Le pape François et la dictature argentine : un nouveau scandale menace le Vatican
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Le pape François et la dictature argentine : un nouveau scandale menace le Vatican
"Le pape François et la dictature argentine : un nouveau scandale menace le Vatican" (slate.fr , 14 mars 13)
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Plusieurs journalistes et chercheurs argentins l'accusent d'avoir collaboré avec les militaires, notamment d’avoir facilité le kidnapping de deux prêtres et d'avoir fermé les yeux sur l’enlèvement d’enfants de dissidents pendant la dictature de Videla.
En prenant la relève de Benoît XVI, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio, devenu mardi le pape François, hérite d’un Vatican en crise et d’une Eglise accusée de corruption. Mais l’institution dont il prend la tête n’est pas la seule sous attaque. Bergoglio lui-même est incriminé par plusieurs journalistes et chercheurs dans son pays pour avoir collaboré avec la dictature militaire entre 1976 et 1983. Le nouveau pape, de son côté, a toujours nié ces accusations, dont celle d'avoir facilité le kidnapping de deux prêtres au début de la dictature de Jorge Rafael Videla. Provincial (responsable) de l'ordre jésuite d'Argentine entre 1973 et 1979, il aurait dénoncé Orlando Yorio et Francisco Jalics, ou du moins implicitement permis leur arrestation.
Cette imputation a d'abord été évoquée en 1986 par Emilio Mignone, alors président du Centre d'études légales et sociales, une organisation non-gouvernementale de défense des droits de l'homme créée contre la Junte. Dans son livre Iglesia y Dictadura (« Eglise et dictature »), Mignone prenait l'exemple de Bergoglio pour illustrer « la sinistre complicité » de religieux avec les militaires, affirmant que le supérieur jésuite avait « donné son feu vert » pour l'arrestation des prêtres.
Disparus pendant cinq mois, Orlando Yorio et Francisco Jalics avaient mis en place une mission dans le quartier défavorisé de Bajo Flores. Bergoglio leur aurait demandé de partir à la veille du coup d'Etat militaire. Ceux-ci ayant refusé, il leur aurait intimé de quitter la Compagnie de Jésus afin de pouvoir lui désobéir.
Une semaine avant d'être arrêtés, ceux-ci s'étaient donc vus confisquer leur sacerdoce, un geste qui leur retirait la protection de l'Eglise. Après leur libération, seul Yorio avait accepté de s'exprimer sur la question. Interviewé par le journaliste (très anticlérical) Horacio Verbitsky, il affirmait que Bergoglio avait fait en sorte qu'aucun évêque de la région n'accepte de les rattacher à son diocèse, une fois privés de leur sacerdoce.
« Tous nous recevaient, se souvenait Yorio, depuis décédé, mais très vite, leur arrivait un avertissement qui parlait de graves secrets contre nous, ce qui les empêchait de nous accueillir dans leur diocèse. Quand on leur demandait pourquoi, ils nous répondaient qu'on devrait poser la question à notre Provincial. » Le prêtre ajoutait « douter que Bergoglio nous ait libérés, au contraire. »
Dans une tribune publiée ce jeudi matin, Horacio Verbitsky, l'un des premiers journalistes à relayer les accusations contre Bergoglio dans l'affaire des prêtres jésuites, cite un mail de la soeur de Yorio :
« Je n'arrive pas à y croire, il a réussi à faire ce qu'il voulait. Je revois Orlando dans la salle à manger de la maison qui me dit “lui, il veut être pape”. C'est la personne parfaite pour cacher la pourriture [du Vatican]. C'est un expert de la dissimulation. »
A cause de ces accusations, le chef jésuite devenu archevêque de Buenos Aires a dû témoigner au procès intenté au nom des deux jésuites contre la dictature, en 2010. Bergoglio s'est défendu en affirmant qu'il n'avait jamais mis les pieds à l'Ecole supérieure de mécanique de l'armée, le centre de torture militaire sous la Junte. Jalics et Yorio « savaient très bien qu'ils risquaient de finir dans un fossé », avait-il poursuivi face à l'avocat de l'accusation.
