L'ART ET LES MOINES

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Message  Roger Boivin Mer 15 Mai 2013, 2:10 pm




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Dernière édition par roger le Ven 17 Mai 2013, 5:34 pm, édité 2 fois (Raison : reprise du fil plus bas.)
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Message  ROBERT. Mer 15 Mai 2013, 3:06 pm

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Tout un travail à effectuer, en effet ! L'ART ET LES MOINES 240955

Bon courage Roger...

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ROBERT.
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Message  Roger Boivin Mer 15 Mai 2013, 8:26 pm

Merci Robert ! Laughing



L'ART ET LES MOINES 1

(1847.)

Si l'on franchit l'étroite limite qui, dans l'intelligence humaine, sépare le domaine de la science et de la littérature du domaine de l'art, on retrouve encore ici, comme partout, les moines au poste d'honneur, à l'avant-garde du mouvement chrétien. On reconnaît en eux les principaux instruments de cette lente et salutaire régénération qui a dégagé l'art de toute influence païenne, et qui l'a revêtu de cette forme complètement et exclusivement catholique d'où sont sortis tant et de si inimitables chefs-d’œuvre. Trop longtemps méprisés par le même esprit qui a méconnu l'histoire, la science et toute la grandeur des siècles catholiques, les monuments produits pendant ces siècles par l'union merveilleuse de l'enthousiasme et de l'humilité recommencent enfin de nos jours à être étudiés et admirés, et la justice que l'on est disposé à leur rendre ne pourra que profiter par surcroît aux ordres religieux. S'il nous était permis ici de comprendre dans nos appréciations l'époque où l'art catholique a atteint son apogée, combien nous aimerions à montrer cet art maintenu par l'esprit monastique dans sa vigueur, sa pureté et sa fécondité primitives, sous des formes nouvelles, surtout au sein de l'ordre des Frères prêcheurs 2 ; combien nous aimerions à suivre ses progrès, jusqu'à ce qu'il ail atteint cet idéal de la beauté transfigurée par la foi, cette perfection enchanteresse de la grâce, de la noblesse et de la pureté, dont le type se trouve dans la Madone, telle que Dante l'a chantée , et telle que l'a peinte le bienheureux dominicain Jean de Fiesole, si justement surnommé le Frère Angélique ! Mais, en nous renfermant dans la période qui nous occupe spécialement, nous pourrons constater que les moines préparaient et annonçaient, dans leurs innombrables travaux d'art, l'avènement de cette perfection de l'art catholique qui a régné du douzième au quinzième siècle 3, et nous aurons au moins la consolation de ne trouver sur notre chemin aucune trace de cette dépravation du sens chrétien qui accompagne la renaissance, et qui a creusé le tombeau de la vraie beauté et de la vraie poésie.

Dès l'origine de l'ordre monastique, saint Benoît avait prévu dans sa règle qu'il y aurait des artistes dans les monastères, et il n'avait imposé à l'exercice de leur art, à l'usage de leur liberté, qu'une seule condition, l'humilité 4. Sa prévision fut accomplie, et sa loi fidèlement exécutée. Les monastères bénédictins eurent bientôt , non-seulement des écoles et des bibliothèques, mais encore des ateliers d'art où l'architecture, la peinture, la mosaïque, la sculpture, la ciselure, la calligraphie, le travail de l'ivoire, la monture des pierres précieuses, la reliure et toutes les branches de l'ornementation furent étudiées et pratiquées avec autant de soin que de succès, mais sans jamais porter atteinte à la juste et austère discipline de l'institut. Six cents ans après saint Benoît, lorsqu'un des plus austères réformateurs du douzième siècle, le père Bernard de Tiron, voulut former dans le Maine une nouvelle congrégation, sous la règle bénédictine, il eut soin de la recruter parmi les ouvriers et les artistes du pays, en permettant à chacun de continuer l'exercice de son ancien état sous le froc monastique. Il put ainsi réunir sous ses lois, dit l'histoire contemporaine, une foule d'artistes très-habiles, peintres et architectes, ciseleurs et orfèvres, qui travaillaient de leur état dans le monastère en même temps que les forgerons, les charpentiers et les laboureurs 5.

L'enseignement de ces arts divers formait même une partie essentielle de l'éducation monastique 6.

__________


' Fragment historique inséré en mars 1847 dans les Annales archéologiques, dirigées par M. Didron.

2 Nous ne pouvons qu'indiquer ici l'excellent ouvrage du P. Marchese, dominicain à Florence, sur la gloire de son ordre, intitulé : Memorie dei pittori, scultori e architetti domenicani. Firenze, 1845 et 1846, 2 vol. in-8o.

3 Voir Rio, De la poésie chrétienne ; forme de l'art.

4 Artifices si sunt in monasterio, cum omni humilitate et revereatia faciant ipsas artes, si permiserit abbas, Ouod si aliquis ex eis extollitur pro scientia artis suae, eo quod videatur aliquid conferre monasterio, hic talis evellatur ab ipsa arte, et denuo per eam non transeat, nisi forte humiliato ei iterum abbas jubeat. C. 57. -
A ceux qui voudraient traduire littéralement le mot artifices par ouvriers nous répondrons qu'au moyen âge les artistes n'étaient guère que des ouvriers, et qu'en revanche les ouvriers étaient presque tous des artistes ; que d'ailleurs la nature des recommandations faites. par le saint législateur prouve assez qu'il s'agissait d'ouvriers appliqués à des travaux d'un ordre élevé et intellectuel, qui pouvait inspirer l'orgueil, c'est-à-dire de ce qu'on appelle artistes dans le langage moderne.

5 « Singulas artes quas noverant legitimas in monasterio exercere praecepit ; unde libenter convenerunt ad eum tam fabri lignarii quam ferrarii, sculptores et aurifabri, pictores et caementarii, vinitores et agricolae, multorumque officiorum artifices peritissimi. » Orderic Vital, lib. VIII, p. 715, ed. Duchesne.

6 Voici, par exemple, ce qu'il est dit de l'éducation de saint Bernward, évêque de Hildesheim, élevé dans le monastère de cette ville au milieu du dixième siècle : « In scribendo [la calligraphie) apprime enituit ; picturam etiam limate exercuit. Fabrili quoque scientia et arte clusoria (la ciselure, ou l'art d'enchâsser les pierres précieuses), omnique structura (l'architecture) mirifice excelluit...» Vit. S. Bernardi, auct. Tangmaro coaequali, in Act. SS. O. B., t. VIII, p. 181. - On voudra bien remarquer que cette éducation monastique se donnait en plein dixième siècle, c'est-à-dire dans un temps que les pédants modernes ont représenté comme le plus obscur et le plus malheureux qui ait jamais existé.

http://www.archive.org/stream/mlangesdartetd00mont#page/340/mode/2up

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Message  Roger Boivin Ven 17 Mai 2013, 8:10 am


Les plus grandes et les plus saintes abbayes étaient précisément les plus renommées par le zèle qu'on y déployait pour la culture de l'art. Saint-Gall, en Allemagne, le Mont-Cassin, en Italie, Cluny, en France, furent pendant plusieurs siècles les métropoles de l'art chrétien. Plus tard, Saint-Denis, sous l'abbé Suger, leur disputa cet honneur. A l'ombre de son immense église, la plus grande de toute la chrétienté, Cluny, avec les innombrables abbayes qui relevaient d'elle, formait un vaste foyer où tous les arts recevaient ce développement prodigieux qui devait attirer les reproches exagérés de saint Bernard 1. Le Mont-Cassin suivait la même impulsion, et l'on voit que l'abbé Didier, lieutenant et successeur de saint Grégoire VII, conduisait de front la reconstruction de son monastère sur une échelle colossale, et de vastes travaux de mosaïque, de peinture, de broderie et de ciselure en ivoire, en bois, en marbre, en bronze, en or, en argent, exécutés par des artistes byzantins ou amalfitains, et qui lui valurent l'admiration expansive des contemporains 2. Un autre des lieutenants de Grégoire VII, saint Guillaume, abbé de Hirschau, en Souabe, se livrait avec ardeur à la culture des arts ; il établit deux écoles d'architecture, l'une à Hirschau même, l'autre au monastère de Saint-Emmeran de Ratisbonne 3.

