L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
QUESTION 2.
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
Il nous faut maintenant considérer l'acte de la foi :
1° dans ce qu'il a d'intérieur;
2° dans ce qu'il a d'extérieur.
Sur le premier point dix questions se posent : 1. Croire, qui est l'acte intérieur de la foi, c'est quoi? — 2. Cela se dit de combien de manières? — 3. Est-il nécessaire pour le salut de croire quelque chose qui dépasse la raison naturelle? — Est-il nécessaire de croire les choses auxquelles peut parvenir la raison naturelle? — 5. Est-il nécessaire pour le salut de croire des choses explicitement? — 6. Tous sont-ils tenus d'une manière égale de croire explicitement? — 7. Est-il toujours nécessaire pour le salut d'avoir une foi explicite au sujet du Christ? — 8. Est-il de nécessité pour le salut de croire explicitement la Trinité? — 9. L'acte de foi est-il méritoire? — 10. La raison humaine diminue-t-elle le mérite de la foi? [41]
note explicative:
[41] Qu. 2, prol. — Il y a ici une transition importante : de l'objet de la foi en ce qu'il possède de plus immense, nous passons à l'acte de la foi et tout de suite nous venons à ce qu'il a de plus intérieur, de plus intime aux âmes. «La foi, dit l'auteur, est bien une connaissance; mais, même une connaissance n'est pas mesurée seulement par son objet, elle l'est aussi par l'efficacité de l'acte à l'égard de l'objet». Assurément l'objet demeure essentiel : c'est lui qui donne à l'acte et à l'habitude de l'acte leur espèce. Surtout dans une foi aussi vraie que l'est la foi en Dieu, ce ne sont pas les croyants qui font leur croyance, c'est plutôt la croyance qui fait les croyants.
L'objet est même, ici, d'une telle ampleur et de telle sorte que « les dispositions diverses des croyants ne changent rien en lui : il ne dépend nullement de ces dispositions, mais, à l'inverse, ce sont plutôt nos dispositions qui dépendent de lui ». (Cf. Sent . III, dist. 25, qu. 1, art. 1, qua 2, concl. Qu. 2, art. 2, qua 1, concl.). En présence du grand objet de notre foi nous devons déployer une grande activité intérieure : elle n'est pas autre chose qu'une grande application à cet objet, un efficace attachement à lui, efficacia actus circa objectum. Elle porte un nom qu'il faut prendre ici dans toute sa force : elle s'appelle croire. Comme on dit en pleine conviction et en tous les sens du mot : je vous crois, je crois cela, je crois en vous, etc. Le mot est riche de sens parce que l'acte qu'il exprime est lui-même plein de vie et de mouvement.
— Cette activité, on l'étudié d'abord dans sa propre nature, telle qu'elle se produit couramment dans toute foi (art. 1) et telle qu'elle se manifeste plus richement encore dans la foi en Dieu (art. 2). On se demande ensuite dans quelle mesure elle est nécessaire pour le salut et doit d'une manière explicite s'appliquer aux grands mystères du Christ et de la Trinité (art. 3-8). On recherche enfin dans quelles conditions elle est méritoire (art. 9-10).
à suivre...
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
QUESTION 2.
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 1. « Cogiter et adhérer » est-ce l'acte de croire? [42]
DIFFICULTÉS : 1. On le dit, mais il ne semble pas. Une cogitation c'est une certaine inquisition : cogiter, c'est pour ainsi dire s'agiter. Mais saint Damascène dit que « la foi est un assentiment qui ne se discute plus ». L'acte de la foi n'est donc pas du tout l'acte de cogiter.
2. Nous dirons plus loin que la foi réside dans la raison. Mais l'acte de cogiter est l'acte de la puissance cogitative qui, comme nous l'avons dit dans la Première Partie, appartient à la sensibilité. La cogitation n'a donc rien de commun avec la foi.
3. Croire est sans aucun doute un acte de l'intelligence puisqu'il a pour objet le vrai. Or, donner son assentiment n'est pas, semble-t-il, un acte de l'intelligence, mais c'est un acte de la volonté tout comme celui de donner son consentement que nous avons étudié plus haut. Croire n'est donc pas l'acte de cogiter avec assentiment.
note explicative:
[42] Qu. 2, art. 1, titre. — Le mot cogiter n'est peut-être pas très français : Littré ne le donne pas, et Larousse le taxe de vétusté. Malgré tout il m'a semblé qu'on pouvait difficilement s'en passer : certaines nuances du texte seraient, sans cela, intraduisibles. Le lecteur jugera et excusera.
Il y a dans l’acte de croire deux éléments apparemment peu conciliables : un mouvement de l’esprit et un assentiment de l’esprit. Le mouvement de l'esprit est précisément cette cogitation qui peut aller jusqu'à une certaine agitation de la pensée et qui ne va jamais sans une espèce de recherche et d'inquisition. Cependant que l'assentiment peut aller, lui, jusqu'à une ferme adhésion. C'est ce mélange qui fait le paradoxe et qui constitue toute l'originalité de l'acte, cette tota ratio dont parle le texte.
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
QUESTION 2.
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 1. « Cogiter et adhérer » est-ce l'acte de croire? (suite)
CEPENDANT c'est saint Augustin qui définit ainsi l'acte de croire.
CONCLUSION : Cogiter peut se prendre en trois sens. D'abord, d'une façon tout à fait générale dans le sens de n'importe quelle application actuelle de la pensée, comme saint Augustin dit : « Nous possédons cette intelligence par laquelle nous pénétrons les choses dans la pensée que nous agitons ». Mais, d'une autre façon, on appelle plus proprement cogiter l’application d’esprit qui s’accompagne d'une certaine recherche avant qu'on soit parvenu à une parfaite intelligence des choses par la certitude que procure la vision.
C'est ce qui fait dire à saint Augustin que « le Fils de Dieu est appelé non pas la simple cogitation ou pensée mais le Verbe de Dieu, car c'est seulement lorsque notre cogitation arrive au savoir et qu'à partir de là elle est formée, qu'elle constitue vraiment notre verbe, et c'est pourquoi le Verbe de Dieu doit s'entendre sans la cogitation, n'ayant rien en lui qui soit encore en formation et puisse être informe ».
Aussi, d'après cela, on donne proprement le nom de cogitation au mouvement de l'esprit lorsqu'il délibère n'étant pas encore arrivé à son point de perfection par la pleine vision de la vérité. Mais cette sorte de mouvement peut être, soit d'un esprit qui délibère à propos d'idées générales, auquel cas c'est affaire d'intelligence, soit d'un esprit qui délibère à propos d'idées particulières, auquel cas c'est affaire de sensibilité. Voilà comment cogiter est pris, d'une seconde façon pour l'acte de l'intelligence lorsqu'elle délibère, d'une troisième façon pour l'acte de la faculté cogitative.
D'après cela, si l'on prend l'acte de cogiter dans son acception commune selon la première manière, alors en parlant de "cogiter avec assentiment" on ne dit pas totalement ce qui fait l'acte de croire, car, dans ce sens, même celui qui considère les choses dont il a la science ou l'intelligence pense avec assentiment.
En revanche, si l'on prend l'acte de cogiter dans le second sens, alors on y saisit toute la définition de cet acte précis qui consiste à croire. Parmi les actes de l'intelligence, il en est, en effet, qui ont une adhésion ferme sans cette espèce de cogitation, comme il arrive quand on considère les choses dont on a la science ou l'intelligence : une telle considération effectivement est désormais pleinement formée.
A l'opposé, il est certains actes de l'intelligence qui ont certes la cogitation mais l'ont informe et sans une ferme adhésion : soit qu'ils ne penchent d'aucun côté, comme il arrive à celui qui doute ; soit qu'ils penchent davantage d'un côté mais sont tenus par quelque léger indice, comme il arrive à celui qui a un soupçon ; soit qu'ils adhèrent à un parti en craignant cependant que l'autre ne soit vrai, comme il arrive à qui se fait une opinion.
Mais, pour ce qui est de cet acte qui consiste à croire il contient la ferme adhésion à une chose, en quoi le croyant se rencontre avec qui a science et avec qui a intelligence; et cependant sa connaissance n'est pas dans l'état parfait que procure la vision évidente, en quoi il se rencontre avec l'homme qui est dans le doute, dans le soupçon, dans l'opinion. De sorte que c'est bien le propre du croyant de cogiter tout en adhérant. Et c'est par là que cet acte de croire se distingue de tous les actes de l'esprit qui sont dans le vrai ou dans le faux. [43]
note explicative:
[43] Qu. 2, art. 1, concl. —Croire est essentiellement un acte de l'esprit. C'en est même un des plus caractérisés. L'auteur l'analyse et le définit en bonne psychologie et en bonne logique. On doit séparer cet acte d'avec ceux qui ne seraient pas des actes de l'esprit, comme serait celui d'imaginer des choses ou de forger des mythes, et aussi d'avec ceux qui ne seraient que de la toute première activité de l'esprit, comme l'acte de concevoir les choses et de forger les idées. Il faut résolument situer l'acte de croire parmi ceux qui dérivent de la seconde opération de l'esprit et qui ont la prétention d'affirmer ou de nier ce qu'il y a en vérité : croire une chose c’est se dire qu’elle est vraie, qu’elle existe en réalité ; refuser de croire une chose, c'est avoir la persuasion qu'elle n'est pas vraie, credimus vera et discredimus falsa. Croire est donc un acte qui a la prétention d’aller au vrai.
