La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XV a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XV.
LA PIÉTÉ DE RÉGULUS, SOUFFRANT VOLONTAIREMENT LA CAPTIVITÉ POUR TENIR
SA PAROLE ENVERS LES DIEUX, NE LE PRÉSERVA PAS DE LA MORT.
Les païens ont parmi leurs hommes illustres un exemple fameux de captivité volontairement subie par esprit de religion. Marcus Attilius Régulus, général romain, avait été pris par les Carthaginois3. Ceux-ci, tenant moins à conserver leurs prisonniers qu’à recouvrer ceux qui leur avaient été faits par les Romains, envoyèrent Régulus à Rome avec leurs ambassadeurs, après qu’il se fut engagé par serment à revenir à Carthage, s’il n’obtenait pas ce qu’ils désiraient. Il part, et convaincu que l’échange des captifs n’était pas avantageux à la république, il en dissuade le sénat; puis, sans y être contraint autrement que par sa parole, il reprend volontairement le chemin de sa prison. Là, les Carthaginois lui réservaient d’affreux supplices et la mort. On l’enferma dans un coffre de bois garni de pointes aigües, de sorte qu’il était obligé de se tenir debout, ou, s’il se penchait, de souffrir des douleurs atroces; ce fut ainsi qu’ils le tuèrent en le privant de tout sommeil.
Certes, voilà une vertu admirable et qui a su se montrer plus grande que la plus grande infortune ! Et cependant quels dieux avait pris à témoin Régulus, sinon ces mêmes dieux dont on s’imagine que le culte aboli est la cause de tous les malheurs du monde ? Si ces dieux qu’on servait pour être heureux en cette vie ont voulu ou permis le supplice d’un si religieux observateur de son serment, que pouvait faire de plus leur colère contre un parjure ? Mais je veux tirer de mon raisonnement une double conclusion: nous avons vu que Régulus porta le respect pour les dieux jusqu’à croire qu’un serment ne lui permettait pas de rester dans sa patrie, ni de se réfugier ailleurs, mais lui faisait une loi de retourner chez ses plus cruels ennemis.
Or, s’il croyait qu’une telle conduite lui fût avantageuse pour la vie présente, il était évidemment dans l’illusion, puisqu’il n’en recueillit qu’une affreuse mort. Voilà donc un homme dévoué au culte des dieux qui est vaincu et fait prisonnier; le voilà qui, pour ne pas violer un serment prêté en leur nom, périt dans le plus affreux et le plus inouï des supplices ! Preuve certaine que le culte des dieux ne sert de rien pour le bonheur temporel. Si vous dites maintenant qu’il nous donne après la vie la félicité pour récompense, je vous demanderai alors pourquoi vous calomniez le christianisme, pourquoi vous prétendez que le désastre de Rome vient de ce qu’elle a déserté les autels de ses dieux, puisque, malgré le culte le plus assidu, elle aurait pu être aussi malheureuse que le fut Régulus ? Il ne resterait plus qu’à pousser l’aveuglement et la démence jusqu’à prétendre que si un individu a pu, quoique fidèle au culte des dieux, être accablé par l’infortune, il n’en saurait être de même d’une cité tout entière, la puissance des dieux étant moins faite pour se déployer sur un individu que sur un grand nombre. Comme si la multitude ne se composait pas d’individus !
Dira-t-on que Régulus, au milieu de sa captivité et de ses tourments, a pu trouver le bonheur dans le sentiment de sa vertu1 ? Que l’on se mette alors à la recherche de cette vertu véritable qui seule peut rendre un État heureux. Car le bonheur d’un État et celui d’un individu viennent de la même source, un État n’étant qu’un assemblage d’individus vivant dans un certain accord. Au surplus, je ne discute pas encore la vertu de Régulus; qu’il me suffise, par l’exemple mémorable d’un homme qui aime mieux renoncer à la vie que d’offenser les dieux, d’avoir forcé mes adversaires de convenir que la conservation des biens corporels et de tous les avantages extérieurs de la vie n’est pas le véritable objet de la religion. Mais que peut-on attendre d’esprits aveuglés qui se glorifient d’un semblable citoyen et qui craignent d’avoir un État qui lui ressemble ? S’ils ne le craignent pas, qu’ils avouent donc que le malheur de Régulus a pu arriver à une ville aussi fidèle que lui au culte des dieux, et qu’ils cessent de calomnier le christianisme. Mais puisque nous avons soulevé ces questions au sujet des chrétiens emmenés en captivité, je dirai à ces hommes qui sans pudeur et sans prudence prodiguent l’insulte à notre sainte religion: Que l’exemple de Régulus vous confonde ! Car si ce n’est point une chose honteuse à vos dieux qu’un de leurs plus fervents admirateurs, pour garder la foi du serment, ait dû renoncer à sa patrie terrestre, sans espoir d’en trouver une autre, et mourir lentement dans les tortures d’un supplice inouï, de quel droit viendrait-on tourner à la honte du nom chrétien la captivité de nos fidèles, qui, l’œil fixé sur la céleste patrie, se savent étrangers jusque dans leurs propres foyers2.
3. Voyez Polybe, I, 29; Cicéron, De offic. , lib. I, cap. 13, et lib. III, cap. 26.
1. C’est, en effet, ce que soutient Sénèque, en bon stoïcien, de Prov. , cap. 3, et Epist. LXVII.
2. I Pierre II, 11.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XVI a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XVI.
LE VIOL SUBI PAR LES VIERGES CHRÉTIENNES DANS LA CAPTIVITÉ, SANS QUE
LEUR VOLONTÉ Y FÛT POUR RIEN, A-T-IL PU SOUILLER LA VERTU DE LEUR ÂME ?
On s’imagine couvrir les chrétiens de honte, quand pour rendre plus horrible le tableau de leur captivité, on nous montre les barbares violant les femmes; les filles et même les vierges consacrées à Dieu3. Mais ni la foi, ni la piété, ni la chasteté, comme vertu, ne sont ici le moins du monde intéressées; le seul embarras que nous éprouvions, c’est de mettre d’accord avec la raison ce sentiment qu’on nomme pudeur. Aussi, ce que nous dirons sur ce sujet aura moins pour but de répondre à nos adversaires que de consoler des cœurs amis. Posons d’abord ce principe inébranlable que la vertu qui fait la bonne vie a pour siège l’âme, d’où elle commande aux organes corporels, et que le corps tire sa sainteté du secours qu’il prête à une volonté sainte.
Tant que cette volonté ne faiblit pas, tout ce qui arrive au corps par le fait d’une volonté étrangère, sans qu’on puisse l’éviter autrement que par un péché, tout cela n’altère en rien notre innocence. Mais, dira-t-on, outre les traitements douloureux que peut souffrir le corps, il est des violences d’une autre nature, celles que le libertinage fait accomplir. Si une chasteté ferme et sûre d’elle-même en sort triomphante, la pudeur en souffre cependant, et on a lieu de craindre qu’un outrage qui ne peut être subi sans quelque plaisir de la chair ne se soit pas consommé sans quelque adhésion de la volonté.
3. Sur cette même question, Voyez saint Jérôme,
Epist. III, ad Heliod.; Epist. VIII, ad Demetriadem.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XVII a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XVII.
DU SUICIDE PAR CRAINTE DU
CHÂTIMENT ET DU DÉSHONNEUR.
S’il est quelques-unes de ces vierges qu’un tel scrupule ait portées à se donner la mort, quel homme ayant un cœur leur refuserait le pardon ? Quant à celles qui n’ont pas voulu se tuer, de peur de devenir criminelles en épargnant un crime à leurs ravisseurs, quiconque les croira coupables ne sera-t-il pas coupable lui-même de folle légèreté ? S’il n’est pas permis, en effet, de tuer un homme, même criminel, de son autorité privée, parce qu’aucune loi n’y autorise, il s’ensuit que celui qui se tue est homicide; d’autant plus coupable en cela qu’il est d’ailleurs plus innocent du motif qui le porte à s’ôter la vie. Pourquoi détestons-nous le suicide de Judas ? Pourquoi la Vérité elle-même a-t-elle déclaré1 qu’en se pendant il a plutôt accru qu’expié le crime de son infâme trahison ?
C’est qu’en désespérant de la miséricorde de Dieu, il s’est fermé la voie à un repentir salutaire2. A combien plus forte raison faut-il donc rejeter la tentation du suicide quand on n’a aucun crime à expier! En se tuant, Judas tua un coupable, et cependant il lui sera demandé compte, non-seulement de la vie du Christ, mais de sa propre vie, parce qu’en se tuant à cause d’un premier crime, il s’est chargé d’un crime nouveau. Pourquoi donc un homme qui n’a point fait de mal à autrui s’en ferait-il à lui-même ? Il tuerait donc un innocent dans sa propre personne, pour empêcher un coupable de consommer son dessein, et il attenterait criminellement à sa vie, de peur qu’elle ne fût l’objet d’un attentat étranger !
1. Actes I.
2. Matthieu XXVIII, 3.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XVIII a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XVIII.
DES VIOLENCES QUE L’IMPURETÉ D’AUTRUI PEUT FAIRE SUBIR À
NOTRE CORPS, SANS QUE NOTRE VOLONTÉ Y PARTICIPE.
On alléguera la crainte qu’on éprouve d’être souillé par l’impureté d’autrui. Je réponds: Si l’impureté reste le fait d’un autre que vous, elle ne vous souillera pas; si elle vous souille, c’est qu’elle est aussi votre fait. La pureté est une vertu de l’âme; elle a pour compagne la force qui nous rend capables de supporter les plus grands maux plutôt que de consentir au mal. Or, l’homme le plus pur et le plus ferme est maître, sans doute, du consentement et du refus de sa volonté, mais il ne l’est pas des accidents que sa chair peut subir; comment donc pourrait-il croire, s’il a l’esprit sain, qu’il a perdu la pureté parce que son corps violemment saisi aura servi à assouvir une impureté dont il n’est pas complice ? Si la pureté peut être perdue de la sorte, elle n’est plus une vertu de l’âme; il faut cesser de la compter au nombre des biens qui sont le principe de la bonne vie, et le ranger parmi les biens du corps, avec la vigueur, la beauté, la santé et tous ces avantages qui peuvent souffrir des altérations, sans que la justice et la vertu en soient aucunement altérées.
Or, si la pureté n’est rien de mieux que cela, pourquoi s’en mettre si fort en peine au péril même de la vie ? Rendez [vous] à cette vertu de l’âme son vrai caractère; elle ne peut plus être détruite par la violence faite au corps. Je dirai plus: s’il est vrai qu’en faisant des efforts pour ne pas céder à l’attrait des concupiscences charnelles, la sainte continence sanctifie le corps lui-même, j’en conclus que tant que l’intention de leur résister se maintient ferme et inébranlable, le corps ne perd pas sa sainteté, car la volonté de s’en servir saintement persévère, et, autant qu’il dépend de lui, il nous en laisse la faculté.
La sainteté du corps ne consiste pas à préserver nos membres de toute altération et de tout contact: mille accidents peuvent occasionner de graves blessures, et souvent, pour nous sauver la vie, les chirurgiens nous font subir d’horribles opérations. Une sage-femme, soit malveillance, soit maladresse, soit pur hasard, détruit la virginité d’une jeune fille en voulant la constater, y a-t-il un esprit assez mal fait pour s’imaginer que cette jeune fille par l’altération d’un de ses organes, ait perdu quelque chose de la pureté de son corps ? Ainsi donc, tant que l’âme garde ce ferme propos qui fait la sainteté du corps, la brutalité d’une convoitise étrangère ne saurait ôter au corps le caractère sacré que lui imprime une continence persévérante.
Voici une femme au cœur perverti qui, trahissant les vœux contractés devant Dieu, court se livrer à son amant. Direz-vous que pendant le chemin elle est encore pure de corps, après avoir perdu la pureté de l’âme, source de l’autre pureté ? Loin de nous cette erreur ! Disons plutôt qu’avec une âme pure, la sainteté du corps ne saurait être altérée, alors même que le corps subirait les derniers outrages; et pareillement, qu’une âme corrompue fait perdre au corps sa sainteté, alors même qu’il n’aurait éprouvé aucune souillure matérielle. Concluons qu’une femme n’a rien à punir en soi par une mort volontaire, quand elle a été victime passive du péché d’autrui; à plus forte raison, avant l’outrage: car alors elle se charge d’un homicide certain pour empêcher un crime encore incertain.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XIX a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XIX.
DE LUCRÈCE, QUI SE DONNA LA MORT
POUR AVOIR ÉTÉ OUTRAGÉE.
Nous soutenons que lorsqu’une femme, décidée à rester chaste, est victime d’un viol sans aucun consentement de sa volonté, il n’y a de coupable que l’oppresseur. Oseront-ils nous contredire, ceux contre qui nous défendons la pureté spirituelle et aussi la pureté corporelle des vierges chrétiennes outragées dans leur captivité ? Nous leur demanderons pourquoi la pudeur de Lucrèce, cette noble dame de l’ancienne Rome, est en si grand honneur auprès d’eux ? Quand le fils de Tarquin eut assouvi sa passion infâme, Lucrèce dénonça le crime à son mari, Collatin, et à son parent, Brutus, tous deux illustres par leur rang et par leur courage, et leur fit prêter serment de la venger; puis, l’âme brisée de douleur et ne voulant pas supporter un tel affront, elle se tua1.
Dirons-nous qu’elle est morte chaste ou adultère ? Poser cette question c’est la résoudre. J’admire beaucoup cette parole d’un rhéteur qui déclamait sur Lucrèce: "Chose admirable !" s’écriait-il; "ils étaient deux; et un seul fut adultère !" Impossible de dire mieux et plus vrai. Ce rhéteur a parfaitement distingué dans l’union des corps la différence des âmes, l’une souillée par une passion brutale, l’autre fidèle à la chasteté, et exprimant à la fois cette union toute matérielle et cette différence morale, il a dit excellemment: "Ils étaient deux, un seul fut adultère".
Mais d’où vient que la vengeance est tombée plus terrible sur la tête innocente que sur la tête coupable ? Car Sextus n’eut à souffrir que l’exil avec son père, et Lucrèce perdit la vie. S’il n’y a pas impudicité à subir la violence, y a-t-il justice à punir la chasteté ? C’est à vous que j’en appelle, lois et juges de Rome ! Vous ne voulez pas que l’on puisse impunément faire mourir un criminel, s’il n’a été condamné. Eh bien! Supposons qu’on porte ce crime à votre tribunal: une femme a été tuée: non-seulement elle n’avait pas été condamnée, mais elle était chaste et innocente: ne punirez-vous pas sévèrement cet assassinat ? Or, ici, l’assassin c’est Lucrèce. Oui, cette Lucrèce tant célébrée a tué la chaste, l’innocente Lucrèce, l’infortunée victime de Sextus.
Prononcez maintenant: Que si vous ne le faites point, parce que la coupable s’est dérobée à votre sentence, pourquoi tant célébrer la meurtrière d’une femme chaste et innocente ? Aussi bien ne pourriez-vous la défendre devant les juges d’enfer, tels que vos poètes nous les représentent, puisqu’elle est parmi ces infortunés: "Qui se sont donné la mort de leur propre main, et sans avoir commis aucun crime, on haine de l’existence, ont jeté leurs âmes au loin... " Veut-elle revenir au jour ? "Le destin s’y oppose et elle est arrêtée par l’onde lugubre du marais qu’on ne traverse pas [/i]2 ".
Mais peut-être n’est-elle pas là; peut-être s’est elle tuée parce qu’elle se sentait coupable; peut-être (car qui sait, elle exceptée, ce qui se passait en son âme), touchée en secret par la volupté, a-t-elle consenti au crime, et puis, regrettant sa faute, s’est-elle tuée pour l’expier, mais, dans ce cas même, son devoir était, non de se tuer, mais d’offrir à ses faux jeux une pénitence salutaire. Au surplus, si les choses se sont passées ainsi, si on ne peut pas dire: ""Ils étaient deux, un seul fut adultère "; si tous deux ont commis le crime, l’un par une brutalité ouverte, l’autre par un secret consentement, il n’est pas vrai alors qu’elle ait tué une femme innocente, et ses savants défenseurs peuvent soutenir qu’elle n’habite point cette partie des enfers réservée à ces infortunés "qui, purs de tout crime, se sont arraché la vie". Mais il y a ici deux extrémités inévitables: veut-on l’absoudre du crime d’homicide ? On la rend coupable d’adultère; l’adultère est-il écarté ? Il faut qu’elle soit homicide; de sorte qu’on ne peut éviter cette alternative: si elle est adultère, pourquoi la célébrer ? si aile est restée chaste, pourquoi s’est-elle donné la mort ?
Quant à nous, pour réfuter ces hommes étrangers à toute idée de sainteté qui osent insulter les vierges chrétiennes outragées dans la captivité, qu’il nous suffise de recueillir cet éloge donné à l’illustre Romaine: "Ils étaient deux, un seul fut adultère". On n’a pas voulu croire, tant la confiance était grande dans la vertu de Lucrèce, qu’elle se fût souillée par la moindre complaisance adultère. Preuve certaine que, si elle s’est tuée pour avoir subi un outrage auquel elle n’avait pas consenti, ce n’est pas l’amour de la chasteté qui a armé son bras, mais bien la faiblesse de la honte. Oui, elle a senti la honte d’un crime commis sur elle, bien que sans elle. Elle a craint, la fière Romaine, dans sa passion pour la gloire, qu’on ne pût dire, en la voyant survivre à son affront, qu’elle y avait consenti. A défaut de l’invisible secret de sa conscience, elle a voulu que sa mort fût un témoignage écrasant de sa pureté, persuadée que la patience serait contre elle un aveu de complicité.
Telle n’a point été la conduite des femmes chrétiennes qui ont subi la même violence. Elles ont voulu vivre, pour ne point venger sur elles le crime d’autrui, pour ne point commettre un crime de plus, pour ne point ajouter l’homicide à l’adultère; c’est en elles-mêmes qu’elles possèdent l’honneur de la chasteté, dans le témoignage de leur conscience; devant Dieu, il leur suffit d’être assurées qu’elles ne pouvaient rien faire de plus sans mal faire, résolues avant tout à ne pas s’écarter de la loi de Dieu, au risque même de n’éviter qu’à grand’ peine les soupçons blessants de l’humaine malignité.
1. Tite-Live, lib. I, cap. 57, 58.
2. Virgile, Énéide, liv. VI, vers 434 à 439.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et
gras ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XX a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XX.
LA LOI CHRÉTIENNE NE PERMET EN
AUCUN CAS LA MORT VOLONTAIRE.
Ce n’est point sans raison que dans les livres saints on ne saurait trouver aucun passage où Dieu nous commande ou nous permette, soit pour éviter quelque mal, soit même pour gagner la vie éternelle, de nous donner volontairement la mort. Au contraire, cela nous est interdit par le précepte: "Tu ne tueras point". Remarquez que la loi n’ajoute pas: "Ton prochain", ainsi qu’elle le fait quand elle défend le faux témoignage: "Tu ne porteras point faux témoignage contre ton prochain1". Cela ne veut pas dire néanmoins que celui qui porte faux témoignage contre soi-même soit exempt de crime; car c’est de l’amour de soi-même que la règle de l’amour du prochain tire sa lumière, ainsi qu’il est écrit: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même2". Si donc celui qui porte faux témoignage contre soi-même n’est pas moins coupable que s’il le portait contre son prochain, bien qu’en cette défense il ne soit parlé que du prochain et qu’il puisse paraître qu’il n’est pas défendu d’être faux témoin contre soi-même, à combien plus forte raison faut-il regarder comme interdit de se donner la mort, puisque ces termes: "Tu ne tueras point", sont absolus, et que la loi n’y ajoute rien qui les limite; d’où il suit que la défense est générale, et que celui-là même à qui il est commandé de ne pas tuer ne s’en trouve pas excepté.
Aussi plusieurs cherchent-ils à étendre ce précepte jusqu’aux bêtes mêmes, s’imaginant qu’il n’est pas permis de les tuer3. Mais que ne l’étendent-ils donc aussi aux arbres et aux plantes ? Car, bien que les plantes n’aient point de sentiment, on ne laisse pas de dire qu’elles vivent, et par conséquent elles peuvent mourir, et même, quand la violence s’en mêle, être tuées. C’est ainsi que l’Apôtre, parlant des semences, dit: "Ce que tu sèmes ne peut vivre, s’il ne meurt auparavant1" et le Psalmiste: "Il a tué leurs vignes par la grêle2".
Est-ce à dire qu’en vertu du précepte: "Tu ne tueras point", ce soit un crime d’arracher un arbrisseau, et serons-nous assez fous pour souscrire, en cette rencontre, aux erreurs des Manichéens3 ? Laissons de côté ces rêveries, et lorsque nous lisons: "Tu ne tueras point" , si nous ne l’entendons pas des plantes, parce qu’elles n’ont point de sentiment, ni des bêtes brutes, qu’elles volent dans l’air, nagent dans l’eau, marchent ou rampent sur terre, parce qu’elles sont privées de raison et ne forment point avec l’homme une société, d’où il suit que par une disposition très-juste du Créateur, leur vie et leur mort sont également faites pour notre usage,
il reste que nous entendions de l’homme seul ce précepte: "Tu ne tueras point", c’est-à-dire, tu ne tueras ni un autre ni toi-même, car celui qui se tue, tue un homme.
1. Exode, XX, 13; 16.
2. Matthieu, XXII, 39.
3. Allusion à la secte des Marcionites et à celle des Manichéens. Voyez sur la première, Épiphane, Haer.. 42,
et sur la seconde, Augustin, Contra Faustus, lib. VI, cap. 6, 8.
1. I Corinthiens XV, 36.
2. Psaume LXXVII, 47.
3. Voyez le traité de saint Augustin, De morib. Manich., n. 54.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
caractères, italiques
gras et police ajoutés.
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Dernière édition par ROBERT. le Ven 01 Mai 2015, 10:30 am, édité 1 fois (Raison : mise en forme)
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXI a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXI.
DES MEURTRES QUI, PAR EXCEPTION,
N’IMPLIQUENT POINT CRIME HOMICIDE.
Dieu lui-même a fait quelques exceptions à la défense de tuer l’homme, tantôt par un commandement général, tantôt par un ordre temporaire et personnel. En pareil cas, celui qui tue ne fait que prêter son ministère à un ordre supérieur; il est comme un glaive entre les mains de celui qui frappe, et par conséquent il ne faut pas croire que ceux-là aient violé le précepte: "Tu ne tueras point", qui ont entrepris des guerres par l’inspiration de Dieu, ou qui, revêtus du caractère de la puissance publique et obéissant aux lois de l’État, c’est-à-dire à des lois très-justes et très-raisonnables, ont puni de mort les malfaiteurs. L’Ecriture est si loin d’accuser Abraham d’une cruauté coupable pour s’être déterminé, par pur esprit d’obéissance, à tuer son fils, qu’elle loue sa piété4. Et l’on a raison de se demander si l’on peut considérer Jephté comme obéissant à un ordre de Dieu, quand, voyant sa fille qui venait à sa rencontre, il la tue pour être fidèle au vœu qu’il avait fait d’immoler le premier être vivant qui s’offrirait à ses regards son retour après la victoire1.
De même, comment justifie-t-on Samson de s’être enseveli avec les ennemis sous les ruines d’un édifice ? En disant qu’il obéissait au commandement intérieur de l’Esprit, qui se servait de lui pour faire des miracles2. Ainsi donc, sauf les deux cas exceptionnels d’une loi générale et juste ou d’un ordre particulier de celui qui est la source de toute justice, quiconque tue un homme, soi-même ou son prochain, est coupable d’homicide.
4. Genèse XXII.
1. Juges XI.
2. Juges XVI, 30.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques ajoutés.
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXII a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXII.
LA MORT VOLONTAIRE N’EST JAMAIS
UNE PREUVE DE GRANDEUR D’ÂME.
On peut admirer la grandeur d’âme de ceux qui ont attenté sur eux-mêmes, mais, à coup sûr, on ne saurait louer leur sagesse. Et même, à examiner les choses de plus près et de l’oeil de la raison, est-il juste d’appeler grandeur d’âme cette faiblesse qui rend impuissant à supporter son propre mal ou les fautes d’autrui ? Rien ne marque mieux une âme sans énergie que de ne pouvoir se résigner à l’esclavage du corps et à la folie de l’opinion. Il y a plus de force à endurer une vie misérable qu’à la fuir, et les lueurs douteuses de l’opinion, surtout de l’opinion vulgaire, ne doivent pas prévaloir sur les pures clartés de la conscience. Certes, s’il y a quelque grandeur d’âme à se tuer, personne n’a un meilleur droit à la revendiquer que Cléombrote, dont on raconte qu’ayant lu le livre où Platon discute l’immortalité de l’âme, il se précipita du haut d’un mur pour passer de cette vie dans une autre qu’il croyait meilleure3; car il n’y avait ni calamité, ni crime faussement ou justement imputé dont le poids pût lui paraître insupportable; si donc il se donna la mort, s’il brisa ces liens si doux de la vie, ce fut par pure grandeur d’âme. Eh bien ! Je dis que si l’action de Cléombrote est grande, elle n’est du moins pas bonne; et j’en atteste Platon lui-même, Platon, qui n’aurait pas manqué de se donner la mort et de prescrire le suicide aux autres, si ce même génie qui lui révélait l’immortalité de l’âme, ne lui avait fait comprendre que cette action, loin d’être permise, doit être expressément défendue1.
Mais, dit-on, plusieurs se sont tués pour ne pas tomber en la puissance des ennemis. Je réponds qu’il ne s’agit pas de ce qui a été fait, mais de ce qu’on doit faire. La raison est au-dessus des exemples, et les exemples eux-mêmes s’accordent avec la raison, quand on sait choisir ceux qui sont le plus dignes d’être imités, ceux qui viennent de la plus haute piété. Ni les Patriarches, ni les Prophètes, ni les Apôtres ne nous ont donné l’exemple du suicide. Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui avertit ses disciples, en cas de persécution, de fuir de ville en ville2, ne pouvait-il pas leur conseiller de se donner la mort, plutôt que de tomber dans les mains de leurs persécuteurs ? Si donc il ne leur a donné ni le conseil, ni l’ordre de quitter la vie, lui qui leur prépare, suivant ses promesses, les demeures de l’éternité3, il s’ensuit que les exemples invoqués par les Gentils, dans leur ignorance de Dieu, ne prouvent rien pour les adorateurs du seul Dieu véritable.
3. Voyez Cicéron, Tusc. qu., lib. I, cap. 31.
1. En effet, dans le Phédon même, Platon se prononce formellement contre le suicide,
soit au nom de la religion, soit au nom de la philosophie. Voyez le Phédon, trad. fr., tome I, p. 194 et suiv.
2. Matthieu X, 23.
3. Jean XIV, 2.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras et soulignés
ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXIII a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXIII.
DE L’EXEMPLE DE CATON, QUI S’EST DONNÉ LA MORT
POUR N’AVOIR PU SUPPORTER LA VICTOIRE DE CÉSAR.
Après l’exemple de Lucrèce, dont nous avons assez parlé plus haut, nos adversaires ont beaucoup de peine à trouver une autre autorité que celle de Caton, qui se donna la mort à Utique4: non qu’il soit le seul qui ait attenté sur lui-même, mais il semble que l’exemple d’un tel homme, dont les lumières et la vertu sont incontestées, justifie complètement ses imitateurs. Pour nous, que pouvons-nous dire de mieux sur l’action de Caton, sinon que ses propres amis, hommes éclairés tout autant que lui, s’efforcèrent de l’en dissuader, ce qui prouve bien qu’ils voyaient plus de faiblesse que de force d’âme dans cette résolution, et l’attribuaient moins à un principe d’honneur qui porte à éviter l’infamie qu’à un sentiment de pusillanimité qui rend le malheur insupportable. Au surplus, Caton lui-même s’est trahi par le conseil donné en mourant à son fils bien-aimé.
Si en effet c’était une chose honteuse de vivre sous la domination de César, pourquoi le père conseille-t-il au fils de subir cette honte, en lui recommandant de tout espérer de la clémence du vainqueur ? Pourquoi ne pas l’obliger plutôt à périr avec lui ? Si Torquatus a mérité des éloges pour avoir fait mourir son fils, quoique vainqueur, parce qu’il avait combattu contre ses ordres1, pourquoi Caton épargne-t-il son fils, comme lui vaincu, alors qu’il ne s’épargne pas lui-même ? Y avait-il plus de honte à être vainqueur en violant la discipline, qu’à reconnaître un vainqueur en subissant l’humiliation ?
Ainsi donc Caton n’a point pensé qu’il fût honteux de vivre sous la loi de César triomphant, puisque autrement il se serait servi, pour sauver l’honneur de son fils, du même fer dont il perça sa poitrine. Mais la vérité est qu’autant il aima son fils, sur qui ses vœux et sa volonté appelaient la clémence de César, autant il envia à César (comme César l’a dit lui-même, à ce qu’on assure2), la gloire de lui pardonner; et si ce ne fut pas de l’envie, disons, en termes plus doux, que ce fut de la honte.
4. Voyez Tite-Live, lib. CXIV, Epitome, et Cicéron, De offic., lib. I, cap. 31, et Tuscul., lib. I, cap. 30.
1. Voyez Tite-Live, lib. VIII, cap7 ; Aulu-Gelle, lib. IX, cap. 13 ;
Valère Maxime, lib. 33, cap. 7, § 8.
2. Plutarque, Vie de Caton, ch. 72.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXIV a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXIV.
LA VERTU DES CHRÉTIENS L’EMPORTE SUR CELLE DE
RÉGULUS, SUPÉRIEURE ELLE-MÊME A CELLE DE CATON.
Nos adversaires ne veulent pas que nous préférions à Caton le saint homme Job, qui aima mieux souffrir dans sa chair les plus cruelles douleurs, que de s’en délivrer par la mort, sans parler des autres saints que l’Ecriture, ce livre éminemment digne d’inspirer confiance et de faire autorité, nous montre résolus à supporter la captivité et la domination des ennemis plutôt que d’attenter à leurs jours. Eh bien! Prenons leurs propres livres, et nous y trouverons des motifs de préférer quelqu’un à Marcus Caton: c’est Marcus Régulus.
Caton, en effet, n’avait jamais vaincu César; vaincu par lui, il dédaigna de se soumettre et préféra se donner la mort. Régulus, au contraire, avait vaincu les Carthaginois. Général romain, il avait remporté, à la gloire de Rome, une de ces victoires qui, loin de contrister les bons citoyens, arrachent des louanges à l’ennemi lui-même. Vaincu à son tour, il aima mieux se résigner et rester captif que s’affranchir et devenir meurtrier de lui-même. Inébranlable dans sa patience à subir le joug de Carthage, et dans sa fidélité à aimer Rome, il ne consentit pas plus à dérober son corps vaincu aux ennemis, qu’à sa patrie son cœur invincible.
S’il ne se donna pas la mort, ce ne fut point par amour pour la vie. La preuve, c’est que pour garder la foi de son serment, il n’hésita point à retourner à Carthage, plus irritée contre lui de son discours au sénat romain que de ses victoires. Si donc un homme qui tenait si peu à la vie a mieux aimé périr dans les plus cruels tourments que se donner la mort, il fallait donc que le suicide fût à ses yeux un très-grand crime. Or, parmi les citoyens de Rome les plus vertueux et les plus dignes d’admiration, en peut-on citer un seul qui soit supérieur à Régulus ? Ni la prospérité ne put le corrompre, puisqu’après de si grandes victoires il resta pauvre1; ni l’adversité ne put le briser, puisqu’en face de si terribles supplices il accourut intrépide.
Ainsi donc, ces courageux et illustres personnages, mais qui n’ont après tout servi que leur patrie terrestre, ces religieux observateurs de la foi jurée, mais qui n’attestaient que de faux dieux, ces hommes qui pouvaient, au nom de la coutume et du droit de la guerre, frapper leurs ennemis vaincus, n’ont pas voulu, même vaincus par leurs ennemis, se frapper de leur propre main; sans craindre la mort, ils ont préféré subir la domination du vainqueur que s’y soustraire par le suicide.
Quelle leçon pour les chrétiens, adorateurs du vrai Dieu et amants de la céleste patrie ! Avec quelle énergie ne doivent-ils pas repousser l’idée du suicide, quand la Providence divine, pour les éprouver ou les châtier, les soumet pour un temps au joug ennemi ! Qu’ils ne craignent point, dans cette humiliation passagère, d’être abandonnés par celui qui a voulu naître humble, bien qu’il s’appelle le Très-Haut; et qu’ils se souviennent enfin qu’il n’y a plus pour eux de discipline militaire, ni de droit de la guerre qui les autorise ou leur commande la mort du vaincu.
Si donc un vrai chrétien ne doit pas frapper même un ennemi qui a attenté ou qui est sur le point d’attenter contre lui, quelle peut donc être la source de cette détestable erreur que l’homme peut se tuer, soit parce qu’on a péché, soit de peur qu’on ne pèche à son détriment ?
1. Sur la pauvreté de Régulus, voyez Tite-Live, lib. XVIII, epit;
Valère Maxime, lib. iv, cap. 4, § 6; Sénèque, Consol ad Helv., cap. 12 .
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXV a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXV.
IL NE FAUT POINT ÉVITER UN PÉCHÉ PAR UN AUTRE.
Mais il est à craindre, dit-on, que soumis à un outrage brutal, le corps n’entraîne l’âme, par le vif aiguillon de la volupté, à donner au péché un coupable contentement; et dès lors, le chrétien doit se tuer, non pour éviter le péché à autrui, mais pour s’en préserver lui-même. Je réponds que celui-là ne laissera point son âme céder à l’excitation d’une sensualité étrangère qui vit soumis à Dieu et à la divine sagesse, et non à la concupiscence de la chair. De plus, s’il est vrai et évident que c’est un crime détestable et digne de la damnation de se donner la mort, y a-t-il un homme assez insensé pour parler de la sorte: Péchons maintenant, de crainte que nous ne venions à pécher plus tard. Soyons homicides, de crainte d’être plus tard adultères.
Quoi donc ! Si l’iniquité est si grande qu’il n’y ait plus à choisir entre le crime et l’innocence, mais à opter entre deux crimes, ne vaut-il pas mieux préférer un adultère incertain et à venir à un homicide actuel et certain; et le péché, qui peut être expié par la pénitence n’est-il point préférable à celui qui ne laisse aucune place au repentir ? Ceci soit dit pour ces fidèles qui se croient obligés à se donner la mort, non pour épargner un crime à leur prochain, mais de peur que la brutalité qu’ils subissent n’arrache à leur volonté un consentement criminel.
Mais loin de moi, loin de toute âme chrétienne, qui, ayant mis sa confiance en Dieu, y trouve son appui, loin de nous tous cette crainte de céder à l’attrait honteux de la volupté de la chair! Et si cet esprit de révolte sensuelle, qui reste attaché à nos membres, même aux approches de la mort, agit comme par sa loi propre en dehors de la loi de notre volonté, peut-il y avoir faute, quand la volonté refuse, puisqu’il n’y en a pas, quand elle est suspendue par le sommeil ?
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXVI a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXVI.
IL N’EST POINT PERMIS DE SUIVRE L’EXEMPLE
DES SAINTS EN CERTAINS CAS OU LA FOI NOUS
ASSURE QU’ILS ONT AGI PAR DES MOTIFS PARTICULIERS.
On objecte l’exemple de plusieurs saintes femmes qui, au temps de la persécution, pour soustraire leur pudeur à une brutale violence, se précipitèrent dans un fleuve où elles devaient infailliblement être entraînées et périr. L’Eglise catholique, dit-on, célèbre leur martyre avec une solennelle vénération1. Ici je dois me défendre tout jugement téméraire. L’Eglise a-t-elle obéi à une inspiration divine, manifestée par des signes certains, en honorant ainsi la mémoire de ces saintes femmes ? Je l’ignore; mais cela peut être. Qui dira si ces vertueuses femmes, loin d’agir humainement, n’ont pas été divinement inspirées, et si, loin d’être égarées par le délire, elles n’ont pas exécuté un ordre d’en haut, comme fit Samson, dont il n’est pas permis de croire qu’il ait agi autrement2 ? Lorsque Dieu parle et intime un commandement précis, qui oserait faire un crime de l’obéissance et accuser la piété de se montrer trop docile? Ce n’est point à dire maintenant que le premier venu ait le droit d’immoler son fils à Dieu, sous prétexte d’imiter l’exemple d’Abraham.
En effet, quand un soldat tue un homme pour obéir à l’autorité légitime, il n’est coupable d’homicide devant aucune loi civile; au contraire, s’il n’obéit pas, il est coupable de désertion et de révolte3 . Supposez, au contraire, qu’il eût agi de son autorité privée, il eût été responsable du sang versé; de sorte que, pour une même action, ce soldat est justement puni, soit quand il la fait sans ordre, soit quand ayant ordre de la faire, il ne la fait pas. Or, si l’ordre d’un général a une si grande autorité, que dire d’un commandement du Créateur ? Ainsi donc, permis à celui qui sait qu’il est défendu d’attenter sur soi-même, de se tuer, si c’est pour obéir à celui dont il n’est pas permis de mépriser les ordres; mais qu’il prenne garde que l’ordre ne soit pas douteux.
Nous ne pénétrons, nous, dans les secrets de la conscience d’autrui que par ce qui est confié à notre oreille, et nous ne prétendons pas au jugement des choses cachées: "Nul ne sait ce qui se passe dans l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui1". Ce que nous disons, ce que nous affirmons, ce que nous approuvons en toutes manières, c’est que personne n’a le droit de se donner la mort, ni pour éviter les misères du temps, car il risque de tomber dans celles de l’éternité, ni à cause des péchés d’autrui, car, pour éviter un péché qui ne le souillait pas, il commence par se charger lui-même d’un péché qui lui est propre, ni pour ses péchés passés, car, s’il a péché, il a d’autant plus besoin de vivre pour faire pénitence, ni enfin, par le désir d’une vie meilleure, car il n’y a point de vie meilleure pour ceux qui sont coupables de leur mort.
1. On peut citer, parmi ces saintes femmes, Pélagie, sa mère et ses sœurs, louées par saint Ambroise, De Virgin., lib. III, et Epist. VII.
Voyez aussi, sur la mort héroïque des deux vierges, Bernice et Prosdoce, le discours de saint Jean Chrysostôme, t. II, p. 756 et suiv., de la nouvelle édition.
2. Voyez plus haut, ch. 21.
3. Comparez saint Augustin, De lib. arb., lib. I, n. 11 et 12.
1. I Corinthiens II, 11.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et gras
ajoutés.
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXVII a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXVII.
SI LA MORT VOLONTAIRE EST DÉSIRABLE
COMME UN REFUGE CONTRE LE PÉCHÉ.
Reste un dernier motif dont j’ai déjà parlé, et qui consiste à fonder le droit de se donner la mort sur la crainte qu’on éprouve d’être entraîné au péché par les caresses de la volupté ou par les tortures de la douleur. Admettez ce motif comme légitime, vous serez conduits par le progrès du raisonnement à conseiller aux hommes de se donner la mort au moment où, purifiés par l’eau régénératrice du baptême, ils ont reçu la rémission de tous leurs péchés. Le vrai moment, en effet, de se mettre à couvert des péchés futurs, c’est quand tous les anciens sont effacés. Or, si la mort volontaire est légitime, pourquoi ne pas choisir ce moment de préférence ? Quel motif peut retenir un nouveau baptisé ? Pourquoi exposerait-il encore son âme purifiée à tous les périls de la vie, quand il lui est si facile d’y échapper, selon ce précepte: "Celui qui aime le péril y tombera2?" Pourquoi aimer tant et de si grands périls, ou, si on ne les aime pas, pourquoi s’y exposer en conservant une vie dont on a le droit de s’affranchir ?
Est-il possible d’avoir le cœur assez pervers et l’esprit assez aveuglé pour se créer ces deux obligations contradictoires: l’une, de se donner la mort, de peur que la domination d’un maître ne nous fasse tomber dans le péché; l’autre, de vivre, afin de supporter une existence pleine à chaque heure de tentations, de ces mêmes tentations que l’on aurait à craindre sous la domination d’un maître, et de mille autres qui sont inséparables de notre condition mortelle ? À ce compte, pourquoi perdrions-nous notre temps à enflammer le zèle des nouveaux baptisés par de vives exhortations, à leur inspirer l’amour de la pureté virginale, de la continence dans le veuvage, de la fidélité au lit conjugal, quand nous avons à leur indiquer un moyen de salut beaucoup plus sûr et à l’abri de tout péril, c’est de se donner la mort aussitôt après la rémission de leurs péchés, afin de paraître ainsi plus sains et plus purs devant Dieu ?
Or, s’il y a quelqu’un qui s’avise de donner un pareil conseil, je ne dirai pas: Il déraisonne je dirai: Il est fou. Comment donc serait-il permis de tenir à un homme le langage que voici: "Tuez-vous, de crainte que, vivant sous la domination d’un maître impudique, vous n’ajoutiez à vos fautes vénielles quelque plus grand péché", si c’est évidemment un crime abominable de lui dire: "Tuez-vous, aussitôt après l’absolution de vos péchés, de crainte que vous ne veniez par la suite à en commettre d’autres et de plus grands, vivant dans un monde plein de voluptés attrayantes, de cruautés furieuses, d’illusions et de terreurs". Puisqu’un tel langage serait criminel, c’est donc aussi une chose criminelle de se tuer. On ne saurait, en effet, invoquer aucun motif qui fût plus légitime; celui-là ne l’étant pas, nul ne saurait l’être.
2. Ecclésiastique, III, 27.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXVIII a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXVIII
POURQUOI DIEU A PERMIS QUE LES BARBARES AIENT
ATTENTÉ À LA PUDEUR DES FEMMES CHRÉTIENNES.
Ainsi donc, fidèles servantes de Jésus-Christ, que la vie ne vous soit point à charge parce que les ennemis se sont fait un jeu de votre chasteté. Vous avez une grande et solide consolation, si votre conscience vous rend ce témoignage que vous n’avez point consenti au péché qui a été permis contre vous. Demanderez-vous pourquoi il a été permis ? Qu’il vous suffise de savoir que la Providence, qui a créé le monde et qui le gouverne, est profonde en ses conseils: "impénétrables sont ses jugements et insondables ses voies1". Toutefois descendez au fond de votre conscience, et demandez-vous sincèrement si ces dons de pureté, de continence, de chasteté n’ont pas enflé votre orgueil, si, trop charmées par les louanges des hommes, vous n’avez point envié à quelques-unes de vos compagnes ces mêmes vertus. Je n’accuse point, ne sachant rien, et je ne puis entendre la réponse de votre conscience; mais si elle est telle que je le crains, ne vous étonnez plus d’avoir perdu ce qui vous faisait espérer les empressements des hommes, et d’avoir conservé ce qui échappe à leurs regards. Si vous n’avez pas consenti au mal, c’est qu’un secours d’en haut est venu fortifier la grâce divine que vous alliez perdre, et l’opprobre subi devant les hommes a remplacé pour vous cette gloire humaine que vous risquiez de trop aimer.
Âmes timides, soyez deux fois consolées; d’un côté, une épreuve, de l’autre, un châtiment; une épreuve qui vous justifie, un châtiment qui vous corrige. Quant à celles d’entre vous dont la conscience ne leur reproche pas de s’être enorgueillies de posséder la pureté des vierges, la continence des veuves, la chasteté des épouses, qui, le cœur plein d’humilité1, se sont réjouies avec crainte de posséder le don de Dieu2, sans porter aucune envie à leurs émules en sainteté, qui dédaignant enfin l’estime des hommes, d’autant plus grande pour l’ordinaire que la vertu qui les obtient est plus rare, ont souhaité l’accroissement du nombre des saintes âmes plutôt que sa diminution qui les eût fait paraître davantage; quant à celles-là, qu’elles ne se plaignent pas d’avoir souffert la brutalité des barbares qu’elles n’accusent point Dieu de l’avoir permise, qu’elles ne doutent point de sa providence, qui laisse faire ce que nul ne commet impunément. Il est en effet certains penchants mauvais qui pèsent secrètement sur l’âme, et auxquels la justice de Dieu lâche les rênes à un certain jour pour en réserver la punition au dernier jugement.
Or, qui sait si ces saintes femmes, dont la conscience est pure de tout orgueil et qui ont eu à subir dans leur corps la violence des barbares, qui sait si elles ne nourrissaient pas quelque secrète faiblesse, qui pouvait dégénérer en faste ou en superbe, au cas où, dans le désordre universel, cette humiliation leur eût été épargnée ? De même que plusieurs ont été. emportés par la mort, afin que l’esprit du mal ne pervertît pas leur volonté1, ces femmes ont perdu l’honneur par la violence, afin que la prospérité ne pervertît pas leur modestie. Ainsi donc, ni celles qui étaient trop fières de leur pureté, ni celles que le malheur seul a préservées de l’orgueil, n’ont perdu la chasteté; seulement elles ont gagné l’humilité; celles-là ont été guéries d’un mal présent, celles-ci préservées d’un mal à venir.
Ajoutons enfin que, parmi ces victimes de la violence des barbares, plus d’une peut-être s’était imaginée que la continence est un bien corporel que l’on conserve tant que le corps n’est pas souillé, tandis qu’elle est un bien du corps et de l’âme tout ensemble, lequel réside dans la force de la volonté, soutenue par la grâce divine, et ne peut se perdre contre le gré de son possesseur. Les voilà maintenant délivrées de ce faux préjugé; et quand leur conscience les assure du zèle dont elles ont servi Dieu, quand leur solide foi les persuade que ce Dieu ne peut abandonner qui le sert et l’invoque de tout son cœur, sachant du reste, de science certaine, combien la chasteté lui est agréable, elles doivent nécessairement conclure qu’il eût jamais permis l’outrage souffert par des âmes saintes, si cet outrage eût pu leur ravir le don qu’il leur a fait lui-même et qui les lui rend aimables, la sainteté.
1. Romains XI, 33.
1. Romains XII, 16.
2. Psaume II, 11.
1. Sagesse IV, 11.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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Dernière édition par ROBERT. le Dim 10 Mai 2015, 3:11 pm, édité 1 fois (Raison : mise en forme)
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXIX a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXIX
RÉPONSE QUE LES ENFANTS DU CHRIST DOIVENT FAIRE
AUX INFIDÈLES, QUAND CEUX-CI LEUR REPROCHENT
QUE LE CHRIST NE LES A PAS MIS À COUVERT
DE LA FUREUR DES ENNEMIS.
Toute la famille du Dieu véritable et souverain a donc un solide motif de consolation établi sur un meilleur fondement que l’espérance de biens chancelants et périssables; elle doit accepter sans regret la vie temporelle elle-même, puisqu’elle s’y prépare à la vie éternelle, usant des biens de ce monde sans s’y attacher, comme fait un voyageur, et subissant les maux terrestres comme une épreuve ou un châtiment. Si on insulte à sa résignation, si on vient lui dire, aux jours d’infortune: "Où est ton Dieu2?" Qu’elle demande à son tour à ceux qui l’interrogent, où sont leurs dieux, alors qu’ils endurent ces mêmes souffrances dont la crainte est le seul principe de leur piété1.
Pour nous, enfants du Christ, nous répondrons: Notre Dieu est partout présent et tout entier partout; exempt de limites, il peut être présent en restant invisible et s’absenter sans se mouvoir. Quand ce Dieu m’afflige, c’est pour éprouver ma vertu ou pour châtier mes péchés; et en échange de maux temporels, si je les souffre avec piété, il me réserve une récompense éternelle. Mais vous, dignes à peine qu’on vous parle de vos dieux, qui êtes-vous en face du mien, "plus redoutable que tous les dieux; car tous les dieux des nations sont des démons, et le Seigneur a fait les cieux2?"
2. Psaume XLI, 4.
1. On sait assez qu’il était d’usage dans l’ancienne république de faire de prières publiques, aux jours de grand péril;
mais il est bon de rappeler ici qu’au moment où Alaric parut devant Rome, cette vieille coutume fut encore mise en pratique par le sénat romain.
Voyez Sozomène, lib. IX, cap. 6; Nicéphore, Annal., lib. XIII, cap. 35, et Zozime, lib. V, cap. 41.
2. Psaume XCV, 4-5.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXX a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXX.
CEUX QUI S’ÉLÈVENT CONTRE LA RELIGION CHRÉTIENNE
NE SONT AVIDES QUE DE HONTEUSES PROSPÉRITÉS.
Si cet illustre Scipion Nasica, autrefois votre souverain Pontife, qui dans la terreur de la guerre punique fut choisi d’une voix unanime par le sénat, comme le meilleur citoyen de Rome, pour aller recevoir de Phrygie l’image de la mère des dieux3, si ce grand homme, dont vous n’oseriez affronter l’aspect, pouvait revenir à la vie, c’est lui qui se chargerait de rabattre votre impudence. Car enfin, qu’est-ce qui vous pousse à imputer au christianisme les maux que vous souffrez ?
C’est le désir de trouver la sécurité dans le vice, et de vous livrer sans obstacle à tout le dérèglement de vos mœurs.
Si vous souhaitez la paix et l’abondance, ce n’est pas pour en user honnêtement, c’est-à-dire avec mesure, tempérance et piété, mais pour vous procurer, au prix de folles prodigalités, une variété infinie de voluptés, et répandre ainsi dans les mœurs, au milieu de la prospérité apparente, une corruption mille fois plus désastreuse que toute la cruauté des ennemis.
C’est ce que craignait Scipion, votre grand pontife, et, au jugement de tout le sénat, le meilleur citoyen de Rome, quand il s’opposait à la ruine de Carthage, cette rivale de l’empire romain, et combattait l’avis contraire de Caton1. Il prévoyait les suites d’une sécurité fatale à des âmes énervées et voulait qu’elles fussent protégées par la crainte, comme des pupilles par un tuteur. Il voyait juste, et l’événement prouva qu’il avait raison. Carthage une fois détruite, la république romaine fut délivrée sans doute d’une grande terreur; mais combien de maux naquirent successivement de cette prospérité ! La concorde entre les citoyens affaiblie et détruite, bientôt des séditions sanglantes, puis, par un enchaînement de causes funestes, la guerre civile avec ses massacres, ses flots de sang, ses proscriptions, ses rapines; enfin, un tel déluge de calamités que ces Romains, qui, au temps de leur vertu, n’avaient rien à redouter que de l’ennemi, eurent beaucoup plus à souffrir, après l’avoir perdue, de la main de leurs propres concitoyens. La fureur de dominer, passion plus effrénée chez le peuple romain que tous les autres vices de notre nature, ayant triomphé dans un petit nombre de citoyens puissants, tout le reste, abattu et lassé, se courba sous le joug2.
3. C’est à Pessinonte, en Phrygie, qu’on alla chercher la statue de Cybèle.
L’oracle de Delphes avait prescrit d’envoyer à sa rencontre le meilleur citoyen de Rome.
Voyez Cicéron, De arusp. resp., cap. 13; Tite-Live, lib. XXIX, cap. 14.
1. Voyez Plutarque, Vie de Caton l’ancien, et Tite-Live, lib. XLIX, epit.
2. Voyez Salluste, de Bello Jugirth.., cap. 41 et sq., et Velleius Paterculus, lib. II, init.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
soulignés, caractères,
gras et police ajoutés.
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXI a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXXI.
PAR QUELS DEGRÉS S’EST ACCRUE CHEZ LES
ROMAINS LA PASSION DE LA DOMINATION.
Comment, en effet, cette passion se serait-elle apaisée dans ces esprits superbes, avant que de s’élever par des honneurs incessamment renouvelés jusqu’à la puissance royale ? Or, pour obtenir le renouvellement de ces honneurs, la brigue (manigance, intrigue) était indispensable; et la brigue elle-même ne pouvait prévaloir que chez un peuple corrompu par l’avarice et la débauche.
Or, comment le peuple devint-il avare et débauché ? Par un effet de cette prospérité dont s’alarmait si justement Scipion, quand il s’opposait avec une prévoyance admirable à la ruine de la plus redoutable et de la plus opulente ennemie de Rome. Il aurait voulu que la crainte servit de frein à la licence, que la licence comprimée arrêtât l’essor de la débauche et de l’avarice, et qu’ainsi la vertu pût croître et fleurir pour le salut de la république, et avec la vertu, la liberté !
Ce fut par le même principe et dans un même sentiment de patriotique prévoyance que Scipion, je parle toujours de l’illustre pontife que le sénat proclama par un choix unanime le meilleur citoyen de Rome, détourna ses collègues du dessein qu’ils avaient formé de construire un amphithéâtre. Dans un discours plein d’autorité, il leur persuada de ne pas souffrir que la mollesse des Grecs vînt corrompre la virile austérité des antiques mœurs et souiller la vertu romaine de la contagion d’une corruption étrangère.
Le sénat fut si touché par cette grave éloquence qu’il défendit l’usage des sièges qu’on avait coutume de porter aux représentations scéniques. Avec quelle ardeur ce grand homme eût-il entrepris d’abolir les jeux mêmes, s’il eût osé résister à l’autorité de ce qu’il appelait des dieux ! Car il ne savait pas que ces prétendus dieux ne sont que de mauvais démons, ou s’il le savait, il croyait qu’on devait les apaiser plutôt que de les mépriser. La doctrine céleste n’avait pas encore été annoncée aux Gentils, pour purifier leur cœur par la foi, transformer en eux la nature humaine par une humble piété, les rendre capables des choses divines et les délivrer enfin de la domination des esprits superbes.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXII a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXXII.
DE L’ÉTABLISSEMENT DES JEUX SCÉNIQUES.
Sachez donc, vous qui l’ignorez, et vous aussi qui feignez l’ignorance, n’oubliez pas, au milieu de vos murmures contre votre libérateur, que ces jeux scéniques, spectacles de turpitude, œuvres de licence et de vanité, ont été établis à Rome, non par la corruption des hommes, mais par le commandement de vos dieux. Mieux eût valu accorder les honneurs divins à Scipion que de rendre un culte à des dieux de cette sorte, qui n’étaient certes pas meilleurs que leur pontife. Écoutez-moi un instant avec attention, si toutefois votre esprit, longtemps enivré d’erreurs, est capable d’entendre la voix de la raison: Les dieux commandaient que l’on célébrât des jeux de théâtre pour guérir la peste des corps1, et Scipion, pour prévenir la peste des âmes, ne voulait pas que le théâtre même fût construit. S’il vous reste encore quelque lueur d’intelligence pour préférer l’âme au corps, dites-moi qui vous devez honorer, de Scipion ou de vos dieux.
Au surplus, si la peste vint à cesser, ce ne fut point parce que la folle passion des jeux plus raffinés de la scène s’empara d’un peuple belliqueux qui n’avait connu jusqu’alors que les jeux du cirque; mais ces démons méchants et astucieux, prévoyant que la peste allait bientôt finir, saisirent cette occasion pour en répandre une autre beaucoup plus dangereuse et qui fait leur joie parce qu’elle s’attaque, non point au corps, mais aux mœurs. Et de fait, elle aveugla et corrompit tellement l’esprit des Romains que dans ces derniers temps (la postérité aura peine à le croire), parmi les malheureux échappés au sac de Rome et qui ont pu trouver un asile à Carthage, on en a vu plusieurs tellement possédés de cette étrange maladie qu’ils couraient chaque jour au théâtre s’enivrer follement du spectacle des histrions (bouffons).
1. Voyez Tite-Live, lib. VII, cap.2;
Val. Max., lib. II, cap. 4, § 2,
et Tertullien, De Spectac., cap. 5.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et
gras ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXIII a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXXIII.
LA RUINE DE ROME N’A PAS
CORRIGÉ LES VICES DES ROMAINS.
Quelle est donc votre erreur, insensés, ou plutôt, quelle fureur vous transporte ! Quoi ! Au moment où, si l’on en croit les récits des voyageurs, le désastre de Rome fait jeter un cri de douleur jusque chez les peuples de l’Orient1, au moment où les cités les plus illustres dans les plus lointains pays font de votre malheur un deuil public, c’est alors que vous recherchez les théâtres, que vous y courez, que vous les remplissez, que vous en envenimez encore le poison. C’est cette souillure et cette perte des âmes, ce renversement de toute probité et de tout sentiment honnête que Scipion redoutait pour vous, quand il s’opposait à la construction d’un amphithéâtre, quand il prévoyait que vous pourriez aisément vous laisser corrompre par la bonne fortune, quand il ne voulait pas qu’il ne vous restât plus d’ennemis à redouter.
Il n’estimait pas qu’une cité fût florissante, quand ses murailles sont debout et ses mœurs ruinées. Mais le séducteur des démons a eu plus de pouvoir sur vous que la prévoyance des sages. De là vient que vous ne voulez pas qu’on vous impute le mal que vous faites et que vous imputez aux chrétiens celui que vous souffrez. Corrompus par la bonne fortune, incapables d’être corrigés par la mauvaise, vous ne cherchez pas dans la paix la tranquillité de l’État, mais l’impunité de vos vices. Scipion vous souhaitait la crainte de l’ennemi pour vous retenir sur la pente de la licence, et vous, écrasés par l’ennemi, vous ne pouvez pas même contenir vos dérèglements; tout l’avantage de votre calamité, vous l’avez perdu; vous êtes devenus misérables, et vous êtes restés vicieux.
1. Les témoignages de cette douleur immense et universelle abondent dans les historiens.
Voyez les lettres de saint Jérôme, notamment Epist. XVI, ad Principiam, et LXXXII, ad Marcell. Et Anapsychiam.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXIV a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXXIV.
LA CLÉMENCE DE DIEU A ADOUCI
LE DÉSASTRE DE ROME.
Et cependant si vous vivez, vous le devez à Dieu, à ce Dieu qui ne vous épargne que pour vous avertir de vous corriger et de faire pénitence, à ce Dieu qui a permis que malgré votre ingratitude vous ayez évité la fureur des ennemis, soit en vous couvrant du nom de ses serviteurs, soit en vous réfugiant dans les églises de ses martyrs.
On dit que Rémus et Romulus, pour peupler leur ville, établirent un asile où les plus grands criminels étaient assurés de l’impunité1. Exemple remarquable et qui s’est renouvelé de nos jours à l’honneur du Christ ! Ce qu’avaient ordonné les fondateurs de Rome, ses destructeurs l’ont également ordonné. Mais quelle merveille que ceux-là aient fait pour augmenter le nombre de leurs citoyens ce que ceux-ci ont fait pour augmenter le nombre de leurs ennemis ?
1. Saint Augustin parait ici suivre Plutarque, Vit. Rom., cap. 9.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXV a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXXV
L’ÉGLISE A DES ENFANTS CACHÉS PARMI SES
ENNEMIS ET DE FAUX AMIS PARMI SES ENFANTS.
Tels sont les moyens de défense (et il y en a peut-être de plus puissants encore) que nous pouvons opposer à nos ennemis, nous enfants du Seigneur Jésus, rachetés de son sang et membres de la cité ici-bas étrangère, de la cité royale du Christ. N’oublions pas toutefois qu’au milieu de ces ennemis mêmes se cache plus d’un concitoyen futur, ce qui doit nous faire voir qu’il n’est pas sans avantage de supporter patiemment comme adversaire de notre foi celui qui peut en devenir confesseur. De même, au sein de la cité de Dieu, pendant du moins qu’elle accomplit son voyage à travers ce monde, plus d’un qui est uni à ses frères par la communion des mêmes sacrements, sera banni un jour de la société des saints.
De ces faux amis, les uns se tiennent dans l’ombre, les autres osent mêler ouvertement leur voix à celle de nos adversaires, pour murmurer contre le Dieu dont ils portent la marque sacrée, jouant ainsi deux rôles contraires et fréquentant également les théâtres et les lieux saints. Faut-il cependant désespérer de leur conversion ? Non, certes, puisque parmi nos ennemis les plus déclarés, nous avons des amis prédestinés encore inconnus à eux-mêmes. Les deux cités, en effet, sont mêlées et confondues ensemble pendant cette vie terrestre jusqu’à ce qu’elles se séparent au dernier jugement. Exposer leur naissance, leur progrès et leur fin, c’est ce que je vais essayer de faire, avec l’assistance du ciel et pour la gloire de la cité de Dieu, qui tirera de ce contraste mi plus vif éclat.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre 1er, cap. XXXVI a écrit:
LIVRE PREMIER: LES GOTHS À ROME.
CHAPITRE XXXVI.
DES SUJETS QU’IL CONVIENDRA DE
TRAITER DANS LES LIVRES SUIVANTS.
Mais avant d’aborder cette entreprise, j’ai encore quelque chose à répondre à ceux qui rejettent les malheurs de l’empire romain sur notre religion, sous prétexte qu’elle défend de sacrifier aux dieux1. Il faut pour cela que je rapporte (autant du moins que ma mémoire et le besoin de mon sujet le permettront) tous les maux qui sont arrivés à l’empire ou aux provinces qui en dépendent avant que cette défense n’eût été faite: calamités qu’ils ne manqueraient pas de nous attribuer, si notre religion eût paru dès ce temps-là et interdit leurs sacrifices impies. Je montrerai ensuite pourquoi le vrai Dieu, qui tient en sa main tous les royaumes de la terre, a daigné accroître le leur, et je ferai voir que leurs prétendus dieux, loin d’y avoir contribué, y ont plutôt nui, au contraire, par leurs fourberies et leurs prestiges.
Je terminerai en réfutant ceux qui, convaincus sur ce dernier point par des preuves si claires, se retranchent à soutenir qu’il faut servir les dieux, non pour les biens de la vie présente, mais pour ceux de la vie future. Ici la question, si je ne me trompe, devient plus difficile et monte vers les régions sublimes. Nous avons affaire à des philosophes, non pas aux premiers venus d’entre eux, mais aux plus illustres et aux plus excellents, lesquels sont d’accord avec nous sur plusieurs choses, puisqu’ils reconnaissent l’âme immortelle et le vrai Dieu, auteur et providence de l’univers.
Mais comme ils ont aussi beaucoup d’opinions contraires aux nôtres, nous devons les réfuter et nous ne faillirons pas à ce devoir. Nous combattrons donc leurs assertions impies dans toute la force qu’il plaira à Dieu de nous départir, pour l’affermissement de la cité sainte, de la vraie piété et du culte de Dieu, sans lequel on ne saurait parvenir à la félicité promise. Je termine ici ce livre, afin de passer au nouveau sujet que je me propose de traiter.
1. La prohibition du culte païen date de Constantin. Elle fut poursuivie par Valentinien et consommée par Théodose.
Voyez Eusèbe, Vit. Const., lib. II, cap. 43, 44, et lib. IV, cap. 23; Nicéphore, lib. VII cap. 46;
Théodoret, Hist. Eccl., lib. V, cap. 21, et saint Augustin, De Cons. Evang., lib. I, n. 42.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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FIN DU LIVRE 1er
à suivre: LIVRE II.
à suivre: LIVRE II.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. I a écrit:
LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.*
Argument. — Saint Augustin traite des maux que les Romains ont eu à subir avant Jésus-Christ, pendant que florissait le culte des faux dieux; il démontre que loin d’avoir été préservée par ses dieux, Rome en a reçu les seuls maux véritables ou du moins les plus grands de tous, à savoir les vices de l’âme et la corruption des mœurs.
→ Voilà la table des matières du Livre Deuxième; je viendrai, de temps à autre, mettre les liens correspondants. Merci.
Chapitre Premier. IL EST NÉCESSAIRE DE NE POINT PROLONGER LES DISCUSSIONS AU-DELÀ D’UNE CERTAINE MESURE. (Note: pour la lecture de ce chapitre seulement, voir la fin de ce "post". Pour la lecture des autres chapitres, suivre les liens.)
Chapitre II. RÉCAPITULATION DE CE QUI A ÉTÉ TRAITÉ DANS LE PREMIER LIVRE.
Chapitre III. IL SUFFIT DE CONSULTER L’HISTOIRE POUR VOIR QUELS MAUX SONT ARRIVÉS AUX ROMAINS PENDANT QU’ILS ADORAIENT LES DIEUX ET AVANT L’ÉTABLISSEMENT DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.
Chapitre IV. LES IDOLÂTRES N’ONT JAMAIS REÇU DE LEURS DIEUX AUCUN PRÉCEPTE DE VERTU, ET LEUR CULTE A ÉTÉ SOUILLÉ DE TOUTES SORTES D’INFÂMIES.
Chapitre V. DES CÉRÉMONIES OBSCÈNES QU’ON CÉLÉBRAIT EN L’HONNEUR DE LA MÈRE DES DIEUX.
Chapitre VI. LES DIEUX DES PAÏENS NE LEUR ONT JAMAIS ENSEIGNÉ LES PRÉCEPTES D’UNE VIE HONNÊTE.
Chapitre VII. LES MAXIMES INVENTÉES PAR LES PHILOSOPHES NE POUVAIENT SERVIR À RIEN, ÉTANT DÉPOURVUES D’AUTORITÉ DIVINE ET S’ADRESSANT À UN PEUPLE PLUS PORTÉ À SUIVRE LES EXEMPLES DES DIEUX QUE LES MAXIMES DES RAISONNEURS.
Chapitre VIII. LES JEUX SCÉNIQUES, OÙ SONT ÉTALÉES TOUTES LES TURPITUDES DES DIEUX, LOIN DE LEUR DÉPLAIRE, SERVENT À LES APAISER.
Chapitre IX. LES ANCIENS ROMAINS JUGEAIENT NÉCESSAIRE DE RÉPRIMER LA LICENCE DES POÈTES, À LA DIFFÉRENCE DES GRECS QUL NE LEUR IMPOSAIENT AUCUNE LIMITE, SE CONFORMANT EN CE POINT À LA VOLONTÉ DES DIEUX.
Chapitre X. C’EST UN TRAIT DE LA PROFONDE MALICE DES DÉMONS, DE VOULOIR QU’ON LEUR ATTRIBUE DES CRIMES, SOIT VÉRITABLES, SOIT SUPPOSÉS.
Chapitre XI. LES GRECS ADMETTAIENT LES COMÉDIENS À L’EXERCICE DES FONCTIONS PUBLIQUES, CONVAINCUS QU’IL Y AVAIT DE L’INJUSTICE À MÉPRISER DES HOMMES DONT L’ART APAISAIT LA COLÈRE DES DIEUX.
Chapitre XII. LES ROMAINS, EN INTERDISANT AUX POÈTES D’USER CONTRE LES HOMMES D’UNE LIBERTÉ QU’ILS LEUR DONNAIENT CONTRE LES DIEUX, ONT EU MOINS BONNE OPINION DES DIEUX QUE D’EUX-MÊMES.
Chapitre XIII. LES ROMAINS AURAIENT DU COMPRENDRE QUE DES DIEUX CAPABLES DE SE COMPLAIRE À DES JEUX INFÂMES N’ÉTAIENT PAS DIGNES DES HONNEURS DIVINS.
Chapitre XIV. PLATON, EN EXCLUANT LES POÈTES D’UNE CITÉ BIEN GOUVERNÉE, S’EST MONTRÉ SUPÉRIEUR À CES DIEUX QUI VEULENT ÊTRE HONORÉS PAR DES JEUX SCÉNIQUES.
Chapitre XV. LES ROMAINS SE SONT DONNÉ CERTAINS DIEUX, NON PAR RAISON, MAIS PAR VANITÉ.
Chapitre XVI. SI LES DIEUX AVAIENT EU LE MOINDRE SOUCI DE FAIRE RÉGNER LA JUSTICE, ILS AURAIENT DONNÉ AUX ROMAINS DES PRÉCEPTES ET DES LOIS, AU LIEU DE LES LEUR LAISSER EMPRUNTER AUX NATIONS ÉTRANGÈRES.
Chapitre XVII. DE L’ENLÈVEMENT DES SABINES, ET DES AUTRES INIQUITÉS COMMISES
PAR LES ROMAINS AUX TEMPS LES PLUS VANTÉS DE LA RÉPUBLIQUE.
Chapitre XVIII. TÉMOIGNAGE DE SALLUSTE SUR LES MŒURS DU PEUPLE ROMAIN, TOUR À TOUR CONTENUES PAR LA CRAINTE ET RELÂCHÉES PAR LA SÉCURITÉ.
Chapitre XIX. DE LA CORRUPTION OÙ ÉTAIT TOMBÉE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE AVANT QUE LE CHRIST VÎNT ABOLIR LE CULTE DES DIEUX.
Chapitre XX. DE L’ESPÈCE DE FÉLICITÉ ET DU GENRE DE VIE QUI PLAIRAIENTLE PLUS AUX ENNEMIS DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.
CHAPITRE XXI. SENTIMENT DE CICÉRON SUR LA RÉPUBLIQUE ROMAINE.
CHAPITRE XXII. LES DIEUX DES ROMAINS N’ONT JAMAIS PRIS SOIN D’EMPÊCHER QUE LES MŒURS NE FISSENT PÉRIR LA RÉPUBLIQUE.