Au onzième siècle surtout, on peut l'affirmer, à l'exemple de Didier et de Guillaume, la plupart des moines célèbres par leurs vertus, leur science ou leur dévouement à la liberté de l'Église, l'étaient également par leur zèle pour l'art, et souvent aussi par leur talent personnel pour la ciselure, la peinture ou l'architecture. On dérogeait même à la règle en permettant ou en ordonnant aux moines artistes, lorsque leur conduite était exemplaire, de sortir de leur monastère et de voyager, afin de perfectionner leur talent ou d'étendre leurs études 4. Quand la charité l'exigeait, on les envoyait au loin, en véritables missionnaires de l'art, porter dans les contrées étrangères les traditions et les règles de la beauté monumentale, comme ceux qu'un abbé de Wearmouth envoya en qualité d'architectes au roi d’Écosse Naïtan, sur la demande de ce prince, pour enseigner aux Pictes la construction des églises en pierre selon l'usage des Romains 5.

L'architecture ecclésiastique est redevable aux moines de ses plus durables progrès. L'ordre de Cîteaux est celui de tous qui nous a laissé les édifices les plus parfaits. Mais, pendant les six siècles qui séparent saint Benoît de saint Bernard, comme pendant tout le cours du treizième et du quatorzième siècle, les moines surent appliquer à d'innombrables constructions la magnificence et la solidité que comporte cette reine des arts. Non-seulement ils élevèrent à Cluny la plus vaste basilique du moyen âge et de toute la chrétienté 6, mais ils couvrirent tout le pays de l'Europe catholique d'une profusion d'églises, de cloîtres, de salles capitulaires, dont il nous reste à peine les noms et quelques ruines ; toutefois, parmi ces ruines, il en est qui méritent de compter au nombre des monuments les plus précieux. Nommons seulement , entre les monastères remarquables par leur beauté architecturale, et dont on peut encore aujourd'hui apprécier les restes, Croyland, Fountains, Tintern, en Angleterre ; Walkenried, Heisterbach, Altenberg, Paulinzelle, en Allemagne ; les chartreuses de Miraflores, de Séville, de Grenade 7, en Espagne ; Alcobaça et Batalha, en Portugal ; Souvigny, Vézelay, le mont Saint-Michel, Fontevrault, Pontigny, Jumiéges, Saint-Bertin, en France; noms à jamais chers aux véritables architectes, et qu'il suffit de prononcer pour frapper d'une ineffaçable réprobation les barbares auteurs de la ruine et de la profanation de tant de chefs-d’œuvre.

Pour se faire une idée de la grandeur majestueuse des constructions monastiques, il faut visiter l'Angleterre. L’œuvre de dévastation y a été moins complète et moins irréparable qu'ailleurs, d'abord parce que la propriété monastique y a été peu morcelée, mais surtout parce que les moines y avaient consacré leur zèle à la construction des cathédrales, où ils remplaçaient les chapitres. Or, ces cathédrales existent encore, et ont même été conservées par les schismatiques anglicans avec la plus louable sollicitude. On y retrouve, malgré les additions plus récentes, la trace visible de l'immense mouvement architectural qui éclata en Angleterre, après la conquête, grâce aux moines normands que le duc Guillaume y appela, et auxquels on doit les magnifiques cathédrales de Cantorbéry, de Lincoln, de Kochester, do Durham et de Glocester 8.

________


1 Voir le curieux tableau que fait saint Bernard des magnificences artistiques de Cluny. Apologia ad Guillelmum, c. 12.

2 Léo Ostiensis, Chron. Casinens., liv. III, c. 1l, 20, 28, 29, 30, 33, pleins de détails inappréciables.

3 Ses services ont été convenablement appréciés par Heideloff, Die Bauhütten des Mittelalters in Deutschland, p. 5.

4 C'est ce que prouve ce passage relatif à Tutilon de Saint-Gall : « Abbatum vero sub quibus militaverat permissu, plerumque et praeceptis, multas propter artificia simul et doctrinas peragraverat terras. » Ekkehard, De casib. Sancti Galli. c. 3. Apud Goldasl. Script, rerum Alammann., t. I.

5 Naitanus, rex Piclorum..., architectos sibi mitti petiit, qui juxta morem Romanorum ecclesiam de lapide in gente ipsius facerent... Reverentissimus abbas Ceolfridus misit architectos... Beda, Hist. eccles., 1. v, c. 22. - Ce Ceolfrid fut le successeur de saint Benoît Biscop, au septième siècle.

6 Elle avait 5.55 pieds de long, 9 pieds seulement de moins que l'église actuelle de Saint-Pierre de Rome (564 pieds), qui était alors beaucoup moins grande qu'aujourd'hui. Notre-Dame de Paris n'a que 396 pieds. Trois autres églises abbatiales, Vézelay, Saint-Denis et Pontigny, qui subsistent encore, ont respectivement 375, 335 et 314 pieds de long. J'emprunte ces chiffres à la Chronique de Vézelay, par l'abbé Martin.

7 Je ne sais s'il existe encore quelque chose de ces deux chartreuses, si riches en merveilles de l'art, quand je les ai visitées, en 1843, lune était en démolition, et l'autre transformée en faïencerie par un vandale belge qui en interdisait l'entrée aux étrangers.

8 Ce mouvement a été bien compris et caractérisé par M. Vilet dans son article sur l'architecture du moyen âge en Angleterre. Revue française, juillet 1838, t. VII, p. 223.

http://www.archive.org/stream/mlangesdartetd00mont#page/344/mode/2up

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Message  Roger Boivin Ven 17 Mai 2013, 5:52 pm


Quand nous disons que ces innombrables églises monastiques, semées sur la surface de l'Europe, furent construites par les moines, c'est le sens littéral de ce mot qu'il faut entendre. Les moines étaient non-seulement les architectes, mais encore les maçons de leurs édifices : après avoir dressé leurs plans, dont la noble et savante ordonnance excite encore notre admiration 1, ils les exécutaient de leurs propres mains et en général sans le secours d'ouvriers étrangers 2. Ils travaillaient en chantant des psaumes 3, et ne quittaient leurs outils que pour aller à l'autel ou au chœur 4. Ils entreprenaient les tâches les plus dures et les plus prolongées, et s'exposaient à toutes les fatigues et à tous les dangers du métier de maçon 5. Les supérieurs aussi ne se bornaient pas à tracer les plans et à surveiller les travaux ; ils donnaient personnellement l'exemple du courage et de l'humilité, et ne reculaient devant aucune corvée. Tandis que de simples moines étaient souvent les architectes en chef des constructions 6, les abbés se réduisaient volontiers au rôle d'ouvriers. On voit au neuvième siècle que la communauté de Saint-Gall, ayant travaillé en vain tout un jour pour tirer de la carrière une des énormes colonnes d'un seul bloc qui devaient servir à l'église abbatiale, et tous les frères n'en pouvant plus, l'abbé Ratger seul persista à verser ses sueurs jusqu'à ce qu'en invoquant saint Gall il eut le bonheur de voir le bloc se détacher 7. Lorsque l'église fut achevée, avec toutes ses magnifiques dépendances, ce produit des labeurs monastiques excita une admiration universelle, et leurs voisins disaient : « On voit bien au nid quel genre d'oiseaux y habite 8. »

Au dixième siècle, saint Gérard, abbé de Broigne , revenant de Rome, escortait lui-même, à travers les passages si difficiles des Alpes, les blocs de porphyre qu'il faisait transporter, à dos de mulets, d'Italie en Belgique, parce que, dit son biographe, la beauté lui semblait nécessaire à son église 9.

