Dimanches après la Pentecôte

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Message  gabrielle Dim 08 Nov 2015, 7:03 am

Sermon sur l’ivraie et le bon grain
XXIV après la Pentecôte
( Vème après l’Épiphanie, dimanche transféré )

Extraits de Bourdaloue a écrit:A entendre parler l'Écriture, on dirait, Chrétiens, que Dieu, par une espèce de contradiction est tout à la fois avec les impies, et qu'il n'y est pas; qu'il s'éloigne d'eux, et qu'il ne s'en éloigne pas; qu'il les prive de sa présence, et qu'il ne les en prive pas. Car voyez comment il s'exprime différemment, selon la différence des caractères qu'il prend, et qu'il veut soutenir à leur égard. C'est moi, dit-il, qui remplis le ciel et la terre : et quoi que fasse le pécheur, il ne peut m'éviter, ni se dérober à mes yeux. Voilà Dieu présent aux pécheurs, pour l'observer et pour l'éclairer. Mais il dit ailleurs: Je me repens d'avoir créé l'homme, et je fais pour toujours divorce avec lui, parce qu'il est tout charnel. Voilà Dieu séparé du pécheur, pour se venger et pour le punir. (…)

Dieu donc, conclut saint Jérôme, habite même avec les réprouvés. Mais j'entends Saül au contraire invoquant Samuel, et lui témoignant sa douleur, ou, pour mieux dire, son désespoir, de ce que Dieu s'est retiré de lui ; il ne faut donc plus chercher Dieu dans la compagnie d'un réprouvé. Comment accorder tout cela? En voici le secret, qui consiste, répond le docteur angélique saint Thomas, en ce que Dieu, qui est le Saint des saints, n'est avec les pécheurs et les impies que par la nécessité de son être, et qu'il n'y est point par un choix d'affection et d'inclination. (…)

Il est avec les pécheurs par la nécessité de son être, parce que toutes ses perfections divines l'y engagent; sa sagesse, par laquelle il gouverne et maintient dans l'ordre toutes les créatures, jusqu'aux plus révoltés pécheurs; sa bonté, dont il répand les effets sur toutes les créatures, sans en excepter les pécheurs; sa toute-puissance, qui fait agir toutes les créatures, et conséquemment les pécheurs. Tous ces devoirs du Créateur, qui lient Dieu, pour ainsi dire, à la créature, sont des devoirs généraux, auxquels tous les hommes ont part, les méchants aussi bien que les bons; et c'est par la raison de ces devoirs que Dieu est inséparable des impies. Mais, comme j'ai dit, ce sont des devoirs de nécessité, dont Dieu, supposé le bienfait de la création, ne peut pas se dispenser lui-même.(…)

(…)A peine l'homme est-il tombé dans le désordre du péché, que Dieu rompt avec lui toutes les alliances, et par conséquent tous les commerces dont sa grâce avait été le lien. De sorte qu'il n'est plus avec le pécheur, en aucune de ces manières qui marquent le penchant et le discernement de son amour; c'est-à-dire qu'il n'est plus avec le pécheur, ni par l'effet d'une protection spéciale, comme il était avec son peuple dans le désert; ni par la communication de ses dons, comme il est avec tous les justes(…)

(…). A l'égard du pécheur, tout cela cesse; et c'est ce qui fait dire au Saint-Esprit que Dieu n'est plus avec les pécheurs ; et qui fait ajouter aux théologiens que si, par une supposition impossible, Dieu pouvait se dépouiller de son immensité, il demeurerait encore présent à un grand nombre de sujets à qui sa grâce l'attache ; mais qu'il cesserait d'être avec les pécheurs, parce qu'il n'aurait plus cette nécessité d'être partout et d'agir partout. D'où saint Chrysostome conclut (et la pensée de ce Père mérite d'être remarquée), que l'immensité, qui est un des plus nobles attributs de Dieu, ne laisse pas, dans un sens, d'être à Dieu comme un tribut onéreux, puisqu'elle l'assujettit à ne pouvoir entièrement se séparer de ce qui est l'objet de son aversion et de son indignation.(…)

(…)Qu'est-ce que Dieu exige de nous? que nous en usions avec eux comme il en use lui-même. Pouvons-nous nous proposer un plus saint modèle ? Il veut donc, premièrement, que nous les supportions à son exemple ; et il le veut avec raison, dit saint Augustin, puisqu'on nous a bien supportés quand nous étions nous-mêmes dans l'égarement et la corruption du vice. Voilà pourquoi, reprend ce saint docteur, nous ne devons jamais oublier ce que nous avons été, afin de conserver toujours pour les autres une compassion tendre et charitable dans l'état où ils sont (…)  Mais prenez garde, s'il vous plaît, à ce terme :tolérance ; car saint Augustin ne dit pas que la société des méchants nous doit être un sujet de complaisance, mais un exercice de patience ; c'est-à-dire que nous devons la souffrir, et non pas l'aimer, parce que c'est ainsi que nous nous conformons à notre règle, qui est Dieu.

Oui, je l'avoue, il y a des liaisons et des engagements avec les impies, que la loi divine, non-seulement ne nous commande pas, mais qu'elle ne nous permet pas de rompre, puisqu'elle nous en fait même des devoirs ; et c'est ce que j'appelle la nécessité de notre état, qui répond à la nécessité de l'être et de la Providence de Dieu. Autrement, dit saint Paul, il faudrait sortir hors du monde, si tout commerce avec les pécheurs y était généralement interdit(…) :

Par exemple, un père doit-il se séparer de ses enfants, parce qu'il les voit dans le désordre(…) ; un inférieur, de son supérieur, parce que c'est un homme scandaleux? Non, sans doute ; la loi du devoir, de la dépendance et de la sujétion le défend ; et on peut dire alors que le mélange des méchants avec les bons est autorisé de Dieu, puisque Dieu est l'auteur de ces conditions qui engagent nécessairement à cette société. Tout cela est vrai ; mais hors de là, je veux dire hors des termes de la nécessité et de la justice, quand les choses sont dans la liberté de notre choix, chercher les impies et entretenir avec eux des habitudes volontaires, des amitiés mondaines et profanes, des familiarités dont le prétexte est le seul plaisir, et que nulle raison ne justifie, je dis que c'est aller directement contre les ordres de Dieu, et je le dis après le grand Apôtre ; car voilà comment il le déclarait aux chrétiens de Thessalonique : Nous vous ordonnons, leur disait-il, au nom du Seigneur, de vous retirer de tous ceux d'entre vos frères qui tiennent une conduite déréglée, et de garder ce précepte comme l'un des plus importants et des plus essentiels de la loi de Dieu. (…)

(…) Ma maxime a toujours été de n'avoir point d'union avec les partisans du vice, et de ne me point mêler avec ceux qui font gloire de commettre l'iniquité ; d'aimer leurs personnes, parce que la charité me le commande ; mais de haïr leurs assemblées, de fuir leurs intrigues, d'abhorrer leurs conversations, parce qu'une charité plus haute, qui est celle que je dois à Dieu et que je me dois à moi-même, m'empêche d'y avoir part.

