Dimanches Pascal (2015)

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Message  gabrielle Dim 12 Avr 2015, 7:22 am

SERMON POUR LE DIMANCHE DE QUASIMODO.
SUR LA PAIX CHRÉTIENNE.

Bourdaloue a écrit:Il leur dit une seconde fois : La paix soit avec vous!

Voilà le précieux trésor que Jésus-Christ laisse à ses apôtres. Mais d'où vient qu'il ne se contente pas de leur donner une fois la paix, et qu'il leur dit deux fois : Que la paix soit avec vous ?

Paix de l'esprit et paix du cœur, double paix que le Sauveur donne à ses apôtres ; et voilà pourquoi il leur dit deux fois dans la même apparition : Que la paix soit avec vous. Mais par où arrive-t-on à l'une et à l'autre? par la soumission à la foi, et par l'obéissance à la loi. En deux mots, il faut que la foi gouverne notre esprit, si nous voulons qu'il soit dans le calme (…).

Paix de l'esprit dans la soumission à la foi. Hors de cette soumission à la foi, il est impossible que notre esprit trouve jamais le repos. Car donnez-moi un homme déterminé à ne croire que ce qu'il lui plaît, sans déférer à la foi, sur quoi s'appuiera-t-il ? Ou il vivra dans l'indifférence touchant la religion, ou il se fera une religion particulière selon ses vues. S'il vit dans une indifférence entière touchant la religion, c'est-à-dire sans se mettre en peine s'il y a un Dieu et une autre vie, vous voyez assez le malheur de cet état. Quelle paix peut-il goûter, ne sachant ni ce qu'il est, ni ce qu'il deviendra, et abandonnant au hasard son bonheur et son malheur éternel? S'il se fait une religion de sa raison, je veux dire selon ses vues naturelles, il n'y trouvera pas plus de tranquillité : pourquoi ? parce qu'un homme sage, pour peu qu'il se connaisse lui-même, doit être convaincu de trois choses touchant sa raison ; savoir, qu'elle est sujette à l'erreur, qu'elle est naturellement curieuse, et que la plupart de ses connaissances ne sont tout au plus que des opinions qui la laissent toujours dans l'incertitude, en lui proposant même la vérité. Or, ces trois choses sont absolument incompatibles avec le repos de l'esprit.

Si je suis sage, je ne puis établir ma religion sur ma raison ; pourquoi? parce que je sais que ma raison est sujette à mille erreurs, surtout en ce qui concerne la religion. Exemple des païens, des Egyptiens, des Romains, peuples d'ailleurs si polis, qui sont tombés dans les plus prodigieux égarements sur ce qui regarde le culte de la Divinité. Exemple de tant d'hérétiques : point d'hérésie si extravagante qui n'ait trouvé des sectateurs. De plus, qui ne sait pas que le caractère de notre esprit, dans la plupart des jugements qu'il forme, est un caractère d’incertitude, d’inconstance, d'irrésolution ? autre qualité directement contraire au repos qu'il cherche. Voyez ces prétendus esprits forts du monde, qui, pour avoir peu de religion, raisonnent éternellement sur la religion. Ils raisonnent, mais sans savoir ce qu'ils croient et ce qu'ils ne croient pas; incertains de tout, et détruisant aujourd'hui ce qu'ils avaient hier avancé. D'où est venue cette confusion qui a paru de tout temps dans le progrès des hérésies? de l'orgueil de la raison humaine. Chacun s'érigeait en maître, et dogmatisait à sa mode. Quand il n'y aurait que la curiosité de savoir, avec cette insatiable avidité d'acquérir sans cesse de nouvelles connaissances, pourrions-nous espérer de procurer la paix à notre esprit ?

Il faut donc, pour mettre notre esprit en possession de cette bienheureuse paix où il aspire, quelque chose de stable, qui arrête et qui borne sa curiosité ; quelque chose de certain, qui remédie à ses inconstances ; quelque chose d'infaillible, qui corrige ses erreurs. Or, ce sont les trois caractères de la foi : car la foi borne notre raison en réduisant tous ses discours à ce seul principe : C'est Dieu qui l'a dit ; la foi remédie à ses inconstances, en nous mettant dans cette sainte disposition d'esprit où nous renoncerons plutôt à toutes les lumières de la nature et à toutes les connaissances des sens, que de ne pas croire ce que nous croyons; enfin la foi assure la raison de l'homme contre le mensonge et l'erreur, parce qu'étant fondée sur la révélation divine, elle est aussi infaillible que Dieu même.

Du reste, notre foi n'est ni une foi ignorante, ni une foi imprudente, ni une foi aveugle en toutes manières. Ce n'est point une foi ignorante, puisque avant que de croire il nous est permis de nous éclaircir si la chose est révélée de Dieu, ou si elle ne l’est pas. Ce n'est point une foi imprudente, puisqu'elle est fondée sur des motifs qui ont convaincu les premiers hommes du monde. Ce n'est point une foi aveugle en toutes manières, puisqu'à l'obscurité des mystères qu'elle nous révèle elle joint une espèce d'évidence, et c'est l'évidence de la révélation de Dieu. Voilà ce qui achève de calmer mon esprit.

Au contraire, si je sors des voies de la foi, je tombe dans un labyrinthe, où je ne fais que tourner, sans trouver jamais d'issue. Il faut, pour y renoncer, à cette foi, que je me porte aux plus grandes extrémités : à ne plus reconnaître de Dieu, à ne plus reconnaître de Sauveur Homme-Dieu, etc. Or, pour en venir là et pour y demeurer, quels combats n'y a-t-il pas à soutenir, et de quels flots de pensées un esprit ne doit-il pas être agité ?

Dans cette contrariété de sentiments qui est entre vous et moi, dirais-je encore à un libertin, qui de nous deux expose davantage, et qui de nous deux doit plus craindre ? En croyant ce que je crois, tout ce qui peut m'arriver de plus fâcheux, c'est de me priver inutilement et sans fruit, pendant la vie, de certains plaisirs défendus par la loi que je professe, et défendus même par la raison ; mais vous, si ce que vous ne croyez pas ne laisse pas d'être vrai, vous vous mettez dans le danger d'une damnation éternelle.

Heureux ceux qui croient et qui n'ont point vu ! Notre condition en cela peut être même plus heureuse que celle des apôtres ; car ils avaient vu les miracles de Jésus-Christ, et nous croyons sans les avoir vus.

Paix du cœur dans l'obéissance à la loi. 1° On ne peut résister à Dieu et avoir la paix;

2° il est aussi comme impossible de n'avoir pas la paix quand on est soumis à Dieu.

1° On ne peut résister à Dieu et avoir la paix. Dieu, dit saint Augustin, étant le souverain bien de l'homme et sa fin dernière, le cœur de l'homme ne peut être en paix qu'autant qu'il est uni à Dieu. Or, il n'est uni à Dieu dans cette vie que par un assujettissement volontaire à la loi de Dieu. Le pécheur veut vivre dans l'indépendance, et dès-là il se précipite dans un abîme de malheurs ; dès-là sa raison devient son ennemie, sa foi le condamne, sa religion l'effraie, sa conscience le déchire. Cette seule pensée : Je suis l'objet de la haine de Dieu, je suis actuellement exposé aux coups de Dieu, n'est-elle pas capable de faire dans l'âme du pécheur une espèce d'enfer? Aussi, disait le Sage en parlant à Dieu, vous n'avez, Seigneur, pour punir les pécheurs, qu'à les abandonner à eux-mêmes, sans armer contre eux les créatures.

Consultons l'expérience. Voyons-nous que les pécheurs du siècle jouissent d'une véritable paix? Qu'est-ce que leur vie? un esclavage où leurs passions et leurs vices les dominent ; une dépendance perpétuelle du monde et de ses lois ; un assujettissement servile à la créature. Qu'est-ce que leur vie ? une suite de désordres qui les rendent également criminels et malheureux, parce que c'est, par exemple, une ambition qu'ils ne peuvent satisfaire, une avarice qui ne dit jamais : C'est assez!

Mais ces pécheurs ont souvent tout ce qui fait les hommes heureux dans cette vie : ils sont riches, puissants, élevés. Je prétends, moi, que ce n'est point tout cela qui fait le bonheur de l'homme : car ne voyons-nous pas tous les jours des hommes contents, sans tout cela, et des hommes malheureux avec tout cela ? Mais ils passent pour heureux dans l'opinion du monde. Ce qui fait le malheur ou le bonheur, ce n'est pas l'opinion et l'idée d'autrui, mais notre propre idée, notre propre opinion, notre propre sentiment. Mais ils disent qu'ils ont la paix. Ils le disent, j'en conviens; mais, tandis qu'ils le disent de bouche, leur cœur les dément.

Il est comme impossible de n'avoir pas la paix quand on est soumis à Dieu. Paix inébranlable du côté de Dieu, paix inébranlable du côté du prochain, paix inébranlable de notre part même,

Voilà le bienheureux état des justes. Tel fut l'état d'un saint Paul, et de tant de martyrs; tel est celui de tant de chrétiens fidèles à la loi. Le dirai-je, mon Dieu? tel est l'état où je me suis quelquefois trouvé moi-même, et où je me trouve encore quand je me tourne vers vous.

Il leur dit une seconde fois : La paix soit avec vous.

Voilà, Chrétiens, le précieux trésor que Jésus-Christ laisse à ses apôtres. Il leur donne la paix, et je trouve que cette paix est encore un des fruits que le mystère de sa résurrection produit dans nos âmes, lorsque nous nous réconcilions avec Dieu (…)Ce divin Sauveur vient à nous dans le sacrement de son corps; ( communion spirituelle pour nous)  il nous honore tous en particulier, non-seulement d'une apparition, mais d'une visite qu'il nous fait en personne ; et à ce moment-là même il nous dit intérieurement : Pax vobis; Vous voilà réconciliés avec mon Père, vous voilà unis à moi ; jouissez du bonheur que vous possédez, et goûtez la douceur de la paix. Car c'est ainsi, mes chers auditeurs, que saint Jacques nous fait concevoir la paix d'une âme chrétienne, en nous disant quel est le fruit de la justice et de la sainteté (…)

Et en effet, toute autre paix que celle-là n'est qu'une paix fausse et imaginaire. Pour être solide et véritable, il faut qu'elle vienne du principe de la sainteté et de la grâce. Or, telle est celle que Jésus-Christ nous communiqué, quand il se communique lui-même à nous. Parlons donc aujourd'hui de cette paix spirituelle, de cette paix de Dieu, qui surpasse tout sentiment ; de cette paix que saint Paul souhaitait tant aux Philippiens :  Mes Frères, leur disait-il, le plus grand désir que Dieu m'inspire de former en votre faveur, est que la paix qu'il vous a donnée garde vos esprits et vos cœurs. Je fais aujourd'hui, Chrétiens, pour vous, le même souhait et la même prière. Puisque vous avez reçu cette paix, prenez soin de la conserver, et qu'elle vous conserve vous-mêmes dans les saintes dispositions où vous êtes devant Dieu (…)

Mais d'où vient que le Fils de Dieu ne se contenta pas de donner une fois la paix à ses apôtres, et que, dans une même apparition, il leur dit deux fois, et dans les mêmes termes : Pax vobis ? C'est une circonstance que saint Chrysostome a remarquée dans l'Evangile, et cette circonstance n'est pas sans mystère (…)

Je ne sais, Chrétiens, si vous avez pris garde à ces deux paroles de saint Paul :  Que la paix de Dieu conserve vos cœurs :  et qu'elle possède vos esprits   ? Pourquoi l'Apôtre souhaitait-il aux Philippiens ce double avantage, l'un par rapport à l'esprit, l'autre par rapport au cœur ? C'est, répond saint Chrysostome, que pour établir dans l'homme une paix parfaite, il faut la mettre également dans les deux puissances de son âme, c'est-à-dire dans son esprit et dans son cœur.

La paix du cœur doit nécessairement être précédée de la paix de l'esprit, et la paix de l'esprit ne peut être constante sans la paix du cœur. Il faut donc pacifier l'esprit de l'homme, en lui ôtant toutes les inquiétudes

qu'il peut avoir dans la recherche de la vérité ; et il faut pacifier son cœur en le dégageant de tous les désirs qui le tourmentent dans la recherche de son repos. Voilà, tout le mystère de notre évangile. Le Sauveur du monde ne se contente pas de dire une fois à ses disciples : Pax vobis, La paix soit avec vous ; il le leur redit une seconde fois dans la même apparition, parce qu'il veut leur donner cette double paix qui fait toute la perfection de l'homme, la paix de l'esprit et la paix du cœur. Mais par quelle voie l'homme peut-il espérer d'avoir l'une et l'autre? Ah! Chrétiens, c'est encore le secret, et le secret admirable que notre évangile nous découvre. Car j'y trouve la paix de l'esprit solidement établie dans la soumission à la foi; et j'y trouve la paix du cœur parfaitement conservée dans l'assujettissement à la loi de Dieu (…)

Comprenez, s'il vous plaît, les deux propositions que j'avance. Le Sauveur du monde dit à saint Thomas, que bienheureux sont ceux qui croient sans avoir vu; et saint Thomas répond au Sauveur du monde, qu'il est son Seigneur et son Dieu. Croire ce que l'on ne voit pas, c'est soumettre la raison à la foi ; et reconnaître l'empire et le domaine du Fils de Dieu, c'est vouloir obéir à sa loi. Or, dans ces deux devoirs sont contenus les deux grands principes de la paix ; car en soumettant ma raison à la foi, je me procure la paix de l’esprit ; et en m'assujettissant à la loi de Dieu, je me mets en possession de la paix du cœur. En deux mots n'espérons pas que notre esprit soit jamais tranquille tandis que nous l'abandonnerons à la conduite de noire raison ; et n'espérons pas plus que notre cœur soit jamais content tandis qu'il s'abandonnera lui-même à ses passions. Il faut que la foi gouverne notre esprit, si nous voulons qu'il soit dans le calme(…)Il faut que la loi de Dieu règne dans notre cœur, si nous voulons qu'il jouisse d'un bonheur solide(…)

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Message  gabrielle Dim 26 Avr 2015, 7:30 am

3è Dimanche après Pâques

Bossuet a écrit:De toutes les passions qui nous troublent, je ne crains point, fidèles, de vous assurer que la plus pleine d'illusion, c'est la joie, bien qu'elle soit la plus désirée; et le Sage n'a jamais parlé avec plus de sens que lorsqu'il a dit dans l’Ecclésiaste «(…) que la joie était une tromperie : »

Et la raison c'est, si je ne me trompe, que depuis la désobéissance de l'homme, Dieu a voulu retirer à lui tout ce qu'il avait répandu de solide contentement sur la terre dans l'innocence des commencements : il l'a, dis-je, voulu retirer à lui, pour la rendre un jour à ses bienheureux ; et que la petite goutte de joie qui nous est restée d'un si grand débris, n'est pas capable de satisfaire une âme dont les désirs ne sont point finis, et qui ne peut jamais reposer qu'en Dieu. C'est pourquoi nous lisons dans notre évangile que Dieu  laisse la joie au monde, comme un bienfait qu'il estime peu, et que le partage de ses enfants, c'est une salutaire tristesse qui ne veut point être consolée par les plaisirs que le monde cherche (…)

Ce que dit Tertullien est très-véritable, « que les hommes sont accoutumés il y a longtemps à manquer au respect qu'ils doivent à Dieu, » et à traiter peu révéremment les choses sacrées. Car outre que dès l'origine du monde l'idolâtrie a divisé son empire et lui a voulu donner des égaux, l'ignorance téméraire et précipitée a gâté, autant qu'elle a pu, l'auguste pureté de son être par les opinions étranges qu'elle en a formées; l'homme a eu l'audace de lui disputer tous les avantages de sa nature, et il me serait aisé de vous faire voir qu'il n'y a aucun de ses attributs qui n'ait été l'objet de quelque blasphème. Mais de toutes ses perfections infinies celle qui a été exposée à des contradictions plus opiniâtres, c'est sans doute cette Providence éternelle qui gouverne les choses humaines. Rien n'a paru plus insupportable à l'arrogance des libertins que de se voir continuellement observés par cet œil toujours veillant de la Providence divine ; il leur a paru, à ces libertins, que c'était une contrainte importune de reconnaître qu'il y eût au ciel une force supérieure qui gouvernât tous nos mouvements, et châtiât nos actions déréglées avec une autorité souveraine. Ils ont voulu secouer le joug de cette providence qui veille sur nous, afin d'entretenir dans l'indépendance une liberté indocile qui les porte à vivre à leur fantaisie, sans crainte, sans retenue et sans discipline.(…)

Telle était la doctrine des Épicuriens, laquelle, toute brutale qu'elle est, tâchait de s'appuyer sur des arguments ; et ce qui paraissait le plus vraisemblable, c'est la preuve qu'elle a tirée de la distribution des biens et des maux, telle qu'elle est représentée dans notre évangile : « Le monde se réjouira, dit le Fils de Dieu, et vous, mes disciples, vous serez tristes . » Qu'est-ce à dire ceci, chrétiens? Le monde, les amateurs des biens périssables, les ennemis de Dieu seront dans la joie; encore ce désordre est-il supportable. Mais vous, ô justes, ô enfants de Dieu, vous serez dans l'affliction, dans la tristesse! C'est ici que le libertinage s'écrie que l'innocence ainsi opprimée rend un témoignage certain contre la Providence divine, et fait voir que les affaires humaines vont au hasard et à l'aventure.

