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Message  Louis Mer 30 Avr 2014, 11:49 am

Bonjour à tous,
 
En lisant l’article dans le Sanctoral à propos de Saint Pierre de Vérone, martyr , et avoir lu dans mon vieux Missel :
 
Né à Vérone, de parents manichéens, S. Pierre se convertit et entra dans l’Ordre des Frères Prêcheurs, avec l’ardent désir de prêcher la foi chrétienne et de donner sa vie pour elle ( Or. ). Il fut exaucé : en pleine activité apostolique, il fut assassiné par les manichéens sur la route de Come à Milan, en 1252.
 
 
m’est venu l’idée de publier ce petit dossier sur le manichéisme, tiré de Histoire Générale de l’Église , par l’abbé J.-E. Darras, Louis Vivès, Paris, 1869, t. 8, p. 495-512
 
________________________________________
 
 
Bonne lecture.
 
Bien à vous.
 
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Saint Archelaüs, évêque de Charres, Marcellus, gouverneur de la Mésopotamie.
Lettre de Manès à Marcellus.
Antécédents de Manès. Réponse de Marcellus à Manès.
Conférence publique de Charres entre saint Archelaüs et Manès. Exposition du système dualiste par Manès.
Objections d’Archelaüs. Embarras de Manès. Sa défaite.
Seconde conférence publique entre Archelaüs et Manès à Diodoride.
Manès écorché vif par ordre du roi de Perse.
Cosmogonie manichéenne.
Théologie  manichéenne.
Morale manichéenne. Organisation occulte.


Dernière édition par Louis le Jeu 15 Mai 2014, 11:50 am, édité 12 fois (Raison : Déposer un lien et présentation.)

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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Message  Louis Mer 30 Avr 2014, 11:51 am


§ II. Manès.


Saint Archelaüs, évêque de Charres, Marcellus, gouverneur de la Mésopotamie.


22. Au moment où la politique humaine se préoccupait d'une nouvelle invasion des Perses sur les frontières de l'Orient, l'Église était menacée d'une invasion plus formidable, venue de la patrie de Zoroastre. La ville de Charres, l'antique capitale de la Mésopotamie, placée entre la Perse et l'empire romain, fut le point de jonction où la doctrine du manichéisme se produisit pour la première fois et s'affirma en face de l'Église, avec la prétention de régénérer les âmes et de conquérir l'univers. Au temps de Tacite et de Probus, le gouverneur de Mésopotamie était un chrétien fervent, nommé Marcellus. Charres était le siège de sa résidence ; l'évêque de cette ville, Archelaüs, disciple de Grégoire le Thaumaturge, réunissait à la science des docteurs le zèle et la vertu des saints. Unis dans un pieux concert, l'évêque et le magistrat donnaient, dans cette cité patriarcale, l'exemple de l'hospitalité antique joint au dévouement de la charité chrétienne. Un jour, les troupes romaines, qu'on dirigeait sur tous les points de la frontière pour y combattre l'insurrection, ramenèrent sept mille prisonniers,  une population   tout   entière,   reste   des   nombreux massacres dont les campagnes avaient été le théâtre. La plupart étaient païens. L'évêque Archelaüs sollicita leur liberté. Mais les malheureux captifs étaient la propriété des soldats qui les avaient conquis. Le gouverneur paya, de ses propres deniers, tout ce que les vainqueurs lui demandèrent. Il pourvut à la subsistance de cette foule affamée pendant son séjour à Charres, et, comme autrefois Abraham, il voulut les servir de ses propres mains.

Touchés de ce noble traitement, les prisonniers se jetaient en pleurant aux pieds du saint évêque et du gouverneur son ami. Ils demandèrent le baptême; en échange d'une courte captivité, ils reçurent la liberté des enfants de Dieu. Quand Marcellus les renvoya dans leur pays, il remit à chacun d'eux les vivres et l'argent nécessaires pour le voyage. Si, au point de vue chrétien, cette conduite était admirable, elle ne l'était pas moins au point de vue purement politique. En confiant la direction de toutes les provinces à de tels gouverneurs, les Césars auraient réussi, mieux qu'avec leurs armées, à maintenir la subordination dans l'empire. Le nom de Marcellus était donc béni en Orient; la réputation de sa clémence et de sa paternelle bonté s'étendait jusque chez les Perses. Ce fut en cette circonstance qu'il reçut la lettre suivante : …


Dernière édition par Louis le Jeu 01 Mai 2014, 12:16 pm, édité 2 fois (Raison : Présentation.)

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Message  Louis Jeu 01 Mai 2014, 12:14 pm



Lettre de Manès à Marcellus.

« Manès, apôtre de Jésus-Christ, et tous les saints et vierges qui sont avec moi; à Marcellus, mon fils bien-aimé, grâce, miséricorde, paix, de la part de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Que la main de lumière vous préserve des maux du siècle présent, de ses dangers et des pièges du prince du mal, Amen. J'ai appris avec joie que votre charité est grande, mais il m'est douloureux de ne point voir votre foi conforme à la vraie doctrine. Envoyé de Dieu pour redresser le genre humain qui s'égare, j'ai cru nécessaire de vous écrire pour le salut de votre âme et le bien spirituel de ceux qui vous entourent. Apprenez donc, mon fils, à discerner l'erreur qu'enseignent les docteurs vulgaires. Ils disent que le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, la chair et l'esprit, viennent du même principe, et se confondent incessamment l'un avec l'autre. Comment peuvent-ils soutenir que Dieu soit l'auteur et le créateur de Satan et de ses mauvaises œuvres ? Ils ont été plus loin encore ; ils ne rougissent pas d'affirmer que le Verbe, fils unique du Père, est né d'une femme, nommée Marie; qu'il a été formé de la chair et du sang, principes de corruption et de mort. Je n'insiste pas davantage en ce moment sur leurs autres erreurs, me réservant de le faire quand je serai près de vous. Je ne doute pas de l'empressement avec lequel vous embrasserez la vraie doctrine, aussitôt que vous l'aurez connue. Du reste, ce n'est point par la contrainte, comme les autres docteurs, c'est par la persuasion que je prétends communiquer la foi. »

Quel était ce Manès, « apôtre de Jésus-Christ, envoyé par la main de lumière? » …

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Message  Louis Ven 02 Mai 2014, 11:51 am



Antécédents de Manès. Réponse de Marcellus à Manès.

