La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)

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Message  ROBERT. Lun 11 Mai 2015, 10:32 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXX a écrit:

LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.



CHAPITRE XXX.

CEUX QUI S’ÉLÈVENT CONTRE LA RELIGION CHRÉTIENNE

NE SONT AVIDES QUE DE HONTEUSES PROSPÉRITÉS.  




Si cet illustre Scipion Nasica, autrefois votre souverain Pontife, qui dans la terreur de la guerre punique fut choisi d’une voix unanime par le sénat, comme le meilleur citoyen de Rome, pour aller recevoir de Phrygie l’image de la mère des dieux3, si ce grand homme, dont vous n’oseriez affronter l’aspect, pouvait revenir à la vie, c’est lui qui se chargerait de rabattre votre impudence. Car enfin, qu’est-ce qui vous pousse à imputer au christianisme les maux que vous souffrez ?

C’est le désir de trouver la sécurité dans le vice, et de vous livrer sans obstacle à tout le dérèglement de vos mœurs.

Si vous souhaitez la paix et l’abondance, ce n’est pas pour en user honnêtement, c’est-à-dire avec mesure, tempérance et piété, mais pour vous procurer, au prix de folles prodigalités, une variété infinie de voluptés, et répandre ainsi dans les mœurs, au milieu de la prospérité apparente, une corruption mille fois plus désastreuse que toute la cruauté des ennemis.


C’est ce que craignait Scipion, votre grand pontife, et, au jugement de tout le sénat, le meilleur citoyen de Rome, quand il s’opposait à la ruine de Carthage, cette rivale de l’empire romain, et combattait l’avis contraire de Caton1. Il prévoyait les suites d’une sécurité fatale à des âmes énervées et voulait qu’elles fussent protégées par la crainte, comme des pupilles par un tuteur. Il voyait juste, et l’événement prouva qu’il avait raison. Carthage une fois détruite, la république romaine fut délivrée sans doute d’une grande terreur; mais combien de maux naquirent successivement de cette prospérité ! La concorde entre les citoyens affaiblie et détruite, bientôt des séditions sanglantes, puis, par un enchaînement de causes funestes, la guerre civile avec ses massacres, ses flots de sang, ses proscriptions, ses rapines; enfin, un tel déluge de calamités que ces Romains, qui, au temps de leur vertu, n’avaient rien à redouter que de l’ennemi, eurent beaucoup plus à souffrir, après l’avoir perdue, de la main de leurs propres concitoyens. La fureur de dominer, passion plus effrénée chez le peuple romain que tous les autres vices de notre nature, ayant triomphé dans un petit nombre de citoyens puissants, tout le reste, abattu et lassé, se courba sous le joug2.




3. C’est à Pessinonte, en Phrygie, qu’on alla chercher la statue de Cybèle.
    L’oracle de Delphes avait prescrit d’envoyer à sa rencontre le meilleur citoyen de Rome.
     Voyez Cicéron, De arusp. resp., cap. 13; Tite-Live, lib. XXIX, cap. 14.
1. Voyez Plutarque, Vie de Caton l’ancien, et Tite-Live, lib. XLIX, epit.
2. Voyez Salluste, de Bello Jugirth.., cap. 41 et sq., et Velleius Paterculus, lib. II, init.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
soulignés, caractères,
gras et police ajoutés.

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Message  ROBERT. Mar 12 Mai 2015, 2:59 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXI a écrit:

LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.



CHAPITRE XXXI.

PAR QUELS DEGRÉS S’EST ACCRUE CHEZ LES

ROMAINS LA PASSION DE LA DOMINATION.      



Comment, en effet, cette passion se serait-elle apaisée dans ces esprits superbes, avant que de s’élever par des honneurs incessamment renouvelés jusqu’à la puissance royale ? Or, pour obtenir le renouvellement de ces honneurs, la brigue (manigance, intrigue) était indispensable; et la brigue elle-même ne pouvait prévaloir que chez un peuple corrompu par l’avarice et la débauche.


Or, comment le peuple devint-il avare et débauché ? Par un effet de cette prospérité dont s’alarmait si justement Scipion, quand il s’opposait avec une prévoyance admirable à la ruine de la plus redoutable et de la plus opulente ennemie de Rome. Il aurait voulu que la crainte servit de frein à la licence, que la licence comprimée arrêtât l’essor de la débauche et de l’avarice, et qu’ainsi la vertu pût croître et fleurir pour le salut de la république, et avec la vertu, la liberté  !

Ce fut par le même principe et dans un même sentiment de patriotique prévoyance que Scipion, je parle toujours de l’illustre pontife que le sénat proclama par un choix unanime le meilleur citoyen de Rome, détourna ses collègues du dessein qu’ils avaient formé de construire un amphithéâtre. Dans un discours plein d’autorité, il leur persuada de ne pas souffrir que la mollesse des Grecs vînt corrompre la virile austérité des antiques mœurs et souiller la vertu romaine de la contagion d’une corruption étrangère.


Le sénat fut si touché par cette grave éloquence qu’il défendit l’usage des sièges qu’on avait coutume de porter aux représentations scéniques. Avec quelle ardeur ce grand homme eût-il entrepris d’abolir les jeux mêmes, s’il eût osé résister à l’autorité de ce qu’il appelait des dieux ! Car il ne savait pas que ces prétendus dieux ne sont que de mauvais démons, ou s’il le savait, il croyait qu’on devait les apaiser plutôt que de les mépriser. La doctrine céleste n’avait pas encore été annoncée aux Gentils, pour purifier leur cœur par la foi, transformer en eux la nature humaine par une humble piété, les rendre capables des choses divines et les délivrer enfin de la domination des esprits superbes.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et
gras ajoutés.

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Message  ROBERT. Mer 13 Mai 2015, 3:40 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXII a écrit:

LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.



CHAPITRE XXXII.

DE L’ÉTABLISSEMENT DES JEUX SCÉNIQUES.  




Sachez donc, vous qui l’ignorez, et vous aussi qui feignez l’ignorance, n’oubliez pas, au milieu de vos murmures contre votre libérateur, que ces jeux scéniques, spectacles de turpitude, œuvres de licence et de vanité, ont été établis à Rome, non par la corruption des hommes, mais par le commandement de vos dieux. Mieux eût valu accorder les honneurs divins à Scipion que de rendre un culte à des dieux de cette sorte, qui n’étaient certes pas meilleurs que leur pontife. Écoutez-moi un instant avec attention, si toutefois votre esprit, longtemps enivré d’erreurs, est capable d’entendre la voix de la raison: Les dieux commandaient que l’on célébrât des jeux de théâtre pour guérir la peste des corps1, et Scipion, pour prévenir la peste des âmes, ne voulait pas que le théâtre même fût construit. S’il vous reste encore quelque lueur d’intelligence pour préférer l’âme au corps, dites-moi qui vous devez honorer, de Scipion ou de vos dieux.


Au surplus, si la peste vint à cesser, ce ne fut point parce que la folle passion des jeux plus raffinés de la scène s’empara d’un peuple belliqueux qui n’avait connu jusqu’alors que les jeux du cirque; mais ces démons méchants et astucieux, prévoyant que la peste allait bientôt finir, saisirent cette occasion pour en répandre une autre beaucoup plus dangereuse et qui fait leur joie parce qu’elle s’attaque, non point au corps, mais aux mœurs. Et de fait, elle aveugla et corrompit tellement l’esprit des Romains que dans ces derniers temps (la postérité aura peine à le croire), parmi les malheureux échappés au sac de Rome et qui ont pu trouver un asile à Carthage, on en a vu plusieurs tellement possédés de cette étrange maladie qu’ils couraient chaque jour au théâtre s’enivrer follement du spectacle des histrions (bouffons).




1. Voyez Tite-Live, lib. VII, cap.2;
   Val. Max., lib. II, cap. 4, § 2,
   et Tertullien, De Spectac., cap. 5.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et
gras ajoutés.

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Message  ROBERT. Jeu 14 Mai 2015, 11:40 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXIII a écrit:

LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.


CHAPITRE XXXIII.

LA RUINE DE ROME N’A PAS

CORRIGÉ LES VICES DES ROMAINS.    




Quelle est donc votre erreur, insensés, ou plutôt, quelle fureur vous transporte ! Quoi ! Au moment où, si l’on en croit les récits des voyageurs, le désastre de Rome fait jeter un cri de douleur jusque chez les peuples de l’Orient1, au moment où les cités les plus illustres dans les plus lointains pays font de votre malheur un deuil public, c’est alors que vous recherchez les théâtres, que vous y courez, que vous les remplissez, que vous en envenimez encore le poison. C’est cette souillure et cette perte des âmes, ce renversement de toute probité et de tout sentiment honnête que Scipion redoutait pour vous, quand il s’opposait à la construction d’un amphithéâtre, quand il prévoyait que vous pourriez aisément vous laisser corrompre par la bonne fortune, quand il ne voulait pas qu’il ne vous restât plus d’ennemis à redouter.  


Il n’estimait pas qu’une cité fût florissante, quand ses murailles sont debout et ses mœurs ruinées. Mais le séducteur des démons a eu plus de pouvoir sur vous que la prévoyance des sages. De là vient que vous ne voulez pas qu’on vous impute le mal que vous faites et que vous imputez aux chrétiens celui que vous souffrez. Corrompus par la bonne fortune, incapables d’être corrigés par la mauvaise, vous ne cherchez pas dans la paix la tranquillité de l’État, mais l’impunité de vos vices. Scipion vous souhaitait la crainte de l’ennemi pour vous retenir sur la pente de la licence, et vous, écrasés par l’ennemi, vous ne pouvez pas même contenir vos dérèglements; tout l’avantage de votre calamité, vous l’avez perdu; vous êtes devenus misérables, et vous êtes restés vicieux.




1. Les témoignages de cette douleur immense et universelle abondent dans les historiens.
   Voyez les lettres de saint Jérôme, notamment Epist. XVI, ad Principiam, et LXXXII, ad Marcell. Et Anapsychiam.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.

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Message  ROBERT. Ven 15 Mai 2015, 10:57 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXIV a écrit:

LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.


CHAPITRE XXXIV.

LA CLÉMENCE DE DIEU A ADOUCI

LE DÉSASTRE DE ROME.  




Et cependant si vous vivez, vous le devez à Dieu, à ce Dieu qui ne vous épargne que pour vous avertir de vous corriger et de faire pénitence, à ce Dieu qui a permis que malgré votre ingratitude vous ayez évité la fureur des ennemis, soit en vous couvrant du nom de ses serviteurs, soit en vous réfugiant dans les églises de ses martyrs.


