Saint Augustin de Cantorbéry et l'Évangélisation de l'Angleterre.
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Re: Saint Augustin de Cantorbéry et l'Évangélisation de l'Angleterre.
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Enfin, et après toutes ces lettres, Grégoire adressa une réponse très-longue et très-détaillée aux onze questions que lui avait posées Augustin sur les principales difficultés qu'il rencontrait ou qu'il prévoyait dans sa mission. Il faudrait citer en entier cette réponse, monument admirable de lumière, de raison conciliante, de douceur, de sagesse, de modération et de prudence, destiné à devenir, comme on l'a dit très-justement, la règle et le code des missions chrétiennes.
Interrogé sur les peines à infliger aux voleurs sacrilèges, et sur la disposition de la loi romaine, qui imposait au voleur la restitution du double ou quadruple, Grégoire prescrit de tenir compte, dans le châtiment, de l'indigence ou de la richesse du larron, mais toujours avec une charité paternelle, et une modération qui retienne l'âme dans les limites de la raison. Quant à la restitution, « à Dieu ne plaise », dit-il, « que l'Eglise veuille gagner à ce qu'elle a perdu, et cherche à tirer profit de la folie des hommes ! »
A peine eut-il écrit au roi Ethelbert, la lettre où il l'exhortait à détruire les temples du vieux culte national, qu'il se ravisa, et au bout de quelques jours il dépêcha une instruction toute différente au chef de la nouvelle mission, à ce Mellitus qu'il qualifie d'abbé et qu'il avait chargé de porter sa lettre au roi. Il espérait le rejoindre en route. « Depuis le départ de toute la compagnie qui est avec vous », lui écrit-il, « je suis fort inquiet, car je n'ai rien appris des succès de votre voyage. Mais quand le Dieu tout-puissant vous aura conduit auprès de notre révérendissime frère Augustin, dites-lui que, après avoir longtemps roulé dans mon esprit l'affaire des Anglais, j'ai reconnu qu'il ne fallait pas du tout abattre les temples des idoles, mais seulement les idoles qui y sont. Après avoir arrosé ces temples d'eau bénite, qu'on y place des autels et des reliques ; car si ces temples sont bien bâtis, il faut les faire passer du culte des démons au service du vrai Dieu, afin que cette nation, voyant que l'on ne détruit pas ses temples, se convertisse plus aisément, et vienne adorer le vrai Dieu dans les lieux qui lui sont connus ».
C'est le cas de parler ici des divergences qui existaient entre Rome et l'antique église bretonne, voisine des Anglais; entre Rome et les Chrétientés d'Irlande, de Calédonie.
La dissidence capitale portait sur la date de la célébration de la fête de Pâques…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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La dissidence capitale portait sur la date de la célébration de la fête de Pâques. Dès les premiers siècles, des discussions prolongées s'étaient élevées sur le jour où il convenait de célébrer la plus grande fête de l'Eglise. Le concile de Nicée avait fixé l'époque des solennités pascales au dimanche après le quatorzième jour de la lune de l'équinoxe du printemps, et cette date, sanctionnée par l'Eglise romaine, avait été portée dans toutes les églises de la Bretagne avec la foi chrétienne, comme par saint Patrice en Irlande, et par saint Colomban en Calédonie. Mais l'église d'Alexandrie s'était aperçue d'une erreur astronomique qui provenait de l'emploi par les chrétiens de l'ancien cycle judaïque ; elle avait introduit un comput plus exact, adopté dans tout l'Orient, et dont il résultait dès le pontificat de saint Léon le Grand (440-461) une différence d'un mois entier entre le jour de Pâques à Rome et le jour de Pâques à Alexandrie.
Enfin, vers le milieu du VIe siècle, en 532, on se mit d'accord : Rome adopta la supputation de Denys-le-Petit, qui ne permettait plus de se tromper sur le jour fixé par le concile de Nicée, et l'uniformité de date se trouva rétablie dans l'Eglise.
Mais l'invasion saxonne avait intercepté les communications habituelles entre Rome et les églises bretonnes. Celles-ci conservèrent l'ancien usage romain ; et ce fut précisément l'attachement à cet usage romain qui lui servit d'argument contre les calculs plus exacts que leur apportaient Augustin et ses moines Italiens, mais qu'ils repoussaient comme des nouveautés suspectes, comme une dérogation aux traditions de leurs pères. C'était comme on voit pour rester fidèles aux enseignements primitifs de Rome, qu'ils résistaient aux nouveaux missionnaires romains.