Lors de la construction de l'abbaye du Bec, en 1033, le fondateur et le premier abbé, Herluin, tout grand seigneur normand qu'il était, y travailla comme un simple maçon, portant sur le dos la chaux, le sable et la pierre 10. Un autre Normand, Hugues, abbé de Selby, dans le Yorkshire, en agit de même lorsqu'en 1096 il rebâtit en pierre tous les édifices de son monastère qui était auparavant en bois : revêtu d'une capote d'ouvrier, et mêlé aux autres maçons, il partageait tous leurs labeurs 11. Les moines les plus illustres par leur naissance se signalaient par leur zèle dans ces travaux. On voyait Hezelon, chanoine de Liège, du chapitre le plus noble de l'Allemagne, et renommé en outre par son érudition et son éloquence, se faire moine à Cluny pour diriger la construction de la grande église fondée par saint Hugues, et échanger ses titres, ses prébendes et sa réputation mondaine contre le surnom de Cimenteur 12, emprunté à son occupation habituelle. Ailleurs on raconte que, lors des vastes travaux entrepris à Saint-Vanne, vers l'an 1000, Frédéric, comte de Verdun, frère du duc de Lorraine et cousin de l'empereur, qui y était moine, et dont nous avons déjà parlé, creusait lui-même les fondations du nouveau dortoir, et emportait sur le dos la terre qui en provenait 13.

Pendant la construction des tours de l'église abbatiale, comme il n'y avait pas assez de frères pour porter le ciment dans les hottes jusqu'aux étages supérieurs des nouvelles tours , Frédéric exhorta un moine de race très-noble, qui se trouvait là, à prendre sur lui cette corvée. Celui-ci rougit, et dit qu'une telle tâche n'était pas faite pour un homme de sa naissance. Alors l'humble Frédéric prit lui-même la hotte remplie de ciment, la chargea sur ses épaules, et monta ainsi chargé jusqu'à la plate-forme où travaillaient les ouvriers. En redescendant, il remit la hotte au jeune réfractaire, en lui rappelant qu'il ne devait plus désormais rougir devant personne d'avoir à faire une corvée dont s'était acquitté en sa présence un comte, né fils de comte 14.

Au sein de ces édifices, dont les plans et la construction étaient l’œuvre des moines eux-mêmes, il s'organisait de vastes ateliers, où tous les autres arts étaient réunis et cultivés ; mais toujours sous cette stricte loi de l'humilité que le saint législateur de l'ordre avait imposée.

On n'a pas assez remarqué la variété des travaux auxquels se livraient simultanément les moines artistes, ni la facilité extraordinaire avec laquelle ils reportaient leurs talents sur des objets divers. Le même homme était souvent architecte, orfèvre, fondeur, miniaturiste, musicien, calligraphe, facteur d'orgues, sans cesser d'être théologien, prédicateur, littérateur, quelquefois même évêque ou conseiller intime des princes 15. Parmi tant d'exemples que nous avons déjà cités 16, rappelons celui de Tutilon, moine de Saint-Gall, au neuvième siècle, qui était renommé dans toute l'Allemagne comme peintre, architecte, professeur, latiniste et helléniste, astronome et ciseleur 17. Nous pouvons en ajouter plusieurs autres qui se rapportent au onzième siècle. Ainsi, Mannius, abbé d'Evesham, en Angleterre, est désigné comme habile à la fois dans la musique, la peinture, la calligraphie et l'orfèvrerie 18 ; Foulques, grand chantre de l'abbaye de Saint-Hubert des Ardennes, était aussi bon architecte qu'élégant miniaturiste 19. Un moine distingué, que nous comptons encore parmi les historiens, Hermann Contract, tout infirme et contrefait qu'il était 20, trouvait en outre le moyen de cultiver avec succès la poésie, la géométrie, la mécanique, la musique, et surtout l'astronomie ; il savait à fond le grec, le latin et l'arabe 21, et nul ne pouvait rivaliser avec lui pour la fabrication des instruments de musique et d'horlogerie 22.

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1 Nous n'en citerons qu'un exemple entre mille. Il est dit d'Ansteus, moine de Gorze et abbé de Saint-Arnould de Metz, au dixième siècle : « Architecturae non ignobilis ei peritia suberat : ut quidquid semel disposuisset, in omnibus locorum et aedificiorum symmetriis vel commensurationibus non facile cujusquam argui posset judicio. » Vit. S. Joan. Gorz. c. 66, in Act. SS. O. B., t. VII, ad annum 973.

2 Cela est expressément constaté dans la Vie de saint Ethelwold, moine et évêque de Winchester. Act.SS. 0. B., t. VII, 606.

3 Par exemple, lors de la construction du Ramsey, au neuvième siècle. Act. SS. O. B.. t. VII, p. 734

4 Henricus in cujus manu semper dolabrum versatur, excepto quando stat ad altaris sacri ministerium. Ermenrici Epist. ap. Analecla , p. 421, éd. in-fol.

5 Par exemple, lors de la construction du monastère de Pompose, sous l'abbé Guy (1046). «Fratribus operantibus aliquando crates lapidum ruderibus graves, non sine diabolico instinctu, de superioribus muris ruerunt in terram. In quo casu quidam ex operariis :, quia supererant cratibus. delapsi ad ima... quidam vero dum corruentes muro tignisque aliquibus inhaerent. » Act. SS. O. B., t. VIII, p. 449.

6 La belle église de l'abbaye de Montierneuf à Poitiers, qui subsiste encore en partie, eut un de ses moines pour constructor, en 1080. Mss. Fonteneau, cité par M. de Chergé, Mém. des antiq. de l'Ouest, année 1844, p. 174, 255.

7 Omnis congregatio per totum diem laboraverat in una culumnarum illarum quae in basilica ipsa superstant... abbas solus... sed frustra sudabat.-. Sancte Galle, finde illam... Immensa moles rupis illius sua sponte inde fissa enituit. Fragm. Ermenrici, ubi supra.

8 Bene in nido apparet quales volucres ib inhabitant : cerne basilicam et caenobii claustrum, etc. Ermenricus. - Le plan primitif de cette abbaye princière avec toutes ses constructions, telles qu'elles existaient au neuvième siècle, existe encore à Saint-Gall : donné imparfaitement par Mabillon, au tome II des Annales Henedictini, il a été publié récemment avec une parfaite exactitude, sous forme de fac-simile, par M. Keller. Zurich, 1844, in-4°.

9 Lapidibus porphyreticis quos ad sua vir Dei transvehebat, causa necessariae venustatis. Vit.S. Gérard. in Ad. SS. 0. B., t. VII, ad annum 959.

10 Willelm. Gemmeticensis, liv. VI, c. 9, ap. Duchesne.

11 Ipse cucullo indutus operario, lapides, calcem, et alia nécessaria propriis humeris cum caeteris operariis ad murum evehere solebat. Mabillon, Ann., t. V, 1. LXIX, c. 86.

12 Caementarius. Mabillon, Annal., ad 1109.

13 Vere monachus terrae fossor accessit, et quod effossum est, onere facto, exportavit. Quis jam similia facere erubesceret, cum videret Fredericum, comilis filium, fratrem duorum ducum, imperatoris consanguineum, et fecisse et non erubuisse ? Hugo Flaviniac. Chron. Virdun.. pait. II, c. 7, ap. Labbe, Bibl. Nov. mss., I, 164.