— Dans la série des actes du même genre, il tient le milieu entre de plus avancés et de moins avancés. Ces actes sont signalés dans le texte. D'un côté, la science probante et véritablement démonstrative des choses; ou, encore mieux, l'intelligence plus immédiate de ce qui est. De l'autre, l’OPINION qui prend un parti, non cependant pour des raisons pleinement convaincantes; ou, du moins, le soupçon qui incline à penser qu'une chose est vraie, mais sur des indices encore légers, ou seulement le doute dans lequel l'esprit flotte entre le oui et le non. L'acte de croire prend place entre ces deux groupes et participe de l'un et de l'autre : exactement, il est entre la science et l'opinion (cf. note 22). Et ce qui le fait précisément être ce qu'il est et le distingue de tout autre acte, c'est ce mélange en lui de cogitation et d'adhésion. Une chose nous est affirmée comme vraie par quelqu'un qui la voit ou qui la sait de bonne source, nous avons toutes raisons de penser qu'en la disant il ne peut ni se tromper ni nous tromper : alors nous entrons tout à fait dans la pensée de ce bon témoin, nous adhérons à ce qu'il dit, nous en devenons sûrs et certains, l'adhésion se fait pleine et entière; et cependant la cogitation persiste, car il reste que nous ne voyons pas la chose ni ne parvenons même à nous la démontrer et que l'évidence ne se fait pas.
Par cette cogitation, la foi se rapproche de l'opinion, du soupçon et du doute : là aussi l'esprit est en mouvement, plus ou moins, et jamais dans un complet repos. En revanche, une vraie foi, solide et fondée, s'éloigne de ces activités inquiètes par son plein assentiment et sa ferme adhésion aux choses affirmées. A l’inverse, l’adhésion rapproche l'acte de foi de celui de science et de celui d'intelligence ; mais la cogitation restante l'en éloigne. En effet l’intelligence qu’une chose est vraie, c’est être directement saisi de ce qu'il y a d'intelligible en elle, c'est se rendre à l'évidence même, et donner son adhésion sans plus de discussion ni d'hésitation. Arriver à avoir la science qu'une chose est vraie, c'est moins simple : l'esprit n'a pas directement la vue ni le sens de ce qui est, il peut être dans l'inquiétude, il lui faut se mettre en mouvement, entreprendre des recherches, faire des raisonnements, tout cela ne va pas sans beaucoup de cogitation; et la science c'est de la raison en mouvement, mais elle a ceci de propre que tout ce mouvement est fait pour donner satisfaction à l'esprit et le conduire à un plein assentiment, de sorte que chez celui qui a la science d'une chose il y a effectivement, comme le note l'auteur avec finesse, « et un mouvement et un assentiment, mais non pas à titre égal, non quasi ex æquo, puisque le mouvement est cause de l'assentiment et que l'assentiment doit marquer la fin du mouvement et mettre l'esprit en repos.»
Dans la foi au contraire, il y a un mouvement et un assentiment comme à titre égal, quasi ex æquo . En effet, l'assentiment est causé non par le résultat de la recherche de l'esprit, mais par une pression venant de la volonté : l'intelligence, dans l'acte de foi, ne se résout pas à un parti comme si elle était conduite au terme propre de son mouvement, terme qui ne peut être que la vue de quelque chose d'intelligible; de là vient qu'elle n'a pas encore trouvé son apaisement, mais garde toujours cogitation et inquisition à propos de ce qu'elle croit, bien qu'elle y adhère avec beaucoup de fermeté. Dans la foi, l'esprit, pour tout ce qui est de lui-même, n'a pas reçu entière satisfaction et n'est pas déterminé, à une chose; s'il se détermine, c'est seulement par quelque considération extrinsèque à la chose. De là vient que l'intelligence du croyant est, dit-on, captive, retenue qu'elle est dans des limites étrangères et non dans les siennes propres : « Nous plions toute pensée à l'obéissance au Christ (II Cor., X, 5) ». De là vient aussi que chez le croyant un mouvement d'esprit peut s'élever tout à l'encontre de ce qu'il croit de la manière la plus ferme, alors que cela n'arrive plus chez celui qui a la science ou l'intelligence d'un objet. Ainsi donc, conclut l’auteur, par l’adhésion, l'acte de croire se sépare des actes qui sont au-dessous de lui, mais par la cogitation, il se sépare de l'acte d'intelligence et même de celui de science ». ( De Verit., qu. 14, art. 1.)
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
QUESTION 2.
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 1. « Cogiter et adhérer » est-ce l'acte de croire? (suite)
SOLUTIONS : 1. Il n'y a pas à l'intérieur de la foi une recherche de la raison naturelle pour démontrer ce que l'on voit. Mais il y a cependant une recherche de ce qui peut amener l'homme à croire : par exemple, que Dieu l'a dit, et que c'est confirmé par des miracles. [44]
2. Nous ne prenons pas ici l'acte de cogiter comme un acte de la faculté cogitative, mais comme un acte de l'intelligence.
3. L'intelligence du croyant est déterminée à une chose non par la raison mais par la volonté. Et c'est pourquoi l'assentiment est pris ici pour un acte de l'intelligence en tant qu'elle est déterminée par la volonté à un parti. [45]
notes explicatives:
[44] Qu. 2, art. 1, sol. 1 — Il y a donc à l'intérieur même d'une foi, si elle est sérieuse et raisonnable UNE activité de pensée qui peut être fort importante. L'esprit ne donne pas son adhésion aveuglément, et ne se résout pas à l'absurde. Il exerce sa cogitation à rechercher toutes les raisons qu'il a de croire. Dans cette inquisition il juge en connaissance de cause jusqu'à pouvoir se montrer ou se démontrer à lui-même que l'on peut et même que l'on doit croire ce qui est affirmé. Ce sont ces raisons qui vont incliner et déterminer la volonté. Jusqu'à quel éclat de crédibilité et de crédentité, voire même d'intelligibilité, peuvent s'élever ces raisons de croire dans le cas de la foi en Dieu, c'est ce que nous avons déjà marqué ci-dessus (notes 14-15), et remarquerons encore ci-dessous
[45] Qu. 2, art. 1, sol. 3. —Croire est un acte de l’esprit qui ne s’accomplit que sous la pression et sur l'ordre de la volonté. Le beau mot de Platon s'y applique : « Il faut aller au vrai de toute son âme ». Il y a dans la foi une part de confiance et de soumission et presque d'abandon qui est de l'ordre du cœur et non plus de celui de l'esprit. Cet élément affectif n'a pas à intervenir à proprement parler dans des activités comme celles de science ou de pure intelligence : s'il peut les aider dans certains domaines, c'est indirectement, avec précaution, comme du dehors ; souvent aussi, il peut leur nuire et les fausser.
On sait avec quelle facilité l'élément affectif s'insinue dans des activités comme celles du soupçon ou de l'OPINION : avec plus ou moins de raison, parfois mais pas toujours à juste titre, l'esprit penche du côté du désir. Dans l'acte de foi il faut que la confiance règne : elle est inhérente, et elle est indispensable. Si active et si informée que soit ma cogitation, mon esprit n'arrive jamais, ou alors ce n'est plus de la foi, ni à saisir parfaitement ni à prouver péremptoirement ce qui est affirme. Il faut donc, pour que je donne pleinement mon adhésion sans voir ni savoir, que j'aie pleine can fiance en celui qui affirme. Il est vrai que j'ai de bonnes raisons pour cela. Elles sont tirées et de l'autorité du témoin et de la gravité du témoignage.
Elles peuvent, à tous les motifs de haute convenance, ajouter ceux d'utilité : il sied de croire, il sert de croire. Ces raisons peuvent se faire extrêmement pressantes, et être telles que je n'aie vraiment plus aucune bonne raison de ne pas croire. Il reste que la pression en faveur de l'adhésion s'exerce sur l'esprit par le vouloir. Je me rends compte que je fais bien de croire et que je serais absurde, moi, de ne pas croire. Je soumets ma pensée à qui de droit, pour quelque chose à quoi d'elle-même elle ne se rend pas.
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
QUESTION 2.
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 2.
Convient-il de faire des distinctions dans l’acte
de foi en ceci qu'il y a : croire à Dieu, croire Dieu et croire en Dieu ?
DIFFICULTÉS : 1. Il semble qu'on aurait tort de faire par cela des distinctions. Car à une habitude unique répond un acte unique. Mais la foi est bien une habitude unique : il n'y a qu'une vertu de foi. Il est donc inadmissible de lui supposer plusieurs actes.
2. Ce qui est commun à tous les actes de la foi ne doit pas être admis comme un acte particulier de cette même foi. Or croire à Dieu se retrouve communément dans tous les actes de la foi, puisque cette foi s'appuie sur la vérité première. Il ne convient donc pas, semble-t-il, de mettre ce fait de croire à Dieu à part elle certains autres actes de la foi.
3. Bien plus, ce qui se trouve même chez des infidèles ne peut pas être classé acte de foi. Or, même des infidèles croient Dieu : ils croient que Dieu existe. Croire Dieu ne doit donc pas être compté parmi les actes de la foi.
4. En outre, le fait de se porter vers une fin appartient à la volonté : c'est elle qui a pour objet le bien et la fin. Mais croire n'est pas un acte de la volonté, c'est un acte de l'intelligence. Dans le fait de croire en Dieu, qui implique un mouvement vers une fin, on ne doit donc pas voir une chose qui puisse différencier l'acte de croire.
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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QUESTION 2.
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
à suivre...
IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
QUESTION 2.
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 2. Convient-il de faire des distinctions dans l’acte
de foi en ceci qu'il y a : croire à Dieu, croire Dieu et croire en Dieu ? (suite)
CEPENDANT, cette distinction est de saint Augustin dans deux de ses livres, le Livre des Paroles du Seigneur et le Commentaire sur saint Jean.