S'il y avait eu le moindre dissentiment dogmatique ou moral entre les Bretons et l'Eglise romaine, jamais Augustin n'aurait commis l'insigne folie de solliciter l'assistance du clergé celtique pour la conversion des païens Saxons. C'eût été semer la confusion et la discorde dans la nouvelle Eglise qu'il s'agissait de constituer par le concours énergique du christianisme indigène avec les envoyés do Rome.
Rien de plus pénible que de rencontrer dans l'histoire des luttes interminables et passionnées pour des causes ou des questions qui au bout de quelque temps n'intéressent plus personne, et que personne ne comprend plus. Mais ce n'est pas seulement l'antiquité chrétienne, ce sont tous les siècles qui offrent de pareils spectacles. Et à ceux qui se scandaliseraient de l'excessive importance que les âmes les plus pieuses de leur temps ont attachées à de pareilles minuties, il suffit de rappeler l'obstination acharnée qu'ont mise de grands peuples, tels que les Anglais et les Russes, à repousser la réforme du calendrier grégorien, les uns pendant près de deux siècles, les autres jusqu'au sein de l'uniformité du monde contemporain.
Comment se figurer que, pour cette mesquine et misérable différence, les deux Eglises soient restées pendant deux siècles sur le pied de guerre l'une vis-à-vis de l'autre ? Puisque les Celtes des îles Britanniques tenaient de Rome même leur ancien usage, pourquoi ne pas la suivre dans son calcul perfectionné, comme dans tout le reste de l'Occident ? Pourquoi vouloir absolument se réjouir quand les Romains jeûnaient, et jeûner quand ils chantaient l' Alléluia ?
N'y avait-il pas une cause plus sérieuse, plus profonde à la dissidence dont la controverse pascale ne couvrait que la surface? On n'en saurait douter…
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N'y avait-il pas une cause plus sérieuse, plus profonde à la dissidence dont la controverse pascale ne couvrait que la surface? On n'en saurait douter ; et de toutes les causes, la plus naturelle et la plus excusable, c'était l'instinct de conservation nationale, exaspéré par la haine de l'ennemi triomphant et se traduisant par la méfiance de l'étranger, qui semblait le complice de l'ennemi.
Augustin sentait bien qu'il avait besoin des chrétiens celtiques pour mener à bien la grande œuvre que la Papauté lui avait confiée. Formé à l'école conciliante et modérée de saint Grégoire le Grand, imbu de ses récentes instructions, il fut loin de se montrer exclusif, quant aux personnes ou aux usages locaux, et, pour achever la conversion des Saxons, il réclama sincèrement le concours du clergé nombreux et puissant, qui depuis plus d'un siècle était l'âme de la résistance contre les païens et qui peuplait ces grands cloîtres de la Cambrie, où n'avait point encore pénétré l'épée des conquérants.
Mais les Bretons lui opposèrent une résistance jalouse et obstinée. Ils ne voulurent point se joindre à lui pour évangéliser leurs ennemis; ils n'avaient aucune envie de leur ouvrir les portes du ciel.
Augustin réussit cependant à obtenir que les principaux évêques et docteurs du pays de Galles tiendraient une conférence publique avec lui. On convint de se rencontrer sur les confins du Wessex, près des bords de la Saverne qui séparait les Saxons des Bretons. L'entrevue, comme celle d'Augustin avec Ethelbert après son débarquement, eut lieu en plein air et sous un chêne qui garda longtemps le nom de chêne d'Augustin (1).
Il commença, non par réclamer la suprématie personnelle que le Pape lui avait concédée, mais par exhorter les chrétiens celtiques à vivre dans la paix catholique avec lui et à unir leurs efforts aux siens pour évangéliser les païens, c'est-à-dire les Saxons. Mais ni ses prières, ni ses exhortations, ni ses reproches, ni la parole de ses collaborateurs monastiques, jointe à la sienne, rien ne réussit à fléchir les Bretons qui s'obstinaient à invoquer leurs traditions contre les règles nouvelles. Après une contestation aussi longue que laborieuses, Augustin dit enfin :
« Prions Dieu, qui fait habiter ensemble les unanimes, de nous montrer par des signes célestes quelles traditions on doit suivre. Qu'on amène un malade, et celui dont les prières l'auront guéri sera celui dont la foi devra être suivie ».
