Biens qui produisent la dévotion : les images, les portraits des saints, les oratoires et les cérémonies religieuses

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Message  Roger Boivin Mar 05 Fév 2013, 10:46 pm



CHAPITRE XXXIV.

Des biens spirituels agréables qui peuvent être l'objet clair et distinct de la volonté. — Combien il y en a de sortes.


Nous pouvons réduire à quatre tous les genres de biens, dont la volonté peut distinctement se réjouir. Les premiers nous portent à la dévotion, les seconds nous y provoquent, les troisièmes nous dirigent vers ce but, enfin les derniers nous y perfectionnent. Nous en traiterons dans l'ordre qui vient d'être énoncé.

Les biens qui produisent la dévotion : sont les images, les portraits des saints, les oratoires et les cérémonies religieuses. Il peut se glisser beaucoup de présomption et de vanité dans les images et les tableaux des saints. Néanmoins ils ont une grande importance relativement au culte divin, et ils sont d'une grande utilité pour exciter la volonté à la ferveur. L'approbation de notre Mère la sainte Église et l'usage qu'elle en fait, en sont une preuve incontestable. Aussi est-il toujours fort à propos de s'en servir pour sortir de notre tiédeur. Mais, hélas ! on ne voit que trop souvent des personnes d'une piété mal entendue, placer leur satisfaction dans la peinture et dans la décoration extérieure, au lieu de s'attacher à l'objet de ces représentations.

La sainte Église se propose une double fin dans le culte des images : d'abord d'honorer par elles les saints, puis d'exciter la volonté et de réveiller la dévotion des fidèles. Quand les images pieuses font atteindre ce but, elles sont d'un grand profit et leur usage est vraiment utile. C'est pourquoi on doit choisir de préférence celles dont la représentation est plus saisissante, et porte la volonté à une dévotion plus ardente. On doit placer ce motif en première ligne, et reléguer au second rang l'habileté du travail et la valeur de l'ornementation ; comme je l'ai dit, plusieurs personnes font le contraire, et considèrent dans l'image plutôt sa valeur et sa beauté artistique, que l'objet invisible quelle représente. Quant à la dévotion intérieure et spirituelle, il n'en est pas question ; ces soi-disant dévots dépensent toute leur affection dans une recherche curieuse où se complaisent les sens. La joie et l'amour de la volonté restent alors absorbés dans ce plaisir, tandis que la véritable vie de l'esprit, qui détruit l'affection aux choses sensibles et distinctes, se perd absolument par cette conduite.

N'y a-t-il pas de quoi gémir, en voyant l'usage étrange, adopté par certaines personnes de notre temps, encore éprises des vanités de ce monde ? Elles ornent les images des saints de vêtements inventés par la mode, et s'en font un passe-temps pour contenter leur légèreté. Elles osent les affubler de parures qui seraient répréhensibles pour elles-mêmes, et contre lesquelles les saints ont toujours protesté. Le démon est d'accord avec ces personnes pour canoniser ainsi leurs vanités, en couvrant de leur luxe les statues des saints ; n'est-ce pas là plutôt leur faire une insolente injure ? C'est ainsi que s'éteint la piété solide et sérieuse, qui tend à rejeter toute vanité et à en éloigner même l'apparence. La dévotion ne consiste plus maintenant qu'en des ornements superflus, et en des soins curieux à l'égard des images et des statues artistement sculptées, dans lesquelles l'âme met la joie de son cœur.

Vous verrez d'autres personnes qui ne se lassent pas d'entasser images sur images ; elles exigent qu'elles soient travaillées de telle manière, placées de telle et telle sorte et non pas autrement ; à tout prix leurs sens doivent être satisfaits, et en résumé la dévotion de leur cœur est presque nulle. Leur attachement à ces objets ressemble à celui de Michas et de Laban pour leurs idoles ; le premier sortit de sa maison en jetant les hauts cris parce qu'on les lui enlevait ; et le second, après avoir parcouru un long chemin, et s'être mis dans une violente colère à leur sujet, bouleversa toute la tente de Jacob pour les retrouver.