Ah ! fidèles, qu'opposerons-nous à cet exécrable blasphème, et comment défendrons-nous contre les impies les vérités que nous adorons ? Écouterons-nous les amis de Job, qui lui soutiennent qu'il est coupable parce qu'il était affligé, et que sa vertu était fausse parce qu'elle était exercée? « Quand est-ce que l'on a vu, disaient-ils, que les gens de bien fussent maltraités  ? Cela ne se peut, cela ne se peut . » Mais au contraire, dit le Fils de Dieu, ceux dont je prédis les afflictions, ce ne sont ni des trompeurs ni des hypocrites ; ce sont mes disciples les plus fidèles, ce sont ceux dont je propose la vertu au monde comme l'exemple le plus achevé d'une bonne vie : « Ceux-là, dit Jésus, seront affligés : »  Voilà qui paraît bien étrange, et les amis de Job ne l'ont pu comprendre.

D'autre part, la philosophie ne s'est pas moins embarrassée sur cette difficulté importante; écoutez comme parlaient certains philosophes, que le monde appelait les stoïciens. Ils disaient avec les amis de Job : C'est une erreur de s'imaginer que l'homme de bien puisse être affligé ; mais ils se prenaient d'une autre manière : c'est que le sage, disaient-ils, est invulnérable et inaccessible à toute sorte de maux ; quelque disgrâce qui lui arrive, il ne peut jamais être malheureux, parce qu'il est lui-même sa félicité. C'est le prendre d'un ton bien haut pour des hommes faibles et mortels. Mais, ô maximes vraiment pompeuses ! ô insensibilité affectée ! ô fausse et imaginaire sagesse, qui croit être forte parce qu'elle est dure, et généreuse parce qu'elle est enflée ! Que ces principes sont opposés à la modeste simplicité  du Sauveur des âmes, qui considérant dans notre évangile ses fidèles dans l'affliction, confesse qu'ils en seront attristés et partant leurs douleurs seront effectives.

Plus nous avançons, chrétiens, plus les difficultés nous paraissent grandes. Mais voyons encore le dernier effort de la philosophie impuissante, afin que reconnaissant l'inutilité de tous les remèdes humains, nous recourions avec plus de foi à l'Évangile du Sauveur des âmes. Sénèque a fait un traité exprès pour défendre la cause de la Providence et fortifier le juste souffrant, où après avoir épuisé toutes ses sentences pompeuses et tous ses raisonnements magnifiques, enfin il introduit Dieu parlant en ces termes au juste et à l'homme de bien affligé : « Que veux-tu que je fasse? dit-il; je n'ai pu te retirer de ces maux, mais j'ai armé ton courage contre toutes choses : »  Je n'ai pu: quelle parole à un Dieu ! Est-ce donc une nécessité absolue qu'on ne puisse prendre le parti de la Providence divine, sans combattre ouvertement sa toute-puissance ? C'est ainsi que réussit la philosophie, quand elle se mêle de faire parler cette Majesté souveraine et de pénétrer ses secrets !

Allons, fidèles, à Jésus-Christ; allons à la véritable sagesse. Écoutons parler notre Dieu dans sa langue naturelle, je veux dire dans les oracles de son Écriture. Cherchons aux innocents affligés des consolations plus solides dans l'évangile de cette journée. Mais afin de procéder avec ordre, réduisons nos raisonnements à trois chefs tirés des paroles du Sauveur des âmes, que j'ai alléguées pour mon texte. « Le monde, dit-il, se réjouira, et vous, ô justes, vous serez tristes ; mais votre tristesse sera changée en joie. » Le monde se réjouira ; mais ce sera certainement d'une joie telle que le monde la peut avoir, trompeuse, inconstante et imaginaire, parce qu'il est écrit que « le monde passe « Vous, ô justes, vous serez tristes; » mais c'est votre médecin qui vous parle ainsi et qui vous prépare cette amertume ; et donc elle vous sera salutaire. Que si peut-être vous vous plaignez qu'il vous laisse sans consolation sur la terre au milieu de tant de misères, voyez qu'en vous donnant cette médecine, il vous présente de l'autre main la douceur d'une espérance assurée, qui vous ôte tout ce mauvais goût et remplit votre âme de plaisirs célestes : « Votre tristesse, dit-il, sera changée en joie : »

(…) ne nous flattons pas ; avouons à la honte du genre humain que les crimes les plus hardis ont été ordinairement plus heureux que les vertus les plus renommées. Et la raison en est évidente. C'est sans doute que la licence est plus entreprenante que la retenue. La fortune veut être prise par force, les affaires veulent être emportées par la violence. Il faut que les passions se remuent, il faut prendre des desseins extrêmes. Que fera ici la vertu avec sa faible et impuissante médiocrité, je dis faible et impuissante dans l'esprit des hommes ? Elle est trop sévère et trop composée. C'est pourquoi le divin Psalmiste, après avoir décrit au Psaume X le bruit que les pécheurs ont fait dans le monde, il vient ensuite à parler du juste : « Et le juste, dit-il, qu'a-t-il fait? »  Il semble, dit-il, qu'il n'agisse pas ; et il n'agit pas en effet selon l'opinion des mondains, qui ne connaissent point d'action sans agitation, ni d'affaires sans empressement. Le juste n'ayant donc point d'action du moins au sentiment des hommes du monde, il ne faut pas s'étonner, fidèles, si les grands succès ne sont pas pour lui.

Et certes l'expérience nous apprend assez que ce qui nous meut, ce qui nous excite, ce n'est pas la droite raison. On se contente de l'admirer et de la faire servir de prétexte; mais l'intérêt, la passion, la vengeance, c'est ce qui agite  puissamment les ressorts de l’âme ; et en un mot le vice qui met tout en œuvre est plus actif, plus pressant, plus prompt; et ensuite pour l'ordinaire il réussit mieux que la vertu qui ne sort point de ses règles, qui ne marche qu'à pas comptés, qui ne s'avance que par mesure. D'ailleurs les histoires saintes et profanes nous montrent partout de fameux exemples qui font voir les prospérités des impies, c'est-à-dire l'iniquité triomphante. Quelle confusion plus étrange? David même s'en scandalise, et il avoue dans le Psaume LXXII que sa constance devient chancelante, « quand il considère la paix des pécheurs »; tant ce désordre est épouvantable. Et cependant  nous vous avons dit qu'il n'est rien de mieux ordonné que les événements des choses humaines : comment démêlerons-nous ces obscurités ? Comment prouverons-nous un tel paradoxe, que l'ordre le plus excellent se doive trouver dans une confusion si visible? Accordons par une doctrine solide ces contrariétés apparentes, et montrons à l'homme de bien qu'il ne doit pas envier les prospérités de ce monde qui se réjouit.

J'apprends du Sage dans l’Ecclésiaste que l'unique moyen de sortir de cette épineuse difficulté, c'est de jeter les yeux sur le jugement. Regardez les choses humaines dans leur propre suite, tout y est confus et mêlé ; mais regardez-les par rapport au jugement dernier et universel, vous y voyez reluire un ordre admirable. Le monde comparé à ces tableaux qui sont comme un jeu de l'optique, dont la figure est assez étrange, la première vue ne vous montre qu'une peinture qui n'a que des traits informes et un mélange confus de couleurs ; mais sitôt que celui qui sait le secret vous le fait considérer par le point de vue, ou dans un miroir tourné en cylindre qu'il applique sur cette peinture confuse : aussitôt les lignes se ramassant, cette confusion se démêle et vous produit une image bien proportionnée. Il en est ainsi de ce monde. Quand je le contemple dans sa propre vue, je n'y aperçois que désordre ; si la foi me le fait regarder par rapport au jugement dernier et universel, en même temps j'y vois reluire un ordre admirable.

Approche ici, ô toi qui murmures en voyant la prospérité des pécheurs : — Ah ! la terre les devrait engloutir, ah ! le ciel se devrait éclater en foudre.— Tu ne songes pas au secret de Dieu. S'il punissait ici tous les réprouvés, la peine les discernerait d'avec les bons. Or l'heure du discernement n'est pas arrivée. Cela est réservé pour le jugement; ce n'est donc pas encore le temps de punir généralement tous les criminels, parce que ce n'est pas encore celui de les séparer d'avec tous les justes. « Ne vois-tu pas, dit saint Augustin , que pendant l'hiver l'arbre mort et l'arbre vivant paraissent égaux ; ils sont tous deux sans fruits et sans feuilles. Quand est-ce qu'on les pourra discerner? Ce sera lorsque le printemps viendra renouveler la nature, et que cette verdure agréable fera paraître dans toutes les branches la vie que la racine tenait enfermée. »

Ainsi ne t'impatiente pas, ô homme de bien; laisse passer l'hiver de ce siècle, où toutes choses sont confondues; contemple ce grand renouvellement de la résurrection générale qui fera le discernement tout entier, lorsque la gloire de Jésus-Christ reluira visiblement sur les justes. Si cependant ils sont mêlés avec les impies, si l'ivraie croît avec le bon grain, si même elle s'élève au-dessus, c'est-à-dire si l'iniquité semble triomphante, n'imite pas l'ardeur inconsidérée de ceux qui poussés d'un zèle indiscret, voudraient arracher ces mauvaises herbes ; c'est un zèle indiscret et précipité. Aussi le Père de famille ne le permet pas : « Attendez, dit-il, la moisson, » c'est-à-dire la fin du siècle ; alors on fera le discernement et « ce sera le temps de chaque chose  »

Car la sagesse ne consiste pas à faire les choses promptement, mais à les faire dans le temps qu'il faut. Cette sagesse profonde de Dieu ne se gouverne pas par les préjugés ni par les fantaisies des enfants des hommes, mais selon l'ordre immuable des temps et des lieux qu'elle a éternellement  disposé. « C'est pourquoi, dit Tertullien (voici des paroles précieuses), Dieu ayant remis le jugement à la fin des siècles, il ne précipite pas le discernement, qui en est une condition nécessaire. »  Remarquez cette excellente parole : Il ne précipite pas le discernement. Précipiter les affaires, c'est le propre de la faiblesse, qui est contrainte de s'empresser dans l'exécution de ses desseins, parce qu'elle dépend des occasions, et que ces occasions sont certains moments dont la fuite précipitée cause aussi de la précipitation à ceux qui les cherchent. Mais Dieu qui est l'arbitre de tous les temps, qui sait que rien ne peut échapper ses mains, il ne précipite pas ses conseils  ; jamais il ne prévient le temps résolu; il ne s'impatiente pas; il se rit des prospérités de ses ennemis, « parce que, dit le Roi-Prophète , il sait bien où il les attend, il voit de loin le jour qu'il leur a marqué pour en prendre une rigoureuse vengeance (…)

Tremblez, tremblez, pécheurs endurcis, devant la colère qui vous poursuit. Car si dans le mélange du siècle présent, où Dieu en s'irritant se modère, où sa justice est toujours mêlée de miséricorde, où il frappe d'un bras qui se retient, nous ne pouvons quelquefois supporter ses coups, où en serez-vous, misérables! si vous êtes un jour contraints de porter le poids intolérable de sa colère quand elle agira de toutes ses forces, et qu'il n'y aura plus aucune douceur qui tempère son amertume? Et vous, admirez, ô enfants de Dieu, comme votre Père céleste tourne tout à votre avantage, vous instruisant non - seulement par paroles, mais encore par les choses mêmes. Et certes s'il punissait tous les crimes, s'il n’épargnait aucun criminel, qui ne croirait que toute sa colère serait épuisée dès ce siècle, et qu'il ne réserverait rien au siècle futur? Si donc il les attend, s'il les souffre, sa patience même vous avertit de la sévérité de ses jugements. Et quand il leur permet si souvent de réussir pendant cette vie, quand il souffre que le monde se réjouisse, quand il laisse monter les pécheurs jusque sur les trônes, c'est encore une instruction qu'il vous donne, mais une instruction importante. Voyez, dit-il, mortels abusés, voyez l'état que je fais des biens après lesquels vous courez avec tant d'ardeur; voyez à quel prix je les mets, et avec quelle facilité je les abandonne à mes ennemis; je dis à mes ennemis les plus implacables, à ceux auxquels ma juste fureur prépare des torrents de flammes éternelles.

Par conséquent, ô juste, ô fidèle, recherche uniquement les biens véritables que Dieu ne donne qu'à ses serviteurs ; apprends à mépriser les biens apparents, qui bien loin de nous faire heureux, sont souvent un commencement de supplice. Oui, cette félicité des enfants du siècle, lorsqu'ils nagent dans les plaisirs illicites, que tout leur rit, que tout leur succède ; cette paix, ce repos que nous admirons, « qui selon l'expression du Prophète fait sortir l'iniquité de leur graisse, »  qui les enfle, qui les enivre jusqu'à leur faire oublier la mort : c'est un supplice, c'est une vengeance que Dieu commence d'exercer sur eux; cette impunité, c'est une peine qui les précipite au sens réprouvé, qui les livre aux désirs de leur cœur, leur amassant ainsi un trésor de haine dans ce jour d'indignation, de vengeance et de fureur éternelle. N'est-ce pas assez pour nous écrier avec l'incomparable Augustin : « Il n'est rien de plus misérable que la félicité des pécheurs qui entretient une impunité qui tient lieu de peine, et fortifie cet ennemi domestique, je veux dire la volonté déréglée, » en contentant ses mauvais désirs. Mais si nous voyons par là, chrétiens, que la prospérité peut être une peine, ne pouvons-nous pas faire voir aussi que l'affliction peut être un remède, un bien et une consolation de Dieu?

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Message  Roger Boivin Dim 26 Avr 2015, 11:54 am


Dans OpenLibray :
Sermon du troisième Dimanchhe après Pâques - Bossuet : https://archive.org/stream/oeuvrescomplete07boss#page/n15/mode/2up
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Message  gabrielle Dim 03 Mai 2015, 7:45 am

Invention de la Sainte Croix
Mémoire du IVe dimanche après Pâques

Du Traité de saint Cyprien, Évêque et Martyr ‘Du bien de la patience’.