On dit que Rémus et Romulus, pour peupler leur ville, établirent un asile où les plus grands criminels étaient assurés de l’impunité1. Exemple remarquable et qui s’est renouvelé de nos jours à l’honneur du Christ ! Ce qu’avaient ordonné les fondateurs de Rome, ses destructeurs l’ont également ordonné. Mais quelle merveille que ceux-là aient fait pour augmenter le nombre de leurs citoyens ce que ceux-ci ont fait pour augmenter le nombre de leurs ennemis ?




1. Saint Augustin parait ici suivre Plutarque, Vit. Rom., cap. 9.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…

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Message  ROBERT. Sam 16 Mai 2015, 2:04 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXV a écrit:

LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.



CHAPITRE XXXV

L’ÉGLISE A DES ENFANTS CACHÉS PARMI SES

ENNEMIS ET DE FAUX AMIS PARMI SES ENFANTS.  




Tels sont les moyens de défense (et il y en a peut-être de plus puissants encore) que nous pouvons opposer à nos ennemis, nous enfants du Seigneur Jésus, rachetés de son sang et membres de la cité ici-bas étrangère, de la cité royale du Christ. N’oublions pas toutefois qu’au milieu de ces ennemis mêmes se cache plus d’un concitoyen futur, ce qui doit nous faire voir qu’il n’est pas sans avantage de supporter patiemment comme adversaire de notre foi celui qui peut en devenir confesseur. De même, au sein de la cité de Dieu, pendant du moins qu’elle accomplit son voyage à travers ce monde, plus d’un qui est uni à ses frères par la communion des mêmes sacrements, sera banni un jour de la société des saints.


De ces faux amis, les uns se tiennent dans l’ombre, les autres osent mêler ouvertement leur voix à celle de nos adversaires, pour murmurer contre le Dieu dont ils portent la marque sacrée, jouant ainsi deux rôles contraires et fréquentant également les théâtres et les lieux saints. Faut-il cependant désespérer de leur conversion ? Non, certes, puisque parmi nos ennemis les plus déclarés, nous avons des amis prédestinés encore inconnus à eux-mêmes. Les deux cités, en effet, sont mêlées et confondues ensemble pendant cette vie terrestre jusqu’à ce qu’elles se séparent au dernier jugement. Exposer leur naissance, leur progrès et leur fin, c’est ce que je vais essayer de faire, avec l’assistance du ciel et pour la gloire de la cité de Dieu, qui tirera de ce contraste mi plus vif éclat.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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Message  ROBERT. Dim 17 Mai 2015, 4:04 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXVI a écrit:

LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.



CHAPITRE XXXVI.

DES SUJETS QU’IL CONVIENDRA DE

TRAITER DANS LES LIVRES SUIVANTS.  




Mais avant d’aborder cette entreprise, j’ai encore quelque chose à répondre à ceux qui rejettent les malheurs de l’empire romain sur notre religion, sous prétexte qu’elle défend de sacrifier aux dieux1. Il faut pour cela que je rapporte (autant du moins que ma mémoire et le besoin de mon sujet le permettront) tous les maux qui sont arrivés à l’empire ou aux provinces qui en dépendent avant que cette défense n’eût été faite: calamités qu’ils ne manqueraient pas de nous attribuer, si notre religion eût paru dès ce temps-là et interdit leurs sacrifices impies. Je montrerai ensuite pourquoi le vrai Dieu, qui tient en sa main tous les royaumes de la terre, a daigné accroître le leur, et je ferai voir que leurs prétendus dieux, loin d’y avoir contribué, y ont plutôt nui, au contraire, par leurs fourberies et leurs prestiges.


Je terminerai en réfutant ceux qui, convaincus sur ce dernier point par des preuves si claires, se retranchent à soutenir qu’il faut servir les dieux, non pour les biens de la vie présente, mais pour ceux de la vie future. Ici la question, si je ne me trompe, devient plus difficile et monte vers les régions sublimes. Nous avons affaire à des philosophes, non pas aux premiers venus d’entre eux, mais aux plus illustres et aux plus excellents, lesquels sont d’accord avec nous sur plusieurs choses, puisqu’ils reconnaissent l’âme immortelle et le vrai Dieu, auteur et providence de l’univers.


Mais comme ils ont aussi beaucoup d’opinions contraires aux nôtres, nous devons les réfuter et nous ne faillirons pas à ce devoir. Nous combattrons donc leurs assertions impies dans toute la force qu’il plaira à Dieu de nous départir, pour l’affermissement de la cité sainte, de la vraie piété et du culte de Dieu, sans lequel on ne saurait parvenir à la félicité promise. Je termine ici ce livre, afin de passer au nouveau sujet que je me propose de traiter.




1. La prohibition du culte païen date de Constantin. Elle fut poursuivie par Valentinien et consommée par Théodose.
  Voyez Eusèbe, Vit. Const., lib. II, cap. 43, 44, et lib. IV, cap. 23; Nicéphore, lib. VII cap. 46;
  Théodoret, Hist. Eccl., lib. V, cap. 21, et saint Augustin, De Cons. Evang., lib. I, n. 42.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.

.



 
FIN DU LIVRE 1er
à suivre: LIVRE II.
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Message  ROBERT. Lun 18 Mai 2015, 10:58 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. I a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.*



Argument. — Saint Augustin traite des maux que les Romains ont eu à subir avant Jésus-Christ, pendant que florissait  le culte des faux dieux; il démontre que loin d’avoir été préservée par ses dieux, Rome en a reçu les seuls maux véritables ou du moins les plus grands de tous, à savoir les vices de l’âme et la corruption des mœurs.


→ Voilà la table des matières du Livre Deuxième; je viendrai, de temps à autre, mettre les liens correspondants. Merci.


Chapitre Premier. IL EST NÉCESSAIRE DE NE POINT PROLONGER LES DISCUSSIONS AU-DELÀ  D’UNE CERTAINE MESURE.  (Note: pour la lecture de ce chapitre seulement, voir la fin de ce "post". Pour la lecture des autres chapitres, suivre les liens.)

Chapitre II. RÉCAPITULATION DE CE QUI A ÉTÉ TRAITÉ DANS LE PREMIER LIVRE.

Chapitre III. IL SUFFIT DE CONSULTER L’HISTOIRE POUR VOIR QUELS MAUX SONT ARRIVÉS AUX ROMAINS PENDANT QU’ILS ADORAIENT LES DIEUX ET AVANT L’ÉTABLISSEMENT DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.  

Chapitre IV. LES IDOLÂTRES N’ONT JAMAIS REÇU DE LEURS DIEUX AUCUN PRÉCEPTE DE VERTU, ET LEUR CULTE A ÉTÉ SOUILLÉ DE TOUTES SORTES D’INFÂMIES.

Chapitre V. DES CÉRÉMONIES OBSCÈNES QU’ON CÉLÉBRAIT EN L’HONNEUR DE LA MÈRE DES DIEUX.

Chapitre VI. LES DIEUX DES PAÏENS NE LEUR ONT JAMAIS ENSEIGNÉ LES PRÉCEPTES D’UNE VIE HONNÊTE.  

Chapitre VII. LES MAXIMES INVENTÉES PAR LES PHILOSOPHES NE POUVAIENT SERVIR  À RIEN, ÉTANT DÉPOURVUES D’AUTORITÉ DIVINE ET S’ADRESSANT À UN PEUPLE PLUS PORTÉ À SUIVRE LES EXEMPLES DES DIEUX QUE LES MAXIMES DES RAISONNEURS.  

Chapitre VIII. LES JEUX SCÉNIQUES, OÙ SONT ÉTALÉES TOUTES LES TURPITUDES  DES DIEUX, LOIN DE LEUR DÉPLAIRE, SERVENT À LES APAISER.

Chapitre IX. LES ANCIENS ROMAINS JUGEAIENT NÉCESSAIRE DE RÉPRIMER LA LICENCE  DES POÈTES, À LA DIFFÉRENCE DES GRECS QUL NE LEUR IMPOSAIENT AUCUNE LIMITE, SE CONFORMANT EN CE POINT À LA VOLONTÉ DES DIEUX.

Chapitre  X. C’EST UN TRAIT DE LA PROFONDE MALICE DES DÉMONS, DE VOULOIR QU’ON LEUR ATTRIBUE DES CRIMES, SOIT VÉRITABLES, SOIT SUPPOSÉS.

Chapitre XI. LES GRECS ADMETTAIENT LES COMÉDIENS À L’EXERCICE DES FONCTIONS PUBLIQUES, CONVAINCUS QU’IL Y AVAIT DE L’INJUSTICE À  MÉPRISER DES HOMMES DONT L’ART APAISAIT LA COLÈRE DES DIEUX.  

Chapitre XII. LES ROMAINS, EN INTERDISANT AUX POÈTES D’USER CONTRE LES HOMMES D’UNE LIBERTÉ QU’ILS LEUR DONNAIENT CONTRE LES DIEUX, ONT EU MOINS BONNE OPINION DES DIEUX QUE D’EUX-MÊMES.    

Chapitre XIII. LES ROMAINS AURAIENT DU COMPRENDRE QUE DES DIEUX CAPABLES DE SE COMPLAIRE À DES JEUX INFÂMES N’ÉTAIENT PAS DIGNES DES HONNEURS DIVINS.  

Chapitre XIV. PLATON, EN EXCLUANT LES POÈTES D’UNE CITÉ BIEN GOUVERNÉE, S’EST MONTRÉ SUPÉRIEUR À CES DIEUX QUI VEULENT ÊTRE HONORÉS PAR DES JEUX SCÉNIQUES.    

Chapitre XV. LES ROMAINS SE SONT DONNÉ CERTAINS DIEUX, NON PAR RAISON, MAIS PAR VANITÉ.  

Chapitre XVI. SI LES DIEUX AVAIENT EU LE MOINDRE SOUCI DE FAIRE RÉGNER LA JUSTICE, ILS AURAIENT DONNÉ AUX ROMAINS DES PRÉCEPTES ET DES LOIS, AU LIEU DE LES LEUR LAISSER EMPRUNTER AUX NATIONS ÉTRANGÈRES.

Chapitre XVII. DE L’ENLÈVEMENT DES SABINES, ET DES AUTRES INIQUITÉS COMMISES
PAR LES ROMAINS AUX TEMPS LES PLUS VANTÉS DE LA RÉPUBLIQUE.