Une piété vraie fait de l'invisible l'objet principal de sa dévotion ; elle n'a pas besoin d'un grand nombre d'images, et encore s'en sert-elle fort peu. Dans ce choix, elle donne la préférence à celles qui élèvent la pensée vers les choses futures, au lieu de l'abaisser vers les inanités d'ici-bas. Si elle les pare, c'est avec modestie et cependant selon leur dignité actuelle, gardant pour elle-même une semblable ligne de conduite. Elle évite ainsi, non seulement que ses désirs soient émus par la figure de ce monde, mais encore elle ne veut pas que ces images lui en rappellent même le souvenir, offrant à ses regards des ajustements conformes aux frivolités humaines.

Loin d'attacher son amour aux images dont elle se sert, elle s'afflige fort peu si on les lui enlève, car son unique ambition est de considérer dans le sanctuaire intime de son cœur, l'image vivante qui est le Christ crucifié, et elle se réjouit en lui de se voir privée de tout. Lui soustrait-on les moyens les plus efficaces en apparence pour la porter à Dieu, sa paix n'en est pas troublée. D'ailleurs il y a une plus grande perfection à conserver une joyeuse tranquillité dans la privation de ces secours, qu'à s'y attacher passionnément. Je ne nie pas qu'il ne soit bon d'avoir recours aux images, pour favoriser la ferveur, au contraire, j'engage à choisir toujours celles qui nous y portent davantage ; mais c'est une imperfection d'y être attaché avec esprit de propriété, au point de s'attrister si on nous les retire.

Plus le cœur tient à une image ou à un secours sensible, moins il peut s'élever vers Dieu dans l'oraison. Parmi les images, celles qui représentent leur sujet avec plus de fidélité, provoquent sans doute davantage la dévotion ; il convient donc de préférer les unes aux autres, uniquement en vue de ce motif. Mais il faut toujours éviter l'esprit de propriété, afin que l'âme traverse ces intermédiaires sans s'y arrêter, et monte vers Dieu, libre de tout obstacle. Cette manière d'agir retire aux sens les secours sensibles, dans la jouissance desquels ils s'absorbent. Tous ces moyens sont des degrés, qui nous sont donnés pour gravir la montagne de la perfection ; malheureusement, ils deviennent par notre faiblesse un obstacle non moins considérable, peut-être, que l'attache à tout autre objet.

Quelque difficile qu'il puisse être de comprendre cette doctrine du dénûment et de la pauvreté d'esprit indispensable à la perfection, en ce qui concerne le culte des images, au moins sera-t-on forcé de reconnaître l'imperfection très commune qui se glisse dans le choix des rosaires ou des chapelets. Il est fort rare de trouver une personne qui n'ait à déplorer quelque faiblesse à ce sujet. On désire les avoir de telle forme et non de telle autre d'une certaine couleur, d'un métal de préférence à un autre, avec tel ou tel ornement, etc. Cependant Dieu n'écoute pas plus favorablement les prières faites avec celui-ci qu'avec celui-là ; la matière de l'objet n'est donc d'aucune importance. Les seules prières assez puissantes pour pénétrer les cieux, sont celles d'une âme simple et droite, dont l'unique prétention est le bon plaisir divin, et qui n'estime un chapelet qu'en raison des indulgences dont il est enrichi. Telle est la nature de notre vaine cupidité, qu'elle est ingénieuse à se forger des chaînes de tout. Aussi pouvons-nous la comparer au ver rongeur qui attaque les parties saines, et n'épargne dans son travail destructeur ni le bon ni le mauvais.

Que signifie votre prédilection pour ce chapelet artistement travaillé, et pourquoi voulez-vous qu'il soit de cette matière et non pas d'une autre, si ce n'est pas pour chercher à satisfaire ainsi votre goût ? Pourquoi choisissez-vous cette image de préférence à celle-là, par le motif futile de son prix et de sa beauté, sans songer si elle allumera en vous le feu de l'amour divin ? Certes, si vous employiez toute l'énergie de votre joie à plaire uniquement au Seigneur, ces accessoires vous seraient tout à fait indifférents. Qu'il est douloureux de voir des personnes spirituelles attachées au détail de ces moyens, à la forme et au travail de ces objets, ne se préoccuper que de satisfaire leur curiosité et leur vaine frivolité ! Jamais vous ne les verrez contentes ; elles laissent les uns pour prendre les autres, c'est un échange continuel où l'esprit de dévotion se perd. Croyez-le, l'attache de la propriété ne change pas de caractère pour changer d'objet ; elle est toujours mauvaise, soit qu'elle se porte sur ces biens spirituels ou sur les biens temporels. Dieu seul connaît la grandeur des dommages que les âmes en éprouvent !