CONCLUSION : L'acte d'une puissance ou d'une habitude dépend toujours de l'adaptation de la puissance ou de l'habitude à son objet. L'objet de la foi précisément peut se présenter de trois façons. Croire, ainsi qu'on vient de le dire, appartient à l'intelligence en tant qu'elle est portée par la volonté à donner son adhésion : aussi l'objet de foi peut se prendre soit du côté de l'intelligence elle-même soit du côté de la volonté qui la pousse.
Si on le prend du côté de l'intelligence, alors on peut voir dans l'objet de foi deux choses, conformément à ce que nous avons dit plus haut. De ces deux choses, l'une est objet matériel de la foi, et à ce point de vue l'acte de la foi consiste à « croire Dieu» (credere Deo) puisque rien ne nous est proposé à croire, avons-nous dit, si ce n'est dans la mesure où cela appartient à Dieu.
L'autre est la raison formelle de l'objet, c'est comme le moyen à cause de quoi on adhère effectivement à telle et telle chose parmi les réalités à croire, et à cet égard l'acte de la foi consiste à « croire à Dieu »(credere Deum) : car, avons-nous dit, l'objet formel de la foi c'est la vérité première, et c'est à elle que l'on s'attache pour adhérer par elle à ce qu'on croit.
Enfin, si on regarde l'objet de foi de la troisième manière, en tant que l'intelligence est poussée par la volonté, alors c'est « croire en Dieu »(credere in Deum ) qui est l'acte de la foi : car la vérité première se réfère au vouloir en tant qu'elle s'offre comme une fin. [46]
note explicative:
[46] Qu. 2, art. 2, concl. — Cette conclusion est une des plus belles du traité. Ce qui vient d'être reconnu dans toute foi est appliqué à la foi théologale. Dans celle-ci Dieu attire à soi toute l'activité déployée. Il est à tous les compléments du verbe croire. Notez que ce verbe est encore plus riche en compléments et a plus de jeu en français qu'en latin. Notre verbe croire admet toutes les nuances ici indiquées et il en reçoit même d'autres.
Ainsi, croire Dieu peut signifier chez nous, non seulement que l'on reconnaît la réalité de Dieu, mais que l'on s'en rapporte à son autorité, comme quand on dit à quelqu'un : Je vous crois.
De même, croire à Dieu signifie bien que l'on s'en remet à la divine autorité, mais ce pourrait aussi vouloir dire que l’on reconnaît la grande réalité de Dieu, comme quand on dit : Je crois aux esprits, je crois à l'immortalité de l'âme.
Quant à l'expression : croire en quelqu'un, avoir foi en lui, elle est aussi forte en français qu'en latin, et elle traduit bien la part de confiance et d'abandon qu'il y a dans toute foi et qu'il y a éminemment dans la foi en Dieu.
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, notes explicatives a écrit:
Qu. 2, art. 4, sol. 3. — (…)
Pour croire il n'y a pas à faire de contorsion d'esprit. Si la foi exige une belle humilité d'esprit même dans l'ordre
purement naturel, elle est aussi la preuve d'une intelligence bien faite et d'une véritable ouverture d'esprit. C'est se
borner que de se refuser à croire.(...)
Qu. 2, art. 5, diffic.[/size] — (…)
Puisque l'activité de foi est si nécessaire pour le salut, il ne faut pas qu'elle soit bien compliquée, il faut qu'elle reste à la
portée de tous : ne suffit-il pas qu'elle soit un bon mouvement vers Dieu, où le cœur ait plus de part que l'esprit, et qui
soit affaire de vertu plus que de vérité?(…)
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
QUESTION 2.
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 2.
Convient-il de faire des distinctions dans l’acte
de foi en ceci qu'il y a : croire à Dieu, croire Dieu et croire en Dieu ? (suite)
SOLUTIONS : 1. Par ces trois choses-là nous ne désignons pas divers actes de la foi, mais un seul et même acte ayant diverses relations avec l'objet de la foi.
2. C'est aussi la réponse à la seconde difficulté.
3. Croire Dieu ne se trouve pas chez les infidèles sous l'aspect où nous en faisons l'acte de la foi. Ils ne croient pas que Dieu existe dans ces conditions que détermine la foi. Aussi n'est-ce pas vraiment Dieu qu'ils croient, puisque, selon la remarque du Philosophe, en face d'un être simple notre connaissance est en défaut du seul fait qu'elle n'atteint pas cet être en sa totalité .
4. Tout comme elle meut les autres puissances de l'âme, la volonté meut aussi l'intelligence vers sa fin, et c'est par là que croire en Dieu est encore un acte de la foi. [47]
note explicative:
[47] Qu. 2, art. 2, sol. 4. — Même l'élément affectif ne fait pas que la foi soit un acte de sentiment et de volonté : elle demeure un acte de pensée. Il y faut mettre beaucoup de bonne volonté; il sera même bien, dans le cas de la foi en Dieu, d'y mettre tout son cœur. Comme on va le rappeler en effet dès l'article suivant, la chose est très grave; croire Dieu, croire à Dieu, est pour nous une question de salut; c'est l'orientation vers la fin ultime : à cet égard, notre vouloir-croire ne fait que traduire un profond vouloir-vivre.
De plus, on se rend compte que ce Dieu qui nous fait passer son message pour nous faire adhérer à son mystère, est un Dieu qui nous élève à son intimité; sa révélation est sur un ton de confidence et d'amitié et, s'il nous demande de lui faire confiance et de le croire sur parole, c'est uniquement pour nous disposer à le voir et pour nous mettre à même de le regarder bientôt face à face : par là notre vouloir-croire est la traduction d'un vouloir-voir.
Ainsi donc, cette part de volonté qu'il y a dans la foi, elle vient de l'esprit et elle va vers l'esprit. Elle vient de l'esprit parce qu'elle est fondée en pensée : on n'a pas de bonnes raisons de se refuser à croire, on a les plus graves raisons de s'y prêter; quand Dieu parle, on doit l'écouter, on doit le croire, croire à ce qu'il dit. Cette même volonté va vers l'esprit parce qu'elle le porte à plus de pensée : elle l'applique à regarder vers Dieu, à pénétrer dans le secret de Dieu, pour croire en attendant de voir. Si forte que soit la pression du vouloir, elle n'empêche pas que l'acte de croire soit un grand mouvement de pensée, s'appuyant sur la Parole de Dieu, s'attachant à la Majesté de Dieu. C'est malmener la psychologie de la foi que de renverser l'ordre des éléments qui la composent et qui sont ici analysés d'une manière si limpide.
à suivre...
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 3.
Croire quelque chose au- dessus de la raison naturelle est-ce nécessaire au salut ?
DIFFICULTÉS : 1. Pour son salut et pour sa perfection un être peut toujours se contenter, semble-t-il, de ce qui lui convient selon sa nature. Mais ce qui est de foi dopasse la raison naturelle de l'homme : c'est ce qui ne se voit pas. Pour être sauvé il ne semble donc pas nécessaire de croire.
2. Il est même dangereux pour l'homme d'adhérer quand il ne peut juger si ce qu'on lui propose est vrai ou faux. Il est dit au livre de Job : « L'oreille même ne juge-t-elle pas les mots qu'elle entend?» Or on ne peut avoir un tel jugement dans ce qui est de foi, puisqu'on ne peut résoudre cela clans les premiers principes par lesquels nous jugeons de tout. Il est donc périlleux de prêter foi à de telles choses, et croire n'est pas nécessaire au salut.
3. Le salut de l'homme réside en Dieu : « Le salut des vôtres vient du Seigneur» dit le Psalmiste. Mais « ce qu'il y d'invisible en Dieu se découvre à la pensée par ce qu'il a fait : même son éternelle puissance et sa divinité», comme dit l'Apôtre. Ce qui se découvre à la pensée, on n'a pas à le croire. Il n'est donc pas nécessaire au salut que l'on croie des choses.
CEPENDANT, l'épître aux Hébreux dit formellement : « Sans la foi il est impossible de plaire à Dieu ».
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 3.
Croire quelque chose au- dessus de la raison naturelle est-ce nécessaire au salut ? (suite)
CONCLUSION : Partout où des natures forment entre elles un ordre, il se trouve que deux choses concourent à la perfection de la nature inférieure : c'en est une que cette nature soit dans son propre mouvement, mais c'en est une autre qu'elle soit dans le mouvement de la nature supérieure.
Ainsi, l'eau, de son propre mouvement, gravite vers le centre de la terre; mais elle a autour de ce centre un mouvement de flux et de reflux qui suit le mouvement de la lune. De même, les planètes dans leurs orbites sont emportées par leurs propres mouvements de l'occident vers l'orient, mais de l'orient vers l'occident par le mouvement du premier ciel. Seule toutefois dans la création la nature raisonnable est immédiatement ordonnée à Dieu.
La raison en est que les autres créatures n'atteignent pas à l'universel, mais uniquement au particulier : elles participent à la perfection de Dieu, soit par le seul fait d'exister, comme les êtres inanimés, soit en outre par celui de vivre et de connaître le singulier, comme les plantes et les animaux.
La nature raisonnable, au contraire, en tant qu'elle connaît le bien et l'être dans leur aspect universel, se trouve ordonnée immédiatement au principe universel de ce qui est. La perfection de la créature douée de raison consiste donc, non pas seulement dans ce qui convient à cette créature selon sa nature, mais aussi dans ce qui lui est accordé par une certaine perfection surnaturelle venant de la divine bonté.
