L'arbre de la science du bien et du mal (Saint Augustin)
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L'arbre de la science du bien et du mal (Saint Augustin)
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PREMIER SERMON.
L'ARBRE DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL.
Par Saint Augustin.
ANALYSE.
— 1. Exorde. — 2. L'arbre auquel il était défendu de toucher. — 3. Cet arbre, par sa nature, n'était pas un principe de mort. — 4. Il n'était même pas mauvais par lui-même. — 5. Il est facile de le prouver par des comparaisons. 6. Le péché ne doit être imputé qu'à Adam, et non pas à l'arbre ou à Dieu. — 7. Conclusion.
1. Dans l'Ancien Testament, au livre de la Genèse, nous lisons ces paroles adressées à Adam par le Seigneur: "Vous mangerez du fruit de tous les arbres du paradis, mais vous ne toucherez pas à l'arbre de la science du bien et du mal, lequel est placé au milieu du paradis; car le jour où vous mangerez de son fruit, vous mourrez de mort (1)": Or, nous savons, bien-aimés frères, que cet arbre est encore l'objet de questions bien futiles de la part de certains hommes qui soutiennent que le péché d'Adam n'a pas été volontaire, puisque cet arbre renfermait la science du bien et du mal; c'est ainsi qu'en voulant excuser de péché le premier homme, ils font eux-mêmes à Dieu la plus grave injure. Nous devons réfuter ces audacieux panégyristes, pour empêcher qu'ils ne soulèvent plus longtemps ces vaines questions et qu'ils ne se cachent sous le manteau de l'erreur. Si donc ils veulent réellement s'instruire, qu'ils se taisent et écoutent, à moins qu'ils ne veulent que leur sot langage devienne une injure pour la Divinité.
1. Genèse II, 16-17.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx,
Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Éditeurs, 1868, pp. 242 à 748. SIXIÈME SÉRIE. SERMONS INÉDITS — Traduction de M. l'abbé BURLERAUX .
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Par Saint Augustin.
ANALYSE.
— 1. Exorde. — 2. L'arbre auquel il était défendu de toucher. — 3. Cet arbre, par sa nature, n'était pas un principe de mort. — 4. Il n'était même pas mauvais par lui-même. — 5. Il est facile de le prouver par des comparaisons. 6. Le péché ne doit être imputé qu'à Adam, et non pas à l'arbre ou à Dieu. — 7. Conclusion.
2. Un arbre était placé au milieu du paradis terrestre pour mettre à l'épreuve la volonté de l'homme; de cet arbre dépendait la vie par l'obéissance, ou la mort par la transgression. C'est la transgression qui éclata par la manducation du fruit de l'arbre, quoique ce fût contre elle que la sanction de la loi eût été directement formulée. Le Seigneur avait dit à nos premiers parents: "Vous mangerez du fruit de tous les arbres qui se trouvent dans le paradis; quant à l'arbre qui se trouve dans le milieu du paradis, vous n'y toucherez pas, de crainte que vous ne mouriez de mort".
Cette sentence énonçait pour l'homme une loi positive accompagnée de sa sanction: la promesse de la vie, comme récompense, et la menace de la mort comme châtiment. Le Seigneur avait dit: "Si vous mangez du fruit de cet arbre, vous mourrez de mort"; le démon leur dit, au contraire: "Vous ne mourrez pas de mort". L'homme se trouva entre Dieu son créateur, et le démon fourbe et trompeur. Dieu menace de la mort, si l'homme touche au fruit de l'arbre; le démon promet à nos premiers parents de devenir comme des dieux, s'il mangent le fruit défendu. C'est ainsi que ce arbre a été profané; ce qui charma, ce fut la douceur empoisonnée de la mort, et la promesse d'une vie perpétuelle ne fut accueillie que par le mépris.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français,sous la direction de M. Raulx,
Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Éditeurs, 1868, pp. 242 à 748. SIXIÈME SÉRIE. SERMONS INÉDITS — Traduction de M. l'abbé BURLERAUX .