Dans le livre Le Jésuite : Conversations avec le cardinal Jorge Bergoglio, les journalistes Sergio Rubin et Francesca Ambrogetti avaient voulu savoir pourquoi l'ancien cardinal avait attendu si longtemps avant de réfuter les charges de collaboration faites à son encontre : « Je ne voulais pas jouer leur jeu, mais je n'ai rien à cacher », avait-il répondu.
Dans une inteview avec Verbitsky, Bergoglio a raconté que lors d'une de ses premières messes en tant qu'archevêque de Buenos Aires, il avait cherché à s'expliquer en tête-à-tête avec Mignone. Le président du CELS l'avait arrêté d'un geste de la main, lui demandant de ne pas l'approcher.
Autre chef d'accusation contre le nouveau pape : il aurait fermé les yeux sur l'enlèvement d'enfants de dissidents pendant la dictature. « Pourquoi ne citez-vous pas Bergoglio à comparaître ? », s'était enquise, lors d'un autre procès contre la Junte, Estela de la Cuadra, fille de la première présidente des Grands-mères de la place de Mai, la célèbre association qui cherche à retrouver les enfants volés aux victimes du régime militaire.
Estela, dont la sœur Elena est une « desaparecida », possède des lettres envoyées par son père à Bergoglio quand il était à la tête des jésuites. Il y demande de l'aide pour retrouver sa fille et sa petite-fille, celle-ci étant née après l'enlèvement. « Comment se fait-il qu'il prétende n'être au courant du vol d'enfants que depuis dix ans ? », demandait Estela à la justice argentine en 2011.
Encore une fois, l'ancien cardinal argentin a été appelé devant les juges. Les Grands-mères de la place de Mai viennent de mettre son témoignage en ligne : Bergoglio y confirme s'être entretenu avec le père de la Cuadra mais ne pas se souvenir qu'il ait été question d'un nouveau-né [PDF].
Dans une de ses réponses, il assure que « ce n'est qu'après bien des années, et à travers différents modes de communication, qu'(il a) appris qu'une des filles de M. de la Cuadra, nommée Elena, aurait accouché pendant sa captivité ».
Horacio Verbitsky porte un dernier coup à l'image du pontife avec son enquête El Silencio.
Publié très à propos juste après l'élection de Ratzinger au Saint-Siège, le livre raconte l'histoire de l'île du Tigre où les prisonniers du camp de torture de l'Esma avaient été cachés de la Commission interaméricaine des droits de l'homme à la fin des années 1970. Verbitsky rapporte qu'à l'origine, l'île appartenait à l'archevêché de Buenos Aires. Elle aurait été vendue à l'armée argentine, sous un faux nom, par un religieux alors secrétaire du vicariat militaire, Emilio Teodoro Grasselli. Encore une fois, Bergoglio nie avoir eu connaissance de l'existence de l'île.
Alors, compromis avec la dictature argentine, le nouveau pape ? Probablement pas plus que la hiérarchie religieuse du pays, passive, indifférente à l'horreur, sinon complice de la Junte. La morale peut condamner Jorge Bergoglio. L'histoire aussi : « Elle le montre comme quelqu'un d'opposé à toutes les innovations de l'Eglise, et surtout, pendant la dictature, on le découvre très proche du pouvoir militaire », a affirmé Horacio Mallimaci, l'ancien doyen de l'université de sciences sociales de l'université de Buenos Aires, au sujet de l'ancien cardinal argentin.
Mais la réalité de la vie sous la dictature argentine a placé beaucoup de monde dans une situation grise. Il était dangereux à ce moment de parler et de risquer d'être qualifié de subversif. Beaucoup, y compris des prêtres, l'ont fait et ont ensuite disparu, comme 30.000 Argentins.
Ceux qui, sans doute comme Bergoglio, n'ont pas fait un geste ont par la suite eu à vivre avec leur conscience. Ce n'est pas sans raison que l'église catholique argentine a fait des excuses publiques pour son incapacité à prendre position contre les généraux. « Nous voulons confesser devant Dieu, nous avons tout fait mal », a expliqué la Conférence épiscopale argentine en 2000.