Les Bretons consentirent à contre-cœur ; on amena un Anglo-Saxon aveugle, que les évêques Bretons ne purent guérir. Alors Augustin s'agenouilla et pria Dieu d'éclairer la conscience de beaucoup de fidèles en rendant la vue à cet homme. Aussitôt l'aveugle recouvra la vue. Les Bretons furent d'abord touchés, ils reconnurent qu'Augustin marchait dans la voie de la justice et de la vérité, mais ils dirent qu'ils ne pouvaient renoncer à leurs vieilles coutumes sans le consentement du peuple, et demandèrent une seconde assemblée où leurs députés seraient plus nombreux.
Cette seconde conférence eut bientôt lieu…
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(1). Spelman pense que le lieu en question était la ville d'Ausric, située à l'entrée de Worcestershire, vers le Héréfordshire, le mot Ausric ou Augustine's-ric, signifiant en langue anglo-saxonne le patrimoine ou le pays d'Augustin. La conférence se tint lorsque le Saint était métropolitain, et conséquemment après l'année 601.
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Cette seconde conférence eut bientôt lieu. Augustin s'y trouva en présence de sept évêques Bretons et des plus savants docteurs du grand monastère de Bangor, peuplé de plus de trois mille moines. Avant la nouvelle entrevue les Bretons allèrent consulter un anachorète fort renommé parmi eux, par sa sagesse et sa sainteté, et lui demandèrent s'ils devaient écouter Augustin et abandonner leurs traditions.
« Oui », dit l'anachorète, « si c'est un homme de Dieu.
— Mais comment le savoir ?
— S'il est doux et humble de cœur comme dit l'Evangile, il est probable qu'il porte le joug de Jésus-Christ et que c'est ce joug qu'il vous offre ; mais s'il est dur et orgueilleux, il ne vient pas de Dieu, et vous ne devez prendre aucun souci de ses discours. Pour le découvrir, laissez-le arriver le premier au lieu du concile, et s'il se lève quand vous approcherez, vous saurez que c'est un serviteur de Jésus-Christ et vous lui obéirez ; mais, s'il ne se lève pas pour vous faire honneur, méprisez-le comme il vous aura méprisés ».
On se conforma aux instructions de l'anachorète, malheureusement en arrivant au concile, ils trouvèrent Augustin déjà assis, comme c'était la coutume des Romains, dit un historien, et il ne se leva pas pour les recevoir. C'en fut assez pour les soulever contre lui. « Si cet homme », disaient-ils, « ne daigne pas se lever pour nous maintenant, combien donc ne nous méprisera-t-il pas quand nous lui serons soumis? » Ils devinrent dès lors intraitables et s'étudièrent à le contredire en tout. Pas plus qu'à la première conférence, l'archevêque ne fit aucun effort pour leur faire reconnaître son autorité personnelle.
Constatons à l'honneur de cette race entêtée et de ce clergé rebelle, mais fervent et généreux, qu'Augustin ne leur reprocha aucune de ces dérogations à la pureté de la vie sacerdotale que quelques auteurs leur ont imputées. Avec une modération scrupuleusement conforme aux instructions du Pape, il réduisit à trois points toutes ses prétentions.
« Vous avez », leur dit-il, « beaucoup de pratiques contraires à notre usage, qui est celui de l'Eglise universelle, nous les admettons toutes sans difficulté, si seulement vous voulez me croire en trois points : de célébrer la Pâque en son temps, de compléter le sacrement du Baptême, selon l'usage de la sainte Eglise romaine, et de prêcher avec nous la parole de Dieu à la nation anglaise ».
A cette triple demande, les évêques et les moines celtiques opposèrent un triple refus, et ajoutèrent qu'ils ne le reconnaîtraient jamais pour archevêque. Ils ne repoussaient d'ailleurs que la suprématie personnelle d'Augustin, et nullement celle du Saint-Siège.
Ce qu'ils redoutaient, ce n'était pas un Pape éloigné, impartial et universellement respecté à Rome, c'était une sorte de pape nouveau à Cantorbéry, sur le territoire et à la disposition de leurs ennemis héréditaires, les Saxons. Et par-dessus tout, ils ne voulaient pas qu'on leur parlât de travailler à convertir ces odieux Saxons qui avaient égorgé leurs aïeux et usurpé leurs terres. « Non », dit l'abbé de Bangor, « nous ne prêcherons pas la foi à cette cruelle race d'étrangers qui ont traitreusement expulsé nos ancêtres de leur pays et dépouillé leur postérité de son héritage ».