Chapitre XVIII. TÉMOIGNAGE DE SALLUSTE SUR LES MŒURS DU PEUPLE ROMAIN, TOUR À TOUR CONTENUES PAR LA CRAINTE ET RELÂCHÉES PAR LA SÉCURITÉ.

Chapitre XIX. DE LA CORRUPTION OÙ ÉTAIT TOMBÉE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE AVANT QUE LE CHRIST VÎNT ABOLIR LE CULTE DES DIEUX.

Chapitre XX. DE L’ESPÈCE DE FÉLICITÉ ET DU GENRE DE VIE QUI PLAIRAIENTLE PLUS AUX ENNEMIS DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.

CHAPITRE XXI. SENTIMENT DE CICÉRON SUR LA RÉPUBLIQUE ROMAINE.  

CHAPITRE XXII. LES DIEUX DES ROMAINS N’ONT JAMAIS PRIS SOIN D’EMPÊCHER QUE LES MŒURS NE FISSENT PÉRIR LA RÉPUBLIQUE.

Chapitre XXIII. LES VICISSITUDES DES CHOSES TEMPORELLES NE DÉPENDENT POINT DE LA
FAVEUR OU DE L’INIMITIÉ DES DÉMONS, MAIS DU CONSEIL DU VRAI DIEU.

Chapitre XXIV. DES PROSCRIPTIONS DE SCYLLA AUXQUELLES LES DÉMONS SE VANTENT D’AVOIR PRÊTÉ LEUR ASSISTANCE.  

Chapitre XXV. LES DÉMONS ONT TOUJOURS EXCITÉ  LES HOMMES AU MAL EN DONNANT AUX CRIMES L’AUTORITÉ DE LEUR EXEMPLE.  

Chapitre XXVI. LES FAUX DIEUX DONNAIENT EN SECRET DES PRÉCEPTES POUR LES BONNES MŒURS, ET EN PUBLIC DES EXEMPLES D’IMPUDICITÉ.

Chapitre XXVII. QUELLE FUNESTE INFLUENCE ONT EXERCÉE SUR LES MŒURS PUBLIQUES LES JEUX OBSCÈNES QUE LES ROMAINS CONSACRAIENT A LEURS DIEUX POUR LES APAISER.    

Chapitre XXVIII. DE LA SAINTETÉ DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.    

Chapitre XXIX. EXHORTATION AUX ROMAINS POUR QU’ILS REJETTENT LE CULTE DES DIEUX.




CHAPITRE PREMIER.

IL EST NÉCESSAIRE DE NE POINT PROLONGER LES

DISCUSSIONS AU-DELÀ  D’UNE CERTAINE MESURE.




Si le faible esprit de l’homme, au lieu de résister à l’évidence de la vérité, voulait se soumettre aux enseignements de la saine doctrine, comme un malade aux soins du médecin, jusqu’à ce qu’il obtînt de Dieu par sa foi et sa piété la grâce nécessaire pour se guérir, ceux qui ont des idées justes et qui savent les exprimer convenablement n’auraient pas besoin d’un long discours pour réfuter l’erreur. Mais comme l’infirmité dont nous parlons est aujourd’hui plus grande que jamais, à ce point que l’on voit des insensés s’attacher aux mouvements déréglés de leur esprit comme à la raison et à la vérité même, tantôt par l’effet d’un aveuglement qui leur dérobe la lumière, tantôt par suite d’une opiniâtreté qui la leur fait repousser, on est souvent obligé, après leur avoir déduit ses raisons autant qu’un homme le doit attendre de son semblable, de s’étendre beaucoup sur des choses très-claires, non pour les montrer à ceux qui les regardent, mais pour les faire toucher à ceux qui ferment les yeux de peur de les voir. Et cependant, si on se croyait tenu de répondre toujours aux réponses qu’on reçoit, quand finiraient les discussions ?


Ceux qui ne peuvent comprendre ce qu’on dit, ou qui, le comprenant, ont l’esprit trop dur et trop rebelle pour y souscrire, répondent toujours; mais, comme dit l’Ecriture: "Ils ne parlent que le langage de l’iniquité1"; et leur opiniâtreté infatigable est vaine. Si donc nous consentions à les réfuter autant de fois qu’ils prennent avec un front d’airain la résolution de ne pas se mettre en peine de ce qu’ils disent, pourvu qu’ils nous contredisent n’importe comment, vous voyez combien notre labeur serait pénible, infini et stérile, c’est pourquoi je ne souhaiterais pas avoir pour juges de cet ouvrage, ni vous-même, Marcellinus, mon cher fils, ni aucun de ceux à qui je l’adresse dans un esprit de discussion utile et loyale et de charité chrétienne, s’il vous fallait toujours des réponses, dès que vous verriez paraître un argument nouveau; j‘aurais trop peur alors que vous ne devinssiez semblables à ces malheureuses femmes dont parle l’Apôtre, "qui incessamment apprennent sans jamais savoir la vérité1"




1. Psaume XCIII, 4.
1. II Timothée III, 7.



Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et
gras ajoutés.

.


*  Avez-vous remarqué que le Titre du Livre II de Saint Augustin, va à ravir aux Intrus à Rome ?
,


Dernière édition par ROBERT. le Ven 29 Mai 2015, 11:33 am, édité 12 fois (Raison : liens + mise en forme.)
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Message  ROBERT. Mar 19 Mai 2015, 12:44 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. II a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE II.

RÉCAPITULATION DE CE QUI A ÉTÉ

TRAITÉ DANS LE PREMIER LIVRE.




Ayant commencé, dans le livre précédent, de traiter de la Cité de Dieu, à laquelle j’ai résolu, avec l’assistance d’en haut, de consacrer tout cet ouvrage, mon premier soin a été de répondre à ceux qui imputent les guerres dont l’univers est en ce moment désolé, et surtout le dernier malheur de Rome, à la religion chrétienne, sous prétexte qu’elle interdit les sacrifices abominables qu’ils voudraient faire aux démons. J’ai donc fait voir qu’ils devraient bien plutôt attribuer à l’influence du Christ le respect que les barbares ont montré pour son nom, en leur laissant, contre l’usage de la guerre, de vastes églises pour lieu de refuge, et en honorant à tel point leur religion (celle du moins qu’ils feignaient de professer), qu’ils ne se sont pas cru permis contre eux ce que leur permet contre tous le droit de la victoire. De là s’est élevée une question nouvelle: pourquoi cette faveur divine s’est-elle étendue à des impies et à des ingrats, et pourquoi, d’un autre côté, les désastres de la guerre ont-ils également frappé les impies et les hommes pieux ?


Je me suis quelque peu arrêté sur ce point, d’abord parce que cette répartition ordinaire des bienfaits de la Providence et des misères de l’humanité tombant indifféremment sur les bons et sur les méchants, porte le trouble dans plus d’une conscience; puis j’ai voulu, et ç’a été mon principal objet, consoler de saintes femmes, chastes et pieuses victimes d’une violence qui a pu attrister leur pudeur, mais non souiller leur pureté, de peur qu’elles ne se repentent de vivre, elles qui n’ont rien dans leur vie dont elles aient à se repentir.


J’ai ajouté ensuite quelques réflexions contre ceux qui osent insulter aux infortunes subies par les chrétiens et en particulier par ces malheureuses femmes restées chastes et saintes dans l’humiliation de leur pudeur; adversaires sans bonne foi et sans conscience, indignes enfants de ces Romains renommés par tant de belles actions dont l’histoire conservera le souvenir, mais qui ont trouvé dans leurs descendants dégénérés les plus grands ennemis de leur gloire.


Rome, en effet, fondée par leurs aïeux et portée à un si haut point de grandeur, ils l’avaient plus abaissée par leurs vices qu’elle ne l’a été par sa chute; car cette chute n’a fait tomber que des pierres et du bois, au lieu que leurs vices avaient ruiné leurs mœurs, fondement et ornement des empires, et allumé dans les âmes des passions mille fois plus dévorantes que les feux qui ont consumé les palais de Rome. C’est par là que j’ai terminé le premier livre.


Mon dessein maintenant est d’exposer les maux que Rome a soufferts depuis sa naissance, soit dans l’intérieur de l’empire, soit dans les provinces, soumises; longue suite de calamités que nos adversaires ne manqueraient pas d’attribuer à la religion chrétienne, si, dès ce temps-là, la doctrine de l’Evangile eût fait librement retentir sa voix contre leurs fausses et trompeuses divinités.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.

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Message  ROBERT. Mer 20 Mai 2015, 11:56 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. III a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE III.

IL SUFFIT DE CONSULTER L’HISTOIRE POUR VOIR QUELS MAUX

SONT ARRIVÉS AUX ROMAINS PENDANT QU’ILS ADORAIENT LES DIEUX ET

AVANT L’ÉTABLISSEMENT DE LA RELIGION CHRÉTIENNE..  




En lisant le récit que je vais tracer, il faut se souvenir que parmi les adversaires à qui je m’adresse il y a des ignorants qui ont fait naître ce proverbe: "La pluie manque, c’est la faute des chrétiens1" . Il en est d’autres2, je le sais, qui, munis d’études libérales, aiment l’histoire et connaissent les faits que j’ai dessein de rappeler; mais afin de nous rendre odieux à la foule ignorante, ils feignent de ne pas les savoir et s’efforcent de faire croire au vulgaire que les désastres qui, selon l’ordre de la nature, affligent les hommes à certaines époques et dans certains lieux, n’arrivent présentement qu’à cause des progrès du christianisme qui se répand partout avec un éclat et une réputation incroyables, au détriment du culte des dieux.


Qu’ils se souviennent donc avec nous de combien de calamités Rome a été accablée avant que Jésus-Christ ne se fût incarné, avant que son nom n’eût brillé parmi les peuples de cette gloire dont ils sont vainement jaloux. Comment justifieront-ils leurs dieux sur ce point, puisque, de leur propre aveu, ils ne les servent que pour se mettre à couvert de ces calamités qu’il leur plaît maintenant de nous imputer ? Je les prie de me dire pourquoi ces dieux ont permis que de si grands désastres arrivassent à leurs adorateurs avant que le nom de Jésus-Christ, partout proclamé, ne vînt offenser leur orgueil et mettre un terme à leurs sacrifices.




1. Ce dicton païen est également rapporté par Tertullien., cap. 40.
    Voyez aussi ce que répond Arnobe sur ce point aux adversaires, du christianisme, Contra. Gent., lib. I, p. 3 et sq. de l’édition Stewech.
2. Saint Augustin semble ici faire allusion à Symmaque, qui, dans son fameux mémoire adressé, en 384, à l’empereur Valentinien,
    accusait les chrétiens des malheurs de l’empire. Voyez Paul Orose et la préface de son livre adressée à saint Augustin.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et
gras ajoutés.

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Message  ROBERT. Jeu 21 Mai 2015, 10:22 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. IV a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE IV.

LES IDOLÂTRES N’ONT JAMAIS REÇU DE LEURS DIEUX AUCUN PRÉCEPTE

DE VERTU, ET LEUR CULTE A ÉTÉ SOUILLÉ DE TOUTES SORTES D’INFÂMIES.




Et d’abord pourquoi ces dieux ne se sont-ils point mis en peine d’empêcher le dérèglement des mœurs ? Que le Dieu véritable se soit détourné des peuples qui ne le servaient pas, ç’a été justice; mais d’où vient que les dieux, dont on regrette que le culte soit aujourd’hui interdit, n’ont établi aucune loi pour porter leurs adorateurs à la vertu ? La justice aurait voulu qu’ils eussent des soins pour les actions des hommes, en échange de ceux que les hommes rendaient à leurs autels. On dira que nul n’est méchant que par le fait de sa volonté propre. Qui le nie ? Mais ce n’en était pas moins l’office des dieux de ne pas laisser ignorer à leurs adorateurs les préceptes d’une vie honnête, de les promulguer au contraire avec le plus grand éclat, de dénoncer les pécheurs par la bouche des devins et des oracles, d’accuser, de menacer hautement les méchants et de promettre des récompenses aux bons.


Or, a-t-on jamais entendu rien prêcher de semblable dans leurs temples ? Quand j’étais jeune, je me souviens d’y être allé plus d’une fois; j’assistais à ces spectacles et à ces jeux sacrilèges; je contemplais les prêtres en proie à leur délire démoniaque, j’écoutais les musiciens, je prenais plaisir à ces jeux honteux qu’on célébrait en l’honneur des dieux, des déesses, de la vierge Célestis1, de Cybèle, mère de tous les dieux. Le jour où on lavait solennellement dans un fleuve cette dernière divinité2, de misérables bouffons chantaient devant son char des vers tellement infâmes qu’il n’eût pas été convenable, je ne dis pas à la mère des dieux, mais à la mère d’un sénateur, d’un honnête homme, d’un de ces bouffons même, de prêter l’oreille à ces turpitudes. Car enfin tout homme a un sentiment de respect pour ses parents que la vie la plus dégradante ne saurait étouffer.


Ainsi ces baladins auraient rougi de répéter chez eux et devant leurs mères, ne fût-ce que pour s’exercer, ces paroles et ces gestes obscènes dont ils honoraient la mère des dieux, en présence d’une multitude immense où les deux sexes étaient confondus. Et je ne doute pas que ces spectateurs qui s’empressaient à la fête, attirés par la curiosité, ne rentrassent à la maison, révoltés par l’infamie. Si ce sont là des choses sacrées, qu’appellerons-nous choses sacrilèges ? et qu’est-ce qu’une souillure, si c’est là une purification ? Ne donnait-on pas à ces fêtes le nom de Services (Fercula), comme si on eût célébré un festin où les démons pussent venir se repaître de leurs mets favoris ? Chacun sait, en effet, combien ces esprits immondes sont avides de telles obscénités; il faudrait, pour en douter, ignorer l’existence de ces démons qui trompent les hommes en se faisant passer pour des dieux, ou bien vivre de telle sorte que leur protection parût plus à désirer que celle du vrai Dieu, et leur colère plus à craindre.




1. Cette déesse-vierge Célestis était principalement adorée en Afrique, au témoignage de Tertullien (Apolog. Cap. 24).
     Saint Augustin en parle encore au chap. 23 de ce même livre II, et ailleurs (Enarr.. in Pssl. LXLI, n. 7, et in Psal. XCVIII, n. 14, et Serm. CV, n. 12).
   — Nous ne savons pas sur quel fondement le docte Vivès a confondu la vierge Célestis avec Cybèle, mère des dieux.
2. Chaque année, la veille des ides d’avril, 14 statue de Cybèle était conduite en grande pompe par les prêtres de la déesse au fleuve Almon, qui se jette dans le          Tibre, près de Noms, et là, au confluent des deux eaux, se faisait l’ablution sacrée, souvenir de celle qui eut lieu le jour où la statue arriva d’Asie pour la première foi,. Voyez Onde, Fastes, lib. IV, v. 337 et sq., et Lucain, lib. s,  V. 600.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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Message  ROBERT. Ven 22 Mai 2015, 9:57 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. V a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE V.

DES CÉRÉMONIES OBSCÈNES QU’ON CÉLÉBRAIT

EN L’HONNEUR DE LA MÈRE DES DIEUX. .




Je voudrais avoir ici pour juges, non ces hommes corrompus qui aiment mieux prendre du plaisir à des coutumes infâmes, que se donner de la peine pour les combattre, mais cet illustre Scipion Nasica, autrefois choisi par le sénat, comme le meilleur citoyen de Rome, pour aller recevoir Cybèle, et promener solennellement dans la ville la statue de ce démon. Je lui demanderais s’il ne souhaiterait pas que sa mère eût assez bien mérité de la république pour qu’on lui décernât les honneurs divins, comme à ces mortels privilégiés, devenus immortels et rangés au nombre des dieux par l’admiration et la reconnaissance des Grecs, des Romains et d’autres peuples1.  


Sans aucun doute, il souhaiterait un pareil bonheur à sa mère, si la chose était possible; mais supposons qu’on lui demande après cela s’il voudrait que parmi ces honneurs divins on mêlât les chants obscènes de Cybèle. Ne s’écriera-t-il pas qu’il aimerait mieux pour sa mère qu’elle fût morte et privée de tout sentiment que d’être déesse pour se complaire à ces infamies ? Quelle apparence, en effet, qu’un sénateur romain, assez sévère de mœurs pour avoir empêché qu’on ne bâtît un théâtre dans une ville qu’il voulait peuplée d’hommes forts, souhaitât pour sa mère un culte qui fait accueillir avec faveur par une déesse des paroles dont une matrone se regarderait comme offensée ?


Assurément il ne croirait point qu’une femme d’honneur, en devenant déesse, eût perdu à ce point la modestie, ni qu’elle pût écouter avec plaisir, de la bouche de ses adorateurs, des mots tellement impurs que si elle en eût entendu de pareils de son vivant, sans se boucher les oreilles et se retirer, ses proches, son mari et ses enfants eussent été obligés d’en rougir pour elle. Ainsi , cette mère des dieux, que le dernier des hommes refuserait d’avouer pour sa mère, voulant capter l’esprit des Romains, désigna pour venir au-devant d’elle le premier des citoyens, non pour le confirmer dans sa vertu par ses conseils et son assistance, mais pour le tromper par ses artifices, semblable à cette femme dont  il est écrit: "Elle s’efforce de dérober aux hommes leur bien le plus précieux, qui est leur âme1".


Que désirait-elle autre chose, en effet, en désignant Scipion, si ce n’est que ce grand homme, exalté par le témoignage d’une déesse, et se croyant arrivé au comble de la perfection, vînt à négliger désormais la vraie piété et la vraie religion, sans lesquelles pourtant le plus noble caractère tombe dans l’orgueil et se perd ? Et comment ne pas attribuer le choix fait par cette déesse à un dessein insidieux, quand on la voit se complaire dans ses fêtes à des obscénités que les honnêtes gens auraient horreur de supporter dans leurs festins ?




1. Saint Augustin s’appuie peut-être ici mentalement sur l’explication que donne
    Cicéron des apothéoses: De Nat. deor, lib. II, cap. 2, et lib. III, cap. 14.

1. Proverbes  VI, 26.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Ven 22 Mai 2015, 10:05 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. VI a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE VI.

LES DIEUX DES PAÏENS NE LEUR ONT JAMAIS

ENSEIGNÉ LES PRÉCEPTES D’UNE VIE HONNÊTE.  




C’est pour cela que ces divinités n’ont pris aucun soin pour régler les mœurs des cités et des peuples qui les adoraient, ni pour les préserver par de terribles et salutaires défenses de ces maux effroyables qui ont leur siège, non dans les champs et les vignes, non dans les maisons et les trésors, non dans le corps, qui est soumis à l’esprit; mais dans l’esprit même qui gouverne le corps. Dira-t-on que les dieux défendaient de mal vivre ? Qu’on le montre, qu’on le prouve. Et il ne s’agit pas ici de nous vanter je ne sais quelles traditions secrètes murmurées à l’oreille d’un petit nombre d’initiés par une religion mystérieuse, amie prétendue de la chasteté et de la vertu; qu’on nous cite, qu’on désigne les lieux, les assemblées, ou, à la place de ces fêtes impudiques, de ces chants et de ces postures d’histrions obscènes, à la place de ces Fugalies2 honteuses (vraiment faites pour mettre en fuite la pudeur et l’honnêteté), en un mot, à la place de toutes ces turpitudes, on ait enseigné au peuple, au nom des dieux, à réprimer l’avarice, à contenir l’ambition, à brider l’impudicité, à suivre enfin tous les préceptes que rappelle Perse en ces vers énergiques:


"Instruisez-vous, misérables mortels, et apprenez les raisons des choses, ce que nous sommes, le but de la vie et sa loi, la pente glissante qui nous entraîne au mal, la modération dans l’amour des richesses, les désirs légitimes, l’usage utile de l’argent, la générosité qui sied à l’honnête homme envers la patrie et ses proches, enfin ce que chacun doit être dans le poste où Dieu l’a placé1".


Qu’on nous dise en quels lieux on faisait entendre ces préceptes comme émanés de la bouche des dieux, en quels lieux on habituait le peuple à les écouter, comme cela se fait dans nos églises partout où la religion chrétienne a pénétré.




2. Que faut-il penser de ces Fugalies ? Sont-ce les fêtes instituées en souvenir de l’expulsion des rois, comme le conjecture un commentateur, ou bien faut-il croire à quelque méprise de Saint Augustin ?
1. Satires, III, V. 66-72.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Ven 22 Mai 2015, 10:14 am

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. VII a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE VII.