Voilà bien par où il a été dit plus haut que l'ultime béatitude de l'homme consiste dans une surnaturelle vision de Dieu. A cette vision il est sûr que l'homme ne peut parvenir s'il ne se met à apprendre à l'école même de Dieu, selon le passage de saint Jean : « Quiconque prête l'oreille au Père et a reçu son enseignement vient à moi ».
Mais l'homme n'entre pas tout d'un coup dans un enseignement de cette sorte : il y entre progressivement, suivant en ceci la manière même de sa nature. Quiconque, d'ailleurs, se met ainsi à apprendre doit nécessairement commencer par croire, pour se trouver en état de parvenir à la science parfaite : même le Philosophe le dit bien, «il faut croire lorsqu'on veut apprendre » De là vient que, pour être en état de parvenir à la vision parfaite qu'on a dans la béatitude, l'homme doit auparavant croire à Dieu, comme un disciple au maître qui l'enseigne. [48]
note explicative:
[48] Qu. 2, art. 3, concl. — Faire de tels actes de foi en Dieu, c'est évidemment se dépasser soi-même, et c'est cependant se réaliser soi même. Il est à remarquer que l'auteur va mener de front ces deux études, dans cet article et dans les suivants : celle de la portée surnaturelle des actes de foi, et celle de leur profonde nécessité pour le salut. C'est qu'en effet l'homme ne peut se sauver qu'à la condition de se surpasser : sa destinée est au-dessus de sa nature.
Cette grande doctrine de foi, saint Thomas la rappelle ici en l'illustrant par de très belles considérations métaphysiques. Aucun être, dit-elle en substance, ne trouve toute sa perfection dans sa propre nature; tout être doit s'ouvrir aux influences des êtres qui lui sont supérieurs et auxquels il est ordonné dans l'univers dont il fait partie. Cette loi se vérifie visiblement dans le monde des corps : il faut bien penser qu'elle se vérifie aussi dans le monde des esprits.
Or, l'homme, par la raison dont il est doué appartient à l'ordre des esprits : on ne peut faire de lui ni un minéral, ni un végétal, ni même simplement un animal ; il a bien en lui quelque chose de tout cela, mais il a quelque chose en plus; par sa pensée, il touche à tout, il a des vues universelles, et il est infini dans ses vœux; il est esprit.
Mais les esprits ont ceci qu'étant faits par Dieu sans intermédiaire possible ils sont faits aussi pour Dieu sans intermédiaire aucun : Dieu demeure le Père et le Lieu des esprits; il est leur fin aussi intimement qu'il est leur principe; et chacun d'eux est trop grand et trop près d'être une fin en soi pour avoir une autre fin qu'en Dieu. Ainsi, par sa plus haute nature, l'homme est immédiatement ordonné à Dieu: sa destinée, la perfection de sa nature, ce n'est pas de s'enfermer en soi, c'est de s’ouvrir à Dieu; si surtout il a plu à ce Dieu de faire des avances au genre humain, l'homme n'a pas le droit de se dérober, son devoir est de se rendre.
C'est ainsi que le devoir fondamental de l'homme en même temps que sa plus haute perfection, c'est de se laisser emporter, lui esprit, dans l'orbite du Dieu-Esprit. Or la première chose entre esprits, c'est de se connaître, de se comprendre, et même, de se « voir face à face » s’il est possible. Voilà comment l’homme est appelé à voir Dieu.
En attendant, il est invité à croire Dieu, à croire à Dieu, à croire en Dieu . Et ce grand attachement à croire n'est pas autre, chose que l'initiation et la préparation à voir. D'où la nécessité toute première de cette activité de foi : c'est elle qui doit dès à présent s'emparer de toutes nos pensées ; les emplir de Dieu, pour les diriger et pour orienter par là même notre être et notre vie vers lui. D'où la surnaturelle élévation de cette foi : la règle de ce que nous avons à croire étant tirée de ce que nous aurons à voir, la foi ne peut remplir son rôle qu'à la condition de porter notre raison au-delà de ce que nous pouvons atteindre par nous-mêmes ; la foi est faite pour acclimater notre esprit aux secrets de Dieu.
— Voyez d'autres beaux développements sur le même thème : Sent. III, dist. 24, art. 3, qua 1; In Boet. de Trinit., qu. 3, art. 1; Contra Gentes, 1,4-5, et III, 153; De Veril., qu. 14, art. 10. Mais retenez ce qui fait la souveraine raison d'être de toute notre application à croire : nous plier à croire c'est nous préparer à voir.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 3.
Croire quelque chose au-dessus de la raison naturelle est-ce nécessaire au salut ? (suite)
SOLUTIONS : 1. Parce que notre nature dépend d'une nature supérieure à nous, la connaissance naturelle ne suffit pas à notre perfection, comme on vient de le dire.
2. De même qu'on adhère aux principes par la lumière naturelle de l'intelligence, de même étant vertueux on a par l'habitude même de la vertu un jugement droit sur ce qui s'y rapporte . Eh bien, c'est aussi de cette façon, par une lumière de foi divinement infuse en lui, que l'homme adhère à ce qui est de foi et pas à ce qui est contraire. C'est pourquoi il n'y a pas ombre de péril "ni de damnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus" : lui-même les éclaire de sa lumière par la foi. [49]
3. Les attributs invisibles de Dieu, la foi les perçoit d'une façon plus élevée et en plus grand nombre que ne fait la raison naturelle lorsqu'elle remonte des créatures à Dieu. D'où cette parole de l'Ecclésiastique : « On t'a montré beaucoup plus de choses que l'intelligence humaine n'en peut comprendre (Ecclésiastique III, 25)». [50]
notes explicatives:
[49] Qu. 2, art. 3, sol. 2. — Dans la foi, non seulement nous sommes portés à des objets surnaturels et vers une fin qui est toute surnaturelle, mais nous sommes portés aussi par une force qui ne l'est pas moins. Dieu nous est tout dans l'acte de croire, ut objectum, finem, et movens, comme dit Cajetan à cet endroit.
C'est ce que nous verrons mieux quand nous étudierons la vertu de croire et que nous en rechercherons la cause, aux qu. 4 et 6; et encore mieux quand nous verrons quelles ressources l'acte et la vertu peuvent recevoir des dons qui y sont adjoints dans la foi vive d'une âme en état de grâce, qu. 8 et 9 .
[50]Qu. 2, art. 3, sol. 3. — Ici est marquée d'un trait la différence qu'il y a entre le Dieu de la foi et le Dieu de la raison. En adhérant à Dieu par la foi et en recevant de lui ce qu'il dit de lui, nous connaissons sur son existence et sur sa nature beaucoup plus de choses et d'une manière plus sûre et plus pénétrante que nous ne ferions en essayant par la seule philosophie de nous élever des créatures jusqu'à lui.
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 4.
Est-il nécessaire de croire ce qui peut être prouvé par la raison naturelle?
DIFFICULTES : 1. Apparemment ce n'est pas nécessaire. Car "dans les œuvres de Dieu on ne trouve rien de superflu, beaucoup moins que dans les œuvres de la nature. Mais, lorsqu'une chose peut se faire par un seul moyen, il est superflu d'en ajouter un autre. Il serait donc superflu de recevoir par le moyen de la foi ce qui peut être connu par le moyen de la raison naturelle.
2. Il est nécessaire de croire ce qui est du domaine de la foi. Mais le domaine n'est pas le même pour la science et pour la foi, ainsi que nous l'avons établi plus haut. (qu. 1, art. 5) Comme celui de la science s'étend à tout ce qui peut être la raison naturelle, il semble donc qu'il n'y ait pas nécessité de croire ce que la raison naturelle a le moyen de prouver.
3. D'ailleurs, toutes les choses qui peuvent être objet de science le sont, semble-t-il, à un seul titre. Par conséquent, si certaines d'entre elles sont proposées à l'homme comme des choses qu'on doit croire, à titre égal il deviendrait nécessaire de croire toutes les choses qui sont de science. Or ceci est faux. Il n'est donc pas vrai qu'il soit nécessaire de croire ce qui peut être connu par la raison naturelle.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 4.
Est-il nécessaire de croire ce qui peut être prouvé par la raison naturelle? (suite)
CEPENDANT, il est bien nécessaire de croire qu'il n'y a qu'un seul Dieu et qu'il n'a pas de corps, et ce sont là des points que par la raison naturelle les philosophes sont en état de prouver.
CONCLUSION : Il est nécessaire à l'homme de recevoir comme une foi, non pas seulement des choses qui sont au-dessus de la raison, mais aussi connu par beaucoup des choses qui peuvent être connues par la raison. Et ceci pour trois motifs.
— D'abord, afin qu'il parvienne plus vite à la connaissance de la vérité divine. Car la science à laquelle il appartient de prouver que Dieu existe, et d'autres choses du même genre au sujet de Dieu, c'est en dernier lieu qu'on la donne à apprendre aux hommes, beaucoup d'autres sciences étant présupposées. Ainsi c'est seulement après une longue période de sa vie que l'homme parviendrait à la connaissance de Dieu.
— Ensuite, afin que la connaissance de Dieu soit plus répandue. Beaucoup en effet ne peuvent progresser dans l'étude de la science, soit parce qu'ils ont l'esprit hébété, soit parce qu'ils ont d'autres occupations, et qu'ils sont pris par les nécessités de la vie temporelle, soit aussi parce qu'ils ont de la torpeur pour apprendre. Ces gens seraient frustrés entièrement de la connaissance de Dieu si les choses divines ne leur étaient proposées par mode de foi.