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Par Saint Augustin.
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— 1. Exorde. — 2. L'arbre auquel il était défendu de toucher. — 3. Cet arbre, par sa nature, n'était pas un principe de mort. — 4. Il n'était même pas mauvais par lui-même. — 5. Il est facile de le prouver par des comparaisons. 6. Le péché ne doit être imputé qu'à Adam, et non pas à l'arbre ou à Dieu. — 7. Conclusion.
3. Mais, s'écrie tel calomniateur, ne voyez-vous pas que la mort a été créée dans cet arbre ? Répondons à cette vaine question. Certainement la mort n'a pas été créée dans cet arbre; elle n'a d'autre cause ou d'autre principe que l'homme lui-même. La loi imposée à l'homme fut pour lui une épreuve, et non pas une ruse de la part de son Sauveur. En effet, si Dieu n'avait pas aimé l'homme, s'il eût voulu le faire mourir, il ne l'eût pas créé, ou, après l'avoir créé, il ne l'eût pas prévenu du danger qui le menaçait. Si Dieu n'eût pas prévenu l'homme, il eût montré, non pas de la miséricorde, mais de la cruauté; non pas de la justice, mais de l'injustice; car, après avoir créé l'homme par miséricorde, il l'eût fait tomber injustement. Si l'homme lui-même n'est pas capable d'une telle impiété, comment la supposer en Dieu qui est la source de la miséricorde et de la bonté ? Quel homme, mes frères, ferait lui-même périr son œuvre, détruirait son ouvrage ou précipiterait dans le gouffre de la mort le fils qu'il a engendré ?
Si une telle cruauté n'est pas possible à l'homme, comment la supposer en Dieu qui a entouré de tant de soins son œuvre, c'est-à-dire l'homme, et lui a prêté, contre une chute imminente, l'appui tout-puissant d'une loi claire et formelle ? Pourtant il ne put se tenir debout; pourquoi donc, sinon parce qu'il n'a pas voulu entendre ? Que pouvons-nous donc reprocher à Dieu, puisque, si Adam est tombé, c'est uniquement parce qu'il a méprisé le précepte de Dieu ?
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
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4. Dites-moi donc: Cet arbre était-il bon ou mauvais ? vous appellerez, sans doute, mauvais un arbre dont l'homme n'a pu manger le fruit sans s'incorporer la mort ? Est-ce donc l'arbre qui était mauvais, ou bien la transgression du précepte? Certainement, c'était l'arbre; car si l'arbre n'eût pas été mauvais, aurait-il pu communiquer la mort à l'homme ? C'est ainsi que vous raisonnez, sans tenir aucun compte de la vertu des Écritures; car, comme il est écrit que dans cet arbre était la connaissance du bien et du mal; de même il est écrit: "Dieu considéra ses œuvres, et il vit qu'elles étaient très bonnes (1)".
Vous croyez ce qui vous induit en erreur, et vous ne croyez pas ce qui pourrait vous guérir. Vous qui calomniez, voulez-vous vous convaincre que cet arbre était bon, et non pas mauvais, que Dieu n'y avait pas déposé la mort, mais que c'est l'homme qui s'est créé la mort pour lui-même? Répondez à ces questions: Le fer est-il bon ou mauvais? Vous direz sans doute qu'il est mauvais. Pourquoi est-il mauvais , et non pas bon, quand toutes les choses créées par Dieu sont très bonnes ?
D'un autre côté, comment regarder comme bon ce fer par lequel tant d'hommes trouvent la mort ? Écoutez donc: ce n'est pas le fer qui est mauvais, mais l'homme qui s'en sert pour tuer injustement son semblable.Voulez-vous savoir pourquoi le fer est bon ? Ne voyez-vous pas que si les uns s'en servent pour commettre l'homicide, les autres s'en servent pour féconder la vigne en la taillant ? Les uns se nourrissent par le fer, et les autres immolent les innocents également par le fer; l'un se sert du fer pour cultiver son champ, et l'autre pour verser le sang en temps de paix; l'un pour sustenter sa vie, et l'autre pour l'arracher à son prochain. Le juge ne porte-t-il pas le glaive pour en frapper le coupable et pour absoudre l'innocent ?