Voulant, bien-aimés frères, vous entretenir de la patience, et vous en montrer les services et les avantages, puis-je mieux commencer que par la patience dont je vois que vous avez besoin pour m’écouter maintenant encore ? En effet, l’action même d’écouter et d’apprendre, vous ne la pouvez faire sans patience. Car l’enseignement et la doctrine du salut ne s’apprennent efficacement que si l’on écoute patiemment ce qui s’enseigne. Et, parmi tous les moyens que nous offre la loi céleste, et qui dirigent notre vie vers l’acquisition des récompenses divines, objet de notre espérance et de notre foi, je ne trouve rien de plus utile pour la vie, ni de meilleur pour obtenir la gloire, que de garder la patience avec un soin extrême, nous qui nous attachons aux préceptes du Seigneur, avec un culte de crainte et d’amour. Les philosophes païens aussi font profession de pratiquer cette vertu, mais leur patience est aussi fausse que leur sagesse. Car comment pourrait-il être sage ou patient, celui qui ne connaît ni la sagesse, ni la patience de Dieu ?

Pour nous, mes chers frères, qui sommes philosophes non dans nos paroles, mais dans nos actions ; qui préférons la sagesse, non dans ses dehors, mais dans sa réalité ; qui connaissons mieux la pratique des vertus que leur ostentation ; qui ne disons pas de grandes choses, mais qui les réalisons dans notre vie ; serviteurs et adorateurs de Dieu, montrons par la soumission de notre esprit cette patience que de divins exemples nous enseignent. Car cette vertu nous est commune avec Dieu. C’est de lui qu’elle vient, qu’elle tire son éclat et sa gloire. L’origine et la grandeur de la patience viennent de Dieu. L’homme doit aimer ce qui est cher à Dieu, car ce qu’aimé la majesté divine, elle le recommande. Si Dieu est notre Seigneur et notre père, imitons la patience de notre Seigneur et en même temps de notre père, puisqu’il convient que des serviteurs soient obéissants, et que des fils ne soient point dégénérés.


C’est la patience qui nous rend agréables à Dieu et nous retient dans son service ; c’est elle qui calme la colère, enchaîne la langue, gouverne l’esprit, garde la paix, règle la discipline, brise l’impétuosité des passions, comprime les emportements de l’orgueil, éteint l’incendie de la haine, contient la tyrannie des grands, ranime l’indigence du pauvre, protège la bienheureuse pureté de la vierge, la laborieuse chasteté de la veuve, la tendresse sans partage des époux. Elle inspire l’humilité dans le bonheur, le courage dans l’adversité, la douceur au milieu des injustices et des affronts. Elle nous apprend à pardonner sans délai à ceux qui ont mal fait ; si nous avons commis une faute, à en implorer longtemps et instamment le pardon. Les tentations, elle en triomphe ; les persécutions, elle les endure ; les souffrances et le martyre, elle les couronne. C’est elle qui élève l’édifice de notre foi sur des fondements inébranlables.

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Message  ROBERT. Dim 03 Mai 2015, 11:26 am

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Voir également cet autre Traité de Saint Cyprien sur la patience:
ROBERT.
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Message  gabrielle Dim 10 Mai 2015, 6:58 am


5e dimanche après Pâques

extraits de Bourdaloue a écrit:Jésus parla de cette sorte à ses disciples : Je vous le dis en vérité, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous l'accordera. Vous n'avez encore rien demandé en mon nom ; demandez, et vous recevrez.(...)

Jamais décision de la foi n'a été ni plus authentique, ni reçue dans le monde chrétien avec plus de soumission et plus de respect que celle où l'Eglise, foudroyant autrefois le pélagianisme, établit, disons mieux, déclara la nécessité de la grâce intérieure de Jésus-Christ pour toutes les œuvres du salut ; et jamais conséquence n'a été ni plus infaillible ni plus évidemment tirée de son principe, que celle que je tire aujourd'hui de cette décision de l'Eglise pour prouver la nécessité de la prière. Sans la grâce du Rédempteur, quelque fonds de vertu naturelle que je puisse avoir, et quelque bon usage que je fasse de ma raison et de ma liberté, je suis dans une impuissance absolue de parvenir au terme du salut ; c'est ce que le grand saint Augustin soutint avec tant de zèle, et ce qui fut enfin solennellement conclu contre l'hérésiarque Pelage. Sans le secours de la grâce, non-seulement je ne puis parvenir à ce bienheureux terme du salut, mais je ne puis pas même m'y disposer, je ne puis pas même commencer à y travailler, je ne puis pas même le désirer, je ne puis pas même y penser ; c'est ce qu'ont depuis défini tant de conciles et tant de papes, pour exterminer le semi-pélagianisme, rejeton pernicieux de l'erreur que saint Augustin avait si glorieusement combattue. Or, les mêmes armes dont se servait alors l'Église pour défendre la grâce de Jésus-Christ contre les hérétiques qui l'attaquaient, sont celles qu'elle me fournit encore pour justifier l'indispensable obligation de la prière, contre les mondains et les lâches chrétiens(…)

Sans la grâce il n'y a point de salut; donc il n'y a point de salut sans la prière, parce que hors la première grâce, qui est indépendante de la prière, comme étant, dit saint Prosper, le principe de la prière même, il est de la foi que la prière est le moyen efficace et universel par où Dieu veut que nous obtenions toutes les autres grâces; et que toutes les autres grâces, dans l'ordre de la Providence et de la prédestination, sont essentiellement attachées à la prière :  Demandez, et vous recevrez. Voilà la règle que Jésus-Christ nous a prescrite, et qui, étant limitée à ce don parfait, à ce don souverain et excellent qui nous vient d'en-haut, je veux dire la grâce du salut, n'a jamais manqué ; voilà la clef de tous les trésors de la miséricorde; voilà le divin canal par où tous les biens célestes nous doivent être communiqués. Demandez le royaume de Dieu et sa justice, ou plutôt, demandez sans restriction tout ce qui vous est nécessaire pour y arriver, et soyez sûr que vous l'aurez (…)

Voilà, dis-je, l'oracle de la vérité éternelle, dont il ne nous est pas permis de douter. D'où il faut conclure, reprend le docteur angélique saint Thomas, que nul homme, soit juste, soit pécheur, mais encore moins le pécheur que le juste, n'a droit d'espérer en Dieu, qu'en conséquence de ce qu'il le prie, et que toute confiance en Dieu qui n'est pas fondée sur la prière, et soutenue, ou, si j'ose ainsi m'exprimer, autorisée du crédit de la prière, est une confiance vaine, une confiance présomptueuse, une confiance même réprouvée de Dieu : et la raison est que Dieu, dit saint Thomas, qui ne nous doit rien par justice, et qui est incapable de nous rien devoir autrement que par miséricorde, tout au plus par fidélité, ne s'est engagé à nous par ces titres mêmes de fidélité et de miséricorde, que sous condition et dépendamment de la prière. Il peut donc, non-seulement sans être injuste, mais sans cesser d'être fidèle et miséricordieux, ne nous point accorder ses grâces quand nous ne le prions pas. Je dis plus, et dans le cours ordinaire de sa providence, il le doit en quelque façon, parce que des grâces aussi précieuses que les siennes (c'est la réflexion de saint Chrysostome), des grâces aussi importantes que celles qui nous conduisent au salut, méritent bien au moins qu'il nous en coûte de les demander, et de les demander avec empressement et avec ferveur.

Vous me direz qu'indépendamment de nos prières, Dieu sait nos besoins spirituels, et, sans que nous nous mettions en peine de les lui faire connaître, qu'il y peut pourvoir. Il est vrai, répondait saint Jérôme à Vigilantius, qui, préoccupé de son sens, et renversant sous ce prétexte le fondement de la religion, voulait conclure de là l'inutilité de la prière; il est vrai, Dieu connaît par lui-même nos besoins; mais quoiqu'il les connaisse par lui-même, et qu'il y puisse pourvoir sans nous, il veut y être déterminé et engagé par nous; c'est-à-dire il veut être excité par nos prières à nous accorder les secours qu'il nous a préparés; il veut que nos prières soient le ressort qui remue sa miséricorde et qui la fasse agir : car il est, ajoutait ce saint docteur, le maître de ses biens ; et en cette qualité de maître, c'est à lui de nous les donner et d'en disposer aux conditions qu'il lui plaît.

Or, encore une fois, il lui a plu que la prière fût une de ces conditions, et même la principale, et qu'elle entrât dans le pacte qu'il a fait avec nous comme notre Dieu, en nous disant : Demandez et recevez; il lui a plu, en faisant servir nos besoins à sa gloire, de nous intéresser par là à l'honorer, de nous attacher à son culte par ce sacré lien, de nous tenir par là dans l'exercice de cette continuelle dépendance où nous devons être à son égard; en un mot, il lui a plu de vouloir être prié, et de mettre comme à ce prix les dons de sa grâce et les effets continuels de sa charité divine. (…)

Il s'ensuit que, dans le cours de la vie chrétienne, il nous peut arriver et qu'il nous arrive souvent de manquer en effet de certaines grâces pour accomplir le bien auquel nous sommes obligés, et pour éviter le mal que la loi de Dieu nous défend, sans que nous ayons droit d'alléguer notre impuissance pour excuse de nos désordres, sans que nous puissions prétexter devant Dieu nulle impossibilité d'obéir à ses commandements, sans que sa loi, dans ces occasions, nous devienne impraticable : l'obligation que Dieu s'est faite de nous exaucer autant de fois que nous le prierons utilement pour le salut, étant alors contre nous une raison invincible qui nous ferme la bouche, et qui confond ou notre lâcheté ou notre erreur. Ceci mérite votre attention. II vous est impossible, par exemple, dites-vous, d'aimer sincèrement votre ennemi, et de lui pardonner de bonne foi l'injure que vous en avez reçue; et, persuadé que cela vous est impossible, vous prétendez par là vous disculper des sentiments de haine et de vengeance que vous conservez dans le cœur. Ainsi le malheureux esprit du monde, qui est un esprit d'infidélité, vous aveugle-t-il. Mais écoutez les paroles de saint Augustin, bien opposées à ce langage, ou plutôt écoutez toute l'Eglise assemblée dans le dernier concile, et se servant des paroles de saint Augustin.

Vous vous trompez, mes Frères, dit ce saint docteur cité par le concile, vous vous trompez : Dieu , qui est le meilleur et le plus sage de tous les législateurs, en vous commandant d'aimer votre ennemi, ne vous commande rien d'impossible; mais parce commandement adorable il vous avertit de faire ce que vous pouvez, et de demander ce que vous ne pouvez pas, et il vous aide à le pouvoir (…) Voilà en deux mots ou la réfutation de votre erreur, ou la conviction de votre libertinage.(…)

Or, après la promesse de Jésus-Christ, l'un des deux vous est assuré et vous est acquis ; autrement saint Augustin ne vous aurait pas dit,  de faire ce que vous pouvez, et de demander ce que vous ne pouvez pas, puisqu'il serait tellement hors de votre pouvoir de demander et de faire. Il faut donc que la grâce de faire ne vous manque que parce que vous n'usez pas de celle de prier et de demander. Et c'est, mon cher auditeur, le secret que je vous apprends, et ce qui éclaircit parfaitement la théologie des Pères de l'Eglise, quand ils avancent sur cette matière des propositions dures en apparence, mais bailleurs d'une connexion admirable entre elles; car voici le nœud de cette connexion. La grâce nous manque quelquefois : qui en doute, et qui peut en disconvenir? mais nous manque-t-elle parce que Dieu nous la refuse, ou parce que nous ne la demandons pas à Dieu? nous manque-t-elle par le défaut de celui qui la donne, ou par notre indisposition et notre indifférence à la recevoir? nous manque-t-elle parce que Dieu ne veut pas nous exaucer, ou parce que nous négligeons de le prier? Voilà, homme du monde, ce qui vous condamnera un jour. Jugez-vous, et écoutez-moi. Vous êtes trop faible pour surmonter la passion qui vous domine, et pour résister à la tentation et à l'habitude du honteux péché dont vous vous êtes fait esclave ; je le sais, et j'en gémis pour vous : mais avez-vous bonne grâce de vous en prendre à votre faiblesse, tandis qu'il vous est aisé de pratiquer ce qui vous rendrait fort et invincible, si vous vouliez y recourir? Or, telle est la vertu de la prière.

(…) Car, s'il y avait des états où nous n'eussions ni la force de vaincre la tentation, ni la force de prier pour en obtenir la victoire, c'est-à-dire des états où la grâce pour l'un et pour l'autre nous manquât également, il faudrait que saint Paul l'eût mal entendu, et qu'en voulant nous consoler par ce motif de la fidélité de Dieu, il nous eût donné une fausse idée, puisqu'il serait vrai qu'étant trop faibles pour prier, aussi bien que pour résister, nous serions évidemment tentés au delà de ce que nous pouvons, et qu'ainsi Dieu permettrait ce que cet apôtre a soutenu qu'un Dieu fidèle ne pouvait permettre. Mais non, mon Frère, poursuit saint Chrysostome, il n'en va pas ainsi : vous êtes faible jusqu'à l'excès, mais vous ne l'êtes que parce que malheureusement vous quittez l'exercice de la prière ; car dans le dessein de Dieu, c'était la prière qui devait vous fortifier, qui devait vous fournir des armes, qui devait vous servir de bouclier pour repousser les attaques du démon. Et en effet, par la prière, les saints, quoique fragiles comme vous, ont toujours été victorieux ; et sans la prière, quoique saints d'ailleurs, ils auraient été comme vous vaincus.

Il en est de même de ces chrétiens froids et languissants, peu touchés des devoirs de leur religion, qui, se voyant dans la sécheresse et le dégoût et même dans l'insensibilité et l'endurcissement, se plaignent que Dieu les délaisse, au lieu de s'accuser devant Dieu de leur propre infidélité, et de reconnaître avec gémissements et avec larmes que leur malheur au contraire est qu'eux-mêmes ils délaissent Dieu, en renonçant à la prière et ne faisant nul usage de cet excellent moyen sur lequel roule toute l'espérance chrétienne. Car c'est encore un autre point de la créance catholique, qui nous est déclaré par le concile, qu'à l'égard de ceux qui sont une fois justifiés, ou par la pénitence ou par le baptême, Dieu ne les abandonne jamais, s'ils ne l'ont auparavant abandonné (…)

Or, il est néanmoins hors de doute que ce serait Dieu qui les abandonnerait le premier, si, lorsqu'il leur fait un commandement, il ne leur donnait pour l'accomplir, ni la grâce de la prière, ni, comme parlent les théologiens, la grâce de l'action. Mais il n'est pas moins évident qu'il ne les abandonne qu'après qu'ils l'ont déjà abandonné, quand il ne les prive de la grâce de l'action que parce qu'ils ne sont pas fidèles à la grâce de la prière. Quel est donc l'ordre de cet abandon terrible que nous devons craindre? Le voici : nous commençons, et Dieu achève ; nous abandonnons Dieu en négligeant de recourir à lui, et de nous attirer par la prière sa grâce et son secours ; et Dieu, qui, selon le Prophète, méprise celui qui le méprise, nous abandonne, en nous laissant, par une juste punition, dépourvus de ce secours et de cette grâce. Mais l'abandon de Dieu suppose le nôtre ; et sans le nôtre, qui est volontaire, et dont nous nous rendons coupables, nous ne devrions jamais craindre celui de Dieu. Hors de là nous aurions droit de compter sur Dieu, et ce droit ou cette sûreté pour nous serait la prière : mais avec quel front osons-nous nous en prendre à Dieu, et dire qu'il s'éloigne de nous, pendant que nos consciences nous reprochent que c'est nous-mêmes qui le forçons à cet éloignement, et qui, par le mépris que nous faisons de la prière, sommes les premiers à nous éloigner et à nous détacher de lui?