— Troisièmement, pour avoir la certitude. La raison humaine est en effet très défaillante en matière de réalités divines : il y a de cela un indice dans le fait que les philosophes qui ont poussé avec soin l'investigation naturelle en matière pourtant de réalités humaines, sont tombés dans beaucoup d'erreurs et sur bien des points se sont contredits eux-mêmes dans le sentiment qu'ils ont eu des choses.
Pour qu'il y eût donc parmi les humains une connaissance sur Dieu qui fût certaine et hors de doute, il fallait que les réalités divines leur fussent transmises par mode de foi, comme étant dites par Dieu qui ne peut mentir. [51]
note explicative:
[51] Qu. 2, art. 4, concl. — Le présent article est l'heureux complément et comme la belle revanche du précédent. Dans l'un comme dans l'autre, la question de l'étendue de l'acte va de pair avec la question de sa nécessité pour le salut. En déployant cette grande activité de foi en Dieu que nous avons décrite, non seulement l'homme s'engage dans un ordre tout surnaturel, mais il lui arrive aussi de rentrer par là dans un ordre de recherches et de pensées qui devrait lui être profondément naturel.
Cette entrée par la foi dans l'ordre surnaturel est absolument nécessaire à tous s'ils veulent atteindre la fin qui leur est destinée. Mais cette rentrée par la foi dans des pensées qui pourraient et devraient être naturelles à l'homme devient également nécessaire à beaucoup qui ne parviendraient sans cela ni à se sauver surnaturellement ni même à vivre humainement.
La raison naturelle dont il est ici question, ce n'est pas autre chose que l'esprit humain s'exerçant par ses propres forces dans son domaine propre. La connaissance dont on dispute, c'est d'abord celle que l'homme par sa raison peut avoir de Dieu, mais c'est aussi une certaine connaissance de soi-même et des choses.
Dans tout ce débat, la connaissance de Dieu est, au fond, seule en vue; mais, comme il n'est pas possible, même selon la raison, de connaître Dieu et de savoir qu'il est Esprit et de pouvoir se tourner vers lui, si l'on ne reconnaît pas qu'on est soi-même un esprit et si l'on n'a pas quelque idée de la spiritualité, de la liberté et de l'immortalité de son âme, je dis qu'une telle connaissance de soi-même est jointe inévitablement à celle qu'on peut avoir de Dieu. Elles sont ici en cause conjointement.
La raison, non pas en droit mais en fait, est aussi déficiente dans l'une que dans l'autre; et la foi, aussi nécessaire pour l'une que pour l'autre. Il est d'expérience que sans la foi la plupart des hommes n'arrivent que bien tardivement, bien malaisément, et bien faiblement, soit à connaître leur âme, soit à connaître leur Dieu. Voilà ce que conclut l'auteur, et sa conclusion se précise aux solutions 1 et 3 : c'est d'une grande vérité.
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
white].
="IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives"][/quote]
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 4.
Est-il nécessaire de croire ce qui peut être prouvé par la raison naturelle? (suite)
SOLUTIONS : 1. Les investigations de la raison naturelle ne suffisent pas au genre humain pour connaître les choses divines, même clans ce que la raison en peut montrer : aussi n'est-il pas superflu de croire de telles choses.
2. La science et la foi n'ont pas le même domaine chez le même individu. Mais ce qui est su par quelqu'un peut être cru par quelqu'un d'autre, comme nous l'avons dit plus haut.
3. Si toutes les choses qui peuvent être objet de science se rencontrent dans la raison de science, il n'est cependant pas vrai qu'elles se rencontrent en ceci qu'elles puissent à titre égal orienter vers la béatitude. Et c'est pourquoi elles ne sont pas toutes proposées à titre égal comme des choses qu'il faut croire. [52]
note explicative:
[52] Qu. 2, art. 4, sol. 3. — Il est parfaitement vrai que l'activité toute surnaturelle de la foi nous ramène vers les objets qui nous sont le plus naturels et qu'elle nous aide à les connaître. Mais c'est donc aussi le lieu d'observer que, si cette activité ne se déploie que par une grâce toute surnaturelle, elle ne laisse pas de trouver des attaches et comme des prédispositions au plus profond de notre nature humaine.
Ainsi qu'à l'article précédent, il ne faut pas manquer de regarder dans l'acte de croire, en même temps que son attachement à l'objet, son enracinement dans le sujet. Cette question 2 rappelle la question 1 et appelle la question 4. Croire à nos semblables dans les choses qui sont de leur ressort est un acte parfaitement humain et qui nous est tout à fait naturel : s'il s'agit des choses courantes et contingentes de l'existence, l'acte de croire à bon escient est le principe même de la vie en société; et, s'il s'agit même de vérités plus hautes et de choses plus nécessaires, un tel acte est le principe de l'initiation à la sagesse et de l'avancement dans les sciences.
Il n'y a donc pas de raison pour que l'acte de croire à Dieu dans les choses qui sont éminemment du ressort de son mystère et de sa révélation ne demeure pas aussi un acte très humain, répondant à notre plus intime puissance obédientielle. Pour croire il n'y a pas à faire de contorsion d'esprit. Si la foi exige une belle humilité d'esprit même dans l'ordre purement naturel, elle est aussi la preuve d'une intelligence bien faite et d'une véritable ouverture d'esprit. C'est se borner que de se refuser à croire.
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 5
Est-on tenu de croire explicitement quelque chose?
DIFFICULTES : 1. Nul n'est tenu à ce qui n'est pas en son pouvoir. Mais croire quelque chose explicitement n'est pas au pouvoir de l'homme : « Comment croiront-ils à celui qu'ils n'ont point entendu? fait l'Apôtre. Comment entendront-ils si personne ne prêche? Et comment prêchera-t-on si l'on n'est pas envoyé? » On n'est donc pas tenu de croire d'une manière explicite quelque chose.
2. D'ailleurs, nous sommes ordonnés à Dieu par la charité autant que par la foi. Mais il y a des préceptes de la charité qu'on n'est pas tenu d'observer, c'est assez qu'on soit dans la disposition d'esprit seulement. C'est évident, par exemple, dans ce précepte du Seigneur qu'on lit en saint Matthieu : "Si quelqu'un t'a frappé sur une joue, tends-lui aussi l'autre", et dans d'autres semblables à celui-là, comme l'explique saint Augustin dans son commentaire du Sermon sur la montagne. On n'est donc pas tenu non plus de croire explicitement quelque chose, mais c'est assez qu'on soit prêt en esprit à croire ce qui est proposé par Dieu.
3. De plus, le bien de la foi consiste dans une certaine obéissance : l'Apôtre parle de « cette soumission à la foi parmi toutes les nations ». Mais la vertu d'obéissance ne requiert pas non plus qu'on observe des préceptes déterminés, c'est assez qu'on ait une promptitude d'esprit à les garder, selon la parole du psaume : " Je suis prêt, et sans trouble, à garder tes commandements". Il semble donc suffisant pour la foi aussi d'avoir une promptitude d'esprit à croire toutes les choses qui pourraient nous être divinement proposées, sans qu'on ait à croire explicitement aucune. [53]
note explicative:
[53] Qu. 2, art. 5, diffic. — Par les difficultés ainsi soulevées la question est bien posée. Puisque l'activité de foi est si nécessaire pour le salut, il ne faut pas qu'elle soit bien compliquée, il faut qu'elle reste à la portée de tous : ne suffit-il pas qu'elle soit un bon mouvement vers Dieu, où le cœur ait plus de part que l'esprit, et qui soit affaire de vertu plus que de vérité?
C'est en somme ce que beaucoup pensent. Ils font de la foi une simple question de bonne foi, elle est pour eux un sentiment plus qu'un assentiment, elle se ramène à une confiance, à une obéissance de la volonté plus qu'à une application et à une détermination de l'intelligence.
— Λ la question ainsi posée, l'auteur va faire une réponse très adaptée et très nuancée. Vous parlez de vertu et d'activité vertueuse, semble-t-il dire. Soit, parlons-en. L'acte de foi est en effet demandé et commandé comme une activité vertueuse, et nous verrons qu'il y a une grande vertu dans la foi en Dieu.
Mais dans toute vertu il faut une application à un objet, aucune n'est en mouvement dans le vague : ce qu'il faut seulement remarquer et concéder, c'est qu'il y a, quant aux objets, des choses qui sont essentielles et d'autres qui ne sont qu'accidentelles; il est donc nécessaire que l'activité vertueuse, si elle doit s'exercer, s'applique au moins à l'essentiel de son objet; et un bel exemple est emprunté aux actes de la vertu de force, vertu purement morale (concl.), ou encore (sol. 3) aux actes de l'obéissance, vertu morale également, et de même (sol. 2) aux actes de la charité, vertu théologale mais de l'ordre du cœur.
Autant que ces autres, la foi est une vertu; mais, à la différence de vertus comme sont celles d'endurer, d'obéir ou d'aimer, la foi est une vertu qui consiste à penser, elle réside dans l'esprit et elle y suscite un grand mouvement de cogitation et d'adhésion, elle est faite pour aller au vrai, elle est vertu de vérité, elle est de l'ordre de la pensée.
Par conséquent, si importante que soit en elle la part du sentiment et de la bonne volonté, l'activité de foi ne serait plus dans son ordre si toute sa cogitation se perdait dans le vague et si son adhésion ne se donnait à aucune vérité, à aucune réalité. Dès lors qu'on est tenu de faire acte de foi, on est tenu de faire acte de foi à quelque chose et à quelqu'un.
Ce qu'on doit seulement concéder, c'est qu'il y a dans l'objet de foi, comme en tout autre, autour d'un noyau essentiel toute une frange accidentelle : l'activité de foi doit s'attacher d'une manière explicite à l'essentiel de ce qui est de foi ; et pour l'accidentel elle doit être dans cette préparation d'esprit d'y adhérer à mesure qu'elle apprendra que c'est aussi de foi.