Vie et oeuvres spirituelles de Saint Jean de la Croix - tome III, p. 179 :

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Biens qui produisent la dévotion : les  images, les portraits des saints, les oratoires et  les cérémonies religieuses Empty De ce qui concerne les saintes images, suite. — Ignorance de certaines personnes à cet égard

Message  Roger Boivin Mar 05 Fév 2013, 10:48 pm



CHAPITRE XXXV.



De ce qui concerne les saintes images, suite. — Ignorance de certaines personnes à cet égard.



On pourrait écrire à l'infini sur le peu d'intelligence que plusieurs personnes apportent dans l'appréciation des images. Parfois l'ineptie est poussée si loin, qu'il se trouve des âmes dont la confiance se base sur le plus ou moins de sympathie que leur inspire la figure représentée sur telle ou telle image. C'est se méprendre grossièrement sur les relations qui doivent exister entre l'âme et Dieu, et sur le culte et l'honneur qui lui sont dus. Nous le savons, sa souveraine Majesté considère avant tout la foi, la pureté du cœur qui le prie. S'il accorde souvent plus de faveurs à la vénération d'une image, de préférence à une autre toute semblable, mais où l'art aurait déployé plus de talent, c'est afin de réveiller la ferveur des fidèles. De même, lorsque Dieu opère des miracles et accorde des grâces particulières devant tel tableau, c'est dans le but de raviver par ce prodige nouveau la dévotion et la piété languissantes. La ferveur se rallume en effet, et les prières persévèrent. Or, comme c'est là une double condition pour rendre Dieu favorable à nos demandes, il continue à les exaucer et à faire des miracles, dans la mesure de la foi et de l'espérance que nous avons en lui, et de la confiance que nous témoignons à ce saint.

La différence de formes, ou la beauté matérielle de l'image ne doit pas captiver votre attention, ni augmenter votre piété : celles qui raniment davantage la dévotion méritent seules d'attirer votre préférence. Agir autrement serait, je le répète, une véritable absurdité. Considérer comment le Seigneur désire surnaturaliser la dévotion qui s'adresse aux formes : d'ordinaire, il opère ses œuvres merveilleuses et accorde ses grâces signalées, par l'intermédiaire de certaines images dont la sculpture ou la peinture laisse beaucoup à désirer, et n'offre aucun aliment à la curiosité ; et cela afin d'empêcher les fidèles d'attribuer ces prodiges à l'art et à la richesse de l'image.

Notre-Seigneur choisit encore des images placées à l'écart dans des lieux solitaires, pour manifester sa puissance. D'une part, la dévotion des fidèles s'augmente par la peine qu'ils ont à s'y rendre, et donne à leur acte un double mérite ; de l'autre, ils s'éloignent du bruit et du tumulte pour prier à l'exemple du divin Maître. Aussi j'approuve fort celui qui, pour ne pas se joindre à la foule des pèlerins, entreprend des pèlerinages en dehors de l'époque fixée. Quand les multitudes s'y pressent, jamais je ne lui conseillerais de s'y mêler ; on risque d'en revenir plus distrait qu'on n'y est allé, et beaucoup, dans le nombre, font ces voyages par mode de récréation plutôt que par dévotion. Or, si la foi et la dévotion en sont bannies, l'image toute seule sera-t-elle capable de vous rapporter aucun bien ! Quelle sublime et vivante image n'était pas notre adorable Sauveur en sa vie mortelle ? Et cependant, ceux qui n'avaient pas la foi, bien qu'ils vécussent en sa sainte compagnie, et contemplassent sans cesse ses œuvres incomparables, ne profitaient aucunement de sa divine présence. C'est pourquoi l’Évangéliste saint Luc nous assure que sa patrie ne connut pas les merveilles qu'il opéra en d'autres lieux.