Il s'ensuit de là que le plus grand de tous les désordres, et en même temps de tous les malheurs où puisse tomber l'homme chrétien, c'est d'abandonner la prière : pourquoi ? parce qu'abandonner la prière, c'est renoncer au plus essentiel et au plus irréparable de tous les moyens de salut. Prenez garde, s'il vous plaît. Au défaut de tout autre moyen, quelque avantageux ou même nécessaire qu'il puisse être pour le salut éternel, l'homme chrétien peut trouver des ressources dans la religion. Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir.

Il n'y a point d'œuvre, ni méritoire, ni satisfactoire, qu'une autre de pareil mérite et d'égale satisfaction ne puisse remplacer. La contrition pure et parfaite peut tenir lieu de la confession des péchés. L'aumône, selon la doctrine des Pères, peut, par l'acceptation de Dieu , être substituée au jeûne, mais rien ne peut à notre égard être le supplément de la prière , parce que, dans l'ordre du salut et de la justification , la prière, dit saint Chrysostome , est comme la ressource des ressources mêmes , comme le premier mobile qui doit donner le mouvement à tout le reste , et, quand tout le reste viendrait à manquer, comme la dernière planche pour sauver du naufrage l'homme pécheur. Si je suis incapable d'agir pour Dieu, je puis au moins souffrir pour lui.

Si l'infirmité de mon corps m'empêche d'exercer sur moi les rigueurs de la pénitence, je puis racheter mes péchés par la miséricorde envers les pauvres : mais, dans quelque état que je me suppose, si je cesse de prier, je n'ai plus rien sur quoi je puisse faire fond, et par nul autre moyen je ne puis racheter ni réparer la perte que je fais en me privant du fruit de la prière.

(…) voilà le désordre du siècle ; et tel de vous à qui je parle, doit actuellement se dire à soi-même : Voilà mon état. C'est un pécheur d'habitude accablé du poids de ses iniquités, mais dont le dernier des soins est de représenter à Dieu sa misère, et de s'adresser à lui comme à son libérateur, en s'écriant avec l'Apôtre : Qui me délivrera de ce corps de mort ? C'est une femme mondaine, remplie de l'amour d'elle-même et idolâtre de sa personne ; mais qui n'a jamais dit à Dieu sincèrement : Seigneur, détruisez en moi cet amour profane, et faites-y régner le vôtre. C'est un homme exposé par sa condition aux occasions les plus prochaines du péché, qui, à tous les moments du jour, devrait soupirer vers le ciel et implorer l'assistance du Très-Haut, mais qui, tranquille au milieu des dangers les plus présents, passe les années entières sans rendre à Dieu le moindre culte, ni lui offrir le sacrifice d'une humble prière. Voilà, dis-je, ce que j'appelle la désolation du christianisme(…)

Il s'ensuit que le comble du malheur pour un chrétien est de perdre absolument l'esprit de la prière. J'entends par l'esprit de la prière, une certaine estime que l'on conserve toujours pour ce saint exercice, quoiqu'on ne le pratique pas; j'entends une certaine confiance en ce moyen de conversion et de sanctification, quoiqu'on néglige de s'en servir; j'entends un certain sentiment intérieur du besoin que nous en avons, et un fond de disposition à l'employer dans les rencontres, quoique actuellement et dans les conjonctures présentes on n'en fasse aucun usage. Car avoir perdu cette estime, cette confiance, ce sentiment , cette disposition secrète, c'est avoir perdu jusqu'aux principes les plus éloignés de la vie de l’âme, et c'est être dans l'ordre de la grâce ce qu'est dans l'ordre de la nature un arbre dont on a coupé non point seulement les branches, mais jusqu'à la dernière racine. Tandis qu'on a cet esprit encore, ou qu'on en a quelque reste, tout assoupi qu'il est, il peut dans l'occasion se réveiller, nous exciter à la prière, nous y faire avoir recours ; et, par l'efficace de notre prière, nous pouvons toucher le cœur de Dieu, et impétrer une grâce qui nous touche enfin nous-mêmes, et qui nous ramène à Dieu. Si ce n'est pas aujourd'hui que cet esprit agit, ce sera peut-être demain, ce sera peut-être dans la suite des années; et le moment viendra où nous éprouverons sa vertu. Mais si cet esprit est absolument éteint, si nous n'avons plus ni estime de la prière, ni confiance en la prière, ni goût pour la prière (…)

Or, on le perd ( esprit de prière) en perdant l'habitude de la prière, et en demeurant les semaines entières, les mois, les années, sans nul usage de la prière.

Allons, mes Frères, allons nous jeter aux pieds de notre Père céleste, et lui présenter avec foi, avec humilité, avec persévérance, le religieux hommage de nos vœux. (…) Demandons-lui, selon l'ordre que le Fils de Dieu nous a prescrit, que son nom soit sanctifié, et que nous puissions contribuer nous-mêmes à sa gloire par la sainteté de nos œuvres ; que son règne arrive, et que dès ce monde il établisse son empire dans nos cœurs, afin que nous régnions éternellement avec lui dans le séjour bienheureux; que sa volonté soit faite dans le ciel et sur la terre, mais pardessus tout qu'elle s'accomplisse en nous, et que nous lui soyons toujours soumis. Demandons-lui que chaque jour il nous fournisse le pain qui doit entretenir la vie de nos âmes, le pain de sa grâce(…) que, tout pécheurs que nous sommes, il jette sur nous un regard de miséricorde, et qu'il nous pardonne tant d'offenses dont nous devons-nous reconnaître coupables, et pour lesquelles nous ne pouvons le satisfaire, s'il ne se relâche en notre faveur de la sévérité de ses jugements. Demandons-lui qu'il nous défende des traits empoisonnés de l'esprit tentateur, et des attaques de ce lion rugissant qui tourne sans cesse autour de nous pour nous surprendre ; qu'il nous défende des charmes trompeurs du monde et de ses prestiges, mais qu'il nous défende encore plus de nous-mêmes, et de la malheureuse cupidité qui nous domine. Enfin demandons-lui qu'il nous préserve de tout mal; qu'il nous aide à réparer les maux passés, et à nous relever de nos chutes, à guérir les maux présents, et à redresser nos inclinations vicieuses ; à détourner les maux à venir, et à éviter le plus affreux de tous, qui est celui d'une éternelle damnation.


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Message  Roger Boivin Dim 10 Mai 2015, 7:34 am


« Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir. »
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Message  gabrielle Dim 10 Mai 2015, 7:57 am

Roger Boivin a écrit:
« Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir. »

Quelle consolation pour nous! Comme Dieu est bon.
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Message  Benjamin Dim 10 Mai 2015, 8:06 am

gabrielle a écrit:
Roger Boivin a écrit:
« Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir. »

Quelle consolation pour nous! Comme Dieu est bon.

En effet, ce passage est frappant, as-tu la référence précise (titre du livre, volume et numéro de page) afin que je la copie quelque part ? Je pense que ce genre de citation pourra être ressortie en bien des occasions.
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Message  gabrielle Dim 10 Mai 2015, 8:27 am

Oeuvres complètes de Bourdaloue
Cattier, Librairie-éditeur.
Louis Guérin, imprimeur-éditeur a Bar-le Duc 1864

Sermon pour le cinquième dimanche après Pâques. Sur la Prière. page 156, Deuxième volume
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Message  Benjamin Dim 10 Mai 2015, 8:30 am

gabrielle a écrit:Oeuvres complètes de Bourdaloue
Cattier, Librairie-éditeur.
Louis Guérin, imprimeur-éditeur a Bar-le Duc 1864

Sermon pour le cinquième dimanche après Pâques. Sur la Prière. page  156, Deuxième volume

Merci Wink
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Message  gabrielle Dim 10 Mai 2015, 8:35 am

Il y en a une autre citation de Saint François de Sales dans Introduction à la vie dévote

Saint François de Sales a écrit:De la très sainte Messe, et comment il la faut ouïr(...) IV. Si vous ne pouviez pas vous rendre présente à la célébration de ce souverain Sacrifice d'une présence réelle, au moins faut-il que vous y portiez votre cœur pour y assister d'une présence spirituelle. A quelque heure donc du matin, allez en esprit, si vous ne pouvez autrement, en l'église; unissez votre intention à celle de tous les Chrétiens, et faites, au lieu où vous êtes, les mêmes actions intérieures que vous feriez si vous étiez réellement présente à l'office de la Sainte Messe en quelque église ( Introduction à la vie dévote, 2e partie, ch. 14)

L'abbé Desmaris, ( c'est quelque part sur TD) donne la même explication que Bourdaloue , il explique à fond ce point de doctrine. Il a vécu en temps de la Révolution.
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Message  ROBERT. Dim 10 Mai 2015, 11:34 am

Roger Boivin a écrit:
« Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir. »

gabrielle a écrit:
Roger Boivin a écrit:
« Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir. »

Quelle consolation pour nous! Comme Dieu est bon.

Benjamin a écrit:
gabrielle a écrit:
Roger Boivin a écrit:
« Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir. »

Quelle consolation pour nous! Comme Dieu est bon.

En effet, ce passage est frappant, as-tu la référence précise (titre du livre, volume et numéro de page) afin que je la copie quelque part ? Je pense que ce genre de citation pourra être ressortie en bien des occasions.

Je vous suis tous les trois sur cette citation de Bourdaloue.  J'essaie de trouver l'abbé Demaris.
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Message  ROBERT. Dim 10 Mai 2015, 11:37 am

gabrielle a écrit:Il y en a une autre citation de Saint François de Sales dans Introduction à la vie dévote

Saint François de Sales a écrit:De la très sainte Messe, et comment il la faut ouïr(...) IV. Si vous ne pouviez pas vous rendre présente à la célébration de ce souverain Sacrifice d'une présence réelle, au moins faut-il que vous y portiez votre cœur pour y assister d'une présence spirituelle. A quelque heure donc du matin, allez en esprit, si vous ne pouvez autrement, en l'église; unissez votre intention à celle de tous les Chrétiens, et faites, au lieu où vous êtes, les mêmes actions intérieures que vous feriez si vous étiez réellement présente à l'office de la Sainte Messe en quelque église ( Introduction à la vie dévote, 2e partie, ch. 14)

L'abbé Desmaris, ( c'est quelque part sur TD) donne la même explication que Bourdaloue , il explique à fond ce point de doctrine. Il a vécu en temps de la Révolution.

Voilà pour l'abbé Demaris:

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Message  Roger Boivin Dim 10 Mai 2015, 2:01 pm

Benjamin a écrit:
gabrielle a écrit:
Roger Boivin a écrit:
« Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir. »

Quelle consolation pour nous! Comme Dieu est bon.

En effet, ce passage est frappant, as-tu la référence précise (titre du livre, volume et numéro de page) afin que je la copie quelque part ? Je pense que ce genre de citation pourra être ressortie en bien des occasions.

Sermons du père Bourdalouë, de la Compagnie de Jesus, pour les dimanches - tome 2 - Page 194, les trois dernières lignes : https://archive.org/stream/sermonsduprebo02bour#page/194/mode/2up


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Message  Benjamin Dim 10 Mai 2015, 2:03 pm


Merci, cher Roger Wink
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Message  Roger Boivin Dim 10 Mai 2015, 2:06 pm

Benjamin a écrit:
Merci, cher Roger Wink

Au plaisir ! sunny
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Message  Roger Boivin Dim 10 Mai 2015, 2:09 pm

Donc :


« Il n'y a point de sacrement dont l'efficace et la vertu ne puisse être suppléée par les dispositions de la personne qui le désire de bonne foi, mais qui ne peut le recevoir. »


Sermons du père Bourdaloue, de la Compagnie de Jesus, pour les dimanches - tome 2 - Page 194, les trois dernières lignes :

https://archive.org/stream/sermonsduprebo02bour#page/194/mode/2up

Roger Boivin
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Dimanches Pascal (2015) Empty Re: Dimanches Pascal (2015)

Message  gabrielle Dim 17 Mai 2015, 7:34 am

SERMON POUR LE DIMANCHE DANS L'OCTAVE DE L'ASCENSION.
SUR LE ZÈLE POUR LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS DE DIEU.

Bourdaloue a écrit:Se faire une prudence aux dépens de Dieu, au préjudice même des règles du monde, à la honte de la religion et à l'avantage de l'impiété, c'est-à-dire une prudence dont Dieu se tient déshonoré, que le monde même n'approuve pas, dont les faibles se scandalisent et dont les impies se prévalent, c'est ce que la politique du siècle a de tout temps inspiré aux mondains, et ce que l'Esprit de Dieu contredira toujours. En quatre paroles, je viens de vous proposer quatre raisons que me fournit la morale chrétienne, et sur lesquelles j'établis la vérité de ma première proposition. Ne les perdez pas.

Il est de la grandeur de Dieu d'être servi par des hommes qui fassent gloire d'être à lui et de se déclarer pour lui ; et il n'y a point de prudence qui puisse affaiblir la force et l'obligation de  ce devoir,  parce  que  ce devoir est  le premier  principe   sur quoi roule la prudence même, et à quoi toute cette vertu doit se rapporter. Les intérêts de Dieu, c'est-à-dire ce qui touche son culte, sa religion, sa loi son honneur, sa gloire, sont d'un ordre si relevé, qu'ils ne peuvent jamais être balancés par nul autre intérêt ; et d'ailleurs ces mêmes intérêts   de Dieu sont  tellement entre nos mains, que vous et moi nous en devons être les garants, et qu'autant de fois qu'ils souffre quelque altération et quelque déchet, Dieu droit de s'en prendre à nous, puisque ce dommage qu'ils souffrent n'est que l'effet et une suite de notre infidélité. Or, c'est ce qui arrive tous les jours, lorsque, par une fausse politique, nous négligeons de les maintenir, et que, nous en reposant sur Dieu même, nous nous faisons des prétextes pour nous taire, quand il faudrait parler, pour dissimuler quand il faudrait  agir,  pour tolérer  et  pour conniver quand il faudrait reprendre et punir. Car, quelle prudence pourrait alors nous mettre à couvert des jugements de Dieu, dont nous trahissons la cause ; et de quel secours peut être pour nous la sagesse du monde, quand,  parées des maximes criminellement suivies, nous nous rendons coupables et responsables de l'injure que Dieu reçoit?

C'est par cette règle que saint Jérôme, et après lui le docteur angélique saint Thomas, ont expliqué ce précepte de la loi divine, en apparence si rigoureux , lequel oblige tout homme chrétien à faire, quand il en est requis la profession publique de sa foi, lui en dut-il coûter la vie, s'attira-t-il par là les derniers malheurs, fallût-il endurer pour cela les tourments les plus cruels : car notre religion, dit Tertullien, pour l'honneur du Dieu qu'elle nous fait adorer, ne sait ce que c'est que de biaiser dans cette extrémité même. En effet, c'est cette nécessité, ou de mourir pour sa foi en la déclarant, ou d'en être le prévaricateur et l'apostat, je ne dis pas en la désavouant, mais seulement même en la déguisant et en la cachant ; c'est, dis-je, cette nécessité qui a produit tant de martyrs dans le christianisme. Or, la même raison qui obligeait les martyrs a professer leur foi, m'engage encore aujourd'hui à faire éclater mon zèle dans toutes les occasions où l'intérêt de Dieu est exposé : pourquoi? parce que je ne suis pas moins redevable à Dieu de mon zèle que de ma foi, ou plutôt parce que l'obligation particulière que j'aurais de confesser extérieurement ma foi, n'est qu'une conséquence de l'obligation générale où je suis de témoigner, quand il le faut, mon zèle pour Dieu.

