L'oeuvre de JAMES TISSOT - (Critique) -

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Message  Roger Boivin Mer 09 Oct 2013, 8:42 pm



L'OEUVRE DE TISSOT

Au T. R. P. Grolleau


.... Au moment de son apparition en France, il y a quelques années, la célèbre Vie du Christ, de James Tissot, eut un très grand retentissement. Les critiques d'art lui consacrèrent, en effet, de longs articles. Leur verve, quand ils touchaient ce sujet, semblait intarissable. La quantité, et la qualité si originale de ces tableaux, leur fournissaient toujours matière à de nouvelles observations. Plus tard, lorsque l'artiste fit voyager son œuvre, les journalistes d'Angleterre et d'Amérique eurent aussi l'occasion d'en parler à leur aise. Et, vers la fin de 1902, la mort de l'auteur donna lieu à une autre série de jugements plus ou moins renouvelés des précédents.

Tissot eut, dès le principe, de naïfs admirateurs qui saluèrent en lui le créateur du véritable art religieux, mais aussi des adversaires qui n'ont pas encore désarmé. L'un de ces derniers, — M. Huysmans, je crois, — caractérisa son œuvre d'un mot : "C'est une mascarade." Pour beaucoup, ce terme, trop violent peut-être, renfermait cependant une assez juste appréciation.

Pour nous, Tissot n'a jamais eu nos amours ni nos haines. Nous ne sommes ni adversaire ni ami. Ce n'est à aucun de ces titres que nous voulons dire aujourd'hui quelques mots de l'œuvre de ce maître. Seulement, ayant eu l'avantage de la contempler assez longuement, au musée de Brooklyn, nous nous permettrons d'en donner notre impression. Voici donc les notes que nous avons prises au cours de notre visite Nous les livrons telles quelles, sans faire de phrases, comme elles nous sont venues.

La Vie du Christ se compose de 462 sujets. Sur ce nombre, il y a au-delà de 300 aquarelles, quelques études à l'huile, et beaucoup de dessins à la plume. L'entière collection a été achetée par les citoyens de Brooklyn, en 1900, pour la somme de $60,000, et présentée à l'Institut des arts et des sciences. L'on sait que la maison Mame, de Tours, l'avait utilisée auparavant pour des illustrations qui ont été exécutées avec un soin extrême, et qui rendent pleinement justice aux originaux.

Nous avons beaucoup aimé les grandes vues de Jérusalem, études sincères qui respirent une très grande ferveur. Elles sont justes de ton, assez bien peintes, quoique d'une facture qui manque de charme.

Prise dans son ensemble, l'œuvre ne nous paraît pas toujours dans le caractère du sujet. L'artiste a voulu faire, avec les récits et paraboles évangéliques, comme des tableaux de genre où, malheureusement, une sorte de mysticité se heurte trop souvent à un réalisme parfois grossier. Cela est habile, ingénieux, mais cela n'est pas en harmonie avec le caractère surnaturel et divin de ces grands sujets religieux. Et, puisque nous sommes en frais de critique, nous reprocherons tout de suite à l'auteur sa conception des anges. Les anges de Tissot sont des choses bleuâtres, phosphorescentes, à lignes vagues, à figures étranges et fantastiques. Ce sont des êtres vaporeux, d'indéfinissables essences. Ils n'ont pas forme humaine. Et, pourtant, l'Ecriture affirme qu'ils prenaient les traits de notre nature. Ils ressemblent à quelque vision de cauchemar ; ce sont d'affreuses chimères. Pour avoir voulu s'écarter de la représentation traditionnelle, l'artiste est tombé dans le faux et dans la laideur. Qu'était-il besoin, pour signifier la spiritualité pure de ces anges, leur constante activité, de leur mettre ces invraisemblables, ces impalpables contours, de les représenter sous le symbole de mouvantes flammes ?

Dans les tableaux où il a fait figurer Satan, le peintre a été moins heureux encore. Ici, loin d'innover, il s'en est tenu, tout comme les naïfs imagiers du moyen âge, aux cornes, aux griffes, à la peau de bête, au visage grimaçant. Cela est anti-esthétique, évidemment. Tissot, avec toutes ses lumières, aurait pu trouver mieux. Cela nous paraît même anti-théologique. Car, le Prince des ténèbres est toujours le plus fin, le plus parfait des esprits déchus. Et, alors, la vraie manière de le représenter serait de lui donner des formes superbes, mais de les jeter dans l'ombre, une ombre épaisse, noire. Cette beauté, ainsi enténébrée, figurerait très bien cet être, sublime et dégradé à la fois, un des premiers parmi les esprits par l'intelligence, et aussi le plus radicalement, le plus profondément fixé dans le mal. En gardant, au contraire, les vieux symboles, l'artiste a manqué à la vérité, et introduit dans son œuvre un élément absolument opposé à toute idée de beauté.