Bergoglio, lui n'a jamais été accusé devant la justice argentine et n'a comparu que comme témoin ; il a répondu aux charges dont on l'incrimine, et a été décrit comme « libéral » par certains de ses pairs (même s'il n'a pas adhéré à la Théologie de la libération), notamment dans des câbles diplomatiques publiés par Wikileaks. Pour autant, sa nomination ne risque pas de calmer les scandales liés au Vatican."http://www.slate.fr/story/69457/pape-francois-dictature-argentine
Roger Boivin- Nombre de messages : 13220
Date d'inscription : 15/02/2009
Quel fut l'itinéraire du pape François sous la dictature argentine ?
Quel fut l'itinéraire du pape François sous la dictature argentine ?
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Les célébrations et la joie s’estompant peu à peu, des polémiques et dossiers remontent à la surface concernant le nouveau pape. Au lendemain de son élection à la tête de l’église catholique, Jorge Mario Bergoglio, rebaptisé François, entend quelques voix s’élever et dénoncer un passé sombre et gênant.
Est pointé du doigt le rôle de l'Eglise pendant la dictature militaire qui a ensanglanté l’Argentine, entre 1976 et 1983. L’Eglise catholique argentine, à laquelle le nouveau pape appartient alors comme prêtre et provincial des jésuites, avaient été accusée d’avoir été trop conciliant avec la dictature qui a fait 30.000 disparus et 15.000 fusillés, en ne la dénonçant pas.
Concernant Jorge Mario Bergoglio, désormais pape sous le nom de François, il est explicitement cité dans une affaire datant de 1976. A l’époque, deux prêtres jésuites qui travaillaient dans les bidonvilles ont été enlevés par les militaires.
Un livre publié en 2005, El Silencio (Le Silence), écrit par le journaliste argentin Horacio Verbitsky - ancien membre des Monteneros, des guérilleros d'obédience marxiste et péroniste - accuse Jorge Bergoglio de ne pas avoir empêché ces enlèvements. L’archevêque, désormais pape, a toujours nié son rôle dans cette histoire, parlant de« diffamation ». Il affirme au contraire avoir caché des dissidents politiques.
En 2000, l’Eglise argentine a prononcé publiquement des excuses, regrettant le fait de ne pas s’être opposée aux militaires et ne pas avoir protégé ses fidèles.
http://www.directmatin.fr/monde/2013-03-14/quel-fut-litineraire-du-pape-francois-sous-la-dictature-argentine-423745
Roger Boivin- Nombre de messages : 13220
Date d'inscription : 15/02/2009
Une victime de la dictature rejette toute accusation contre Jorge Mario Bergoglio
Une victime de la dictature rejette toute accusation contre Jorge Mario Bergoglio
Déclaration d’un des deux prêtres torturés par les militaires
Pourquoi ? était-il en conflit avec Bergoglio ?
Y a quelque chose de pas clair ; on ne dit pas tout ici.
Donc QUI DIT VRAI ?
Déclaration d’un des deux prêtres torturés par les militaires
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[Les accusations de complicité de Jorge Mario Bergoglio avec la dictature argentine dans les tortures subies par deux prêtres ont été démenties par l’un des deux, aujourd’hui le seul encore en vie, Francisco Jalics.
Le jésuite a publié une déclaration sur la page web de la Compagnie de Jésus en Allemagne, dans laquelle il évoque les six mois atroces de sa détention, en 1976, pendant lesquels il a été interrogé et torturé les yeux bandés. Francisco Jalics dément la version du journaliste Horacio Verbitsky accusant le pape François, et cela juste après son élection, d’avoir livré les deux jésuites aux autorités militaires.
Le religieux, d’origine hongroise, qui signe sous son nom ouest-européen, Franz, raconte qu’il vivait avec un autre jésuite, Orlando Yorio, et qu’ils ont été tous deux arrêtés par les militaires non pas à cause d’une dénonciation de Jorge Mario Bergoglio mais suite à l’arrestation d’un collaborateurs laïcs.
Les militaires découvrirent à travers lui ses relations avec les jésuites, qui furent arrêtés et interrogés « pendant cinq jours ». L'officier chargé de l’affaire reconnut leur innocence et promit de les libérer. « Or, de façon tout à fait inexplicable, ils nous ont gardé en prison pendant cinq mois, ligotés et les yeux bandés ». Leur lieu de détention était une des prisons clandestines du régime. A aucun moment le prêtre n’accusa Jorge Mario Bergoglio.