23. Quel était ce Manès, « apôtre de Jésus-Christ, envoyé par la main de lumière? » Nul ne le connaissait à Charres. L'évêque Archelaüs, en  lisant un tel message, aussi  plein d'arrogance que d'impiété, témoignait son indignation. On interrogea le porteur de la lettre. Il se nommait Turbo, et se disait disciple de Manès. Mon maître, dit-il, est l'incarnation du Saint-Esprit descendu sur la terre. Telle est la signification du nom de Manachem (Paraclet), qu'il a pris récemment. Rien, dans sa naissance, ne pouvait faire prévoir la destinée céleste qui l'attendait. Mais l'Esprit souffle où il veut. Issu d'une famille pauvre de Chaldée, le jeune Cubric fut vendu à l'âge de huit ans comme esclave. Une femme de Ctésiphon l'acheta, l'affranchit et l'adopta pour son fils. Elle-même était veuve du fameux Térébinthe, ce Bouddha de la Perse, né d'une vierge et nourri par un ange, dans les montagnes de ce pays. Térébinthe, en montant aux cieux, avait laissé pour héritage les livres sacrés qui renferment la vraie doctrine.

Le jeune Cubric se nourrit de la méditation de ces livres ; il s'en appropria toute la substance. L'Esprit-Saint descendit enfin sur lui dans sa plénitude, et, ce jour-là, l'ancien esclave fut transformé en Manachem. Il apparut comme la sagesse de Dieu même. Les Persans, dont il combat les superstitieuses croyances, l'appellent parfois le Zendik , l'impie; mais, en dépit de leur hostilité, ils ne peuvent cependant méconnaître la sublimité de sa doctrine, son caractère surnaturel et sa prodigieuse science. Ils le désignent tantôt comme le plus puissant des mages, tantôt comme al Thanawy , l'apôtre des deux principes, tantôt comme al Nakasch , le peintre ; car il excelle dans l'art de la peinture. Il n'est pas moins habile médecin, il guérit toutes les infirmités par la vertu de ses prières. Naguère, le roi de Perse l'a mandé près de l'un de ses fils, atteint d'une maladie mortelle. Turbo n'ajoutait sans doute pas que la science de son maître avait échoué dans la cure du jeune prince, lequel était mort entre les mains de l'imposteur. Cet événement avait désillusionné le roi. Manès fut jeté en prison ; mais il tua son geôlier et réussit à gagner les déserts de 1'Arabie. Tels étaient les antécédents de Manès, quand il écrivait sa lettre au gouverneur de Charres. Marcellus lui répondit en ces termes : « A Manès salut. J'ai reçu votre lettre. Selon ma coutume, j'ai donné l'hospitalité à votre messager, Turbo. Mais je ne comprends rien à ce que vous m'écrivez. Venez donc vous-même expliquer plus clairement votre doctrine. Adieu. »

Le saint évêque Archelaüs avait insisté près du gouverneur…


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Message  Louis Sam 03 Mai 2014, 11:16 am


Conférence publique de Charres entre saint Archelaüs et Manès. Exposition du système dualiste par Manès.


24. Le saint évêque Archelaüs avait insisté près du gouverneur, son ami, pour lui faire adopter l'idée d'une conférence publique avec Manès. De son côté, l'orgueilleux hérésiarque l'accepta de grand cœur. Son arrivée en Mésopotamie fut un événement. Son costume, non moins étrange que sa doctrine, frappait l'imagination des multitudes. Des brodequins à paillettes d'or et à talons fort élevés rehaussaient sa taille. Une jambe enveloppée d'une étoffe de pourpre, et l'autre de bandelettes vertes, symbolisaient le dogme des deux principes. Un manteau, également de deux couleurs, flottait sur ses épaules et donnait à sa démarche quelque chose d'aérien. Sa tête était coiffée de la mitre d'honneur des sages de la Perse ; il tenait à la main droite un long bâton d'ébène, sous le bras un long rouleau de parchemin écrit en lettres d'or  en caractères babyloniens. Tel se montrait, semblable à un satrape, l'esclave Cubric, devenu l'hérésiarque sexagénaire Manès, le père du manichéisme. Le gouverneur avait eu soin de réunir à Charres les personnages les plus instruits et les plus considérables de la province. Pour écarter tout soupçon de partialité, il avait choisi ceux d'entre eux qui étaient païens et les avait nommés juges de la controverse qui allait s'engager entre Manès et le saint évêque. Cet honneur fut dévolu au grammairien Menippus, au médecin Ægialée et à deux rhéteurs Claude et Cléobule. Une immense assemblée se pressait dans l'enceinte  du prétoire. Les juges donnèrent la parole à Manès. Il se fit un silence solennel; le docteur étranger parla ainsi : …

A suivre.

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Message  Louis Dim 04 Mai 2014, 12:09 pm


Conférence publique de Charres entre saint Archelaüs et Manès.
Exposition du système  dualiste par Manès.