14 Cum jam in altum structura porrigeretur, et instrumentum illud, quod avis nominatur, subvectione caementi aptatum. perpauci essent qui ferrent... videns vir beatae memoriae quemdam de nobilioribus adstantem, ut sumeret ligneum illud instrumentum, et caementum collo, ut moris est, subveheret, admonuit. Qui cum erubesceret, et suis id natalibus incongruum adstrueret, vir mitissimus cervice subposita... Deinde porrecto juveni instrumento eodem... ut disceret facere quod fecerat comes comitis filius ; nec erubesceret si ei improbaretur factum quod constaret ab ipso quondam comite primitus attentatum. Ibid.

15 C'est l'excellente réflexion du P. Cahier, qui, le premier, à ce qu'il nous semble, a constaté la diversité des talents de ces hommes si multiples, comme il les appelle très-justement. Voir le mémoire : Si le christianisme a nui aux sciences, § XIV.

16 Entre autres, saint Éloi, saint Dunstan, saint Bernward, saint Godehart, Gerbert, etc.

17 « Erat valde eloquens... caelatura elegans, picturae artifex ac mirificus aurifex ; musicus in omni génère instrumentorum, et fistularum prae omnibus... In structuris et caeteris artibus efficax, concinnandi in utraque lingua promptulus... Picturas et aurificia carminibus et epigrammatibus decorabat singulariter pretiosis. » Ekkehard, De casibus S. Galli, c. 3, ap. Goldast.

18 « Plurimis artibus imbutus, videlicet cantoris, scriptoris, pictoris, aurique fabrilis operis scientia pollens. » Monast. Angl.. 1, 151.

19 « Praecentorem..., in illuminationibus capitalium litterarum et incisionibus lignorum et lapidum peritum, » Chron. Andagin., ap. Martene, Ampl. Collect., t. IV, p. 925. - C'est au P. Cahier que nous devons ces deux dernières indications : il traduit avec raison les termes de la chronique par ces mots : maître en construclions, soit pour la charpente , soit pour la coupe des pierres.

20 De là son surnom de Contractus. « Ne... per se movere, neve saltem se in aliud latus vertere posset ; sed in selta quadam gestatoria a ministro suo depositus, vix curvatim ad agendum quodlibet sedere poterat. » Berthold. ap. Pertz, t. V, p. 267.

21 « Trium linguarum, graecae, latinae et arabicae peritissimus. » Trithe mius, Ann. Hirsaus.

22 « In horologicis et musicis instrumentis et mecanicis nulli par erat componendis. » Berthold, 1. c. p. 268. - Il trouvait encore le temps d'adresser une correspondance en vers ad amicas suas quasdam sanctimoniales feminas. Docen, Archiv., III, 8, cité par Pertz.

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Message  Roger Boivin Sam 18 Mai 2013, 2:16 pm


Pendant la guerre des investitures, et sous le pontificat d'Urbain II, le parti catholique, en Allemagne, compta parmi ses chefs Thiémon, noble bavarois, qui fut successivement abbé de Saint-Pierre de Saltzbourg et archevêque de cette ville, et qui , après avoir été longtemps persécuté et emprisonné pour la foi, mourut martyr en Palestine. Il avait été élevé au monastère d'Altaïch , et y était devenu peintre, fondeur et sculpteur. Pendant les intervalles de la terrible lutte où il prit une si noble part, il avait orné les monastères de sa province des produits de ses talents divers 1. Lorsque, après avoir été fait prisonnier en Syrie, il parut devant le prince musulman qui le condamna au martyre, et lorsqu'on lui demanda quel était son état, il répondit qu'il était architecte, joaillier et peintre, en faisant du reste l'application symbolique de ces arts divers aux vérités de la foi qu'il voulait confesser 2.

Indiquons maintenant, par quelques traits rapides, quelle fut l'importance que les moines attachèrent constamment à la pratique de la peinture en miniature , qui fut la véritable école de la grande peinture religieuse 3. Cet art se confondait avec celui de la calligraphie, puisque l'un et l'autre avaient pour objet d'embellir et de consacrer en quelque sorte les livres saints, ou les monuments de la liturgie, des saintes lettres, de l'histoire ou de l'antiquité classique, que les moines transcrivaient sur parchemin, quelquefois sur du vélin teint en pourpre , ou avec des caractères d'or et d'argent. Ils en ornaient ensuite les lettres majuscules et les marges de ces peintures délicieuses qui sont encore les plus précieux trésors de nos bibliothèques.

Dès le sixième siècle, Cassiodore institua, dans les abbayes qu'il fonda en Calabre , des laboratoires pour la peinture en miniature en même temps que pour la transcription des manuscrits. Au neuvième siècle, on vit des peintres habiles parmi les moines de Corvey, et Sintramm de Saint-Gall faisait à la fois l'admiration et le désespoir des calligraphes de son temps 4. Godemann , abbé de Thorney, en 970, orna des peintures les plus riches un Benedictionale, qui est regardé comme le chef-d’œuvre de l'art saxon 5. Le moine Bernward, depuis évêque de flildesheim, excellait dans la décoration des manuscrits qu'il transcrivait 6. Cet art délicat était spécialement cultivé dans tout l'ordre de Cluny, et saint Bernard nous prouve qu'on ne reculait devant aucune dépense pour cet objet, puisqu'il reproche aux clunistes de faire pulvériser de l'or pour l'employer aux miniatures. Dans les monastères de femmes, les religieuses ornaient également leurs œuvres calligraphiques de précieuses miniatures : celles du Hortus Deliciarum, de l'abbesse Herrade de Sainte-Odile, ajoutent une valeur infinie à cet important recueil 7. Pendant dix siècles, depuis Cassiodore jusqu'à l'époque de la renaissance et de la réforme, les moines, surtout les Bénédictins et les Camaldules 8, en Allemagne et en Italie , persévérèrent avec une infatigable sollicitude et un succès toujours croissant dans leurs travaux de peinture et de calligraphie 9. Il est douteux qu'on puisse trouver dans l'histoire du monde l'exemple d'un labeur aussi constant et aussi fécond.

Mais, à l'époque que nous avons parcourue, les moines ne bornaient pas l'application de la peinture à la miniature. Il y a plusieurs exemples de travaux entrepris sur une vaste échelle, par exemple, de peinture murale ; à Saint-Gall surtout. Les annales de cette grande maison vantent la diversité des sujets et l'éclat des couleurs qui couvraient les murs de l'église au dixième siècle 10. Les moines de Reichenau leur envoyèrent des peintres pour les aider dans cette œuvre 11. Deux siècles plus tôt, saint Benoît Biscop , abbé de Wearmouth, fit revêtir tout le pourtour des deux églises de son monastère de peintures qui représentaient l'histoire de Notre-Seigneur, et la concordance de l'Ancien et du Nouveau Testament 12 Anségise, abbé de Fontenelle en 823, fit peindre, par Madalulphe de Cambray, le réfectoire de l'abbaye de Luxeuil, qui avait deux cents pieds de long 13. Les églises de l'ordre de Cluny, toujours au premier rang pour la grandeur et la beauté, étaient en général ornées de peintures, probablement à fresque 14 D'autres moines employèrent leur talent graphique à la propagation de la vraie foi chez les infidèles : on voit qu'en 866 le roi des Bulgares , Michel III , se fit baptiser avec les siens, par suite de la frayeur que lui inspira la vue d'un jugement dernier qu'un moine missionnaire , saint Méthodius , avait peint sur les murs de son palais 15.