Il peut se faire que Dieu communique une impression spirituelle toute spéciale, par la vue de certaines images, dont les traits restent profondément gravés dans l'esprit, et demeurent toujours comme présents. Leur simple souvenir renouvelle, avec plus ou moins d'intensité, la même ferveur qu'elles firent éprouver la première fois ; tandis qu'une autre image, fût-elle d'un travail supérieur, ne procurerait pas un semblable fruit spirituel.

La dévotion se porte encore sur telle ou telle forme d'images ; et souvent cet attrait naît d'une sympathie naturelle, comme on préfère le visage de telle personne à celui de telle autre, parce qu'il est plus sympathique, bien que les traits en soient peut-être moins beaux. On lui porte une affection toute naturelle, et son souvenir reste fidèlement empreint dans la mémoire. Ainsi l'amour de préférence pour telle ou telle image, loin d'être de la dévotion, n'est en vérité qu'un penchant tout naturel.

D'autres fois en regardant une image, on croira la voir remuer, changer d'expression, faire des signes, donner à entendre certaines choses ou même parler. Ces phénomènes, ainsi que les effets surnaturels dont il est question ici au sujet des images, sont très souvent bons et réels. Dieu les opère soit pour augmenter la dévotion, soit pour procurer à l'âme faible un appui, qui l'aide à avancer dans le chemin de la perfection, un but, qui fixe son esprit au milieu de ses innombrables distractions. Mais plus d'une fois aussi, le démon est l'instigateur de ces prodiges, dont il se sert pour tromper les âmes et leur nuire. Le chapitre suivant nous donnera sur tous ces points la vraie doctrine.


Vie et œuvres spirituelles de Saint Jean de la Croix - tome III, p. 179 :

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Biens qui produisent la dévotion : les  images, les portraits des saints, les oratoires et  les cérémonies religieuses Empty Comment on doit diriger vers Dieu le plaisir que la volonté trouve dans les saintes images, ..

Message  Roger Boivin Mar 05 Fév 2013, 10:51 pm



CHAPITRE XXXVI.



Comment on doit diriger vers Dieu le plaisir que la volonté trouve dans les saintes images, de manière qu'elles ne soient pas pour elle un sujet d'erreur ni un obstacle.




Les images sont, il est vrai, d'un grand secours pour nous rappeler le souvenir de Dieu et des saints, et pour porter notre volonté à la dévotion, si nous en usons comme il convient. Au contraire, elles peuvent être la source d'innombrables erreurs, si l'âme ne sait pas se servir des effets surnaturels dont elles sont l'occasion, pour aller à Dieu. Elles sont, en effet, l'un des principaux moyens dont l'esprit de mensonge se sert pour surprendre les âmes imprudentes, et les entraver dans le véritable chemin de la vie spirituelle. Il se plaît à faire apparaître des choses extraordinaires, tantôt dans les images matérielles et corporelles dont la sainte Église approuve l'usage, tantôt par les représentations intérieures qu'il sait graver dans l'imagination, sous l'apparence de tel saint ou de son image. Cet astucieux ennemi du genre humain se transforme en Ange de lumière, et emploie, pour nous égarer, les moyens mêmes qui nous sont donnés pour remédier à nos faiblesses ; il se dissimule de la sorte pour mieux surprendre notre crédulité.

Une âme droite se tiendra toujours sur la réserve, même dans le bien , le mal portant en lui-même son cachet distinctif ; car, dans l'un ou l'autre cas, elle est exposée aux dangers signalés plus haut : d'être arrêtée dans son essor vers Dieu, de se servir des images d'une manière imprudente et grossière, ou de se voir entraînée dans une voie illusoire. Donc, pour recueillir les avantages opposés, il faut purifier la volonté de la joie que les images lui procurent, afin de savoir diriger par elles l'âme vers Dieu ; ce qui est le but exclusif de l’Église.