(suite)


Les juges donnèrent la parole à Manès. Il se fit un silence solennel; le docteur étranger parla ainsi : …

« Hommes frères, je suis le disciple du Christ et l'apôtre de Jésus. Le nom de Marcellus est béni dans toutes les contrées que j'ai parcourues. J'ai entendu le concert d'éloges qui célèbre partout les vertus de cet illustre gouverneur. Dès lors, je n'eus plus qu'un seul désir, celui d'exposer la vérité à ses yeux et de lui prouver qu'il s'égare, en suivant la religion d'Archelaüs. Du reste, c'est à vous tous que j'apporte les promesses du royaume et l'héritage du siècle futur, quand je viens les offrir à un homme qui tient en sa main la clef de vos cœurs. Je suis le Paraclet, dont Jésus annonçait l'avènement et dont il disait « qu'il convaincrait le monde touchant le péché et touchant la justice (1). » Paul fut envoyé avant moi; mais, comme il le déclarait lui-même, « sa science n'était que partielle, son esprit de prophétie n'était qu'incomplet (2). » Il m'était réservé de remplacer, par la perfection absolue, ce qui était relatif et partiel. Recevez donc ma parole. En le faisant, vous trouverez le salut; sinon vous serez la proie des flammes éternelles. Autrefois les blasphémateurs Hyménée et Alexandre furent livrés au pouvoir de Satan (3). Mais ne vous apercevez-vous pas que vous êtes vous-mêmes coupables de blasphème, quand vous dites que Dieu, le Père de Jésus, est le créateur de tout ce qui existe ; l'auteur de tous les maux, la cause efficiente de l'injustice, du désordre et de l'iniquité? Quoi, de la même source, vous prétendez tirer à la fois de l'eau douce et de l'eau salée! Quelle absurde théorie ! A qui voudrez-vous croire? A vos maîtres, ces évêques qui vivent dans l’abondance et les délices, sans souci de la vérité, ou au Sauveur, le Christ Jésus, qui disait dans l'Évangile : « Un bon arbre ne saurait produire de mauvais fruits, pas plus qu'un mauvais arbre, de bons (4)? »

Ailleurs, et comme pour confirmer ce principe, il ajoutait que…

____________________________________________________________________

(1) Joan. , XVI, 8. — (2) Cor. XIII, 9. —  (3) I Timoth., I, 20. —  (4) Matth., VII, 18.

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Message  Louis Lun 05 Mai 2014, 1:23 pm


Conférence publique de Charres entre saint Archelaüs et Manès.
Exposition du système  dualiste par Manès.


(suite)



Ailleurs, et comme pour confirmer ce principe, il ajoutait que…

« le diable, père du mensonge et de l'homicide, existait dès le commencement; que les ténèbres avaient toujours lutté contre le Verbe éternel; enfin, que le prince du siècle était le Dieu de ce monde, ce Dieu qui aveugle les hommes et les détourne du culte évangélique. Voilà donc ce Dieu du mal, Dieu éternel, Dieu de ce monde. Vous ne le confondrez pas, certes ! avec le Dieu bon. Le Dieu du mal se nomme Satan; il est le créateur, la cause première de tous les maux. Il n'a rien de commun avec le Dieu du bien, Père de notre Rédempteur et Sauveur. La loi ancienne, les prophéties, furent l'œuvre du principe malfaisant. Voilà pourquoi vous y rencontrez tant de notions indignes de Dieu, tant de faits où la concupiscence s'étale avec ses tentations. Le Créateur nous y apparaît avec une faim et une soif insatiables de chair et de sang. Ce fut là un artifice de Satan qui voulait ainsi se faire accepter comme le Dieu véritable, Père du Christ. Donc, de toutes les Écritures, il ne nous faut accepter que l'Évangile. C'est une erreur déplorable de retenir à la fois le Testament ancien avec le Testament nouveau, sous prétexte que le premier était la figure du second. Par ce mélange du bien avec le mal, on ne réussit qu'à corrompre et à dénaturer le bien. Il faut couper le vieux rameau pourri, qui transmettrait à tout un arbre la gangrène et la mort. L'Évangile l'a dit : « La loi et les prophètes ont cessé à l'époque de Jean-Baptiste (1). » Comment donc persistez-vous à vous abriter sous un toit en ruines? Paul ne dit-il pas : « Si je venais à réédifier ce que j'ai détruit, je serais un prévaricateur (2) ? »  

— En ce moment, Manès s'arrêta, comme pour attendre qu'on discutât ses principes…

___________________________________________________________________

(1) Luc, XVI, 16. — (2) Gal., II,  18. Acta  disputationis S. Archelai cum Manete, cap. XIII; Patr, græc., tom. X, col. 1451.

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Message  Louis Mar 06 Mai 2014, 11:06 am


Conférence publique de Charres entre saint Archelaüs et Manès.
Exposition du système  dualiste par Manès.

(suite)


— En ce moment, Manès s'arrêta, comme pour attendre qu'on discutât ses principes. Mais les juges l'invitèrent à continuer l'exposition de son système, et il reprit en ces termes :