Parmi les trois cents et quelques aquarelles, il y en a de lourdes ; il y en a où le dessin est défectueux. Cela manque de style. Souvent reviennent des choses énigmatiques. En quelques-unes, la Vierge y montre un profil charmant, d'une exquise finesse. En général, le Christ ne sort pas assez de la foule, et la composition manque d'unité. Parfois même, Jésus est tout enveloppé d'un épais burnous, qui lui donne l'air d'un vulgaire bédouin. On le cherche en vain au milieu de la multitude. Rien ne l'en distingue, ni dans l'expression de la physionomie, ni dans l'attitude. Que le peintre ne lui ait pas mis d'auréole, passe encore, cela est plus nature. Il est bien certain, cependant, que la figure du divin maître produisait une extraordinaire impression, et qu'il y avait, dans toute sa personne, quelque chose qui lui faisait une place à part, au-dessus de tous les autres.

Dans presque chacune des scènes, c'est une profusion d'objets inutiles et encombrants, qui, à notre avis, ne contribuent pas à la beauté de la composition. C'est un déploiement complet de tout le bazar oriental, dans ce qu'il a de plus riche et de plus éblouissant : arabesques, meubles, orfèvrerie, marqueterie, tentures et tissus de toutes sortes, tout cela y est exécuté avec la plus scrupuleuse conscience, avec une patience et une minutie dignes des vieux enlumineurs. Mais les formes humaines sont surchargées de chiffons multicolores. Ce sont souvent des paquets de linge bariolé, d'où sort une figure qui seule nous permet de nous y reconnaître.

Tissot ne s'y entend pas toujours très bien dans ce que l'on appelle en peinture "l'art des sacrifices." Il y a, dans les arrière-plans, des choses qui viennent trop en avant et nuisent à la note principale. Parfois, on dirait que la représentation fidèle du bric-à-brac oriental l'a plus préoccupé que celle de la figure divine dont toutes ses planches tirent cependant leur intérêt.

Au point de vue de l'esthétique, la composition est souvent imparfaite. Ainsi, dans la "Vision de Zacharie," l'Ange est coupé par la moitié, ce qui est un gros péché. Il y a des scènes où ne paraît aucune recherche de l'ordonnance dans le groupement des figures. On dirait des photographies instantanées prises par l'artiste au milieu des carrefours de quelque ville d'Orient.

Dans le " Pharisien et le Publicain," la perspective est défectueuse. Les deux personnages sont trop près l'un de l'autre, ce qui est contraire au sens de la parabole. Il n'y a pas, non plus, assez de contraste dans l'attitude de chacun. Pour répondre à l'énergie du récit évangélique, la pose devrait exprimer, sinon plus d'orgueil chez l'un, du moins plus de sincère humilité chez l'autre. Le Publicain devrait nous paraître abîmé dans la conscience de son néant.

La "Samaritaine" nous semble une des plus belles compositions. Le Christ y est admirable. La fontaine où il se repose vers l'heure du midi, est sous une arcade de pierre, dans une tonalité sombre exprimée avec un sentiment exquis. Quel fraîcheur dans ce lieu ! Et quelle poésie ! Mais la Samaritaine est revêtue de trop de chiffons.

Dans une collection aussi considérable, il ne faut pas s'étonner de rencontrer beaucoup d'inégalité^, de défaillances. Il y a des choses parfaites. Il y a des scènes qui sont plus étudiées, plus travaillées. Mais comment le talent de l'artiste eut-il pu se soutenir tout le long de cette œuvre prodigieuse ? Comment son inspiration eût-elle pu être également heureuse? Il est tout naturel que certaines scènes trahissent la sécheresse, la fatigue de l'esprit.