Voilà, dis-je, mes chers auditeurs, ce que nous dicte la prudence chrétienne, et à quoi elle nous oblige indispensablement : d'éviter, autant que notre condition le peut permettre, les sociétés mauvaises et corrompues. Et voyez aussi comme Dieu nous en a inspiré l'horreur, soit par rapport aux païens et aux idolâtres, soit par rapport aux hérétiques et aux schismatiques, soit à l'égard même des catholiques libertins et prévaricateurs. (…)

(…) Donnez-vous bien de garde, non-seulement d'entretenir des intelligences dans le parti de l'erreur, non-seulement d'en épouser les intérêts, mais d'y avoir même de simples liaisons, hors celles que la piété chrétienne et le devoir de votre condition peuvent justifier. Et si ce sont des orthodoxes (catholiques) qui, malgré leurs mœurs dissolues, ne laissent pas de vivre avec nous dans la communion d'une même créance, Dieu nous en a-t-il interdit la société? Écoutez encore l'Apôtre. Je vous en ai déjà avertis, écrivait aux Corinthiens ce Maître des nations, et je vous ai marqué, dans une de mes lettres, de n'avoir jamais nul engagement, ni avec les impudiques et les voluptueux, ni avec les médisants et les calomniateurs, ni avec quelque autre que ce soit de ceux qui peuvent vous corrompre et être pour vous un scandale. Quand ce serait votre frère par inclination et par liaison d'amitié, si c'est un homme de mauvaise vie, je ne veux pas que vous ayez ensemble la moindre communication, ni que vous puissiez manger avec lui(…)

Dieu veut, dit excellemment Guillaume de Paris, et cette pensée est belle, Dieu veut qu'en nous séparant des impies, nous fassions dès à présent ce qu'il fera un jour lui-même, et que nous prévenions ainsi la résurrection générale et le jugement dernier. Quand le Fils de Dieu viendra juger le monde, les réprouvés, il est vrai, ressusciteront en même temps que les justes; mais ils ne ressusciteront pas néanmoins avec les justes, parce qu'au moment même de la résurrection, les justes seront séparés des réprouvés, par ce discernement terrible (…) Quel est donc le dessein de Dieu? poursuit Guillaume de Paris : c'est que les bons vivent en ce monde, à l'égard des méchants, dans le même ordre où ils doivent ressusciter et être jugés; c'est-à-dire qu'ils se discernent eux-mêmes, pour ainsi parler, d'avec les pécheurs, et que dès cette vie ils commencent à prendre leur rang, afin que Dieu ne soit presque pas obligé d'y employer ses anges, ni de faire d'autre choix de ses élus.
Vous diriez, Chrétiens, que la séparation des méchants est comme un sacrement d'expiation pour les bons. En effet, il ne faudrait rien davantage pour sanctifier des familles, des communautés, des ordres tout entiers.(…)

Or, ce retranchement ne serait pas impossible, si les intérêts de Dieu étaient aussi respectés que ceux des hommes. N'avez-vous jamais pris garde, Chrétiens, à une chose assez particulière que nous marque l'évangéliste saint Jean, en parlant de la dernière scène que Jésus-Christ fit avec ses apôtres la veille de sa mort? Au même temps que Judas sortit pour aller exécuter, son détestable dessein, le Sauveur du monde entra dans une espèce d'extase, et s'écria : C'est maintenant que le Fils de l'Homme est glorifié. D'où lui venait cette gloire? demande saint Augustin ; ce n'était pas de la vision bienheureuse de Dieu, car il la posséda dès l'instant même de sa conception ; ce n'était pas de la résurrection de son corps, car il n'était pas encore ressuscité : mais elle lui vint de la sortie de ce traître qui avait été jusque-là présent avec les autres disciples, et c'est la raison qu'en apporte le texte sacré(…) Tandis que Judas était dans sa compagnie, c'était, en quelque sorte, comme une tache pour lui; mais quand il s'en vit séparé, quoique cette séparation dût être bientôt suivie de tous les opprobres de la croix, il ne laissa pas de s'en faire une gloire (…) Or, si la gloire du Fils de Dieu ne pouvait être complète tandis qu'il souffrait un réprouvé auprès de lui, jugez, mes chers auditeurs, si vous pouvez être saints et justes devant Dieu, lorsque vous vivez avec les pécheurs, et que vous vous tenez volontairement au milieu d'eux.

Il y a deux choses dans l'excommunication : une peine pour le coupable, et une loi pour l'innocent. L'Église condamne le pécheur à n'avoir plus de communication avec les fidèles, voilà la peine; et, en même temps, elle ordonne aux fidèles de n'avoir plus de commerce avec le pécheur, voilà la loi. S'ensuit-il de la qu'il n'y ait que ces pécheurs frappés des anathèmes de l'Église, dont la compagnie nous soit défendue? non, Chrétiens : tout ce qui n'est pas formellement défendu par l'Église n'est pas pour cela permis. Il y a des lois supérieures et plus générales, auxquelles nous devons obéir. L'Église, en vertu de ses censures, ne nous interdit que la société des scandaleux, qui lui sont rebelles; mais, sans lui être rebelles, c'est assez qu'ils soient scandaleux, pour nous faire conclure, indépendamment des défenses de l'Église, que nous sommes dans l'étroite obligation de les éviter. Ce ne serait pas même bien raisonner, parce que l'Église a révoqué les peines portées contre ceux qui fréquentent les impies excommuniés, de prétendre dès lors qu'elle approuve une telle fréquentation et de telles habitudes.