Jalics explique qu’après sa libération, il a quitté l’Argentine et n’a plus eu l’occasion de parler avec le Provincial des jésuites, le père Bergoglio. Ce n’est que des années plus tard, lorsque le supérieur jésuite était devenu archevêque de Buenos Aires, qu’il a pu le faire. Franz Jalics explique qu’à cette occasion-là ils ont pu discuter de ce qui s’était passé. « Puis nous avons célébré la messe en public et nous nous sommes embrassés de manière solennelle.
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En 2010, Jorge Mario Bergoglio a été appelé à témoigner sur cette affaire, mais Jalics a refusé de se présenter au tribunal, estimant que Bergoglio n’était pas coupable.
De son côté, le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung a publié deux lettres de Jorge Mario Bergoglio adressées à la famille Jalics et datées de 1976, dans lesquelles celui-ci promet de faire tout son possible pour obtenir la libération du religieux.
La première lettre, rédigée presque intégralement en latin et datée du 15 septembre 1976, dit ceci : « J’ai pris un grand nombre d’initiatives pour obtenir la libération de votre frère, jusqu’ici en vain ». « Mais je n’ai pas perdu espoir que votre frère sera bientôt relâché. J’ai décidé qu’il était de mon devoir d’y veiller ».
Faisant allusion à ses désaccords avec Jalics, Jorge Mario Bergoglio poursuit: « Les difficultés que votre frère et moi avons pu avoir sur la vie religieuse n’ont rien à voir avec la situation présente ». Puis il affirme en allemand: « Ferenke est pour moi un frère ». « J’éprouve un amour chrétien pour votre frère et je ferai tout mon possible pour qu’il soit libéré ».
Comme l’explique Andrea Tarquini dans un article pour le quotidien italien « La Repubblica » (18 mars 2013), « Les temps étaient difficiles : le supérieur général des jésuites de l’époque, Pedro Arrupe, réprouvait la vie que les deux prêtres menaient dans les bidonvilles, et il leur avait demandé de s’en aller ou de quitter l’ordre. C’est à ce diffèrent sur la vie religieuse que faisait allusion Jorge Mario Bergoglio.
Le lendemain de la libération des deux jésuites, Bergoglio a écrit au frère de Jalics la seconde lettre qui dit ceci: « La fausse nouvelle annonçant que Francisco a été assassiné nous est bien parvenue, mais je n’ai pas voulu y croire, car j’avais des informations sur les deux prêtres. D’habitude, les gens parlent trop au lieu d’aider à trouver des solutions ».
Néanmoins , HoracioVerbitsky a republié sur « Pagina 12 » des documents, en fait déjà parus, qui incriminaient Bergoglio sans preuves.
Le principal document est une fiche établie en 1979 par un fonctionnaire de la dictature, Anselmo Orcoyen. Ce dernier recommande de ne pas remettre à Jalics (parti pour l’Allemagne) un nouveau passeport, le qualifiant de «subversif ». Selon Verbitsky, ces renseignements auraient été transmis à Orcoyen par Bergoglio lui-même. Le témoignage de la victime et les lettres aujourd’hui publiées prouvent le contraire.http://www.aleteia.org/fr/politique/actualites/une-victime-de-la-dictature-rejette-toute-accusation-contre-jorge-mario-bergoglio-567002
Pourquoi ? était-il en conflit avec Bergoglio ?
Y a quelque chose de pas clair ; on ne dit pas tout ici.
Donc QUI DIT VRAI ?
Roger Boivin- Nombre de messages : 13220
Date d'inscription : 15/02/2009
Enquête - Jorge Mario Bergoglio et la dictature argentine : que sait-on vraiment ?
Enquête - Jorge Mario Bergoglio et la dictature argentine : que sait-on vraiment ? :
Quel rôle a joué le futur pape François, alors provincial des jésuites, pendant les années de dictature ? Depuis son élection à la tête du Vatican, la polémique a resurgi sur le passé de Jorge Mario Bergoglio durant ces années de plomb où une partie de la hiérarchie catholique cautionnait le régime du général Videla. Avec le souci de s'en tenir aux faits, La Vie fait le point sur les accusations et les éléments de défense.