« Je dis qu'il y a deux natures éternelles et coexistantes, l'une bonne, l'autre mauvaise. La première, le bien par essence, habite une région inconnue et supérieure ; la seconde, le mal absolu qui règne en ce monde visible, dont il a fait un immense ergastulum où toutes les créatures sont captives sous sa domination. C'est le mot de Jean l'Évangéliste : « Le monde entier repose dans le malin (3). » S'il repose dans le malin, il n'est donc pas en Dieu. Dès lors, nous sommes contraints d'admettre qu'il y a deux séjours distincts, aussi bien que deux principes : le séjour du bien où réside le Dieu bon, et le séjour du mal où le principe mauvais a créé le monde. L'idée d'un Dieu unique, principe du bien et Souverain du monde, est inadmissible. S'il n'y avait qu'un Dieu, il remplirait tout de sa substance. Or, où placerez-vous les créatures contingentes, faibles, caduques, éphémères, périssables? Au sein du Dieu éternel? Mais ce serait absurde. Comment un Dieu immortel aurait-il pu créer la mort; comment aurait-il pu engendrer la corruption? Songez au mode de reproduction de l'espèce humaine, et dites, si vous l'osez, que tant de turpitudes réunies soient l'œuvre du Dieu de toute pureté. Ah ! quand on a écrit qu'Adam, notre premier père, avait été fait à l'image et à la ressemblance de Dieu, on disait plus vrai que vous ne pensez. L'homme, créé par le principe du mal, ressemble en effet à son auteur. Cependant, il y eut dès l'origine un mélange du mal avec les éléments du bien qui s'opéra au profit de la nature humaine. Si vous voulez savoir comment se produisit ce mélange, je vais vous l'apprendre (1). »

25. « Les juges interrompirent Manès….

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— (3) I Joan., v, 19. — (1) Act. Disput., cap. XIV.

A suivre : Objections d’Archelaüs. Embarras de Manès. Sa défaite.

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Message  Louis Mer 07 Mai 2014, 1:53 pm


Objections d’Archelaüs. Embarras de Manès. Sa défaite.


25. « Les juges interrompirent Manès. Avant de procéder à l'exposition de ce nouveau sujet, dirent-ils, il faut d'abord que la question des deux principes coéternels soit élucidée. La parole est à Archelaüs pour répondre à cette première partie de la controverse.

— Le saint évêque se leva et dit : Malgré les impiétés et les blasphèmes que vient d'accumuler avec tant d'assurance notre adversaire....

— Vous l'entendez, s'écria Manès. Il a prononcé le mot d'adversaire ! Il y a donc deux principes opposés.

— Archelaüs, profitant avec bonheur de cette brusque interruption, reprit : Il me semble qu'il y a ici une évidente folie. Dans une controverse publique, je donne à mon contradicteur le nom d'adversaire; mais je n'admets point pour cela la coexistence de deux natures opposées et éternelles. Manès, vous nous apportez, dites-vous, une doctrine sublime. Malheureusement rien ne peut tenir dans votre système. Ce n'est point par l'opposition essentielle et radicale de votre nature que vous êtes pour nous un adversaire ; c'est tout simplement par un défaut de logique. Tous les jours on voit un adversaire de la veille se laisser convaincre par de solides arguments et devenir un adhérent du lendemain. Si vous réussissiez à me démontrer la vérité de votre système, ou réciproquement si j'avais le bonheur de vous ramener à la foi, nous cesserions d'être l'un pour l'autre des adversaires. C'est que les créatures raisonnables agissent dans la plénitude de leur libre arbitre; elles ont la faculté de changer de sentiment ; elles ne sont donc point opposées par nature, ni fatalement soumises à la domination de l'un ou de l'autre des deux principes que vous supposez coéternels. Réfléchissez-y. Ces deux natures que vous avez inventées les supposez-vous convertibles ou non?

— Cette question surprit Manès. Il demeura quelque temps sans répondre. Si je dis qu'elles sont convertibles, pensait-il, on me rétorquera le mot de l'Évangile : « Nul mauvais arbre ne peut produire de bons fruits. » Si je déclare qu'elles ne le sont pas, je ruine d'avance le système du mélange réciproque des deux natures qu'il me reste à exposer. Enfin, après quelques minutes d'hésitation, il fit la réponse suivante : Les deux natures ne sont pas susceptibles de conversion en leurs contraires, mais elles le sont en ce qui leur est propre.

— Quoi ! reprit Archelaüs, ignorez-vous donc la valeur même des termes philosophiques que vous employez? Vous affirmez que les deux natures sont inconvertibles en ce qu'elles ont de contraire, mais qu'elles sont convertibles en ce quelles ont de propre. Et moi je réponds que ce qui se convertit, ou se change en ce qui lui est propre, ne sort pas de soi, ne change pas et ne se convertit pas. Pour qu'il y ait conversion d'un être, il faut que cet être sorte de ce qui lui est propre et arrive à ce qui lui est étranger.

— Les juges déclarèrent que cette réponse d'Archelaüs exprimait rigoureusement la vérité philosophique. La convertibilité, dirent-ils, suppose en effet dans un être le changement en ce qu'il n'était point. Ainsi un païen qui se convertit au christianisme abjure ce qui lui était propre. Tant qu'il offre des sacrifices et fréquente les temples des dieux, il n'est pas chrétien, il n'est pas converti. Persistez-vous, dirent-ils à Manès, dans votre réponse au sujet de la convertibilité?

— Manès...

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Message  Louis Jeu 08 Mai 2014, 11:26 am


Objections d’Archelaüs. Embarras de Manès. Sa défaite.
(suite)


— Manès garda le silence (1). »

— Le grand secret de l'hérésiarque, celui qu'il avait hâte de promulguer et dont les juges de la controverse avaient retardé l'exposition, n'était  autre que la théorie un peu modifiée des anciens gnostiques. Selon les docteurs surannés de la Gnose, le corps humain était l'œuvre d'un démiurge inférieur, mais son âme était une émanation du principe divin. Manès, en écartant les fatigantes généalogies d'éons qui n'étaient plus de mode, avait cependant retenu le principe d'émanation gnostique pour l'âme humaine, et l'avait accommodé à son système de dithéisme absolu. Il professait donc que le corps humain était l'œuvre du Dieu mauvais, et l'âme celle du Dieu bon.

Archelaüs combattit éloquemment cette erreur.