Or, il est facile de voir laquelle des trois conditions Augustin avait le plus à cœur, par la prédiction menaçante qu'il opposa au refus des moines bretons…
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Or, il est facile de voir laquelle des trois conditions Augustin avait le plus à cœur, par la prédiction menaçante qu'il opposa au refus des moines bretons.
« Puisque vous ne voulez pas faire la paix avec des frères, vous aurez la guerre avec des ennemis ; puisque vous ne voulez pas montrer aux Anglais la vie de la voie, vous recevrez de leurs mains le châtiment de la mort ».
Cette prophétie ne fut que trop cruellement accomplie quelques années plus tard. Le roi des Angles du Nord, Ethelfrid, encore païen, vint envahir la région de la Cambrie, où était situé le grand monastère de Bangor. Au moment où le combat s'engageait entre sa nombreuse armée et celle des Gallois, il vit au loin, dans un site élevé, une troupe d'hommes sans armes et tous à genoux.
« Qu'est-ce que ces gens-là ? » demanda-t-il.
On lui dit que c'étaient les moines du grand monastère de Bangor qui, après trois jours de jeûne, venaient prier pour leurs frères pendant le combat.
« S'ils prient leur Dieu pour mes ennemis», dit le roi, « ils combattent contre nous quoique sans armes».
Aussitôt il fit diriger contre eux la première attaque : Le prince gallois, qui aurait dû les défendre, s'enfuit honteusement, et douze cents moines furent massacrés sur-le-champ.
Une calomnie déjà ancienne et réchauffée de nos jours, a prétendu qu'Augustin avait provoqué cette invasion, et désigné le monastère de Bangor aux païens de la Northumbrie (1). Or, le vénérable Bède constate expressément qu'il était déjà depuis longtemps dans le ciel. C'est bien assez que Bède lui-même, beaucoup plus Saxon que chrétien toutes les fois qu'il s'agit des Bretons, applaudisse plus d'un siècle après ce massacre, et y voie une juste vengeance du ciel contre ce qu'il appelle la milice infâme des perfides, c'est-à-dire contre d'héroïques chrétiens morts pour la défense de leurs foyers et de leurs autels, sous le couteau des païens Anglo-Saxons, par les ordres du chef qui, du témoignage de Bède lui-même, extermina le plus d'indigènes.
Condamné par l'obstination des Bretons à se priver de leur concours, Augustin n'en continua pas moins ce que son biographe appelle la chasse aux hommes, en évangélisant les Saxons…
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(1). Cette imputation mensongère remonte à Geoffroy de Monmouth, évêque de Saint-Asaph, au XIIe siècle, et interprète des rancunes nationales du pays de Galles. Certains érudits obscurs, descendants indignes des Anglo-Saxons, tels que Goudwin et Hammond, l'ont adoptée par haine de l'Eglise romaine; et, ne sachant comment la concilier avec l'affirmation si positive de Bède, sur la mort antérieure d'Augustin, ont prétendu que ce passage du vénérable avait été interpolé. Mais tous les éditeurs modernes de Bède ont dû reconnaître que le passage contesté existait dans tous les manuscrits sans exception de cet auteur. Cf. Lingard, Anglo-Saxon Church , t. Ier, p. 74 ; Varin, Premier Mémoire, p. 25 à 29 ; Gorini, t. II, p, 77.