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— 1. Exorde. — 2. L'arbre auquel il était défendu de toucher. — 3. Cet arbre, par sa nature, n'était pas un principe de mort. — 4. Il n'était même pas mauvais par lui-même. — 5. Il est facile de le prouver par des comparaisons. 6. Le péché ne doit être imputé qu'à Adam, et non pas à l'arbre ou à Dieu. — 7. Conclusion.
5. Hardi calomniateur, écoutez encore, si vous en avez le loisir. Le vin est-il un bien ou un mal ? Je pense que vous répondez que c'est un bien, et non pas un mal, et cela par raison d'équité, et non pas dans l'intérêt de l'ivresse. Le vin est donc un bien et un grand bien. Je vous félicite que du moins, sur un point, vous confessiez que la créature de Dieu est bonne; je le confesse également. Pourquoi donc le vin est-il pour l'un une occasion de pratiquer la sobriété, et pour l'autre une occasion de s'abandonner à l'ivresse ?
Parce que tel homme s'enivre et se couvre de honte, est-ce une raison suffisante pour maudire la créature de Dieu ? L'un boit avec sobriété et bénit Dieu dans cette sobriété, tandis que l'autre s'enivre, tombe dans le précipice et souvent même se donne la mort, ce qui est bien plus grave encore. Les aliments que Dieu nous a donnés pour nous nourrir ne sont pas mauvais, mais bons; et cependant, si nous les prenons en trop grande quantité, ils deviennent pernicieux et nuisibles. Dirons-nous donc que la créature de Dieu est mauvaise, parce qu'elle devient nuisible à quelques-uns ? Il est naturel qu'elle nuise à ceux qui, au détriment de leur santé, la prennent en plus grande quantité que ne peuvent le supporter les organes dont Dieu nous a doués. Je puis en donner des preuves que tout le monde connaît.
On a vu des hommes mourir étouffés par la grande quantité de vin ou de nourriture qu'ils avaient prise. La mort était-elle cachée dans le vin ou dans la nourriture ? Non certes; mais c'est l'intempérance qui leur a causé la mort. Parce qu'un brigand emploie le fer pour commettre un homicide, il ne s'ensuit nullement que le fer soit mauvais par lui-même; ce qui est mauvais, c'est l'homme qui trouve dans le fer un moyen de commettre l'homicide. De même l'arbre du paradis terrestre était bon, et non pas mauvais; mais ce qu'il y eut de mauvais, c'est que le premier homme se soit servi de cet arbre pour transgresser le précepte du Seigneur. Tout ce que Dieu a daigné remettre à l'homme pour son usage est certainement bon.
J'en trouve la preuve jusque dans le Nouveau Testament. En effet, nous lisons dans les Actes des Apôtres que saint Pierre s'endormit et que, pendant son sommeil, il vit le ciel ouvert et comme une grande nappe formant une espèce de vase d'une blancheur éclatante, qui descendait du ciel sur la terre et où étaient toutes espèces de quadrupèdes, de reptiles et d'oiseaux du ciel. Et une voix dit à Pierre: "Lève-toi, tue et mange". Et Pierre répondit: "Non, Seigneur, car je n'ai jamais mangé rien d'impur et de souillé". Et de nouveau la voix lui dit: "N'appelle point impur ce que Dieu a purifié (1)". Calomniateur, dites-moi, qu'en pensez-vous ? Suffit-il de dire que toutes ces choses sont bonnes, puisque nous venons d'apprendre de la bouche même de Dieu qu'elles ont été sanctifiées ?
1. Actes V, 11-15.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
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— 1. Exorde. — 2. L'arbre auquel il était défendu de toucher. — 3. Cet arbre, par sa nature, n'était pas un principe de mort. — 4. Il n'était même pas mauvais par lui-même. — 5. Il est facile de le prouver par des comparaisons. 6. Le péché ne doit être imputé qu'à Adam, et non pas à l'arbre ou à Dieu. — 7. Conclusion.