« En considérant, dit-il, la merveilleuse harmonie qui règne entre le corps et l'âme, il est impossible d'admettre que l'un n'ait pas été fait pour l'autre et que chacun soit l'œuvre d'un principe opposé, ou ennemi. Ce sera, si vous le voulez, un navire construit par un habile architecte, pour résister à la fureur des vents et des flots. L'âme est le pilote; elle tient tellement les organes sous sa dépendance quelle s'en sert et les manœuvre à son gré. Supposez que le corps ait été créé par un Dieu méchant et jaloux, est-ce qu'il serait instrument docile de l'âme émanée du Dieu bienfaisant? Est-ce que les rapports qui unissent l'esprit et le corps seraient aussi constants, aussi intimes ? »

Passant ensuite à la notion théologique du mal, le saint évêque établit que le mal n'est ni une substance, ni un être positif, mais seulement la privation d'un plus grand bien. Les ténèbres sont l'absence, le défaut de lumière. Un défaut, une absence, une négation, ne sauraient constituer une nature éternelle et coexistante à Dieu.

« Quant à la perversité de Satan, dit-il, elle se conçoit aisément par la chute de cet être spirituel, mais créé, qui occupait jadis le premier rang dans les chœurs angéliques. Il n'y a que Dieu qui, par nature, soit éternel et inaltérable. Nulle créature ne lui est consubstantielle ; dès lors, nulle créature n'est exempte d'altération, ou de défaillance. Comment Manès pourrait-il le nier, lui qui regarde l'âme comme une parcelle de la substance divine et qui admet néanmoins avec nous que l'âme peut pécher?»

Passant ensuite à l'étrange prétention de l'hérésiarque qui se donnait comme l'incarnation de l'Esprit-Saint, Archelaüs reprit…

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(1) Act. Disput., cap. XVI.

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Message  Louis Ven 09 Mai 2014, 12:48 pm


Objections d’Archelaüs. Embarras de Manès. Sa défaite.
(suite)


Passant ensuite à l'étrange prétention de l'hérésiarque qui se donnait comme l'incarnation de l'Esprit-Saint, Archelaüs reprit: «Avant d'usurper un pareil titre, il ne vous souvint donc pas, ô Manès, de la parole de l'Apôtre : « Fissiez-vous des miracles; votre pouvoir alla-t-il jusqu'à ressusciter les morts, dès l'instant que vous nous prêchez un autre Christ, vous tombez sous l'anathème? » Mais enfin, tout apôtre de Satan que vous soyez, qu'avez-vous fait de prodigieux jusqu'ici? Où sont les morts de quatre jours ressuscités à votre voix; les hémorroïsses guéries; les aveugles-nés dont vous ayez ouvert les yeux? Vous a-t-on vu nourrir des multitudes avec trois morceaux de pain; ou marcher sur les flots résistants des mers? Persan, vous parlez l'idiome de votre patrie; vous ne savez ni le grec, ni le latin, ni l'égyptien; vous n'entendez point ceux qui les parlent. En fut-il ainsi de l'Esprit-Saint, quand il se reposa sur les apôtres? Ne leur communiqua-t-il pas le don des langues? En vérité, Marcion, Valentin, Basilide et les autres hérésiarques n'atteignirent jamais une pareille démence. Nul n'osa dire : Je suis le Paraclet, l'Esprit-Saint, la troisième personne de l'auguste Trinité! C'est que l'avènement de l'Esprit-Saint promis par le Sauveur est un fait depuis longtemps accompli à Jérusalem, sous le règne de Tibère, en faveur des douze apôtres qui reçurent l'effusion de l'Esprit-Saint, et qui, depuis, l'ont transmis à l'univers. Il ne saurait donc plus y avoir d'autre avènement de l'une des personnes divines que celui qui suivra la consommation finale, quand le Fils de l'homme apparaîtra pour juger l'univers. Or, je vous le demande, est-ce là l'attitude de Manès qui vient capter les âmes frivoles, séduire les ignorants, tromper les simples? A Dieu ne plaise que nous abandonnions la véritable doctrine de Jésus-Christ, pour embrasser les rêveries de ce visionnaire, de ce faux prophète de cet apôtre menteur ! »

— L'assemblée témoigna par ses applaudissements qu'elle partageait la croyance d'Archelaüs. Le gouverneur romain embrassa publiquement le saint évêque, et détachant sa chlamyde proconsulaire, l'en revêtit. Manès quitta brusquement le prétoire. Les enfants de la ville lui jetaient des pierres. Ce fut pour l'hérésiarque une pompeuse défaite. Turbo, son disciple et son messager, déclara qu'il abjurait ses erreurs passées. Il s'attacha au saint évêque Archelaüs, qui l'éleva plus tard au diaconat.

Cependant Manès n'était point découragé….


A suivre : Seconde conférence publique entre Archelaüs et Manès à Diodoride.

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Message  Louis Sam 10 Mai 2014, 11:41 am


Seconde conférence publique entre Archelaüs et Manès à Diodoride.


 26. Cependant Manès n'était point découragé. En quittant la ville de Charres, il s'était rendu dans un village voisin, nommé Diodoride. Là il défia publiquement le prêtre qui dirigeait cette pauvre chrétienté à une conférence. Archelaüs, prévenu à temps, arriva au moment où la controverse allait s'engager. L'hérésiarque ne put dissimuler sa surprise.

