Unam Sanctam : Bulle du Pape Boniface VIII

Aller en bas

Unam Sanctam : Bulle du Pape Boniface VIII Empty Unam Sanctam : Bulle du Pape Boniface VIII

Message  Louis Mar 30 Avr 2013, 12:47 pm

BULLE Unam Sanctam

Malgré les défenses et les menaces de Philippe, plus de la moitié des prélats, savoir quatre archevêques et trente-cinq évêques, arrivèrent à Rome pour le concile indiqué au 1ernovembre 1302. Le Pape [ Boniface VIII] y publia, le 18 du même mois, la fameuse bulle Unam sanctam, insérée au droit canon. En voici la substance :

« Nous croyons et confessons une Église, sainte, catholique et apostolique, hors laquelle il n'y a point de salut ; nous reconnaissons aussi qu'elle est unique, que c'est un seul corps qui n'a qu'un chef, et non pas deux, comme un monstre. Ce seul chef est Jésus-Christ, et saint Pierre, son vicaire, et le successeur de saint Pierre. Soit donc les Grecs, soit d'autres qui disent qu'ils ne sont pas soumis à ce successeur, il faut qu'ils avouent qu'ils ne sont pas des ouailles de Jésus-Christ, puisqu'il dit lui-même qu'il n'y a qu'un troupeau et un pasteur. Que dans cette Église et sous sa puissance il y a deux glaives, le spirituel et le temporel, nous l'apprenons de l'Évangile ; car les apôtres ayant dit : Voici deux glaives ici, c'est-à-dire dans l'Église, le Seigneur ne leur répondit pas : C'est trop, mais : C'est assez. Assurément celui qui nie que le glaive temporel soit en la puissance de Pierre méconnaît cette parole du Sauveur : Remets ton glaive dans le fourreau. Le glaive spirituel et le glaive matériel sont donc l'un et l'autre en la puissance de l'Église; mais le second doit être employé pour l'Église, et l'autre par l'Église. Celui-ci est dans la main du prêtre, celui-là est dans la main des rois et des guerriers, mais sous la direction du prêtre. Or il faut que l'un de ces glaives soit soumis à l'autre, et la puissance temporelle au pouvoir spirituel; car, suivant l'Apôtre, toute puissance vient de Dieu, et celles qui existent sont ordonnées de Dieu. Or elles ne seraient pas ordonnées si un glaive n'était pas soumis à l'autre glaive, et, comme inférieur, ramené par lui à ce qu'il y a de suprême. Car, suivant saint Denis, c'est une loi de la Divinité que ce qui est infime soit coordonné par des intermédiaires à ce qui est au-dessus de tout. Ainsi, en vertu des lois de l'univers, toutes choses ne sont pas ramenées à l'ordre immédiatement et de la même manière, mais les choses basses par les choses moyennes, ce qui est inférieur par ce qui est supérieur.

« Or, que la puissance spirituelle surpasse en noblesse et en dignité toute puissance terrestre, nous devons le confesser d'autant plus clairement que les choses spirituelles sont plus au-dessus des choses temporelles. Nous le voyons évidemment encore par l'oblation, la bénédiction et la sanctification des dîmes, par l'institution de la puissance et le gouvernement du monde. En effet, d'après le témoignage de la Vérité même, il appartient à la puissance spirituelle d'instituer la puissance terrestre et de la juger si elle n'est pas bonne. Ainsi se vérifie l'oracle de Jérémie touchant l'Église et la puissance ecclésiastique : Voilà que je t'ai établi sur les nations et tes royaumes, et le reste comme il suit. Si donc la puissance terrestre dévie, elle sera jugée par la puissance spirituelle. Si la puissance spirituelle d'un ordre inférieur dévie, elle sera jugée par son supérieur. Si c'est la puissance suprême, ce n'est pas l'homme qui peut la juger, mais Dieu seul, suivant la parole de l'Apôtre : L’homme spirituel juge toutes choses et n'est jugé lui-même par personne.