Je sais que dans les premiers siècles de l'Eglise il s'éleva une secte de faux chrétiens, ou pour mieux dire de mondains, qui en jugèrent autrement, et qui prétendirent que dans ces circonstances, où la confession de la foi était censée un crime devant les hommes, on pouvait au moins, pour se racheter des supplices de la mort, user de dissimulation, ne paraissant pas ce que l'on était, et au hasard même de paraître pour quelque temps ce que l'on n'était pas : mais je sais aussi que ce langage révolta tous les vrais fidèles ; je sais que d'un consentement unanime les Pères détestèrent et rejetèrent cette erreur, que le premier concile œcuménique la condamna, et que, dans la sainte religion que nous professons, ceux-là ont toujours passé pour scandaleux, qui ont refusé de se déclarer ouvertement. Or, si cela est vrai de la foi dans les temps mêmes où elle a été odieuse et persécutée, combien plus l'est-il du zèle des intérêts de Dieu, lorsque pour leur défense nous n'avons point de semblable risque à courir, et qu'une liberté évangélique, bien loin d'être dangereuse pour nous, nous devient glorieuse et honorable?

(…) Celui qui n'est pas pour moi, est contre moi ; parole, dit saint Augustin , qui  confondra  éternellement les sages du siècle, et qui suffira pour réprouver l'indifférence criminelle où ils se retranchent, quand il est question de rendre à Dieu le témoignage  qu'il exige d'eux ;  parole qui réfutera invinciblement les raisons frivoles par où ils s'efforcent maintenant de justifier leur silence, et d'excuser leur timidité en ce que j'appelle le parti de Dieu ; parole de malédiction pour ces esprits d'accommodement qui, sans jamais choquer le monde, croient avoir le secret de contenter Dieu, et qui, sans rien faire pour Dieu, voudraient que Dieu fût content d'eux. Car, que répondront-ils à Jésus-Christ, quand il leur dira que l'un et l'autre ensemble était impossible, et qu'ils en devaient être convaincus par cet oracle sorti de sa bouche (…):

Prétendront-ils l'avoir mieux entendu que lui, avoir été plus prudents que lui, avoir eu pour ses intérêts un zèle plus discret que lui? Et parce qu'alors il s'agira du choix décisif que cet Homme-Dieu fera de ses élus, dépendra-t-il d'eux d'avoir été à lui malgré lui ? (…)

Car en cela consiste ma grande sagesse ; et ce zèle de votre maison, qui me dévore, fait que tous les outrages que vous recevez dans le monde me blessent moi-même personnellement (…)

Ces outrages , ô mon Dieu, par l'impiété et l'insolence des hommes, montent jusqu'à vous;  mais, par une vertu toute contraire de la charité qui m'anime, ils retombent en même temps sur moi; c'est-à-dire les blasphèmes que l'on profère contre votre nom, les profanations de votre sanctuaire, les transgressions de votre loi, les insultes, les scandales, les dérèglements de votre peuple, tout cela fait sur mon cœur une impression à laquelle je ne puis résister.  Quoi qu'en dise le monde, il faut que je m'explique et que je parle ; et si ma raison s'y oppose, je la renonce comme une raison séduite et corrompue (…)

(…)Tous les emportements d'un fils débauché et libertin doivent toucher le cœur d'un père, tous les désordres d'un domestique vicieux doivent toucher celui d'un maître. Je dis d'un père et d'un maître chrétiens, afin que, l'un et l'autre répondant à la grâce de leur vocation, ils puissent se rendre le même témoignage devant Dieu que David (…)

(…) Car il serait bien indigne et absolument insoutenable, de vouloir que Dieu comptât pour un service ce que le monde même regarde comme une espèce de perfidie, et qu'il agréât pour témoignage de notre attachement une conduite dont les hommes se tiennent tous les jours offensés. Or, un ami, bien loin de reconnaître  pour   ami  celui   qui  dans l'occasion hésiterait à se ranger hautement de son parti et à le défendre,  le mépriserait comme un lâche, et, si je l'ose dire, comme un déserteur de l'amitié. (…)

Reste donc à voir si la politique du monde, qui ne peut, avec tous ses artifices et tous ses détours, excuser à l'égard  des hommes cette   disposition d'indifférence,  peut l'autoriser à l'égard de Dieu, et si Dieu, jaloux jusqu'à l'excès de la fidélité qui lui est due, peut, dans un  point aussi délicat que celui-ci, être content de ce qui ne suffit pas même aux hommes pour les satisfaire. (…)

(…)Car le libertinage même le plus obstiné n'osant pas lever le masque, et pour sa propre conservation, quelque malice qu'il cache au dedans, ayant soin de ne la pas produire au dehors, à peine démêle-t-on dans le monde un homme indifférent pour Dieu, de celui qui formellement et expressément est contre Dieu. Vérité si constante que l’on juge même de l'un par l'autre, et que ce jugement n'est ni léger ni téméraire, puisqu'il est fondé sur la pratique la plus commune, et sur l'usage le plus ordinaire des libertins du siècle.

En effet, un athée, s'il y en a, ne se fait guère autrement connaître que par son indifférence pour toutes les choses de la religion. Un homme corrompu et abandonné aux désirs de son cœur, ne se fait guère autrement remarquer que par  une certaine insensibilité aux plus honteux dérèglements qui règnent autour de lui, et dont il est témoin. Quand donc ce ne serait que pour les faibles, qui voyant de ces chrétiens indifférents et de ces faux sages, en prennent sujet de scandale , parce qu'ils ne savent avec qui ils traitent, et qu'ils ne peuvent dire d'un chrétien de ce caractère ce qu'il est ni ce qu'il n'est pas, il faudrait pour ne les pas jeter dans ce trouble, nous expliquer, et accomplir par œuvre ce que nous demandons tous les jours à Dieu qu'il opère en nous par sa grâce : Jugez-moi. Seigneur, et faites le discernement de ce que je suis, d'avec l'impie et le réprouvé.

Je veux dire que nous devrions agir de telle sorte que l'on nous distinguât, et qu'étant à Dieu comme nous y sommes, ou comme nous témoignons y vouloir être, notre  conduite ne donnât aucun lieu d'en douter. (…)

Pourquoi faut-il que vous teniez un milieu, que ni la conscience, ni l'honneur n'approuveront jamais, et que, par une espèce de neutralité aussi indigne, et presque aussi indigne que l'infidélité même, vous scandalisiez vos frères? Pourquoi faut-il que ce peuple qui vous observe, et à qui vous servez d'exemple, jugeant de votre religion par l'intérêt que vous y devez prendre, puisse avec raison vous soupçonner d'en avoir fort peu, ou de n'en point avoir du tout? Il en veut des preuves et des effets; et ce n'est que par ces effets et ces preuves sensibles que vous pouvez lui apprendre ce que vous êtes, et pour qui vous êtes.(…)

(…)  combien de ces esprits à qui tout est bon, qui pour le vice et pour la vertu ont d'égales complaisances, qui s'accommodent de l'erreur comme de la vérité, qui souffrent en leur présence le scandale sans émotion, et le mépris de Dieu sans altération (…)

Je voudrais que vous fussiez ou tout un ou tout autre; que vous fussiez ouvertement ou contre moi, ou pour moi : mais parce que vous êtes tiède, et que vous demeurez dans un milieu qui ne décide rien, c'est pour cela que je suis prêt à vous rejeter  (…) Esprits, ajoute saint Jérôme, d'autant plus dangereux, que dans cet état de tiédeur ils sont plus capables de nuire, plus en pouvoir d'arrêter le bien et de favoriser le mal, parce que leur tiédeur même a je ne sais quel air de modération qui fait que l'on s'en préserve moins, au lieu qu'une malice plus déclarée aurait bientôt ruiné tout leur crédit, et leur ferait perdre toute créance.

Quoi qu'il en soit, en user ainsi, c'est donner aux ennemis de Dieu, à l'impiété, au vice, tout l'avantage qu'ils demandent, et les mettre en possession du règne funeste et de cet empire qu'ils tâchent, par toutes sortes de moyens, à s'usurper.

(…)suivant la belle et solide réflexion de saint Augustin, le libertinage ne demande point précisément d'être applaudi, d'être soutenu et appuyé; il se contente qu'on le tolère, et c'est assez pour lui de n'être point traversé ni inquiété. Quand donc vous le laissez en paix, vous lui accordez tout ce qu'il prétend. Avec cela, il ne manquera pas de prendre racine ; et, sans avoir besoin d'un autre secours, il saura bien se fortifier et s'étendre. N'est-ce pas de cette sorte et par cette voie qu'il est toujours parvenu à ses fins ?

Les ménagements   de  ceux  qui  l'ont épargné, et qui devaient le réprimer dans sa naissance, ont été de tout temps les principes de son progrès. Voilà ce qui a nourri dans tous les siècles la licence de certains esprits contagieux, qui ont infecté le monde; voilà ce qui a introduit jusque dans   le christianisme tant d'abus et tant de désordres, directement opposés aux lois de l'honnêteté; voilà ce qui a multiplié les schismes et les hérésies. On se faisait d'abord un point de sagesse de les négliger, et puis on se trouvait trop faible pour les retrancher. Après les avoir supportés par indulgence, on se voyait réduit à les souffrir (…)

Vous me direz qu'un zèle vif et ardent, tel que je tâche de vous l'inspirer contre le libertinage et contre le vice, bien loin de guérir le mal, ne servira souvent qu'à l'irriter. Quand cela serait, Chrétiens , et que vous verriez que cela dut être, votre indifférence pour Dieu n'en serait pas moins criminelle , et en mille rencontres le zèle ne vous obligerait pas moins à vous déclarer. Quoique le mal s'aigrît et s'irritât, vous auriez fait votre devoir. Dieu aurait ses vues pour le permettre ainsi ; mais l'intention de Dieu ne serait pas que le mal qu'il voudrait permettre fût ménagé et toléré par vous. Sans mesurer les choses par l'événement, vous auriez toujours la consolation de dire à Dieu : Seigneur, j'ai suivi vos ordres, et j'ai pris le parti de votre loi. Et certes, mon cher auditeur, il ne vous appartient point et ils ne dépend pas de vous, sous prétexte d'un événement futur et incertain, de vous dispenser d'une obligation présente et assurée : c'est à vous de vous confier en Dieu, et d'agir dans l'espérance qu'il bénira votre zèle. Aussi ce zèle que je vous demande étant un zèle de charité, qui n'a rien d’amer, qui n'est ni fier ni hautain, qui aime le pécheur et l'impie, en même temps qu'il combat l'impiété et le péché; il y a tout sujet de croire qu'il sera efficace et d'en attendre le fruit que l'on se propose.

Vous me direz qu'il faut user de discrétion et je le dis aussi bien que vous ; car à Dieu ne plaise que je vous engage à imiter ceux qui, emportés par leur propre sens, au lieu de si faire un zèle de leur religion, se font une religion de leur zèle! Non, sans doute, ce n'est point là ce que j'entends. Il faut de la discrétion, mais aussi une discrétion qui aille toujours au terme où le zèle lui-même doit tendre. Tant de discrétion qu'il vous plaira, pourvu que le vice soit corrigé, pourvu que le scandale soit réparé, pourvu que la cause de Dieu ne succombe pas. Car, que votre discrétion se termine à prendre toujours , quoique sous de belles apparences, le mauvais parti; quel cause de Dieu souffre toujours, quand elle est entre vos mains; que l'iniquité se tienne en assurance et qu'elle se croie assez forte, du moment que vous êtes son juge; que vous ayez dans le doute un secret penchant à conclure favorablement pour elle, et que tout ce tempérament de discrétion que vous affectez ne consiste qu'à ralentir votre zèle et qu'à retenir celui des autres, c'est discrétion, si vous le voulez; mais cette discrétion et cette prudence contre laquelle saint Paul prononce anathème(…)

Vous me direz que votre zèle fera de l'éclat et du bruit ; mais pourquoi donc en faire, si ce n'est pour empêcher ce que vous savez être un véritable désordre, soit dans l'intérieur de votre famille, soit au dehors ? Est-ce prudence d'éviter l'éclat, quand l'éclat est nécessaire, et qu'il peut être avantageux ? Faudra-t-il que le libertinage, qui règne peut-être dans votre maison, sous ombre que vous ne voulez pas éclater, y soit tranquille et dominant? Puisqu'il n'y a qu'un éclat qui l'en puisse bannir, bien loin d'appréhender cet éclat, ne faudrait-il pas le rechercher comme un remède et comme un moyen efficace? Mais cet éclat troublera la paix : Qu'il la trouble, répond saint Augustin ; c'est en cela même qu'il sera glorieux à Dieu et digne de l'esprit chrétien. Car il y a une fausse paix qui doit être troublée, et c'est celle dont je parle, puisqu'elle favorise le péché. Et pourquoi le Fils de Dieu nous a-t-il dit dans l'Evangile qu'il n'était pas venu pour apporter la paix sur la terre, mais le glaive et la division; qu'il était venu séparer le fils d'avec le père, et la mère d'avec la fille ?

Que voulait-il par là nous marquer, sinon qu'il y a dans le cours de la vie des occasions et des conjonctures où il est impossible de satisfaire au zèle que l'on doit à Dieu, sans s'exposer à rompre la paix avec les hommes? Et qu'y a-t-il eu effet de plus ordinaire que ces occasions où, pour l'honneur de Dieu , il faut se résoudre à soutenir des guerres dans le monde et contre le monde? Non, non, Chrétiens, il n'y a point de paix, ni domestique ni étrangère, qui doive être préférée à l'obligation de porter l'intérêt de Dieu, et de s'opposer à l'offense de Dieu. Si le scandale qui se commet au mépris de Dieu vient de ceux qui vous sont unis par les liens de la chair et du sang, toute paix avec eux est un autre scandale encore plus grand. Il faut, selon le sens de l'Evangile, les haïr et les renoncer; et ils ne doivent point s'en plaindre, puisque, si le scandale vient de vous-mêmes, il faut vous haïr et vous renoncer vous-mêmes : car c'est pour cela que Jésus-Christ a pris les alliances les plus étroites du père avec le fils, et de la fille avec la mère, afin de nous faire mieux entendre que nulle raison ne doit être écoutée au préjudice du Seigneur et de son culte.

Mais ne doit-on pas ménager le prochain, surtout si c'est un ami, si c'est un homme distingué par sa naissance, par son élévation, par son rang? Le ménager, mon cher auditeur  et qu'est-ce que cet ami, qu'est-ce que ce grand, qu'est-ce que cet homme, quel qu'il soit, dès qu'il y va de la gloire de votre Dieu et de son service? Si les apôtres avaient eu de tels ménagements, où en serions-nous? (…)

Agissez avec respect, mais agissez avec force; l'un n'est point contraire à l'autre. Honorez la naissance, honorez la dignité, honorez la personne, mais condamnez l'injustice et l'iniquité. Cependant, Chrétiens, voici le désordre : on a du zèle, et quelquefois le zèle le plus violent et le plus amer pour certaines conditions, et l'on en manque pour d'autres états plus relevés. On se dédommage en quelque manière sur les petits de ce qu'on ne fait pas à l'égard des grands. Tout est crime dans ceux-là, et tout est, ce semble, permis à ceux-ci. On se persuade que c'est sagesse de se taire, de dissimuler, d'attendre l'occasion favorable, et un moment qui ne vient jamais, ou qu'on ne croit jamais être venu. Ah ! Seigneur, ôtez-nous cette damnable sagesse du monde, et remplissez-nous de votre zèle. Que ce zèle nous tienne lieu de la plus haute sagesse, que ce zèle soit notre souveraine raison, que ce zèle nous serve de réponse à toutes les difficultés d'une spécieuse et vaine politique; qu'après nous avoir garantis de ce premier écueil d'une prudence prétendue, il nous préserve encore du second, qui est une lâche faiblesse, dont j'ai présentement à parler, et qui doit être le sujet de la seconde partie.