6. Donc, l'arbre du paradis était bon et l'on ne pouvait trouver en lui quoi que ce soit de mauvais; de son côté, l'homme eut le triste pouvoir de se rendre lui-même mauvais et de faire un mauvais usage d'un bien que Dieu avait créé. Si vous doutiez encore que la volonté de l'homme fût devenue mauvaise, n'oubliez pas qu'elle en vint à regarder comme insuffisante pour elle toute l'abondance du paradis terrestre. Et parce qu'elle porte la main sur le fruit défendu, elle encourt aussitôt la mort de l'âme. Si Dieu ne lui avait abandonné qu'un seul arbre et lui avait interdit tous les autres arbres du paradis, malgré tout, l'homme aurait dû se contenter de ce qui lui était accordé.
Dieu avait été beaucoup plus généreux, et cependant l'homme ne se montra pas satisfait de ce qu'il avait reçu, et, dût-il perdre honteusement ce qu'il possédait, il se précipita en aveugle dans la prévarication et dans la mort. A qui donc faut-il imputer le péché d'Adam ? Est-ce à Dieu qui a averti, ou à l'homme qui a refusé de profiter de l'avertissement ? Est-ce au médecin, qui a donné ses ordres au malade, ou au malade qui, malgré l'ordonnance du médecin, a goûté du fruit défendu, et s'est jeté dans la désobéissance ?
Il est du devoir des médecins, à l'égard de ceux qu'ils voient gravement malades, de leur interdire toute nourriture contraire à leur santé, afin de les soustraire ou au danger ou à la mort. Supposé que les malades, contrairement aux prescriptions du médecin, prennent de la nourriture par intempérance et soient ainsi la cause de leur mort; la responsabilité peut-elle peser sur le médecin qui, prévoyant le danger, a défendu de s'y exposer ? Dieu est le médecin de nos âmes, et on ne saurait lui imputer la chute d'Adam, puisqu'en le prévenant à l'avance il a prouvé qu'il désirait le voir vivre éternellement.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
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ANALYSE.
— 1. Exorde. — 2. L'arbre auquel il était défendu de toucher. — 3. Cet arbre, par sa nature, n'était pas un principe de mort. — 4. Il n'était même pas mauvais par lui-même. — 5. Il est facile de le prouver par des comparaisons. 6. Le péché ne doit être imputé qu'à Adam, et non pas à l'arbre ou à Dieu. — 7. Conclusion.
7. Il reste beaucoup à dire sur ces sortes de questions, mais l'heure est passée et je craindrais que la longueur du discours ne fatiguât les auditeurs. Je me reconnais donc votre débiteur, et je vous prie de m'accorder un délai; mais je crains fort qu'en se présentant pour payer, le débiteur ne trouve les créanciers brillant par leur absence.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
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DEUXIÈME SERMON.
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Par Saint Augustin.
ANALYSE. — 1. Exorde. — 2. Pourquoi Dieu, sachant que le premier homme devait pécher, n'a-t-il pas rendu le péché impossible ? — 3. La mort a eu pour cause le mépris du précepte divin. — 4. Dieu a-t-il de permettre le péché ? — 5. Si Adam est mauvais, ce n'est pas précisément parce qu'il est le père d'un homicide. — 6. De même Dieu n'est pas l'auteur du mal, quoiqu'il soit le créateur d'Adam, pécheur. — 7. Conclusion.
1. Je me propose de payer la dette que j'ai contractée envers vous; mais je ne retrouve plus mes anciens créanciers; je n'en vois que quelques-uns et je réclame les autres. O créancier paresseux, au lieu de venir exiger ce qui vous est dû, pourquoi nous affliger par votre absence ? Mon plus grand désir c'est de payer ma dette, et le créancier me fait défaut. N'est-ce pas chose nouvelle de voir un débiteur supplier le créancier d'accepter son paiement, et le créancier s'excuser de ne pas venir toucher sa créance ? Mais qu'importe; si le créancier refuse de venir, que du moins le débiteur accomplisse sa promesse.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
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Par Saint Augustin.