LES MAXIMES INVENTÉES PAR LES PHILOSOPHES NE POUVAIENT SERVIR  À RIEN,

ÉTANT DÉPOURVUES D’AUTORITÉ DIVINE ET S’ADRESSANT À UN PEUPLE PLUS PORTÉ

À SUIVRE LES EXEMPLES DES DIEUX QUE LES MAXIMES DES RAISONNEURS.  




On nous alléguera peut-être les systèmes et les controverses des philosophes. Je répondrai d’abord que ce n’est point Rome, mais la Grèce qui leur a donné naissance; et si l’on persiste à vouloir en faire honneur à Rome, sous prétexte que la Grèce a été réduite en province romaine; je dirai alors que les systèmes philosophiques ne sont point l’ouvrage des dieux, mais de quelques hommes doués d’un esprit rare et pénétrant, qui ont entrepris de découvrir par la raison la nature des choses, la règle des mœurs, enfin les conditions de l’usage régulier de la raison elle-même, tantôt fidèle et tantôt infidèle à ses propres lois.


Aussi bien, parmi ces philosophes, quelques-uns ont découvert de grandes choses, soutenus qu’ils étaient par l’appui divin; mais, arrêtés dans leur essor par la faiblesse humaine, ils sont tombés dans l’erreur;  juste répression de la divine Providence, qui a voulu surtout punir leur orgueil, et montrer, par l’exemple de ces esprits puissants, que la véritable voie pour monter aux régions supérieures, c’est l’humilité.


Mais le moment viendra plus tard, s’il plaît au vrai Dieu notre Seigneur, de traiter cette matière et de la discuter à fond2. Quoi qu’il en soit, s’il est vrai que, les philosophes aient découvert des vérités capables de donner à l’homme la vertu et le bonheur, n’est-ce point à eux qu’il eût fallu, pour être plus juste, décerner les honneurs divins ? Combien serait-il plus convenable et plus honnête de lire les livrés de Platon, dans un temple consacré à ce philosophe, que de voir des prêtres de Cybèle1 se mutiler dans le temple des démons, des efféminés s’y faire consacrer, des insensés s’y inciser le corps, cérémonies cruelles, honteuses, cruellement honteuses, honteusement cruelles, qui sont chaque jour célébrées en l’honneur des dieux ?


Combien aussi serait-il plus utile, pour former la jeunesse à la vertu, de lire publiquement de bonnes lois, au nom des dieux, que de louer vainement celles des ancêtres ! En effet, tous les adorateurs de dieux pareils, lorsque le poison brûlant de la passion, comme dit Perse2, s’est insinué dans leur âme, peu leur importe ce qu’enseignait Platon ou ce que Platon censurait, ils regardent ce que faisait Jupiter. De là ce jeune débauché de Térence qui, jetant les yeux sur le mur de la salle, et y voyant une peinture où Jupiter fait couler une pluie d’or dans le sein de Danaé, se sert d’un si grand exemple pour autoriser ses désordres, et se vanter d’imiter Dieu: "Et quel Dieu ? Celui qui ébranle de son tonnerre les temples du ciel. Certes, je n’en ferais pas autant, moi, chétif mortel, mais, pour le reste, je l’ai fait, et de grand cœur"3




2. Voyez plus bas les livres VIII, IX et X, particulièrement destinés à combattre les philosophes.
1. Sur ces prêtres nommés Galles, voyez plus loin, liv. VI, ch. 7, et liv. VII, ch. 25 et 26.
2. Perse, Satires, III, v. 37.
3.Térence, Eunuque, act. III, sc. 5, V. 36 et 37, 42 et 43.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Sam 23 Mai 2015, 3:46 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. VIII a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE VIII.

LES JEUX SCÉNIQUES, OÙ SONT ÉTALÉES TOUTES LES TURPITUDES

DES DIEUX, LOIN DE LEUR DÉPLAIRE, SERVENT À LES APAISER.  




Mais, dira-t-on, ce sont là des inventions de foules, et non les enseignements de la religion. Je ne veux pas répondre que ces enseignements sont encore plus scandaleux; je me contente de prouver, l’histoire à la main, que ces jeux solennels, où l’on représente les fictions des poètes, n’ont pas été introduits dans les fêtes des dieux par l’ignorance et la superstition des Romains, mais que ce sont les dieux eux-mêmes, comme je l’ai indiqué au livre précédent, qui ont prescrit de les célébrer, et les ont pour ainsi dire violemment imposés par la menace.


C’est, en effet, au milieu des ravages croissants d’une peste que les jeux scéniques furent institués à Rome pour la première fois par l’autorité des pontifes. Or, quel est celui qui, pour la conduite de sa vie, ne se conformera pas de préférence aux exemples donnés par les dieux dans les cérémonies  consacrées par la religion, qu’aux préceptes inscrits dans les lois par une sagesse toute profane ? Si les foules ont menti, quand ils ont représenté Jupiter adultère, des dieux vraiment chastes auraient dû se courroucer et se venger d’un pareil scandale, au lieu de l’encourager et de le prescrire. Et cependant, ce qu’il y a de plus supportable dans ces jeux scéniques, ce sont les comédies et les tragédies, c’est-à-dire ces pièces imaginées par les poètes, où l’immoralité des actions n’est pas du moins aggravée par l’obscénité des paroles1, ce qui fait comprendre qu’on leur donne place dans l’étude des belles-lettres, et que des personnes d’âge en imposent la lecture aux enfants.



1. Comme par exemple dans les Atellanes, pièces populaires et bouffonnes dont les anciens eux-mêmes ont blâmé l’obscénité.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
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Message  ROBERT. Sam 23 Mai 2015, 3:50 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. IX a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE IX.


LES ANCIENS ROMAINS JUGEAIENT NÉCESSAIRE DE RÉPRIMER LA LICENCE

DES POÈTES, À LA DIFFÉRENCE DES GRECS QUL NE LEUR IMPOSAIENT

AUCUNE LIMITE, SE CONFORMANT EN CE POINT À LA VOLONTÉ DES DIEUX.



Si l’on veut savoir ce que pensaient à cet égard les anciens Romains, il faut consulter Cicéron qui, dans son traité De la République2,  fait parler Scipion3 en ces termes: "Jamais la comédie, si l’habitude des mœurs publiques ne l’avait autorisée, n’aurait pu faire goûter les infamies qu’elle étalait sur le théâtre4" . Les Grecs du moins étaient conséquents dans leur extrême licence, puisque leurs lois permettaient à la comédie de tout dire sur tout citoyen et en l’appelant par son nom. Aussi, comme dit encore Scipion dans le même ouvrage: "Qui n’a-t-elle pas atteint ? Ou plutôt, qui n’a-t-elle pas déchiré ? A qui fit-elle grâce ? Qu’elle ait blessé des flatteurs populaires, des citoyens malfaisants, séditieux, Cléon, Cléophon, Hyperbolus 5, à la bonne heure; bien que, pour de tels hommes, la censure du magistrat vaille mieux que celle du poète. Mais que Périclès, gouvernant la république depuis tant d’années avec le plus absolu crédit, dans la paix ou dans la guerre, soit outragé par des vers, et qu’on les récite sur la scène, cela n’est pas moins étrange que si, parmi nous, Plaute et Névius se fussent avisés de médire de Publius et de Cnéus Scipion, ou Cécilius de Caton".


Et il ajoute un peu après: "Nos lois des douze Tables, au contraire, si attentives à ne porter la peine de mort que pour un bien petit nombre de faits, ont compris dans cette classe le délit d’avoir récité publiquement ou d’avoir composé des vers qui attireraient sur autrui le déshonneur et l’infamie; et elles ont sagement décidé, car notre vie doit être soumise à la sentence des tribunaux, à l’examen légitime des magistrats, et non pas aux fantaisies des poètes; et nous ne devons être exposés à entendre une injure qu’avec le droit d’y répondre et de nous défendre devant la justice".


Il est aisé de voir combien tout ce passage du quatrième livre de la République de Cicéron, que je viens de citer textuellement (sauf quelques mots omis ou modifiés), se rattache étroitement à la question que je veux éclaircir. Cicéron ajoute beaucoup d’autres réflexions, et conclut en montrant fort bien que les anciens Romains ne pouvaient souffrir qu’on louât ou qu’on blâmât sur la scène un citoyen vivant. Quant aux Grecs, qui autorisèrent cette licence, je répète, tout en la flétrissant, qu’on y trouve une sorte d’excuse, quand on considère qu’ils voyaient leurs dieux prendre plaisir au spectacle de l’infamie des hommes et de leur propre infamie, soit que les actions qu’on leur attribuait fussent de l’invention des poètes, soit qu’elles fussent véritables; et plût à Dieu que les spectateurs n’eussent fait qu’en rire, au lieu de les imiter! Au fait, c’eût été un peu trop superbe d’épargner la réputation des principaux de la ville et des simples citoyens, pendant que les dieux sacrifiaient la leur de si bonne grâce.




2. On sait que ce grand ouvrage est perdu aux trois quarts, même après les découvertes d’Angelo Maio.
   Le quatrième livre, cité ici par saint Augustin, est un de ceux dont il nous reste le moins de débris.
3. Le Scipion de la République est Scipion Emilien, le destructeur de Numance et de Carthage.
4. Cicéron, De la République, livre IV, trad. de M. Villemain.
5. Voyez les comédies d’Aristophane.




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Message  ROBERT. Sam 23 Mai 2015, 3:52 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. X a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE X.

C’EST UN TRAIT DE LA PROFONDE MALICE DES DÉMONS, DE VOULOIR

QU’ON LEUR ATTRIBUE DES CRIMES, SOIT VÉRITABLES, SOIT SUPPOSÉS.




On allègue pour excuse que ces actions attribuées aux dieux ne sont pas véritables, mais supposées. Le crime alors n’en serait que plus énorme, si l’on consulte les notions de la vraie piété et de la vraie religion; et si l’on considère la malice des démons, quel art profond pour tromper les hommes ! Quand on diffame un des premiers de l’État qui sert honorablement son pays, cette attaque n’est-elle pas d’autant plus inexcusable qu’elle est plus éloignée de la vérité ? Quel supplice ne méritent donc pas ceux qui font à Dieu une injure si atroce et si éclatante !