[..]
lire la suite :
http://www.lavie.fr/actualite/monde/jorge-mario-bergoglio-et-la-dictature-argentine-que-sait-on-vraiment-19-03-2013-37996_5.php
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- Quel rôle a joué le futur pape François, alors provincial des jésuites, pendant les années de dictature ? Depuis son élection à la tête du Vatican, la polémique a resurgi sur le passé de Jorge Mario Bergoglio durant ces années de plomb où une partie de la hiérarchie catholique cautionnait le régime du général Videla. Avec le souci de s'en tenir aux faits, La Vie fait le point sur les accusations et les éléments de défense.
Est-ce la fin d'une polémique ? Dans une interview donnée à la radio, le 18 mars, Ricardo Lorenzetti, le président de la cour suprême argentine, a déclaré : « Le pape François est complètement innocent » des faits qui lui sont reprochés durant la dictature militaire. Le président de la Cour suprême, réputé proche de Christina Kirchner, l'actuelle présidente, est actuellement à Rome, où il fait partie de la délégation officielle de son pays pour assister à la messe d’inauguration du pontificat qui a eu lieu mardi 19 mars.
Des accusations contre le cardinal Bergoglio aussi graves qu'anciennes
Dans un livre paru en 2005, soit à la veille du précédent conclave, intitulé El Silencio (Le Silence) et sous titré « de Paul VI à Bergoglio : les relations secrètes de l' Eglise avec l'ESMA (NDLR : l'Ecole mécanique de la marine transformée en centre de torture) Horacio Verbitsky, journaliste argentin d'investigation, consacre un long passage aux relations qu'aurait entretenues Jorge Bergoglio avec la dictature militaire argentine.
Le journaliste écrit notamment que Bergoglio - qui était à l'époque provincial des jésuites argentins, c'est-à-dire leur responsable national - aurait livré, en 1976, aux militaires deux jeunes prêtres jésuites, Orlando Yorio et Francisco Jalics. Ces deux prêtres, engagés auprès des pauvres, exercaient leur sacerdoce dans des bidonvilles, à la périphérie de Buenos Aires, et étaient dans le viseur des militaires argentins. Ceux-là même qui installèrent une des plus sinistres dictatures du continent latino-américain qui, selon un bilan communément admis, s'est rendue coupable d'au moins 30.000 morts et « disparus », entre 1976 et 1983. Avec le silence, sinon l'appui d'une bonne partie de la hiérarchie catholique argentine de l'époque.
Sur ce cas précis des deux prêtres, le père Jorge Mario Bergoglio, alors âgé de 39 ans, est accusé d'avoir à la fois dissous leur communauté et demandé qu'ils quittent l'Argentine, ce qui aurait été interprété par les militaires comme un feu vert à leur arrestation. Une version que confirme indirectement dans une interview publiée dans La Croix, datée du 15 mars 2013, Claude Faivre Duboz, un prêtre français qui a passé plus de 35 ans en Argentine et qui s'était lié d'amitié avec l'un des deux jésuites, le père Yorio : « Ce sont les militaires qui ont demandé au provincial des jésuites de les retirer de ces quartiers, car ils étaient un ferment d'opposition ». Par contre, Charles Plancot, un autre prêtre français en mission en Argentine entre 1970 et 1978, toujours cité par La Croix, en livre une interprétation différente : « Bergoglio savait que ces deux jésuites étaient menacés de mort et c'est pourquoi il leur a demandé de partir. Et, finalement, c'est grâce à lui qu'ils s'en sont sortis ».
En tout cas, trois mois après leur départ forcé du bidonville, ces deux prêtres jésuites furent arrêtés et torturés dans la sinistre Ecole mécanique de la marine (Esma). Ils ne furent libérés qu'au bout de six mois, suite à la pression internationale des associations de droits de l'homme. A leur sortie, le père Yorio, décédé en 2000, a nommément accusé Bergoglio de les avoir livrés à leurs bourreaux. « Je suis sûr qu'il a lui-même fourni une liste avec nos noms à la Marine » témoigne-t-il lors d'un procès de la junte militaire en 1985.
