Lettre collective des Evêques allemands au clergé du 10 décembre 1907

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Lettre collective des Evêques allemands au clergé du 10 décembre 1907 Empty Lettre collective des Evêques allemands au clergé du 10 décembre 1907

Message  FRANC Jeu 21 Fév 2013, 8:10 pm

Lettre collective des Evêques allemands au clergé du 10 décembre 1907 ( à propos de l'Encyclique Pascendi )
(1) Traduction française de la Revue ecclésiastique de Metz
« LES ÉVÊOUES ALLEMANDS, ASSEMBLES A COLOGNE, AU CLERGÉ DE LEURS
DIOCÈSES, SALUT ET BÉNÉDICTION EN NOTRE SEIGNEUR.
Vénérables frères,
Le trésor de la vraie foi est si cher à l’Église et à ses enfants fidèles qu'ils y veillent comme à la prunelle de leurs yeux, tandis que les chrétiens tièdes en font souvent peu de cas, et plusieurs même
ne l'acceptent qu'à contre-coeur comme un pesant fardeau. Pourtant celui-là seul qui l'a apporté dans le monde en a connu le prix. C'est Lui, Jésus-Christ, l'Homme-Dieu, qui pour rendre à Dieu son Père, au nom de l'humanité, une digne action de grâces pour ce don du ciel tressaillit dans le Saint-Esprit en s'écriant : « Je vous loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que vous les avez révélées aux petits, Oui, Père, je vous loue de ce que vous l'avez voulu ainsi. Toutes choses m'ont été données par mon Père, et personne ne connaît qui est le Fils, si ce n'est le Père et celui à qui le Fils aura voulu le révéler ». (2) Luc, 10, 21, 55. Et tout en glorifiant l'Auteur de ce don, Il proclamait bienheureux ceux qui le reçoivent. Se tournant vers ses disciples Il dit : « Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez ». (3) Luc, V, 23. Au prix qu'Il attache au don divin correspondent d'une part la
constance et l'ardeur du zèle qu'Il met à l'offrir aux âmes, sans cesse préoccupé de rendre témoignage à la vérité (1) Joan., 8, 37. , de dire et d'enseigner ce que le Père Lui a commandé (2) Joan., 12, 49. ; et d'autre part le soin qu'il prend pour que ce don ne puisse être ravi à l'humanité, mais qu'il soit offert à tous les temps et à toutes les générations, préservé à jamais de
tout amoindrissement et de toute altération.
Bien des fois déjà, vénérables frères. Nous avons, remplis d'un saint étonnement, contemplé l'ensemble des institutions pleines de prévoyance dues à cette divine sollicitude et douées par elle d'une vie immortelle! Plus nous cherchions à comprendre cette grande œuvre de la divine sagesse, plus nous reconnaissions clairement dans notre sainte Église, Jésus-Christ qui continue à vivre et à enseigner sur la terre, son alter ego, revêtu de son autorité doctrinale, dirigé par son Esprit, tenant de Lui le dépôt de la foi, établi par Lui sur le roc de la perpétuité, de l'indéfectibilité et de l'infaillibilité contre lequel les portes de l'enfer ne sauraient prévaloir.
Et quel délicieux sentiment d'assurance et de sécurité nous inondait alors ! Au milieu d'une mer agitée de doctrines, d'hypothèses, d'opinions, de théories scientifiques toujours changeantes et contradictoires, être assuré d'avoir une autorité divinement infaillible qui nous dirige dans le domaine des vérités les plus hautes et nous fournit encore dans tous les domaines de la vie intellectuelle une boussole sûre et une étoile directrice! Comme Nous, vénérables frères,
vous appréciez pleins de reconnaissance ce don précieux et ce bonheur inestimable. Vous partagez avec Nous la conviction que tout catholique doit, quant à la foi et à la doctrine comme dans la pratique et la conduite de la vie, tenir ferme toujours au dogme du magistère infaillible de l’Église avec toutes ses conséquences doctrinales et pratiques, qu'elles soient fixées avec autorité par les décisions de ce magistère lui-même ou qu'elles soient le résultat clair et précis de la science théologique, vérités qui toutes vous sont bien connues.