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Condamné par l'obstination des Bretons à se priver de leur concours, Augustin n'en continua pas moins ce que son biographe appelle la chasse aux hommes, en évangélisant les Saxons. Et cependant, même chez eux, il trouvait parfois une opposition qui se manifestait par l'injure et la dérision, surtout lorsqu'il franchissait les limites du royaume d'Ethelbert. Ainsi, en parcourant cette région du pays des Saxons de l'Ouest, qui s'appelle aujourd'hui le Dorsetshire, ses compagnons et lui tombèrent au milieu d'une population maritime qui les accabla d'avanies et d'outrages. Ces sauvages païens ne refusèrent pas seulement de les entendre ; ils ne reculèrent pas même devant les voies de fait pour les éloigner, puis en les chassant de leur territoire, avec une grossièreté vraiment tudesque, ils attachèrent aux robes noires des pauvres moines italiens, en signe d'opprobre, des queues de poissons provenant de la pêche dont ils vivaient. Augustin n'était pas homme à se laisser décourager pour si peu. D'ailleurs il rencontrait en d'autres lieux des foules plus attentives et plus reconnaissantes. Aussi persévéra-t-il pendant sept années entières, et jusqu'à sa mort, dans ces courses apostoliques, voyageant en véritable missionnaire après comme avant sa consécration archiépiscopale, toujours à pied et sans bagage, et entremêlant à ses prédications infatigables des bienfaits et des prodiges, tantôt en faisant jaillir du sol des sources inconnues, tantôt en guérissant par son attouchement des malades incurables ou moribonds.
Saint Grégoire le Grand mourut dès les premiers mois de l'an 605, et deux mois après, Augustin suivit son père et son ami dans la tombe. Le missionnaire romain fut enterré, selon la coutume de Rome, sur le bord de la voie publique, près du grand chemin romain qui conduisait de Cantorbéry à la mer, dans l'église inachevée du célèbre monastère qui allait prendre et garder son nom.
On transféra depuis dans la ville les reliques de saint Augustin, et on les déposa dans le porche de la cathédrale. Le 6 septembre 1091, on les releva ; puis, après les avoir renfermées dans une urne, on les cacha dans la muraille de l'Eglise au-dessus de la fenêtre qui regarde l'Orient. On laissa cependant dans le porche un peu de poussière et quelques-uns des plus petits ossements. En 1221, le chef du Saint fut mis dans une châsse enrichie d'or et de pierreries ; les autres ossements furent renfermés dans un tombeau de marbre orné de plusieurs beaux morceaux de sculpture et de gravure. Les choses restèrent en cet état jusqu'à la démolition des monastères en Angleterre.
La figure de saint Augustin de Cantorbéry pâlit naturellement à côté de celle de saint Grégoire le Grand ; sa renommée est comme absorbée dans le foyer lumineux d'où rayonne la gloire du Pontife. En outre, les historiens anglais et allemands de nos jours se sont complu à faire ressortir l'infériorité de celui que Grégoire avait choisi pour lieutenant et pour ami. Ils ont rabaissé à l'envi son caractère et ses services, l'accusant tour à tour de hauteur et de faiblesse, d'irrésolution et d'obstination, de mollesse et de vanité, s'attachant surtout à relever et à grossir les apparences d'hésitation et de préoccupation personnelle qu'ils démêlent dans sa vie.
Permis à ces étranges rigoristes de lui reprocher d'être resté au-dessous de l'idéal qu'ils prétendent rêver et dont aucun héros de leur bord n'a jamais approché. A notre sens, les quelques ombres qui se projettent sur la noble carrière de ce grand Saint sont faites pour toucher et pour consoler ses semblables, infirmes, comme lui, et chargés quelquefois d'une mission qu'ils estiment, comme lui, au-dessus de leurs forces. On aime à rencontrer ces faiblesses, encourageantes pour le commun des mortels, chez les artisans des grandes œuvres qui ont transformé l'histoire et décidé du sort des nations.
Sachons donc garder intactes notre admiration et notre reconnaissance pour le premier missionnaire, le premier évêque et le premier abbé du peuple anglais ; sachons applaudir ce concile qui, un siècle et demi après sa mort, décréta que son nom serait toujours invoqué dans les Litanies après celui de Grégoire, « parce que c'est lui qui, envoyé par notre Père Grégoire, a le premier porté à la nation anglaise le sacrement de Baptême et la découverte de la céleste patrie (1) ».
La grande fonction de saint Augustin fut de baptiser. Aussi-le représente-t-on conférant le Baptême au roi Ethelbert, le plus illustre de ses néophytes ; faisant sourdre une fontaine un jour que l'eau vint à lui manquer pour administrer le sacrement de la régénération : on la montre encore dans le Dorsetshire, et longtemps elle fut réputée miraculeuse ; on peut encore le caractériser au moyen de la croix à longue hampe qui s'attribue aux légats du Saint-Siège.
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AA. SS.; Histoire ecclésiastique de Bède; Montalembert, Moines d'Occident ; Godescard, etc.
FIN.
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