Chapitre XXIII. LES VICISSITUDES DES CHOSES TEMPORELLES NE DÉPENDENT POINT DE LA
FAVEUR OU DE L’INIMITIÉ DES DÉMONS, MAIS DU CONSEIL DU VRAI DIEU.
Chapitre XXIV. DES PROSCRIPTIONS DE SCYLLA AUXQUELLES LES DÉMONS SE VANTENT D’AVOIR PRÊTÉ LEUR ASSISTANCE.
Chapitre XXV. LES DÉMONS ONT TOUJOURS EXCITÉ LES HOMMES AU MAL EN DONNANT AUX CRIMES L’AUTORITÉ DE LEUR EXEMPLE.
Chapitre XXVI. LES FAUX DIEUX DONNAIENT EN SECRET DES PRÉCEPTES POUR LES BONNES MŒURS, ET EN PUBLIC DES EXEMPLES D’IMPUDICITÉ.
Chapitre XXVII. QUELLE FUNESTE INFLUENCE ONT EXERCÉE SUR LES MŒURS PUBLIQUES LES JEUX OBSCÈNES QUE LES ROMAINS CONSACRAIENT A LEURS DIEUX POUR LES APAISER.
Chapitre XXVIII. DE LA SAINTETÉ DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.
Chapitre XXIX. EXHORTATION AUX ROMAINS POUR QU’ILS REJETTENT LE CULTE DES DIEUX.
CHAPITRE PREMIER.
IL EST NÉCESSAIRE DE NE POINT PROLONGER LES
DISCUSSIONS AU-DELÀ D’UNE CERTAINE MESURE.
Si le faible esprit de l’homme, au lieu de résister à l’évidence de la vérité, voulait se soumettre aux enseignements de la saine doctrine, comme un malade aux soins du médecin, jusqu’à ce qu’il obtînt de Dieu par sa foi et sa piété la grâce nécessaire pour se guérir, ceux qui ont des idées justes et qui savent les exprimer convenablement n’auraient pas besoin d’un long discours pour réfuter l’erreur. Mais comme l’infirmité dont nous parlons est aujourd’hui plus grande que jamais, à ce point que l’on voit des insensés s’attacher aux mouvements déréglés de leur esprit comme à la raison et à la vérité même, tantôt par l’effet d’un aveuglement qui leur dérobe la lumière, tantôt par suite d’une opiniâtreté qui la leur fait repousser, on est souvent obligé, après leur avoir déduit ses raisons autant qu’un homme le doit attendre de son semblable, de s’étendre beaucoup sur des choses très-claires, non pour les montrer à ceux qui les regardent, mais pour les faire toucher à ceux qui ferment les yeux de peur de les voir. Et cependant, si on se croyait tenu de répondre toujours aux réponses qu’on reçoit, quand finiraient les discussions ?
Ceux qui ne peuvent comprendre ce qu’on dit, ou qui, le comprenant, ont l’esprit trop dur et trop rebelle pour y souscrire, répondent toujours; mais, comme dit l’Ecriture: "Ils ne parlent que le langage de l’iniquité1"; et leur opiniâtreté infatigable est vaine. Si donc nous consentions à les réfuter autant de fois qu’ils prennent avec un front d’airain la résolution de ne pas se mettre en peine de ce qu’ils disent, pourvu qu’ils nous contredisent n’importe comment, vous voyez combien notre labeur serait pénible, infini et stérile, c’est pourquoi je ne souhaiterais pas avoir pour juges de cet ouvrage, ni vous-même, Marcellinus, mon cher fils, ni aucun de ceux à qui je l’adresse dans un esprit de discussion utile et loyale et de charité chrétienne, s’il vous fallait toujours des réponses, dès que vous verriez paraître un argument nouveau; j‘aurais trop peur alors que vous ne devinssiez semblables à ces malheureuses femmes dont parle l’Apôtre, "qui incessamment apprennent sans jamais savoir la vérité1"
1. Psaume XCIII, 4.
1. II Timothée III, 7.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et
gras ajoutés.
.
* Avez-vous remarqué que le Titre du Livre II de Saint Augustin, va à ravir aux Intrus à Rome ?
,
Dernière édition par ROBERT. le Ven 29 Mai 2015, 11:33 am, édité 12 fois (Raison : liens + mise en forme.)
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. II a écrit:
LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.
CHAPITRE II.
RÉCAPITULATION DE CE QUI A ÉTÉ
TRAITÉ DANS LE PREMIER LIVRE.
Ayant commencé, dans le livre précédent, de traiter de la Cité de Dieu, à laquelle j’ai résolu, avec l’assistance d’en haut, de consacrer tout cet ouvrage, mon premier soin a été de répondre à ceux qui imputent les guerres dont l’univers est en ce moment désolé, et surtout le dernier malheur de Rome, à la religion chrétienne, sous prétexte qu’elle interdit les sacrifices abominables qu’ils voudraient faire aux démons. J’ai donc fait voir qu’ils devraient bien plutôt attribuer à l’influence du Christ le respect que les barbares ont montré pour son nom, en leur laissant, contre l’usage de la guerre, de vastes églises pour lieu de refuge, et en honorant à tel point leur religion (celle du moins qu’ils feignaient de professer), qu’ils ne se sont pas cru permis contre eux ce que leur permet contre tous le droit de la victoire. De là s’est élevée une question nouvelle: pourquoi cette faveur divine s’est-elle étendue à des impies et à des ingrats, et pourquoi, d’un autre côté, les désastres de la guerre ont-ils également frappé les impies et les hommes pieux ?
Je me suis quelque peu arrêté sur ce point, d’abord parce que cette répartition ordinaire des bienfaits de la Providence et des misères de l’humanité tombant indifféremment sur les bons et sur les méchants, porte le trouble dans plus d’une conscience; puis j’ai voulu, et ç’a été mon principal objet, consoler de saintes femmes, chastes et pieuses victimes d’une violence qui a pu attrister leur pudeur, mais non souiller leur pureté, de peur qu’elles ne se repentent de vivre, elles qui n’ont rien dans leur vie dont elles aient à se repentir.
J’ai ajouté ensuite quelques réflexions contre ceux qui osent insulter aux infortunes subies par les chrétiens et en particulier par ces malheureuses femmes restées chastes et saintes dans l’humiliation de leur pudeur; adversaires sans bonne foi et sans conscience, indignes enfants de ces Romains renommés par tant de belles actions dont l’histoire conservera le souvenir, mais qui ont trouvé dans leurs descendants dégénérés les plus grands ennemis de leur gloire.
Rome, en effet, fondée par leurs aïeux et portée à un si haut point de grandeur, ils l’avaient plus abaissée par leurs vices qu’elle ne l’a été par sa chute; car cette chute n’a fait tomber que des pierres et du bois, au lieu que leurs vices avaient ruiné leurs mœurs, fondement et ornement des empires, et allumé dans les âmes des passions mille fois plus dévorantes que les feux qui ont consumé les palais de Rome. C’est par là que j’ai terminé le premier livre.
Mon dessein maintenant est d’exposer les maux que Rome a soufferts depuis sa naissance, soit dans l’intérieur de l’empire, soit dans les provinces, soumises; longue suite de calamités que nos adversaires ne manqueraient pas d’attribuer à la religion chrétienne, si, dès ce temps-là, la doctrine de l’Evangile eût fait librement retentir sa voix contre leurs fausses et trompeuses divinités.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
gras ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: La Cité de Dieu (SAINT AUGUSTIN) Livre I :Les Goths à Rome. Livre II: Rome et les faux dieux. (complet)
Saint Augustin, in La Cité de Dieu, Livre II, cap. III a écrit:
LIVRE II: ROME ET LES FAUX DIEUX.
CHAPITRE III.
IL SUFFIT DE CONSULTER L’HISTOIRE POUR VOIR QUELS MAUX
SONT ARRIVÉS AUX ROMAINS PENDANT QU’ILS ADORAIENT LES DIEUX ET
AVANT L’ÉTABLISSEMENT DE LA RELIGION CHRÉTIENNE..
En lisant le récit que je vais tracer, il faut se souvenir que parmi les adversaires à qui je m’adresse il y a des ignorants qui ont fait naître ce proverbe: "La pluie manque, c’est la faute des chrétiens1" . Il en est d’autres2, je le sais, qui, munis d’études libérales, aiment l’histoire et connaissent les faits que j’ai dessein de rappeler; mais afin de nous rendre odieux à la foule ignorante, ils feignent de ne pas les savoir et s’efforcent de faire croire au vulgaire que les désastres qui, selon l’ordre de la nature, affligent les hommes à certaines époques et dans certains lieux, n’arrivent présentement qu’à cause des progrès du christianisme qui se répand partout avec un éclat et une réputation incroyables, au détriment du culte des dieux.
Qu’ils se souviennent donc avec nous de combien de calamités Rome a été accablée avant que Jésus-Christ ne se fût incarné, avant que son nom n’eût brillé parmi les peuples de cette gloire dont ils sont vainement jaloux. Comment justifieront-ils leurs dieux sur ce point, puisque, de leur propre aveu, ils ne les servent que pour se mettre à couvert de ces calamités qu’il leur plaît maintenant de nous imputer ? Je les prie de me dire pourquoi ces dieux ont permis que de si grands désastres arrivassent à leurs adorateurs avant que le nom de Jésus-Christ, partout proclamé, ne vînt offenser leur orgueil et mettre un terme à leurs sacrifices.
1. Ce dicton païen est également rapporté par Tertullien., cap. 40.
Voyez aussi ce que répond Arnobe sur ce point aux adversaires, du christianisme, Contra. Gent., lib. I, p. 3 et sq. de l’édition Stewech.
2. Saint Augustin semble ici faire allusion à Symmaque, qui, dans son fameux mémoire adressé, en 384, à l’empereur Valentinien,
accusait les chrétiens des malheurs de l’empire. Voyez Paul Orose et la préface de son livre adressée à saint Augustin.
Traduction par M. SAISSET, 1869.
à suivre…
italiques et
gras ajoutés.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
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