Des accusations reprises, mais de façon plus indirecte, par le père Jalics dans un livre Ouverture à la contemplation, traduit par les Editions Desclée de Brouwer en 2002. Dans cet ouvrage de témoignage spirituel, celui qui est devenu en Allemagne un animateur de sessions de formation à la contemplation, raconte d'abord comment il a pu tenir bon avec le père Yorio, dans les prisons des Escadrons de la mort : « Nous avions commencé à méditer en répétant tout simplement le nom de Jésus. Nous prononcions cette prière toute simple sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre ».
A propos des circonstances de leur arrestation, Franz Jalics écrit ceci : « L' Eglise officielle et nos supérieurs nous ont confié une mission : déménager et vivre avec des pauvres. Bon nombre de personnes ne voyaient pas d'un bon œil notre présence dans les bidonvilles, car elles adhéraient fortement aux mouvements d'extrême-droite. Elles considéraient notre présence dans ce quartier de misère comme un soutien à la guerilla. Elles ont alors envisagé de nous dénoncer comme terroristes, mais nous savions d'où venait le vent et qui était responsable de cette diffamation. Je suis allé trouver cet homme et je lui ai dit qu'il jouait avec notre vie. Il m' a alors promis de dire aux militaires que nous n'étions pas des terroristes. Selon des déclarations ultérieures faites par un officier et d'après trente documents que j'ai eus plus tard en main, il ne faisait aucun doute que cet homme n'avait pas tenu sa promesse et avait fait de fausses déclarations aux militaires ».
Sans jamais préciser qui est « cet homme », et ce « il » accusé de duplicité, le père Jalics termine son récit sur son emprisonnement par cette phrase sibylline : « Ce contexte devrait suffire pour l'instant »...
Seul document rendu public dans ce dossier trouble, une note dactylographiée - publiée dans le livre El Silencio (Editions Sudaméricana, 2005) et reproduite par le site Rue 89 - rédigée d'après des éléments qui auraient été envoyés en 1979 par le père Bergoglio au directeur du culte catholique au Ministère des affaires étrangères, et concernant le renouvellement du passeport du père Jalics.
Son contenu est peu bienveillant vis-à-vis du prêtre jésuite : « Père Francisco Jalics : Activité provocatrice dans les Congrégations religieuses féminines (conflits d’obéissance). Emprisonné à l’Ecole Mécanique de la Marine du 24.5.1976 à septembre 1976 (6 mois) accusé avec le Père Yorio. Soupçonné contacts guerilleros. Ils habitaient en petite communauté que le supérieur jésuite a dissous, en février 1976, et ont refusé d’obéir en demandant à sortir de la Compagnie, ont reçu 2 (sic) l’expulsion et pas le Père Jalics, car il est tenu à des vœux solennels. Aucun évêque du Grand Buenos Aires n’a accepté de les recevoir ».
Depuis l'élection de Jorge Mario Bergoglio comme pape, cette affaire est ressortie dans les médias argentins, notamment dans Pagina 12, un journal de gauche et proche du pouvoir, dont Horacio Verbitsky est devenu le directeur. En effet, dans un nouvel article, publié le lendemain de son élection au Vatican, Horacia Verbitsky cite d'abord un message qu'il a reçu de Gracelia Yorio, la sœur du prêtre qui avait dénoncé Jorge Mario Bergoglio comme le responsable de son enlèvement et des actes de tortures subis : « Je n'en crois pas mes yeux, écrit-elle. Je suis si angoissée et furieuse que les bras m'en tombent. Il est arrivé à ses fins. C'est la personne idéale pour cacher la corruption morale, un expert ès cachotteries ». Et le journaliste argentin d'accuser également l'ancien archevêque de Buenos Aires d'avoir fermé les yeux sur d'autres agissements de la junte militaire, notamment l'enlèvement de bébés d'opposants politiques. Un autre épisode sombre de l'histoire argentine et qui sera l'objet d'un documentaire « Les 500 bébés volés de la dictature », diffusé ce mardi 19 mars à 20.40 sur France 5.