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 5
Est-on tenu de croire explicitement quelque chose? (suite)
CEPENDANT, il est écrit dans l'épître aux Hébreux : "Lorsqu'on s'approche de Dieu, il faut croire qu'il existe, et qu'il est rémunérateur pour ceux qui le cherchent".
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 5
Est-on tenu de croire explicitement quelque chose? (suite)
CONCLUSION : Les préceptes de la loi qu'on est tenu de remplir portent sur les activités vertueuses qui sont le chemin pour parvenir au salut. Mais l'activité d'une vertu, comme nous l'avons dit un peu plus haut [a. 2], se mesure à l'application de l'habitude à son objet. Or dans l'objet d'une vertu on peut toujours considérer deux choses : ce qui constitue proprement et par soi l'objet de la vertu et qui est nécessaire dans tous les actes de la vertu; et en second lieu ce qui se présente accidentellement et comme conséquence par rapport à la raison propre de l'objet.
Prenons l'exemple de la force : elle a pour objet proprement et par soi d'endurer les périls de mort et d'affronter l'ennemi au péril de la vie pour une bonne cause; mais le fait même d'être sous les armes ou de se battre dans une guerre juste, ou d'entreprendre quelque chose du même genre, se ramène assurément à l'objet de la force, seulement d'une façon accidentelle.
Il s'ensuit que l'application déterminée de l'activité vertueuse à ce qui est proprement et par soi l'objet de la vertu tombe sous la rigueur du précepte au même titre que l'acte même de la vertu, tandis que l'application déterminée de l'activité vertueuse à ce se qui présente accidentellement et secondairement par rapport à l'objet propre et essentiel de la vertu ne tombe sous la rigueur du précepte que si c'est le lieu et le moment.
— Voici donc ce qu'il faut dire pour la foi. Elle a comme objet essentiel, avons-nous dit, ce par quoi l’on est fait bienheureux. Et accidentellement ou secondairement se rattachent à l'objet de la vertu toutes les choses contenues dans l'Ecriture qui est de tradition divine : par exemple, qu'Abraham eut deux fils, que David fut fils d'Isaïe, et d'autres faits du même ordre. En ce qui regarde donc les toutes premières choses à croire, qui sont les articles mêmes de la foi, on est tenu de les croire explicitement, au même titre qu'on est tenu d'avoir la foi.
Quant aux autres choses à croire, on n'est pas tenu de les croire explicitement, mais seulement d'une manière implicite ou dans la disposition d'esprit qui fait qu’on est prêt à croire tout ce qui est contenu dans la divine Écriture; toutefois, quand on s'est clairement rendu compte que c'est contenu dans l'enseignement de la foi, alors, mais alors seulement, on est tenu de le croire d'une manière explicite.
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 5
Est-on tenu de croire explicitement quelque chose? (suite)
SOLUTIONS : 1. Si on dit qu'une chose est au pouvoir de l'homme à l'exclusion du secours de la grâce, alors on est tenu à beaucoup de choses pour lesquelles on n'a pas pouvoir sans une grâce réparatrice, comme d'aimer Dieu et le prochain, et pareillement de croire les articles de foi. Mais cependant on peut cela avec le secours de la grâce. Et ce secours, comme dit saint Augustin, à tous ceux à qui il est divinement accordé, c'est assurément par miséricorde qu'il est accordé; mais, à ceux à qui il n'est pas donné, c'est par justice qu'il n'est pas donné, comme peine d'un péché qui a précédé, au moins le péché originel. [54]
2. L'on est tenu d'aimer déterminément ces êtres aimables qui sont proprement et par soi les objets de la charité, c'est-à-dire Dieu et le prochain. Mais l'objection est valable dans le cas des préceptes de charité qui se rattachent à l'objet de la charité pour ainsi dire par voie de conséquence.
3. La vertu d'obéissance réside, elle, dans la volonté. Aussi, pour faire acte d'obéissance, c'est assez d'une promptitude de volonté à se soumettre à qui commande. Là est l'objet propre et par soi de l'obéissance. Mais que l'on commande ceci ou cela, c'est accidentel et consécutif à l'objet propre et par soi de l'obéissance.
note explicative:
[54] Qu. 2, art. 5, sol. 1. — A proportion que se déroule l'acte de foi, on montre comment il s'attache et, pour ainsi dire, s'accroche à l'objet, mais on regarde aussi comment il s'insinue dans l'âme du croyant et s'y enracine comme en son sujet. Croire est une grande grâce. Elle est cependant offerte à tous comme la grâce même du salut, dont elle est le premier élément.
— Notez en passant ce puissant raccourci sur la distribution de la grâce. L'obstacle, c'est le péché, originel qui est comme le péché même de la nature humaine en son chef et en ses membres. Il est certain qu'en raison de ce premier et perpétuel péché, la grâce de la foi rencontre une humanité résistante et rebelle, infatuée d'elle-même, lente à se rendre, et fermée à la lumière d'en-haut. L'histoire de la propagation de la foi, celle des développements comme celle des empêchements, trouve là sans contredit sa plus profonde explication.
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 6.
Tous d'une manière égale sont-ils tenus d'avoir une foi explicite?
DIFFICULTÉS : 1. Apparemment oui. Car pour ce qui est de nécessité de salut, nous sommes tous tenus : on le voit bien à propos des préceptes de la charité. Mais l'explicitation de ce que nous devons croire, on vient de le dire, est de nécessité de salut. Nous sommes donc tous également obligés à une croyance explicite.
2. Nul ne doit être examiné sur ce qu'il n'est pas tenu de croire explicitement. Mais, parfois, même les simples sont examinés sur les moindres articles de la foi. C'est donc que tous sont tenus de croire explicitement tout.
3. Si ceux qui sont mineurs dans la foi ne sont pas tenus d'avoir une foi explicite mais seulement une foi implicite, il faut qu'ils aient une foi implicite en la foi de ceux qui sont majeurs. Mais ceci paraît bien dangereux, car il pourrait arriver que les majeurs fussent dans l'erreur. Il semble donc que même les mineurs doivent avoir une foi explicite. Ce qui fait que tout le monde est tenu d'une manière égale à croire explicitement.
à suivre...
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IIa-IIæ, qu. 2, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 6.
Tous d'une manière égale sont-ils tenus d'avoir une foi explicite? (suite)
CEPENDANT il est dit au livre de Job : « Les bœufs labouraient et près d'eux les ânesses naissaient». Ce qui veut dire, d'après l'exposé de saint Grégoire, que les mineurs, symbolisés par l'âne, doivent en matière de foi donner leur adhésion aux majeurs, symbolisés par le bœuf.
CONCLUSION : Le développement explicite de ce qu'on doit croire se fait par le moyen de la révélation divine : les choses à croire en effet dépassent la raison naturelle. Mais il est noté dans Denys que la révélation divine suit un certain ordre et parvient aux inférieurs par les supérieurs, aux hommes par les anges, aux anges inférieurs par les plus grands anges.
Pour une raison semblable, il faut que le développement de la foi chez les humains parvienne aux petits par les grands. C'est pourquoi, de même que les grands anges qui éclairent les petits ont connaissance des réalités divines plus pleinement que ces derniers, toujours au dire de Denys, de même ceux d'entre les hommes qui sont des grands, auxquels il appartient d'instruire les autres, sont tenus d'avoir plus pleinement connaissance de ce que nous devons croire, et obligés par là même de croire plus explicitement.
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à suivre...
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ARTICLE 6.
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SOLUTIONS : 1. Le développement explicite de ce qu'on doit croire n'est pas, d'une manière égale pour tous, de nécessité de salut : en fait, les grands, qui ont la charge d'instruire les autres, sont tenus de croire explicitement plus de choses que les autres. [55]
note explicative:
[55] Qu. 2, art. 6, sol. 1 —Nos articles dans cette étude vont deux à deux : 6 vient compléter 5, comme 4 est venu compléter 3. S'il est nécessaire à l'homme pour être sauvé de croire explicitement quelque chose et quelqu'un, on ne peut cependant songer que tous soient tenus de croire tout ce qui est de foi. Il y a, dans la foi, les petits et les grands, les arriérés et les avancés, les mineurs et les majeurs.
Le minimum au-dessous duquel il semble qu'on ne doive pas descendre serait à peu près ceci : croire que Dieu est quelqu'un qui existe immensément, croire à lui parce qu'il s'est révélé et qu'il nous a parlé, s'en remettre à lui et croire en lui parce qu'on a confiance en sa bonté et en sa véracité et que c'est quelqu'un qui ne peut nous décevoir ni nous tromper.
Il paraît bien qu'il n'y a pas une âme de bonne volonté, si peu éclairée qu'elle soit par la lumière de la révélation, qui ne puisse avoir accès à ce premier degré. Mais saint Thomas a raison de faire remarquer qu'au-dessus de ce degré il y en a une infinité d'autres. Il conçoit l'activité de foi comme une grande ouverture d'esprit à Dieu dans un sentiment de pleine confiance en lui. Or cette activité lui apparaît comme susceptible d'un continuel progrès. Il y a toujours un avancement possible dans la foi : elle est, dans l'esprit de ceux qui en font les actes, comme un perpétuel passage de l'implicite à l'explicite.
Notez qu'il s'agit ici de l'adhésion que nous donnons à l'objet de foi et non point, comme à la question 1, de la proposition qui est faite au monde de cet objet. Mais la conclusion du présent article fait très justement voir que ces deux choses ne sont pas sans rapport : les progrès dans l'adhésion à l'objet rappellent ceux qu'il y a eu dans la tradition divine de ce même objet, et ils se font suivant le même ordre et par les mêmes moyens.