C'est une vérité dont l'amour-propre qui nous domine voudrait bien ne pas convenir, mais dont il ressent tous les jours l'effet malgré lui-même, que quiconque s'aime au préjudice de son devoir, beaucoup plus au préjudice de sa religion, en s'aimant de la sorte devient son plus dangereux ennemi ; qu'il se perd en se cherchant, qu'il se détruit en se conservant, et, par une providence toute particulière, qu'il s'attire le sort que David, dans une espèce d'imprécation, souhaitait aux pécheurs, quand il disait à Dieu : Seigneur, confondez-les dans leurs propres voies, et faites retomber sur eux-mêmes leur iniquité. Voyez-en la preuve, mes chers auditeurs, et l'exemple sensible dans ces hommes du siècle, dont il me reste à vous tracer le caractère ; je veux dire, non plus dans ces sages et ces prudents, mais dans ces lâches chrétiens, qui, par une faiblesse de cœur, par une crainte servile, par un respect tout humain, contre les reproches de leur conscience, lorsqu'ils devraient exercer leur zèle pour Dieu, abandonnent indignement ses intérêts. Ce qu'ils ont en vue, c'est de se ménager eux-mêmes; mais qu'arrive-t-il? c'est que, bien loin qu'ils y réussissent, leur lâcheté se termine pour eux à des effets tout contraires. Car premièrement elle les prive du plus grand honneur qu'ils auraient pu prétendre, même dans l'opinion du monde, savoir, d'être les défenseurs, et, selon la mesure de leur pouvoir, les protecteurs de la cause de Dieu. Secondement, elle les rend odieux et méprisables tout à la fois : odieux aux gens de bien, qui, témoins de leur infidélité, ne peuvent se défendre de concevoir contre eux une juste indignation ; et méprisables même aux impies, dont ils croient néanmoins par là devoir se promettre l'affection et l'approbation. En troisième lieu, cette lâcheté se dément et se contredit dans eux, mais d'une manière, comme vous le verrez, dont ils ne sauraient se parer, et dont la conviction et le remords leur est déjà insupportable dès cette vie. Enfin, elle oblige Dieu à retirer d'eux ses grâces les plus spéciales, et à leur faire sentir les châtiments les plus sévères de sa justice. Quatre points que je vous prie de bien méditer, et qui demandent encore de votre part une nouvelle réflexion.  

Oui, Chrétiens, vous renoncez à votre propre gloire, lorsque, dans les sujets qui s'offrent à vous et où votre zèle vous doit faire entrer, vous n'osez, par une timidité faible et lâche, ni parler ni agir pour l'intérêt de Dieu. Car qu'y a-t-il de plus digne d'une grande âme, d'une âme noble et élevée, que la défense d'un tel intérêt, et que pouvons-nous  nous proposer dans le monde de plus honorable? Quand vous travaillez pour vous-mêmes, connue vous êtes vous-mêmes petits, quoi que vous fassiez, tout est petit, tout est borné, tout est réduit à ce néant inséparable et de vos personnes et de vos états. Mais quand  vous vous intéressez pour Dieu, tout ce que vous faites, dans l’idée même des hommes, a je ne sais quoi de divin que l'on est comme forcé d'honorer, et qui donne pour vous une secrète vénération. Vous cherchez la gloire, écrivait saint Augustin à un homme du monde; et cette gloire que vous cherchez, où la trouverez-vous mieux que dans l'exercice d'un zèle sincère pour tout ce qui touche le culte de votre Dieu ; c'est-à-dire pour protéger ceux qui l'observent, pour réprimer ceux qui le violent,  pour faire cesser les abus, pour maintenir  la discipline,  pour vous opposer comme un mur d'airain et comme une colonne de bronze aux entreprises de l'erreur, du vice, de l'impiété? Si vous avez un mérite solide à acquérir pour vous rendre recommandable, par quelle autre voie devez-vous espérer en venir à bout? (…)

Mais savez-vous encore quel doit être en cela le malheur de votre destinée? C'est qu'étant lâches pour Dieu comme vous êtes, Dieu, qui n'a besoin de personne et qui choisit ceux qui lui plaisent, ne daignera pas même se servir de vous. Usant bien des talents et des avantages que vous aviez reçus de lui, vous pouviez employez  les instruments de sa gloire ; mais il ne voudra pas vous y employer. C'était un honneur qu'il vous eût fait, mais dont il vous trouvera indignes. Vous ne méritez pas d'avoir place entre ces hommes connus pour être à lui, et déterminés dans le besoin à se sacrifier pour lui : il en suscitera d'autres qui le mériteront mieux que vous ; d'autres qu'il remplira de son esprit, et qui, dans la médiocrité de leur condition, feront pour ses intérêts des prodiges de vertus. Ceux-là oseront tout et risqueront tout, quand il s'agira de le glorifier, et voilà pourquoi il les glorifiera eux-mêmes. Vous craignez de vous exposer : eh bien ! il se passera de vous ; mais aussi n'aurez-vous pas l'honneur de lui avoir été fidèles(…)

Mais ce n'est pas tout : car en même temps que vous vous privez de l'honneur et du mérite que vous auriez à prendre le parti de Dieu, vous devenez, par une suite nécessaire, odieux et méprisable aux bommes. A qui odieux? je l'ai dit, à tout ce qu'il y a de vrais fidèles qui aiment Dieu, et qui voyant avec quelle faiblesse vous mollissez dans toutes les rencontres, en gémissent, et disent intérieurement comme le roi David :  J'ai vu, Seigneur, ces lâches prévaricateurs, qui, par des complaisances intéressées, ou par une crainte mondaine, ont négligé votre cause : je les ai vus, et j'en ai séché d'ennui et de regret. Car quelle amertume à un juste qui a le cœur droit et qui brûle d'un zèle évangélique, de voir les intérêts de Dieu trahis par les vaines considérations et les timides, mais criminelles réserves, des partisans du monde et de ses esclaves!

(…)Votre lâcheté, outre la haine des gens de bien, vous fera tomber encore dans le mépris des libertins et des pécheurs. Pourquoi? parce que les pécheurs et les libertins seront assez clairvoyants pour découvrir le faible de votre conduite, et qu'ils s'apercevront bien que votre indulgence pour eux n'est dans le fond qu'une petitesse d'âme, et que si vous les épargnez, c'est que vous n'avez ni la force ni la hardiesse de les entreprendre. Or la lâcheté reconnue, selon la remarque de Cassiodore, est toujours méprisée, et de ceux mêmes à qui elle est utile. Si, du moment que le vice se produit et que le scandale paraît, vous qui le devez arrêter, vous faisiez votre devoir, les scandaleux et les vicieux, en vous redoutant comme leur persécuteur, seraient obligés néanmoins malgré eux de vous estimer et de vous respecter. Ce qui vous perd dans leur esprit, c'est la complaisance même que vous leur témoignez. Ainsi, manquant à l'une de vos plus essentielles obligations par rapport à Dieu, vous n'avez pas même le monde pour vous : comme si le monde, tout perverti qu'il est, vous faisait en cela votre leçon, vous reprochant votre peu de zèle au même temps qu'il en profite, et vous méprisant par où vous pensiez lui plaire.

Mais vous n'avez pas, à ce que vous prétendez, assez de fermeté pour vous opposer au progrès du vice et pour résister à l'insolence du libertinage. Ah ! Chrétiens, c'est un troisième point où j'ai dit que l'iniquité de l'homme se dément elle-même, et où je prétends que, pour peu qu'on se fasse de justice, on ne peut éluder ni soutenir le reproche de sa conscience. Car voilà, mes chers auditeurs, le comble de notre misère; confessons-le humblement et avouons-le de bonne foi : Nous ne manquons de fermeté que lorsqu'il faut en avoir pour les intérêts de Dieu, et pour nos intérêts propres, nous ne péchons que parce que nous avons trop de fermeté. Je m'explique. Que Dieu soit outragé, que son nom soit blasphémé, que le culte de sa religion soit profané, nous demeurons dans un repos oisif et dans une langueur mortelle ; mais qu'on nous attaque dans nos biens, qu'on nous blesse dans notre honneur, il n'y a point d'excès où le ressentiment ne nous porte. Et, pour en venir au détail, qu'un esprit impie et corrompu raille en notre présence des choses saintes, c'est là qu'une crainte humaine nous ferme la bouche; mais que la raillerie s'étende sur nous, sur nos personnes, sur nos actions, nous nous déchaînons contre elle jusqu'à la fureur. Qu'un libelle injurieux et diffamatoire se débite (propage)  dans le public, et que nous nous y trouvions notés, nous remuerons tout pour en savoir l'auteur, et nous le poursuivrons jusqu'au tombeau ; mais qu'un livre abominable se répande, où la pureté des mœurs et la charité du prochain soient violées, à peine le condamnons-nous, et Dieu veuille que nous ne nous en fassions pas un divertissement ! En un mot, qu'on déshonore Dieu et qu'on crucifie Jésus-Christ, comme l'Apôtre nous apprend qu'il est encore tous les jours crucifié à nos yeux, ce n'est rien pour nous; mais qu'on nous pique, même légèrement,  mais qu'on nous  rende un mauvais office, c'est alors que tout le feu de la colère s'allume et nous transporte(…) Or, il est bien étonnant que nous ayons des sentiments si opposés, et que notre esprit, par une étrange contradiction, soit tout à la fois si patient et si fier, si tiède et si ardent, si lâche et si courageux. Je dis si courageux, si ardent, si fier dans nos propres injures, et si patient ou plutôt si lâche et sans vigueur dans celles de Dieu. Mais c'est à nous à nous justifier devant Dieu sur une si monstrueuse contrariété.

Nous n'avons ni crédit, ni industrie, inintelligence contre les progrès et les attentats du libertinage ; ainsi parlons-nous quand il ne s'agit que de Dieu seul et de sa cause. Mais que ce qui était la cause de Dieu devienne la nôtre que cette cause de Dieu commence à nous toucher personnellement, que notre intérêt s'y trouve mêlé ; et l'on verra si nous sommes aussi peu agissants et aussi dépourvus d'adresse que nous le disons. Il n'y a point alors de ressort que nous ne sachions faire jouer, et il n'y a point d'obstacle que nous n'ayons le secret de rompre. Auparavant nous ne pouvions rien maintenant nous pouvons tout. Nous n'osions employer nos amis pour Dieu, nous les fatiguons et les épuisons pour nous-mêmes. Il semble que nous soyons transformés en d'autres hommes, et que notre lâcheté, par un changement merveilleux, se soit convertie dans la plus intrépide et la plus inébranlable constance(…)

Encore une fois, pour peu que nous soyons équitables, pouvons-nous entendre sur cela le témoignage de notre cœur, et n'en pas rougir de confusion ? Si nous n'en rougissons pas, Chrétiens; si, par une ferveur toute nouvelle qui doit aujourd'hui nous ranimer, nous ne profitons pas de ces leçons que je vous fais, Dieu saura bien nous faire porter la peine de notre injustice, et nous punir de notre infidélité. Car s'il y a rien qui soit capable de l'irriter contre nous et d'attirer sur nous les fléaux de sa colère (apprenez-le, grands de la terre, et humiliez-vous sous sa main toute-puissante), si, dis-je, il y a un sujet qui l'engage à se tourner contre vous, et à vous traiter avec plus de sévérité, c'est celui-ci. Quelque bien; que vous puissiez faire d'ailleurs, si, par une condescendance trop facile, vous souffrez que la religion, que l'Eglise, que la piété, que la vérité, que la saine doctrine, soient impunément attaquées, fussiez-vous dans tout le reste des hommes irréprochables, vous êtes des anathèmes que Dieu  rejettera, qu'il confondra même dès cette vie, et sur qui il fera éclater toute la rigueur de ses jugements. Ne comptez point sur toutes les autres vertus que vous auriez pratiquées. Vous n'êtes pas plus saints que l'était Héli : il aimait l'ordre, il voulait que Dieu fût servi, et il le servait lui-même ; il était touché des scandales que ses deux enfants, Ophni et Phinées, donnaient dans le temple : mais il manquait de fermeté pour les tenir dans le devoir, et pour réparer les outrages qu'ils faisaient à Dieu.

Vous savez ce qui lui en arriva.  Parce que tu as eu plus d'égard pour tes enfants que pour moi, parce que tu as plus craint de leur déplaire qu'à moi, parce que tu n’as pu te résoudre à les contrister en les châtiant, et qu'ils t'ont été plus chers que moi, voici le jour de  ma justice qui  approche. Comme tu m'as offensé en eux, je te punirai par eux : ils mourront l'un et l'autre d'une mort funeste, et dans leurs personnes toute la gloire de ta maison sera pour jamais anéantie.

Ah! mes chers auditeurs, combien de pères dans le christianisme à qui Dieu pourrait faire, au moment que je parle, la même menace et la même prédiction : Parce que vous vous êtes laissé amollir par une tendresse criminelle, et que vous l'avez conservée à mon préjudice pour des enfants impies , alliées, perdus de conscience ; parce que, voyant leurs désordres, vous n'avez pas voulu oublier que vous étiez leur père, pour vous souvenir que j'étais votre Dieu, ou que vous vous êtes seulement souvenu que vous étiez leur père, pour les aimer, sans vous souvenir que vous l'étiez encore pour les corriger; parce qu'en mille occurrences où je vous demandais raison de leurs déportements; vous n'avez pu consentir à vous élever contre eux pour venger mes intérêts :  je vous priverai de ces bénédictions que j'ai coutume de répandre sur mes serviteurs, et sur ceux qui leur appartiennent. Elles ne seront ni pour vous ni pour ces enfants dont vous êtes idolâtres, et sur qui vous fondiez vos espérances dans l'avenir. Je détruirai voire maison, j'abaisserai votre grandeur, je saperai les fondements de cet édifice imaginaire que vous vous promettiez de bâtir, et, par la juste sévérité de mes châtiments, vous reconnaîtrez que je n'ai besoin que de moi-même pour tirer, quand je le veux, une vengeance exemplaire des injures que je reçois, et de ceux qui les pardonnent trop aisément.

(..) si la crainte nous doit gouverner, que ce soit la crainte du Seigneur, de ce Dieu tout-puissant, et surtout de ce Dieu jaloux : car il l'est, et il l'est souverainement. Et ne peut-il pas bien l'être? et que n'a-t-il pas fait pour avoir droit de l'être? et n'est-ce pas notre avantage qu'il le soit, et qu'il daigne attendre de nous et en recevoir ce témoignage, dont il a prétendu nous faire un mérite? Que lui était du reste nécessaire le témoignage d'aussi faibles créatures que nous le sommes? Ne pouvait-il pas, sans nous, mettre à couvert ses intérêts? Mais par une conduite toute miséricordieuse de sa providence et de son infinie bonté, il a voulu que nous eussions de quoi lui marquer de quoi nous récompenser. Secondons ses desseins, puisqu'ils nous sont si favorables; et, par une ardeur toute nouvelle, disposons-nous à entendre un jour de sa bouche cette glorieuse invitation : Venez, bons serviteurs; parce que  vous m'avez été fidèles, entrez dans la joie de votre Seigneur.
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Message  ROBERT. Dim 17 Mai 2015, 12:12 pm

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Pour résumer ce sermon de l'Abbé Bourdaloue:

Mais parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni chaud, je suis près de te vomir de ma bouche.
(Apocalypse III, 16)
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Message  gabrielle Dim 24 Mai 2015, 7:37 am

SERMON POUR LA FÊTE DE LA PENTECÔTE.

Bourdaloue a écrit:Ils furent tous remplis du Saint-Esprit.

(…) la solennité que nous célébrons n'est point, comme les autres fêtes de l'année , une simple commémoration , mais le mystère même de la descente du Saint Esprit. Mystère toujours subsistant, et qui, jusques à la fin des siècles, subsistera dans l'Église de Dieu, tandis qu'il y aura des fidèles en état d'y participer, et qui se mettront en devoir de le renouveler dans leurs cœurs.(…) nous pouvons tous les jours recevoir le Saint-Esprit; et qu'en vertu des promesses du Sauveur, le même Esprit qui descendit visiblement sur les disciples assemblés dans Jérusalem, descend encore actuellement et véritablement sur nous ; non pas avec le même éclat ni avec les mêmes prodiges, mais avec les mêmes effets de conversion et de sanctification, quand il trouve nos âmes bien préparées , et que nous prenons soin de les lui ouvrir(…)

(…)Le monde, dans l'état malheureux où l'a réduit le péché, ne peut recevoir le Saint-Esprit. C'est la plus sensible marque et la plus funeste que Jésus-Christ nous ait donnée de la réprobation du monde : et en prononçant contre lui cet anathème, il n'en a point apporté d'autre raison, sinon que le monde, dans l'excès de son aveuglement, ne sait pas même ce que c'est que l'Esprit de Dieu (…)

Combien de chrétiens, disons mieux, combien de mondains, à la honte du christianisme qu'ils professent, vivent aujourd'hui dans la même ignorance, et peut-être dans une ignorance encore plus criminelle! car il ne suffit pas, pour le salut, de savoir que le Saint-Esprit est la troisième personne de l'adorable Trinité, qu'il est consubstantiel au Père et au Fils, qu'il procède éternellement de l'un et de l'autre ; ce sont des points de créance qui nous apprennent ce que le Saint-Esprit est en lui-même, et par rapport à lui-même : mais de plus , mes chers auditeurs, il faut savoir ce qu'il est par rapport à nous, ce qu'il doit produire en nous, pourquoi il nous est envoyé, ce que nous devons faire pour le recevoir, et par où nous pouvons juger si nous l'avons reçu. Or combien de lâches chrétiens, uniquement occupés du monde, ne se sont jamais mis en peine de s'instruire sur tout cela(…)

Comment aurions-nous reçu le Saint-Esprit, puisque nous ignorons même ce que c'est que le Saint-Esprit?(…)

Enseigner la vérité, c'est une chose qui peut convenir à l'homme, et qui n'est point au-dessus de la portée de l'homme. Mais enseigner sans exception toute vérité, mais l'enseigner sans distinction à toute sorte de sujets, mais pouvoir l'enseigner en toutes manières, c'est ce qui n'appartient qu'à Dieu, et de quoi tout autre esprit que celui de Dieu est absolument incapable. Aussi est-ce le caractère le plus essentiel et le plus divin que Jésus-Christ, dans l'Évangile, ait attribué au Saint-Esprit : Quand cet Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité; et c'est ce même caractère qui me semble d'abord avoir paru plus sensiblement en ce jour solennel, où cet Esprit de vérité descendit sur les apôtres et sur tous les disciples assemblés. En voici la preuve, que je vous prie d'écouter.

Non, dit saint Augustin, pesant ces paroles, toute  vérité, il n'appartient qu'à l'Esprit de Dieu d'enseigner et de persuader toute vérité. Car il y a des vérités que la chair et le sang ne veulent point, des vérités qui choquent et qui révoltent la raison humaine, des vérités dont la nature s'effraye, des vérités humiliantes, gênantes, mortifiantes, mais qui sont par là même des vérités salutaires et nécessaires ; en un mot, des vérités que l'homme, selon le terme de l'Evangile, ne saurait porter, beaucoup moins goûter, ni aimer. S'il arrive donc qu'il vienne à en être sincèrement et efficacement persuadé, ce ne peut être que l'effet d'un esprit supérieur, qui agit en lui et qui l'élève au-dessus de lui.

Or il n'y a que l'Esprit de Dieu qui ait ce pouvoir. L'esprit de l'homme, dit saint Chrysostome, apprend à l'homme et lui persuade ce qui satisfait l'amour-propre, ce qui flatte la vanité, ce qui excite la curiosité, ce qui favorise la cupidité : voilà ce qui est de son ressort. Mais ce qui combat nos passions, et ce qui est contradictoirement opposé à toutes les inclinations de l'homme, ne pouvant pas venir du fonds de l'homme, et d'ailleurs étant vérité, il faut nécessairement que ce soit l'Esprit de Dieu qui nous l'enseigne et qui nous le persuade. De même, c'est une marque sûre et infaillible de l'Esprit de Dieu, d'enseigner la vérité à toute sorte de sujets ; et la raison en est évidente : parce qu'il se trouve dans le monde des sujets si mal disposés, soit à comprendre la vérité, soit à s'y soumettre et à la croire, quand même ils la comprennent, qu'il n'y a que le Dieu de la vérité qui puisse les en rendre capables. En effet, donnez au docteur le plus consommé, et au plus habile homme de la terre, certains esprits grossiers à instruire : avec toutes ses lumières, il ne les éclairera pas. Donnez-lui à persuader certains esprits obstinés et entêtés : avec toutes ses démonstrations, il ne les persuadera pas. Mais quand l'Esprit de Dieu s'en rend le maître, ni l'entêtement de ceux-ci, ni la stupidité de ceux-là, n'est un obstacle aux impressions toutes-puissantes de la vérité: pourquoi ? parce que cet Esprit, qui est souverainement et par excellence l'Esprit de vérité, en se communiquant à nous, surmonte ou plutôt détruit dans nous tous ces obstacles : c'est-à-dire parce qu'un des effets de sa puissance est de corriger tous les défauts de nos esprits, et qu'ayant lui-même formé tous les esprits, il sait leur donner le tempérament qu'il lui plaît. Ainsi, de grossiers qu'ils étaient, il les rend, quand il veut agir en eux, spirituels et intelligents; et, de rebelles à la vérité, souples et humbles pour lui obéir. Les autres maîtres cherchent des disciples, et qui par eux-mêmes aient déjà des dispositions pour entendre les vérités qu'on se propose de leur enseigner. Mais l'Esprit de Dieu n'a pas besoin de ce choix : toutes sortes de disciples, indociles, pesants, incrédules, opiniâtres, prévenus, lui peuvent convenir, dit saint Chrysostome, parce qu'il sait faire de tous autant de sujets propres à être instruits, et c'est la merveille que les prophètes nous ont distinctement marquée (…)

Enfin, c'est l'ouvrage de l'homme d'enseigner la vérité d'une manière bornée et limitée ; je veux dire, de l'enseigner à force de leçons et de préceptes, et de la faire entrer dans les esprits jusqu'à un certain point de persuasion et de conviction.(…)

(…)Mais enseigner dans un instant les vérités les plus profondes et les plus incompréhensibles de la religion; mais les enseigner sans qu'il en coûte, pour les apprendre, ni étude ni travail ; mais les enseigner et les persuader jusqu'à déterminer les hommes à mourir et à se sacrifier pour elle, c'est les enseigner en Dieu, et d'une manière qui justifie parfaitement l'efficace et l'opération de l'Esprit de Dieu. Or voilà, mes chers auditeurs, ce qui s'est accompli à la lettre dans la personne des apôtres, et ce que je remarque comme un des plus grands miracles qui jamais aient paru sous le ciel, comme le miracle qui a le plus contribué à l'établissement de notre foi, et dont nous devons pour cela conserver un éternel souvenir.

(…) vous le savez, Jésus-Christ, tout Dieu qu'il était, n'avait pas suffi, ce semble, pour leur faire entendre cette doctrine céleste qu'il était venu établir sur la terre. Quelque soin qu'il eût pris de leur en donner une intelligence parfaite, après trois années d'instruction, tout ce qui regardait sa divine personne leur était encore caché; son humilité les choquait, sa croix était pour eux un scandale, ils ne concevaient rien à ses promesses : au lieu de la vraie rédemption qu'ils devaient attendre de lui, ils s'en figuraient une chimérique, c'est-à-dire une rédemption temporelle, dont la vaine espérance les séduisait : et quand ce Dieu-Homme leur parlait de la nécessité des souffrances, des avantages de la pauvreté, du bonheur des persécutions, de l'obligation de pardonner les injures jusqu'à aimer ses ennemis, c'étaient, dit l'Ecriture, autant d'énigmes où ils ne comprenaient rien (…) pourquoi? parce qu'ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit de Dieu, et que toutes ces vérités étaient de celles que le seul Esprit de Dieu peut enseigner. Mais dans l'instant même que le Saint-Esprit leur est donné, ces vérités, qui leur avaient paru si incroyables, se développent à eux : ils en comprennent le secret, ils en découvrent les principes, ils en voient clairement les conséquences. Renoncer à soi-même et porter sa croix, ce n'est plus dans leur idée une folie, puisqu'ils font consister en cela toute leur sagesse. Aimer ses ennemis et pardonner les injures les plus atroces, ce n'est plus, dans leur estime, ni faiblesse, ni bassesse, puisque c'est par là qu'ils mesurent la grandeur et la force de l'esprit chrétien. Ils ne comptent plus pour un bien les richesses de la terre, puisqu'ils se font une béatitude d'être pauvres et de manquer de tout. Ils ne regardent plus la persécution comme un mal, puisqu'ils triomphent de joie d'en avoir été trouvés dignes (…)

(…) Mais encore quels hommes pensez-vous qu'étaient les apôtres avant que le Saint-Esprit vint leur enseigner ces vérités ? Ah ! Chrétiens, quelle merveille ! des hommes remplis de défauts; des hommes, selon le reproche de Jésus-Christ, insensés et lents à croire; des hommes charnels, et ne voulant juger des choses de Dieu que par les sens; des hommes intéressés, qui ne reconnaissaient pour vérité que ce qui était conforme à leurs désirs; des hommes que le Sauveur lui-même avait eu peine à supporter, et à qui, dans le mouvement de son indignation, il avait dit :O race incrédule, jusqu’à quand serais-je avec vous? Jusqu’à quand vous supporterai-je? Car c'est ainsi que l'Evangile nous les dépeint, et telle était, même après la résurrection du Fils de Dieu, la disposition où ils se trouvaient encore, puisque Jésus-Christ, en se séparant d'eux et montant au ciel, leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leurs cœurs. Sont-ce là des sujets capables de profiter à l'école du Saint-Esprit, et d'y être admis? Oui, répond saint Chrysostome, ce sont là les sujets que le Saint-Esprit choisit pour en faire ses disciples

(…)Voilà justement le fonds que cherchait l'Esprit de vérité, pour faire éclater sa puissance. De ces incrédules, il fait les appuis de la foi, et de ces ignorants, les docteurs de toutes les nations, afin qu'il n'y ait personne sur la terre qui ne puisse prétendre à la qualité de disciple du Saint-Esprit, et dont le Saint-Esprit ne puisse être le maître : car s'il l'a été des apôtres, de qui ne le sera-t-il pas ?

Au reste, Chrétiens, ne pensez pas que tout ceci ne se soit accompli qu'une fois, ou ne l'ait été que dans la personne de ces premiers disciples. Car saint Luc, en termes exprès, nous assure que le miracle dont je parle se renouvelait tous les jours dans l'Eglise naissante (…)

Or, ce qui arrivait alors avec ces signes éclatants que saint Luc rapporte, c'est, malgré la perversité du siècle, ce qui arrive encore aujourd'hui, quoique d'une manière plus simple, c'est ce que nous avons vu nous-mêmes plus d'une fois : et ce que nous avons admiré, lorsque des esprits libertins et obstinés dans leur libertinage, que des mondains, des impies, des incrédules qui vivaient au milieu de nous, touchés de cet Esprit de vérité, ont renoncé à leur impiété, se sont soumis au joug de la religion, ont commencé à connaître Dieu et à le glorifier.

(…) Mais qu'a fait le démon, ce prince des ténèbres, ennemi des œuvres de Dieu et jaloux de sa gloire? Pour combattre ce miracle, il s'est efforcé, et il a même trouvé le moyen de pervertir l'univers par un esprit tout contraire à l'Esprit de vérité ; je veux dire par l'esprit du monde, qui, se communiquant et se répandant a défiguré toute la face de la terre, que l'Esprit de Dieu avait saintement et heureusement renouvelée : je m'explique. Car voici, mes chers auditeurs, le désordre de notre siècle, que nous ne pouvons assez déplorer.

Tout l'univers est aujourd'hui rempli de l'esprit du monde, et on peut dire que l'esprit du monde est comme l'esprit dominant qui conduit tout. En effet, c'est l'esprit du monde que l'on consulte dans les affaires, c'est l'esprit du monde qui règne dans les conversations, c'est l'esprit du, monde qui fait les liaisons et les sociétés, c'est l'esprit du monde qui règle les usages et les coutumes. On juge selon l'esprit du monde, on parle selon l'esprit du monde, on agit et on se gouverne selon l'esprit du monde; le dirai-je? on voudrait même servir Dieu selon l'esprit du monde, et accommoder sa religion à l'esprit du monde. Et parce que cet esprit du monde est un esprit de mensonge, un esprit d'erreur, un esprit d'imposture et d'hypocrisie; par une conséquence nécessaire , et que l'expérience même ne nous fait que trop sentir, de là vient qu'il n'y a rien dans le monde que de faux et d'apparent. Faux plaisirs, faux honneurs, fausses joies, fausses prospérités, fausses promesses, fausses louanges; voilà pour les biens extérieurs : fausses vertus , fausse prudence, fausse modération, fausse justice, fausse générosité, fausse probité; voilà pour les biens de l'esprit : mais ce qui est bien plus indigne , fausses conversions, fausses dévotions, fausses humilités, fausses pénitences, faux zèles pour Dieu, et fausses charités pour le prochain ; voilà pour ce qui regarde le salut. De la vient que les hommes du monde, pleins de cet esprit, semblent n'avoir point d'autre étude que d'imposer aux autres et de se tromper eux-mêmes, que de cacher ce qu'ils sont et de montrer ce qu'ils ne sont pas (…)

(…) par le miracle qu'a opéré dans les apôtres le Saint-Esprit, reconnaissons ce que nous sommes devant Dieu. A en juger par les effets, cet Esprit de vérité, dont je viens de vous faire voir les merveilles et les prodiges, a-t-il été jusqu'à présent un esprit de vérité pour nous ? et s'il ne l'a pas été, à quoi devons-nous l'imputer, sinon à l'endurcissement et à la dépravation de nos cœurs ? Quelque profession que nous fassions, comme chrétiens, d'être les disciples de cet Esprit de vérité, nous a-t-il réellement persuadé les vérités du christianisme? nous les a-t-il fait goûter ? nous a-t-il mis dans la disposition sincère et efficace de les pratiquer ? Nous adorons en spéculation ces vérités , mais y conformons-nous notre conduite? nous en parlons peut-être éloquemment, mais nos mœurs y répondent-elles? nous en faisons aux autres des leçons, mais en sommes-nous bien convaincus nous-mêmes? croyons-nous d'une foi bien vive qu'il faut, pour être chrétien, non-seulement porter sa croix, mais s'en faire un sujet de gloire? qu'il faut, pour suivre Jésus-Christ, renoncer intérieurement, non-seulement à tout, mais à soi-même? qu'il faut, pour lui appartenir, non-seulement ne pas flatter sa chair , mais la crucifier ; qu'il faut, pour trouver grâce devant Dieu , non-seulement oublier l'injure reçue , mais rendre le bien pour le mal ? Croyons-nous, sans hésiter, tous ces points de la morale évangélique, et pouvons-nous nous rendre témoignage que nous les croyons aussi solidement de cœur, que nous les confessons de bouche (…)