Je m'explique, et observez ceci, s'il vous plaît; il est bon que vous en soyez instruits. Dans la rigueur du droit ancien, les fidèles ne pouvaient jamais traiter avec un homme retranché de la communion de l'Église, sans encourir la même censure. C'était la loi universelle; mais, par des raisons importantes, vérifiées dans les conciles, l'Église a relâché de cette sévérité, et ne nous défend plus que le commerce de ceux qu'elle a publiquement et nommément excommuniés. Est-ce à dire que nous pouvons donc converser indifféremment avec toutes sortes d'hérétiques, avec toutes sortes de gens corrompus et dangereux, sous prétexte que l'Église ne les a point encore notés et flétris? Abus, mon cher auditeur. L'Église peut bien révoquer ses lois, elle peut bien changer ses coutumes; mais sans préjudice de la loi de Dieu, qui est irrévocable et invariable. Or, la loi de Dieu est que, hors les engagements nécessaires de ma condition, je m'éloigne de toutes les compagnies  des pécheurs  et surtout de ceux dits public (…)Si je les cherche de moi-même et par un choix libre, il est vrai, les foudres de l'Église ne tomberont pas pour cela sur moi, parce que l'Église veut bien user à mon égard de cette indulgence; mais toute son indulgence ne peut faire que par là je ne devienne coupable d'un mépris formel de Dieu, que par là je ne devienne le scandale de mes frères(…)

(…) Oui, mon cher auditeur, se lier avec des libertins et des impies, que vous connaissez pour impies et pour libertins, c'est mépriser Dieu. Et qu'appelez-vous en effet mépris de Dieu, si ce n'est pas de s'unir avec ses ennemis ? et qui sont les ennemis de Dieu, si ce ne sont pas les pécheurs, surtout certains pécheurs déclarés? Que penserait-on d'un fils lié d'affection et de cœur avec les persécuteurs de son père, avec ceux qui attenteraient aux droits et à l'honneur de son père, avec ceux qui feraient une guerre ouverte à son père? N'en auriez-vous pas horreur, comme d'un monstre dans la nature? Or voilà ce que vous faites en vivant avec les impies. Tant qu'ils sont dans le désordre de leur péché, il y a entre Dieu et eux une haine irréconciliable.(…)

(…)Peut-on raisonnablement espérer que dans un air tout corrompu, vous ne vous ressentiez jamais de sa corruption? Et ne serait-ce pas au moins pour vous la présomption la plus aveugle et la plus criminelle, de vous y croire exempt d'un danger qui souvent vous, est, selon Dieu, aussi défendu que le mal même?

Qui doute que la piété de l'âme la plus religieuse ne s'altère par les exemples d'un ami qui vit dans le dérèglement, et qu'on a sans cesse devant les yeux? On est dépositaire de ses sentiments, on l'entend parler, on le voit agir; et insensiblement on s'accoutume à penser comme lui, à parler comme lui, à agir comme lui. Ce n'est pas d'abord sans quelques répugnances et quelques combats; mais enfin ce qui faisait horreur commence à ne plus déplaire, et ensuite plaît tout à fait et entraîne(…)

Le Fils de Dieu ne vous a-t-il pas expressément enseigné que quiconque n'aurait pas en haine ses propres parents, son frère et sa sœur, son père même et sa mère, ne serait pas digne de lui : c'est-à-dire que quiconque ne serait pas disposé à se séparer de ses proches, fût-ce un frère ou une sœur, fût-ce un père ou une mère,  dès qu'il en pourrait craindre quelque scandale se rendrait dès lors coupable aux yeux de Dieu, et n'entrerait jamais dans son royaume?(…)

C'est une vérité certaine, Chrétiens: quoique le péché, dans le fond de son être, soit essentiellement une injure faite à  la majesté de Dieu, il ne laisse pas néanmoins de servir à sa grandeur. Dieu ne le souffrirait pas, remarque saint Chrysostome, s'il n'était capable d'y contribuer par sa malice même; et il anéantirait plutôt tous les pécheurs du monde, que d'en voir un seul dont il ne pût tirer quelque tribut de gloire. (…)

De ce que l'homme pèche, dit excellemment saint Augustin, il se nuit à soi-même; mais il n'arrête pas l'effet de la bonté divine (…) Car Dieu, qui est un admirable ouvrier, se sert avantageusement des défauts de son ouvrage, et il ne les permet que parce qu'il sait bien s'en prévaloir(…):c'est en cela, qu'éclate la sagesse du Créateur,  et qu'elle paraît même l'emporter sur la toute-puissance; l'effet de la toute-puissance est de créer les biens, et celui de la sagesse de trouver le bien dans les maux, en les rapportant à Dieu. Or, ce rapport du mal au souverain bien est quelque chose en Dieu de plus merveilleux que la production des êtres créés, qui lui est comme naturelle.(…)

Ne se sert-il pas des infidèles pour opérer les merveilles de sa grâce, et pour les faire connaître? un monde converti par douze pécheurs, qu'y a-t-il de plus grand et de plus fort pour établir la vérité de notre religion? Ne se sert-il pas des hérétiques pour l'éclaircissement de sa doctrine, et pour nous confirmer dans la vraie créance? Jamais la foi n'a été mieux développée, que lorsqu'elle a été combattue; et rien n'a plus donné lieu à découvrir la vérité, que l'erreur. Ne se sert-il pas des schismatiques comme d'une preuve sensible de la perpétuité et de l'inébranlable fermeté de son Église ? malgré la division de ses membres, elle se maintient toujours dans l'intégrité d'un corps parfait, tandis que nous voyons périr et se consumer les factions qui se sont élevées contre notre chef. Et les Juifs, ces restes déplorables du peuple de Dieu, malheureuse postérité d'une nation bien-aimée, ne semblent-ils pas demeurer sur la terre pour servir de témoins à Jésus-Christ, autorisant sa personne par leurs Écritures, vérifiant ses mystères par leurs prophéties, et relevant son Évangile par la comparaison de la loi? C'est un mauvais grain semé dans le champ de Dieu ; mais admirez en combien de manières il est utile a la gloire de Dieu.(…)

Il est donc vrai que Dieu profite ainsi des pécheurs pour l'augmentation de sa gloire et pour notre salut. (…) Or, voilà encore le modèle que nous devons suivre, si la nécessité de notre état nous engage dans le commerce des impies : du moins, à l'exemple de Dieu, devons-nous en tirer avantage pour nous-mêmes. Nous le pourrons toujours, quand nous ne les aurons pas recherchés, et que nous n'aurons pas pu les éviter. Car de même, dit saint Ambroise, que Dieu trouve dans les pécheurs de quoi rehausser l'éclat de ses infinies perfections, nous y trouverons de quoi acquérir et pratiquer les plus éminentes vertus.