Tout cela est très cohérent, et de conséquence. Le plus sûr progrès dans l'adhésion se fera toujours par l'authentique recours à la Tradition. La foi est comme une mine qu'on n'a jamais fini d'exploiter, ou comme un grand spectacle qu'on ne se lasse pas de regarder. L'esprit y progresse par une application assidue aux enseignements divins et par une sorte de rumination des mystères divins, tels qu'ils sont proposés les uns et les autres dans le milieu traditionnel.
à suivre...
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Solution 2. Les simples n'ont pas à être examinés sur les subtilités de la foi, sauf quand il y a soupçon qu'ils ont été pervertis par les hérétiques, car c'est précisément dans ce qu'il y a de subtil en la foi que ceux-ci ont coutume de pervertir la foi des simples. Si cependant on ne trouve aucune opiniâtreté dans l'attachement de ces derniers à la doctrine altérée, si c'est par simplicité d'esprit qu'ils sont en défaut dans de telles matières, il n'y a pas à leur en faire grief. [56]
note explicative:
[56] Qu. 2, art. 6, sol. 2. — Précieuses indications sur la foi des petites gens et sur la manière dont il convient de l'instruire et de la cultiver. Remarquez qu'il y a de grands hommes et même de grands savants qui ne sont que de petites gens dans la foi. Que faut-il dire à ces simples, à ces peu-initiés, à ces peu-avancés? Notez qu'il n'y a pas ombre d'occultisme dans la vraie foi. Il n'est rien, ni dans l'histoire de la révélation ni dans l'exposé des mystères, qui ne puisse être livré aux fidèles et mis à leur portée. Néanmoins il y a ce que l'auteur nomme ici "les subtilités de la foi", par quoi il entend probablement certaines particularités de l'histoire sainte ou bien certaines finesses ou profondeurs des saints mystères.
Ces subtilités, dit sagement l'auteur, il ne faut pas les proposer à tout venant, à tort et à travers; il ne faut pas les présenter inconsidérément, sans initiation ni progression : les esprits, même bien intentionnés, se perdraient en cogitations troublantes et ne donneraient qu'une difficile adhésion; de plus, ils seraient encombrés de choses accidentelles et risqueraient de ne pas s'attacher assez à l'essentiel. Nonobstant cette prudente réserve, il faut maintenir que le peuple fidèle peut avoir accès aux plus hauts degrés de la foi. Il y a de simples chrétiens qui sont très instruits et très éclairés dans leur foi : ils n'ignorent pas que les saintes Ecritures sont tout un monde, ils retiennent les plus savantes formules de la sainte Eglise, ils sont capables d'énoncer et même d'expliquer quelque peu les plus profonds mystères.
Il me souvient d'avoir entendu de jeunes chrétiens sénégalais exposer dans leur langue le mystère de la très sainte Trinité avec une admirable précision. Saint Thomas nous dit, il est vrai, que cette foi des simples peut rester une foi verbale, fides verborum : le plus souvent ils ne sont pas à même de discuter à fond les réalités qui leur sont proposées, ils les admettent dans l'énigme des mots auxquels ils s'attachent, non ita quod res ipsa discutiatur, sed in verborum œnigmate quibus assentiant (Sent. III, dist. 25, qu. 2, art. 1, qua 1, sol. 4). Cela est très exact et c'est pourquoi il est recommandé de ne pas engager ni chicaner les simples dans les subtilités de la foi. Mais il ne faut pas non plus exagérer la simplicité des petits ni prendre le verbalisme pour du verbiage : les précieuses formules, les textes sacrés, dont se remplit la mémoire de nos enfants durant leurs années de catéchisme, sont comme une féconde semence dans leur esprit.
Qu'on ne croie pas que ces mots ne leur disent rien : ils impriment une orientation à la pensée vers les choses de l'âme et de Dieu; ils comblent le vide affreux qu'il y a sans cela en leurs jeunes intelligences, ils les préservent de la sottise et de la stupidité du monde, ils sont pour tout le temps de la vie une matière à réflexion religieuse.
à suivre...
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Tous d'une manière égale sont-ils tenus d'avoir une foi explicite? (suite)
Solution 3. Les petits n'ont une foi implicite dans la foi des grands que dans la mesure où ceux-ci adhèrent à l'enseignement divin. D'où la parole de l'Apôtre : « Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même du Christ ». Ce n'est donc pas une connaissance humaine qui devient la règle de la foi, mais c'est la vérité divine. S'il y a de ces grands qui s'éloignent de la vérité divine, c'est sans préjudice pour la foi des simples tant qu'ils croient que ces grands ont une foi correcte. Il n'y a préjudice que si les petits adhèrent d'une manière opiniâtre aux erreurs des grands sur un point très particulier à l'encontre de ce qui est la foi de l'Eglise universelle, foi qui ne peut pas défaillir puisque le Seigneur dit : « J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas ». [57]
note explicative:
[57] Qu. 2, art. 6, sol. 3. — La règle de la foi pour les petits, comme aussi pour les grands, c'est de demeurer en communion avec toute l'Eglise et de croire ce qu'elle croit. Chacun doit s'instruire et se laisser porter dans la foi par la Tradition de la Grande Eglise de Dieu. Tout bon fidèle, majeur ou mineur, doit conduire sa cogitation et arrêter son adhésion suivant la Tradition, notamment selon l'ordre social et hiérarchique institué par le Christ et solidement bâti par lui : c'est le milieu infaillible, le moyen sûr et certain. Il faut même observer que ce recours et cette fidélité à une tradition sont plus nécessaires pour avancer dans la foi qu'ils ne le sont sur le plan naturel lorsqu'il s'agit d'avancer dans les sciences : ici on peut se fier à soi-même et s'en rapporter à ses propres observations ou raisons; là on ne peut se fier qu'à Dieu et on doit toujours s'en rapporter à ce qu'il a révélé, tota determinatio fidei est in nobis per doctrinam ( Sent. III, dist. 25, qu. 2, art. 1, qu. 4, sol. 1).
Quant à ceux qui font autorité parmi les fidèles, eux non plus ne s'appartiennent pas, ils ne sont que le truchement de la révélation, ils doivent exhiber leurs titres de créance et offrir de véritables garanties divines, dont la principale est d'être l'expression même de toute l'Eglise et l'organe vivant de la Tradition : ce que les fidèles reconnaissent en ces autorités sociales, ce n'est pas la foi d'un particulier mais celle même de l'Eglise de Dieu ( Sent. III, dist. 25, qu. 2, art. 1, qua 4, sol. 3-4. De Verit., qu. 14,1
art. 11, sol. 7).
— Tout ce milieu infaillible pour le développement de la foi est résumé ici en son rayon d'universalité et en son centre d'unité. Cajetan dit avec sa concision pénétrante :
« L'auteur emploie comme synonymes le nom de l'Eglise catholique et celui de Pierre parce que la foi de Pierre, en lui-même et dans ses successeurs, c'est la foi que la totalité de l'Eglise est tenue de recevoir; et il s'agit, non de la foi particulière à l'homme qui succède à Pierre, mais de la foi du successeur en tant qu'il définit et enseigne ce qui doit être tenu comme étant de foi dans l'Eglise, car le Christ jamais n'a permis ni ne permettra que dans ces conditions-là cet homme se trompe, non pas à cause de lui, mais à cause de l'Eglise universelle qui est tenue de suivre ce qu'il décide». (Cajetan, in h. 1.)
— Remarquez aussi avec quelle précision et avec quel soin l'auteur a noté à quoi se borne le rôle de l'Eglise dans la foi : le sublime magistère n'est qu'un humble ministère.
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 7. [58] Croire explicitement le mystère du Christ est-ce de nécessité de salut pour tous?
DIFFICULTES : 1. L'homme n'est pas tenu de croire d'une manière explicite des choses que les anges ignorent, s'il est vrai que le développement de la foi se fait par la révélation divine et que celle-ci parvient jusqu'aux hommes en passant par les anges. Or, même les anges ont ignoré le mystère de l'Incarnation. De là vient qu'ils se demandaient, dans le psaume : « Quel est ce roi de gloire? » et en Isaïe : « Quel est celui-ci qui vient d'Edom? » C'est là l'interprétation de Denys. Les hommes n'étaient donc pas tenus de croire explicitement le mystère de l'Incarnation.
2. Il est indéniable que saint Jean-Baptiste a été des grands et tout à fait proche du Christ : le Seigneur dit de lui que « parmi les fils des hommes il ne s'est levé personne de plus grand que cet homme ». Eh bien, Jean-Baptiste ne paraît pas avoir connu explicitement le mystère du Christ, puisqu'il a fait demander au Christ, comme nous le lisons en saint Matthieu : « Es-tu celui qui doit venir, ou attendons-nous quelqu'un d'autre? » C'est donc que même les grands n'étaient pas tenus d'avoir au sujet du Christ une foi explicite.
3. Bien des gentils ont obtenu le salut par le ministère des anges, comme le dit Denys. Mais les gentils n'eurent pourtant au sujet du Christ aucune foi ni explicite, ni implicite, dès lors qu'aucune révélation ne leur fut faite. Il semble donc que croire explicitement le mystère du Christ n'ait pas été pour tout le monde une chose nécessaire au salut.
note explicative:
[58] Qu. 2, art. 7, titre. — Cet article et le suivant n'en font qu'un. C'est un tableau magnifique où sont retracés d'après les grandes ères de la révélation les grands âges de la foi, avec le Christ qui est le centre de tout et qui partage les temps en deux. La vue est splendide, et le tableau plein de lumière. Remarquez bien que la proposition extérieure telle qu'elle fut faite à l'humanité au cours de son histoire n'est évoquée à cet endroit que pour nous permettre de mieux mesurer l'adhésion intérieure que les humains doivent donner à Dieu du fond de leurs esprits. C'est pourquoi l'auteur ne parle plus seulement de la vérité de la foi, mais de la grâce de la foi : il se rend compte que nous ne pouvons pleinement croire Dieu que sous la grâce, au temps où elle est, comme dit le texte, révélée et divulguée.