Je vais donner ici un avis qui répondra à tout. Puisque les images nous servent d'échelons pour nous élever aux choses invisibles, il faut nécessairement que l'affection et la joie de la volonté se reposent exclusivement sur l'objet invisible dont elles sont la représentation. Le fidèle ne doit pas chercher un aliment à la satisfaction des sens dans une image, fût-elle corporelle ou imaginaire, d'un beau travail ou richement ornée, capable d'inspirer une dévotion sensible ou spirituelle. Il faut traverser ces accessoires sans en tenir aucun compte, et se borner à donner à l'image les marques de vénération prescrites par l’Église. Il suffit de porter sa pensée vers le souvenir qu'elle éveille, et de concentrer la ferveur de l'esprit et la force de la volonté en Dieu, ou dans le Saint que l'on invoque, car ce doit être là le terme de toute dévotion et de toute prière. D'après cette doctrine, l'impression sensible ne devant jamais avoir la prééminence sur ce qu'il y a de réel et de spirituel dans le culte des images et des tableaux religieux, rien n'empêche plus l'esprit et les sens de s'élever librement vers Dieu. L'influence surnaturelle qui motivait la dévotion, sera doublée lorsque l'amour tendra directement à Dieu sans obstacle. Au reste, toutes les fois que Dieu accorde ces grâces et d'autres semblables, il se propose d'élever nos sentiments et nos goûts vers l'invisible ; et il veut que nous tendions sans cesse au même but. Nous l'atteindrons à la condition d'amortir la force et la vigueur des puissances de l'âme, à l'égard de toutes les choses visibles et sensibles.


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Biens qui produisent la dévotion : les  images, les portraits des saints, les oratoires et  les cérémonies religieuses Empty Suite du même sujet sur les choses qui motivent la dévotion. Des oratoires et des autres lieux consacrés à la prière.

Message  Roger Boivin Mar 05 Fév 2013, 10:55 pm


CHAPITRE XXXVII.


Suite du même sujet sur les choses qui motivent la dévotion. Des oratoires et des autres lieux consacrés à la prière.


Il me semble avoir déjà fait comprendre dans combien d'imperfections l'homme spirituel peut tomber, s'il s'arrête aux accessoires des images ; et comment dans ce cas il court peut-être encore plus de dangers que dans l'attachement aux autres biens corporels et temporels. Je dis peut-être plus de dangers, car sous prétexte que ce sont des choses saintes, il se croit en sûreté, redoute moins l'attrait naturel de la propriété. Aussi se trompe-t-il bien souvent : vient-il à ressentir un goût prononcé pour les objets pieux, il s'imagine être rempli de dévotion, et la plupart du temps ce n'est là qu'une tendance et une inclination toute naturelle, qu'il porte sur cet objet comme il les porterait sur autre chose.

Commençons à parler des oratoires. Certaines personnes multiplient à l'infini les images, pour rehausser la beauté de leur oratoire ; elles cherchent à charmer les regards par la symétrie et l'éclat de l'ornementation. Une pareille conduite prouve-t-elle un plus grand amour de Dieu ? Bien au contraire, l'amour diminue à mesure que la volonté se complaît dans les somptuosités et les peintures, qui détournent l'application de l'objet réel et invisible. Oh ! sans doute, tout ce qu'on peut déployer d'ordre, de parures et de marques d'honneur autour des images, est encore fort peu de chose comparativement à ce qu'elles méritent ; aussi ceux qui les conservent avec peu de vénération et de respect méritent-ils d'être repris avec sévérité. Nous rangeons dans ce nombre les sculpteurs et les peintres qui, au lieu de favoriser la dévotion, vous l'enlèvent par leur travail grossier et imparfait ; à mon avis, on devrait interdire, à ces ouvriers maladroits et ignorants, l'exercice de leur art.

Mais quel rapport y a-t-il, je vous le demande, entre ce culte rendu aux images et l'esprit de propriété, l'attache, le goût que vous placez dans ce luxe et cette ostentation ? Cette amorce ne captive-t-elle pas vos sens au point d'entraver votre ascension vers Dieu, de vous empêcher de l'aimer et d'oublier tout le reste pour son amour ? Si vous sacrifiez ce devoir à votre attrait, non seulement le Seigneur n'agréera pas tous vos soins, mais il vous châtiera pour n'avoir pas préféré en ceci, comme en toutes choses, son bon plaisir au vôtre.