Avec Nous vous tiendrez pour insensé et dangereux tout essai qu'on ferait pour tracer des limites à l'exercice du magistère infaillible en suivant son esprit propre et son caprice, ou pour faire dépendre sa foi d'une conception personnelle ou de l'état changeant de nos dispositions
et impressions intimes, ou encore pour la restreindre aux vérités nommément définies, ou enfin pour violenter ces dogmes par une interprétation arbitraire. Vous ne reconnaîtrez point l'obéissance de
la foi là où l'on veut se contenter d'une soumission purement extérieure à la doctrine de l’Église et aux décisions du magistère ecclésiastique, se bornant à ne point le contredire, et à garder un silence
obséquieux, obéissant par crainte et à contre-coeur. Non, vous voudrez que tout chrétien ait en toute chose vis-à-vis de la sainte Église et de son magistère une disposition profonde de foi et 'obéissance
pleinement volontaire et joyeuse, pénétré du respect que nous devons à l'action manifeste de l'Esprit-Saint auquel on ne pourrait contredire ni résister sans péché. Et quand le chef suprême du magistère avec la primauté d'enseignement qu'il possède fait retentir sa voix pour instruire, éclairer, exhorter et avertir toute la chrétienté, c'est à nous de l'écouter pleins de confiance et de joie, fermement assurés que cette voix annonce la vérité et l'évangile du salut.
Que de fois ne l'avons-nous pas entendue de nos jours! N'a-t-elle pas retenti fortement à nos oreilles et dans nos cœurs par l'Encyclique du 8 septembre 1907 : Pascendi dominici gregis ? Oui vraiment, toute la terre en a résonné et sa parole a porté jusqu'aux extrémités du monde (1) Rom., 10, 18. Des voix irritées y ont fait écho aussitôt et on les entendit protester contre l'asservissement des esprits et la tyrannie imposée aux consciences, proclamer insupportable cette intolérance et ces entraves mises à la liberté. Mais nous savons ce qu'il faut penser de tout cela ; un tel langage n'appartient qu'à des hommes qui ne peuvent point comprendre la parole paternelle du Pasteur des fidèles, ou encore à des hommes qui n'ont porté sur l'encyclique qu'un regard troublé par des préjugés, qui n'en ont pris peut-être qu'une connaissance partielle, ou même ne l'ont point lue.
Pour Nous, nous y avons reconnu la voix d'un zèle ardent à sauvegarder notre héritage le plus précieux, à conserver intact le dépôt sacré de la foi ; le jugement clair et sans ambages de celui qui, dominant de très haut tous les courants d'idées vaporeux ou obscurs et en ayant découvert l'origine et le fond dangereux, nous en révèle la véritable nature ; la sainte indignation que lui inspirent d'audacieuses tentatives faites pour introduire secrètement et frauduleusement dans l'essence même de notre sainte foi des erreurs modernistes, qui ruineraient l'autorité de l’Église ; le battement ému d'un cœur de père plein d'angoisse et de tristesse pour beaucoup de ses enfants.
C'est là ce qui fixe sur cette encyclique de notre Saint Père toute notre attention et nous oblige à l'accepter avec reconnaissance et dans une entière soumission. Plus vous approfondirez, vénérables
frères, cette lettre dictée par une connaissance qui embrasse toute la situation du monde religieux et de l’Église, plus vous pèserez sans parti-pris, mais avec votre amour pour l’Église, les causes qui l'ont provoquée, et plus vous comprendrez combien il était nécessaire que le Docteur suprême établi par Dieu dans l’Église élevât sa voix en faveur de la conservation pleine, intacte et sans mélange de l'éternelle vérité révélée par Dieu.