Horacio Verbitsky, par ailleurs président du Centre d'études légales et sociales (CELS) - une ONG argentine spécialisée dans les droits de l'homme - souligne, en effet, une contradiction dans les déclarations de Jorge Mario Bergoglio devant un tribunal en 2010 où un avocat argentin et l'association des Grands-mères de la Place de mai l'avaient cité à comparaître... « Devant le tribunal oral fédéral n°5, écrit Horacio Verbitsky, il a affirmé n'avoir appris que récemment l'existence de jeunes enfants kidnappés, et cela après la fin de la dictature. Pourtant, poursuit le journaliste, le tribunal oral fédéral n°6 a reçu des documents qui révèlent que dès 1979, Jorge Mario Bergoglio était au courant et qu'il est intervenu dans au moins un cas ». D'ailleurs, Estella de Carlotta, l'actuelle présidente des Grands-mères de la Place de mai a regretté dans une interview donnée après l'élection du pape, que « Bergoglio n'ait pas eu le courage d'intervenir à l'époque et d'aider les familles dans leur recherche de leurs enfants disparus ».
Des défenseurs de poids dont un prix Nobel de la Paix
Devenu archevêque de Buenos Aires, Mgr Bergoglio s'est, de son côté, expliqué tardivement sur ces accusations. En 2010, d'abord un livre autobiographique « El Jesuita – Conversaciones con el cardinal Jorge Bergoglio (Le Jésuite. Conversations avec le cardinal Bergoglio) de Sergio Rubin et Francesca Ambogetti, dans lequel il affirme avoir voulu protéger les deux prêtres en leur conseillant de venir vivre dans la maison provinciale des Jésuites.
Et les deux auteurs, dont l'un est journaliste au quotidien argentin d'opposition Clarin et l'autre à l'agence italienne Ansa, de citer d'autres témoignages dont ceux de l'avocate Alicia Oliveira, persécutée par les militaires au moment du coup d'Etat, et qui affirme à propos du père Bergoglio : « Il m'a sauvé la vie ». Une défense reprise dans une interview au journal Perfil, où Bergoglio affirme avoir « fait le maximum avec (son) âge et le peu de relations dont (il) disposait à l'époque afin de défendre les personnes séquestrées ».
Face aux accusations, sinon de complicité tout du moins de passivité, le nouveau pape dispose, outre la prise de position de Ricardi Lorenzetti, président de la cour suprême argentine, de deux autres défenseurs de poids. D'abord, Adolfo Pérez Esquivel, défenseur mondialement reconnu des droits de l'homme, prix Nobel de la paix, qui a déclaré le 14 mars dans une interview à BBC Mundo : « Certains évêques ont été complices de la dictature, mais Bergoglio ne l'a jamais été ». Et d'ajouter : « On met en cause Jorge Bergoglio parce qu'on dit qu'il n'a pas fait le nécessaire pour sortir deux prêtres de prison, à l'époque où il était supérieur de la congrégation des jésuites. Mais je sais personnellement que de nombreux évêques ont demandé à la junte militaire la libération de prisonniers et de prêtres et qu'elle ne leur a pas été accordée ».
Ensuite, celle du juge German Castelli, l'un des trois juges qui ont été saisis en 2011 de l'ensemble du dossier ESMA, dont faisait partie l'emprisonnement des deux prêtres jésuites. Ce dernier a en effet affirmé, dans une interview donnée le 16 mars 2013 au quotidien argentin La Nacion : « Il est totalement faux de dire que Jorge Bergoglio a livré ces prêtres. Nous nous sommes penchés sur la question, nous avons entendu ces allégations, nous avons passé en revue les faits et nous avons estimé qu'il n'avait rien fait dans cette affaire qui soit répréhensible ».