Le récit de l'entrée triomphale de Notre-Seigneur à Jérusalem vient à l'appui de ce que nous disons. Tandis que le peuple le recevait avec des palmes et au milieu des chants, le divin Rédempteur pleurait. Ce qui faisait le sujet de ses larmes, c'était de distinguer dans cette foule tant de cœurs éloignés de lui, et qui croyaient acquitter leur dette de reconnaissance par ces signes et ces démonstrations extérieures. Ils justifiaient ainsi la parole de nos Livres Saints : Ce peuple m'honore des lèvres ; mais son cœur est loin de moi. C'étaient eux-mêmes et non pas le Seigneur que fêtaient ces Juifs ingrats.

N'est-ce pas là ce qui se passe souvent de nos jours, lorsqu'on célèbre quelque solennité ? On y voit accourir les multitudes ; néanmoins le plus grand nombre s'y porte, non pas en vue de la gloire de Dieu, mais pour le plaisir de voir, d'être vu, de faire bonne chère, ou encore pour d'autres motifs de respect humain. Des tendances et des intentions si grossières déplaisent au Seigneur, surtout si on mêle à ces fêtes des choses profanes et ridicules, propres à exciter la critique des assistants et à les distraire. D'autres personnes cherchent à déployer la magnificence de leurs décorations, plutôt dans le but de plaire et d'attirer les regards, que pour inspirer la piété. Et que dire de tant d'autres vues intéressées qu'on apporte à ces assemblées ? Ces gens-là ont l’œil de la convoitise bien plus ouvert sur leur propre gain que sur les intérêts du Seigneur. Ils n'ignorent pas le manque de droiture de leur conduite, et Dieu, qui les voit, le connaît mieux encore.

Quoi qu'il en soit de la diversité des intentions, de tels abus prouvent bien qu'ils se fêtent eux-mêmes, plutôt qu'ils ne fêtent Dieu. Ce que l'on fait pour sa propre satisfaction ou pour plaire au monde, Dieu ne le regarde pas comme fait à lui-même. Parmi ceux qui se sont réjouis de participer aux pieuses solennités, beaucoup auront attiré la juste colère du Seigneur ; comme il arriva aux enfants d'Israël qui chantaient et dansaient autour de leur idole. Ils se flattaient d'honorer ainsi le Tout-Puissant ; mais ils ne réussirent qu'à provoquer son indignation, et plusieurs milliers d'entre eux furent exterminés. Les prêtres Nadab et Abiu, fils d'Aaron, qui offraient à Dieu un feu étranger, furent frappés de mort, les encensoirs en main. De même encore celui qui entra dans la salle du festin, sans être revêtu de la robe nuptiale, fut, par l'ordre du roi, jeté pieds et mains liés dans les ténèbres extérieures, Ces divers châtiments nous montrent jusqu'à quel point Dieu s'irrite contre les irrévérences commises dans les réunions établies en son honneur.

Seigneur, mon Dieu, que de fêtes vous font les enfants des hommes où le démon a sa part, et où vous ne trouvez pas la vôtre ! Combien ce malin esprit se sent à l'aise dans de pareilles solennités, où, semblable à un avide marchand, il recueille avec une ruse infernale d'immenses profits ! Que de fois, Seigneur, pourriez-vous dire dans ces occasions : Ce peuple m'honore des lèvres ; mais son cœur est loin de moi, c'est-à-dire son culte est dénué de fondement. Dieu veut être servi pour lui-même et pour ses perfections infinies, et ne saurait permettre qu'on y mêle d'autres fins indignes de lui.

Mais revenons à notre sujet. Il est des personnes qui, dans la décoration de leur oratoire, cherchent à flatter leur goût plutôt qu'à honorer Dieu. D'autres tombent dans un excès contraire, et ne prennent pas plus de soin de ces lieux consacrés à Dieu que d'un lieu profane ; parfois même leur sollicitude se porte avec plus d'empressement sur les choses profanes que sur les choses divines. Passons outre pour le moment, et adressons-nous à ceux qui filent plus fin, comme dit le proverbe, je veux parler des personnes qui se disent dévotes. Beaucoup parmi elles se préoccupent tellement de contenter leurs inclinations naturelles, qu'elles dépensent à décorer leur oratoire, les longues heures réclamées par l'oraison et le recueillement intérieur. Elles gaspillent le temps dans ces occupations distrayantes, sans réfléchir que cette attention les distrait autant que les autres soins temporels. La recherche de leur propre agrément sera toujours une source d'inquiétudes, tant qu'elles n'useront pas seulement de ces accessoires comme d'un moyen propre à favoriser le recueillement et la paix, et le jour où l'on voudrait les en priver, le chagrin et le trouble s'empareraient de leur cœur.


Vie et œuvres spirituelles de Saint Jean de la Croix - tome III, p. 194 :

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Biens qui produisent la dévotion : les  images, les portraits des saints, les oratoires et  les cérémonies religieuses Empty Comment on doit se servir des églises et des oratoires pour élever son esprit à Dieu.

Message  Roger Boivin Mer 06 Fév 2013, 8:19 pm


CHAPITRE XXXVIII.


Comment on doit se servir des églises et des oratoires pour élever son esprit à Dieu.


Le but des lieux consacrés à la prière est de conduire l'âme à Dieu. Hâtons-nous de le dire, il est très permis, et même utile aux commençants, d'éprouver un attrait, un goût sensible pour les images, les oratoires et les autres objets de piété. Ils n'ont pas perdu le goût des choses du siècle, et leur âme n'étant pas encore assez mortifiée, cette jouissance sensible leur est indispensable pour les détacher des plaisirs d'ici-bas. Ainsi en est-il de l'enfant, à qui on présente un objet avant de lui retirer celui qu'il tient, afin de le distraire et de l'empêcher de pleurer, s'il se voyait les mains vides. Toutefois, après ces premiers pas dans la perfection, il faut rejeter avec courage les plaisirs et les joies dans lesquels l'âme trouvait sa satisfaction. L'homme vraiment spirituel est fort peu touché par les objets extérieurs, il s'adonne de préférence au recueillement et à l'entretien intime avec Dieu. S'il fait usage des tableaux et des oratoires, ce n'est qu'en passant ; son esprit s'absorbe aussitôt en Dieu, et oublie tout ce qui l'entoure.

Les endroits les plus décents conviennent mieux à la prière, je ne le conteste pas ; mais, malgré tout, on doit choisir de préférence ceux qui captivent moins les sens, et où le cœur est plus libre pour prendre son essor vers Dieu. On peut appliquer à ce sujet la réponse de notre adorable Sauveur à la Samaritaine, qui lui demandait quel était, du temple ou de la montagne, le lieu le plus favorable à la prière. Il lui fut dit que la qualité de la véritable oraison était indépendante des limites de tel ou tel endroit : Le temps vient, et il est déjà venu, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité : car ce sont là les adorateurs que le Père cherche. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité . Sans doute les églises et les oratoires sont exclusivement destinés à la prière, et sont propres à favoriser cet exercice ; cependant pour le commerce intime de l'âme avec Dieu, dans l'oraison, il faut donner la préférence au lieu qui peut le moins occuper les sens. Certaines personnes ont tort de choisir des endroits agréables et flatteurs pour la nature ; il est à craindre que loin d'y trouver un motif de recueillement, les sens ne s'y récréent dans une vaine complaisance. Au contraire, un site solitaire et d'un aspect austère facilite l'oraison ; l'esprit n'étant plus retenu et borné par les choses visibles, monte d'un vol plus sûr et plus direct vers Dieu. Enfin, si les objets extérieurs aident parfois l'esprit à s'élever, c'est à la condition qu'il les oublie aussitôt pour se fixer en Dieu.

Notre divin Sauveur, qui doit être notre premier modèle, choisissait habituellement pour prier les lieux solitaires, qui favorisent l'ascension de l'âme vers son Créateur, sans donner prise à la satisfaction des sens. Telles sont les montagnes, qui se dressant majestueuses au-dessus de la terre et étant le plus souvent dénudées, n'offrent à la partie sensitive aucune récréation. Ainsi le vrai spirituel ne songe qu'à se procurer le recueillement intérieur, par l'oubli de tout le reste. Il préfère, pour atteindre son but, l'endroit le plus dépourvu des charmes capables d'impressionner les sens, et s'il refuse son attention aux objets extérieurs, c'est afin de pouvoir s'entretenir seul à seul avec son Dieu, dans l'isolement de toutes les créatures.