Les draperies sont, eu général, bien faites. Et, certes, ce n'était pas un mince mérite. Tous les types de Juifs sont d'un caractère pittoresque et original. " Le Christ prédisant la ruine du Temple," " Madeleine aux pieds de Jésus," sont d'un très beau sentiment. La composition en est sobre et bien entendue. Ailleurs, Jésus est trop souvent en dehors de l'étiquette traditionnelle. Les scènes de la Passion sont expressives au plus haut degré. Le " mystère de Jésus " y est traité avec âme et chaleur. On y trouve des nouveautés d'effet qui nous rapprochent du réel.

Beaucoup de ces dessins font penser à ces délicates ciselures que l'on voit sur les vases sacrés. Ils rappellent l'art du graveur. Toutes ces aquarelles ayant été faites en vue de l'illustration, qui ne supporte qu'un nombre de couleurs assez limité, la critique du coloris, pour être juste, doit nécessairement tenir compte de cette circonstance. N'était ceci, l'on pourrait peut-être dire qu'il n'est pas assez riche ni assez varié.

L'artiste avait certainement l'amour, la passion de son sujet. Son œuvre révèle une force de volonté extraordinaire. Malgré toutes nos restrictions, cette Vie du Christ renferme de supérieures beautés. Il pourra paraître qu'à travers tous ces tableaux, nous avons surtout voulu chercher les imperfections. Que l'on veuille bien se persuader toutefois que nos observations ne procèdent pas d'un esprit d'animosité. Et, ce n'est pas pour en atténuer le ton, peut-être un peu cru, mais en toute franchise et de tout cœur, que nous proclamons l'œuvre de Tissot un miracle d'originalité, de constance et d'habileté. Au point de vue documentaire et archéologique, elle est extrêmement précieuse. Mais ce n'est pas son seul mérite. Certains sujets ont été traités dans la note voulue. L'inspiration religieuse anime un grand nombre de scènes, où éclate la poésie de la vie orientale éternellement biblique, Cette Vie du Christ, travail colossal, inouï, ne fait pas seulement que nous intéresser, que nous instruire ; elle parle à l'âme, la touche, la rend meilleure. C'est peut-être son plus bel éloge ....
Henri d'Arles -- PASTELS -- 1905  -- Page 89 --
Imprimatur Die i6â Decembris 1904  + GULIELMUS STANG  Epp. Riverorm. -- :

http://archive.org/stream/pastelsparhenrid00darl#page/48/mode/2up


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Message  Roger Boivin Mer 09 Oct 2013, 9:07 pm


James Tissot Gallery III :

http://www.canvasreplicas.com/Tissot3.htm

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Message  Roger Boivin Jeu 09 Avr 2015, 10:22 am


Retour en France

En 1888, alors qu'il étudie une toile dans l'église Saint-Sulpice de Paris pour saisir l'atmosphère de celle-ci14, James Tissot a une révélation religieuse qui le conduit à consacrer la fin de sa vie à l'illustration de la Bible. Dans ce but, il voyage (en 1886, 1889 et 1896) au Moyen-Orient, en Palestine et à Jérusalem en particulier, pour découvrir les paysages et les habitants dont il crayonne les portraits. Ses séries de 365 gouaches illustrant la vie du Christ ont été accueillies avec enthousiasme lors des expositions de Paris (1894-189515), Londres (1896) et New York (1898-1899), avant d'être acquises par le Brooklyn Museum en 190016. Ces œuvres sont diffusées avec grand succès en français en 1896-1897 et en anglais en 1897-1898. James Tissot passe les dernières années de sa vie à travailler sur des sujets de l'Ancien Testament : les tableaux dont la série est inachevée sont aujourd'hui regroupés au Jewish Museum de New York17. Ils ont été exposés partiellement à Paris en 1901 et édités sous forme de gravures en 1904. Le peintre a décoré également la chapelle des Dominicains du faubourg Saint-Honoré à Paris, inaugurée le 3 décembre 1897, en y peignant, entre autres, L'Annonciation18 et a réalisé quelques objets décoratifs en émail cloisonné comme La Fortune, modèle de couronnement de fontaine (1878-1882) (Paris, musée des Arts décoratifs19).

Il s'intéresse aussi à l'occultisme, fort en vogue à l'époque, et fait des expériences avec un médium anglais, réputé à l'époque, William Eglington, rencontré en 1885, dont il reproduit une séance de "matérialisation" dans un tableau, Apparition Médianimique20.


Wikipédia : James Tissot : http://fr.wikipedia.org/wiki/James_Tissot

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