Perez Esquivel ne peut être, en tout cas, soupçonné de complaisance ni avec l'ex junte militaire – il a été lui-même arrêté et torturé – ni avec la hiérarchie catholique. En effet, lors d'une conférence au Sénat français le 21 mars 2008, organisée par le collectif argentin de la mémoire, il a fait une longue communication intitulée « Argentine : terrorisme d'Etat et rôle de l'Eglise catholique : Origines, intérêts et complicité » (1) dans laquelle il disait : « Il n'est pas possible de parler de l'épiscopat argentin comme si tous les évêques avaient eu alors une seule façon de penser. Il existait entre eux de fortes contradictions et des options différentes. Quelques évêques furent complices de la dictature militaire. De même, quelques prêtres ont aussi soutenu les dictateurs et ont trahi le peuple et l'Evangile (…) Beaucoup d'autres formaient une matière grise, sans critères propres, comme ceux qui disaient alors : "L'Eglise ne se mêle pas de politique". Mais ils ont laissé faire en se rendant complices par omission (…). En fait, il y a bien eu des complicités, de la mauvaise foi, et des insinuations de la part des secteurs de l' Eglise argentine qui soutenaient la dictature. Mais on trouve aussi des témoignages de vie, des luttes, des espérances et des accompagnements de la part d'autres secteurs de l'Eglise avec « des gens qui ont donné leur vie pour donner la vie ».
Dans ce long texte de huit pages, et alors qu'une bonne trentaine de noms de religieux (évêques, prêtres, missionnaires) sont cités – certains comme complices, d'autres comme héros - le nom de Jorge Bergoglio, pourtant à l'époque provincial des jésuites, n'apparait pas une seule fois. Ni en négatif, ni en positif. Il y a juste cette conclusion, à portée universelle et qui va bien au-delà de la période de la dictature militaire argentine : « L'Eglise catholique, comme toutes les religions, doit choisir entre ces deux options : ou bien être soumise et liée au pouvoir en place, ou bien opter pour un message libérateur et participer à la construction de nouvelles espérances ensemble avec la réalité des peuples ».
Presque quarante ans après les faits et onze ans après son livre-témoignage, le père Jalics, âgé aujourd'hui de 85 ans et un des témoins essentiels de cette période trouble, est sorti de son silence. Mais en gardant sa part de secret. Dans un communiqué publié le 15 mars sur le site des jésuites en Allemagne, il écrit qu'il ne peut pas « se prononcer sur le rôle du père Bergoglio dans ces évènements (...).» Et d'ajouter : « Nous avons eu l'occasion de discuter des évènements avec le père Bergoglio qui était entre-temps devenu archevêque de Buenos Aires. Nous avons ensemble célébré une messe publique et nous nous sommes enlacés solennellement. Je suis en paix avec ce qui s'est passé et considère l'histoire comme close ». Et le père Jalics de terminer sa note par ces mots : « Je souhaite au pape François de recevoir les bénédictions divines dans l'exercice de sa mission ».
(1) Traduit par le DIAL (Diffusion d'informations sur l'Amérique Latine) le 1er mai 2008.
Le communiqué officiel du Vatican : une campagne calomnieuse et diffamatoire » menée par « la gauche anticléricale pour attaquer l'Eglise »
« La campagne contre Jorge Mario Bergoglio est bien connue et remonte déjà à plusieurs années. Elle provient d’une publication caractérisée par des campagnes parfois calomnieuses et diffamatoires. La racine anticléricale de cette campagne et d’autres accusations contre Jorge Mario Bergoglio est connue et évidente. Cette accusation fait référence à l’époque où Bergoglio n’était pas encore évêque mais supérieur des jésuites en Argentine ainsi qu’à deux prêtres qui ont été enlevés et qu’il n’aurait pas protégés. Il n’y a jamais eu d’accusations concrètes et crédibles à son égard.
La justice argentine l’a interrogé une fois en tant que personne informée des faits, mais ne l’a jamais accusé. Il a nié les accusations de façon documentée. Il y a en revanche de nombreuses déclarations qui montrent à quel point Jorge Mario Bergoglio a œuvré pour protéger de nombreuses personnes pendant la dictature militaire. On connaît aussi le rôle de Jorge Mario Bergoglio, après son ordination épiscopale, dans l'appui de la demande de pardon de l’Eglise en Argentine de ne pas avoir fait assez à l’époque de la dictature. Les accusations relèvent donc d’analyses historico-sociologiques de la période de dictature faites depuis des années sur la base d’éléments de la gauche anticléricale pour attaquer l’Eglise. Elles doivent être rejetées avec fermeté ».
Roger Boivin- Nombre de messages : 13220
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