Le comble de l'iniquité, pour l'impie, selon le témoignage du Prophète, c'est d'être pécheur parmi les justes (…)

Tandis que les autres m'ont abandonné, qu'ils ont trahi ma cause, qu'ils ont outragé mon nom, qu'ils ont violé ma loi, c’est vous, fidèles serviteurs, que j'ai trouvés constants à me suivre. De demeurer avec moi quand il n'y a rien à souffrir pour moi, quand rien ne porte à s'éloigner de moi, quand tout conspire à m'attacher les cœurs et à les attirer a moi, c'est l'effet d'une vertu commune: mais de demeurer avec moi dans la tentation, d'y demeurer lorsqu'il faut remporter pour cela des victoires, et de fréquentes victoires ; d'y demeurer malgré les scandales publics, malgré les contradictions et les traverses , malgré la coutume et tous les respects humains, c'est là que je reconnais une foi vive, un attachement solide, un amour pur , une persévérance héroïque(..)

( Deux volontés de Dieu ) l'une, qui oblige les justes à fuir la compagnie des pécheurs,(…) et l'autre, qui ordonne aux justes de coopérer au salut des pécheurs, lorsqu'ils se trouvent parmi eux et que quelque engagement raisonnable les y arrête (…) voilà la grande règle que nous devons suivre. Dieu ne veut pas que sa présence ni la nôtre soient inutiles aux impies ; mais il prétend que nous travaillions à leur conversion. (…)

On ne peut douter qu'il n'y donne ses soins ; et comme il ne peut cesser d'être avec les pécheurs, il ne cesse aussi jamais de s'employer à la réformation de leur vie. Il les y invite par ses promesses, il les y engage par ses bienfaits, il les y pousse par ses menaces, il les y force par ses châtiments ; sa sagesse, sa bonté, sa justice, toutes ses perfections divines(…)

Car, comme nous devons profiter des pécheurs pour nous-mêmes, nous devons aussi nous-mêmes, selon qu'il dépend de nous et autant qu'il dépend de nous, profiter aux pécheurs. Devoir général, et devoir particulier. Prenez garde : devoir général, qui regarde sans distinction tous les hommes, et que nous impose la loi de la charité. Il n'y a point d'homme, dit le Saint-Esprit, que Dieu n'ait chargé du salut de son prochain(…)si la charité nous oblige de compatir aux misères temporelles du pauvre, combien doit-elle nous engager encore plus fortement à compatir aux misères spirituelles du pécheur ? Si, dans des besoins où il ne s'agit que du corps et d'une vie mortelle, nous ne pouvons néanmoins manquer à notre frère et l'abandonner, sans perdre la charité de Dieu en perdant la charité du prochain, pouvons-nous conserver l'une et l'autre, et satisfaire à l'une et à l'autre, en laissant par notre faute périr des âmes rachetées du sang de Jésus-Christ; en leur refusant des secours qu'il ne tient qu'à nous de leur procurer, et qui pourraient les garantir d'une mort et d'une damnation éternelle ; en négligeant de leur donner des conseils , des avis, des avertissements et des instructions , des exemples, qui les retireraient de leurs égarements, et les remettraient dans les voies d'une bienheureuse immortalité ?(…)

Suis-je le gardien de mon frère? est-ce à moi de veiller sur celui-ci ou sur celle-là? de quelle autorité suis-je revêtu, et qu'ai-je autre chose à faire, que de bien vivre, et de ne point examiner du reste comment chacun vit? Il est vrai qu'il y a des règles de prudence à observer, et qu'il n'est pas toujours à propos de vouloir, comme les serviteurs de ce maître de l'Évangile, arracher l'ivraie dès qu'on l'aperçoit et de suivre les mouvements impétueux d'un zèle précipité, qui n'a égard ni aux temps, ni aux conjonctures : mais cette prudence, louable lorsqu'elle est bien employée, ne dégénère que trop souvent dans une fausse sagesse, dans une timidité lâche, dans un respect tout humain, dans une indifférence paresseuse, dans une criminelle prévarication.

(…)J'ai, par mes exemples, entraîné mon frère dans le plus grand de tous les malheurs, qui est le péché; je lui ai fait perdre le plus précieux de tous les biens, qui était l'innocence de son âme et la pureté de sa conscience : que ne dois-je donc pas mettre en œuvre pour le retirer de l'abîme où je l'ai conduit, et pour guérir les plaies de son cœur? Que si mes soins ne peuvent plus être utiles à tels et tels que j'ai égarés, et s'ils ne sont plus en état d'en profiter, quel motif pour compenser au moins la perte de ceux-là par la conquête d'autant d'autres que l'occasion m'en peut présenter?(…)

Je ne vous ai pas seulement déshonoré par moi-même, ô mon Dieu! mais par tous ceux que mon exemple a engagés ou confirmés dans leur iniquité. Ce ne sera donc point seulement par moi-même, mais par leur instruction, mais par leur correction, mais par leur conversion, que je travaillerai à vous glorifier. Pour cela, Seigneur, il y aura des précautions à prendre, des moments à étudier, des obstacles à vaincre; mais de tout ce qu'il pourra y avoir de difficultés, rien ne me rebutera, ni rien ne ralentira mon ardeur, parce que je sais que c'est une réparation que je vous dois, et pour la gloire que je vous ai ravie, et pour tant d'âmes que j'ai perverties(…)
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Message  ROBERT. Dim 08 Nov 2015, 11:41 am

gabrielle a écrit:
Sermon sur l’ivraie et le bon grain
XXIV après la Pentecôte
( Vème après l’Épiphanie, dimanche transféré )

Extraits de Bourdaloue a écrit:
En voici le secret, qui consiste, répond le docteur angélique saint Thomas, en ce que Dieu, qui est le Saint des saints, n'est avec les pécheurs et les impies que par la nécessité de son être, et qu'il n'y est point par un choix d'affection et d'inclination. (…)


saint Chrysostome conclut (et la pensée de ce Père mérite d'être remarquée), que l'immensité, qui est un des plus nobles attributs de Dieu, ne laisse pas, dans un sens, d'être à Dieu comme un tribut onéreux, puisqu'elle l'assujettit à ne pouvoir entièrement se séparer de ce qui est l'objet de son aversion et de son indignation.(…)


(…)  Mais prenez garde, s'il vous plaît, à ce terme: tolérance; car saint Augustin ne dit pas que la société des méchants nous doit être un sujet de complaisance, mais un exercice de patience; c'est-à-dire que nous devons la souffrir, et non pas l'aimer, parce que c'est ainsi que nous nous conformons à notre règle, qui est Dieu.