« Quoi ! lui dit l'évêque, vous êtes le Paraclet, l'incarnation de l'Esprit-Saint, et vous n'avez pas eu en cette qualité la prescience de mon arrivée! »

— Manès éclata en injures et en récriminations. Il reprochait au saint évêque de l'avoir outragé gratuitement, dans la conférence de Charres. Archelaüs, sans relever cette sortie de l'hérésiarque, se contenta de lui répondre, avec le plus grand sang-froid : « D'après votre doctrine des deux principes, vous n'avez pas le droit de vous plaindre. Il est en mon pouvoir de vous combattre, de même qu'il est en mon pouvoir de me faire votre adhérent. Savez-vous quel parti j'embrasserai? Si vous ne le savez pas, vous n'êtes point le Paraclet. Si je me déclare converti par vous, que deviendra votre doctrine de la dualité inconvertible? Car, si je suis d'une nature contraire à la vôtre, comment demandez-vous que je me soumette; et si j'ai l'esprit d'obéissance, comment craignez-vous que je résiste? Vous affirmez que le mal est absolu ; que le méchant est condamné à l'être toujours, soyez donc fidèle à vos propres principes et ne cherchez plus à convertir personne.

— Manès restait silencieux devant ces arguments ad hominem. Archelaüs lui demanda alors s'il admettait que Jésus-Christ fût véritablement, comme homme, né de la Vierge, mère de Dieu, Le manichéisme. Manas10

— Non, répondit l'hérésiarque, Jésus-Christ ne fut point réellement ce qu'il paraissait. Vous en avez la preuve dans l'Évangile. Quand sa mère et ses frères demandent à lui parler, il les repousse. Au contraire, lorsque Pierre le proclame Fils du Dieu vivant, Jésus-Christ accueille la réponse de l'Apôtre : « Bienheureux êtes-vous, dit-il, Simon, fils de Jonas, parce que vous ne parlez point le langage de la chair et du sang. » Donc Jésus ne se regardait point comme le Fils de Marie. Il ne le fut qu'en apparence et selon la chair corruptible. »

— Archelaüs réfuta victorieusement cette erreur renouvelée des Docètes, et rétablit le dogme théologique de l'incarnation sur la base de l'union hypostatique des deux natures, divine et humaine, en Jésus-Christ. En terminant, le saint évêque rappela à son auditoire comment l'Église, constituée en une hiérarchie immortelle, conserve et transmet la vérité par une tradition ininterrompue, qui remonte aux apôtres instruits par le Sauveur, et inspirés par l'Esprit de Dieu. A cette  majesté de l'enseignement traditionnel il compara les tentatives des hérésiarques, prédécesseurs de Manès.

« Croyez-vous, dit-il, que la doctrine de ce Persan soit nouvelle?...

A suivre : Manès écorché  vif par ordre du roi de Perse.

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Message  Louis Dim 11 Mai 2014, 11:42 am


Manès écorché  vif par ordre du roi de Perse.

27. « Croyez-vous, dit-il, que la doctrine de ce Persan soit nouvelle? Non. Longtemps avant lui, au siècle même des apôtres, à côté de Marcion et de Cérinthe, un sophiste pythagoricien, du nom de Scythianus, essaya de remettre en honneur le principe dualiste, en l'introduisant dans  le symbole chrétien. Riche et éloquent, Scythianus se fixa en Égypte, il y fonda une école florissante. Térébinthe, l'un de ses disciples, hérita des erreurs et du crédit de son maître. Il formula les doctrines de la secte en quatre livres, intitulés : Les Mystères; les Chapitres; les Évangiles; le Trésor. Avec ce bagage d'erreurs, il parcourut la Babylonie, pénétra dans la Perse et se donna comme une incarnation nouvelle de la divinité, comme un Bouddha supérieur. Les mages Persans, dans de nombreuses conférences, le réfutèrent. Parcus, un des plus illustres docteurs de ce pays, et Labdacus, fils de Mithra, démasquèrent plus d'une fois les impostures de Térébinthe. Mais celui-ci chassé d'une ville pénétrait dans une autre; il propageait parmi le peuple ses folles doctrines de la métempsycose. Il disait comment les âmes, après des migrations infinies dans le corps des animaux, ou dans la sève des plantes, remontaient ensuite dans les deux astres visibles, la lune et le soleil, pour aller enfin se réunir, en une région supérieure, à la substance même de la divinité du bien. Il racontait, d'un ton de prophète, les luttes chimériques et les combats que  se  livraient les deux principes coéternels. On le voyait chaque matin monter sur la plate-forme de la maison qu'il habitait. Là il invoquait à haute voix, sous des noms étranges, les princes de l'air, qu'il nommait les sept élus. Un jour, il se laissa tomber de la plate-forme. La veuve qui lui avait donné l'hospitalité le releva mort. Elle héritait ainsi des livres de l'hérésiarque. Elle songea aux moyens de continuer la propagande de ses doctrines. Dans ce but elle acheta un jeune esclave nommé Cubric, l'affranchit et le fit soigneusement instruire par les plus habiles maîtres de la Perse. Mais elle mourut avant d'avoir achevé son œuvre. Le jeune Cubric n'avait que douze ans. Sa bienfaitrice lui laissait toute sa fortune. Il s'en servit plus tard. Le Cubric dont je vous parle, c'est précisément le Manès que vous avez sous les yeux. Il échangea son nom servile contre le titre usurpé de Manachem,  « Paraclet. » Sexagénaire aujourd'hui, il ne serait guère possible, sous son costume de satrape, de deviner son origine. Mais il ne saurait nier aucun de ces détails qui m'ont été racontés par Turbo, l'un de ses disciples. Vous ignorez de plus, mais il sait bien lui que le roi de Perse le fait rechercher pour le mettre à mort. Le fils de ce roi fut confié à Manès, qui prétendait le guérir et qui a précipité la mort du jeune prince par ses incantations sacrilèges. Emprisonné naguère pour ce crime, il a tué ses gardiens et réussi à s'évader.  C'est à cette  circonstance  que  nous  devons son arrivée au milieu de nous. »

