L'ESSOR...

Nous avons la vocation du bonheur.
Malgré les déceptions de la vie, nous espérons tenacement en un avenir meilleur. A chaque renouvellement d'année, nous formons des vœux sincères que l'an nouveau soit meilleur que les ans écoulés.

Le chrétien a la vocation du bonheur : mais l'objet de son espérance, c'est le bonheur du Ciel.

Méditons trois caractéristiques de ce bonheur:

1° Bonheur parfait en qualité et en intensité
Le bonheur du Ciel est un bonheur surnaturel. Il satisfait nos aspirations en les, dépassant. Notre capacité de bonheur sera épuisée :
a) par l'infinité du Souverain Bien auquel nous serons unis ;
b) par l'intimité de l'union, de la possession ;
c) par sa sécurité éternelle.

Sans intermédiaire aucun, Dieu s'unira à nous. Sa substance touchera notre substance. Sa présence révélée comblera tous les « creux » de notre âme insatiable. Ce divin envahissement nous pénétrera de part en part. Nous aurons la parfaite conscience et la claire vision de sa présence non point « devant » nous, mais en nous. Non seulement face à face, mais cœur à cœur.
Aucune cause de crainte ou de tristesse ne viendra assombrir cette jouissance du Souverain Bien étroitement possédé.

2° Bonheur complet

Toutes nos puissances seront rassasiées.

L'intelligence : c'est par elle, selon les thomistes, que se fera la soudure entre l'âme et Dieu ; c'est par une intuition intellectuelle que s'opérera la saisie de l'âme par Dieu.
L'objet de cette contemplation, source d'une incommensurable et inépuisable félicité d'esprit, sera l'essence divine et la vie intime des trois Personnes.

Joie secondaire, mais très haute : l'intelligence rétrospective de notre destinée... comme un voyageur parvenu au sommet d'une montagne contemple d'un seul coup d'œil, en se retournant, tout le chemin parcouru.

Le cœur : faisant irruption dans l'âme par la trouée de l'esprit, la félicité du Paradis envahit aussitôt les puissances de sentiment et d'action.
Amour extatique du Souverain Bien possédé.
Joies et délices résultant de cette Plénitude.

Les sens eux-mêmes sont intéressés à ce bonheur. Exsultabunt Domino ossa humiliata ! Notre dépouille humiliée au sein de la terre tressaillira un jour devant la face de Dieu !

2° Bonheur complet (suite)

Après la résurrection que nous espérons sur la parole de Dieu, les corps spiritualisés, dépouillés des fonctions animales de la mortalité, auront, par répercussion, leur part de béatitude.

Et comme il leur faut un milieu vital, le « ciel nouveau et la terre nouvelle » de l'Ecriture ne sont pas une utopie de rêveurs...

L'instinct social : nous imaginer ici, dans une rapide « composition du lieu », nos compagnons de béatitude.
(Par antithèse, évoquer la société des damnés, cause de tourments réciproques.)
Nombre : turba magna...
Qualité : rien que des Saints.
Variété : « L'étoile diffère de l'étoile en clarté. » — Dans la maison de mon Père, nombreuses sont les demeures. » Limites et inégalités acceptées avec joie comme des volontés divines et une nécessaire contribution à la gloire de Dieu.
Intimité : « Au Ciel, on se reconnaît. » Il est tout à fait légitime de penser que les groupes familiaux, sociaux, nationaux (mais sans nationalisme !), religieux (Ordres), seront reconstitués au Ciel.
Ordre : tout à son rang, gravitant autour de la Sainte Trinité.

3° Bonheur définitif

Le Ciel ignorera pour toujours la mélancolie qui vient alanguir nos meilleures joies humaines, quand nous pensons à leur fugacité et à la fuite irréparable du temps.

Le bonheur du Ciel inamissible, invariable, stabilisé. Quelques âmes se demandent puérilement si ce bonheur soutenu et continu ne sera pas monotone. Non ! car la durée du Ciel n'est pas une fuite sans fin, mais un éternel présent, et ce bonheur inépuisable sera toujours nouveau.
Bonheur définitif... Humains, terriens, ces deux mots nous paraissent désigner des âges d'or légendaires ou des rêves inconsistants.

« Le passé ne reviendra plus !... » Avec quel accent nous prononçons ces mots sur la terre !... avec quel accent nous les redirons dans l'éternité ! Les tristesses d'en bas sont bien finies : jamais plus — prima abierunt...

Pensons chaque jour au paradis. Chaque soir, réjouissons-nous à la pensée que nous nous en sommes rapprochés d'une étape.
Ravivons notre foi : c'est d'elle seule que nous sommes renseignés sur le bonheur qui nous attend.

Désirons-Le d'un désir toujours plus actif. Dans ce désir, nous trouverons :
— la consolation des tristesses de la vie ;
— la force de résister à la tentation de nous installer dans les joies provisoires du temps ;
— l'énergie de la persévérance.

Tenir jusqu'au bout ; recommencer chaque matin dans l'effort et la prière : ainsi, le Ciel atteint, notre essor aura décrit sa courbe parfaite.

Le Ciel ignorera pour toujours la mélancolie qui vient alanguir nos meilleures joies humaines, quand nous pensons à leur fugacité et à la fuite irréparable du temps.