Dimanche de la Septuagésime (2015)
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Dimanche de la Septuagésime (2015)
Dimanche de la Septuagésime. (2015)
Tout rameau dont les racines ne plongeront pas dans la charité sera desséché
« Les premiers s'étant approchés, ils pensèrent qu'ils allaient recevoir davantage; mais ils n'eurent aussi qu'un denier chacun. »
Tout rameau dont les racines ne plongeront pas dans la charité sera desséché
« Les premiers s'étant approchés, ils pensèrent qu'ils allaient recevoir davantage; mais ils n'eurent aussi qu'un denier chacun. »
Inégalité de travaux, égalité de récompense, voilà, mes frères, ce que nous découvrons dans la parabole qui nous occupe, voilà ce qu'elle se propose principalement de nous inculquer; et cela, parce que la grâce divine se montre avec plus d'éclat dans les uns, et la justice divine dans les autres. Le but du divin Maître est évidemment de nous apprendre que Dieu n'est pas moins libre; que généreux dans la distribution de ses bienfaits. S'il ne frustre personne du fruit de ses travaux, et s'il accorde à tous plus qu'ils ne méritent, il se réserve pourtant le droit de traiter quelques créatures privilégiées avec plus de bonté et plus de munificence. Et remarquez ici la différence qui sépare l'être infini des causes naturelles. Les causes naturelles, telles que le soleil, les astres, les éléments, ne sont pas libres dans leur action; elles ne peuvent jamais s'empêcher d'agir, toutes les fois que leur activité est en jeu; et elles ne peuvent jamais agir autrement, que ne l'exigent la nature de l'être soumis à leur influence et leur propre vertu.
Approchez du feu des matériaux convenables, il brûlera toujours ; et il brûlera avec d'autant plus d'ardeur, qu'il aura sur ces corps plus de prise. Autre est son action sur le bois sec, et autre sur le bois vert. Mais la cause première et souveraine possède une liberté égale à sa puissance : elle ne saurait subir d'influence étrangère. Et voilà pourquoi elle répartit ses biens, tantôt avec une mesure proportionnée exactement aux mérites des hommes, tantôt avec une générosité qui ne connaît pas de limites, de telle sorte que, sans jamais cesser de témoigner à ses créatures sa bonté et sa libéralité, elle se conduit envers quelques-unes avec une munificence qui n'a d'autre raison que sa volonté. Il vous est facile de vous en convaincre, soit que vous considériez la répartition des biens temporels, soit que vous considériez celle des biens spirituels..
On peut distinguer quatre sortes de biens, les biens de la nature, les biens de la grâce, les biens de la gloire, et les biens communément appelés biens de la fortune. Or, tous ces biens, Dieu les distribue aux hommes suivant son bon plaisir. Pour commencer par les biens les moins précieux, aux uns il accorde les richesses, aux autres la pauvreté; aux uns une santé robuste, aux autres une faible santé; aux une vie très-longue, aux autres quelques années à peine; aux uns les honneurs et la renommée; aux autres l'obscurité. .« Le riche et le pauvre se sont rencontrés; et tous les deux ont le même bien pour créateur. »
« Les biens et les maux, la vie et la mort, la pauvreté et l'aisance viennent également de Dieu. Le Seigneur, disait un prophète, dispense la mort et la vie, précipite dans les enfers et en délivre; le Seigneur donne la pauvreté et la richesse, les honneurs et les abaissements. »
Je ne prétends pas toutefois nier la puissance de la liberté de l'homme, et lui refuser toute fécondité. Mais, dans son activité la plus féconde, l'homme ne fait que seconder l'action divine; Dieu demeure toujours la source première de toute prospérité, le suprême auteur de tout ce qu'il peut arriver d'agréable à l'homme. « N’attendez de secours ni du côté de l'orient, ni du côté de l'occident, ni du côté des montagnes solitaires; parce qu'il n'y a d'autre juge que Dieu. A lui seul d'élever celui-ci, d'abaisser celui-là. Par conséquent, n'espérons pas de la puissance humaine, laissée à elle-même, des succès que la grâce et la providence de Dieu seul peuvent nous donner. (…)
Et les biens de la grâce, est-ce qu'ils ne sont pas dispensés selon le bon plaisir de la volonté de notre Dieu ? Quoiqu'il appelle tous les hommes à lui, parce qu'il veut le salut de tous les hommes, il accorde aux uns des secours suffisants, et aux autres des secours surabondants, sans commettre la moindre injustice, et sans compromettre sa miséricorde par cette répartition inégale de ses bienfaits. Tous ceux à qui sont accordées les grâces suffisantes, et principalement ceux qui reçoivent l'eau salutaire du baptême, sont appelés; ceux-là seuls sont élus, à qui est accordé en outre le don de la persévérance finale. Et si quelqu'un croit avoir à se plaindre de cette conduite de la Providence, qu'il écoute la réponse du Seigneur : « Mon ami, je ne vous fais point d'injustice. Ne m'est-il pas permis de faire ce que je veux? Votre œil serait-il mauvais, parce que je suis bon? »
