbe, qui n’est pas destinée à le défendre, puisque autrement les femmes, qui sont plus faibles, devraient en avoir. Si donc il n’y a aucun membre, de tous ceux qui paraissent, qui n’orne le corps autant qu’il le sert, et s’il y en a même qui ne sont que pour l’ornement et je pense que l’on comprend aisément que, dans la structure du corps, Dieu a eu plus d’égard à la beauté qu’à la nécessité. En effet, le temps de la nécessité passera, et il en viendra un autre, où nous ne jouirons que de la beauté de nos semblables, sans aucune concupiscence: digne sujet de louanges envers le Créateur, à qui il est dit dans le psaume: "Vous vous êtes revêtu de gloire et de splendeur 2 !"



Que dire de tant d’autres choses également belles et utiles qui remplissent l’univers et dont la bonté de Dieu a donné l’usage et le spectacle à l’homme, tout condamné qu’il soit à tant de peines et à tant de misères ? Parlerai-je de ce vif éclat de la lumière, de la magnificence du soleil, de la lune et des étoiles, de ces sombres beautés des forêts, des couleurs et des parfums des fleurs, de cette multitude d’oiseaux si différents de chant et de plumage, de cette diversité infinie d’animaux dont les plus petits sont les plus admirables ? Car les ouvrages d’une fourmi et d’une abeille nous étonnent plus que le corps gigantesque d’une baleine. Parlerai-je de la mer, qui fournit toute seule un si grand spectacle à nos yeux, et des diverses couleurs dont elle se couvre comme d’autant d’habits différents, tantôt verte, tantôt bleue, tantôt pourprée ?



Combien même y a-t-il de plaisir à la voir en courroux, pourvu que l’on se sente à l’abri de ses flots ? Que dire de cette multitude de mets différents qu’on a trouvés pour apaiser la faim, de ces divers assaisonnements que nous offre la libéralité de la nature contre le dégoût, sans recourir à l’art des cuisiniers, de cette infinité de remèdes qui servent à conserver ou à rétablir la santé, de cette agréable vicissitude des jours et des nuits, de ces doux zéphyrs qui tempèrent les chaleurs de l’été, et de mille sortes de vêtements que nous fournissent les arbres et les animaux ?  Qui peut tout décrire ?


Et si je voulais même étendre ce peu que je me borne à indiquer, combien de temps ne me faudrait-il pas ? Car il n’y a pas une de ces merveilles qui n’en comprenne plusieurs. Et ce ne sont là pourtant que les consolations de misérables condamnés et non les récompenses des bienheureux; quelles seront donc ces récompenses ? Qu’est-ce que Dieu donnera à ceux qu’il prédestine à la vie, s’il donne tant ici-bas à ceux qu’il a prédestinés à la mort ? De quels biens ne comblera-t-il point en la vie bienheureuse ceux pour qui il a voulu que son Fils unique souffrît tant de maux et la mort même en cette vie mortelle et misérable? Aussi l’Apôtre, parlant de ceux qui sont prédestinés au royaume céleste. "Que ne nous donnera-t-il point, dit-il, après n’avoir pas épargné son propre Fils, et l’avoir livré à la mort pour nous tous 1 ?"



Quand cette promesse sera accomplie, quels biens n’avons-nous pas à espérer dans ce royaume, ayant déjà reçu pour gage la mort d’un Dieu ? En quel état sera l’homme lorsqu’il n’aura plus de passions à combattre et qu’il sera dans une paix parfaite avec lui-même ? Ne connaîtra-t-il pas certainement toutes choses sans peine et sans erreur, lorsqu’il puisera la sagesse de Dieu à sa source même ? Que sera son corps, lorsque, parfaitement soumis à l’esprit dont il tirera une vie abondante, il n’aura plus besoin d’aliments ? Il ne sera plus animal, mais spirituel, gardant, il est vrai, la substance de la chair, mais exempt désormais de toute corruption charnelle.



----------------------------------------------------


1.  Celse fait honneur aux célèbres médecins Hérophile et Erasistrate d’avoir pratiqué des vivisections sur des criminels condamnés à mort (De Medic, paef., page 11 de l’édition de Paris, 1823 ).—2. Psaume  CIII, 1.  —1. Romains VIII, 32.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Sam 29 Aoû 2015, 1:57 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXV. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XXV.

DE L’OBSTINATION DE QUELQUES INCRÉDULES QUI NE VEULENT PAS CROIRE

À LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR, ADMISE AUJOURD’HUI, SELON LES

PRÉDICTIONS DES LIVRES SAINTS, PAR LE MONDE ENTIER.  