— La question est donc celle-ci : si l'esprit humain doit avoir une foi explicite, à quel objet doit-il attacher cette foi? Que faut-il croire et à quoi faut-il penser pour être sauvé? Car toujours dans cette étude l'activité de la foi est mesurée sous l'angle de sa nécessité.
— La réponse pour saint Thomas n'est pas douteuse : deux grands mystères constituent l'essentiel de la révélation, ils forment aussi tout l'essentiel de notre adhésion; de tout temps quoique sous des modes et à des degrés divers l'homme n'a été sauvé qu'en pensant au mystère du Christ pour passer par là dans le mystère de la Majesté de Dieu et des Personnes en Dieu. A l'âge ancien, ces deux mystères ont été crus, par la masse des croyants d'une manière implicite et voilée, mais par l'élite des âmes religieuses d'une manière déjà plus explicite. A l'âge actuel, tous, petits ou grands, doivent croire explicitement ces deux mystères, et nul ne peut être sauvé sans cela, s'il sort du moins des langes de l'inconscience et prend conscience de son destin.
— Une telle conclusion trahit son époque : elle dénonce ce Moyen-Age qui fut si grand dans sa foi. Elle honore également son auteur qui croit la grâce de la foi universellement répandue et le règne du Christ et de Dieu extrêmement avancé. Mais cette mesure dans la foi semble dépasser ce que nous voyons en réalité. Cajetan, qui écrivait au moment de la découverte du Nouveau Monde, conjecturait que de vastes portions de l'humanité demeuraient peut-être encore en dehors de la grâce de la pleine révélation.
Aujourd'hui nous voyons qu'il y a des multitudes que cette grâce ne paraît pas avoir touchées. Ce sont des primitifs dans la foi : ils en sont restés à la portion congrue; et nous sommes enclins à penser qu'étant au régime de la tradition la plus élémentaire ils peuvent être sauvés par l'acte de l'adhésion élémentaire au Dieu-Existence et au Dieu-Providence. De ces primitifs, vous en trouvez à coup sûr dans les plus anciennes races et les plus vieux pays habités, mais aussi dans les nations les plus modernisées et soi-disant les plus civilisées; jusqu'en pleine chrétienté il peut y avoir des ilots de gentilité.
Ces gens sont comme si le Christ n'était pas encore venu : la divulgation de la grâce n'a pas pénétré jusqu'à eux. C'est sans doute pour cela que l'autorité même de la sainte Eglise n'a jamais pressé au dernier point la nécessité prononcée ici par notre auteur; et la thèse actuelle serait moins catégorique que l'ancienne. Cependant j'estime qu'on ne doit pas exagérer la divergence. Saint Thomas n'est pas un naïf : toujours il voit plus loin et va plus à fond que ne pourrait le supposer un lecteur superficiel. Ainsi, il me semble évident qu'il ne se porte pas garant de tous les faits qui vont être relatés par lui (sol. 3) et qui dénoteraient même avant le Christ de si belles avances dans la, foi.
Pareillement, j'ai l'impression qu'il n'est pas ignorant de tout ce qui peut occasionner même après le Christ de douloureux retards dans la foi. La thèse qu'il soutient dans l'exposé lumineux de ces deux articles (7-8) peut être considérée comme vraie à l'intérieur de la sainte Eglise chrétienne, et en ce sens le régime des temps nouveaux doit bien être celui qui est ici décrit, car, si nous ne pouvons mettre les gentils au niveau des chrétiens, nous ne devons pourtant pas ramener les chrétiens au niveau des gentils. Seulement il convient d'ajouter que beaucoup même de nos contemporains ne sont pas encore parvenus aux temps nouveaux; chez ceux-là, il suffit qu'un écho de la Tradition primitive se répercute jusqu'à eux et que Dieu touche assez leur âme et leur éclaire assez l'esprit pour qu'ils aient de ces simples pensées de foi que l'auteur énonce lui-même si bien (sol. 3, fin) : ils tiennent dans ce rudiment la quintessence de la vraie foi, ils ont la certitude d'un Dieu vivant, qui respire l'intelligence et l'amour, d'un Dieu qui les sauve, auquel ils tendent les bras et qui sera leur récompense en étant déjà leur amour; une telle foi peut les sauver.
à suivre...
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Re: L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
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L'ACTE INTÉRIEUR DE LA FOI.
ARTICLE 7. Croire explicitement le mystère du Christ est-ce de nécessité de salut pour tous? (suite)
CEPENDANT saint Augustin dit ceci : « La saine foi est celle par laquelle nous croyons qu'aucun homme, soit dans le grand âge, soit dans le bas âge, n'est délivré de la contagion de la mort et des liens du péché si ce n'est par Jésus-Christ, le seul médiateur qui soit entre Dieu et nous ».
CONCLUSION : Ce qui appartient proprement et par soi à l'objet de foi, nous l'avons dit, c'est ce par quoi l'on obtient la béatitude. Or, pour les humains, le chemin qui mène à la béatitude c'est le mystère de l'Incarnation et de la Passion du Christ. Il est dit, en effet, au livre des Actes : " Il n'y a pas d'autre nom qui ait été donné aux hommes, dans lequel nous devions être sauvés." C'est pourquoi il a fallu que ce mystère de l'Incarnation du Christ en quelque manière ait été cru à toute époque chez tous les humains. Cette foi cependant a revêtu des modalités très diverses suivant la diversité même des temps et des personnes.
— En effet, avant l'état de péché, l'homme eut une foi explicite au sujet de l'Incarnation du Christ en tant que cette Incarnation était ordonnée à la consommation de la gloire, mais non en tant qu'elle était ordonnée à la délivrance du péché, pour la bonne raison que l'homme n'eut pas la prescience du péché futur. Mais il semble qu'il ait eu la prescience de l'Incarnation du Christ puisqu'il a dit, comme le rapporte la Genèse, que " l'homme, à cause de cela, laissera son père et sa mère et s'attachera à son épouse", et c'est là au dire de l'Apôtre "le mystère qui a toute sa grandeur dans le Christ et dans l'Eglise "; ce mystère, il n'est assurément pas croyable que le premier homme l'ait ignoré. [59]
— D'ailleurs, après le péché, le mystère du Christ a été cru d'une façon explicite, non plus seulement quant à l'Incarnation, mais quant à la Passion et à la Résurrection par lesquelles le genre humain est délivré du péché et de la mort : autrement en effet ils n'auraient pas figuré d'avance la Passion du Christ par certains sacrifices et avant la loi et sous la loi. Ces sacrifices avaient une signification que les grands à coup sûr connaissaient d'une manière explicite. Mais les petits, sous le voile de ces sacrifices, croyant qu'il y avait là des arrangements divins au sujet du Christ à venir, avaient une connaissance voilée en quelque sorte. Du reste, comme nous l'avons remarqué plus haut, les choses qui se rapportent aux mystères du Christ, les hommes les ont connues d'autant plus distinctement qu'ils ont été plus proches de ce Christ.
— Mais, depuis le moment où la grâce a été révélée, tant les grands que les petits sont tenus d'avoir une foi explicite à l'égard des mystères du Christ, principalement quant à ceux qui sont communément solennisés dans l'Eglise et publiquement proposés, comme sont ces articles sur l'Incarnation dont nous avons parlé plus haut.
— Quant aux autres subtiles considérations autour des articles sur l'Incarnation, il y a des personnes qui sont tenues de les croire plus ou moins explicitement selon qu'il sied à l'état et à la fonction d'un chacun.
Notes explicatives:
[59] Qu. 2, art. 7. concl. — Ce passage sur la foi du premier homme est d'une telle beauté qu'on ne saurait s'empêcher de le souligner. L'auteur ne peut pas croire que notre premier père avant sa chute, éclairé par Dieu comme il l'était, ait ignoré un mystère comme celui de l'Homme-Dieu. Quelle foi eut-il donc à une si singulière union de la divinité avec l'humanité? Et par quel autre mystère lui fut révélé ce grand mystère?
— Selon saint Thomas, le Christ de Dieu serait apparu à la pensée prophétique du premier homme comme l'extraordinaire envoyé divin par qui l'humanité avec la création tout entière serait consommée dans la connaissance et l'amitié de Dieu. Au fond, l'attachant idéal que les scotistes peuvent encore aujourd'hui nourrir dans leur esprit en ce qui concerne la raison d'être de l'Incarnation, telle serait à peu près la foi qu'aurait eue le premier homme au temps de sa candeur originelle avant qu'aucune expérience ni aucune prévoyance du péché fussent venues l'effleurer. Nos frères franciscains songent-ils que saint Thomas ferait d'eux des théologiens d'avant la chute, les penseurs de l'Eden?
— Quant à la manière, le texte sacré laisserait entendre que ce jeune homme très candide et très spirituel qu'était notre premier père aurait eu accès à cette grande révélation par la surprenante amitié qu'il se sentait au cœur pour celle qui devait être dans le plan divin la compagne de sa vie : cette union, pour lui pleine de mystère, eût été comme une espèce de sacrement qui lui eût révélé un plus haut mystère.
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