En nous bornant même à considérer les faveurs dont le Seigneur gratifie ses élus, quelle admirable variété ! On en voit soutenir le poids du jour et de la chaleur, c'est-à-dire, mériter les récompenses divines à force de veilles et de travaux. Tels ont été tous les saints, et en particulier ceux qui, s'enfonçant dans d'affreuses solitudes, y ont mené, loin de toute consolation humaine, une vie condamnée aux plus dures privations et au dénuement le plus absolu. On en voit aussi qui, pour avoir travaillé une heure à peine, obtiennent les biens du ciel. Une parole mérita au bon larron l'entrée du royaume de Dieu. Les larmes dont elle arrosa les pieds du Sauveur, investirent la pécheresse Madeleine d'une sorte d'apostolat, qui lui procura la faveur d'annoncer aux apôtres eux-mêmes la résurrection de leur divin Maître. Les apôtres étaient occupés à raccommoder leurs filets, quand la voix du Sauveur les appela soudain à l'honneur de le suivre et d'annoncer son Évangile. De publicain, Matthieu devient évangéliste; et, changement plus étonnant encore! c'est au moment où il respire les menaces et le carnage , où il s'apprête à ravager l'Église du Christ, que Saul est rempli du Saint-Esprit , transporté dans le paradis, transformé de persécuteur en un vase d'élection, et se sent disposé à travailler avec plus d'énergie que ses devanciers
Il est permis de dire des autres apôtres qu'ils avaient travaillé une heure dans la vigne du père de famille, quand ils reçurent la plénitude de l'Esprit saint; Saul, loin d'y avoir travaillé un seul instant, se préparait à y porter le ravage comme un féroce sanglier, lorsqu'il entendit ce langage mystérieux que l'homme ne saurait parler. Comment n'être pas frappé de stupeur, en présence de cet abîme de la bonté souveraine? Encore ces exemples ne regardaient-ils que l'ère de l'Évangile et de la Grâce. Que dire de ceux que nous offre l'histoire du peuple juif ? (…)
Quoi de plus grand, de plus éclatant, de plus glorieux, que cette dispensation de la grâce divine? D'un autre côté, quoi de plus étonnant, que cette profondeur des jugements de Dieu ? Quoi de plus propre à faire ressortir la liberté avec laquelle il use de sa puissance?
Ce n'est pas seulement envers diverses personnes que se manifeste cette variété des desseins de la Providence; on la voit quelquefois briller à l'occasion dans un seul et même individu.
Il arrive souvent aux âmes pieuses d'employer inutilement les jeûnes, les veilles, les prières et toute sorte d'efforts pour réveiller en elles l'esprit de dévotion, et sortir de leur engourdissement ; elles demeurent insensibles aux charmes de la beauté divine : tandis que d'autres fois, sans effort aucun de leur part, sans même s'occuper des choses divines, elles sont tout à coup inondées d'une lumière éclatante, d'une ardeur inaccoutumée, d'ineffables délices , et de sentiments qui leur arrachent des larmes : et, grâce à ces faveurs de leur Dieu, elles font dans la charité et la vertu d'étonnant progrès.
En ces diverses circonstances, l'âme fidèle ne serait point fondée à se plaindre du père de famille, comme le firent les ouvriers de l'Évangile; car elle recevra toujours une récompense bien supérieure à ses travaux et à ses mérites. Mais, il est des personnes qui ont un sujet particulier de louer et d'aimer leur Créateur, parce que, indépendamment de la grâce et de la gloire méritées par leurs bonnes œuvres, il les comble de secours abondants, de dons célestes qu'elles n'ont aucunement mérités, que d'autres ne partagent pas; le tout en vertu de son bon plaisir et de sa suprême volonté. Les personnes ainsi favorisées de Dieu avancent rapidement dans les voies spirituelles, et laissent bien loin derrière elles les âmes qui ne jouissent pas des mêmes faveurs. De là cette parole du Sauveur: «Les derniers seront les premiers, et les premiers les derniers. »
C'est que souvent, en effet, l'infinie miséricorde du Seigneur élève certaines âmes pécheresses ou imparfaites à un degré de justice, auquel ne parviennent pas d'autres âmes d'ailleurs plus parfaites; en sorte que les petits sont véritablement supérieurs aux grands, et que les derniers deviennent les premiers. Une seule et même raison explique ces anomalies apparentes, la générosité et la liberté de conduite du père de famille que déclarent ces paroles adressées par lui à l'ouvrier récalcitrant : «Votre œil serait-il mauvais, parce que je suis bon? » La bonté sans bornes de Dieu, et la liberté dont il jouit dans la dispensation de ses dons, telle est donc la cause de la répartition inégale des biens entre les hommes. De tout cela il résulte que la libéralité divine peut nous combler de plus de bienfaits que n'en saurait mériter le plus saint personnage, et conséquemment que nous obtenons plus d'une fois certaines grâces très-importantes à titre gratuit, et non en vertu d'un droit de justice : d'où il arrive que les premiers deviennent les derniers, et les derniers les premiers. (…)
« Beaucoup d’appelés, mais peu d'élus. »
Il appelle à lui tous les hommes, car il veut le salut de tous les hommes; mais la mesure des secours qu'il leur accorde pour coopérer à leur vocation a pour règle la volonté divine, et non pas nos propres mérites.