Les plus fameux philosophes conviennent avec nous des biens dont l’âme heureuse jouira; ils combattent seulement la résurrection de la chair et la nient autant qu’ils peuvent. Mais le grand nombre de ceux qui y croient a rendu imperceptible le nombre de ceux qui la nient; et les savants et les ignorants, les sages du monde et les simples se sont rangés du côté de Jésus-Christ, qui a fait voir comme réel dans sa résurrection ce qu’une poignée d’incrédules trouve absurde. Le monde a cru ce que Dieu a prédit, et cette foi même du monde a été aussi prédite, sans qu’on en puisse attribuer la prédiction aux sortilèges de Pierre, puisqu’elle l’a précédé de tant d’années 1. Celui qui a annoncé ces choses est le même Dieu devant qui tremblent toutes les autres divinités; je l’ai déjà dit et je ne suis pas fâché de le répéter; car ici Porphyre est d’accord avec moi, lui qui cherche dans les oracles mêmes de ses dieux des témoignages à l’honneur de notre Dieu, et va jusqu’à lui donner le nom de Père et de Roi.



Or, gardons-nous d’entendre ce que Dieu a prédit comme l’entendent ceux qui ne partagent pas avec le monde cette foi du monde qu’il a prédite. Et pourquoi en effet ne pas l’entendre plutôt comme l’entend le monde dont la foi même a été prédite ? En effet, s’ils ne veulent l’entendre d’une autre manière que pour ne pas faire injure à ce Dieu à qui ils rendent un témoignage si éclatant, et pour ne pas dire que sa prédiction est vaine, n’est-ce pas lui faire une plus grande injure encore de dire qu’il la faut entendre autrement que le monde ne la croit, puisque lui-même a annoncé, loué, accompli la foi du monde ? Pourquoi ne peut-il pas faire que la chair ressuscite et vive éternellement?  Est-ce là un mal et une chose indigne de lui ?



— Mais nous avons déjà amplement parlé de sa toute-puissance qui a fait tant de choses incroyables. Voulez-vous savoir ce que ne peut le Tout-Puissant ? Le voici: il ne peut mentir. Croyez donc ce qu’il peut en ne croyant pas ce qu’il ne peut. Ne croyant pas qu’il puisse mentir, croyez donc qu’il fera ce qu’il a promis, et croyez-le comme l’a cru le monde dont il a prédit la foi. Maintenant, comment nos philosophes montrent-ils que ce soit un mal ? Il n’y aura là aucune corruption, par conséquent, aucun mal du corps. D’ailleurs, nous avons parlé de l’ordre des éléments et des autres objections que l’on a imaginées à ce sujet, et nous avons fait voir, au treizième livre, combien les mouvements d’un corps incorruptible seront souples et aisés, à n’en juger que par ce que nous voyons maintenant, lorsque notre corps se porte bien, quoique sa santé actuelle la plus parfaite ne soit pas comparable à l’immortalité qu’il possédera un jour. Que ceux qui n’ont pas lu ce que j’ai dit ci-dessus, ou qui ne veulent pas s’en souvenir, prennent la peine de le relire.



--------------------------------------------------


1. Sur les prétendus sortilèges de saint Pierre, voyez plus haut, livre XVIII, ch. 53.

https://messe.forumactif.org/t6638p30-saint-augustin-la-cite-de-dieu-livre-xxii-bonheur-des-saints#119863

Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Dim 30 Aoû 2015, 1:04 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXVI. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XXVI.

OPINION DE PORPHYRE SUR LE SOUVERAIN BIEN.      




Mais, disent-ils, Porphyre assure qu’une âme, pour être heureuse, doit fuir toute sorte de corps 1. C’est donc en vain que nous prétendons que le corps sera incorruptible, si l’âme ne peut être heureuse qu’à condition de fuir le corps. J’ai déjà suffisamment répondu à cette objection, au livre indiqué. J’ajouterai ceci seulement: si les philosophes ont raison, que Platon, leur maître, corrige donc ses livres, et dise que les dieux fuiront leurs corps pour être bienheureux, c’est-à-dire qu’ils mourront, lui qui dit qu’ils sont enfermés dans des corps célestes et que néanmoins le dieu qui les a créés leur a promis qu’ils y demeureraient toujours, afin qu’ils pussent être assurés de leur félicité, quoique cela ne dût pas être naturellement.



