Fausse et vraie piété.

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Fausse et vraie piété. Empty Fausse et vraie piété.

Message  Roger Boivin Ven 03 Avr 2015, 1:12 pm



417. — Lélia, domestique ? désirant devenir plus pieuse, croit devoir consacrer chaque matin de longues heures à entendre la sainte messe, à faire le chemin de la croix, à réciter des prières, etc. Mais, voici que son maître la gronde ; il n'est point du tout content de son service, il lui reproche maintes fois de perdre son temps. On demande si Lélia doit obéir à son maître plutôt qu'aux attraits de sa pitié. Vous êtes une amie de Lélia, quels conseils lui donneriez-vous ? Rappelez-lui la notion de la véritable piété.

Ma chère amie,

Vous m'appelez à trancher une question fort délicate. Vous voulez savoir si vous avez raison de consacrer chaque matin de longues heures à entendre la sainte messe, à faire le chemin de la croix, à réciter des prières, etc. Vous voulez savoir si votre maître n'est pas dans son tort quand il vous gronde à ce sujet, quand il n'est point content de votre service et qu'il vous reproche de perdre ainsi votre temps. Certes, je ne voudrais pour rien au monde, ralentir les élans de votre bon cœur ; je ne voudrais pas non plus vous savoir insupportable à votre excellent maître. Il vous faut donc trouver un terrain d'entente ; et ce terrain est la véritable piété.

La piété est une merveilleuse chose, puisque, au dire de saint Paul, elle a les promesses de la vie présente et celles de la vie future. Mais il est souverainement utile d'en avoir une idée juste et sérieuse.. Malheureusement, dans le monde, chacun veut se fabriquer un genre de dévotion, et, au lieu de façonner son âme sur le beau modèle que l'Evangile nous a proposé, on cherche à rabaisser l'Evangile au niveau des petites passions humaines. Cette aberration produit deux effets également déplorables : elle enlève à la piété ses précieuses ressources en la dosant d'un alliage malsain ; elle l'expose aux critiques des méchants en dénaturant sa physionomie respectable et digne.

Qu'est-ce donc que la vraie piété ?

Le nom de piété ou dévotion est assez général et il est difficile de le circonscrire. Quelquefois on exprime par ce mot la douceur et la consolation intérieure qu'une âme goûte dans l'oraison. Ainsi l'entendent ordinairement saint Augustin et saint Bernard. D'autres fois on entend un penchant aux exercices de piété et à tout ce qui regarde le culte de Dieu. Saint Ambroise et saint Grégoire le prennent communément dans ce sens. Ceux-ci pensent que la piété est une sainte allégresse et une promptitude d'esprit avec lesquelles l'âme se porte au service du Créateur et ils la confondent avec la ferveur. Ceux-là estiment qu'elle est une fidélité constante aux pratiques de la religion : prière, méditation, fréquentation des sacrements ; et ils prennent l'effet pour la cause.

Qu'est-ce donc que la piété considérée à son véritable point de vue ? Empruntant la définition du grand docteur de l'école, je dirai qu'elle est un mouvement intérieur et un sentiment d'amour qui nous unit à Dieu, perfectionne notre âme et la porte à accomplir avec promptitude et joie tous les devoirs de la vie chrétienne (1).

On peut en établir la règle en deux mots : faire son plaisir de son devoir. Quand on dit de quelqu'un qu'il vous est dévoué, cela signifie qu'il prend vos intérêts avant tout et en toutes choses. Vous pouvez lui confier une affaire importante, il en acceptera le soin et la traitera comme pour lui-même. Vous pouvez aussi vous décharger sur lui des moindres détails, il ne négligera rien de ce qui peut vous obliger. Et être dévoué à Dieu ou avoir de la dévotion, c'est donc travailler pour lui, tendre à lui devenir agréable et prendre toujours les intérêts de sa gloire.

La religion honore Dieu comme Créateur et souverain Seigneur, la piété l'honore comme père et produit dans l'âme un sentiment d'affection toute filiale, pleine d'onction et de tendresse, de suavité et d'abandon ; c'est la marque distinctive des enfants de Dieu, comme la piété filiale est la marque d'un enfant bien né et reconnaissant.