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1 « Altensi monasterio, tam regularibus quam scholaribus disciplinis traditus est imbuendus... cumque non solum non esset iners in artibus quas liberales appellant, sed et in mechanicis universis, sicut pictoria, fusoria, sculptoria,... subtilissimus, ut in quibusdam monasteriis, et in nostro specialiter, in ejus sculpturis et picturis perspicuum est cernere. » Vit. S. Gebehard, arch. Salisb. a quodam admontensi monacho. 1619, in-18, p. 142.

2 « Qui interrogatus quis esset, vel quam artem sciret : ... Scio quidem diversas artes ; sed praecipue ut sapiens architectus fundamentum scio ponere firmum... Et insuper materiales artes, ut desideras, videlicet aurariam, sive pictoriam scio plenarie. > Passio S. Tiemonis, ap. Gretser. Oper., t. VI, p. 464.

3 C'est l'aveu du jésuite Lanzi, du reste assez peu intelligent en fait d'art chrétien.

4 « Omnis orbis cisalpinus Sintrammi digitos miratur .. Scriptura cui nulla, ut opinamur, par erit ultra. » Ekkehard. De casibus S. Galli. c. 1, p. 20, ap. Goldast.

5 Ce manuscrit célèbre est encore chez le duc de Devonshire, à Chatsworth. Le fac-similé en a été publié par M. Rokewode Gage, érudit catholique, mort il y a quelques années.

6 « In scribendo enituit... Picturam limate exercuit. »
Œuvres. VI. - Art et Littérature 23

7 On peut en voir un fac-similé curieux dans le P. Cahier, p. 164 de la réimpression de son Mémoire.

8 Rappelons seulement les admirables livres de chœur de Ferrare, de Sienne et du monastère degl' Angeli de Florence, œuvre des moines des treizième, quatorzième et quinzième siècles, si bien jugée par M. Rio. De la poésie chrétienne, 'p. 180, 182.

9 Le P. Cahier en cite des preuves irrécusables dans son énumération chronologique des calligraphes et des miniateurs ecclésiastiques, la plus exacte que nous connaissions, Si le christianisme a nui aux sciences, §§ XXV et XXX. Cet art a été encore plus longuement conservé dans les monastères grecs, et s'y pratique encore aujourd'hui, mais toujours avec l'infériorité qui caractérise toutes les œuvres de l'Orient chrétien comparé à l'Occident. Voir Didron, Voyage au mont Athos. dans les Annales archéolog. de 1846, et la traduction du Guide de la pdnlure ; infin une excellente note du P. Cahier sur ce sujet, § XXIX, p. 193 de la réimpression.

10 Il est dit, entre autres, de Cunibert, abbé d'Altaïch : « Doctor sermone planus, pictor ita decorus, ut in laquearis exterioris S. Galli ecclesiae circulo videre est. « Ekkeh., De casibus, c. 3. Cfer. Burkhard, De casib., c. 1 et 2.

11 « Insula pictores transmiserat Augia clara. » Cod. ms. S. Gall., 297.

12 « Dominicae historiae picturas quibus totam B. Dei genitricis quam in monasterio majore fecerat ecclesiam gyro coronaret, imagines quoque ad ornandum monasterium ecclesiamque B. Pauli de concordia Veteris et Novi Testamenti summa ratione compositas exhibuit, etc., etc. » Ven. Beda, Vit. S. Bened. Biscop., c. 5 et 9, in Act. SS. O. B., saec. II.

13 « Variis picturis decorari in maceria et in laqueari fecit a Madalulfo, egregio pictore cameracensis ecclesae. » Act. SS. O. B., in vit. S. Ansegis., c. 9.

14 « Omitto oratoriorum immensas altitudines, immoderatas longitudines supervacuas latitudines, sumptuosas depotiones, curiosas depicliones... » S. Bernardi Apolog. ad Guillelm., c. 12. - On sait que notre saint était dominé par des préjugés violents contre l'art religieux, préjugés que son ordre sut heureusement rejeter après sa mort.

15 « Pingendi non rudem. » Cedrenus, edit. reg., p. 540, cité par d'Agincourt, Hist. de l'art., éd. ital., t. I, p. 264. - Méthodius fut l'apôtre des Bulgares, des Moraves et d'autres nations slaves : il fut aussi l'un des auteurs de la liturgie slavonne.

http://www.archive.org/stream/mlangesdartetd00mont#page/352/mode/2up

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Message  Roger Boivin Sam 18 Mai 2013, 8:23 pm


Enfin ils contribuèrent à donner à la peinture son application la plus grandiose et la plus solennelle en la fixant sur le verre, et en créant ainsi ces vitraux qui font la plus resplendissante parure du temple chrétien. Ce même saint Benoît Biscop, dont nous parlions tout à l'heure, fit venir de France des verriers, qui initièrent les Anglo-Saxons à la connaissance de ce nouveau progrès de Fart religieux 1. En Allemagne, les premiers vitraux connus furent ceux des monastères de Hirschau et de Tegernsee. Ceux de Tegernsee furent fabriqués aux frais d'un seigneur voisin, le comte Arnold, que l'abbé Gosbert 2 remerciait en ces termes : « Jusqu'à présent, les fenêtres de notre église n'étaient fermées qu'avec de vieilles toiles. Grâce à vous, pour la première fois, le soleil promène ses rayons dorés sur le pavé de notre basilique, en pénétrant à travers des peintures qui s'étalent sur des verres de diverses couleurs. Tous ceux qui jouissent de cette lumière nouvelle admirent la variété étonnante de ces ouvrages extraordinaires, et leur cœur se remplit d'une joie inconnue 3. »

Les religieux de celte même abbaye de Tegernsee se signalèrent pendant plusieurs siècles dans un autre art, celui de la ciselure et de l'orfèvrerie, auquel les moines en général ont consacré autant de patience et de zèle qu'à la peinture des manuscrits 4.

Les principaux orfèvres ou argentiers du moyen âge furent moines : les chroniques monastiques indiquent à chaque instant des religieux, des abbés même dont le talent de ciseleur ou d'orfèvre 5 était renommé de leur temps. Les annales de Saint-Gall rapportent un trait qui témoigne du prix qu'attachaient les hommes du neuvième siècle aux ciselures du célèbre moine Tutilon ; pendant qu'il ciselait une image de Notre-Dame, dans son atelier, à Metz, deux pèlerins qui venaient lui demander l'aumône virent une dame d'une grande beauté qui le guidait dans son travail : ils la prirent pour sa sœur ; mais ayant raconté ce fait aux autres religieux, ceux-ci en conclurent que c'était la sainte Vierge elle-même qui daignait lui enseigner son art 6. Nommons encore l'Anglais Anketill, qui, après avoir été maître de la monnaie du roi de Danemark, revint en Angleterre se faire moine à l'abbaye de Saint-Alban, et se rendit célèbre par la châsse magnifique qu'il fabriqua pour y recevoir les ossements du saint patron de l'abbaye 7.

Malgré la disparition de tant de monuments de la ciselure et de la joaillerie de ces siècles, causée par les dévastations de la réforme et de la révolution, il nous reste encore assez de châsses sculptées et émaillées, assez de précieuses couvertures de livres en or, en argent, en ivoire sculpté, assez de crosses abbatiales, de diptyques, de merveilleux bas-reliefs en ivoire, assez de beaux ouvrages en cuivre ou en bronze, tels que fonts de baptême 8, crucifix, encensoirs, chandeliers, pour nous permettre d'apprécier le degré d'élégance et de perfection auquel les moines avaient su porter leurs travaux dans ce genre. On trouve sur leurs procédés les détails les plus curieux dans le traité du moine Théophile qui vivait du dixième au douzième siècle 9. Qu'il nous suffise ici de placer cette branche de l'art monastique à l'abri des noms de deux saints moines, tous deux orfèvres et émailleurs, saint Eloi, le ministre de Dagobert, et saint Théau, esclave saxon qu'Éloi avait racheté pour en faire son élève et son compagnon de travail ; et rappelons que des moines et des abbés figurèrent longtemps à la tête de la grande école d'orfèvrerie et d'émaillerie fondée en Limousin par les deux saints abbés de Solignac, et que la science modeste et solide d'un prêtre de nos jours a remise en honneur et en lumière 10.