Plus large pour les uns, moins prodigue pour les autres, il s'ensuit qu'il y en a beaucoup d'appelés, c'est-à-dire, beaucoup auxquels Dieu accorde des secours ordinaires dont leur négligence ne profite pas; et peu d’élus, c'est-à-dire de ceux qui obtiennent des grâces extraordinaires ou profitent des grâces ordinaires qui leur ont été départies
Que conclure maintenant de cette doctrine ? Bien des choses assurément; mais la première conséquence que nous devons en tirer est celle-ci, que toutes nos espérances de salut, pour avoir un fondement solide, doivent reposer sur la grâce du Seigneur, qui répartit inégalement ses bienfaits sans porter atteinte, ni à nos droits, ni à notre liberté. Quelle que soit sa conduite envers nous, elle mérite toujours de notre part amour et reconnaissance. Vous ne sauriez croire combien la considération approfondie de cette vérité soumet l'âme humaine à son Créateur. Qu’après avoir reconnu qu'entre les mains de Dieu se trouve son éternelle destinée, s'il ne s'abandonne à sa providence, s'il ne se soumet à lui de tout cœur, s'il ne se jette à ses pieds pour l'adorer de toute son âme, lui témoigner sa parfaite sujétion, sa parfaite dépendance, et veiller à ne pas offenser Celui qui doit décider de son sort et de sa félicité ?
(…) une fois convaincus de la disette spirituelle à laquelle la faute du premier homme a condamné ses descendants, n'hésitez pas à recourir à au Sauveur des hommes, qui seul peut remédier à cette calamité générale. N'hésitez pas à le supplier, à lui manifester vos sentiments de soumission et de confiance; car seul il peut apaiser cette faim qui nous désole, et nous enrichir de toute sorte de biens.Signification des heures de la parabole
Depuis le commencement du monde jusqu'à l'époque où il fut couvert par les eaux du déluge. En ce temps-là, comme au lever du jour, la lumière divine éclairait faiblement les yeux de l'intelligence humaine : d'où résultèrent les crimes affreux à la suite desquels le monde fut condamné à périr.
De ce moment jusqu'au temps d'Abraham s'écoule la troisième heure : Abraham fut alors le seul que Dieu favorisa pleinement de sa lumière, et auquel il fit connaître ses volontés.
Après Abraham commence la sixième heure qui dure jusqu'à Moïse. C'est le temps où la loi divine fut donnée aux hommes. Les ténèbres qui les environnaient furent en grande partie dissipées, grâce à cette lumière nouvelle qui leur enseignait et les choses à faire et les choses à éviter.
Enfin la neuvième heure sonna à l'avènement du Christ, dont le sang précieux procura au monde la lumière la plus éclatante qui l'ait jamais éclairé. En nous éloignant de Jésus-Christ, nous approchons de la fin du monde, et nous voyons les ténèbres devenir de plus en plus épaisses. Le siècle où nous vivons ne sera pas suivi d'un grand nombre d'autres siècles; nous n'avons conséquemment aucune effusion nouvelle de lumière à attendre. Au contraire, l'obscurité croît à mesure que nous avançons vers la fin du jour. (…)
Là où l'iniquité abonde, la charité de plusieurs se refroidit nécessairement. Voilà ce qui explique la multitude des pauvres, des indigents et des malheureux qu'opprime la tyrannie des grands, ou que pressure l'avarice sordide et usuraire des riches. (…) la charité et la miséricorde ont à peu près disparu; et l'on cherche beaucoup plus à faire valoir son argent et à augmenter ses richesses, qu'à exercer la bienfaisance et à augmenter ses mérites aux yeux de Dieu. (…) L'ardeur de l'amour divin une fois refroidie, les ténèbres de l'erreur une fois répandues sur la terre, rien de plus naturel que de voir les hommes, séduits par de trompeuses apparences, préférer ce qui est faux à ce qui est vrai, ce qui est temporel à ce qui est éternel, les ténèbres à la lumière, en attendant que les ténèbres de leurs âmes les précipitent dans les ténèbres extérieures dont parle si souvent l'Évangile.
Extraits des Oeuvres du Père Louis de Grenade.
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