— Quand l'évêque eut terminé ces singulières révélations, on attendait que Manès désavouât les faits allégués. Mais il garda le silence. Une immense acclamation se fît alors entendre contre l'imposteur, qui prit la fuite et se hâta de traverser le fleuve Sangar, pour se retirer, au désert, dans une forteresse nommée Arabion. Quelque temps après, le roi de Perse l'y fit saisir. Le malheureux fut traîné à Gandi-Sapor, l'ancienne Persépolis, dans l'antique province d'Élam, et fut écorché vif. Sa peau, remplie de foin, fut suspendue à un gibet, près des portes de la ville. Le supplice de Manès, attesté à la fois par les historiens romains et par les historiens persans, est un fait avéré. Le récit des uns et des autres offre cependant une variante relative au motif du supplice. Les Actes d'Archelaüs disent, comme nous venons de le voir, que Manès fut condamné pour n'avoir pas guéri le fils du roi de Perse. Les sources orientales attribuent son supplice à la vengeance des mages, irrités contre un dogmatisant qui niait la résurrection des morts, l'un des points fondamentaux de la religion de Zoroastre.

Quoi qu'il en soit de ce point particulier…

A suivre : Cosmogonie manichéenne.

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Message  Louis Lun 12 Mai 2014, 11:31 am


Cosmogonie manichéenne.


28. Quoi qu'il en soit de ce point particulier, la doctrine de Manès survécut à son auteur, ou plutôt, par une étrange bizarrerie, elle emprunta une force nouvelle à la mort de cet imposteur. La date de son ignominieux supplice devint la grande fête des sectaires, la fête du    Le manichéisme. A_de_c11 par imitation sans doute des fêtes catholiques de la Chaire de saint Pierre à Antioche et à Rome.

Toute une hiérarchie manichéenne fut organisée d'après le même système. Le successeur de Manès le Paraclet, fut un grand maître ou chef suprême, ayant sous ses ordres douze élus, qui tenaient la place des douze apôtres. Les douze élus sacraient soixante-douze évêques, qui ordonnaient à leur tour des prêtres, des diacres, et des ministres inférieurs. Le dogme des deux principes, dont nous avons entendu l'exposition de la bouche même de Manès, dans la conférence de Charres, se complétait par une immixtion, ou mélange du bien et du mal, opérée au sein de la création dès le premier jour.

Voici comment le Manichéisme racontait l'histoire de cet étrange amalgame. Les deux principes coéternels du bien et du mal régnaient souverainement, chacun dans un royaume séparé et distinct, qui se subdivise en cinq régions peuplées d'êtres innombrables, émanés de leur principe respectif. Or, les princes du royaume des ténèbres, frappés de l'éclat et du rayonnement que les splendeurs du royaume de lumière envoyaient à leurs yeux, devinrent jaloux de tant de gloire. Ils engagèrent une lutte acharnée pour conquérir le royaume ennemi. Le Dieu du bien, pour résister à leurs attaques, produisit un être nouveau, la Mère de la vie , qui enfanta l'Homme primitif, Le manichéisme. B_de_c10nommé Jésus dans les sphères éternelles. Ce Jésus Fils de la vie, entra résolument en lice contre les puissances de ténèbres. Mais il fut vaincu; son armure céleste, la vie qui formait sa cuirasse, sa lance,  son casque et son bouclier tombèrent au pouvoir des puissances de ténèbres qui se les partagèrent.

En ce moment, le Dieu bon…

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Message  Louis Mar 13 Mai 2014, 11:37 am


Cosmogonie manichéenne.
(suite)



En ce moment, le Dieu bon envoya au secours de son héroïque et malheureux champion un défenseur créé pour la circonstance, Le manichéisme. C_de_c10Celui-ci tendit la main à Jésus, qui était resté gisant sur le champ de bataille ; il le releva et l'emmena dans les champs lumineux de la région du bien, en attendant qu'il pût reconquérir son armure perdue. Mais des débris de cette armure restés aux mains des princes des ténèbres, ceux-ci créèrent l'Adam terrestre, l'homme, notre premier père, sur le modèle du prototype Jésus, dont ils avaient eu le temps d'étudier la conformation et de remarquer la physionomie, dans la fameuse bataille où ils avaient eu la chance de le vaincre. Ils ne devaient pas d'ailleurs se glorifier longtemps de leur triomphe. L'Esprit de vie, aidé de la Vierge de lumière, revint à la charge, mit en pleine déroute les princes des ténèbres et les enchaîna au firmament.

Les points lumineux que nous percevons dans la voûte étoilée, ne sont rien autre chose que les parcelles de lumière conquises autrefois par les esprits du mal. Pour assurer sa domination, l'Esprit de vie posa le Jésus céleste, et la Vierge , dans deux navires lumineux, le soleil et la lune, avec mission de centraliser la lumière. Cependant il restait une quantité énorme de matière, que les génies du mal avaient imprégnée de parcelles lumineuses. Que faire de cet amas informe ? L'Esprit de vie y songea, et se résolut à en former la terre, sur laquelle il établit l'Adam créé par les mauvais anges, cet homme primitif dont nous descendons tous et qui était resté en son pouvoir, après la bataille.

Depuis ce temps, la lutte entre les ténèbres et la lumière continue sans relâche avec des vicissitudes diverses. Ainsi la Vierge de lumière passe son temps à soutirer aux princes des ténèbres, captifs dans le firmament, leurs étincelles lumineuses. Les parcelles de lumière encore emprisonnées dans notre planète, sont constamment sollicitées par la lumière du Jésus rédempteur, trônant dans le soleil, et par l'action de l'Esprit de vie répandu dans l'air ambiant, lequel fait monter, sons forme de sève dans les végétaux, les principes de vitalité enfouis an sein de la terre.

La physique de Manès ferait sourire aujourd'hui un enfant…


A suivre : Théologie  manichéenne.