ANALYSE. — 1. Exorde. — 2. Pourquoi Dieu, sachant que le premier homme devait pécher, n'a-t-il pas rendu le péché impossible ? — 3. La mort a eu pour cause le mépris du précepte divin. — 4. Dieu a-t-il de permettre le péché ? — 5. Si Adam est mauvais, ce n'est pas précisément parce qu'il est le père d'un homicide. — 6. De même Dieu n'est pas l'auteur du mal, quoiqu'il soit le créateur d'Adam, pécheur. — 7. Conclusion.
2. Malgré toutes les preuves précédemment énoncées, notre calomniateur, loin de s'avouer convaincu, nous réplique: Dieu savait-il, oui ou non, que l'homme peut pécher ? Pour ne pas lui laisser la satisfaction de croire que sa question est sérieuse, répondons-lui sur-le-champ: Oui, Dieu le savait parfaitement. — Mais si Dieu savait que l'homme peut pécher, pourquoi ne lui a-t-il pas rendu le péché impossible ? — Pourquoi ? Parce que l'homme ne doit pas être couronné contre son gré. Qui donc, mes frères, oserait donner la récompense à celui qui n'a pas travaillé ? ou la couronne à celui qui n'a pas combattu ? Toute victoire ne suppose-t-elle pas une bataille ? Écoutez l'Apôtre formulant cet oracle divin: "Personne n'est couronné, s'il n'a légitimement combattu (1)". Adam n'a ni combattu, ni engagé la lutte avec le démon; devant la première suggestion perfide, il a perdu la récompense de l'immortalité. Il a été vaincu, parce qu'il n'a pas combattu; il a succombé à sa propre volonté, et non pas à la nécessité.
Calomniateur, vous qui ne savez pas lever le masque qui vous voile, et qui calomniez le Seigneur, voulez-vous savoir pourquoi le premier homme a péché volontairement ? Job lui était de tous points semblable. Et pourtant quelles ne furent pas ses souffrances et ses douleurs ! Il combattit courageusement et triompha; le démon avait reçu de Dieu plein pouvoir de l'éprouver, et Job supporta vaillamment cette épreuve. Puisque Dieu savait que Job ne pourrait pas être vaincu, il ne devait pas le livrer en la puissance du démon; mais il a voulu qu'il fût soumis à ces horribles épreuves, afin de nous ôter tout prétexte de nous excuser ou de calomnier.
Privé de tous ses biens et de toutes ses richesses, Job n'a pu être vaincu, parce qu'il n'a pas voulu se laisser vaincre. Il perdit ses fils et il bénit le nom du Seigneur. Il y a plus encore; car, devenu lui-même tout couvert d'ulcères, il se vit jeté sur un fumier et ne prononça contre Dieu aucune parole de reproche ou de blasphème. Ses souffrances pouvaient lui arracher des cris, mais ce ne furent jamais des cris de révolte. Sa femme elle-même parut tout à coup lui avoir été laissée, non pas pour lui prêter secours, mais pour accroître ses épreuves; elle aida au démon, mais se tourna contre son mari. Séduite par l'esprit menteur, elle disait à son époux: "Jusques à quand subirez-vous toutes ces douleurs ? dites une parole contre le Seigneur, afin qu'il s'irrite contre vous et vous frappe de mort (1)".
O affection d'une épouse ! ô tendresse conjugale ! Elle ne dit pas: Humiliez-vous devant le Seigneur, afin qu'il ait pitié de vous et que vous viviez; mais: Blasphémez contre Dieu, afin qu'il s'irrite contre vous et vous frappe de mort. O raisonnements de l'antique serpent ! Il pensa séduire par son épouse celui dont il n'avait pu obtenir aucun blasphème, malgré les souffrances dont il le chargeait. Et pourtant Job ne lança contre Dieu aucune parole de colère ou d'ingratitude, et, malgré les suggestions de sa femme, il obéit jusqu'au bout, non pas au démon, mais à Dieu. Adam eut-il à subir de semblables épreuves ? Quelle lutte soutint-il contre le démon ? Rien de pareil ne se retrouve dans sa personne; pourquoi donc obéit-il au démon, plutôt qu'à Dieu ?