Gardons-nous donc de nous soustraire à la force de ses décisions en prétendant ou en prétextant qu'elles ne s'appliquent en réalité qu'à d'autres pays. Nous pouvons sans doute nous consoler à la pensée que le système de doctrines décrit et condamné par l'encyclique n'est représenté et soutenu dans toutes ses parties et jusque dans ses dernières conséquences par aucun catholique d'Allemagne soit laïque soit ecclésiastique. Mais chez nous aussi il est à craindre qu'on ne s'engage insensiblement dans la voie de ces fausses théories.
Voilà pourquoi Nous vous recommandons d'étudier à fond cette encyclique Pascendi qui ouvre de si vastes horizons et répond à des préoccupations si actuelles, ainsi que le décret de la Sainte Inquisition du 3 juillet 1907 ; faites-en l'objet des discussions les plus approfondies dans vos conférences cantonales. Ces deux actes si importants du Saint-Siège vous donneront une vue complète des erreurs qui menacent précisément à notre époque le dépôt de la foi et, en
vous prémunissant vous-mêmes contre ce poison, ils vous mettront en état d'en préserver les autres. Vous saisirez ensuite avec joie les occasions d'en donner une juste intelligence, selon qu'il en sera besoin et que vous en aurez le moyen, au peuple fidèle et surtout aux classes plus instruites, et de réagir contre les interprétations si étranges qu'on en a faites.
Car, on ne peut le méconnaître, un esprit de nouveauté, de doute et de négation cherche de plus en plus à répandre partout son influence malfaisante dans le domaine de la pensée et de la recherche,
même en matière religieuse. Cette influence se manifeste dans le désir impatient de trouver de nouvelles formes pour la conscience religieuse et de donner une empreinte nouvelle aux manifestations de la vie religieuse. A cela s'ajoute le mépris de ce qui est ancien et reçu depuis longtemps, le dédain de la tradition, parfois même le refus formel de la soumission confiante à la doctrine de l’Église et aux décisions du magistère ecclésiastique.
Beaucoup se plaisent à ne chercher d'autre fondement à la certitude de leurs convictions religieuses que dans le sentiment personnel, et non dans la grâce de Dieu et l'institution divine du magistère
infaillible. Bien plus ils cherchent formellement à pactiser avec les doctrines opposées, proposent des compromis aux dépens de la vérité, découvrent dans le dépôt de la foi des « positions perdues »,
dont l'abandon est sans danger pour le salut, et qu'il est même nécessaire de sacrifier. Quand cet esprit de recherche, méconnaissant sa force et ses limites, s'aventure sur le terrain religieux, sa fausse critique y fait de grands ravages. Il y a pour la « libre recherche » n plaisir à s'exposer à l'erreur, et elle s'en fait une gloire, abusée qu'elle est par l'espoir de servir ainsi au progrès de la science. Voilà aussi ce qui enlève à bien des milieux catholiques l'assurance d'une pensée bien dirigée, la sincérité des convictions, l'élan joyeux de la croyance, la confiance dans l’Église et dans l'Autorité ecclésiastique. Ils ne veulent point qu'elle les importune, et pendant qu'ils réclament de sa part une pleine confiance, ils n'ont pour elle qu'une défiance ombrageuse et craintive. Ses avertissements et ses remontrances, ils les récusent, et quand enfin elle est contrainte à prendre
contre eux des mesures énergiques, ce sont des plaintes sans fin sur son intolérance qui asservit les esprits, des appels contre elle à l'autonomie de la pensée, du sentiment, de la volonté et de l'action,
alors que d'ordinaire ils supportent eux-mêmes si impatiemment tout ce qui ne pense pas comme eux. Ils n'ont plus ni estime, ni respect pour le magistère ecclésiastique, dont ils méconnaissent absolument la nature et l'origine surnaturelle.
Il en est bien parmi eux qui prétendent, et peut-être le croient-ils sincèrement, n'obéir en cela qu'au désir de servir la cause de l’Église, de lui rendre son prestige dans le monde et d'attirer le plus d'hommes possible au royaume de Dieu. Mais on ne peut servir utilement l’Église qu'en lui obéissant et en la prenant pour guide.Ce n'est que par l'union avec Elle et l'accord avec sa doctrine que le travail devient fructueux pour le règne de Dieu et le salut de l'humanité. Il y a des oppositions qu'on ne peut songer à réduire ; l'esprit chrétien ne se concilie point avec l'esprit du monde qui ne veut point de Dieu, le christianisme avec l'antichristianisme, la vérité avec l'erreur; tenter
néanmoins cette conciliation, c'est ordinairement compromettre la vie de la foi en sa propre âme. C'est une illusion que d'espérer par un christianisme modernisé conduire au salut des hommes
« modernes ». Ceux qui prennent un tel chemin pour trouver le Sauveur et Lui amener d'autres âmes sont condamnés par le Sauveur lui-même: « Vous me chercherez, et vous ne me trouverez point » (1) Joan., 7, 34. Ils cherchent le Sauveur, mais point là où Il a promis de se trouver; ils le cherchent avec la lumière insuffisante de l'intelligence humaine, et non point à la clarté et dans la pleine lumière de la foi ; ils Le cherchent auprès des sages et des savants d'un monde qui s'est détourné de Dieu, et non point auprès de celle que Dieu a établie pour nous enseigner avec infaillibilité — l’Église. Aussi la menace du Maître ne cesse-t-elle de s'accomplir en eux: « Vous ne me trouverez point » !
Tels sont les symptômes et les premiers accès de modernisme que l'on trouve parfois jusque parmi nous; à ces indices et d'autres semblables ajoutons ce besoin malheureusement grandissant qu'on
éprouve de critiquer et de réformer étourdiment, sans mission, sans jugement ni droiture, sans les connaissances suffisantes, besoin qui forme vraiment la maladie de notre époque, et à qui aucune autorité ne saurait en imposer; les institutions les plus vénérables doivent s'adapter à la « conscience moderne » ; l'organisation et l'administration de l’Église doivent faire place à un parlementarisme et à des formes démocratiques inconciliables avec sa constitution ; et on ne craint pas de lancer, à la plus grande joie de nos adversaires, dans des feuilles publiques et des revues, même hostiles à l’Église, de ces élucubrations irréfléchies, sans respect pour les supérieurs et les institutions ecclésiastiques.
En ce qui Nous regarde, vénérables frères, nous pouvons certes tenir à honneur et à profit de porter l'opprobre de Jésus-Christ (2) Hebr.. 13, 13., nous consolant avec l'apôtre : Mihi pro minimo est ut a vobis judicer, aut ab humano die ; qui autem judicat me Dominus est (3) I Cor., 4, 3-4. Mais ce qui Nous peine profondément, c'est de voir même en certains prêtres cet esprit de mécontentement, de critique, de mépris de l'autorité, qui les égare jusqu'à confier à des journaux, même anticatholiques, des critiques aussi violentes qu'injustes contre des institutions et des supérieurs ecclésiastiques, jusqu'à en venir à une opposition radicale et à s'appuyer sur les ennemis de l’Église pour en imposer à l'autorité ecclésiastique ou pour venger des droits qu'ils prétendent lésés ou des espérances trompées. Vous sentez comme Nous ce qu'une telle conduite a de peu honorable, quelle flétrissure elle entraîne pour ceux qui s'y laissent aller, mais aussi de quelle confusion elle couvre le clergé tout entier, quel tort elle fait à notre cause en ces temps difficiles par la désunion qu'elle produit. Qui non colligit mecum dispergit (1) Luc, II, 23. Que ces égarés se souviennent de la
malédiction que le Chef de l’Église a appelée sur tous ceux qui donnent du scandale (2) Matth., 18,7. et que les bons s'unissent pour empêcher ce désordre de prendre racine parmi nous !
Est-il besoin, bien-aimés frères, d'insister sur l'assurance de notre parfait accord à tous dans la résolution de combattre en toute conscience et de toutes nos forces les erreurs modernes, si absolument opposées à la doctrine de Jésus-Christ et par lequelles on cherche, ouvertement ou avec dissimulation, sciemment ou inconsciemment, à ruiner l’Église du Christ? C'est notre devoir le plus rigoureux et ce sera l'objet de nos soins les plus assidus et les plus attentifs, que d'empêcher qu'aucune parcelle des vérités éternelles ne soit atteinte ou que la pureté de la doctrine ne soit troublée. Nous veillerons spécialement comme à la prunelle de notre œil sur les candidats au sacerdoce, pour qu'ils reçoivent dès le début une instruction aussi solide que complète dans les vérités qui demeurent, afin qu'ils enseignent un jour au peuple fidèle ces mêmes vérités, et non point des doctrines changeantes ou des opinions humaines, |fruit d"une incertaine et douteuse évolution de la pensée. C'est cette sollicitude qui remplit le cœur de notre Saint Père le Pape, et nous la partageons avec lui.
Mais ce serait méconnaître les intentions de Pie X, et rien ne serait plus opposé aux nôtres que de déduire de son encyclique ou de notre lettre pastorale une proscription de l'étude, un esprit de suspicion contre le travail scientifique. Nous mettons notre gloire à avoir un clergé formé à la science et soucieux de s'y former de plus en plus. Notre confiance aussi bien que notre reconnaissance va vers ces hommes de science, qui dans nos facultés théologiques et nos séminaires
s'emploient avec zèle et dans l'union la plus étroite avec le magistère ecclésiastique, à introduire les candidats au sacerdoce dans le vaste domaine de la théologie, leur inspirent le goût d'un
travail personnel dans toutes les branches du savoir et les forment aux méthodes scientifiques. Nous n'avons pas moins à cœur de voir l'étude garder sa place dans le plan de vie et le règlement journalier de nos prêtres, depuis leur jeunesse sacerdotale jusqu'à leurs dernières années. Car, nous le savons, l'étude sérieuse est par elle-même un préservatif contre le besoin irréfléchi de critiquer, contre l'envahissement du modernisme, contre la jonglerie des phrases creuses, des notions vagues, des idées et des sentiments nuageux, qui cause aujourd'hui tant de mal. Assurément cette étude doit être approfondie ; elle doit porter principalement, cela va de soi, pour un théologien et un prêtre, sur la théologie dont le fonds est inépuisable. D'ailleurs un travail personnel, sûr et fécond, en matière théologique, qu'il s'agisse de recherches à faire, de progrès à réaliser ou d'enseignement à donner, est impossible à quiconque n'aura pas reçu une formation préliminaire sérieuse et systématique. Or, il n'est douteux pour aucun homme de science et d'expérience que cette formation est impossible sans le secours de la philosophie et de la théologie scolastique classique, surtout celle du grand maître saint Thomas d'Aquin.
Mais le champ des autres sciences nous reste également ouvert, et rien n'est plus éloigné de notre pensée que de dire : « n'y touchez point, ne goûtez point, ne maniez point » (1) Coloss., 2, 21., ou de vouloir imposer à la liberté des travailleurs une tutelle mesquine ou des restrictions pleines d'étroitesse. Notre devoir n'est pas seulement de garder fidèlement les vérités révélées, mais encore d'en développer l'intelligence et l'explication par un progrès incessant dans l'étude. Tout ce qui
nous offre pour cela un moyen ou un secours, un stimulant ou une confirmation, toute lumière nouvelle, tout ce qui élargit notre horizon, tout résultat acquis par la science, sera accueilli par Nous avec reconnaissance et avidité, et nous l'utiliserons au service de l'éternelle vérité. Oui, c'est avec un libre et joyeux entrain que vous pourrez diriger vos études aussi bien que votre enseignement
dans le domaine de l'intelligence. Mais n'oubliez jamais que nous avons tous et en tout à nous soumettre à l'éternelle vérité, que celle-ci n'enchaîne point vos esprits, mais les affranchit : « La vérité vous rendra libres » (2) Joann., 8, 32. La précautionner contre l'erreur, c'est apporter
un secours et non point une gêne à la recherche scientifique, de même qu'un indicateur et des barrières placés au bord du chemin ne sont point un obstacle, mais une protection pour le voyageur
de la montagne. Vous vous souviendrez toujours que la surveillance de l'enseignement théologique et de l'instruction qui est donnée au peuple tant en chaire qu'au catéchisme est pour l'Évêque tout à la fois un droit inaliénable et une obligation rigoureuse ; c'est de lui seul que peut provenir la mission d'enseigner et dans les chaires de théologie et dans l'exercice du ministère ecclésiastique.
Ce Nous est un grand soulagement dans notre sollicitude de voir votre zèle et le soin si consciencieux que vous mettez à distribuer abondamment au peuple de Dieu, en toute patience et doctrine (1) II Tim., 4, 2. , le pain salutaire de l'esprit, l'aliment pur de la vérité révélée par
Jésus-Christ et transmise par l’Église, et la consolation des Saintes Écritures (2). Rom., 15, 4.
Persévérez dans ce zèle et travaillez à l'augmenter encore. C'est une nécessité qui ressort visiblement des symptômes que nous observons chez beaucoup de laïques instruits : catholiques fidèles, l'encyclique leur a néanmoins inspiré une certaine inquiétude: ils se demandent
si elle n'est pas une menace pour leurs aspirations scientifiques et pour la liberté de leur pensée et de leurs recherches, comme si l'EgIise voulait leur interdire ou leur rendre impossible la coopération
à l’œuvre civilisatrice de l'humanité. Puissent-ils tous reconnaître combien ces craintes sont injustifiées! L’Église ne veut mettre de barrières qu'à une seule liberté, la liberté de l'erreur. Que si parfois elle élève la voix pour quelque avertissement sévère et quelques prescriptions rigoureuses, la cause n'en est pas autre que son attachement à ce principe : la vérité au-dessus de tout. A aucune
époque l’Église ne s'est opposée au vrai progrès de la civilisation, mais bien à ce qui fait obstacle à ce progrès : l'irréflexion, la précipitation, la recherche des nouveautés, une répulsion malsaine pour
la vérité qui vient de Dieu. Mais c'est librement et sans entraves que nous pouvons, nous catholiques, entrer de toutes nos forces et avec tout notre talent dans la carrière pacifique où les esprits poursuivent à l'envi leurs nobles travaux et leur véritable perfectionnement. Oui, « tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui aimable, tout ce qui est honorable, tout ce qui est vertueux, tout ce qui est estimable dans la conduite » (3) Phil ., 4, 8. — avec cette royale liberté que seule la vérité peut donner, nous voulons le saisir, l'accroître, nous l'assimiler, le mettre en œuvre ; c'est ce fruit de nos études, illuminé des clartés de la vraie foi, fécondé par la prière et la grâce d'en-haut, que nous voulons enchâsser comme l'élément le plus précieux dans l'édifice grandiose de la civilisation moderne. Oui, vénérables frères, où ces âmes en quête de vérité trouveront-elles leur guide, sinon dans un clergé hautement estime pour sa science? Et ces autres âmes que le faux éclat d'une science impie mais tapageuse ou les brillantes illusions du modernisme menacent d'égarer en les arrachant au joug salutaire de la foi et de l’Église, pour elles aussi, c'est au clergé à pourvoir en toute patience et charité à les ramener à l'union dans une pleine confiance à l’Église et à son magistère, leur faisant comprendre que, sans la foi, tout savoir et toute science restent incomplets, impuissants à résoudre les questions les plus importantes de la vie et à répondre au besoin de lumière et de salut qui tourmente l'âme humaine.
Certes, plus qu'à toute autre époque il est important et nécessaire que le clergé forme une unité compacte. La prière ut omnes unum sint (1) Joan. 17, 20, que faisait le Sauveur à la veille de son sacrifice suprême, avait assurément pour premier objet les pasteurs de l’Église ; cette
union doit être également pour nous un objet de prières continuelles, de vifs désirs, de généreux efforts ; nous y consacrons volontiers nos peines et nos sacrifices, tout notre amour et tous nos soins. Mais Nous ne pouvons comprendre comment, ici ou là, on s'est imaginé que le clergé manquait de l'organisation nécessaire à une entente parfaite et à une action commune, et qu'il y avait à la créer d'abord sous une forme moderne d'association. Nous possédons une organisation
qui a supporté l'épreuve des siècles et qui jusqu'ici a suffi à toutes les exigences. Nous avons sous la sanction de l’Église le groupement que constitue chaque diocèse, ayant dans l’Évêque son centre
vital, et dans le cadre diocésain les groupements des cantons ou doyennés (archiprêtrés), avec leurs conférences obligatoires ou libres. Nous avons assez de moyens pour nous entendre réciproquement, éveiller l'attention de tous sur ce qui intéresse les sciences, pour délibérer ou nous récréer en commun, établir l'unité de but et d'action sur le terrain pastoral, charitable, social et en tout ce qui concerne notre état. Il n'est donc besoin que d'utiliser convenablement ces moyens et d'animer ces groupements organiques par un souffle intense et inépuisable de vie intellectuelle et de charité active.
Nous sommes convaincus que ni les exigences du temps ni les besoins du clergé ne réclament de nouvelles associations, et l'expérience d'autres pays nous apprend qu'il peut y avoir là une source
d'égarements et de divisions, au lieu d'un facteur d'unité ; c'est pourquoi Nous avons décidé à l'unanimité de ne point tolérer d'autres associations sacerdotales que les associations à caractère religieux, ou celles qui ont pour but de procurer des secours en cas de maladie, de mort, d'incendie ou autres semblables.
Bien-aimés Frères, des premiers temps du christianisme un cri a retenti jusqu'à nous: Divisiones fugite ut principium malorum, omnes Episcopo obtemperate (1) S Ignace ad Smyrn c. 7.; sine Episcopo nihil facile (2) ad Philad c.7. C'est la parole d'un saint évêque hautement vénéré dans l’Église dès ses premiers jours, parole inspirée non par l'égoïsme ou l'ambition, mais par le désir profondément senti de voir régner la charité , la paix et l'union dans le ministère pastoral. Tel est aussi notre désir le plus ardent. Spiritu ferventes, Domino servientes, spe gaudentes,
in tribulatione patientes, orationi instantes (3) Rom 12, II 88. Restons unis quoi qu'il arrive, et que de cette union dans la vie, l'enseignement, l'action, la souffrance, s'élève comme un concert de sainte harmonie, selon la belle parole du même saint martyr et disciple des apôtres :
« Memorabile vestrum presbyterium, dignum Deo, ita coaptatum est Episcopo ut chordae citharae ; propter hoc in consensu vestro et concordi caritate Jésus Christus canitur; sed et vos singuli chorus
estote, ut consoni per concordiam, melos Dei recipientes in unitate cantetis voce una per Jesum Christum Patri » (4) Ad Ephes. c. 4.
Cologne, le 10 décembre 1907 »
(Suivent les signatures)
in Le Canoniste contemporain Paris 1908
http://archive.org/stream/lecanonisteconte1908pari#page/268/mode/2up
FRANC
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Date d'inscription : 31/10/2011

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