Dieu veut, dit excellemment Guillaume de Paris, et cette pensée est belle, Dieu veut qu'en nous séparant des impies, nous fassions dès à présent ce qu'il fera un jour lui-même, et que nous prévenions ainsi la résurrection générale et le jugement dernier.


Il y a deux choses dans l'excommunication: une peine pour le coupable, et une loi pour l'innocent. L'Église condamne le pécheur à n'avoir plus de communication avec les fidèles, voilà la peine; et, en même temps, elle ordonne aux fidèles de n'avoir plus de commerce avec le pécheur, voilà la loi.


…tout ce qui n'est pas formellement défendu par l'Église n'est pas pour cela permis.


(…) Oui, mon cher auditeur, se lier avec des libertins et des impies, que vous connaissez pour impies et pour libertins, c'est mépriser Dieu.  


Qui doute que la piété de l'âme la plus religieuse ne s'altère par les exemples d'un ami qui vit dans le dérèglement, et qu'on a sans cesse devant les yeux? On est dépositaire de ses sentiments, on l'entend parler, on le voit agir; et insensiblement on s'accoutume à penser comme lui, à parler comme lui, à agir comme lui. Ce n'est pas d'abord sans quelques répugnances et quelques combats; mais enfin ce qui faisait horreur commence à ne plus déplaire, et ensuite plaît tout à fait et entraîne(…)


De ce que l'homme pèche, dit excellemment saint Augustin, il se nuit à soi-même; mais il n'arrête pas l'effet de la bonté divine (…)


…Un monde converti par douze pécheurs, qu'y a-t-il de plus grand et de plus fort pour établir la vérité de notre religion ?


…Car de même, dit saint Ambroise, que Dieu trouve dans les pécheurs de quoi rehausser l'éclat de ses infinies perfections, nous y trouverons de quoi acquérir et pratiquer les plus éminentes vertus.


Le comble de l'iniquité, pour l'impie, selon le témoignage du Prophète, c'est d'être pécheur parmi les justes (…)

(Deux volontés de Dieu) l'une, qui oblige les justes à fuir la compagnie des pécheurs, (…) et l'autre, qui ordonne aux justes de coopérer au salut des pécheurs, lorsqu'ils se trouvent parmi eux et que quelque engagement raisonnable les y arrête (…)

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Message  Louis Dim 08 Nov 2015, 2:08 pm

En cet Octave de la Toussaint, voici un texte consolant pour tous mes frères dans la Foi :

«Nous sommes attendus au ciel par un grand nombre d'amis, dit S. Cyprien, nous y sommes désirés par la foule considérable et pressée de nos pères et de nos mères, de nos frères, de nos enfants, qui, assurés de leur immortalité bienheureuse, ne sont plus en peine que de notre salut. Quelle joie, et pour eux et pour nous tout ensemble, quand il nous sera permis enfin de les voir et de les embrasser dans ce céleste royaume, sans craindre de mourir, assuré qu'on sera de vivre à jamais! Quelle souveraine et perpétuelle félicité !»

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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Message  ROBERT. Dim 08 Nov 2015, 2:16 pm

Louis a écrit:En cet Octave de la Toussaint, voici un texte consolant pour tous mes frères dans la Foi :

«Nous sommes attendus au ciel par un grand nombre d'amis, dit S. Cyprien, nous y sommes désirés par la foule considérable et pressée de nos pères et de nos mères, de nos frères, de nos enfants, qui, assurés de leur immortalité bienheureuse, ne sont plus en peine que de notre salut. Quelle joie, et pour eux et pour nous tout ensemble, quand il nous sera permis enfin de les voir et de les embrasser dans ce céleste royaume, sans craindre de mourir, assuré qu'on sera de vivre à jamais! Quelle souveraine et perpétuelle félicité !»

Merci Louis pour ces consolations de Saint Cyprien.
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Message  gabrielle Dim 15 Nov 2015, 7:14 am

VI eme Dimanche après l'Épiphanie
(dimanche transféré)

Homélie de saint Jérôme, prêtre.

Le Royaume des Cieux, c’est la prédication de l’Évangile et la connaissance des Écritures qui conduit à la vie et dont le Seigneur dit aux Juifs : « Le Royaume de Dieu vous sera enlevé et il sera donné à une nation qui en produira les fruits. » Ce Royaume est donc comparable au grain de sénevé qu’un homme prend et sème dans son champ. » Cet homme qui ensemence son champ, beaucoup ont compris que c’était le Sauveur parce qu’il ensemence l’âme des croyants ; selon d’autres, c’est l’homme lui-même qui ensemence son champ, c’est-à-dire soi-même, et son cœur.

Qui donc ensemence, sinon notre intelligence et notre âme ? Elle accueille le grain de la prédication, prend soin de la semence, la fait germer par l’humidité de la foi, dans le champ de son cœur. La prédication de l’Évangile est le plus humble de tous les enseignements. C’est vrai, pour son premier exposé, la prédication de l’Homme-Dieu, du Christ mort, du scandale de la croix, elle n’a pas la vraisemblance de la vérité. Compare donc un tel enseignement aux principes des philosophes, à leurs livres, à la splendeur de leur éloquence et à l’ordonnance de leurs discours, et tu verras : la semence de l’Évangile est de loin la plus petite de toutes les semences.

Mais lorsque celles-là ont grandi, elles ne présentent rien de pénétrant, rien de vigoureux, rien de vivace, mais tout est frêle, et flétri, et languissant et produit en abondance des herbes et des plantes qui bien vite, dessèchent et tombent. Quant à la prédication qui paraissait petite en son début, à peine semée, soit dans l’âme du croyant, soit dans le monde entier, elle ne se développe pas comme une herbe, mais grandit comme un arbre, si bien que les oiseaux du ciel, – en qui nous devons voir ou les âmes des croyants, ou les forces consacrées au service de Dieu – viennent habiter dans ses branches. Les branches de l’arbre évangélique qui s’est développé à partir du grain de sénevé sont, je pense, les différents dogmes dans lesquels se repose chacun des oiseaux mentionnés plus haut.
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Dimanches après la Pentecôte - Page 3 Empty Re: Dimanches après la Pentecôte

Message  gabrielle Dim 22 Nov 2015, 7:21 am

Sermon sur le jugement dernier
Première partie
Dernier dimanche après la Pentecôte

Extraits de Bourdaloue a écrit:Alors ils verront le Fils de l'Homme venir sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté.