« Or cette puissance, qui, bien qu'elle ait été donnée à l'homme, est, non pas humaine, mais plutôt divine, Pierre l'a reçue de la bouche divine elle-même, et celui qu'il confessa l'a rendue, pour lui et ses successeurs, inébranlable comme la pierre ; car le Seigneur lui a dit : Tout ce que tu lieras, etc. Donc quiconque résiste à cette puissance résiste à l'ordre même de Dieu, à moins que, comme le manichéen, il n'imagine deux principes ; ce que nous jugeons faux et hérétique, car, suivant le témoignage de Moïse, c'est, non pas dans les principes, mais dans le principe que Dieu créa le ciel et la terre.

« Ainsi toute créature humaine doit être soumise au Pontife romain, et nous déclarons, affirmons, définissons et prononçons que celte soumission est absolument de nécessité de salut. »

Cette bulle étant dogmatique, il faut plus s'attacher à la conclusion qu'aux prémisses. Elle définit donc que toute créature humaine, autrement toute puissance parmi les hommes, est soumise au Pontife romain ; elle définit, en un mot, que la puissance temporelle est subordonnée à la puissance spirituelle, chose reconnue par les défenseurs mêmes de Philippe le Bel, et déjà consignée dans le droit canon par la décrétale Novit d'Innocent III.

______________________________________________

Extrait de Rohrbacher, t. 10, p. 296-297, Paris, 1872.
Et un commentaire de l’Abbé Constant :
Boniface VIII a défini que les rois sont dépendants du Pape.

En effet, la bulle Unam sanctam se terminait par ces paroles : « Nous déclarons et définissons qu'il est de nécessité au salut que toute créature humaine soit soumise au Pape; » et dans la bulle Ausculta Boniface déclare « que même les rois sont soumis aux chefs de la hiérarchie ecclésiastique. »

Quel est le véritable sens de ces propositions? »

Considérées en soi, elles peuvent être regardées comme exprimant la même vérité que celle-ci : « Hors de l'Eglise point de salut. » Elles signifient encore que les rois, en tant que chrétiens, dépendent comme tous les fidèles du pouvoir spirituel du Pape: quoi de plus vrai ?

Considérées comme conclusion des prémisses développées dans les bulles qui les contiennent, elles définissent que « la puissance temporelle est subordonnée à la puissance spirituelle;» non pas en ce sens que les royaumes dépendent du Saint-Siège en qualité de fiefs, et que le souverain Pontife possède le domaine direct sur leur temporel , mais en ce sens que, dans le cas où les rois abuseraient de leur pouvoir pour le malheur des peuples et la ruine de l'Eglise, le souverain Pontife a le droit de leur faire des observations et même de lancer contre eux l'excommunication, et de déclarer que le serment de fidélité que leur ont prêté leurs sujets n'est plus obligatoire.

II est certain que peuples et rois, au moyen-âge, reconnurent ce droit au chef de l'Eglise universelle; que les défenseurs mêmes de Philippe-le-Bel, Gilles Romain et Jean de Paris, l'ont expressément admis, et que les souverains pontifes Grégoire VII et Innocent III l'ont exercé dans sa plénitude, au vu et su du monde entier, sans autre réclamation que celle que faisaient quelquefois les princes qui s'en croyaient lésés (1)
.
__________________________

1. Sur la légitimité absolue ou temporelle de ce droit, et l'usage que les Papes en ont fait, voyez : Des Rapports naturels entre les deux puissances, par l'Abbé Rhorbacher; Du Pouvoir du Pape au moyen-âge, par l'abbé Gosselin; Histoire de la lutte des Papes et des Empereurs de la maison de Souabe, par de Cherrier; Histoire de Grégoire VII, par Voigt ; Histoire d'Innocent III et de son siècle par Hurter ; Et le témoignage de divers auteurs cités dans l'Introduction de cet ouvrage, auxquels nous ajouterons celui du protestant Sismondi : «Il aurait été trop heureux pour les peuples que les souverains despotiques reconnussent encore au-dessus d'eux un pouvoir venu du ciel qui les arrêtât dans la route du crime. » (Hist. Républ. Ital, IV, 21.)
_________________________________________________

Tiré de : L’histoire et l’Infaillibilité des Papes tome II par l’abbé B.-M. Constant, 1859.


_________________
Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis
Louis
Admin

Nombre de messages : 17143
Date d'inscription : 26/01/2009

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum