Saint Bêde le Vénérable (biographie)
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Saint Bêde le Vénérable (biographie)
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La bénédiction que le Seigneur donnait à la terre en s'élevant au ciel atteint les plus lointaines frontières de la gentilité. Trois jours de suite, le Cycle nous montre les grâces qu'elle annonçait concentrant sur l'extrême Occident leurs énergies: c'est le fleuve de Dieu (1), dont les eaux débordées se font plus impétueuses à la limite qu'elles ne dépasseront pas.
Hier, l'expédition évangélique que le roi Lucius avait sollicitée du Pontife Éleuthère quittait Rome pour la future Ile des Saints. Demain, dans la terre des Bretons devenue celle des Angles, elle sera suivie par le chef du second apostolat, Augustin, l'envoyé de Grégoire le Grand. Aujourd'hui, impatiente de justifier ces célestes prodigalités, Albion produit devant les hommes son illustre fils, Bède le Vénérable, l'humble et doux moine dont la vie se passe à louer Dieu, à le chercher dans la nature et dans l'histoire, mais plus encore dans l'Ecriture étudiée avec amour, approfondie à la lumière des plus sûres traditions. Lui qui toujours écouta les anciens prend place aujourd’hui parmi ses maîtres, devenu lui-même
1. Psalm. XLV, 5.
Père et Docteur de l'Église de Dieu. Entendons-le, dans ses dernières années, résumer sa vie :
« Prêtre du monastère des bienheureux Pierre et Paul, Apôtres, je naquis sur leur territoire, et je n'ai point cessé, depuis ma septième année, d'habiter leur maison, observant la règle, chantant chaque jour en leur église, faisant mes délices d'apprendre, d'enseigner ou d'écrire. Depuis que j'eus reçu la prêtrise, j'annotai pour mes frères et pour moi la sainte Ecriture en quelques ouvrages, m'aidant des expressions dont se servirent nos Pères vénérés, ou m'attachant à leur manière d'interprétation. Et maintenant, bon Jésus, je vous le demande : vous qui m'avez miséricordieusement donné de m'abreuver à la douceur de votre parole, donnez-moi bénignement d'arriver à la source, ô fontaine de sagesse, et de vous voir toujours (1). »
La touchante mort du serviteur de Dieu ne devait pas être la moins précieuse des leçons qu'il laisserait aux siens. Les cinquante jours de la maladie qui l'enleva de ce monde s'étaient passés comme toute sa vie à chanter des psaumes ou à enseigner. Comme on approchait de l'Ascension du Seigneur, il redisait avec des larmes de joie l'Antienne de la fête : « O Roi de gloire qui êtes monté triomphant par delà tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais envoyez-nous l'Esprit de vérité selon la promesse du Père. » A ses élèves en pleurs il disait, reprenant la parole de saint Ambroise : « Je n'ai pas vécu de telle sorte que j'eusse à rougir de vivre avec vous ; mais je ne crains pas non plus de mourir, car nous avons un bon Maître. » Puis revenant à sa traduction de
1. BED. Hist. eccl. Cap. ultimum.
l'Évangile de saint Jean et à un travail qu'il avait entrepris sur saint Isidore : «Je ne veux pas que mes disciples après ma mort s'attardent à des faussetés et que leurs études soient sans fruit. »
Le mardi avant l'Ascension, l'oppression du malade augmentait les symptômes d'un dénouement prochain se montrèrent. Plein d'allégresse, il dicta durant toute cette journée, et passa la nuit en actions de grâces. L'aube du mercredi le retrouvait pressant le travail de ses disciples. A l'heure de Tierce, ils le quittèrent pour se rendre à la procession qu'on avait dès lors coutume de faire en ce jour avec les reliques des Saints. Resté près de lui :« Bien-aimé Maître, dit l'un d'eux, un enfant, il n'y a plus à dicter qu'un chapitre ; en aurez-vous la force ?» — « C'est facile, répond souriant le doux Père : prends ta plume, taille-la, et puis écris ; mais hâte-toi. » A l'heure de None, il manda les prêtres du monastère, et leur rit de petits présents, implorant leur souvenir à l'autel du Seigneur. Tous pleuraient. Lui, plein de joie, [disait : « Il est temps, s'il plaît à mon Créateur, que je retourne à Celui qui m'a fait de rien quand je n'étais pas; mon doux Juge a bien ordonné ma vie ; et voici qu'approche maintenant pour moi la dissolution ; je la désire pour être avec le Christ : oui, mon âme désire voir mon Roi, le Christ, en sa beauté. »
Ce ne furent de sa part jusqu'au soir qu'effusions semblables ; jusqu'à ce dialogue plus touchant que tout le reste avec Wilbert, l'enfant mentionné plus haut : « Maître chéri, il reste encore une phrase.— Écris-la vite. » Et après un moment : « C’est fini, dit l'enfant. —Tu dis vrai, répartit le bienheureux : c'est fini ; prends ma tête dans tes mains et soutiens-la du côté de l'oratoire, parce que ce m'est une grande joie de me voir en face du lieu saint où j'ai tant prié. » Et du pavé de sa cellule où on l'avait déposé, il entonna : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ; quand il eut nommé l'Esprit-Saint, il rendit l'âme (1).
1. Epist. CUTHBERTI.
Lisons la vie du saint moine dans le livre de l'Eglise.
Le prêtre Bède naquit à Yarrow, aux confins de la Grande-Bretagne et de l'Écosse ; âgé de sept ans, son éducation fut confiée à saint Benoît Bishop, Abbé de Wearmouth. Devenu moine, il ordonna de telle sorte sa vie, que se livrant tout entier à l'étude des arts et des sciences, il n'omit jamais rien toutefois des observances de la discipline régulière. Excellemment versé en tous les genres de connaissances, la méditation des divines Écritures fixa néanmoins ses préférences; et pour les mieux comprendre, il se rendit maître de la langue grecque et de l'hébraïque. Ordonné prêtre en sa trentième année par l'ordre de son Abbé, ce fut à la sollicitation d'Acca, évêque d'Hexham, qu'il entreprit alors d'expliquer les saints Livres; il ne le fit qu'en suivant d'aussi près que possible la doctrine des saints Pères, n'avançant rien qu'ils n'eussent eux-mêmes enseigné, et pour ainsi dire reproduisant leur langage. Ennemi constant de l'oisiveté, il ne quittait l'étude que pour la prière, et revenait pareillement de la prière à l'étude ; son cœur s'y embrasait au point que souvent, enseignant ou liant, il fondait en larmes. Ne voulant point être distrait par le souci des choses qui passent, il refusa constamment la charge d'Abbé.
Bientôt une telle réputation de piété et de science s'attachait à son nom, que le Pape saint Sergius eut la pensée de l'appeler à Rome pour y travailler à la solution d'épineuses difficultés qui s'étaient élevées dans l'Église. Il écrivit beaucoup d'ouvrages pour réformer les mœurs des fidèles, pour soutenir et défendre la foi. Grande fut l'estime universelle qu'il s'acquit ainsi : saint Boniface, évêque et martyr, le proclamait la lumière de l'Église; Lanfranc lui donnait le titre de docteur des Anglais, le Concile d'Aix-la-Chapelle celui de docteur admirable. Il arriva que, de son vivant même, on lut publiquement ses écrits dans les Églises, et comme alors on ne pouvait lui attribuer le titre de saint, on lui donnait celui de vénérable qui lui resta toujours depuis. Son enseignement était d'autant plus efficace, qu'il était soutenu de la sainteté de la vie et des vertus religieuses. Aussi ses disciples, qui furent nombreux et remarquables, devinrent-ils, grâce à son zèle et à son exemple, non moins éminents dans la sainteté que dans les lettres et les sciences.
Brisé enfin par l'âge et le labeur, il fut atteint d'une maladie grave. Il la supporta cinquante jours et plus sans interrompre ni ses habitudes de prière, ni son travail d'interprétation des Écritures ; car ce fut en ce temps qu'il traduisit en anglais pour ses compatriotes l'Évangile de saint Jean. La veille de l'Ascension, sentant que la mort approchait, il voulut être muni des derniers sacrements, embrassa ses frères et se fit étendre à terre sur un cilice; redisant alors : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, il s'endormit dans le Seigneur. Son corps exhalant, dit-on, une odeur très suave, fut enseveli dans le monastère de Yarrow, et par la suite transporté à Durham avec les reliques de saint Cuthbert Les Bénédictins, d'autres familles religieuses, des diocèses l'honoraient par avance comme docteur, quand, sur l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, Léon XIII, Souverain Pontife, le déclara docteur de l'Église universelle, décrétant que Messe et Office des Docteurs seraient désormais récités par tous au jour de sa fête.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ! C'est le chant de l'éternité ; l'ange et même n'étaient pas, que Dieu, dans le concert des trois divines personnes, suffisait à sa louange : louange adéquate, infinie, parfaite comme Dieu, seule digne de lui. Combien le monde, si magnifiquement qu'il célébrât son auteur par les mille voix delà nature, demeurait au-dessous de l'objet de ses chants ! Toutefois la création elle-même était appelée à renvoyer au ciel un jour l'écho de la mélodie trine et une ; lorsque le Verbe fut devenu par l'Esprit-Saint fils de l'homme en Marie comme il l'était du Père, la résonance créée du Cantique éternel répondit pleinement aux adorables harmonies dont la Trinité gardait primitivement le secret pour elle seule. Depuis, pour l'homme qui sait comprendre, la perfection fut de s'assimiler au fils de Marie afin de ne faire qu'un avec le Fils de Dieu, dans le concert auguste où Dieu trouve sa gloire.
Vous fûtes, ô Bède, cet homme à qui l'intelligence est donnée. Il était juste que le dernier souffle s'exhalât sur vos lèvres avec le chant d'amour où s'était consumée pour vous la vie mortelle, marquant ainsi votre entrée de plain-pied dans l'éternité bienheureuse et glorieuse. Puissions-nous mettre à profit la leçon suprême où se résument les enseignements de votre vie si grande et si simple !
Gloire à la toute-puissante et miséricordieuse Trinité ! N'est-ce pas aussi le dernier mot du Cycle entier des mystères qui s'achèvent présentement dans la glorification du Père souverain par le triomphe du Fils rédempteur, et l'épanouissement du règne de l'Esprit sanctificateur en tous lieux ? Qu'il était beau dans l'Ile des Saints le règne de l'Esprit, le triomphe du Fils à la gloire du Père, quand Albion, deux fois donnée par Rome au Christ, brillait aux extrémités de l'univers comme un joyau sans prix de la parure de l'Épouse! Docteur des Angles au temps de leur fidélité, répondez à l'espoir du Pontife suprême étendant votre culte à toute l'Église en nos jours, et réveillez dans l'âme de vos concitoyens leurs sentiments d'autrefois pour la Mère commune.
(L’Année Liturgique, dom Guéranger)
SAINT BÈDE LE VÉNÉRABLE, CONFESSEUR ET DOCTEUR DE L’ÉGLISE.
La bénédiction que le Seigneur donnait à la terre en s'élevant au ciel atteint les plus lointaines frontières de la gentilité. Trois jours de suite, le Cycle nous montre les grâces qu'elle annonçait concentrant sur l'extrême Occident leurs énergies: c'est le fleuve de Dieu (1), dont les eaux débordées se font plus impétueuses à la limite qu'elles ne dépasseront pas.
Hier, l'expédition évangélique que le roi Lucius avait sollicitée du Pontife Éleuthère quittait Rome pour la future Ile des Saints. Demain, dans la terre des Bretons devenue celle des Angles, elle sera suivie par le chef du second apostolat, Augustin, l'envoyé de Grégoire le Grand. Aujourd'hui, impatiente de justifier ces célestes prodigalités, Albion produit devant les hommes son illustre fils, Bède le Vénérable, l'humble et doux moine dont la vie se passe à louer Dieu, à le chercher dans la nature et dans l'histoire, mais plus encore dans l'Ecriture étudiée avec amour, approfondie à la lumière des plus sûres traditions. Lui qui toujours écouta les anciens prend place aujourd’hui parmi ses maîtres, devenu lui-même
1. Psalm. XLV, 5.
Père et Docteur de l'Église de Dieu. Entendons-le, dans ses dernières années, résumer sa vie :
« Prêtre du monastère des bienheureux Pierre et Paul, Apôtres, je naquis sur leur territoire, et je n'ai point cessé, depuis ma septième année, d'habiter leur maison, observant la règle, chantant chaque jour en leur église, faisant mes délices d'apprendre, d'enseigner ou d'écrire. Depuis que j'eus reçu la prêtrise, j'annotai pour mes frères et pour moi la sainte Ecriture en quelques ouvrages, m'aidant des expressions dont se servirent nos Pères vénérés, ou m'attachant à leur manière d'interprétation. Et maintenant, bon Jésus, je vous le demande : vous qui m'avez miséricordieusement donné de m'abreuver à la douceur de votre parole, donnez-moi bénignement d'arriver à la source, ô fontaine de sagesse, et de vous voir toujours (1). »
La touchante mort du serviteur de Dieu ne devait pas être la moins précieuse des leçons qu'il laisserait aux siens. Les cinquante jours de la maladie qui l'enleva de ce monde s'étaient passés comme toute sa vie à chanter des psaumes ou à enseigner. Comme on approchait de l'Ascension du Seigneur, il redisait avec des larmes de joie l'Antienne de la fête : « O Roi de gloire qui êtes monté triomphant par delà tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais envoyez-nous l'Esprit de vérité selon la promesse du Père. » A ses élèves en pleurs il disait, reprenant la parole de saint Ambroise : « Je n'ai pas vécu de telle sorte que j'eusse à rougir de vivre avec vous ; mais je ne crains pas non plus de mourir, car nous avons un bon Maître. » Puis revenant à sa traduction de
1. BED. Hist. eccl. Cap. ultimum.
l'Évangile de saint Jean et à un travail qu'il avait entrepris sur saint Isidore : «Je ne veux pas que mes disciples après ma mort s'attardent à des faussetés et que leurs études soient sans fruit. »
Le mardi avant l'Ascension, l'oppression du malade augmentait les symptômes d'un dénouement prochain se montrèrent. Plein d'allégresse, il dicta durant toute cette journée, et passa la nuit en actions de grâces. L'aube du mercredi le retrouvait pressant le travail de ses disciples. A l'heure de Tierce, ils le quittèrent pour se rendre à la procession qu'on avait dès lors coutume de faire en ce jour avec les reliques des Saints. Resté près de lui :« Bien-aimé Maître, dit l'un d'eux, un enfant, il n'y a plus à dicter qu'un chapitre ; en aurez-vous la force ?» — « C'est facile, répond souriant le doux Père : prends ta plume, taille-la, et puis écris ; mais hâte-toi. » A l'heure de None, il manda les prêtres du monastère, et leur rit de petits présents, implorant leur souvenir à l'autel du Seigneur. Tous pleuraient. Lui, plein de joie, [disait : « Il est temps, s'il plaît à mon Créateur, que je retourne à Celui qui m'a fait de rien quand je n'étais pas; mon doux Juge a bien ordonné ma vie ; et voici qu'approche maintenant pour moi la dissolution ; je la désire pour être avec le Christ : oui, mon âme désire voir mon Roi, le Christ, en sa beauté. »
Ce ne furent de sa part jusqu'au soir qu'effusions semblables ; jusqu'à ce dialogue plus touchant que tout le reste avec Wilbert, l'enfant mentionné plus haut : « Maître chéri, il reste encore une phrase.— Écris-la vite. » Et après un moment : « C’est fini, dit l'enfant. —Tu dis vrai, répartit le bienheureux : c'est fini ; prends ma tête dans tes mains et soutiens-la du côté de l'oratoire, parce que ce m'est une grande joie de me voir en face du lieu saint où j'ai tant prié. » Et du pavé de sa cellule où on l'avait déposé, il entonna : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ; quand il eut nommé l'Esprit-Saint, il rendit l'âme (1).
1. Epist. CUTHBERTI.
Lisons la vie du saint moine dans le livre de l'Eglise.
Le prêtre Bède naquit à Yarrow, aux confins de la Grande-Bretagne et de l'Écosse ; âgé de sept ans, son éducation fut confiée à saint Benoît Bishop, Abbé de Wearmouth. Devenu moine, il ordonna de telle sorte sa vie, que se livrant tout entier à l'étude des arts et des sciences, il n'omit jamais rien toutefois des observances de la discipline régulière. Excellemment versé en tous les genres de connaissances, la méditation des divines Écritures fixa néanmoins ses préférences; et pour les mieux comprendre, il se rendit maître de la langue grecque et de l'hébraïque. Ordonné prêtre en sa trentième année par l'ordre de son Abbé, ce fut à la sollicitation d'Acca, évêque d'Hexham, qu'il entreprit alors d'expliquer les saints Livres; il ne le fit qu'en suivant d'aussi près que possible la doctrine des saints Pères, n'avançant rien qu'ils n'eussent eux-mêmes enseigné, et pour ainsi dire reproduisant leur langage. Ennemi constant de l'oisiveté, il ne quittait l'étude que pour la prière, et revenait pareillement de la prière à l'étude ; son cœur s'y embrasait au point que souvent, enseignant ou liant, il fondait en larmes. Ne voulant point être distrait par le souci des choses qui passent, il refusa constamment la charge d'Abbé.