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1 « Misit legatarios Galliam qui vitri factores, artifices videlicet Britannis eatenus ignotos, ad cancellandas ecclesiae, porticuumque et caenaculorum ejus fenestras adducerent... Anglorum ex eo gentem hujusmodi artificium nosse ac disceic fecenint... Cuncta quae ad altaris et ecclesiae ministeria competebant, vasa scilicet et vestimenta, quae domi invenire non potuit, de transmarinis rcgionibus advectare curabat. » Ven. Beda, ubi supra. - Je pense que c'est un des premiers exemples connus de l'emploi des vitraux : encore n'est-il pas certain que ces vitraux fussent coloriés.

2 Élu en 982 : il était de race noble et renommé pour sa science.

3 « Ecclesiae nostrae fenestrae veteribus pannis usque nu ne fuerunt clausae. Vestris felicibus tomporibus auricomus sol primum infulsit basilicae nostrae pavimenta per discoloria picturarum vitra, cunctorumque inspicientium corda pertentant multiplicia gaudia, qui inter se mirantur insoliti operis varietates. » Pez, Thesaur. anecdot. ecclesi. VI, part, I, p. 122.

4 Trois moines, nommés tous les trois Werner, furent les principaux artistes et écrivains de cette savante abbaye, de 1080 à 1180. Il est dit du premier qui vivait en 1090 : « Artificiosus anaglypha in scripturis et in picturis et in ornamentis librorum de auro et argento subtilis. Tabulam in superiore parte triangulatam, de auro et argento et electro et gemmis et lapidibus ornatam, et quinque vitreas et fenestras et quoddam fusile opus de aere factum et lavacro aptum, huic ecclesiae contulit. » Pez. Thesaur.; t. III, p. m, p. 515. - Voir, sur les services rendus à l'art et à la poésie allemande par le monastère de Tegernsee, la thèse du docteur Kugler, intitulée De Werinhero, saec. XII, monacho tegernsensi, etc. Berolini, 1831.

5 On les désigne ainsi : aurifex, aurifabrilis artis peritus, argentarius , etc.; le plus souvent par sculpror.

6 On lira avec intérêt quelques passages du texte de ce récit : « Tutilo vero, cum apud Metensium urbem caelaturas satageret, peregrini duo S. Mariae imaginem caelanti astiterant... Sed est-ne soror ejus, inquiunt, domina illa praeclara quae ei tam commode radios ad manum dat et ducit quid faciat ?... Benedictus tu pater Domino, qui tali magistra uteris ad opera...
In bractea autem ipsa aurea cum reliquisset circuli planiciem vacuam, nescio cujus arte postea caelati sunt apices :
Hoc panthema pia caelaverat ipsa Maria.
« Sed et imago ipsa sedens, quasi viva, cunctis inspectantibus adhuc hodie est veneranda. » Ekkehard., De casibus S. Galli, c. 3, in Godast., Script rer. Mamann., t. I, p. 28.

7 « Unam thecam gloriosam inchoavit, opere mirifico... Regiis praeerat operibus aurifabrilibus, monetae custos et summus trapezita... Dominus Anketillus... raonachus et aurifaber incomparabilis, qui fabricam feretri manu propria (auxiliante quodam juvene saeculari discipulo suo Salomone de Ely) et incepit et consummavit , diligenter in suo opere aurifabrili et animo studuit et manu laboravit. » Matth. Paris. Vitae S. Albani abbtum, p. 36-38, ed. Watts. - Ceci se passait vers 1140. Rien de plus curieux, du reste, que tout le récit relatif à cette châsse et aux péripéties de ce grand travail dans Matthieu Paris.

8 Voir la note savante, éloquente et consciencieuse de M. Didron sur les fonts de baptême en cuivre, ornés de sculptures en relief, qui existent encore à Saint-Barlhélemy de Liége, et que fit faire le noble Helin. abbé de Sainte-Marie, en 1113. Ann. archéolog., t. V, p. 28.

9 Théophile, prêtre et moine ; Essai sur divers arts, publié par le comte Charles de Lescalopier, et précédé d'une introduction par J.-Mario Guichard. 1843, in-4°.

10 Essai sur les argentiers et émailleurs de Limoges, par M. l'abbé Texier. Poitiers, 1843. M. Texier signale surtout le moine Guillaume au dixième siècle, le moine Guinamond de la Chaise-Dieu en 1077, l'abbé Isembard de Saint-Martial , moine dès son enfance, abbé de 1174 à 1178, Pierre, abbé de Mauzac en 1168.

http://www.archive.org/stream/mlangesdartetd00mont#page/356/mode/2up



Dernière édition par roger le Mer 22 Mai 2013, 11:20 pm, édité 1 fois
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Message  ROBERT. Sam 18 Mai 2013, 8:43 pm

roger a écrit:

Spoiler:

http://www.archive.org/stream/mlangesdartetd00mont#page/346/mode/2up




« On voit bien au nid quel genre d'oiseaux y habite 8. »


On voit bien pour qui les bâtisseurs de cathédrales travaillaient...

Je mets au défi n'importe lequel moderno de bâtir une bicoque infernale qui tiendra 1000 ans et + .


Dernière édition par ROBERT. le Dim 19 Mai 2013, 9:22 am, édité 1 fois (Raison : ajout de: de)
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Message  Roger Boivin Mer 22 Mai 2013, 11:31 pm


Il est enfin un art, le plus charmant et le plus puissant de tous, celui qui répond le mieux aux besoins intimes de l'âme, qui exprime le mieux nos émotions, qui exerce sur nos cœurs l'empire le plus incontestable, mais aussi le plus éphémère. L’Église seule a pu lui imprimer un caractère durable, populaire et sacré ; et les moines ont été dans cette œuvre, aussi difficile que méritoire, les auxiliaires zélés et infatigables de l’Église. La musique a été de tous les arts celui qu'ils ont le plus cultivé et le plus aimé. Saint Grégoire le Grand, père de la vraie musique religieuse, s'était formé, comme on sait, dans le monastère de Saint-André, à Rome, avant d'être Pape ; le chant grégorien, fruit de son génie et de son autorité, souvent repoussé, bien plus souvent altéré par les générations postérieures, a été maintenu et pratiqué par l'ordre dont il était sorti plus fidèlement que par aucune autre fraction de la société chrétienne 1. La raison en est simple : la musique, c'est-à-dire le chant, qui en est la plus haute expression, s'identifiait pour les moines avec l'accomplissement de leur premier devoir. Dans chaque monastère , la célébration obligatoire de l'office divin au chœur par la communauté tout entière, sept fois par jour, imposait naturellement aux moines l'étude la plus attentive de la musique sacrée. Aussi les monastères ont toujours été des écoles de musique où cet art occupait le premier rang dans les études de la jeunesse, et où furent composés la plupart des chants adoptés pour l'office divin et consacrés par l'Église pendant le moyen âge 2.