1. II Timothée II, 5.
1. Job II, 9.
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3. Calomniateur, vous demandez encore: Pourquoi ces paroles du Seigneur: "Vous mourrez de mort"; puisque Dieu n'a pas éloigné la mort, n'est-ce pas lui qui l'a faite ? Une telle ineptie se retourne facilement contre vous. Vous n'êtes qu'un humble mortel; je suppose donc que, dans la crainte que vos serviteurs ne s'exposent à la mort, vous leur intimez un précepte qui doit assurer leur vie; mais voici que l'un deux, par l'effet de sa négligence et de son incurie, tombe dans un piège et meurt; est-ce que c'est à vous que l'on doit imputer cette mort, non pas à celui qui, en méprisant vos ordres, s'est exposé de lui-même à mourir ?
De même, la mort d'Adam ne doit en aucune manière être imputée à Dieu, qui, avant la transgression du précepte, l'avait averti de ne point s'exposer à la mort. N'est-il pas évident que Dieu ne voulait pas que l'homme pérît, et que ce n'est pas lui qui a fait la mort ? C'est ce qu'affirme la sagesse par la bouche de Salomon: "Dieu a n'a pas fait la mort, et il ne se réjouit pas dans la perte des vivants (1)". Adam a transgressé le précepte de Dieu; et pourtant il n'avait été ni couvert de blessures, ni frappé de glaive par un persécuteur. Or, personne ne viole les lois d'un empereur, sans s'exposer à être puni de mort. Ce n'est qu'avec une grande crainte et une vénération profonde que les sujets reçoivent une vile ordonnance de leur prince: elle n'est rédigée que par une autorité humaine, et pourtant ils l'adorent comme un précepte divin.
D'un autre côté, lecture est donnée des divines Écritures, la parole de Dieu retentit comme la foudre; c'est en quelque sorte Dieu lui-même qui parle aux auditeurs, et cependant il n'est ni respecté, ni craint, ni adoré, ni écouté; et ce qui est pire encore,l'auditoire est pris comme d'un immense dégoût, les regards se promènent de tous côtés, l'attention est distraite et les fables les plus futiles absorbent tous les esprits. Un empereur, à une très grande distance, parle par son décret, il inspire la crainte, et son décret est vénéré comme sa personne elle-même; nous lisons les oracles du Seigneur, et un trop grand nombre les méprisent. Les Prophètes l'annoncent, les Apôtres le prêchent, les Évangélistes nous le montrent; il s'entretient lui-même avec les hommes, et il n'est pas écouté. Prêtez l'oreille à cette parole de Jésus-Christ vivant au milieu des hommes et leur disant: "Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je me trouve au milieu d'eux (1)".
1. Sagesse I, 13.
1. Matthieu XVIII, 20.
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L'ARBRE DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL.
Par Saint Augustin.
ANALYSE. — 1. Exorde. — 2. Pourquoi Dieu, sachant que le premier homme devait pécher, n'a-t-il pas rendu le péché impossible ? — 3. La mort a eu pour cause le mépris du précepte divin. — 4. Dieu a-t-il de permettre le péché ? — 5. Si Adam est mauvais, ce n'est pas précisément parce qu'il est le père d'un homicide. — 6. De même Dieu n'est pas l'auteur du mal, quoiqu'il soit le créateur d'Adam, pécheur. — 7. Conclusion.