Je m'étonne vraiment de voir des personnes pieuses, dont l'unique occupation est de parer leurs oratoires, et de disposer les lieux de prière selon leur goût et leur caprice. Elles ne se mettent guère en peine de se recueillir, ce qui néanmoins est la chose la plus importante. Aussi n'ont-elles pas d'esprit intérieur, car si elles en avaient tant soit peu, loin de trouver leur jouissance dans ces occupations minutieuses, elles en ressentiraient au contraire une réelle fatigue.

Vie et œuvres spirituelles de Saint Jean de la Croix - tome III, p. 201 :

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Message  Roger Boivin Mer 06 Fév 2013, 10:37 pm


CHAPITRE XXXIX.


Sur le moyen d'acheminer l'esprit au recueillement intérieur, par l'usage des choses dont il est question. - Suite.


Il y a des âmes qui jamais ne parviennent à entrer dans les véritables joies de l'esprit, parce que jamais elles ne retranchent définitivement à leur appétit, la jouissance immodérée des objets extérieurs et sensibles. Que ces âmes ne l'oublient pas : si les temples et les oratoires matériels sont des lieux consacrés d'une manière spéciale à la prière, et si l'image est l'objet qui ravive la ferveur, ce n'est pas à dire qu'il faille diviser les forces de la dévotion sur les sanctuaires, ou sur les tableaux dont ils sont ornés. L'important est de ne point négliger la prière dans le temple vivant, c'est-à-dire le recueillement intérieur dont l'Apôtre saint Paul nous dit : Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que son Esprit habite en vous ? Et le Christ nous l'assure en ces termes par saint Luc : Le royaume de Dieu est au dedans de vous. Ces paroles nous rappellent l'admirable réponse de Notre-Seigneur à la Samaritaine : Il faut que ceux qui adorent Dieu, l'adorent en esprit et en vérité.

Dieu estime fort peu vos oratoires et vos lieux de prière, où le luxe déborde, si en y mettant votre jouissance et votre satisfaction, vous perdez une parcelle du dénûment intérieur, ou de la pauvreté d'esprit, acquise à force d'actes de renoncement à toutes les choses que vous pouvez posséder. Si vous voulez que la volonté, purifiée de la joie et de la complaisance frivoles, qu'elle puise dans les objets extérieurs, s'élève libre vers Dieu à l'heure de la prière, votre unique soin doit être de conserver votre conscience pure, et de fixer toutes les aspirations de votre esprit et de votre cœur en Dieu. A cette fin, choisissez le lieu le plus écarté, le plus solitaire que vous pourrez trouver, et appliquez l'attrait et la joie de votre volonté à louer Dieu et à invoquer son saint Nom. Quant à ces petites douceurs, à ces mille jouissances extérieures, n'y faites pas attention et passez outre généreusement. Car si l'âme s'accoutume à savourer la dévotion sensible, jamais elle ne parviendra à goûter, à la faveur du recueillement intérieur, le suc des délices spirituelles qui se trouve dans la nudité de l'esprit.

Vie et œuvres spirituelles de Saint Jean de la Croix, tome III, p. 205 :

http://archive.org/stream/vieetoeuvresspir03john#page/204/mode/2up

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Biens qui produisent la dévotion : les  images, les portraits des saints, les oratoires et  les cérémonies religieuses Empty Re: Biens qui produisent la dévotion : les images, les portraits des saints, les oratoires et les cérémonies religieuses

Message  Roger Boivin Jeu 07 Fév 2013, 1:01 pm



Vie et œuvres spirituelles de Saint Jean de la Croix - traduction nouvelle faite sur l'édition de Séville de 1702 ; publiée par les soins des Carmélites de Paris ; préface par Père Chocarne - 1892 - (open library) :

- tome premier :
http://www.archive.org/stream/vieetoeuvresspir01john#page/n11/mode/2up


- tome IIième :
http://www.archive.org/stream/vieetoeuvresspir02john#page/n11/mode/2up


- tome IIIième :
http://www.archive.org/stream/vieetoeuvresspir03john#page/n9/mode/2up


- tome IVième
http://www.archive.org/stream/vieetoeuvresspir04john#page/n9/mode/2up

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