Mais, de tous les monastères, Saint-Gall fut peut-être celui où la musique reçut le plus grand développement. La tradition et l'amour de cet art avaient été laissés à l'abbaye par un musicien romain, comme une récompense de l'hospitalité qu'il y avait reçue lorsqu'il s'y était arrêté malade, en allant rejoindre Charlemagne à Metz, pour y fonder une école de chant grégorien 3. L'histoire a consacré le souvenir de l’enthousiasme qui transporta Conrad Ier, roi d'Allemagne, lorsqu'il entendit chanter, à Mayence, la messe de Pâques par un moine de Saint-Gall et par trois évêques, ses élèves ; Mathilde, sœur du roi, fut ravie comme lui, et ôta à l'instant sa bague, qu'elle mit au doigt du moine artiste, en signe d'admiration affectueuse 4. Au neuvième siècle, il s'y trouvait en même temps trois musiciens renommés, liés entre eux par la plus tendre amitié , et regardés comme les plus illustres patriciens de cette petite république 5 : c'étaient Notker, Ratbert et Tutilon. Notker, surnommé le Bègue, issu du sang de Charlemagne et vénéré comme saint après sa mort, composa une foule de proses et de chants longtemps populaires en Allemagne. Ratbert, noble thurgovien, fut directeur de l'école monastique, et composa des chants populaires en langue allemande : sur son lit de mort, il se vit entouré de quarante prêtres et chanoines qui avaient été ses élèves, et qui étaient venus au monastère célébrer la fête de Saint-Gall. Tutilon, dont nous avons vu les talents si nombreux et si variés, profitait de sa science musicale pour enseigner à la jeune noblesse à jouer des instruments à corde et à vent 6. Ce fut de Saint-Gall que se répandit en Allemagne, et peu à peu dans toute l’Église, l'usage de chanter des sequentiae, ou proses, avant l'évangile de certaines messes solennelles.

Tous les réformateurs de l'ordre, tous ses principaux docteurs et écrivains, saint Benoît d'Aniane 7, saint Dunstan, saint Odon de Cluny, et tant d'autres , étaient bons musiciens ; ils employèrent leur autorité à entretenir ou à perfectionner la musique ecclésiastique. Le saint moine Adalbert, ce grand apôtre des nations slaves, composa la musique et les paroles d'un cantique slavonqui commence par ces mots : Hospodyne pomyluy ny, et qui, après son martyre, devint le chant national des Bohêmes 8. Pendant les grandes luttes du onzième siècle entre l'Eglise et l'empire, plusieurs des moines qui y prirent le plus de part, tels que Humbert, abbé de Moyen-Moutier, Guillaume, abbé de Hirschau, les Papes saint Léon IX et Victor III, cultivaient avec zèle la musique 9.

L'orgue, cette création spéciale de la musique chrétienne, ce roi des instruments, seul digne d'associer sa voix majestueuse aux pompes du seul culte vraiment divin, Torgue dut aux moines le perfectionnement de sa construction, et ce fut grâce à eux que l'usage en fut généralement introduit 10. Elphège, abbé de Winchester au dixième siècle, fit construire le plus grand orgue dont il soit question dans les annales du moyen âge ; il fallait soixante-dix hommes pour le manier 11.

Les moines anglais semblent avoir été, de tous, ceux qui aimaient la musique avec le plus de passion. « Je voudrais bien, » écrivait un abbé de Yarrow, disciple et successeur du vénérable Bède, à son compatriote saint Lulle , archevêque de Mayence, « je voudrais bien avoir un harpiste, qui jouât de cette harpe que nous appelons la rote, car j'ai l'instrument, mais je n'ai point d'artiste. Envoyez-le-moi, et, je vous en prie , ne riez pas de ma demande 12. » Cette passion entraînait même de graves abus ; pour les réprimer, le concile de Cloneshove, en 747, ordonna d'expulser des monastères les joueurs de harpe, les musiciens et les bouffons 13.

Mais les moines, si zélés pour la musique, si habiles dans la facture des instruments et dans la composition musicale, l'étaient également dans la haute théorie de l'art. Cette théorie a eu pendant tout le moyen âge les moines pour principaux interprètes, et les plus fameux auteurs qui ont écrit sur la musique appartenaient à l'ordre monastique. Cent ans avant la naissance de saint Benoît, un moine d'Égypte, saint Pambon, abbé de Nitrie, avait composé un traité sur la psalmodie 14. Plus tard, de siècle en siècle, on vit se succéder les religieux, auteurs de savants traités sur la musique : Hucbald de Saint-Amand 15 occupe le premier rang parmi eux ; mais autour de lui se pressent ses contemporains ou ses élèves, Réginon de Prüm, Remy d'Auxerre, Odon de Cluny, Gerbert, Aurélien de Réome, et plus tard Guillaume, abbé de Hirschau ; Engelbert, abbé d'Amberg ; Hermann Contract, qui joignit à tant d'autres mérites celui d'être le plus savant musicien de son temps 16, et une foule d'autres qui méritent d'êre nommés parmi les lumières de l'ordre bénédictin 17. Saint Bernard, par son traité De ratione cantus continue glorieusement cette série d'écrivains éminents qui ne doit se clore qu'à la fin du dix-huitième siècle, avec un autre Gerbert, prince-abbé de Saint-Blaise dans la forêt Noire, auteur d'une célèbre collection d'écrivains sur la musique, où il a pu justement assigner le premier rang aux Bénédictins 18. Le système des notes modernes fut d'abord usité au monastère de Corbie par l'abbé Batbold. Enfin chacun sait que Guy d'Arczzo, en formulant l'échelle des intonations diatoniques, fut l'inventeur du solfège ; mais beaucoup ignorent que ce Guy était un saint moine de l'abbaye de Pompose, près Ravenne 19.

Ainsi donc , c'est à un illustre moine, saint Grégoire le Grand, que le chant ecclésiastique, l'expression la plus haute de la musique, doit son développement ; c'est à un moine que la musique moderne doit ses moyens pratiques et les procédés les plus indispensables à son étude ; ce sont des moines qui, depuis la Thébaïde jusqu'à la forêt Noire, ont pendant quatorze cents ans enrichi le trésor de la science musicale par leurs recherches et leurs traités ; ce sont enfin de saints moines, du huitième au douzième siècle, qui se préparaient, par la prière et l'abstinence, à la composition de ces immortels chefs-d’œuvre de la liturgie catholique méconnus, mutilés, parodiés ou proscrits parle goût barbare des liturgistes modernes, mais où la vraie science n'hésite plus à reconnaître une finesse d'expression ineffable , un je ne sais quoi d'admirable et d'inimitable, de pathétique et d'irrésistible, de limpide et de profond, une vertu suave et pénétrante, et, pour tout dire ; une beauté toujours naturelle, toujours fraîche, toujours pure, qui ne s'affadit jamais et jamais ne vieillit 20. Jusqu'à leur dernier jour, fidèles à leur ancienne gloire, les églises monastiques conservèrent les plus doux trésors de cette divine mélodie qui, selon la parole d'un moine, ne se taisait qu'après avoir rempli les cœurs chrétiens de paix et de joie 21.


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1 Voir, sur l'introduction du chant romain ou grégorien en France et en Angleterre par les moines, Mabillon, Proafat. in soec. III Bened., n° 104, édit. in-4o.

2 Le texte suivant, dont on pourrait rapprocher tant d'autres, est intéressant pour établir ce point. Il s'agit de Gerwold, riche et noble seigneur, fait abbé de Fontenelle, sous Charlemagne : « Scholam in eodem coenobio esse instituit, quoniam omnes pene ignaros litterarum invenit ; ac de diversis locis, plurimum Christi gregem aggregavit, optimisque cantilenae sonis, quantum temporis ordo sinebat edocuit. Erat enim quanquam aliarum litterarum non nimium gnarus, cantilenae tamen artis peritus, vocisque suavitate excellentia non egenus. » Chronic. Fontancll. c. 16, Spicileg., t. II, p. 278.