Peut-être, pour excuser l'aveuglement criminel où nous vivons, osons-nous dire que ce sont les lumières du Saint-Esprit qui nous manquent, et rejeter sur lui l'iniquité de nos erreurs. Mais comme Esprit de vérité, il a bien su nous ôter ce vain prétexte, et nous convaincre, par les reproches qu'il nous fait si souvent dans l'Ecriture, que nos erreurs viennent uniquement de nos résistances  à ses  lumières; que si nous sommes toujours aveugles, c'est que toujours incirconcis de cœur, toujours indociles et opiniâtres, nous ne voulons pas l'écouter, et qu'au mépris de ses inspirations , nous ne suivons point d'autre guide que l'esprit séducteur du monde, qui nous corrompt et qui nous perd (…)
Ce n'est donc pas sans raison que le Sauveur du monde, sur le point de monter au ciel, et parlant du Saint-Esprit, qu'il devait envoyer sur la terre, se servit d'une expression bien mystérieuse en apparence, quand il dit à ses disciples que ce divin Esprit leur tiendrait lieu d'un second baptême, et qu'au moment que ces promesses s'accompliraient en eux, ce qui devait arriver peu de jours après, ils seraient baptisés par le Saint-Esprit et par le feu(…)

(…) Mais il est maintenant question d'en bien pénétrer le sens ; et puisque ce baptême du Saint-Esprit a été généralement promis à tous les fidèles

(…)Or qu'est-ce que d'être baptisé dans le Saint-Esprit, une pureté toute céleste et toute divine? Je sais, Chrétiens, que les apôtres, dès leur vocation à l'apostolat, avaient été baptisés par Jésus-Christ : et je sais que, par la vertu de ce premier baptême, ils étaient déjà purs devant Dieu, selon le témoignage de Jésus-Christ même(…) Mais aussi vous n'ignorez pas que ce premier baptême conféré aux apôtres avait été le baptême de l'eau ; au lieu que le second, dont le Saint-Esprit, par son ineffable mission et par sa présence immédiate, leur imprima le caractère, fut, d'une façon toute particulière, le baptême du feu (…)

Pourquoi ce symbole du feu? Pour marquer, dit saint Chrysostome, que comme le feu a une vertu infiniment plus agissante, plus pénétrante et plus purifiante que l'eau, aussi, par la venue du Saint-Esprit, les cœurs des hommes devaient être purifiés d'une manière bien plus parfaite qu'ils ne l'avaient été par le premier baptême de Jésus-Christ. Eu effet, après le baptême de Jésus-Christ, les apôtres, tout sanctifiés et tout régénérés qu'ils avaient été par ce sacrement, ne laissaient pas d'être encore très-imparfaits.(…)

(..)Mais à peine ont-ils reçu le Saint-Esprit , qu'ils deviennent des hommes tout spirituels, des hommes détachés du monde, des hommes au-dessus de tout intérêt ; des hommes non-seulement saints, mais d'une sainteté consommée; des hommes pleins de Dieu et vides d'eux-mêmes; en un mot, des hommes parfaits et irrépréhensibles. Ils ne sont plus, dit saint Chrysostome, cet or de la terre, grossier et informe, tel que la terre le produit, mais cet or purifié et éprouvé, qui a passé par le feu (…)

(…) Voulez-vous savoir, Chrétiens, jusqu'à quel degré de perfection et de pureté alla ce baptême de feu? Ne vous scandalisez pas de ce que je vais dire, puisque c'est une vérité des plus constantes de la foi. Peut-être croyez-vous que ce baptême se termina, dans les apôtres, à leur ôter certains restes de leurs premières attaches, ou au monde, ou à eux-mêmes : vous vous trompez ; j'ai quelque chose encore de plus important à vous déclarer : et quoi ? le voici : car la perfection de ce baptême de feu alla jusqu'à purifier leurs cœurs d'un certain genre d'attache qu'ils avaient eue et qu'ils conservaient pour Jésus-Christ. Oui, cette attache trop humaine pour le Sauveur du monde était dans la personne des apôtres un obstacle à la descente du Saint-Esprit; et si Jésus-Christ, pour rompre cette attache, ne s'était séparé d'eux, jamais le Saint-Esprit ne leur eût été donné (…)

(…) Il fallait donc, poursuit saint Augustin, que les apôtres perdissent Jésus-Christ de vue, pour pouvoir être remplis du Saint-Esprit; et il fallait que le Saint-Esprit, prenant, si j'ose ainsi parler, les intérêts de Jésus-Christ contre Jésus-Christ même, arrachât du cœur des apôtres les sentiments trop naturels qu'ils avaient pour ce Dieu-Homme. Voilà, dis-je, mes chers auditeurs, quelle a été, dans les apôtres, l'excellence de ce baptême de feu, et d'où nous devons conclure quelles en doivent être les obligations par rapport à nous; je veux dire, jusqu'à quel point le Saint-Esprit doit être pour nous un Esprit de pureté et de sainteté.

(…)Faut-il s'étonner si dans l'horreur extrême que Dieu conçut de la corruption des hommes, se repentant d'avoir créé l'homme, il lui ôta son Esprit, et lui fit sentir les effets de sa justice par ce déluge universel, qui fut comme l'expiation , mais l'expiation authentique, des dérèglements de la chair? Non, non, Chrétiens, il n'y a rien en cela qui me surprenne ; et supposé le principe que je viens d'établir, Dieu, selon les lois ordinaires de sa sagesse, n'en pouvait autrement user. Ce qui m'étonne, c'est qu'on se flatte encore de pouvoir, sans éloigner Dieu de nous, entretenir dans le monde certaines attaches(…)

(…)  Car c'est ainsi, mondains, que vous en jugez; et voilà peut-être la plus dangereuse illusion dont vous ayez à vous parer. Mais vous avez beau vouloir vous tromper vous-mêmes, et chercher des excuses, cet Esprit de Dieu, dont la pénétration est à l'épreuve de tous vos artifices, ou ne demeurera jamais en vous, ou détruira dans vous toutes ces damnables attaches qui vous lient à la créature, et que votre amour-propre tâche de justifier. Si vous étiez de bonne foi, et si vous vouliez, au lieu d'en croire l'esprit du monde, cet esprit de séduction et d'erreur, vous en rapporter à l'Esprit même de sainteté, dont vous devez être, comme chrétiens, les temples vivants; par les vues qu'il vous donnerait, par les remords qu'il exciterait dans vos cœurs, il vous ferait reconnaître l'impossibilité absolue de l'accorder jamais (…)

(…)Mais soit que vous l’écoutiez, ou que vous ne l'écoutiez pas, indépendamment de vous, Dieu en a prononcé l'arrêt qu'il retirerait son Esprit de l'homme qui vit selon la chair.(…)

(…)Quoi donc ! Chrétiens, les apôtres n'ont pu recevoir le Saint-Esprit, tandis qu'il leur restait pour Jésus-Christ une attache un peu trop humaine ; et vous vous croiriez disposés à le recevoir, en laissant former dans vos cœurs des passions vives et ardentes pour de mortelles créatures, en concevant pour elles des sentiments de tendresse, dont la suite immanquable est de n'avoir plus que des sécheresses pour Dieu (…)

(…) Quand tout cela n'irait pas jusqu'à détruire, par une offense grave, votre règne en moi, et qu'absolument une telle attache ne romprait pas encore le lien de la grâce habituelle qui m'unit à vous, le seul respect de votre adorable personne, ô Esprit de mon Dieu, la seule idée que la foi me donne de votre délicatesse sur la préférence infinie qui vous est due, et sur l'amour sans partage que vous exigez comme Dieu ; la seule crainte de vous irriter et de provoquer votre jalousie (car vous êtes le Dieu jaloux), devrait me faire renoncer à tout objet créé : fût-ce mon œil, il faudrait l'arracher, puisque ce serait un sujet de scandale pour moi, et un obstacle à vos grâces les plus intimes et à la participation de vos plus exquises faveurs. (…)

Que devons-nous donc faire pour accomplir ces obligations importantes, et à quoi, dans la pratique, doit se réduire ce mystérieux baptême? Le voici. Pour répondre au dessein de Dieu, notre soin continuel doit être de corriger et de retrancher tout ce qu'il y a d'humain dans nos pensées, dans nos désirs, dans nos paroles et dans nos actions (…)

L'Esprit de Dieu ne demeurera point en nous, tandis que nous serons charnels; mais il se répandra sur nous, afin que nous cessions d'être charnels : et voilà le miracle que nous devons lui demander; miracle plus grand que celui de la création du monde ; ou plutôt qui, dans l’ordre de la grâce, est une espèce de création plus miraculeuse que celle du monde. Mais il faut pour cela, Seigneur, la toute-puissance de votre grâce. Quand vous créâtes le monde, vous travailliez sur le néant, et ce néant ne vous résistait pas; ici c'est le néant du péché, qui, tout néant qu'il est, s'oppose à vous, et s'élève contre vous. Envoyez-nous donc votre Esprit dans toute sa plénitude ; et par là, Seigneur, créez dans nous des cœurs purs, des cœurs chastes, des cœurs soumis à votre loi

(..) C'est un caractère qui ne peut convenir qu'au Saint-Esprit, et qui le distingue essentiellement comme Saint-Esprit, de posséder en soi l'Etre divin, sans pouvoir le communiquer à nulle autre personne divine ; d'être produit par le Père et par le Fils, et de ne pouvoir être le principe d'aucune autre semblable production; en un mot, d'être, tout Dieu qu'il est, stérile dans l'adorable Trinité, parce qu'il est le terme de la Trinité même. Stérilité, disent les théologiens, qui, bien loin d'être défectueuse, marque et suppose en lui la plénitude de toute perfection. Mais autant que la foi nous représente le Saint-Esprit stérile dans lui-même, et par rapport aux deux autres personnes dont il procède, autant nous le fait-elle concevoir agissant, fécond et plein d'efficace et de vertu, hors de lui-même, et dans les sujets à qui il fait part de ses dons. Car, selon l’Ecriture, c'est le Saint-Esprit qui est en nous le principe immédiat et substantiel de toutes les opérations de la grâce : c'est par le Saint-Esprit que nous sommes régénérés dans le baptême (…)

(…)c'est par le Saint-Esprit que nous prions, ou plutôt, c'est lui-même qui prie en nous avec des gémissements ineffables (…)

(…)c'est par le Saint-Esprit que la charité s'est répandue dans nos cœurs : et comme, en qualité de Saint-Esprit, il est en lui-même la charité subsistante, par qui le Père et le Fils s'aiment d'un amour mutuel et éternel ; aussi, disent les Pères, est-il, dans le fond de nos âmes, la charité radicale par où nous aimons Dieu, et d'où procèdent tous les saints désirs que nous formons pour Dieu (..)

Or, si jamais cette propriété de l'Esprit de Dieu nous a été sensiblement révélée, c'est encore dans le glorieux mystère de ce jour, où nous voyons des hommes, j'entends les apôtres, auparavant faibles, lâches, timides, embrasés tout à coup, par la vertu de cet Esprit divin, d'un zèle fervent, d'un zèle (ne perdez pas, s'il vous plaît, ceci) qui les fait parler d'abord et se déclarer, d'un zèle qui les détermine à tout entreprendre, d'un zèle qui les rend capables de tout souffrir pour le nom de Jésus-Christ : trois dispositions que le Saint-Esprit opère en eux par sa présence, et qui montrent bien qu'il est souverainement et par excellence l'Esprit de force, ou, pour mieux dire, la force même. (…)

(…)Ce sont de pauvres pêcheurs, des hommes sans talent, sans crédit, sans nom, des hommes que l'on regarde comme le rebut du monde(…) mais qui, possédés de cet Esprit, se proposent de changer et de réformer le monde. (…)

(…)croire qu'on a reçu l'Esprit de Dieu, et n'oser se déclarer pour Dieu, et se taire quand il faudrait parler, et demeurer oisif quand il faudrait agir, et craindre de s'exposer ou de se commettre quand il faudrait se sacrifier; croire qu'on a reçu l'Esprit de Dieu, et ne rien faire pour Dieu, et être languissant dans le service de Dieu, et n'avoir nul zèle pour les intérêts de Dieu, et ne rien entreprendre pour la gloire de Dieu ; croire qu'on a reçu l'Esprit de Dieu, et ne se résoudre jamais à rien endurer pour Dieu, et trouver pour Dieu tout difficile et tout impossible, et ne vouloir pour Dieu ni se mortifier, ni se vaincre, ni se contraindre, ce serait une erreur grossière. Non, Chrétiens, ne nous aveuglons pas jusques à ce point. Le Saint-Esprit est essentiellement ferveur et amour. Or l'amour, dit saint Grégoire, pape, opère de grandes choses partout où il est; et s'il n'opère rien, ce n'est plus amour (…)

Faisons-nous donc autant qu'il nous convient, une sainte pratique de tout ce que pratiquèrent les apôtres. Si nous avons reçu le don de Dieu et le Saint-Esprit comme eux, commençons à parler comme eux, à agir comme eux; et quand la Providence l’ordonnera, soyons prêts à souffrir comme eux. En vrais disciples du Sauveur, pleins de son Esprit, confessons hautement son nom, ne rougissons point de son Evangile, rendons-lui dans le monde des témoignages dignes de notre foi ; expliquons-nous dans les occasions; n'ayons point, quand il est question de la cause de Dieu, de lâches complaisances pour les hommes; ne donnons point cet avantage à l'impiété, qu'elle nous rende timides et muets ; mais confondons-la par une sainte, quoique modeste, liberté. On dira que nous sommes imprudents; on a bien tenu des apôtres d'autres discours et plus injurieux, sans que leur zèle en ait été refroidi. Ne nous contentons pas de parler ; travaillons pour Dieu avec courage ; intéressons-nous dans tout ce qui regarde son culte, sa religion, sa loi, son Eglise. Dans l'étendue de notre pouvoir, à proportion de nos talents, formons pour lui des desseins et des entreprises. Ne nous rebutons point des obstacles qu'il y aura à surmonter : l'Esprit de Dieu nous donnera des forces, et il nous fera vaincre le monde. Nous aurons des contradictions à essuyer, il faudra livrer des combats, peut-être nous en coûtera-t-il des persécutions : eh bien ! nous nous ferons de tout cela, comme les apôtres, une consolation et un mérite. A quoi connaîtra-t-on que nous avons reçu le Saint-Esprit, si ce n'est par notre constance à soutenir ces sortes d'épreuves?

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Message  Roger Boivin Dim 24 Mai 2015, 12:30 pm



Bourdaloue a écrit:

Tout l'univers est aujourd'hui rempli de l'esprit du monde, et on peut dire que l'esprit du monde est comme l'esprit dominant qui conduit tout. En effet, c'est l'esprit du monde que l'on consulte dans les affaires, c'est l'esprit du monde qui règne dans les conversations, c'est l'esprit du, monde qui fait les liaisons et les sociétés, c'est l'esprit du monde qui règle les usages et les coutumes. On juge selon l'esprit du monde, on parle selon l'esprit du monde, on agit et on se gouverne selon l'esprit du monde ; le dirai-je ? on voudrait même servir Dieu selon l'esprit du monde, et accommoder sa religion à l'esprit du monde. Et parce que cet esprit du monde est un esprit de mensonge, un esprit d'erreur, un esprit d'imposture et d'hypocrisie ; par une conséquence nécessaire, et que l'expérience même ne nous fait que trop sentir, de là vient qu'il n'y a rien dans le monde que de faux et d'apparent. Faux plaisirs, faux honneurs, fausses joies, fausses prospérités, fausses promesses, fausses louanges ; voilà pour les biens extérieurs : fausses vertus, fausse prudence, fausse modération, fausse justice, fausse générosité, fausse probité ; voilà pour les biens de l'esprit : mais ce qui est bien plus indigne, fausses conversions, fausses dévotions, fausses humilités, fausses pénitences, faux zèles pour Dieu, et fausses charités pour le prochain ; voilà pour ce qui regarde le salut. De la vient que les hommes du monde, pleins de cet esprit, semblent n'avoir point d'autre étude que d'imposer aux autres et de se tromper eux-mêmes, que de cacher ce qu'ils sont et de montrer ce qu'ils ne sont pas (…)



..et faux Saint-Esprit :


..le diable étant le singe de Dieu.
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Message  ROBERT. Dim 24 Mai 2015, 2:45 pm


Exact, Roger.
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