Sans doute le corps de la piété est façonné avec cet ensemble d'actions extérieures que nous devons faire et de pratiques que nous devons adopter pour exprimer les sentiments du cœur. Mais il varie d'aspect suivant les états et il faut toujours le former d'après sa condition. Autre en effet est la piété d'une mère de famille, autre celle d'une jeune personne. Celle-là doit avant tout se préoccuper de l'éducation de ses enfants, corriger leurs défauts, prévenir leurs faiblesses : toute dévotion qui ne met pas cela en première ligne est essentiellement fausse et mauvaise. Celle-ci doit être assidue à l'obéissance, pleine de respect et de déférence pour les auteurs de ses jours, modeste dans ses rapports, et docile aux conseils qu'elle reçoit. Tout ce qui tendrait à dispenser de ces obligations doit être impitoyablement réprouvé. Ainsi différente est la piété du domestique et différente celle du maître. Comment voulez-vous qu'un maître soit content de ses domestiques, si ces dernières emploient tout leur temps à des occupations que ne comporte pas leur service ? Le maître rétribue, il a droit à être servi. La mesure de la piété véritable sera donc prise sur les devoirs et les obligations inséparables des diverses conditions.

Hélas, ma chère amie, que de personnes manquent à ce principe fondamental ! Elles croient faire des miracles et ce sont tout au plus des prestiges d'enchanteur et des tours de magiciens. Elles s'imaginent pratiquer des actions héroïques et elles travaillent des pièces vermoulues, incapables de former la moindre construction. Elles taillent des pierres magnifiques, mais ce sont des matériaux qui ne trouvent pas de place dans l'édifice du salut. Elles manquent de faire la volonté de Dieu, elles sont à l'église quand il faudrait être au foyer domestique ; elles cherchent à ordonner quatre ou cinq pensées d'après une méthode plus ou moins bien combinée, si vous venez à pénétrer dans leur maison, vous ne trouvez que désordre, malaise et paresse.

C'est là, à mon avis, battre l'air avec un bâton, c'est courir bors de la voie et lancer le convoi hors du rail.

Souvenez-vous, ma chère amie, que le vrai dévot ne l'est ni par caprice, ni par ostentation. Il ne néglige pas les petites choses, mais c'est après avoir observé les grandes. Il s'attache à son devoir et laisse faire aux autres le leur, il ne pleure sur eux que lorsqu'il a gémi sur lui-même. Il a de la vénération pour ceux qui pratiquent les conseils, et il commence par obéir aux commandements. Il fait toutes choses en leur temps, et il n'y a rien de déréglé dans sa vie. On ne le prend peut-être pas dans le monde pour un grand dévot, parce qu'il ne fait rien d'extraordinaire ; mais il n'appréhende rien tant que de ne pas accomplir exactement l'ordinaire. Il se réjouit avec ses amis, il les avertit quand il doit, il les excuse toujours. Si on l'offense, il rend service ; si on l'outrage, il bénit. Occupé des obligations de son état, ménager de son temps, modeste au dehors, affable chez lui, il s'applique à la prière sans affectation, il est à l'église sans orgueil. Il loue Dieu partout et s'approche de lui dans les sacrements toutes les fois que ses travaux le permettent. Il ne s'attire pas les occasions de s'humilier, mais il profite de celles qui se présentent. Il rejette les louanges qu'on lui donne sans vouloir s'en attirer de plus grandes par un refus obstiné. Il se garde par-dessus tout de l'habitude qui fait des pratiques un corps sans âme. En un mot, il n'aime que Dieu, il ne regrette que la perte de Dieu, il ne se réjouit qu'en Dieu. Dieu est son bonheur, le devoir son occupation, l'obéissance son plaisir.


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(1) Saint Thomas : « Voluntas quœdam prompte tradendi se ad famulatum. »


RECUEIL DE PROBLÈMES CATÉCHISTIQUES- QUESTIONS PRATIQUES -- Tome I -- Abbé E. Constantin -- 1904 :

https://archive.org/stream/recueildeproblme01cons#page/372/mode/2up

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Message  ROBERT. Ven 03 Avr 2015, 1:48 pm

RECUEIL DE PROBLÈMES CATÉCHISTIQUES — QUESTIONS PRATIQUES — Tome I — Abbé E. Constantin — 1904 a écrit:  
…le vrai dévot ne l'est ni par caprice, ni par ostentation. Il ne néglige pas les petites choses, mais c'est après avoir observé les grandes….

…En un mot, il n'aime que Dieu, il ne regrette que la perte de Dieu, il ne se réjouit qu'en Dieu.

Dieu est son bonheur, le devoir son occupation, l'obéissance son plaisir.


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