Il renverse en cela du même coup cet autre raisonnement  qu’on nous oppose à tout propos: qu’il ne faut pas croire à la résurrection de la chair, parce qu’elle est impossible. En effet, selon ce même philosophe, lorsque le Dieu incréé a promis l’immortalité aux dieux créés, il leur a dit qu’il faisait une chose impossible. Voici le discours même que Platon prête à Dieu: "Comme vous avez commencé d’être, vous ne sauriez être immortels ni parfaitement indissolubles; mais vous ne serez jamais dissous, et vous ne connaîtrez aucune sorte de mort, parce que la mort ne peut rien contre ma volonté, laquelle est un lien plus fort et plus puissant que ceux dont vous fûtes unis au moment de votre naissance 1".



Après cela, on ne peut plus douter, que, suivant Platon, le Dieu créateur des autres dieux ne leur ait promis ce qui est impossible. Celui qui dit: Vous ne pouvez à la vérité être immortels, mais vous le serez, parce que je le veux, — que dit-il autre chose, sinon: Je ferai que vous serez ce que vous ne pouvez être ? Celui-là donc ressuscitera la chair et la rendra immortelle, incorruptible et spirituelle, qui, selon Platon, a promis de faire ce qui est impossible. Pourquoi donc s’imaginer encore que ce que Dieu a promis de faire, ce que le monde entier croit sur sa parole, est impossible, surtout lorsqu’il a aussi promis que le monde le croirait ? Nous ne disons pas qu’un autre dieu le doive faire que celui qui, selon Platon, fait des choses impossibles.



Il ne faut donc pas que les âmes fuient toutes sortes de corps pour être heureuses, mais il faut qu’elles en reçoivent un incorruptible. Et en quel corps incorruptible est-il plus raisonnable qu’elles se réjouissent, que dans le corps corruptible où elles ont gémi ? Ainsi elles n’auront pas ce désir que Virgile leur attribue, d’après Platon, de vouloir de nouveau retourner dans les corps 2, puisqu’elles auront éternellement ces corps, et elles les auront si bien qu’elles ne s’en sépareront pas, même pendant le plus petit espace de temps.



------------------------------------------------------


1. Cette opinion de Porphyre est amplement discutée plus haut, livre X, ch. 30 et suivants, livre XIII, ch. 16 et suivants.
1. Voyez plus haut, livre XIII, ch. 16, la traduction puis complète de ce passage de Platon, et les notes. —2. Virgile, Enéide, livre VI, v. 751.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Lun 31 Aoû 2015, 11:06 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXVII. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.


CHAPITRE XXVII.

DES OPINIONS CONTRAIRES DE PLATON ET DE PORPHYRE,

LESQUELLES LES EUSSENT CONDUITS À LA VÉRITÉ,

SI CHACUN D’EUX AVAIT VOULU CÉDER QUELQUE CHOSE À L’AUTRE.          




Platon et Porphyre ont aperçu chacun certaines vérités qui peut-être en auraient fait des chrétiens, s’ils avaient pu se les communiquer l’un à l’autre. Platon avance que les âmes ne peuvent être éternellement sans corps, de sorte que celles même des sages retourneront à la vie corporelle, après un long espace de temps 1. Porphyre déclare que lorsque l’âme parfaitement purifiée sera retournée au Père, elle ne reviendra jamais aux misères de cette vie. Si Platon avait persuadé à Porphyre cette vérité, que sa raison avait conçue, que les âmes mêmes des hommes justes et sages retourneront en des corps humains; et si Porphyre eût fait part à Platon de cette autre vérité, qu’il avait établie, que les âmes des saints ne reviendront jamais aux misères d’un corps corruptible, je pense qu’ils auraient bien vu qu’il s’ensuit de là que les âmes doivent retourner dans des corps, mais dans des corps immortels et incorruptibles.



Que Porphyre dise donc avec Platon: elles retourneront dans des corps; que Platon dise avec Porphyre: elles ne retourneront pas à leur première misère. Ils reconnaîtront alors tous deux qu’elles retourneront en des corps où elles ne souffriront plus rien. Ce n’est autre chose que ce que Dieu a promis, savoir l’éternelle félicité des âmes dans des corps immortels. Et maintenant, une fois accordé que les âmes des saints retourneront en des corps immortels, je pense qu’ils n’auraient pas beaucoup de peine à leur permettre de retourner en ceux où ils ont souffert les maux de la terre, et où ils ont religieusement servi Dieu pour être délivrés de tout mal.


-------------------------------------


1. Encore une fois, Platon n’enseigne pas cela, et il enseigne même tout le contraire dans le Phèdre, le Gorgias, le Phédon, le Timée et la République.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Mar 01 Sep 2015, 11:27 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXVIII. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.