Tertullien, admirant autrefois le zèle que les païens faisaient paraître pour leur fausse religion, et le comparant avec la froideur et l'indifférence des chrétiens dans le service et le culte du vrai Dieu, a fait une remarque bien solide, et dont nous n'éprouverons que trop la vérité au jugement dernier. Voyez, disait ce grand homme, le caractère du démon. Il n'y a point de marque de divinité qu'il n'affecte. On lui rend dans le monde les mêmes honneurs que l'on rend à Dieu; on lui fait des sacrifices comme à Dieu ; il a ses martyrs aussi bien que Dieu; ses lois sont reçues et observées plus exactement que celles de Dieu : et il s'est mis en possession de tout cela pour nous confondre un jour devant Dieu, quand il nous opposera la conduite de ces malheureux, qui, aveuglés des erreurs du monde, s'assujettissent à lui, et lui obéissent comme au Dieu du siècle(…)

c'est ainsi que la foi des païens doit entrer dans le jugement que Dieu fera des chrétiens, et que les vrais fidèles se verront alors condamnés par l'infidélité même.

(…) Dieu nous jugera par notre religion, soit que nous l'ayons conservée, soit que dans le cœur nous l'ayons renoncée et abandonnée ; soit que nous ayons cru constamment et sincèrement les vérités qu'elle nous proposait, soit que nous ayons cessé de les croire. Il semble qu'il y ait en ceci de la contradiction ; car si nous ne croyons plus les vérités que la foi nous propose, comment peut-on dire que c'est notre foi? et si ce n'est plus notre foi, comment Dieu nous jugera-t-il par elle?
(…)
Nous faisons tous profession d'être chrétiens ; et puisque nous portons cette qualité, mon devoir même m'oblige à supposer que nous avons dans le cœur la foi, dont nous donnons extérieurement des témoignages, et que nous confessons au dehors. Or, supposant que nous l'avons, je dis que Dieu se servira d'elle pour nous juger. Aurons-nous droit de refuser cette condition? Mais comment Dieu y procédera-t-il? c'est, mes chers auditeurs, ce qui demande une réflexion particulière. Dieu nous jugera par notre foi, parce que c'est notre foi qui nous accusera devant lui ; parce que c'est notre foi qui servira de témoin contre nous; parce que c'est notre foi, si jamais nous avons le malheur d'être réprouvés, qui dictera elle-même l'arrêt de notre réprobation. Peut-on contribuer en des manières plus différentes et plus directes à un jugement?

(…)Or, ces pensées qui s'entr'accuseront, qui s'entrechoqueront, selon le terme et dans le sentiment même de l'Apôtre, ce sont celles qui partageront alors un réprouvé entre sa conscience et sa foi ; car sa foi lui dira : Tu as cru ceci; et sa conscience lui dira: Tu as fait cela. Ces deux pensées : Tu as cru ceci, et : Tu as fait cela, se trouvant opposées l'une à l'autre, formeront contre lui la plus juridique de toutes les accusations. La foi se déclarera contre la conscience criminelle, et la conscience criminelle tâchera à se défendre contre la foi, jusqu'à ce qu'enfin la foi, triomphant des vains efforts de la conscience, la convaincra, la consternera, l'accablera

(…) De là, Chrétiens, j'ai dit que le premier témoin qui parlera contre nous dans notre jugement, c'est notre foi, et je l'ai dit après saint Augustin, qui, pour donner plus de jour à sa pensée, met là-dessus une différence bien remarquable entre les pécheurs et les Justes. Car la foi, dit cet incomparable docteur, rendra aux Justes témoignage pour témoignage, et aux pécheurs témoignage contre témoignage. Appliquez-vous, s'il vous plaît : il dit que la foi rendra aux Justes témoignage pour témoignage, parce qu'il est certain que les Justes recevront devant Dieu un témoignage honorable de leur foi, et ce sera la récompense de celui qu'ils auront eux-mêmes rendu à la foi devant les hommes. Comme ils auront glorifié leur foi devant les hommes par leur bonne vie et par leurs vertus, leur foi à son tour les glorifiera devant Dieu, par la justification de leurs personnes et de leurs œuvres.

Au contraire, poursuit saint Augustin, cette même foi rendra aux pécheurs témoignage contre témoignage, parce qu'au lieu que les pécheurs auront démenti leur foi par une vie déréglée et corrompue, leur foi, se faisant malgré eux reconnaître à eux, les confondra d'une manière sensible : et cela comment? Tertullien l'explique dans l'excellent traité qu'il a composé du témoignage de l'âme, où il représente une âme réprouvée aux prises, si j'ose me servir de cette expression, avec Dieu et avec elle-même; car au même temps que Dieu, d'une partie, pressera le réprouvé, sa foi, comme un témoin incorruptible, lui dira de l'autre : Il est vrai, tu croyais un Dieu, mais tu ne t'es pas mis en peine de le chercher et de lui plaire ; tu avais renoncé au monde en qualité de chrétien, et tu n'as pas laissé d'en être esclave; tu détestais les idoles de la gentilité, qui n'étaient que des idoles de bois et de pierre, mais tu t'es fait dans le christianisme des idoles de chair.