Au reste, ces esprits du mal, que les païens prennent pour des dieux, n’ont d’autre but, en se laissant attribuer de faux crimes, que de prendre les âmes dans ces fictions comme dans des filets, et de les entraîner avec eux dans le supplice où ils sont prédestinés; soit que des hommes qu’ils se plaisent à faire passer pour des dieux, afin de recevoir à leur place par mille artifices les adorations des mortels, aient en effet commis ces crimes, soit qu’aucun homme n’en étant coupable, ils prennent plaisir à les voir imputer aux dieux, pour donner ainsi aux actions les plus méchantes celles plus honteuses, l’autorité du ciel. C’est ainsi que les Grecs, esclaves de ces fausses divinités, n’ont pas cru que les poètes dussent les épargner eux-mêmes sur la scène, ou par le désir de se rendre en cela semblables à leurs dieux, ou par la crainte de les offenser, s’ils se montraient jaloux d’avoir une renommée meilleure que la leur.




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à suivre…
gras et soulignés ajoutés.

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La Cité de Dieu  (SAINT AUGUSTIN)  Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet) - Page 2 Empty Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)

Message  ROBERT. Dim 24 Mai 2015, 12:32 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. XI a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE XI.

LES GRECS ADMETTAIENT LES COMÉDIENS À L’EXERCICE DES FONCTIONS

PUBLIQUES, CONVAINCUS QU’IL Y AVAIT DE L’INJUSTICE À  MÉPRISER

DES HOMMES DONT L’ART APAISAIT LA COLÈRE DES DIEUX.  



Les Grecs furent encore très conséquents avec eux-mêmes quand ils jugèrent les comédiens dignes des plus hautes charges de l’État. Nous apprenons, en effet, par Cicéron, dans ce même traité De la République, que l’athénien Eschine, homme très-éloquent, après avoir joué la tragédie dans sa jeunesse, brigua la suprême magistrature, et que les Athéniens envoyèrent souvent le comédien Aristodème en ambassade vers Philippe, pour traiter les affaires les plus importantes de la paix et de la guerre. Voyant leurs dieux accueillir avec complaisance les pièces de théâtre, il ne leur paraissait pas raisonnable de mettre au rang des personnes infâmes ceux qui servaient à les représenter. Nul doute que tous ces usages des Grecs ne fussent très scandaleux, mais nul doute aussi qu’ils ne fussent en harmonie avec le caractère de leurs dieux; car comment auraient-ils empêché les poètes et les acteurs de déchirer les citoyens, quand ils les entendaient diffamer leurs dieux avec l’approbation de ces dieux mêmes ? Et comment auraient-ils méprisé, ou plutôt comment n’auraient-ils pas élevé aux premiers emplois ceux qui représentaient sur le théâtre des pièces qu’ils savaient agréables aux dieux ?


Eût-il été raisonnable, tandis qu’on avait les prêtres en honneur, parce qu’ils attirent sur les hommes la protection des dieux en leur immolant des victimes, de noter d’infamie les comédiens qui, en jouant des pièces de théâtre, ne faisaient autre chose que satisfaire au désir des dieux et prévenir l’effet de leurs menaces, d’après la déclaration expresse des prêtres eux-mêmes ? Car nous savons que Labéon1, dont l’érudition fait autorité en cette matière, distingue les bonnes divinités d’avec les mauvaises, et veut qu’on leur rende un culte différent, conseillant d’apaiser les mauvaises par des sacrifices sanglants et par des prières funèbres, et de se concilier les bonnes par des offrandes joyeuses et agréables, comme les jeux, les festins et les lectisternes2.


Nous discuterons plus tard, s’il plaît à Dieu, cette distinction de Labéon; mais, pour n’en dire en ce moment que ce qui touche à notre sujet, soit que l’on offre indifféremment toutes choses à tous les dieux comme étant tous bons (car des dieux ne sauraient être mauvais, et ceux des païens ne sont tels que parce qu’ils sont tous des esprits immondes), soit que l’on mette quelque différence, comme le veut Labéon, dans les offrandes qu’on présente aux différents dieux, c’est toujours avec raison que les Grecs honorent les comédiens qui célèbrent les jeux, à l’égal des prêtres qui offrent des victimes, de peur de faire injure à tous les dieux, si tous aiment les jeux du théâtre, ou, ce qui serait plus grave encore, aux dieux réputés bons, s’il n’y a que ceux-là qui les voient avec plaisir.




1. On connaît trois Labéons, tous célèbres par leur science en droit civil.
  Celui que cite ici saint Augustin est le plus célèbre de tous, Antiettus Labéon, qui vivait du temps d’Auguste.
  Voyez Suétone, ch. 54; et Aulu-Gelle, liv. I, ch. 12, et liv. XIII, ch. 10 et 12.
2. Lectisternia. Cette cérémonie consistait à dresser dans les temples de petits lits,
    sur lesquels on plaçait toutes sortes de viandes, avec les images des dieux.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.

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Message  ROBERT. Dim 24 Mai 2015, 12:40 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. XII a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE XII.

LES ROMAINS, EN INTERDISANT AUX POÈTES D’USER CONTRE

LES HOMMES D’UNE LIBERTÉ QU’ILS LEUR DONNAIENT CONTRE

LES DIEUX, ONT EU MOINS BONNE OPINION DES DIEUX QUE D’EUX-MÊMES.    




Les Romains ont tenu à cet égard une conduite toute différente, comme s’en glorifie Scipion dans le dialogue déjà cité De la République. Loin de consentir à ce que leur vie et leur réputation fussent exposées aux injures et aux médisances des poètes, ils prononcèrent la peine capitale contre ceux qui oseraient composer des vers diffamatoires. C’était pourvoir à merveille au soin de leur honneur, mais c’était aussi se conduire envers les dieux d’une façon bien superbe et bien impie; car enfin ils voyaient ces dieux supporter avec patience et même écouter volontiers les injures et les sarcasmes que leur adressaient les poètes, et, malgré cet exemple, ils ne crurent pas de leur dignité de supporter des insultes toutes pareilles; de sorte qu’ils établirent des lois pour s’en garantir au moment même où ils permettaient que l’outrage fît partie des solennités religieuses.


O Scipion ! Comment pouvez-vous louer les Romains d’avoir défendu aux poètes d’offenser aucun citoyen, quand vous voyez que ces mêmes poètes n’ont épargné aucun de vos dieux ! Avez-vous estimé si haut la gloire du sénat comparée à celle du dieu du Capitole, que dis-je ? la gloire de Rome seule mise en balance avec celle de tout le ciel, que vous ayez lié par une loi expresse la langue médisante des poètes, si elle était dirigé contre un de vos concitoyens, tandis que vous la laissiez libre de lancer l’insulte à son gré contre tous vos dieux, sans que personne, ni sénateur, ni censeur, ni prince du sénat, ni pontife, eût le droit de s’y opposer ? Quoi !  Il vous a paru scandaleux que Plaute ou Névius pussent attaquer les Scipions, ou que Caton fût insulté par Cécilius, et vous avez trouvé bon que votre Térence1 excitât les jeunes gens au libertinage par l’exemple du grand Jupiter !




1. Bien que Térence fût Africain par sa naissance, saint Augustin le considère
   ici comme tout Romain par son éducation et ses amitiés, comme par ses ouvrages.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras et soulignés ajoutés.

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Vers diffamatoires ?  Plus l'esprit du monde change, plus il est pareil !  Shocked
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Message  ROBERT. Dim 24 Mai 2015, 12:50 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. XIII a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE XIII.

LES ROMAINS AURAIENT DU COMPRENDRE QUE DES DIEUX CAPABLES DE SE COMPLAIRE

À DES JEUX INFÂMES N’ÉTAIENT PAS DIGNES DES HONNEURS DIVINS.  




Scipion, s’il vivait, me répondrait peut-être: Comment ne laisserions-nous pas impunies des injures que les dieux eux-mêmes ont consacrées, puisque ces jeux scéniques, où on les fait agir et parler d’une manière si honteuse, ont été institués en leur honneur et sont entrés dans les mœurs de Rome par leur commandement formel ? — A quoi je réplique en demandant à mon tour comment cette conduite des dieux n’a pas fait comprendre aux Romains qu’ils n’avaient point affaire à des dieux véritables, mais à des démons indignes de recevoir d’une telle république les honneurs divins ? Assurément, il n’eût point été convenable, ni le moins du monde obligatoire de leur rendre un culte, s’ils eussent exigé des cérémonies injurieuses à la gloire des Romains; comment dès lors, je vous prie, a-t-on pu juger dignes d’adoration ces esprits de mensonge dont la méprisable impudence allait jusqu’à demander que le tableau de leurs crimes fit partie de leurs honneurs ?


Aussi, quoique assez aveuglés par la superstition pour adorer ces divinités étranges qui prétendaient donner un caractère sacré aux infamies du théâtre, les Romains, par un sentiment de pudeur et de dignité, refusèrent aux comédiens les honneurs que leur accordaient les Grecs. C’est ce que déclare Cicéron par la bouche de Scipion: "Regardant, dit-il, l’art des comédiens et le théâtre en général comme infâmes, les Romains ont interdit aux gens de cette espèce l’honneur des emplois publics; bien plus, ils les ont fait exclure de leur tribu par une note du censeur1".Voilà, certes, un règlement [d’une] de la sagesse des Romains; mais j’aurais voulu que tout le reste y eût répondu et qu’ils eussent été conséquents avec eux-mêmes. Qu’un citoyen romain, quel qu’il fût, du moment qu’il se faisait comédien, fût exclu de tout honneur public, que le censeur ne souffrît même pas qu’il demeurât dans sa tribu, cela est admirable, cela est digne d’un peuple dont la grande âme adorait la gloire, cela est vraiment romain !  


Mais qu’on me dise s’il y avait quelque raison et quelque conséquence à exclure les comédiens de tout honneur, tandis que les comédies faisaient partie des honneurs des dieux. Longtemps la vertu romaine n’avait pas connu ces jeux du théâtre2, et s’ils eussent été recherchés par goût du plaisir, on aurait pu en expliquer l’usage par le relâchement des moeurs ; mais non, ce sont les dieux qui ont ordonné de les célébrer. Comment donc flétrir le comédien par qui l’on honore le dieu ? Et de quel droit noter d’infamie l’acteur d’une scène honteuse si l’on en adore le promoteur? Voilà donc la dispute engagée entre les Grecs et les Romains. Les Grecs croient qu’ils ont raison d’honorer les comédiens, puisqu’ils adorent des dieux avides de comédies; les Romains, au contraire, pensent que la présence d’un comédien serait une injure pour une tribu de plébéiens, et à plus forte raison pour le sénat.



La question ainsi posée, voici un syllogisme qui termine tout. Les Grecs en fournissent la majeure: si l’on doit adorer de tels dieux, il faut honorer de tels hommes. La mineure est posée par les Romains: or, il ne faut point honorer de tels hommes. Les chrétiens tirent la conclusion: donc, il ne faut point adorer de tels dieux.