3 Ekk., Casibus S. Galli, c. 4.

4 Ekkehard junior, Cas., c. 6, et Ekkehard minimus in Vit S. Notkeri . c. 16, ap. Goldast.

5 « Cor et anima una erat, mistim qualia tres unus fecerint... tres isti nostrae reipublicae senatores. » Ekk., De casibus, c. 3.

6 « Filios nobilium fidibus docuit. » Ekk., IV, Casibus, c. 3.

7 « Instituit cantores, etc. » Vita S. Ben., c. 27. in Vit. SS. O. B., t. IV, p. 192.

8 L'air noté se trouve dans Boleluczki, Rosa Bohemica, 1657, in-8°.

9 Voir les témoignages curieux de ce fait réunis par Ziegelbauer, Hist. Litter. O. .S. B., pars II, p. 342.

10 Les orgues furent d'abord apportées en France sous Pépin, en 757, par un envoi que lui fit l'empereur de Constantinople. Presque aussitôt après, un moine, Wicterp, évêque d'Augsbourg, en fit construire un pour sa nouvelle cathédrale ; Stengel, Comment, de reb. August. pars II, p. 65. - Leur usage se répandit en France et en Allemagne plus tôt qu'en Italie. Il y a de bons renseignements sur les services rendus par les moines à la construction des orgues dans l'article de M. de Coussemaker, publié par les Annales archéologiques, t. III, p. 280.

11 Il y en a une description rimée et très détaillée au t. VII des Act. SS, O. B., p. 617, au prologue de la vie de saint Swithin. A la même époque, le comte Ailwin donna à l'abbaye de Ramsey un orgue que l'on décrit ainsi : « Cupreos organorum calamos, qui, in alveo suo super unam cocblearum denso ordine foraminibus insidentes, et diebus festis follium spiramento fortiore pulsati, praedulcem molediam et clangorem longius resonantem ediderunt. » Act. SS. Ord. Ben., t. VII, p. 734. Dès lors les moines étaient habitués à fabriquer cet instrument et à en jouer. Cfer Mabill. An., t. II, 1. XXIII, C 29, et Praef. in saec. III Benedict,. § VI, II, 105.

12 Delectat me quoque citharistam habere qui possit citharizare in cithara, quam nos appellamus rotae, quia citharam habeo et artificem non liabeo... obsecro ut hanc meam rogationem ne despicias , et risioni non deputes. » Inter epist. S. Bonifac, n° 89, ed. Serrarius.

13 « Monasteria non sint artium ludicrarum receptacula, hoc est poetarum, citharistarum, musicorum, scurrarum, sed orantium, legentium, Deique laudantium habitationes. » (C. 20.)

14 Instituta Patrum de modo psallendi sive cantandi, » publié par le prince-abbé Gerbert de Saint-Blaise, dans sa collection.

15 Mort en 932. Voir le Mémoire sur Hucbald et ses traités de musique, par M. E. de Coussemaker. Paris, chez Techener, in-4o.

16 « Cantus historiales plenarios , utpote quo musicus peritior non erat, de S. Georgio, etc., etc., mira suavitate et elegantia euphonicos, praeter alia hujusmodi perplura neumatizavit et composuit. » (Berthold , Herimanni continuat., ap. Pertz, t. V, p. 268.) « In musica sane prae omnibus modernis subtilior exstitit et cantilenas plurimas de musica, cantusque de sanctis satis auctor nobiles edidit. » [Anonym. Mellicens., ap. Pertz, t. V, p. 267.)

17 TriThemus, Chron. Hirsaug., passim.

18 « Scriptores ecclesiastici de musica sacra, potissimum ex variis Italiae, Galliae et Germaniae codicibus manuscriptis collecti, et nunc primum publica luce donati a Martino Gerberto, monasterii et congr. S. Blasii , m silva Nigra, abbate. 3 vol. in-4°. - Typis San-Blasianis, DCCLXXXIV.

19 Ratbold mourut en 985 ; Guy vivait en 1026. Le premier substitua les notulae caudatae, dont on se sert encore aujourd'hui, aux lettres : Guy d'Arezzo ajouta le système des clefs et des lignes. V. Mabill. Ann., t. IV, 1. 59, no 80, 1. 55, no 100, et Append., no VII ; Fétis, Biographie des musiciens, article Guy d'Arezzo. Voir Orderic Vital sur le talent de composition musicale déployé par plusieurs abbés normands du onzième siècle, lib. III, p. 95, IV, p. 247.

20 « Un non so che di ammirabile ed inimitabile, una finezza di espressione indicibile, un patetico che tocca, una naturalezza fluidissima ; sempre fresco, sempre nuovo, sempre verde, sempre bello, mai non apascisse, mai non invecchia... » Baïni (maître de la chapelle pontificale du Vatican), Memorie storiche sulla vita di Palestrina, t. II, c. 3, p. 81, apud Jouve, Essai sur le chant ecclésiastique, dans les Annales archéologiques de Didron, t. V, p. 74. Cfer Janssens, Vrais principes du chant grégorien, p. 187. - Ce savant écrivain (Baïni) ajoute avec trop de raison que les mélodies que la liturgie moderne a substituées à ces anciens chefs-d’œuvre sont stupides, lourdes, insignifiantes, discordantes, froides et fastidieuses, « stupide, insignificanti, fastidiose, ahsone, rugose. » Ibid.

21 « Dulcis cantilena divini cultus, quae corda fidelium mitigat ac laetificat, conticuit. » Order. Vit., t. XIII, p. 908.


http://www.archive.org/stream/mlangesdartetd00mont#page/358/mode/2up




MÉLANGES D'ART ET DE LITTÉRATURE - par M. le Comte de Montalembert - 1861 :

http://www.archive.org/stream/mlangesdartetd00mont#page/n7/mode/2up

Roger Boivin
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Message  Roger Boivin Mer 18 Fév 2015, 10:10 am




SERVICES [ PAR LES ORDRES RELIGIEUX ] RENDUS AUX ARTS.


Le Christianisme régénéra aussi l'art, qui est la fleur de la religion sous sa forme extérieure. C'est en grande partie aux couvents qu'est dû le développement de cette architecture du moyen âge, dont les restes font l'admiration du monde. Les décorations du temple firent cultiver la peinture et la sculpture. Grand nombre de religieux excellèrent dans ces arts. Les vitraux des églises, les statues des saints, les chasses qui renfermaient les reliques, devinrent l'objet des plus admirables travaux. La peinture en miniature dans les missels, les bibles, etc., offre un fini d'exécution qui excite aujourd'hui le plus vif étonnement. La reliure des livres étaient d'ivoire avec des figures en relief. Les ornements d'église présentaient le travail le plus beau, appliqué aux matières les plus riches. Les sculptures en bois des stalles et pupitres n'ont pas été dépassées par les modernes. Les bibliothèques contenaient des livres qui traitaient de tous ces arts. On s'aidait les uns les autres de son expérience, et de celle des divers couvents du même ordre. On comprend d'ailleurs comment un artiste, uniquement occupé de son travail, n'étant pas pressé par le besoin de l'achever promptement, devait le perfectionner. (Les Moines d'Occident, Tome 6, p. 238)


HISTOIRE APOLOGÉTIQUE DE L'ÉGLISE - Mgr Joseph-Sabin Raymond - 1899 : http://www.archive.org/stream/histoireapolog00raym#page/76/mode/2up



( LES MOINES D'OCCIDENT - Tome 6 - p. 239 à 273 : https://archive.org/stream/lesmoinesdoccide06mont#page/238/mode/2up )

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