4. Mais, disent encore les calomniateurs, Dieu n'a pas dû permettre que l'homme péchât. Qu'ils sont insensés ceux qui tiennent ce langage et oublient que Dieu, en créant l'homme, n'en a pas fait une statue de pierre ou de marbre, mais un homme parfait, jouissant de la puissance du libre arbitre ! Cet homme ainsi maître de sa volonté devait envisager sérieusement le bien qu'il avait à désirer et le mal qu'il avait à mépriser; il lui fallait craindre ce dont le Seigneur l'avait menacé, et mépriser ce que le démon lui avait suggéré.
Sans perdre de vue un seul instant la récompense de l'immortalité, il devait disposer son oreille et son cœur à accomplir le précepte de son Créateur, et à repousser le conseil de son bourreau. N'ai-je pas raison d'accuser l'homme plutôt que Dieu qui a fait l'homme bon, et à qui je fais la plus grossière injure, car je le condamne pour justifier l'homme ? O folle et vaine question ! Les hommes disent Dieu n'aurait pas dû permettre que l'homme péchât, et ils ne disent pas que l'homme a mal fait en transgressant le précepte de Dieu, pour pécher. L'homme devait donc craindre la mort, et ne pas toucher à l'arbre défendu.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
L. Guérin et Cie Éditeurs, 1868, pp. 242 à 748. SIXIÈME SÉRIE. SERMONS INÉDITS — Traduction de M. l'abbé BURLERAUX .
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gras ajoutés.
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Dernière édition par ROBERT. le Mar 04 Mar 2014, 2:55 pm, édité 1 fois (Raison : mise en forme)
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Re: L'arbre de la science du bien et du mal (Saint Augustin)
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DEUXIÈME SERMON.
L'ARBRE DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL.
Par Saint Augustin.
ANALYSE. — 1. Exorde. — 2. Pourquoi Dieu, sachant que le premier homme devait pécher, n'a-t-il pas rendu le péché impossible ? — 3. La mort a eu pour cause le mépris du précepte divin. — 4. Dieu a-t-il de permettre le péché ? — 5. Si Adam est mauvais, ce n'est pas précisément parce qu'il est le père d'un homicide. — 6. De même Dieu n'est pas l'auteur du mal, quoiqu'il soit le créateur d'Adam, pécheur. — 7. Conclusion.
5. Quand un homme insulte le représentant, je ne dis pas seulement d'un empereur, mais même d'un juge, n'est-il pas conduit au supplice ? Adam a méprisé les ordres de Dieu et il trouve des défenseurs ! Pourquoi accusez-vous Dieu malgré le danger qui vous menace, et non pas l'homme qui ne peut rien contre vous ? Pourquoi accusez-vous le Créateur, qui a bien fait toutes choses, et défendez-vous l'homme qui a refusé le rôle que Dieu lui avait confié dans le temple de la création? Celui qui a transgressé le précepte divin ne devait-il pas encourir la peine de cette transgression ?
O vous qui justifiez Adam et qui faites injure à Dieu, répondez à la question que je vous adresse: Adam était-il bon ou mauvais ? Vous direz qu'il était bon, car ainsi l'exige votre plaidoyer en sa faveur. Si donc il était bon, pourquoi de ses deux fils l'un fut-il un modèle d'innocence et l'autre un scélérat ? S'il était bon, il a dû créer des enfants bons; ou bien si, comme vous le prétendez, il a péché par la faute même de Dieu, il n'a dû engendrer que des enfants mauvais. Pourquoi donc l'un est-il innocent, tandis que l'autre répand le sang d'un innocent ? L'un devient le premier martyr, et l'autre le premier homicide. Caïn cesse donc d'être coupable de la mort de son frère, puisque son père, en le créant scélérat, devient seul responsable du crime. Si Adam a péché malgré lui, c'est également malgré lui que Caïn a immolé son frère.