1. Comparez Tite-Live, lib. XIV, cap. 15, et Tertullien De Spectac. , cap. 22.
2. Ils ne furent, en effet, institués que l’an de Rome 392. Voyez Tite-Live, lib. VII cap. 2.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras, police, soulignés
et caractères ajoutés.

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Message  ROBERT. Lun 25 Mai 2015, 1:48 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. XIV a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE XIV.

PLATON, EN EXCLUANT LES POÈTES D’UNE CITÉ BIEN GOUVERNÉE,

S’EST MONTRÉ SUPÉRIEUR À CES DIEUX QUI VEULENT ÊTRE

HONORÉS PAR DES JEUX SCÉNIQUES.    




Je demandé encore pourquoi les auteurs de pièces de théâtre, à qui la loi des douze Tables défend de porter atteinte à la réputation des citoyens et qui se permettent de lancer l’outrage aux dieux, ne partagent point l’infamie des comédiens. Quelle raison et quelle justice y a-t-il, quand on couvre d’opprobre les acteurs de ces pièces honteuses et impies, à en honorer les auteurs ? C’est ici qu’il faut donner la palme à un Grec, à Platon, qui, traçant le modèle idéal d’une république parfaite, en a chassé les poètes1, comme des ennemis de la vérité. Ce philosophe ne pouvait souffrir ni les injures qu’ils osent prodiguer aux dieux, ni le dommage que leurs fictions causent aux mœurs.


Comparez maintenant Platon, qui n’était qu’on homme, chassant les poètes de sa république pour la préserver de l’erreur, avec ces dieux, dont la divinité menteuse voulait être honorée par des jeux scéniques. Celui-là s’efforce, quoique inutilement, de détourner les Grecs légers et voluptueux de la composition de ces honteux ouvrages; ceux-là en extorquent la représentation à la pudeur des graves Romains. Et il n’a pas suffi aux dieux du paganisme que les pièces du théâtre fussent représentées, il a fallu les leur dédier, les leur consacrer, les célébrer solennellement en leur honneur. A qui donc, je vous prie, serait-il plus convenable de décerner les honneurs divins: à Platon, qui s’est opposé au scandale, ou aux démons qui l’ont voulu, abusant ainsi les hommes que Platon s’efforça vainement de détromper ?


Labéon a cru devoir inscrire ce philosophe au rang des demi-dieux, avec Hercule et Romulus. Or, les demi-dieux sont supérieurs aux héros, bien que les uns et les autres soient au nombre des divinités. Pour moi, je n’hésite pas à placer celui qu’il appelle un demi-dieu non-seulement au-dessus des héros, mais au-dessus des dieux mêmes. Quoi qu’il en soit, les lois romaines approchent assez des sentiments de Platon; si, en effet, Platon condamne les poètes et toutes leurs fictions, les Romains leur ôtent du moins la liberté de médire des hommes; si celui-là les bannit de la cité, ceux-ci excluent du nombre des citoyens ceux qui représentent leurs pièces, et les chasseraient probablement tout à fait s’ils ne craignaient la colère de leurs dieux.


Je conclus de là que les Romains ne peuvent recevoir de pareilles divinités ni même en espérer des lois propres à former les bonnes mœurs et à corriger les mauvaises, puisque les institutions qu’ils ont établies par une sagesse tout humaine surpassent et accusent celle des dieux. Les dieux, en effet, demandent des représentations théâtrales: les Romains excluent de tout honneur civil les hommes de théâtre. Ceux-là commandent qu’on étale sur la scène leur propre infamie: ceux-ci défendent de porter atteinte à la réputation des citoyens. Quant à Platon, il paraît ici comme un vrai demi-dieu, puisqu’il s’oppose au caprice insensé des divinités païennes et fait voir en même temps aux Romains ce qui manquait à leurs lois; convaincu, en effet, que les poètes ne pouvaient être que dangereux, soit en défigurant la vérité dans leurs fictions, soit en proposant à l’imitation des faibles humains les plus détestables exemples donnés par les dieux, il déclara qu’il fallait les bannir sans exception d’un État réglé selon la sagesse.


S’il faut dire ici le fond de notre pensée, nous ne croyons pas que Platon soit un dieu ni un demi-dieu; nous ne le comparons à aucun des saints anges ou des vrais prophètes de Dieu, ni à aucun apôtre ou martyr de Jésus-Christ, ni même à aucun chrétien; et nous dirons ailleurs, avec la grâce de Dieu, sur quoi se fonde notre sentiment; mais puisqu’on en veut faire un demi-dieu1, nous déclarons volontiers que nous le croyons supérieur, sinon à Hercule et à Romulus (bien qu’il n’ait pas tué son frère et qu’aucun poète ou historien ne lui impute aucun autre crime), du moins à Priape, ou à quelque Cynocéphale2, ou enfin à la Fièvre3, divinités ridicules que les Romains ont reçues des étrangers ou dont le culte est leur propre ouvrage.


Comment donc de pareils dieux seraient-ils capables de détourner ou de guérir les maux qui souillent les âmes et corrompent les mœurs, eux qui prennent soin de répandre et de cultiver la semence de tous les désordres en ordonnant de représenter sur la scène leurs crimes véritables ou supposés, comme pour enflammer à plaisir les passions mauvaises et les autoriser de l’exemple du ciel ! C’est ce qui fait dire à Cicéron, déplorant vainement la licence des poètes: "Ajoutez à l’exemple des dieux les cris d’approbation du peuple, ce grand maître de vertu et de sagesse, quelles ténèbres vont se répandre dans les âmes! Quelles frayeurs les agiter ! Quelles passions s’y allumer4"




1. Voyez la République de Platon, livres II et, III, et les Lois, livres II et VII.
   — Platon s’y élève en effet avec une [fougue] admirable contre les travestissements que les poètes font subir à la divinité,
        mais il ne bannit expressément de la république idéale que la poésie dramatique, et dans la république réelle des Lois,
        il se contente de la soumettre à la censure.
1. Selon Varron, les demi-dieux, nés d’une divinité et d’un être mortel, tiennent un rang intermédiaire entre les dieux immortels et les héros.
2. Les Cynocéphales sont des dieux égyptiens, représentés avec une tête de chien.
3. La Fièvre avait à Rome trois temples. Voyez Cicéron, De Nat deor., lib. III, cap. 25; et Valère Maxime, lib. II, cap. 5, § 6.
4. Cicéron, De repupl., lib. V. — Comp. Tusculanes, s. II, 2.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.

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Message  ROBERT. Lun 25 Mai 2015, 1:53 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. XV a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE XV.

LES ROMAINS SE SONT DONNÉ CERTAINS

DIEUX, NON PAR RAISON, MAIS PAR VANITÉ.  




Mais n’est-il pas évident que c’est la vanité plutôt que la raison qui les a guidés dans le choix de leurs fausses divinités? Ce grand Platon, dont ils font un demi-dieu, qui a consacré de si importants ouvrages à combattre les maux les plus funestes, ceux de l’âme qui corrompent les mœurs, Platon n’a pas été jugé digne d’une simple chapelle; mais pour leur Romulus, ils n’ont pas manqué de le mieux traiter que les dieux, bien que leur doctrine secrète le place au simple rang de demi-dieu.


Ils sont allés jusqu’à lui donner un flamine, c’est-à-dire un de ces prêtres tellement considérés chez les Romains, comme le marquait le signe particulier de leur coiffure1, que trois divinités seulement en avaient le privilège, savoir: Jupiter, Mars et Romulus ou Quirinus, car ce fut le nom que donnèrent à Romulus ses concitoyens quand ils lui ouvrirent en quelque façon la porte du ciel. Ainsi, ce fondateur de Rome a été préféré à Neptune et à Pluton, frères de Jupiter, et même à Saturne, père de ces trois dieux; on lui a décerné le même honneur qu’à Jupiter; et si cet honneur a été étendu à Mars, c’est probablement parce qu’il était père de Romulus.




1. Ce signe était l’apex, baguette environnée de laine que les flamines portaient à l’extrémité de leur bonnet.
   Voyez Servius, ad Aeneid., lib. II, V. 683, et lib. VIII, V 654.
 — Valère Maxime raconte ( lib. I, cap. 1, § 4), que le flamine Sulpicius perdit sa dignité
  pour avoir laissé l’apex tomber de sa tête pendant le sacrifice.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…

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Message  ROBERT. Lun 25 Mai 2015, 1:56 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. XVI a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE XVI.


SI LES DIEUX AVAIENT EU LE MOINDRE SOUCI DE FAIRE RÉGNER LA JUSTICE,

ILS AURAIENT DONNÉ AUX ROMAINS DES PRÉCEPTES ET DES LOIS,

AU LIEU DE LES LEUR LAISSER EMPRUNTER AUX NATIONS ÉTRANGÈRES.



Si les Romains avaient pu recevoir des lois de leurs dieux, auraient-ils emprunté aux Athéniens celles de Solon, quelques années2après la fondation de Rome ? Et encore ne les observèrent-ils pas telles qu’ils les avaient reçues, mais ils s’efforcèrent de les rendre meilleures. Je sais que Lycurgue avait feint d’avoir reçu les siennes d’Apollon, pour leur donner plus d’autorité sur l’esprit des Spartiates3; mais les Romains eurent la sagesse de n’en rien croire  et de ne point puiser à cette source. On rapporte à Numa Pompilius, successeur de Romulus, l’établissement de plusieurs lois, parmi lesquelles un certain nombre qui réglaient beaucoup de choses religieuses; mais ces lois étaient loin de suffire à la conduite de l’État, et d’ailleurs on ne dit pas que Numa les eût reçues des dieux. Ainsi donc, pour ce qui regarde les maux de l’âme, les maux de la conduite humaine, les maux qui corrompent les mœurs, maux si graves que les plus éclairés parmi les païens ne croient pas qu’un État y puisse résister, même quand les villes restent debout1, pour tous les maux de ce genre, les dieux n’ont pris aucun souci d’en préserver leurs adorateurs; bien au contraire, comme nous l’avons établi plus haut, ils ont tout fait pour les aggraver.



2. Ce ne fut que trois cents ans après la fondation de Borne, selon Tite-Live, lib. III, cap. 33, 34.
3. Voyez Xénophon, De republ. Laced., cap. 8.
1. Saint Augustin fait peut-être allusion au beau passage de Plaute (Persa, act. w, se. 4, y. 11-14).




Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…

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Message  ROBERT. Mar 26 Mai 2015, 2:31 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. XVII a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE XVII.

DE L’ENLÈVEMENT DES SABINES, ET DES AUTRES INIQUITÉS COMMISES

PAR LES ROMAINS AUX TEMPS LES PLUS VANTÉS DE LA RÉPUBLIQUE.




On dira peut-être que si les dieux n’ont pas donné de lois aux Romains, c’est que "le caractère de ce peuple, autant que ses lois, comme dit Salluste2, le rendait bon et équitable1". Un trait de ce caractère, ce fut, j’imagine, l’enlèvement des Sabines. Qu’y a-t-il, en effet, de plus équitable et de meilleur que de ravir par force, au gré de chacun, des filles étrangères, après les avoir attirées par l’appât trompeur d’un spectacle ? Parlons sérieusement: si les Sabins étaient injustes en refusant leurs filles, combien les Romains étaient-ils plus injustes en les prenant sans qu’on les leur accordât ? Il eût été plus juste de faire la guerre au peuple voisin pour avoir refusé d’accorder ses filles, que pour avoir redemandé ses filles ravies.


Mieux eût donc valu que Romulus se fût conduit de la sorte; car il n’est pas douteux que Mars n’eût aidé son fils à venger un refus injurieux et à parvenir ainsi à ses fins. La guerre lui eût donné une sorte de droit de s’emparer des filles qu’on lui refusait injustement, au lieu que la paix ne lui en laissait aucun de mettre la main sur des filles qu’on ne lui accordait pas; et ce fut une injustice de faire la guerre à des parents justement irrités. Heureusement pour eux, les Romains, tout en consacrant par les jeux du cirque3 le souvenir de l’enlèvement des Sabines, ne pensèrent pas que ce fût un bon exemple à proposer à la république. Ils firent, à la vérité, la faute d’élever au rang des dieux Romulus, l’auteur de cette grande iniquité; mais on ne peut leur reprocher de l’avoir autorisée par leurs lois ou par leurs mœurs.


Quant à l’équité et à la bonté naturelles de leur caractère, je demanderai s’ils en donnèrent une preuve après l’exil de Tarquin. Ce roi, dont le fils avait violé Lucrèce, ayant été chassé de Rome avec ses enfants, le consul Junius Brutus força le mari de Lucrèce, Tarquin Collatin, qui était son collègue et l’homme le plus excellent et le plus innocent du monde, à se démettre de sa charge et même à quitter la ville, par cela seul qu’il était parent des Tarquins et en portait le nom. Et le peuple favorisa ou souffrit cette injustice, quoique ce fût lui qui eût fait Collatin consul aussi bien que Brutus1.  Je demanderai encore si les Romains montrèrent cette équité et cette bonté tant vantées dans leur conduite à l’égard de Camille.


Après avoir vaincu les Véïens, les plus redoutables ennemis de Rome, ce héros qui termina, après dix ans, par la prise de la capitale ennemie, une guerre sanglante où Rome avait été mise à deux doigts de sa perte, fut appelé en justice par la haine de ses envieux et par l’insolence des tribuns du peuple, et trouva tant d’ingratitude chez ses concitoyens qu’il s’en alla volontairement en exil, et fut même condamné en son absence à dix mille as d’amende, lui qui allait devenir bientôt pour la seconde fois, en chassant les Gaulois, le vengeur de son ingrate patrie2. Mais il serait trop long de rapporter ici toutes les injustices et toutes les bassesses dont Rome fut le théâtre, à cette époque de discorde, où les patriciens s’efforçant de dominer sur le peuple, et le peuple s’agitant pour secouer le joug, les chefs des deux partis étaient assurément beaucoup plus animés par le désir de vaincre que par l’amour du bien et de l’équité.





1. Saint Augustin fait peut-être allusion au beau passage de Plaute (Persa, act. w, se. 4, y. 11-14).
2. Salluste, Catilina, ch. 9.
3. Ces jeux annuels, consacrés à Neptune, s’appelaient Consualia, de Consus, nom de Neptune équestre.
   Voyez Tite-Live, lib. I, cap. 9, et Varron, De ling. lat., lib. VI, § 20.
1. Voyez Tite-Live, lib. I, cap. 6, et lib. II, cap. 2.  
2. Voyez Tite Live, lib V, cap 32 ; Valère Maxime, lib. V, cap 3 et Plutarque, Vie de Camille.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés
à suivre…

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Message  ROBERT. Mar 26 Mai 2015, 2:39 pm

Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. XVIII a écrit:

LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.



CHAPITRE XVIII.

TÉMOIGNAGE DE SALLUSTE SUR LES MŒURS

DU PEUPLE ROMAIN, TOUR À TOUR CONTENUES

PAR LA CRAINTE ET RELÂCHÉES PAR LA SÉCURITÉ.




Au lieu donc de poursuivre, j’aime mieux rapporter le témoignage de ce même Salluste, qui m’a donné occasion d’aborder ce sujet en disant du peuple romain "que son caractère, autant que ses lois, le rendait bon et équitable". Salluste veut ici glorifier ce temps où Rome, après la chute des rois, prit en très peu d’années d’incroyables accroissements, et cependant il ne laisse pas d’avouer, dès le commencement du premier livre de son Histoire1, que dans ce même temps, quand l’autorité passa des rois aux consuls, les patriciens ne tardèrent pas à opprimer le peuple, ce qui occasionna la séparation du peuple et du sénat et une foule de dissensions civiles.


En effet, après avoir rappelé qu’entre la seconde et la troisième guerre punique, les bonnes mœurs et la concorde régnaient parmi le peuple romain, heureux état de choses qu’il attribue, non à l’amour de la justice, mais à cette crainte salutaire de l’ennemi que Scipion Nasica voulait entretenir en s’opposant à la ruine de Carthage, l’historien ajoute ces paroles: "Mais, Carthage prise, la discorde, la cupidité, l’ambition, et tous les vices qui naissent d’ordinaire de la prospérité se développèrent rapidement". D’où l’on doit conclure qu’auparavant ils avaient commencé de paraître et de grandir. Salluste ajoute, pour appuyer son sentiment: "Car les violences des citoyens puissants, qui amenèrent la séparation du peuple et du sénat, et une  foule de dissensions civiles, troublèrent Rome dès le principe, et l’on n’y vit fleurir la modération et l’équité qu’au temps où les rois furent expulsés, alors qu’on redoutait les Tarquins et la guerre avec l’Étrurie".


On voit ici Salluste chercher la cause de cette modération et de cette équité qui régnèrent à Rome pendant un court espace de temps après l’expulsion des Tarquins. Cette cause, à ses yeux, c’est la crainte; on redoutait, en effet, la guerre terrible que le roi Tarquin, appuyé sur ses alliés d’Étrurie, faisait au peuple qui l’avait chassé de son trône et de ses États. Mais ce qu’ajoute l’historien mérite une attention particulière:  "Après cette époque, dit-il, les patriciens traitèrent les gens du peuple en esclaves, condamnant celui-ci à mort et  celui-là aux verges, comme avaient fait les rois, chassant le petit propriétaire de son champ, et imposant à celui qui n’avait rien la plus dure tyrannie. Accablé de ces vexations, écrasé surtout par l’usure, le bas peuple, sur qui des guerres continuelles faisaient peser avec le service militaire les plus lourds impôts, prit les armes et se retira sur le mont Sacré et sur l’Aventin1; ce fut ainsi qu’il obtint ses tribuns et d’autres prérogatives. Mais la lutte elles dissensions ne furent entièrement éteintes qu’à la seconde guerre punique".


Voilà ce que devinrent, au bout de quelque temps, peu après l’expulsion des rois, ces Romains dont Salluste nous dit: "Que leur caractère, autant que leurs lois, les rendait justes et équitables". Or, si telle a été la république romaine aux jours de sa vertu et de sa beauté, que dirons-nous du temps qui a suivi, où, comme dit Salluste: "Changeant peu à peu,  de belle et vertueuse qu’elle était, elle devint laide et corrompue", et cela, comme il a soin de le remarquer, depuis la ruine de Carthage ? On peut voir, dans son Histoire, le tableau rapide qu’il trace de ces tristes temps, et par quels degrés la corruption, née des prospérités de Rome, aboutit enfin à la guerre civile: "Depuis cette époque, dit-il, les antiques mœurs, au lieu de s’altérer insensiblement, s’écoulèrent comme un torrent; car le luxe et la cupidité avaient tellement dépravé la jeunesse que nul ne pouvait plus conserver son propre patrimoine ni souffrir la conservation de celui d’autrui". Salluste parle ensuite avec quelque étendue des vices de Scylla et des autres hontes de la république, et tous les historiens sont ici d’accord avec lui, quoiqu’ils n’aient pas son éloquence.


Voilà, ce me semble, des témoignages suffisants pour faire voir à quiconque voudra y prendre garde dans quel abîme de corruption Rome était tombée avant l’avènement de Notre-Seigneur, car tous ces désordres avaient éclaté, non-seulement avant que Jésus-Christ revêtu d’un corps eût commencé à enseigner sa doctrine, mais avant qu’il fût né d’une vierge. Si donc les païens n’osent imputer à leurs dieux les maux de ces temps antérieurs, tolérables avant la ruine de Carthage, intolérables depuis, bien que leurs dieux seuls, dans leur méchanceté et leur astuce, en jetassent la semence dans l’esprit des hommes par les folles opinions qu’ils y répandaient, pourquoi imputent-ils les maux présents à Jésus-Christ, dont la doctrine salutaire défend d’adorer ces dieux faux et trompeurs, et qui, condamnant par une autorité divine ces dangereuses et criminelles convoitises du cœur humain, retire peu à peu sa famille d’un monde corrompu et qui tombe, pour établir, non sur les applaudissements de la vanité, mais sur le jugement de la vérité même, son éternelle et glorieuse cité !




1. Salluste avait écrit l’histoire de Rome pendant la période de quatorze ans environ comprise entre 78 avant J-C. et 65 après.
   Cet ouvrage est perdu; il n’en reste que des fragments.
1. Ce fut dix-sept ans après l’expulsion des Tarquins que le peuple se retira sur le mont Sacré.
   Voyez Tite-Live, lib. II, cap. 32, et lib. III, cap. 50.




Traduction par M. SAISSET, 1869.
italiques et
gras ajoutés.
à suivre…

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ROBERT.
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