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Message  Louis Mer 14 Mai 2014, 10:31 am


Théologie  manichéenne.


29. La physique de Manès ferait sourire aujourd'hui un enfant. Il n'en était pas de même au IIIe siècle. Les notions astronomiques des Chaldéens, les rêves chers aux partisans attardés du Gnosticisme, les combats de géants de la mythologie grecque et romaine, les doctrines pythagoriciennes de la métempsycose, se trouvaient, dans ce système, habilement fondus avec les noms que le christianisme répétait sur tous les points du monde.

Ce fut précisément là ce qui rendit le Manichéisme si populaire. La nature entière s'animait et prenait vie, dans le  conflit entre les deux principes. L'homme jouait un rôle important dans la bataille séculaire. Il eût été facile aux génies du bien, disait Manès, de séparer, dans l'Adam ou homme primitif, la portion lumineuse qui y était captive, si, par malheur pour notre race, ils n'avaient été prévenus par l'infernale malice de leurs ennemis. Les princes des ténèbres avaient en effet, dès le premier jour, donné à Adam une compagne. Ils lui présentèrent donc Ève, la première femme, et allumèrent ainsi un foyer de concupiscence qui le corrompit pour de longues années. Il fallut que le Christ, investi d'un rayon lumineux du soleil Jésus, vînt travailler à la rédemption de l'espèce humaine, et enfin que l'Esprit de vie, le Paraclet en la personne de Manès, descendît à son tour pour compléter cette œuvre laborieuse.

Depuis ces deux incarnations divines, les âmes sont graduellement purifiées par la métempsycose. Elles transmigrent dans des corps d'hommes, d'animaux, ou de plantes, selon leur degré de perfection relative. A mesure qu'elles s'épurent, elles montent d'un échelon dans les règnes végétal et animal. Enfin quand, à force d'évolutions successives, elles se sont réellement transformées, elles sont recueillies dans le navire brillant de la lune.

Celle-ci, comme un vaisseau qui se charge de passagers, attend que la cargaison soit complète, et se dirige alors vers le soleil dans le sein duquel elle se vide. Pendant ces voyages réguliers, l'astre disparaît à nos regards ; il revient ensuite prendre sa place dans les régions de l'éther.

Il en sera ainsi jusqu'à ce que toutes les parcelles lumineuses, éparses dans l'univers physique el moral, se soient réunies à leur centre. Alors la matière inerte sera dévorée par le feu, et la restauration de l'état primordial, c'est-à-dire la séparation absolue des deux principes, recommencera pour toute l'éternité.

La morale entée sur cette extravagante doctrine se formulait en un langage mystérieux, mais fort court…


A suivre : Morale manichéenne. Organisation occulte.

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Message  Louis Jeu 15 Mai 2014, 11:49 am


Morale manichéenne. Organisation occulte.


30. La morale entée sur cette extravagante doctrine se formulait en un langage mystérieux, mais fort court. Elle était renfermée, disaient les Manichéens, sous les trois sceaux de la bouche, de la main et du sein, tria signacula oris, manuum et sinus.

Le sceau de la bouche condamnait l'usage de toute alimentation végétale ou animale, viande, laitage, œufs, vin. etc. Le sceau de la main prohibait le meurtre des animaux, l'oblation des plantes, la récolte des fruits, etc. Le sceau du sein frappait d'anathème la génération.

La logique de Manès était inflexible. Dès que la matière était l'œuvre du mal, il ne pouvait être permis ni de la reproduire par la génération, ni de la multiplier par la culture, ni de se l'assimiler sous forme d'aliments. Mais alors l'espèce humaine aurait été promptement anéantie, et Manès ne voulait pas de cette conséquence rigoureuse. Voici comment il avait su y échapper. Selon leur degré de purification, les hommes se divisaient en deux catégories : les auditeurs et les élus. On les rangeait dans l'une ou l'autre de ces classes, après une série d'initiations mystérieuses qui firent en grande partie la fortune de la secte et qui se sont perpétuées jusqu’à nos jours, dans les sociétés secrètes actuellement existantes. Or, un auditeur pouvait tuer les animaux, cultiver les plantes, etc. Quant aux élus, ils avaient le privilège, en les mangeant, d'affranchir les parties lumineuses captives dans les végétaux et les animaux. Plus ils mangeaient, plus ils rachetaient d'âmes. Par le même principe, pendant que le mariage était prohibé, au point de vue de la reproduction; la promiscuité était imposée comme la condition d'affranchissement des deux sexes.

On conçoit dès lors les inénarrables désordres qui se cachaient au fond de ces abîmes d'iniquité. Le culte manichéen était une perpétuelle débauche, jointe à une continuelle orgie. Austère à l'extérieur, il affichait la prétention d'anéantir toutes les concupiscences.

En réalité, une épouvantable dissolution se cachait sous ce rigorisme de parade. Les adeptes se reconnaissaient à une certaine manière de se serrer la main. Ils formaient, au milieu du monde visible, un groupe compact qui menaçait l'existence de toutes les civilisations.

Par leur association puissante, ils attiraient les ambitieux; par leurs initiations mystérieuses, ils séduisaient les esprits téméraires ; par leurs débauches, ils gagnaient la jeunesse. Ce fut une  gangrène qui s'attacha au corps social et ne le quitta plus. Pauliciens, Bagaudes, Bogomiles, Patarins, Albigeois, Vaudois, Templiers, tous ces noms maintenant hors d'usage n'étaient que des rameaux poussés à travers les siècles sur le vieux tronc du Manichéisme. Aujourd'hui, d'autres dénominations ont pris la place de celles-là; mais ce sont encore les descendants de l'esclave Cubric qui, sous des vocables nouveaux, continuent à agiter le monde.


FIN.

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