CHAPITRE XXVIII.


COMMENT PLATON, LABÉON ET MÊME VARRON AURAIENT

PU VOIR LA VÉRITÉ DE LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR,

S’ILS AVAIENT RÉUNI LEURS OPINIONS EN UNE SEULE.




Quelques-uns des nôtres, qui aiment Platon à cause de la beauté de son style et de quelques vérités répandues dans ses écrits, disent qu’il professe à peu près le même sentiment que nous sur la résurrection. Mais Cicéron, qui en touche un mot dans sa République, laisse voir que le célèbre philosophe a plutôt voulu se jouer que dire ce qu’il croyait véritable. Platon, en effet, introduit dans un de ses dialogues un homme ressuscité qui fait des récits conformes aux sentiments des Platoniciens 1. Labéon 2 rapporte aussi que deux hommes morts le même jour se rencontrèrent dans un carrefour, et qu’ensuite, ayant reçu l’ordre de retourner dans leur corps, ils se jurèrent une parfaite amitié, qui dura jusqu’à ce qu’ils moururent de nouveau.



Mais ces sortes de résurrections sont comme celles des personnes que nous savons avoir été de nos jours rendues à la vie, mais non pas pour ne plus mourir, Varron rapporte quelque chose de plus merveilleux dans son traité: De l’origine du peuple romain. Voici ses propres paroles: "Quelques astrologues ont écrit que les hommes sont destinés à une renaissance qu’ils appellent palingénésie, et ils en fixent l’époque à quatre cent quarante ans après la mort. A ce moment, l’âme reprendra le même corps qu’elle avait auparavant ".



Ce que Varron et ces astrologues, je ne sais lesquels, car il ne les nomme point, disent ici, n’est pas absolument vrai, puisque, lorsque les âmes seront revenues à leurs corps, elles ne les quitteront plus; mais au moins cela renverse-t-il beaucoup d’arguments que nos adversaires tirent d’une prétendue impossibilité. En effet, les païens qui ont été de ce sentiment n’ont donc pas estimé que des corps évaporés dans l’air, ou écoulés en eau, ou réduits en cendre et en poussière, ou passés dans la substance soit des bêtes, soit des hommes, ne puissent être rétablis en leur premier état.



Si donc Platon et Porphyre, ou plutôt ceux qui les aiment et qui sont actuellement en vie, tiennent que les âmes purifiées retourneront dans des corps, comme le dit Platon, et que néanmoins elles ne reviendront point à leurs misères, comme le veut Porphyre, c’est-à-dire s’ils tiennent ce qu’enseigne notre religion, qu’elles rentreront dans des corps où elles demeureront éternellement sans souffrir aucun mal, il ne leur reste plus qu’à dire avec Varron qu’elles retourneront aux même corps qu’elles animaient primitivement, et toute la question de la résurrection sera résolue.



---------------------------------------------------


1. Voyez à la fin de la République de Platon, livre X, le mythe d’Er l’Arménien.
2. Sur Labéon, voyez plus haut, livre II, ch. 11.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Mer 02 Sep 2015, 4:48 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre XXII, cap XXIX. a écrit:

LIVRE VINGT-DEUXIÈME: BONHEUR DES SAINTS.



CHAPITRE XXIX. (à suivre…)

DE LA NATURE DE LA VISION PAR LAQUELLE LES

SAINTS CONNAÎTRONT DIEU DANS LA VIE FUTURE.




Voyons maintenant, autant qu’il plaira à Dieu de nous éclairer, ce que les saints feront dans leurs corps immortels et spirituels, alors que leur chair ne vivra plus charnellement, mais spirituellement. Pour avouer avec franchise ce qui en est, je ne sais quelle sera cette action, ou plutôt ce calme et ce repos dont ils jouiront. Les sens du corps ne m’en ont jamais donné aucune idée, et quant à l’intelligence, qu’est-ce que toute la nôtre, en comparaison d’un si grand objet ? C’est au séjour céleste que règne  "cette paix de Dieu, qui", comme dit l’Apôtre, "surpasse tout entendement 1": quel entendement, sinon le nôtre, ou peut-être même celui des anges ?



Mais elle ne surpasse pas celui de Dieu. Si donc les saints doivent vivre dans la paix de Dieu, assurément la paix où ils doivent vivre surpasse tout entendement. Qu’elle surpasse le nôtre, il n’en faut point douter; mais si elle surpasse même celui des anges, comme il semble que l’Apôtre le donne à penser, qui dit tout n’exceptant rien, il faut appliquer ses paroles à la paix dont jouit Dieu, et dire que ni nous, ni les anges même ne la peuvent connaître comme Dieu la connaît. Ainsi elle surpasse tout autre entendement que le sien.



