LE BLASPHÈME EN GÉNÉRAL.

IIa-IIæ, qu. 13, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:

ARTICLE 4. Est-ce que les damnés blasphèment? (suite)

CONCLUSION : Ainsi qu'on l'a dit, à la raison de blasphème se rattache la détestation de la divine perfection. Or ceux qui sont en enfer garderont une volonté perverse, avec de l'aversion pour la justice de Dieu, en ceci qu'ils continuent d'aimer ce pourquoi ils sont châtiés et voudraient, s'ils pouvaient, en user encore; ils haïssent les châtiments qui leur sont infligés pour des péchés de cette sorte; ils s'attristent pourtant des péchés qu'ils ont commis, non point parce qu'ils les haïssent, mais parce qu'ils pâtissent pour cela. Ainsi donc une telle détestation de la justice divine c'est chez eux le blasphème intérieur, celui du cœur. Et il est à croire qu'après la résurrection il y aura aussi chez eux le blasphème de la voix, comme il y aura chez les saints une louange de Dieu par la voix. [117]




note explicative:

[117] Qu.13, art. 4, Concl. — Article très impressionnant où l'auteur a dépeint l'état d'esprit des damnés et esquissé la psychologie de l'enfer. Le blasphème est le vice des damnés et l'un des traits les plus saillants de leur état. Ils pensent mal de Dieu en leur cœur. Forcément ils parleront mal de Dieu lorsqu'ils auront recouvré dans la résurrection l'usage de leurs lèvres. Notez ces deux états successifs de l'âme, d'abord séparée de son corps, puis réintégrée à lui. Notez également (sol. 1) que cette psychologie du damné a ses prodromes dès cette vie : certains blasphémateurs donnent, dès ici-bas, par leur acharnement contre Dieu, une impression de damnés; c'est le cas notamment de ceux qui commettent ce blasphème contre le Saint-Esprit que va étudier la question 14. Souvenons-nous du reste que l'autre vie ne fait que consommer ce que celle-ci aura commencé.

IIa-IIæ, qu. 13, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:

ARTICLE 4. Est-ce que les damnés blasphèment? (suite)


SOLUTIONS : 1. Les hommes sont détournés du blasphème dans l'état présent par la crainte de peines auxquelles ils pensent qu'ils échappent. Mais les damnés dans l'enfer n'ont pas d'espoir qu'ils puissent échapper aux peines. Et c'est pourquoi, comme des désespérés, ils sont portés a tout ce que leur suggère leur volonté perverse.


2. Mériter et démériter c'est l'état même du voyage. De là vient que chez les voyageurs les biens apportent des mérites, tandis que les maux font démériter. Chez les bienheureux, au contraire, les biens n'apportent plus de mérites, mais ils sont la récompense même de ces bienheureux et font partie de leur béatitude. Et pareillement, chez les damnés, les maux ne font plus démériter, mais ils sont le châtiment et font partie de la damnation.


3. Quiconque tombe mort en état de péché mortel emporte avec soi une volonté qui déteste en quelque chose la justice divine, et par là le blasphème pourra s'installer en lui. [118]








note explicative:



[118] Qu. 13, art. 4, sol. 2-3. — Différence de la vie présente à la vie future : l'une est une traversée où l'on ne fait que mériter ou démériter; l'autre est une arrivée où l'on est récompensé comme on l'a mérité. Passage de l’une à l'autre vie : où l'arbre tombe il reste; on emporte avec soi dans son éternité ce qu'on a été et ce qu'on a fait dans son temps. Au traité du péché, saint Thomas a eu déjà ce mot profond : « On pèche en ce qu'on a d'éternel ».