Un tel ordre de justice n'est suivi que par ceux qui calomnient la loi jusqu'au point de soutenir que si les enfants deviennent criminels, c'est sur leurs parents que retombe toute la responsabilité de leur crime. Nous avons en présence Adam qui a engendré un scélérat, et Caïn qui a tué son frère. Lequel des deux est coupable ? Est-ce le père quia engendré, où le fils qui a versé le sang de son frère ! Silence donc au calomniateur, quoique jamais plus grande vérité ne soit sortie de la bouche d'un calomniateur. Où êtes-vous, ô calomniateur, qui étiez si sûr de vous-même, justifiez devant moi votre proposition. Défendez encore celui que vous défendiez il n'y a qu'un instant. Pourquoi avez-vous disparu ? pourquoi vous êtes-vous renfermé dans le silence ? Voici que, grâce au crime de son fils, Adam est proclamé coupable d'avoir engendré un parricide. Pourquoi ne soutenez-vous point qu'Adam n'est pas coupable ?
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
L. Guérin et Cie Éditeurs, 1868, pp. 242 à 748. SIXIÈME SÉRIE. SERMONS INÉDITS — Traduction de M. l'abbé BURLERAUX .
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Re: L'arbre de la science du bien et du mal (Saint Augustin)
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DEUXIÈME SERMON.
L'ARBRE DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL.
Par Saint Augustin.
ANALYSE. — 1. Exorde. — 2. Pourquoi Dieu, sachant que le premier homme devait pécher, n'a-t-il pas rendu le péché impossible ? — 3. La mort a eu pour cause le mépris du précepte divin. — 4. Dieu a-t-il de permettre le péché ? — 5. Si Adam est mauvais, ce n'est pas précisément parce qu'il est le père d'un homicide. — 6. De même Dieu n'est pas l'auteur du mat, quoiqu'il soit le créateur d'Adam, pécheur. — 7. Conclusion.
6. Mais celui qui se taisait vient de se lever de nouveau. Je ne me tais pas, répond-il; au contraire, j'affirme et proclame que le fils n'est pas coupable pour son père, ni le père pour son fils; car il est écrit: "L'âme du père est à moi, et l'âme du fils est à moi; l'âme qui aura péché, c'est elle-même qui sera punie (1)". Ne dirait-on pas que ce calomniateur sort d'un profond sommeil; il ouvre la bouche, il parle, mais tout à l'heure il gardait le silence. Dites donc: Le fils n'est pas coupable pour son père, ni le père pour son fils.
Justifiez votre proposition, et moi je justifierai mon Dieu. Soutenez la cause d'Adam, et moi je repousserai l'injure faite à Dieu. Vous dites qu'il n'est pas juste qu'Adam soit coupable du crime de son fils, et en cela je vous approuve; mais si le crime du fils ne retombe pas sur le père, pourquoi imputez-vous à Dieu le crime d'Adam ? Comme donc nous ne devons pas imputer à Adam le crime de Caïn, n'imputons pas à Dieu le péché d'Adam.
1.Ézéchiel XVIII, 4.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
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Re: L'arbre de la science du bien et du mal (Saint Augustin)
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DEUXIÈME SERMON.
L'ARBRE DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL.
Par Saint Augustin.
ANALYSE. — 1. Exorde. — 2. Pourquoi Dieu, sachant que le premier homme devait pécher, n'a-t-il pas rendu le péché impossible ? — 3. La mort a eu pour cause le mépris du précepte divin. — 4. Dieu a-t-il de permettre le péché ? — 5. Si Adam est mauvais, ce n'est pas précisément parce qu'il est le père d'un homicide. — 6. De même Dieu n'est pas l'auteur du mat, quoiqu'il soit le créateur d'Adam, pécheur. — 7. Conclusion.
7. Cessez donc, insensé calomniateur, si toutefois vous n'êtes pas plutôt un blasphémateur, cessez un tel langage contre Dieu, cessez de délirer. Considérez d'abord qui vous êtes, par qui vous avez été créé, et voyez si vous devez dire de votre Créateur ce que vous n'osez pas dire de votre semblable.
Suite du Tome XIème. Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc,
L. Guérin et Cie Éditeurs, 1868, pp. 242 à 748. SIXIÈME SÉRIE. SERMONS INÉDITS — Traduction de M. l'abbé BURLERAUX .
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