De l'obéissance (Saint Alphonse-Marie de Liguori, Docteur de l'Eglise)

15. Le moyen le plus sûr pour connaitre ce que Dieu veut de nous, c'est d'obéir à nos supérieurs et directeurs.
La volonté de Dieu, disait saint Vincent de Paul, ne s'exécute jamais mieux que lorsqu'on obéit à ses supérieurs, conformément à ce que dit l'Esprit-Saint ; Dieu agrée davantage le sacrifice de notre propre volonté soumise à l'obéissance, que tous les autres, car dans les aumônes, les austérités, les macérations, nous donnons à Dieu ce qui nous appartient ; mais en lui consacrant notre volonté, nous lui donnons tout nous-mêmes.
Dans nos biens et nos mortifications il ne reçoit qu'une partie d'un tout, mais dans notre volonté il reçoit ce tout lui-même.
Ainsi, quand nous disons à Dieu : Seigneur, faites-moi connaitre par le moyen de l'obéissance tout ce que vous voulez de moi, je suis prêt à le faire, il ne nous reste plus rien à lui offrir.

16. Celui donc qui s'est dévoué à l'obéissance, doit se détacher en tout de sa propre opinion.
Que chacun ait ses opinions particulières, dit saint François de Sales, cela n'est point contraire à la vertu ; ce qui lui est contraire, c'est d'être attaché à ces mêmes opinions.
Mais, hélas ! rien n'est plus difficile que de s'en détacher. Le nombre de ceux qui se donnent tout à Dieu est petit, parce que, il y en a peu qui se soumettent entièrement à l'obéissance.
Il y a des personnes tellement attachées à leur propre volonté, que lorsqu'elles doivent agir par obéissance, quand même la chose serait de leur goût ; parce que c'est l'obéissance qui la leur impose, elle leur devient amère et difficile, parce qu'elles n'aiment qu'à faire leurs propres volontés.
Mais ce n'est pas ainsi que font les Saints : ils ne sont tranquilles qu'autant qu'ils obéissent.
Sainte Jeanne de Chantal dit un jour à ses religieuses de faire ce jour-là tout ce qu'il leur plairait. Mais le soir elles allèrent la prier instamment de ne plus leur donner une pareille liberté , parce qu'elles n'avaient jamais éprouvé autant d'ennui.

17. C'est une erreur de croire qu'il y ait des actions plus méritoires que celles qui sont faites en vertu de l'obéissance.
Saint François de Sales dit que de laisser ce que l'obéissance prescrit pour s'unir à Dieu par l'oraison, la lecture, ou le recueillement, c'est se retirer de Dieu pour s'unir à son amour-propre.
Sainte Thérèse ajoute que celui qui fait une œuvre bonne à la vérité, mais contraire à l'obéissance, agit certainement par l'instigation du démon, et non par une inspiration de Dieu, comme il s'en flatte peut- être ; car, dit la Sainte, les inspirations de Dieu sont toujours d'accord avec l'obéissance. C'est pourquoi tout ce que Dieu demande d'une âme déterminée à l'aimer, c'est qu'elle obéisse.

Une œuvre faite en vertu de l'obéissance est meilleure, dit le P. Rodriguez, que toute autre œuvre imaginable : il vaut mieux lever de terre une paille par obéissance, que de faire une longue méditation et une discipline sanglante, par sa propre volonté.
Sainte Marie-Madeleine de Pazzi disait qu'elle aimait mieux exercer l'obéissance, que d'être en oraison, parce que dans l'obéissance, disait-elle, je suis assurée de la volonté de Dieu, au lieu que je ne le suis pas dans toute autre occupation.
Tous les maîtres de la vie spirituelle enseignent qu'il vaut mieux omettre quelque exercice de dévotion par obéissance, que de s'y livrer sans l'obéissance.
La sainte Vierge révéla à sainte Brigitte que celui qui, par obéissance, omet une mortification a un double mérite : celui de la mortification qu'il voulait faire, et celui de l'obéissance qui la lui fait omettre.
Le célèbre François Arias alla un jour rendre visite au vénérable Père Jean d'Avila son ami, et le trouvant pensif et triste, il lui en demanda la cause. Que vous êtes heureux, lui répondit alors ce Père, vous qui vivez sous l'obéissance, et qui êtes sûr de faire la volonté de Dieu. Pour moi, je ne sais si la volonté de Dieu est que j'aille de village en village annoncer la parole de Dieu, ou que je me tienne au confessionnal pour entendre ceux qui se présentent.
Mais celui qui vit sous l'obéissance est sûr de faire en tout la volonté de Dieu, et même ce qu'il y a du plus agréable à Dieu, quoi de plus consolant?

18. Pour que l'obéissance soit parfaite, il faut qu'elle renferme la volonté, et le jugement ; quant à la volonté, il faut obéir de bon cœur, et non par force, comme les esclaves : quant au jugement, il faut le conformer à celui du Supérieur, et ne point examiner comment et pourquoi il nous commande. Voilà pourquoi sainte Marie-Madeleine disait que la parfaite obéissance demande une âme sans jugement. Saint Philippe de Néri disait aussi que, pour bien obéir, il faut faire sans raisonner ce que l'obéissance impose, vu qu'il est certain que la chose commandée est la plus parfaite que nous puissions faire, quand même la contraire serait meilleure devant Dieu.

Benjamin a écrit:

Guillaume, cela ne sert à rien de reposter des fils qui ont été supprimés par la modération.

19. Il en est de même des séculiers par rapport à l'obéissance envers leurs pères spirituels.
Il est bon qu'ils reçoivent de lui des règles pour leurs affaires spirituelles et temporelles ; par là ils feront toujours ce qui sera le mieux.
Saint Philippe de Néri disait : Ceux qui veulent s'avancer dans les voies de Dieu, doivent se confiera un confesseur éclairé, et lui obéir comme à Dieu; en faisant ainsi, ils sont sûrs de ne point rendre compte de leurs actions au Seigneur.
Il faut croire le confesseur, parce que Dieu ne permettra pas qu'il se trompe : rien ne déconcerte davantage les artifices du démon, que de suivre la volonté d'autrui pour le bien ; rien au contraire n'est plus dangereux que de se conduire par soi-même.
Saint François de Sales, parlant aussi de la direction du père spirituel pour marcher avec sûreté dans les voies de Dieu, dit que c'est là le meilleur de tous les moyens qu'on puisse conseiller. Cherchez tant que vous voudrez, dit le vénérable P. Avila, vous ne trouverez jamais si sûrement la volonté de Dieu que par le moyen de cette humble obéissance tant recommandée et si bien pratiquée par les premiers maître de la vie spirituelle.
La même chose est enseignée par saint Bernard, saint Bernardin de Sienne, saint Antonin, saint Jean de la Croix, sainte Thérèse, Gerson, et par tous les Théologiens.
Saint Jean de la Croix va jusqu'à dire que c'est presque douter de la foi que de ne pas se rendre à ce que dit le confesseur; c'est orgueil et manque de foi.
Ainsi, parmi les maximes de saint François de Sales, les deux suivantes sont propres à consoler les âmes scrupuleuses :
1° Un véritable obéissant ne s'est jamais perdu.
2° Il faut se contenter de savoir de son père spirituel qu'on est dans la bonne voie, sans s'informer du comment.