Mais s'en tiendra-t-elle là ? non ; car, après avoir porté contre eux ce témoignage, elle prononcera elle-même l'arrêt de leur réprobation; et en quels termes? Observez ceci : dans les mêmes termes qu'il est déjà conçu en tant d'endroits de l'Evangile. En effet, qu'y a-t-il dans l'Evangile de plus souvent répété que ces malédictions et ces anathèmes fulminés par Jésus-Christ contre les mauvais chrétiens? Et qu'est-ce que ces anathèmes, sinon autant d'arrêts de la réprobation future des pécheurs, dressés par avance, et qu'il ne reste plus qu'à leur signifier? (…)

Et voilà, mes chers auditeurs, l'éclaircissement, et même le sens littéral de cette proposition de saint Jean si étonnante, et qui semble d'abord si paradoxe, quand il dit que celui qui croit ne sera pas jugé (…) Car il ne prétend pas que celui qui croit ait une exemption et un privilège pour ne point comparaître au dernier jour devant le tribunal de Jésus-Christ; ce n'est point de cette manière qu'il l'entend ; mais il dit que celui qui croit, en conséquence de ce qu'il aura cru, ne sera point jugé; parce que dès là qu'il aura cru, il se jugera lui-même, sans qu'il soit nécessaire qu'un autre le juge. Car, ou il aura vécu conformément à sa créance et à sa religion, et alors sa religion seule le justifiera ; ou sa vie n'aura eu nul rapport à sa foi, et alors sa foi seule le condamnera. Tellement que Jésus-Christ, s'il m'est permis de parler de la sorte, n'aura plus à le juger, parce qu'il le trouvera déjà tout jugé, et que toute la juridiction qu'il exercera, comme souverain juge, sera de confirmer, par une ratification authentique , le jugement secret que notre foi aura fait de nous, et de le rendre, de particulier qu'il était, commun et public.

C'est ma religion qui me jugera, cette religion si sainte, si pure, si irrépréhensible, cette religion si ennemie de mon amour-propre, si contraire à mes inclinations, si opposée à l'esprit du monde dont je suis rempli; cette religion aussi exacte et aussi sévère dans ses maximes que Dieu l'est dans ses jugements, ou plutôt dont les maximes ne sont rien autre chose que le jugement de Dieu même ; c'est par elle que Dieu décidera de mon sort éternel ; c'est sur elle que roulera tout l'examen de ma vie : et il ne sera point en mon pouvoir de la récuser ; et je n'aurai point droit de demander que mes actions soient pesées dans une autre balance que la sienne ; et je ne serai point reçu à me justifier sur d'autres principes que les siens. Quelque excuse que j'allègue à Dieu, il me rappellera toujours à cette foi, et il m'obligera à répondre sur autant d'articles qu'elle m'aura enseigné de vérités. Il n'y en aura pas une qui ne soit pour moi la matière d'une discussion rigoureuse. Et parce que la croix de Jésus-Christ aura été l'abrégé de toutes les vérités de la foi, cette croix, ce signe auguste et vénérable du Fils de l'Homme, paraîtra tout éclatant de lumière, pour être la règle de mon jugement et de celui du monde entier, comme il commença à l'être quand il fut élevé sur le Calvaire (…)

(…) Cette croix me sera présentée ; et tout ce qui n'en portera pas dans moi le caractère et le sceau sera réprouvé de Dieu. Ah ! mon Dieu, est-il donc vrai que vous emploierez pour ma perte jusqu'à l'instrument de mon salut, et que ce qu'il y a en moi de plus saint, je veux dire ma religion, prendra parti contre moi-même?

Maintenant cette foi est comme languissante, ou presque morte dans nos cœurs ; et quand le Fils de l'Homme paraîtra à la fin des siècles, il doute, ce semble, s'il en trouvera encore quelques restes sur la terre. Oui, Chrétiens, il en trouvera; oui, il en trouvera du moins autant qu'il lui en faudra pour nous juger et pour nous condamner. Car cette foi, qui était presque morte et comme ensevelie dans nous, ressuscitera avec nous ; et un des miracles que doit opérer Jésus-Christ, lui qui est notre résurrection et notre vie, sera de faire revivre intérieurement la foi dans nos âmes, au même temps qu'il fera revivre nos corps. Or cette foi (écoutez un beau sentiment de saint Augustin), cette foi ainsi ranimée, ainsi ressuscitée par la présence de Jésus-Christ, lui demandera justice ; et contre qui ? non pas contre les tyrans qui l'auront persécutée, elle se fera honneur de leurs persécutions ; non pas contre les païens qui l'auront méconnue, leur infidélité les rendra en quelque sorte moins criminels ; mais contre nous ; et de quoi ? de tous les outrages que nous lui aurons faits : justice de l'avoir laissé languir dans l'inutilité et l'oisiveté d'une vie mondaine, sans la mettre en œuvre et sans jamais la faire agir pour Dieu ; justice de l'avoir retenue captive dans l'état du péché où notre endurcissement nous aura fait passer sans trouble des années entières ; justice de l'avoir déshonorée par des actions indignes du nom que nous portions et du caractère dont nous étions revêtus; justice de l'avoir décriée et scandalisée devant les hérétiques, ses mortels ennemis, qui n'auront pas manqué de s'en prévaloir contre elle et contre nous ; enfin justice de ce qu'étant capable par elle-même de nous faire des saints, elle n'aura pas été, par notre faute, assez puissante pour nous empêcher d'être des impies et des réprouvés. C'est de quoi elle demandera justice à Dieu, et c'est à nos dépens que cette justice lui sera accordée.

(…) il faut bien établir dans nos esprits une vérité, à quoi peut-être nous n'avons jamais fait toute la réflexion nécessaire : que dans le jugement de Dieu il y aura une différence infinie entre un païen qui n'aura pas connu la loi chrétienne, et un chrétien qui, l'ayant connue, y aura intérieurement renoncé ; et que Dieu, suivant les ordres mêmes de sa justice, traitera l'un bien autrement que l'autre. On sait assez qu'un païen à qui la loi de Jésus-Christ n'aura point été annoncée ne sera pas jugé par cette loi, et que Dieu, tout absolu qu'il est, gardera avec lui cette équité naturelle de ne le pas condamner par une loi qu'il ne lui aura pas fait connaître (…)

Mais je prétends qu'il n'en est pas de même d'un chrétien qui a professé la foi de Jésus-Christ, et qui, après l'avoir embrassée, en a dans la suite secoué le joug. Je prétends qu'ayant péché après avoir reçu cette foi, il doit périr par cette foi, et que sa désertion est justement le premier chef que Dieu produira contre lui. Car il ne lui était pas permis, dit saint Chrysostome, de s'émanciper de l'obéissance due à cette foi, après s'être engagé à elle par le baptême. Il ne pouvait plus sans apostasie, après avoir ratifié cet engagement par divers exercices du christianisme, y renoncer de ce renoncement même intérieur dont je parle.