Mais de même que nous participerons un jour, selon notre faible capacité, à cette paix, soit en nous-mêmes, soit en notre prochain, soit en Dieu, en tant qu’il est notre souverain bien, ainsi les anges la connaissent aujourd’hui autant qu’ils en sont capables, et les hommes aussi, mais beaucoup moins qu’eux, tout avancés qu’ils soient dans les voies spirituelles. Quel homme en effet peut surpasser celui qui a dit: "Nous connaissons en partie, et en partie nous devinons, jusqu’au jour où le parfait s’accomplira 2"; et ailleurs: "Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et en énigme; mais alors nous verrons face à face 3".



C’est ainsi que voient déjà les saints anges, qui sont aussi appelés nos anges, parce que, depuis que nous avons été délivrés de la puissance des ténèbres et transportés au royaume de Jésus-Christ, après avoir reçu le Saint-Esprit pour gage de notre réconciliation, nous commençons à appartenir à ces anges avec qui nous posséderons en commun cette sainte et chère Cité de Dieu, sur laquelle nous avons déjà écrit tant de livres. Les anges de Dieu sont donc nos anges, comme le Christ de Dieu est notre Christ. Ils sont les anges de Dieu, parce qu’ils ne l’ont point abandonné; et ils sont nos anges, parce que nous commençons à être leurs concitoyens. C’est ce qui a fait dire à Notre-Seigneur: "Prenez bien garde de ne mépriser aucun de ces petits; car je vous assure que leurs anges voient sans cesse la face de mon Père dans le ciel 1".


Nous la verrons, nous aussi, comme ils la voient, mais nous ne la voyons pas encore de cette façon, d’où vient cette parole de l’Apôtre, que j’ai rapportée: "Nous ne voyous maintenant que dans un miroir et en énigme; mais alors nous verrons face à face". Cette vision nous est réservée pour récompense de notre foi, et saint Jean parle ainsi: "Lorsqu’il paraîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est 2". Il est clair que dans ces passages, par la face de Dieu, on doit entendre sa manifestation, et non cette partie de notre corps que nous appelons ainsi 3 .


C’est pourquoi quand on me demande ce que feront les saints dans leur corps spirituel, je ne dis pas ce que je vois, mais ce que je crois, suivant cette parole du psaume: "J’ai cru, et c’est ce qui m’a fait parler 4". Je dis donc que c’est dans ce corps qu’ils verront Dieu; mais de savoir s’ils le verront par ce corps, comme maintenant nous voyons le soleil, la lune, les étoiles elles autres objets sensibles, ce n’est pas une petite question. Il est dur de dire que les saints ne pourront alors ouvrir et fermer les yeux quand il leur plaira, mais il est encore plus dur de dire que quiconque fermera les yeux ne verra pas Dieu. Si Elisée, quoique absent de corps, vit son serviteur Giézi qui prenait, se croyant inaperçu, des présents de Naaman le Syrien que le Prophète avait guéri de la lèpre 5, à combien plus forte raison les saints verront-ils toutes choses dans ce corps spirituel, non seulement ayant les yeux fermés, mais même étant corporellement absents !



Ce sera alors le temps de cette perfection dont parle l’Apôtre, quand il dit: "Nous connaissons en partie et en partie nous devinons; mais quand le parfait sera arrivé, le partiel sera aboli". Pour montrer ensuite par une sorte de comparaison combien cette vie, quelque progrès qu’on y fasse dans la vertu, est différente de l’autre: "Quand j’étais enfant, dit-il, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant; mais lorsque je suis devenu homme, je me suis défait de tout ce qui tenait de l’enfant. Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et en énigme, mais alors nous verrons face à face. Je ne connais maintenant qu’en partie, mais je connaîtrai alors comme je suis connu 1". Si donc en cette vie, où la connaissance des plus grands prophètes…
( à suivre…)


-----------------------------------------------------------------


1. Philippiens IV, 7. — 2. I Corinthiens XIII, 9-10. — 3. I Corinthiens XIII, 12.—1. Matthieu  XVIII, 10. — 2. I Jean III, 2. —3. Comparez une belle lettre de saint Augustin sur la vision de Dieu  (Epist. CXLVII) et les Rétractations, lib. II, cap. 41.— 4. Psaume CXV, 10. — 5. IV Rois, V, 8-27. — 1. I Corinthiens XIII, 11-12.


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