Bientôt une telle réputation de piété et de science s'attachait à son nom, que le Pape saint Sergius eut la pensée de l'appeler à Rome pour y travailler à la solution d'épineuses difficultés qui s'étaient élevées dans l'Église. Il écrivit beaucoup d'ouvrages pour réformer les mœurs des fidèles, pour soutenir et défendre la foi. Grande fut l'estime universelle qu'il s'acquit ainsi : saint Boniface, évêque et martyr, le proclamait la lumière de l'Église; Lanfranc lui donnait le titre de docteur des Anglais, le Concile d'Aix-la-Chapelle celui de docteur admirable. Il arriva que, de son vivant même, on lut publiquement ses écrits dans les Églises, et comme alors on ne pouvait lui attribuer le titre de saint, on lui donnait celui de vénérable qui lui resta toujours depuis. Son enseignement était d'autant plus efficace, qu'il était soutenu de la sainteté de la vie et des vertus religieuses. Aussi ses disciples, qui furent nombreux et remarquables, devinrent-ils, grâce à son zèle et à son exemple, non moins éminents dans la sainteté que dans les lettres et les sciences.
Brisé enfin par l'âge et le labeur, il fut atteint d'une maladie grave. Il la supporta cinquante jours et plus sans interrompre ni ses habitudes de prière, ni son travail d'interprétation des Écritures ; car ce fut en ce temps qu'il traduisit en anglais pour ses compatriotes l'Évangile de saint Jean. La veille de l'Ascension, sentant que la mort approchait, il voulut être muni des derniers sacrements, embrassa ses frères et se fit étendre à terre sur un cilice; redisant alors : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, il s'endormit dans le Seigneur. Son corps exhalant, dit-on, une odeur très suave, fut enseveli dans le monastère de Yarrow, et par la suite transporté à Durham avec les reliques de saint Cuthbert Les Bénédictins, d'autres familles religieuses, des diocèses l'honoraient par avance comme docteur, quand, sur l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, Léon XIII, Souverain Pontife, le déclara docteur de l'Église universelle, décrétant que Messe et Office des Docteurs seraient désormais récités par tous au jour de sa fête.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ! C'est le chant de l'éternité ; l'ange et même n'étaient pas, que Dieu, dans le concert des trois divines personnes, suffisait à sa louange : louange adéquate, infinie, parfaite comme Dieu, seule digne de lui. Combien le monde, si magnifiquement qu'il célébrât son auteur par les mille voix delà nature, demeurait au-dessous de l'objet de ses chants ! Toutefois la création elle-même était appelée à renvoyer au ciel un jour l'écho de la mélodie trine et une ; lorsque le Verbe fut devenu par l'Esprit-Saint fils de l'homme en Marie comme il l'était du Père, la résonance créée du Cantique éternel répondit pleinement aux adorables harmonies dont la Trinité gardait primitivement le secret pour elle seule. Depuis, pour l'homme qui sait comprendre, la perfection fut de s'assimiler au fils de Marie afin de ne faire qu'un avec le Fils de Dieu, dans le concert auguste où Dieu trouve sa gloire.
Vous fûtes, ô Bède, cet homme à qui l'intelligence est donnée. Il était juste que le dernier souffle s'exhalât sur vos lèvres avec le chant d'amour où s'était consumée pour vous la vie mortelle, marquant ainsi votre entrée de plain-pied dans l'éternité bienheureuse et glorieuse. Puissions-nous mettre à profit la leçon suprême où se résument les enseignements de votre vie si grande et si simple !
Gloire à la toute-puissante et miséricordieuse Trinité ! N'est-ce pas aussi le dernier mot du Cycle entier des mystères qui s'achèvent présentement dans la glorification du Père souverain par le triomphe du Fils rédempteur, et l'épanouissement du règne de l'Esprit sanctificateur en tous lieux ? Qu'il était beau dans l'Ile des Saints le règne de l'Esprit, le triomphe du Fils à la gloire du Père, quand Albion, deux fois donnée par Rome au Christ, brillait aux extrémités de l'univers comme un joyau sans prix de la parure de l'Épouse! Docteur des Angles au temps de leur fidélité, répondez à l'espoir du Pontife suprême étendant votre culte à toute l'Église en nos jours, et réveillez dans l'âme de vos concitoyens leurs sentiments d'autrefois pour la Mère commune.
(L’Année Liturgique, dom Guéranger)
Dernière édition par ROBERT. le Dim 16 Mar 2014, 8:31 pm, édité 1 fois (Raison : mise en forme)
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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