(Dieu) n'aura qu'à nous demander si c'est en effet par raison que nous nous serons départis de notre première soumission à la foi ; si, pour nous engager dans un pas aussi dangereux et aussi hardi que celui-là, nous avons bien consulté, bien examiné, bien cherché à nous instruire, et, supposé que nous l'ayons cherché, que nous ayons examiné, consulté, si nous l'avons fait avec humilité, si nous l'avons fait avec docilité, si nous l'avons fait sans préjugé, si nous l'avons fait par un désir sincère de découvrir la vérité; surtout si nous l'avons fait avec cette pureté de vie qui devait servir de disposition aux lumières de la grâce ; car, dans une affaire de cette conséquence, il ne fallait rien omettre, ni rien négliger.

Mais ce qui mettra le comble à notre confusion, c'est lorsque , remontant à la source, et nous y faisant remonter avec lui, il nous forcera à reconnaître les deux vraies causes de notre infidélité, savoir : le libertinage de notre esprit et le libertinage de notre cœur ; libertinage de notre esprit, qui se sera fait juge de tout, pour ne s'assujettir à rien; qui se sera détaché de la foi, non pas pour suivre un meilleur parti, mais pour ne savoir plus lui-même ni ce qu'il suivait, ni ce qu'il ne suivait pas; pour abandonner toutes choses au hasard, pour se réduire à une malheureuse indifférence en matière de religion, disons mieux, pour n'avoir plus absolument de religion ; libertinage de notre cœur, qui, se trouvant gêné par la foi, nous aura peu à peu sollicités, et enfin déterminés à sortir de cette contrainte, et à nous affranchir de la servitude : ce que Dieu n'aura pas de peine à justifier, et ce qu'il justifiera par une comparaison sensible et convaincante, en nous montrant que, tandis que nos mœurs ont été réglées, notre foi a été saine, et que notre foi n'a commencé à se démentir, que quand nos mœurs ont commencé à se corrompre.

(…) si notre foi nous condamne, ce sera du consentement et de l'aveu de notre raison.

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Message  ROBERT. Dim 22 Nov 2015, 10:49 am

Sermon sur le jugement dernier
Première partie
Dernier dimanche après la Pentecôte

Extraits de Bourdaloue a écrit:

Alors ils verront le Fils de l'Homme venir sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté.

Voyez, disait ce grand homme (Tertullien), le caractère du démon. Il n'y a point de marque de divinité qu'il n'affecte. On lui rend dans le monde les mêmes honneurs que l'on rend à Dieu; on lui fait des sacrifices comme à Dieu ; il a ses martyrs aussi bien que Dieu; ses lois sont reçues et observées plus exactement que celles de Dieu : et il s'est mis en possession de tout cela pour nous confondre un jour devant Dieu, quand il nous opposera la conduite de ces malheureux, qui, aveuglés des erreurs du monde, s'assujettissent à lui, et lui obéissent comme au Dieu du siècle(…)


c'est ainsi que la foi des païens doit entrer dans le jugement que Dieu fera des chrétiens, et que les vrais fidèles se verront alors condamnés par l'infidélité même.


(…) Dieu nous jugera par notre religion (…) Dieu nous jugera par notre foi (…)  parce que c'est notre foi qui nous accusera devant lui ; parce que c'est notre foi qui servira de témoin contre nous; parce que c'est notre foi, si jamais nous avons le malheur d'être réprouvés, qui dictera elle-même l'arrêt de notre réprobation.


… le premier témoin qui parlera contre nous dans notre jugement, c'est notre foi, et je l'ai dit après saint Augustin, qui, pour donner plus de jour à sa pensée, met là-dessus une différence bien remarquable entre les pécheurs et les Justes. Car la foi, dit cet incomparable docteur, rendra aux Justes témoignage pour témoignage, et aux pécheurs témoignage contre témoignage..


…Il est vrai, tu croyais un Dieu, mais tu ne t'es pas mis en peine de le chercher et de lui plaire (…) mais tu t'es fait dans le christianisme des idoles de chair.


…la croix de Jésus-Christ aura été l'abrégé de toutes les vérités de la foi, cette croix, ce signe auguste et vénérable du Fils de l'Homme, paraîtra tout éclatant de lumière, pour être la règle de mon jugement et de celui du monde entier, comme il commença à l'être quand il fut élevé sur le Calvaire (…)


(…) Cette croix me sera présentée ; et tout ce qui n'en portera pas dans moi le caractère et le sceau sera réprouvé de Dieu. Ah ! mon Dieu, est-il donc vrai que vous emploierez pour ma perte jusqu'à l'instrument de mon salut, et que ce qu'il y a en moi de plus saint, je veux dire ma religion, prendra parti contre moi-même?


…quand le Fils de l'Homme paraîtra à la fin des siècles, il doute, ce semble, s'il en trouvera encore quelques restes sur la terre. Oui, Chrétiens, il en trouvera; oui, il en trouvera du moins autant qu'il lui en faudra pour nous juger et pour nous condamner. (…) Or cette foi (écoutez un beau sentiment de saint Augustin), cette foi ainsi ranimée, ainsi ressuscitée par la présence de Jésus-Christ, lui demandera justice; et contre qui ? (…) contre nous; et de quoi ? De tous les outrages que nous lui aurons faits : justice de l'avoir laissé languir dans l'inutilité et l'oisiveté d'une vie mondaine, sans la mettre en œuvre et sans jamais la faire agir pour Dieu; justice de l'avoir retenue captive dans l'état du péché où notre endurcissement nous aura fait passer sans trouble des années entières; justice de l'avoir déshonorée par des actions indignes du nom que nous portions et du caractère dont nous étions revêtus; justice de l'avoir décriée et scandalisée devant les hérétiques, ses mortels ennemis, qui n'auront pas manqué de s'en prévaloir contre elle et contre nous; enfin justice de ce qu'étant capable par elle-même de nous faire des saints, elle n'aura pas été, par notre faute, assez puissante pour nous empêcher d'être des impies et des réprouvés. C'est de quoi elle demandera justice à Dieu, et c'est à nos dépens que cette justice lui sera accordée.


…dans le jugement de Dieu il y aura une différence infinie entre un païen qui n'aura pas connu la loi chrétienne, et un chrétien qui, l'ayant connue, y aura intérieurement renoncé…


…il ne lui était pas permis, dit saint Chrysostome, de s'émanciper de l'obéissance due à cette foi, après s'être engagé à elle par le baptême. Il ne pouvait plus sans apostasie, après avoir ratifié cet engagement par divers exercices du christianisme, y renoncer de ce renoncement même intérieur dont je parle.


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